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Yves Lequin LA CLASSE OUVRIERE FRANCAISE AU DEBUT DES ANNEES 1880 Lihistoire du mutuellisme, comme celle de tout mouvement dorigine ouvriére, # souvent détourné Je regard d'une réalité qui n’explique pas tout — puisque toute organisation est projet — mais sens laquelle on ne peut rien expliquer, c'est a-dire In situation méme de la classe ouvritre. Immense sujet, méme si ’on commence A peine a savoir ce qu’ellea réllement été et s'il n'est pes des domaines od le renow vellement de Phistoriographic a été plus rapide ces dernitres années. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans le détil, qui nous entretnerait trop loin, Et cet article veut conserver Ie caracttre dexposé qu'il « eu pendant le colloque de Lyon, demeurer ausssi au niveau des grandes lignes pour ne pas se barder d'une érudition qui é'in- téresserait que les spécialistes. Une analyse qui demeure cependant nécesssire, tant ls tentation est grande de penser qu'un ouvrier de 1883 est déja un ouvrier tel qu'on peut Pappréhender dans les années 1980, Au-dela dune définition théorique dans tun systéme de production qué trace bien la continuité, il n’en reste pas moins, qu’a Pépoque de la civilisetion industrielle, un sigcle constitue une trts longue période, ct quill feut se garder du pidge des mots et de tomber dans un certain anachro- nisme : pour avoir deja trois-quarts de sitcle existence, la classe ouvridre fran- aise tient encore un place modeste dans la société et sa composition refléte état @Pune économie nationale qui avance fentement dans la voie de Vindustralisaeion Pourtant, dans les années 1880, la France, tla classe cuvrlére avec elle sortent — ct il faut insister sur le mot « sortent » — d'une période de modernisation rapide, {tel point que, longtemps, on a vu dans les deux décennies du Second Empire, plus quelques autres années, la période de la « revolution industrielle 3 ce qu’on appelle plut6e depuis les années 1950 le « décollage ». Pendant un quart de sicle, toutes les courbes de production, physique ou en valeur, sont a une hausse rapide C'est Pépanouissement de la production charbonniére et sidérurgigue, qui signe 4a modemisation, 'apogée — au debut — du bassin de la Loire, Pessor rapide de Yoss Leguin est professeur d’histoire contemporaine 4 PUniversieé Lyon It a ceux du Nord et du Pas-de-Calais, du pourtour du Massif Central, Une géographic de Vindustrie se met en place, qui ne bougera pas bemcoup att XX siécle puisque, dans le méme temps, le textile se développe — le coton surtout, malgré la crise des années 1860, c'est la guerre civile en Amérique — a la fois autour de ses ples traditionnels et dans de nouvelles zones. Les observateurs da temps sont d'emblée frappés par [a multiplicstion des ouvriers : Villermé par exemple, dés les années 1840, est le premier & décrire ces foules de fernmes et d’enfants qui, & Roubaix. fou A Mulhouse, sont mobilisées par les grandes usines da tissage, D'autre part, voila que natt fa mythologie du Creusot, ville-usine des temps modernes, surgie de rien, des milieu de métallurgistes, et une famille de mates de forge, presti- giewx, les Schneider : vingt ans plus tard, il font encore Pémerveillement des petits voyageurs du Tour de France par dewx enfants, Pourtant Le Creusot, et aussi Mulhouse, constituent l'exception, et cest sans doute ce qui en fait la celébrité, Bn effet, si 'industrie frangaise moltiplie sa production, est encore plus par le développernent ces formes et des secteurstraditionnels que par [a multiplication des usines, Nous voici & Lyon, et & Vessor formidable du vail de la soie — mais depuis Jes années 1830-1840, il ne se fait plus dane la ville, mais dans Pensemble des campagnes environnantes, de plus en plus loin, du Beau: jolais et ctx Lyonnais vers le Dauphiné puis le Savoie et les pays du Bas-RhSne, ‘De méme, dans le Nord, la métropole tricéphale de Lille-Roubeix-Tourcoing bai- ‘gre dans un plav-pays textile dans un rayon ce plusieurs dizaines de kilomézres. Ge n’es: pas seulement par la filature et le tissage que sont entrainées les carpa- nes, mois aussi par la chapellerie, Ie petite métallurgi, etc, En toile de fond, il ne faut pas oublier que agriculture se développe aussi vite, on méme temps, au ‘moins hors des grandes plaines du Bassin parisien. Enfin, ily a la petite entreprise des villes, dont les plus grandes progressent, dans Ia lancée eatrainante de Paris qui, depuis une quarantaine d’sinées dei, domine de loin le dynamisme du réseau urbain francais. A Dijon, & Toulouse, qui passent 8 coté de le « révolution industrielle », Pemploi n’en augmente pas moins dans des branches, le vétement, ls chsussure, Palimentation, et aussi le batiment (comme partout |) avec la progression de le population. Quand le mained’cuvre de tel sec- tour se multiplie, cela ne signifie pas quill « sindustralise », comme on dira plus tard, mais que de nouvelles unités de production — des ateliers, de petites ceatreprises — sont venues s’edditionner & celles qui était déja en place, et sembla- bles en tous points a elles. C’est done par juxtaposition ou addition que s'est faite Ia formation de cette premitre classe ouvritre francaise, du coup fort diverse, Car qu'est-ce qu’un tisseur de la vallée de la Lys ow un passementier de la région de Saint-Etienne ? Un prolétaire, cest-dire celui qui.n’a que ses bres et sa force de travail ? Srement pas, puisgu'l est propriétaire de som métier et tient toute ‘une comptnbilité qui est celle de Pentrepreneur. Un patron ? en apparence, puisqu’il peut méme employer ua ou deux compagnons ; mais de celui il e perdu la con- hnaissance et la maftrise du marché : les canuts Iyonnais se veulent maftres d’eux- memes, mais leur sort dépend des lointeines ventes allemandrs ct américaines, qui sont hots de leur pouvoir. A partir de quel moment le paysan qui se met & tisser devient.il ouvrier, avec toutes les phases intermédiaires qui se calguent sur le par- “ tage du temps entre le métier et le travail de la terre ? D'autant qu'il ya deja, & Ts campagne, des travailleurs de Psidustrie A plein temps, et dans maintes ville, ‘Centres qui sont eussi egriculteurs, eu moins & temps partiel, celui de la moisson. con de Ia vendange. Enfin, qu’est-ce qu'un artisan, quand le métier qu’il pratique put aussi bien prendre place & F'intéricur de Pusine, a Voceasion, que dans Vindé- pendance traditionnelle du secteur ? Ht iln’est pas certein que celle-ci marque une ameélioration: il arrive qu’on se mette ou remette & son compte quand il n'y a plus de travail & Pusine, done de salzire : un forgeron au village, sa place et sa pratique sont claires ; mais a Peris, ou dans une grande ville ? Voila Jean-Baptiste Dumay, expert en boulons, qui va dans les années 1860 de la capitale a la Méditerranée vers les grands chantiers de Le Ciotat, par les ateliers du PLM Oullins, mais aussi avec un arr villageois en Bourgogne, et quelques menus trveux pout Iui sel Si bien que le limites de cete classe ouvrire sont encore mal fixées. Vers le dehors par mille liens, elle couche le trediton agricole et artisanae, celle d’um petit patronat poutétre, Vers le dedans il n'y a pas cofncidence encore (y en aure-til jamais avant 4e 206 siécle et la naissance des travailleurs de Pentretien ?) entre le métier et Ie secteur, le premier vaque parmn les branches, et ily aurat aussi prendre en compte Ja mobilité géographique — pas question de vivre et travailler au pays | plus on 4 de savoirfaire, plas on ressent Vappel du large —; qui joue largement, non pas ‘entee fa ville et la campagne, n'importe laquelle en tout cas, mais entre le noyau une industre, souvent, et sa diaspora du plat-pays jet dans les deux sens : Aimage tun peu curicaturale ce ces fermmes du Bugey venues faire leur dat dans les eteliers Lyonnais, combien s'en reviennent, bfen avant la fin de leur vie, au bout d'une saison, de quelques années, pour reprendre le terre ? Toat un domeine & explorer. Expuisil y a, pour compliquer le tout, fa toile de fond des migrations saisonniéres, entre le montagne et la plaine contigués, mais aussi au long cours, of se coulent Jes premiers apports ’étrangers, & proximité des frontitres. A Ja fin des années 1870 ailleurs, le nomibre global des ouvriers, du moins ceux que l'on tient pour tels, n'a guére augmenté, et un historien, Georges Duveau, s’était meme demandé s'il n'avut pes diminué ; sans doute pas : ce n’est pas A cela que se mesure la muta tion sociale, mais sans doute & Pacctoissement @une mobilté géogrephique et inter- sectorielle avec le développement sirmultané des industries anciennes et des secteurs nouveaux, Hl faut aller chercher ailleurs les contours de Ia condition ouvriére. Diabord, dans une certeine médiocrité matériel, qu’on aurat tort d’exagérer, et surtout de généraliser : Yes niveaux de qualificetion, done de salires sont trop mule tiples pour qu'il n’existe qu'une seule condition ouvritre: cele des tisseurs dé coton, de Rouen ou de Roenne 1a pas grand chose & voir avec celle d'un ajusteur de Gre- nelle ou d'un mécanicien du Crensot ; des uns aux autres, su milieu des années 1870, Véchelle est de 1 43 044. L’epproche royale, cest la comparaison de la courbe des prix ~ assez aise & dresser — et de celle des salaires, moins facile & apprécier dans la mesure of Pon n’a que des taux, et pas des sommes réellements pergues De la fin des années 1840 au miliew des années 1870, les deux sont & la hausse 5 dire que Pune Vemporte sur Pautre est affaire d’sssictte géographique, de situa tions locales ou régionales essez diversifiges, Disons qu’en gros, 'mélioration est ‘moindre du pouvoir d’achat qu’on ne 'avsit cru longtemps ; un peu meilleure si 6

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