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L’air est bon, les rayons du soleil sont chauds. Les trois demoiselles vont à la
pharmacie chercher quelques trucs puis zieutent un peu avant de repartir.
Elles rigolent. Elles ne se doutent pas le moins du monde de se qui est sur le
point de se produire.
À leur retour, la mère est réveillée par sa fille pendant qu’une autre se charge
du téléphone. La réceptionniste semble ne pas comprendre la demande qui
lui est faite et fait répéter inlassablement. La fille de D n’aime pas ça… elle
tourne en rond, commence à vouloir hausser le ton… elle va se planter dans
l’embrasure de porte pour voir si sa mère va se lever…
Les trois filles sortent dehors, laissent les policiers faire, en rageant et en
jurant. Un groupe de jeunes passe; ils ont déjà fréquenté M. Ils ne semblent
pas comprendre pourquoi autant de véhicules de police encombrent le
stationnement. M ne leur laisse pas le temps de poser la question.
Le groupe continue son chemin. Ils ont, pour la plupart, connue D. Aucun
d’eux ne semble plus avoir de regard envers M et sa rage.
Une ambulance arrive enfin, même si tous savent qu’il est déjà trop tard
depuis longtemps. On attache D sur une civière, on la sort, puis on demande
à M de monter dans une des voitures qui escortent l’ambulance. M se
referme sur elle-même. Le policier s’énerve; il tombe sur tous les feux rouges
pendant le trajet.
Le policier reste avec M, même dans la petite salle où elle est envoyée en
attendant. Son oncle arrive, avec sa femme. L’atmosphère est tendue… Deux
médecins entrent.
M prend le téléphone. Elle retourne l’appel à une amie, qui avait téléphoné
juste avant leur départ.
-T’es sérieuse?
Un mois s’est écoulé. Il fait beau. M se rend au cimetière avec son frère plus
jeune, son père et sa femme. Ils vont rejoindre les gens qui ont bien voulu se
présenter pour mettre l’urne en terre. D a un trou mais n’aura pas de pierre
tombale. Personne n’a voulu défrayer les coûts pour indiquer sa présence.
M n’a apprit que beaucoup plus tard que l’idole de D était Ginette Reno. Elle
ne sût qu’après l’incident qu’elle ne voulait pas être incinérée, parce qu’elle
avait peur du feu, désir qui n’a pu s’accomplir, faute de testament et
d’argent. M n’a jamais entendu sa mère lui parler d’une vision qu’elle avait
déjà eue, au sous-sol de la maison familiale, pendue à une poutre du
plafond…
M a découvert la musique, la vraie, celle qui parle avec l’âme et dont les
mots sont le véhicule d’emprunt. Elle a travaillé sur une chanson, en a sortie
une réflexion.
Dix ans après, la douleur est atténuée, mais pas les souvenirs. Beaucoup de
détails se sont effacés, mais pas les images. Depuis quelques semaines, M en
rêve. Elle voit sa mère, elle voit l’endroit où elle a grandie, mais pas
nécessairement en même temps. Elle ignore si tout cela a une signification.
M aimerait l’avoir encore près d’elle. Parce qu’avec les années, on est moins
imbécile. Avec le temps, les relations mères-filles se teintent généralement
d’une belle amitié. M ne connaîtra jamais cette chance. Certes, sont père
s’est marié, mais ce n’est pas pareil. Ce n’est pas elle qui l’a mise au monde,
pas plus qu’elle ne lui a apprit à faire du vélo ou à se laver…
M s’est approprié la chanson sur laquelle elle avait réfléchi. Elle l’a rechantée.
Et elle la chantera encore et encore, jusqu’à sa propre mort…