FICHES
Pratiques
POLITIQUE et COMMUNICATION N° 90 - Juin - Juillet 2007 • ISSN : 1278-6233
de La Lettre du cadre territorial
Olivier Ihl
Directeur de l’Institut des études politiques de
Grenoble, auteur de l’ouvrage « Le vote », (Paris,
Montchrestien, 2000), ce spécialiste analyse la
place des sondages dans la campagne des prési-
dentielles 2007.
Vous parlez d’une campagne « sous perfusion des
sondages ». Pourquoi?
La campagne de 2007 détient le record de sondages
effectués – plus de trois cents contre la moitié moins
en 2002. Autrement dit, c’est une avalanche! Je parle de
perfusion pour évoquer l’excès et parce que s’installe peu à
peu une forme de dépendance, d’addiction à ces sondages
qui viennent, en quelque sorte, trancher le débat par la
mesure. Or, ce système de référence singulier peut vicier
les fondements même de notre démocratie, si les son- Que devrait-on améliorer?
dages ne sont pas maîtrisés par les instituts qui, ne l’ou-
blions pas, restent des entreprises. Quand on publie un
sondage par jour pour mesurer les intentions de vote, cela
n’a plus de sens. Au lendemain
d’un événement, d’une déclara-
tion, un sondage peut s’avérer
Quand on publie
intéressant et utile mais ce un sondage par
recours systématique et fréné-
tique traduit un manque de
jour cela n’a
modération.
Comment expliquer cet engouement?
La crédulité publique a besoin de se raccrocher à des éva-
luations. Ils remplacent les « augures » de la Rome
antique, mais les pratiques sont de l’ordre de l’incantation
et les attentes souvent fébriles. Les enquêtes sur les
intentions de vote – que je distingue des estimations « sor-
tie des urnes » – sont un art, un savoir-faire, pas une pra-
tique scientifique. Le 21 avril 2002 et son résultat
« imprévu » (pas pour tous les observateurs!) ont montré
une confusion entre les intentions de vote et l’acte électo-
ral. Saisir les intentions est certes difficile car la technique
est imparfaite. Mais lorsque s’y ajoute la pression des
commanditaires… La sincérité doit pourtant être préser-
vée: on ne vend pas des savonnettes!
Iriez-vous jusqu’à parler, comme certains 1,
de « manipulation »?
Oui, et la Commission nationale des sondages l’a directe-
ment relevé à propos de deux sondages où François
Bayrou talonnait Ségolène Royal. Les échantillonnages
utilisés posaient problème. Autre souci: les marges d’er-
reur, avec des variations d’un ou deux points sur des
échantillons de moins de 900 personnes. Les instituts ont
Fiches pratiques politique et communication - N° 90 - Juin - juillet 2007 - Mensuel
Prix au numéro : 13 €
LE NEWS
parfois posé des questions sans pertinence logique: inter-
roger les gens sur ce qu’ils feraient si François Bayrou
figurait au second tour relève à tout le moins d’une mala-
dresse lorsque les résultats montrent, au début de la
campagne, une course en tête des deux autres principaux
candidats. On oblige ainsi les gens à réfléchir à des ques-
tions non pertinentes, ce qui amène logiquement à des
réponses qui ne le sont pas plus. Ces sondages cacopho-
niques, baroques, non maîtrisés posent un problème
déontologique. La Commission nationale ne s’est pas
ouverte au milieu universitaire. Elle est une expression
corporatiste plus qu’une autorité indépendante. Or, les
sondages ont aujourd’hui un poids tel qu’il faut s’intéres-
ser à leur confection et aux conditions de leur diffusion.
En 2007, les sondages n’ont pas mesuré le « score » plus
faible de Jean-Marie Le Pen. Pourquoi ne publierait-on
pas les données brutes avec les données corrigées et non
corrigées ? Le taux des non-
réponses devrait être publié eux
aussi. On sait en effet que pour un
homme, il est socialement plus coû-
teux (plus que pour une femme) de
plus de sens dire « je ne sais pas ». Les sondages,
que je différencie des blogs notam-
ment, outils qualitatifs, sont perfectibles. Il faudrait en
réguler la pratique mais aussi se doter d’un organisme de
contrôle indépendant comme cela existe dans d’autres
pays. En tout état de cause, la critique des sondages
constitue un exercice salutaire, une exigence démocra-
tique et scientifique.
Propos recueillis par Bruno Cohen-Bacrie
1. Nicolas Jallot publie, chez Stock, un ouvrage intitulé Manipulation de
l’opinion.
Sommaire Mensuel édité par TERRITORIAL SAS, 58 cours Becquart-
Castelbon, 38500 Voiron, www.territorial.fr • Directeur
éditorial : Claude Mahier (administrateur territorial)
• Directeur de la rédaction : Laurent Thoviste
Les fiches pratiques • Directrice : Maryse Mahier • Directeur de la
• Comment rendre ses publication et représentant légal : Jacques Guy
annonces d’offre d’emploi (président) • Associé principal : Groupe
attractives ? Moniteur Holding • Commission paritaire :
0311T78441 • Dépôt légal : à parution • ISSN :
• Densifier la ville 1278-6233 • Impression : Imprimerie du Pont-de-
Claix, ZAE Les Bauches, 9 chemin de la Plaine, 38460
• Le délit de faux et usage Claix • Vente par abonnement : abonnement admi-
de faux nistratif 6 mois + accès archives web illimité :
70,00 € TTC/6 mois ; abonnement administratif 1 an
• L’usage des moyens publics
+ accès archives web illimité : 134,00 € TTC/an
en période préélectorale :
• abonnement personnel + accès archives web illi-
le matériel (1)
mité: 67,00 € TTC/an ; prélèvement automatique :
5,60 € TTC/mois (sur 12 mois) • Prix de vente au n° :
14 € TTC • Tél. : 04 76 65 93 78 • Fax : 04 76 05 01 63