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1. Définitions
Les généralités des dictionnaires nous donnent : « le roman est particulièrement difficile
à cerner. Il ne connaît pas de règles formelles, ses origines sont floues et discutées, son
objet a évolué avec le temps, sa manière et son ton sont multiples, infiniment
variables ». Il y a donc peu d’acquis, on constate une grande plasticité et une multitude
formelle.
Le seul genre qui est « en perpétuel devenir, et encore inachevé ». Cela pose en
permanence un problème cette liberté de la forme, comme le souligne Marthe Robert
dans Roman des origines et origine du roman : « l’irrégularité du roman, le désordre qui
lui est naturel, son immoralité aussi bien au regard de la tradition qu’au point de vue du
monde social réel, le laissent plus exposé que les genres classiques à cette tutelle morale
sans quoi l’imaginaire paraît toujours trop libre, trop hors la loi pour n’être pas
dangereux. ». L’absence des règles est donc une donnée constitutive du roman. Pour
Mikhaïl Bakhtine, dans l’esthétique et théorie du roman, « le roman parodie les genre, il
les dérange, dénonçant leurs conventions, leurs formes et leur langage convenu,
éliminant les uns, intégrant les autres. »
Le roman peut souvent être considéré come dangereux : il dit tout, sous toutes
les formes. Cela montre la volonté progressive de vouloir exprimer « la totalité du réel ».
Le roman a d’importantes relations avec l’épopée. Il puise dans l’épopée mais aussi dans
la comédie et la tragédie pour exister : « il s’agirait donc d’un moule dont s’est extrait un
être nouveau ».
Ainsi le roman émerge par de multiples interrogations, de manière incertaine, et
sans origine précise.
1. Antiquité du roman ?
Pour P. Grimal, dans Romans grecs et latins, le roman est au contraire partout :
l’odyssée d’Homère est le premier roman d’aventure, et « l’ébauche du roman se voit à
tous les stades du mythe ». Le thème tout puissant du romanesque antique est l’amour
( Cf. Les métamorphoses d’Ovide). Il y a donc dans toute cette période de gestation une
permanence du romanesque.
2. Du mythe au roman
3. Epopée et roman
« roman » signifie d’abord le fait d’effectuer une transposition de n’importe quel type de
texte en langue romaine ou barbare par opposition au latin. Déjà au XIV c’est un terme
péjoratif. Le roman médiéval est issu de la convergence de deux traditions : les chansons
de geste et les historiographies. A l’opposé de l’épopée, le roman ne tire sa vérité que de
la cohérence d’une fiction ».
Il est écrit et publié vers 1615. Le héros, Don Quichotte, « s’élance dans l’aventure pour
transcrire dans le réel ce qu’il a vécu par la lecture des romans de chevalerie ». On a de
manière massive l’utilisation de la parodie du roman de chevalerie. Don quichotte met en
place les problèmes et les données propres au roman : « où donc passe la frontière
entre la raison et la déraison, le normal et le pathologique, l’admissible et l’irrecevable, le
risible et le sérieux ».
Le sujet de Don Quichotte est le roman lui-même dont i évalue la portée et les pouvoirs.
Avec Don Quichotte, le roman prend conscience de ses contradictions.
5 – De l’épopée au Roman
Pour Don Quichotte ( le personnage), le roman de chevalerie, qui relève de l’épopée, est
à la fois « source d’enchantement et objet de foi ».
« DQ affiche par sa foi pour les livres, pour tous les livres, mais en particulier pour ceux
qui, cultivant la veine héroïque, prétendent prendre tout à fait au sérieux nos rêves et
nos désirs d’accomplissements selon lui les plus nobles, les plus dignes d’être honorés et
cultivés. »
Ainsi dans un discours à un chanoine, Don Quichotte montre qu’il mêle la réalité et les
histoires des livres, qu’il confond des personnages historiques avérés et des héros de la
fable. Don Quichotte dit lui-même à propos des livres :
« ils renferment tant d’apparences de vérité, vu qu’ils nous content le père, la mère, la
patrie, les parents, l’âge, le lieu et les exploits (…) que tel chevalier ou tels chevaliers ont
faits. »
Don Q va même jusqu’à affirmer que la Nature imite l’art, que la vie n’est que seconde
par rapport à la fiction. Le Livre est donc un Modèle, il est libérateur, c’est lui qui a fait
DQ ce qu’il est : c’et le livre qui a fait devenir DQ en chevalier vaillant ! Ainsi par Don
Quichotte, Cervantès réunit dans une même œuvre le roman et l’épopée, qui disent de
cette « folle réunion » son amour de la littérature dans son entier.
Le chanoine dans Don Quichotte exhorte celui-ci à chasser les romans de chevalerie, et
pourtant, lors de l’épisode de l’autodafé, il complète son propos en mettant de côté
certains romans de chevaleries et en incitant à un style épique élevé :
« L’écriture décousue de ces livres, s’exclame-t-il, donne lieu à un auteur de se pouvoir
montrer épique, lyrique, tragique, comique (….) la composition épique se peut aussi bien
traiter en prose qu’en vers » éloge du décousu, du mélange des genres et de diversité
de l’écriture !
Ainsi le roman moderne « accompagné par l’épopée antique et par le roman de
chevalerie médiéval, a été porté par le génie de Cervantès sur ses fonds baptismaux
théoriques et pratiques, anticipant hardiment des décennies de recherches et
d’expérimentations »
Ce reproche est d’abord d’ordre esthétique. Il se fonde sur la conception classique d’une
hiérarchie de valeurs artistiques : les Anciens ne l’ayant pratiqué, le roman est comme
nul : Pour Boileau, donc, le roman manque de noblesse et est donc simplement à
« dédaigner ». Boileau reconnaît lui-même avoir lu avec »admiration » ces romans étant
jeune, mais avec le recul, il considère cette lecture indigne. C’est une façon de
reconnaître la séduction « que de tels romans exerçaient sur l’imagination de leurs
lecteurs ».
Il faut que le beau langage soit allié à la vraisemblance et au raisonnable pour avoir de
l’intérêt. Par ailleurs, Boileau critique très fortement la position du roman précieux qui
prend pour habitude de transformer des héros historiques (Jeanne d’Arc) en bergers ou
bourgeois frivoles, ou en amoureux transis.
Les principaux reproches faits au roman sont : « les invraisemblances dans l’action, les
excès dans les caractères, les subtilités quintessenciées de sentiments et d’amphigouris
de langage ». Cette invraisemblance romanesque est causée par leur objet principal
« peint sous les dehors les plus vifs » : l’amour.
3. Le roman, peinture de l’amour
La peinture de l’amour est le deuxième grief porté à l’encontre du roman par les critiques
classiques. Cette peinture « choque les bienséances, offense la pudeur, trouble
l’innocence des jeunes filles » : elle est donc dangereuse parce qu’elle sape l’ordre social.
La première attaque se règle sur l’alliance de l’irréalisme et de l’amoralisme (roman et
non bien séance).
Pourtant, cette attaque semble tout d’abord injustifiée, le courant précieux ayant pour
vocation de représenter les sentiments et les héros « purs de toute complaisance
érotique, plus encore de toute bassesse morale » par opposition aux romans picaresques
ou comiques qui touchent « au bas matériel » : adultères, fornications, tricheries, crimes
n’y sont pas rares. A l’inverse le roman précieux déroule une trame de fond historique
pour « effacer ce qui dans la vie courante provoque scandale et dégoût », et utilise pour
cela « l’invraisemblable vrai ». Le courant précieux refuse « ce qui, chez les autres, d’une
extraction plus basse ou d’une sensibilité moins exquise, relève hélas du vraisemblable et
même souvent du vrai ». il y aurait donc un rapport inversé, dans l’usage de la
vraisemblance et de celui de la bienséance dans le roman précieux : l’invraisemblance
garantit la bienséance, et vice-et-versa pour les romans comiques et picaresques.
Une critique contrebalance néanmoins cette idée : le roman est considéré comme un
genre « égalitaire », qui efface la hiérarchie des genres. Son non-déterminisme formel
est assez souple pour contenir en lui tous les possibles, et il n’est pas nécessaire de
dissocier les genres bas des genres élevés. Par ailleurs, l’amour traité dans les romans
précieux est essentiellement l’amour terrestre : « la lecture des ces romans apparaît
comme un pur divertissement, une activité compensatrice, voire de substitution ». Ainsi,
l’invraisemblance des genres n’aspirent même pas à l’évocation d’un amour spirituel qui
rendrait la moralité au roman. Les bienséances observées ne sont donc
qu’aristocratiques, mondaines. Ainsi les sujets « bas » comme l’amour « d’un fripon et
d’une catin » dans Manon Lescaut, ou encore les sujets plus nobles comme l’amour du
duc de Nemours et de la Princesse de Clèves restent tout deux des romans critiquables
moralement. En effet, le roman dans La princesse de Clèves ne renonce pas à l’amour,
mais il ne le montre plus seulement, mais, en intégrant les contradictions des sentiments
de Madame de Clèves, il développe une pensée de l’amour plus acceptable moralement :
« La princesse de Clèves est donc un triomphe redoublé du roman » à l’encontre des
critiques.
En 1670 il compose son Traité sur l’origine des romans. Il va souligner la noblesse du
genre en rappelant son origine antique, fondée semble-t-il en Orient. Avec Huet, le goût
classique est mis au service du roman. Pour lui, la double naissance du roman se fait par
« la politesse et la rudesse, fruit de la civilisation des Anciens et de la barbarie des
Modernes ». Il développe son propos en considérant que l’inclinaison aux faibles est
« naturelle à l’homme ». Ainsi, le roman développe une catharsis propre à l’homme
particulière : « toutes nos passions s’y trouvent agréablement excitées et calmées ».
Ainsi, le roman peut être le divertissement des « honnêtes paresseux », à partir du
moment où il est sélectionné justement et raisonnablement, parce qu’il relève de
l’imaginaire « de l’humanité ». Ainsi comme sa double naissance, le roman est propre à
une double lecture : celle du simple qui se contente de l’apparence divertissante de la
réalité, et celle de « ceux qui pénètrent plus en avant et recherchent l’excellence de
l’invention et de l’art, (…) connaisseurs de fiction ingénieuse, mystérieuse et
instructive ». Le roman n’est plus un mensonge, il devient une fausseté cachant des
figures de la vérité.
Huet va ainsi faire une définition formelle et théorique du roman : « ce que l’on appelle
Romans sont des fictions d’aventures amoureuses, écrites en prose avec art, pour le
plaisir et l’instruction du lecteur. (…) d’aventures amoureuses, parce que l’amour doit
être le principal sujet du roman. Il faut qu’elles soient écrites en prose (...) et avec art et
sous certaines règles : autrement ce sera un amas confus, sans ordre et sans beauté ».
Huet met en évidence essentielle l’amour dans cette définition du roman : cela montre à
la fois le passage progressif vers un roman plus propre aux « destins personnels » et à la
psychologie (comme on le voit dans La princesse de Clèves), mais c’est aussi un héritage
de la culture antique. Huet détache le « roman régulier » de l’héritage épique : pour lui,
le récit épique est plus merveilleux et propres à illustrer des idées, à l’inverse, le roman
« décrit exactement et fidèlement des circonstances de la vie privée ». Il procède donc à
une définition résolument moderne du genre. Pour parfaire sa définition du roman, il
critique tous les romans qui sont en réalités des fables « des fictions de choses qui n’ont
point été et n’ont pu être, au contraire des romans qui sont des fictions de choses qui ont
pu être » : il accentue ici l’idée de nécessité de vraisemblance du roman.
Par ailleurs, pour Huet, le roman moderne renvoie aux femmes, ou plutôt « aux rapports
qui règnent en France entre les sexes ». Les dames ont consacré toutes leurs études aux
romans, et pour les séduire, les hommes français se sont emparés de cet art. Ainsi, pour
la femme comme pour l’homme, le roman est « un précepteur muet »
Deux ouvrages ont été publiés par lui sous un pseudonyme et sous son vrai nom,
De l’usage des romans (1734)et L’histoire justifiée contre les romans (1735) suite à une
violente charge des jésuites, il a été obligé de rédiger le second pour pouvoir se protéger.
A la différence de Huet, qui est un moine respecté, Lenglet-Dufresnoy est un libertin
reconnu aux temps des lumières. Il est certain que sur de nombreux points, Huet n’aurait
pas été d’accord avec le libertin, néanmoins, Lenglet-Dufresnoy perpétue un engagement
aux côtés du roman qui est dans la droite ligne des arguments de Huet. Lenglet a pour
premier argument novateur de renverser la traditionnelle opposition de l’histoire,
« supposée dire le certain, le vrai » et le roman, «réputé s’égarer dans l’invention,
l’invraisemblable et la fantaisie ». Au contraire, Lenglet dénonce dans le récit d’histoire
« un propos incertain, partiel, fort peu explicatif ». A l’inverse, le roman plus modeste dit
souvent le vrai sans prétendre le dire. Mais l’éventuel chemin en commun avec Huet
s’arrête là : Lenglet ne renie aucun roman, même les ouvrages les plus immoraux et
érotiques, pour « l’authenticité des passions, il défend au contraire le réalisme
romanesque ». Il conçoit le genre comme le plus ouvert possible, reniant une possible
définition des personnages de celui-ci, et administrant une sorte de roman pour chaque
âge : pour l’enfance, des petites histoires et des contes de fées, pour l’adolescence, des
romans instructifs pour brider la passion, pour l’âge adulte, des petites histoires d’amour
pour entretenir «sans les épuiser les feux de l’âge viril » et pour la vieillesse « du sel,
du piquant » ! Ainsi, pour Lenglet, le roman doit « joindre l’utile à l’agréable ».
Dépassant Huet, qui voyait déjà dans le roman l’amour comme sujet principal,
Lenglet voit dans le roman une possible initiation à l’amour, qui est au-dessus de tout
pour lui, libertin. « il est conscient de l’importance des romans dans le monde moderne :
comme les spectacles, ils expriment et libèrent les fantasmes ». Il a compris que le
roman dépasse le simple divertissement frivole et « exprime mieux que toute forme
littéraire les aspirations (…) d’un homme assurément nouveau, revendiquant hautement
l’autonomie de ses désirs ».
Mais il semble que Fielding éprouve cette contradiction qui lui est propre, de
vouloir assimiler un style sérieux et en même temps imiter voire parodier la Nature. Pour
tenter de résoudre cette difficulté, Fielding considère son roman comme proche de
l’historique, parce qu’il cherche à représenter la réalité contemporaine, et donc
abandonner le vers pour la prose.
Ian Watt considère que la fin du XVIIIe voit l’avènement du roman anglais, une sorte de
renaissance qu’il transcrit sous le concept titré par son œuvre The rise of the novel, qui
se fait par le biais de l’apparition du réalisme formel. Le réalisme formel est défini par
Iann Watt comme « l’attitude épistémologique qui sous-tend l’écriture du roman et qui
détermine la correspondance existant entre l’œuvre littéraire et la réalité qu’elle imite. »
Ce n’est plus une question d’objet, mais une question de point de vue, la manière
nouvelle dont cet objet est représenté, d’où son nom de réalisme formel. Le réalisme «
s’appuie sur l’idée selon laquelle la vérité peut être découverte par l’individu au moyen de
ses sens ». Pour cela, le réalisme formel passe par l’étude des données de l’expérience,
l’interrogation du rapport des mots avec la réalité.
Denis Diderot a beaucoup d’admiration pour Richardson, l’un de ses romanciers anglais.
Il va, à l’occasion de son décès, écrire son éloge et par là composer un éloge pour le
roman anglais : ce qui lui plaît, c’est que le lecteur est en quelque sorte forcé de
participer au roman pour déplorer ou apprécier par la morale les évènements. Pour
Diderot, ce qui fait la qualité d’un roman, c’est « l’insistance sur la participation du
lecteur en fonction d’un enjeu moral vivement dramatisé ». Ainsi la lecture devient une
sorte de seconde vie, un lieu véritable de l’expérience. « Aucun hiatus ne vient
s’interposer (...) entre la vie quotidienne appréhendée par les sens et cette autre –la
même- rendue sensible par l’hallucination de la lecture approfondie, intense et plus
authentique ».Diderot dresse ainsi une poétique du réalisme, qui identifie le roman
comme un art volontaire et lucide du mensonge. Cette conception nouvelle du roman
renverse la dialectique du vrai, du faux et du vraisemblable ! Il en fait la définition en
quelque sorte en l’assimilant à ce qu’il nomme le « conte historique » : « celui-ci
propose de vous tromper ; (…) il a pour objet a vérité rigoureuse ; il veut être cru ; il
veut intéresser, toucher, entraîner, émouvoir (…) effets qu’on n’obtient point sans
éloquence et poésie. »
« l’art du mentir vrai s’appuie clairement sur le petit fait vrai » ceci est ce que
Barthes appellera les «effets de réel ». La voie s’ouvre donc pour l’entreprise réaliste et
balzacienne ! Mais Diderot, s’inspirant fortement de Sterne et de son Tristram Shandy,
cherche « à provoquer pis à désamorcer tour à tour l’illusion réaliste et l’émotion qu’elle
rend possible » :
Cf. extrait de Jacques Le fataliste : « que cette aventure ne deviendrait-elle pas entre
mes mains, s’il me prenait en fantaisie de vous désespérer ? (…) Il est bien évident que
je ne fais pas un roman, puisque je néglige ce qu’un romancier ne manquerait pas
d’employer ».
Après DQ, Jacques Le Fataliste est le deuxième grand roman sur le roman. Ce
roman est en fait un anti-roman, il instaure de facto une relation franche entre le lecteur
et le(s) narrateur(s), qui cherche à éviter les facilités du roman et « jouant sur les
couples dont le genre active les tensions : écriture – aventure, lecture – rencontre,
fiction – réflexion, réel – illusion, vérité – mensonge – et entre lesquels il multiplie les
liaisons ». Par ailleurs, en introduisant un personnage qui représente le lecteur, Diderot
réussit à la fois un mélange de l’instantané et de la mise en abyme, grâce à cela, Diderot
met à distance ce que les romanciers tentent de créer : l’art de provoquer l’émotion. Lui
l’analyse et la révèle et ce fait ainsi (pour le plaisir de Riou) un « dénonciateur du mythe ».
Diderot redoute et dénonce par Jacques le Fataliste, par les interventions de l’auteur, les
clins d’œil, les ruptures de ton, le récit à la première personne que beaucoup au XVIII
siècle croyaient authentiques, tels que La vie de Marianne (Marivaux), Justine de Sade,
ou encore les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Ainsi, tout le 18 ème siècle
utilise la proximité du je et du tu pour affirmer l’impression de véracité de la fiction. Les
romans par lettres permettent de mettre en relief l’immédiateté, les états d’âme, qui
rappellent l’origine orale du roman.
« en somme, l’usage du je et du tu (…) garantissent le réalisme du petit fait vrai,
comme ils soutiennent l’analyse psychologique et le réalisme de l’expérience
subjective. » Diderot a bien conscience de cela et le donne à voir par Jacques Le
Fataliste, qui dévoile les traits essentiels du roman de son temps.
1855, en même temps que l’exposition Le réalisme de Courbet, Arsène Houssaye, dans
son manifeste intitulé Du réalisme, écrit : « le réalisme est la peinture vraie des
objets ». Cette affirmation est d’autant plus fondée que c’est la première fois qu’un
véritable courant touche plusieurs arts : « il faut bien admettre que le réalisme, sans
être l’apologie du laid et du mal, a le droit de représenter ce qui existe et ce qu’on voit.
Je réclame le droit qu’ont les miroirs, pour la peinture comme pour la littérature ». Le
réalisme est fondé.
Réalisme vient de « res », la chose, et voit donc la réalité du côté des objets
appréhendés par les sens, de manière matérielle.
Les réalistes disent représenter la littératrice vivante, novatrice et prendre la
relève des classiques et des romantiques.
Il y a des points sensibles de la discussion théorique du réalisme sur le roman et
l’art en général : la relation privilégiée avec le pictural et le visuel ; la question de la
laideur et de l’immoralité. H. Babou, adversaire du réalisme, les caractérise ainsi : «c’est
par l’énumération des détails que les analystes réussissent à donner une idée de
l’ensemble. Ils saisissent sur les objets extérieurs et matériels les reflets des sentiments
et des caractères de leurs personnages ».
Par ailleurs, les adversaires leur reproche leur dégoût supposé pour l’idéal. Ainsi Belloy
affirme-t-il dans l’Artiste : « dans l’art tout est plus ou moins convention. Le trompe-l’œil
ne trompe que les yeux qui consentent à l’être. Les réalistes ne peuvent se conformer à
leur programme (…). L’auteur répugne au sacrifice de la langue populaire mais il faut
qu’il s’y résigne et dès lors il n’est plus réel. Il cherche un compromis, un moyen terme,
un procédé ; il fait de l’art, je suis fâché de le lui dire ».
Un autre reproche fait aux réalistes est leur intérêt pour les personnages
immoraux et bas. Ils ne montrent plus que des voyous, et des filles de joie, et des
classes marginales et on leur attribue volontiers le nom « d’école du laid». Par ailleurs,
dans le style même, on leur reproche d’être « des contempteurs de la grammaire du
beau langage » et de construire leurs phrases essentiellement par coordination et
juxtaposition seulement.
Enfin le dernier défaut, développé assez tard, est celui de l’immoralité qui accable
Emma Bovary : elle, et par elle de manière représentative tout le réalisme sont
l’immoralité faite littérature.
Pour inventer le roman du monde moderne, peut être faut-il dépasser la conception de la
vie comme « un triste drame » mais tenter « de saisir à bras le corps les contradictions
dramatiques qui la constituent ». C’est ce que tentera de faire Balzac.
1. Balzac théoricien
Balzac a beaucoup écrit et réfléchi sur son œuvre, notamment dans l’avant propos de
1842 à la Comédie Humaine. Il dresse une véritable poétique du roman. Il réécrit et
remanie sans cesse ses textes. Pour lui, son œuvre prend un sens par sa globalité, sa
visée d’ensemble, et le titre même le dit : « la Comédie Humaine » tente bien de dire le
monde. Cette pensée du monde par Balzac s’articuler en trois moments : les études de
mœurs, les études philosophiques et les études analytiques : « ainsi, partout j’aurais
donné la vie : au type, en l’individualisant, à l’individu, en le typisant. J’aurais donné de
la pensée au fragment, j’aurais donné à la pensée la vie de l’individu. » Dans cette
volonté gigantesque et gigantale, Balzac fait du roman le genre par excellence qui
synthétise tous les genres nobles du passé, le plus puisant, le plus exact et le plus
critique de tous. Ainsi Balzac se revendique bien du réalisme, mais nouveau : « le roman
est à lui seul le genre qui, en les effaçant, réalise tous les autres. Il ne s‘agit pas de
dépasser la littérature mais de la réinventer ».
« Il a donc existé, il existera de tout temps des Espèces Sociales (avocat, savant,
pauvre, marin, poète) comme il y a des espèces Zoologiques (lion, âne, loup, veau,
brebis). »
Le réalisme balzacien se constitue de la combinaison des caractères disjoints auparavant,
et des manières pratiquées auparavant séparément. Par cette volonté ambitieuse de dire
le monde, Balzac se veut « un adepte de la reproduction rigoureuse, (…) un archéologue
du mobilier social, (…) un peintre plus ou moins fidèle, patient et courageux des types
humains. ».
Pourtant, Balzac ne veut pas se penser simplement en tant qu’observateur
détaché du genre humain : la mission politique complète, couronne et confirme le travail
du savant et l’art de l’écrivain. Avec Balzac, le roman « entre en politique ». Balzac a
besoin d’engagement ! Ce besoin montre ce qu’exprime la préface de La peau de
chagrin : « a mesure que l’homme se civilise, il se suicide ». Ainsi, l’intelligence humaine
en se développant, porte le désordre et le ravage dans l’être individuel comme dans
l’être social : « vouloir détruit, créer tue ».
3. le détail et l’ensemble
4. La théorie du « type »
Balzac en fait la définition dans la préface d’Une ténébreuse affaire en 1842 : « un type
est un personne qui résume en lui-même les traits caractéristiques de tous ceux qui lui
ressemblent plus ou moins, il est leur modèle du genre. Mais que le type soit un de ces
personnages, ce sera alors la condamnation de l’auteur, car son acteur ne serait plus une
invention. »
Ainsi Balzac fait une réelle invention : il crée un type par le biais d’une multitude de
personnages aux points communs mais différents. Là où Molière assimile le type
d’homme plein d’avarice à un seul personnage, Harpagon, Balzac répond par trois
personnages : Grandet, Nucingen, Gobsek. La pluralité donne un réel sens l’idée même
de type en lui conférant une épaisseur. Par ailleurs pour Balzac, les types ne concernent
pas seulement les hommes « mais aussi les évènements principaux de la vie : il y a des
situations qui se présentent dans toutes les existences, des phases typiques, et c’est là
une exactitude que j’ai le plus recherchées ». Son esthétique consiste à « transposer
dans un milieu vrai un fait réel mais invraisemblable, en lui faisant changer de lieu,
d’intérêt, tout en conservant le point de départ politique et de viser à rendre l’impossible
vrai ». Ainsi, non, le roman n’est pas la vie ! Pour Balzac, le « réel écrit » ne se confond
pas avec le réel vécu.
Le type fait sens parce qu’il résume reflète et effectue le sens. En lui s’articule
l’unité de composition, les données dramatiques de l’œuvre et les idées philosophiques
de l’auteur. En cela il est un élément essentiel et central dans la théorie balzacienne du
roman.
1. Du réalisme au naturalisme
En 1879 il devient le théoricien officiel des naturalistes avec son essai Le roman
expérimental. Il définit deux mots d’ordres pour le naturalisme : le retour à la nature et
le modèle scientifique. Là où les réalistes ne font que l’observation de la nature, les
naturalistes, eux, l’expérimente, et vont donc plus, jusqu’à vouloir justifier le roman
d’être une science. Qu’est-ce qu’une expérience scientifique ? « une observation
provoquée dans un but de contrôle ». Ainsi, l’expérimentateur littéraire fait mouvoir les
personnages dans une histoire pour montrer que « la succession des faits y sera telle que
l’exige le déterminisme des phénomènes à l’étude ». Le roman devient un véritable
laboratoire. Ce laboratoire, Zola va le penser comme lieu où se pense le conflit entre la
société et le personnage : « notre grande étude est là, dans le travail réciproque de la
société sur l’individu et de l’individu sur la société ». Mais le naturaliste n’est pas un
simple photographe de la réalité, il choisit les éléments pour dépouiller son personnage
de la vertu héroïque de modèle, et grâce à cette nudité apparente, l’auteur peut vérifier
que le personnage se plie aux lois de la nature. En fait l’attitude naturiste se résume
ainsi : « toute l’opération consiste à prendre les faits dans la nature, puis à étudier le
mécanisme des faits, en agissant sur eux par les modifications des circonstances et des
milieux, sans jamais s’écarter des lois de la nature ». Mais un reproche est fait à Zola : le
romancier peut-il facilement vérifier ses expériences ?
3. la foi positiviste
L’idéal naturaliste repose sur « la loi des trois états » : le sentiment, la raison,
l’expérience, tels sont les trois âges du progrès de l’humanité. Le roman expérimental est
donc « une enquête générale sur la nature et sur l’homme ». Le roman
d’expérimentation est ainsi pensé par les naturalistes pour remplacer le roman
d’imagination. Mais le roman naturaliste se réduit finalement à « une question de
méthode » comme l’affirme Zola. Une autre idée importante pour le naturalisme est
l’association de « ace, milieu, moment », qui reprend les études de Balzac. Zola tente de
combiner l’influence de l’hérédité avec celle du milieu social en une période historique
définie : cette idée se développe dans la série des Rougon-Macquart.
4. la force et la forme
Le but du naturalisme n’est finalement plus seulement d’expérimenter, mais par cette
expérimentation, tenter de trouver le meilleur état social. Les idéaux positivistes et
progressistes de Zola sont un témoignage de la montée en puissance d’un certain usage
idéologique possible de la littérature moderne de fiction. Enfin, quant à la forme, Zola
dénonce la volonté d’un style lyrique et prône un style « fait de logique et de clarté ».
Maupassant en 1887 avec son roman Pierre et Jean invite, après la démesure de Zola, à
une leçon de simplicité. Il aspire, par l’effacement du moi, par l’observation presque
méditative, à dire « l’inexploré » et ce « peu d’inconnu ».
Par ailleurs, Maupassant s’érige en un véritable penseur critique du roman,
foncièrement tolérant comme le rappelle les premières pages de son Etude sur le
roman :
« Or, le critique qui, après Manon Lescaut, Paul et Virginie, Don Quichotte, Les Liaisons
Dangereuses (…) Madame Bovary, Sapho, etc. ose encore écrire « ceci est un roman et
cela n’en est pas un » me paraît doué d’une perspicacité qui ressemble fort à de
l’incompétence ». Maupassant énonce ainsi un droit absolu pour tous les romanciers de
« Victor Hugo comme Monsieur Zola de composer et d’imaginer selon ce que leur dicte
leur tempérament d’artiste ». A contre courant des écoles ayant établies, Maupassant
incite l’écrivain à écrivain selon son bon goût mais « qu’il ne légifère pas à partir de ce
goût ! » Pourvu qu’il cultive le beau, le roman est posé en pratique absolument libre.
Néanmoins, Maupassant choisi e roman réaliste. Son réalisme invite lui aussi à
une réflexion sur la société : il veut montrer comment les intérêts s’affrontent et
comment les esprits se modifient « sous l’influences des circonstances environnantes ».
Ce qui est mis en relief chez Maupassant est la nécessité d’une composition parfaitement
orchestrée, avec de belles transitions, « pour produire la sensation profonde de la vérité
spéciale que l’on veut démontrer ».
6. Illusion, désillusion
Maupassant en vient à la conclusion que les Réalistes devraient plutôt s’appeler des
Illusionnistes parce qu’ils donnent l’illusion complète du vrai. Cette illusion, bien loin de la
critique des classique, est ici au service vrai, elle est « l’agencement supérieur es
données d’une observation souveraine ». Cette illusion est foncièrement subjective : la
grande nouveauté avec Maupassant c’est qu’il définit l’art du roman comme « une
émanation de son tempérament, (…) de sa subjectivité ».
« Nous, les écrivains, dont le corps entier nous donne l’impression d’être une pâte faite
avec des mots, nous sommes saturés d’écriture française ». Il montre ici une sorte
d’admiration sans borne pour le mot et pour le mot français, qui le conduit à l’obsession
de la recherche du mot juste.
Flaubert est à la fois le maître qui a su s’inspirer de Balzac pour parfaire au plus haut
point le type du roman naturaliste notamment à travers Madame Bovary. Mais Flaubert
est aussi le Flaubert du roman historique, Salammbô, mais l est aussi l’auteur des récits
brefs (Trois Contes) ou encore de Bouvard et Pécuchet, « qui s’éloigne de toute forme
connue de roman en déroulant sa rhapsodie dérisoire des savoirs et des pratiques du
temps ».
Dans ces lettres, on voit à quel point Flaubert repose la question de la narration et
du point de vue romanesque. En effet, Flaubert est le premier écrivain moderne au sens
où il est le premier pour qui la littérature et l’écriture est problématique, comme l’écrit G.
Genette dans son Travail sur Flaubert : « Flaubert, on le sait, a vécu la littérature comme
une sorte de difficulté permanente (…) à la fois comme une urgence et une
impossibilité ».
Résolument moderne, Flaubert est aussi le premier à suspendre son récit,
l’histoire, et « le texte se met à exister en quelque sorte tout seul, purement ».
Dans sa lettre à Louise Colet du 16 Janvier 1852 il le formule lui-même :
« Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, (...) qui se
tiendrait de lui-même par la force interne de son style (…). Les œuvres les plus belles
sont celles où il y a le moins de matière ; plus l’expression se rapproche de la pensée,
plus le mot colle dessus et disparaît, plus c’est beau. Je crois que l’avenir de l’Art est
dans ces voies (…) la forme en devenant habile s’atténue (…) elle quitte toute règle toute
mesure (…) elle est libre comme chaque volonté qui la produit ».
Ainsi, à partir de Flaubert et de cette interrogation sur la fiction et sur l’écriture, s’initie
un nouveau mouvement : celui de la crise du roman.
VIII. 20ème siècle : l’ère du soupçon
Valéry n’aime pas à se sentir mystifié, voire rabaissé par une invention sans rigueur : « Il
est facile de saisir un public par un spectacle ou un discours qui va droit à notre
faiblesse, qui torture ou dilate les cœurs, faisant vivre une feinte vie (…) mais cet art est
donc mensonge. »
Pour lui, le soupçon et la méfiance sont essentiels en littérature : la littérature, en
divertissant, en détendant, notamment par le biais du roman, ne réussit pas sa mission,
elle nous trahit. Le roman est l’abus du discours parce qu’il cède aux conventions, qu’il
se compromet avec le réel, avec « l’usage de la vie ». Valéry critique ainsi une
soumission trop forte à l’existence réelle, une représentation trop réussie. Pour Valéry, le
roman est « le futile incontrôlable », il est ce qui se rapproche le plus –paradoxalement-
du rêve.
Gide reprend en partie les idées de Valéry, ils disent tout deux la même chose : ils
cherchent un récit composé de l’infinité des possibles. Gide tente de construire un roman
à partir de cette idée avec Les Faux-Monnayeurs : le héros est un romancier d’un roman
qu’il n’écrira jamais ( Les Faux-Monnayeurs étant le seul roman écrit par Gide !).
4. Un réalisme au dessus de tout soupçon : la critique marxiste
5. Suspicions…
Tel est le titre de l’essai de Michel Butor où il expose les problématiques du roman
moderne. Pour lui, « le roman est le laboratoire du récit » et est à la fois un lieu de
dénonciation d’exploration et d’adaptation par le biais de la recherche romanesque. Dans
le roman, l’invention formelle est intrinsèque de la recherche du réalisme : réalisme et
formalisme s’associent. L’exploration de la forme et du contenu en même temps permet
de considérer aujourd’hui le roman comme un moyen de connaissance du sujet et du
monde.
C’est l’une des idées qu’avance Mauriac dans le Romancier et ses personnages : « le
romancier est le singe de Dieu ». Cette volonté de puissance coupable est en fait
impossible comme l’affirme Mauriac lui-même : l’écrivain est dans l’impossibilité
d’atteindre la complexité réelle de la vie. Or Sartre lui répond : » vous voulez que vos
personnages vivent ? Faites qu’ils soient libres ! » Sartre affirme qu’il faut renoncer à se
faire démiurge et voir le roman comme un lieu de mise en situation.
Jean Louis Curtis dénonce, lui, cette omnipotence démiurge que possède
réellement l’auteur face au lecteur : l’invisibilité de l’auteur est donnée d’avance. « le
point de vue divin (…) est un principe d’intégration et d’unité (…) le romancier peut, s’il le
désire dissimuler au lecteur son intervention » par le biais de trucages.
Ainsi, comme le pense Blanchot dans l’article « le roman, œuvre de mauvaise
foi », les pouvoirs du romancier sont inséparables des jeux du lecteur. La réalité n’est
pas dans l’action de la fiction, la réalité est dans l’échange même qui se produit entre
l’écrivain et le lecteur : « un être réel, écrivain, lecteur, fasciné par une forme d’absence
qu’il cherche dans les mots et que les mots tirent de l’écriture cherche à constituer
l’absence du monde comme le seul monde véritable ». Le roman est ce met finalement à
distance, il est une œuvre de mauvaise foi de l’auteur comme du lecteur, qui se laisse
prendre à « une existence écartée ».
Par le biais de nouvelles techniques, notamment autour de la variation de la
focalisation (interne, externe, etc.) de nouvelles variantes dans le roman sont possibles,
dont le monologue intérieur fait partie. Ce processus est développé par Joyce dans
Ulysse : il est un discours du personnage non prononcé, et sans auditeur, qui nous
introduit directement dans son intimité, sa vie intérieure : « il est l’expression de la
pensée la plus intime, la plus proche de l’inconscient (…) par le moyen de phrases
directes réduites au minimum donnant l’impression de tout venant ». Ainsi Joyce invente
par le biais d’une technique nouvelle une nouvelle écriture.
3. Adieu au personnage ?
Deux possibilités qui émergent de cette ère du soupçon : tenter de discerner, dans les
données immédiates, nos tropismes intimes ( Sarraute) ou bien chercher à donner le
monde dans son immédiateté ( Robbe-Grillet).
Il y a bien une certaine fin de la fiction du personnage. Dans Beckett, dans
L’Innommable, le personnage se dévore lui-même, sa parole parle, par la parole se vide
de lui-même : le personnage est soit « une anecdote » soit il est absent, soit il dément
lui-même à chaque page.
Ainsi « l’œuvre trouve sa signification en elle-même, elle est sa propre fin. » comme le
dit Bernard Pingaud à propos de la modification de Butor dans un homme traversé par le
travail.
Dina Dreyfus dans la jalousie, lecture politique du roman, constate que le roman
contemporain tend à être un roman sur le roman, un « roman qui se réfléchit soi-
même ». Pourtant l’entreprise du roman, qui est de se démystifier soi-même, ne peut
qu’être un échec : en quelque sorte, c’est malgré lui, la victoire du roman sur le soupçon
et grâce au soupçon.