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DE PRESENTATION
DES HEXAGRAMMES
DU YI KING
Toutes les tentatives scientifiques pour expliciter l’ordre du roi Wen (le roi
de la Belle Ordonnance), sont jusqu’à ce jour, même à l’heure des ordinateurs,
restées vaines, pire que vaines: nocives...
ISBN : 2-85707-455-7
François ROPARS
ECP 70
L’ORDRE
DE PRESENTATION
DES HEXAGRAMMES
DU YI KING
Quatrième version
Compléments à la seconde version 2001
Mise-à-jour finale 2008
Diffusion libre de droits
« Les nombres ne sont que des emblèmes: les
Chinois se gardent de voir en eux les signes
abstraits et contraignants de la quantité. »
Marcel Granet
La Pensée Chinoise
Préface à la seconde édition
Il est toujours dur de se relire dix ans plus tard: le regard a changé, le sien et
peut-être aussi celui du lecteur. Certaines intuitions n’ont pas bougé et d’autres sont
venues les conforter. De nouvelles pistes ont, avec le temps, ouvert des perspectives
assez surprenantes justifiant l’écriture de cette seconde édition.
Dans la première édition, nous avions cru nécessaire de favoriser les lecteurs
non-mathématiciens et de tenter de tout justifier, y compris nos propres errances,
par quelques développements parfois inutiles. Nous le regrettons aujourd’hui: tant
de découvertes sont venues confirmer ces intuitions premières, que nous avons
choisi cette fois-ci d’aller directement au but et d’abandonner les fioritures...
Depuis cette date, quelques « lumières nouvelles » sont venues nous visiter,
et nous pensons réellement que la présentation de cet ensemble de « clefs »
suscitera le respect et l’admiration du lecteur devant l’harmonie et la finesse de cet
ordre de présentation.
1
Ces résultats sont des « constatations » qui s’imposent à nous par leur
rigueur, leur simplicité et parfois leur beauté. Ils établissent des liens subtils entre
l’ordre de présentation des hexagrammes du Yi King et des domaines auxquels
nous n’avions pas encore pensé il y a dix ans: la médecine chinoise principalement.
Si la première édition avait établi des liens entre cet ordre et la musique,
l’architecture impériale et le calendrier chinois, cette seconde édition y ajoute des
liens directs avec « la loi de cinq », par conséquent avec les bases théoriques de la
médecine traditionnelle chinoise ainsi qu’avec « la loi de six ».
Jean Choain nous a déjà tout expliqué sur le sujet: entre la théorie des cinq
éléments et la loi de circulation de l’énergie dans l’organisme humain, il existe une
relation étroite. Nous montrerons comment l’ordre de présentation des
hexagrammes porte la trace tant de cette « loi de cinq » que de la « loi de six », qui
sous-tend la théorie des 12 tubes musicaux, comme celle des six viscères « atelier »
(fou), des six viscères « trésor » (tsang) et des douze méridiens principaux de
l’acupuncture.
2
Nous avons persévéré dans l’utilisation de dessins, diagrammes et tableaux
divers, dont nous avons déjà usé et abusé dans la première édition. Nous avons pu
cette fois-ci réaliser ceux-ci sur ordinateur, et reconnaissons qu’ils sont plus
agréables à déchiffrer que nos anciens croquis manuels d’hier. Dans le domaine qui
nous occupe, nous pensons qu’un bon schéma vaut mieux qu’un long discours, et
certains d’entre eux ne manqueront pas de « frapper au coeur » notre nouveau ou
ancien lecteur. Mathématiquement indiscutables, nous souhaitons qu’ils lui donnent
la certitude intime d’une « vérité », d’une « beauté » numérique indiscutable de
notre vision personnelle de cette énigme, qu’il la partage ou non.
Ami lecteur, fais-nous confiance une seconde fois; à la fin de cette lecture, tu
en sauras autant que nous sur cette soi-disant « énigme »... Libre à toi de « croire »
ou de « ne pas croire » à la justesse de notre vision: nous ne racontons pas notre
vision, nous te la faisons revivre. Après cela tu seras semblable à nous: instruit,
illuminé, révélé peut-être...
Ce qu’en feront les hommes est sans importance. C’est comme l’adagio d’un
certain concerto pour piano de Mozart: c’est beau, c’est parfait, c’est divin... Que
l’interprète soit bon ou mauvais, c’est toujours du Mozart, et l’interprète ne montre
que ses faiblesses.
Ami lecteur, pour toi, j’espère au moins être un interprète passable de cette
partition ... Ne me tiens pas rigueur de mes faiblesses.
3
4
INTRODUCTION
(Préface à la première édition, revue et corrigée)
Tous ceux qui ont un peu fréquenté ce livre se rendent compte intuitivement
de l’existence d’une harmonie globale reliant ces nombres entre eux; harmonie
dépassant de loin la constatation qu’un hexagramme sur deux se déduit de son
précédent par retournement ou « mutation trait pour trait ».
5
Les auteurs qui n’osent passer cette difficulté sous silence qualifient cet ordre
« d’abstrait », ce qui ne nous avance guère, ou évoquent des raisons symboliques
voire métaphysiques à telle ou telle sous-séquence d’hexagrammes, extraite de
l’ensemble par une règle plus ou moins significative.
6
L’ouvrage en français le plus sérieux et le plus synthétique en la matière
nous semble être celui de Jean Choain. Cet auteur considère comme un projet
périlleux, bien que non déraisonnable ni impossible, d’appliquer aux hexagrammes
l’analyse structurelle et logique effectuée par lui sur les trigrammes (op. cit. p.199).
C’est ce que nous avons modestement tenté de faire sans pouvoir nous
appuyer sur sa connaissance approfondie de la Chine ancienne. La justification de
nos résultats ne peut en effet se trouver que dans le processus historique qui a
conduit à l’ordre traditionnel de présentation des hexagrammes, et par suite à
« l’histoire » de chacun d’entre eux. Cette analyse nous semble relever des
spécialistes de ce domaine nécessairement sinisants.
Nous ne pouvons livrer qu’un résultat abstrait, aussi rigoureux que possible
sur le plan mathématique, exposé sous une forme que nous espérons accessible à
tous.
7
Dans le second cas, cette solution historique est l’oeuvre d’une ou de
plusieurs personnes qui se sont référées à un ordre symbolique particulier, dont la
correspondance avec la culture dominante a permis la subsistance, puis la
disparition progressive des autres solutions, également tout à fait acceptables selon
des ordres de lecture différents.
Nous montrerons que les Maîtres du Calendrier sont parmi les auteurs de cet
ordre de présentation, étroitement associé à la théorie des Tubes Musicaux et aux
dimensions architecturales de l’aire rituelle du Ming T’ang. Cet ordre de
classement des chapitres du Yi King est organisé en séquences numériques, qui se
répartissent de façon géométrique sur des tableaux de nombres, ou plus exactement
d’emblèmes, traduisant les harmonies et correspondances de cet univers mythique.
8
Les pratiques magiques, le développement parallèle, jusqu’à l’excès, des
interprétations, sentences et jugements qui se sont surajoutées à cette architecture à
des fins divinatoires, n’atteignent pas le noyau central, le centre lumineux de cette
architecture numérique.
9
CHAPITRE I
LES MATERIAUX
11
Trigramme Nom Qualité Symbole Famille Valeur
Tableau A
12
Ces deux séquences sont obtenues par lecture dans le sens des aiguilles d’une
montre (sens indirect), sans rupture de mouvement, et en partant du trigramme cité
en premier pour chacun des deux ordres.
Pour mémoire sont également rappelés les deux diagrammes fondamentaux
auxquels se rattachent ces deux successions pour les nombres ordinaires de 1 à 9
(C1 et C2) :
Le carré magique de dimension 3 ou disposition du Lo Chou (C1)
La disposition en croix dite du Ho Tou (C2)
13
Une aide visuelle supplémentaire est fournie au lecteur, présentant les
hexagrammes dans l’ordre de Wen Wang, la valeur des trigrammes inférieur et
supérieur ainsi que celle que nous serons bientôt amenés à donner à chaque
hexagramme (tableau E). Le tableau inverse (F) fournit le numéro de
l’hexagramme à partir de cette valeur conventionnelle.
14
Place Trigrammes
dans Supérieur >
la /
famille Inférieur V (7) (1) (2) (4) (0) (6) (5) (3)
Père (7) 1 34 5 26 11 9 14 43
Mère (0) 12 16 8 23 2 20 35 45
1è fille (6) 44 32 48 18 46 57 50 28
2è fille (5) 13 55 63 22 36 37 30 49
3è fille (3) 10 54 60 41 19 61 38 58
Tableau D
15
Tableau E
16
Tableau F
17
CHAPITRE II
OPERATIONS
SUR LES TRIGRAMMES
Dans le tableau (E), nous observons dès à présent que les hexagrammes dont
le retournement produit un hexagramme de graphisme identique sont numérotés de
la façon suivante :
où l’on peut aisément vérifier que les trigrammes inférieur et supérieur sont mutés
« trait pour trait » selon la règle :
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__________________________________________________
0 1 2 3 4 5 6 7
7 6 5 4 3 2 1 0 Mutation
__________________________________________________
__________________________________________________
0 1 2 3 4 5 6 7
0 4 2 6 1 5 3 7 Retournement
__________________________________________________
Notons également qu’elle sépare les chiffres pairs à gauche (0426), des
chiffres impairs (1537) à droite, chacune de ces deux parties trouvant sa mutation
(complément à 7) par une symétrie par rapport à l’axe médian.
20
Le produit des deux opérations mutation + retournement (égal à
retournement + mutation) est tout aussi facile à construire :
__________________________________________________
0 1 2 3 4 5 6 7 Mutation +
7 3 5 1 6 2 4 0 Retournement
__________________________________________________
0 1 2 3 4 5 6 7_ ordre de référence
_0 4 2 6 1 5 3 7_ retournement
7 3 5 1 6 2 4 0 mutation + retournement
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Cette dernière opération combinée nous permet d’extraire de l’ensemble des
hexagrammes ceux pour lesquels une opération de retournement équivaut à une
mutation trait pour trait. Ce sont ceux obtenus en prenant purement et simplement
pour trigrammes inférieur et supérieur la combinaison des deux lignes suivantes:
0 1 2 3 4 5 6 7
7 3 5 1 6 2 4 0
Hexagramme: 11 54 63 17 18 64 53 12
Graphisme:
22
Parmi ces 16 hexagrammes, nous devons également signaler les couples
remarquables (1-2)(63-64) et (11-12)(53-54), dont les numéros d’ordre sont deux à
deux distants de 10 et complémentaires à 65, selon la disposition suivante:
Ce sont les seuls hexagrammes reliés entre eux de façon aussi remarquable et
cette découverte nous suggère d’étudier la structure des hexagrammes dont les
numéros d’ordre sont complémentaires à 65. Les relations obtenues sont parfois
intéressantes, mais ne fournissent pas de règle générale de formation des numéros
d’ordre: nous n’en ferons donc pas état.
23
CHAPITRE III
VALEURS NUMERIQUES
DES HEXAGRAMMES
Parmi les auteurs qui ont retenu cette convention dans leur recherche sur ce
sujet nous devons en citer deux :
1. Le docteur Emmanuel Olsvanger pour son étude « topographique » de la
disposition en carré du roi Wen réduite à ces valeurs de 0 à 63. Lors de la
première édition de ce travail, nous n’avions pu nous procurer cet article, publié
en 1948 par les éditions Massadah Ltd. Jerusalem, sous le titre « Fu Hsi the
sage of ancient China ».
25
A l’époque de cette première édition, à l’été 1991, il nous a été donné de
rencontrer le docteur Jean Choain, déjà abondamment cité dans ce travail : de
cette rencontre réciproquement admirative sur la qualité « relative » de nos
travaux sur le sujet, celui-ci me transmit une photocopie complète de cet article
de feu le Dr E. Olsvanger.
Au bout d’une dizaine de jours, chaque soir, après une journée « normale »
de travail salarié , et à la fin d’une étude approfondie de cet article, je répondis à
Jean Choain, qui qualifiait déjà lui-même cet article comme « ingénieux mais
non convaincant », que celui-ci partait d’une très bonne intuition, mais
comportait très rapidement des erreurs de calculs fatales liées ou non au souci
d’étendre son « code » à la totalité de l’ordre de classification des 64
hexagrammes.
Notre travail utilisant une méthode similaire, nous nous devions de faire état
de cette tentavive.
2. Jean Marolleau dans son ouvrage déjà cité, mais avec une orientation
différente :
la notion de parité trigrammique permettant de construire des carrés de valeurs
numériques «presque magiques» et une étude sémantique des familles
d’hexagrammes de parité identique.
Cet ouvrage présente pour nous le défaut majeur d’associer des résultats très
séduisants (obtention de carrés magiques) aux sentences analogues,
complémentaires ou antagonistes des séquences d’hexagrammes obtenues par cette
règle.
Aucun des résultats obtenus n’explicite l’ordre de présentation du Yi King ni
ne justifie le rôle éventuel de cette valeur conventionnelle dans son élaboration.
Ces deux tentatives auraient dû nous décourager de tenter de pousser la
recherche sur une base identique. Notre toute première idée avait été de comparer
l’ordre de Wen Wang transcrit selon ces valeurs modulo 64 aux séquences de
nombres données par les fractions périodiques. L’échec de cette approche nous a
cependant confrontés au rôle très particulier du ZERO et du UN dans les modes
opératoires utilisés.
26
Les valeurs conventionnelles des hexagrammes (de 0 à 63) ne sont pas
homogènes avec leur ordre de classification de 1 à 64 : si nous ajoutons 1 à 64,
nous obtenons 65 en ordre de classification et 0 en valeur numérique (modulo 64).
65 n’existant pas dans l’ordre de Wen Wang, il nous faut boucler sur le 1 avec
l’opération 64+1=1.
De même en valeur numérique pour l’hexagramme 1 : l’opération 0-1=63
(modulo 64) donne 1-1=64 par bouclage sur l’ordre de classification. Il nous faut
donc ramener l’ordre de classification de 0 à 63 (modulo 64) en ôtant 1 à chaque
numéro d’hexagramme, ou ajouter 1 aux valeurs numériques pour les rendre
homogènes à l’ordre de Wen Wang.
Ce sont ces valeurs qui sont indiquées sur le tableau (E) du chapitre I, en
dessous de l’ordre de classification de chaque hexagramme.
27
1. Elle permet de manipuler deux ensembles de nombres homogènes avec, pour
l’addition et la soustraction, 1+64=1 et 1-1=64.
2. Elle permet de manipuler des tableaux de valeurs d’hexagrammes de la même
façon que des tableaux d’ordre de classification sans que le zéro ne gêne les
comparaisons.
Les éléments de l’anneau des entiers modulo 64 sont écrits avec des nombres de
1 à 64 sans que l’élément neutre pour l’addition (0) n’apparaisse. Nous verrons
pour notre usage que cela ne crée aucune difficulté.
28
A la complémentarité à 65 des numéros d’hexagrammes deux à deux,
s’ajoute la complémentarité à 65 des valeurs V associées à deux hexagrammes de
numéros d’ordre consécutifs et des numéros d’ordre distants de 10 pour ces quatre
paires prises deux à deux.
29
Les trigrammes inchangés par retournement ont pour valeur 0 2 5 et 7 , si nous
associons les trigrammes pairs et impairs deux à deux, nous obtenons:
retournement
Graphisme
mutation
retournement
Graphisme
mutation
30
Ces 8 hexagrammes présentent non seulement un écart de 6 entre eux deux à
deux, mais également avec le premier et le dernier couple d’hexagrammes (1-2) et
(63-64):
4 9 2 7 2 9
3 5 7 8 6 4
8 1 6 3 10 5
31
Marcel Granet précise que ce carré de centre 6 rappelle le nombre de jours de
l’année luni-solaire par la somme des nombres inscrits sur son pourtour, qui est
égale à (2x177) = 354, le total 360 en y ajoutant le nombre 6 placé au centre et
également 366, total des jours de l’année solaire.
32
CHAPITRE IV
LES MAITRES DU CALENDRIER
« On rend manifeste la permanence de la
structure du monde en ayant soin de
choisir des nombres qui puissent se
combiner de façon que le résultat, à une
unité près, ne soit pas modifié. »
(M.Granet, La Pensée Chinoise, p.230)
L’association de ces trois listes peut paraître totalement arbitraire : il n’en est
rien. Il existe entre elles une relation purement mathématique dans laquelle le
couple (29-30) joue un rôle fondamental : celui de l’ajustement du calendrier
solaire au calendrier luni-solaire par l’alternance de mois de 29 et de 30 jours.
En effet, si nous mettons à part ce couple (29-30), le seul de cet ensemble
dont le chiffre des unités se termine par 9 ou par 0, les 22 autres se terminent tous
par 1, 2, 3, 4, 7, ou 8, et non par 5, 6, 9 ou 0 (29 et 30 exclus).
33
Ce sous-ensemble de 22 hexagrammes peut alors s’écrire sous la forme
suivante :
(1-2) (11-12) ( )( )( ) (51-52) (61-62) Séquence [1/2]
(7-8) (17-18) (27-28) ( )( ) (57-58) Séquence [7/8]
( ) (13-14) ( )( )( ) (53-54) (63-64) Séquence [3/4]
en regroupant par ligne tous ceux dont les chiffres des unités sont homogènes (1
et 2), (7 et 8) et (3 et 4).
Nous remarquons alors, par congruence modulo 64, que ces trois séquences
s’enchaînent naturellement les unes aux autres par les opérations:
34
21 + 22 + 31 + 32 + 41 + 42 = (360 + 1) - 172 = 189
Séquence [1/2]
37 + 38 + 47 + 48 = 70 x 2 + 30 = (360 - 1) - 189 = 170 = 189 - 19
Séquence [7/8]
3 + 4 + 23 + 24 + 33 + 34 + 43 + 44 = (360 + 1) - 153 = 208 = 189 + 19
Séquence [3/4]
35
Notre ambition plus mesurée est, la chance aidant, de trouver quelques « clés
opératoires » permettant d’y voir plus clair et de prouver, sans l’ombre d’un doute,
que cette présentation possède tout à la fois une signification et une organisation
très précises.
Poursuivons donc en sommant par séquences les 22 hexagrammes (hors 29 et
30) appartenant à nos trois listes, comme nous l’avons fait pour les 18 « éliminés »
de la progression de 10 en 10 du couple (1-2) au couple (63-64) modulo 64 :
1 + 2 + 11 + 12 + 51 + 52 + 61 + 62 = 252 = 12 x 21 Séquence [1/2]
7 + 8 + 17 + 18 + 27 + 28 + 57 + 58 = 220 = 11 x 20 Séquence [7/8]
13 + 14 + 53 + 54 + 63 + 64 = 261 = 9 x 29 Séquence [3/4]
Seul le premier total peut sembler remarquable comme multiple de 21, clé
des dimensions de l’aire Hia :
105 = 5 x 21, 84 = 4 x 21 et 189 = 9 x 21
La somme de ces trois lignes donne :
252 + 220 + 261 = 733 ( nombre premier) = 2 x 366 + 1
Ce type de relation significative est cité par Marcel Granet pour 17² = 2 x
144 + 1 = 289, à propos de l’équerre 82 + 92 = 122 + 1 = 145 = 5 x 29 (cf. p. 221).
36
Le Yi King déclare lui-même que 25 représente la somme des nombres du
Ciel (Livre II, chapitre IX, paragraphe 2), ce que Marcel Granet explicite en disant
qu’il s’agit de la somme des 5 premiers nombres impairs (op. cit., p.165).
Nous pouvons alors ajouter 792, total des 24 hexagrammes de nos trois
listes, à 567, total des 18 hexagrammes précédents :
792 + 567 = 733 + 567 + 29 + 30 = 1300 + 59 = 1359
La différence entre 1300 et 1359 n’est autre que 59, somme du couple (29-
30), qui se comporte ainsi comme la borne finale de l’algorithme du début de ce
chapitre.
Que peut bien signifier, dans cette optique le nombre 1359 ?... Marcel Granet
nous tend encore une fois la perche dans sa note 289 où il précise que l’axe médian
de la carapace de tortue, dont les devins peuvent faire surgir 360 types de fissures,
s’appelle le chemin (lou ou tao) des 1000 stations. Ceci nous suggère de lire le
nombre 360 de la façon suivante :
360 = 359 + 1 = 359 + 1000 = 1359
37
La somme des listes 1 et 2 du début de ce chapitre est par ailleurs égale à 532
= 19 x 28, de ce fait 1548 représente la somme des numéros d’ordre des
hexagrammes qui ne sont ni identiques par retournement, ni identiques par
mutation à leur retournement :
1548 = 2080 - 532 = 1359 + 189 = 1440 + 108 = 36 x 43
108 = 216/2 = moitié de la circonférence ou du pourtour du toit du Ming
t’ang des Tchéou (cf. M. Granet pages 211 et 217)
Tous les calculs présentés ci-dessus sur le couple (29-30) confirment son rôle
d’ajustement dans les évocations symboliques du Grand Total 360. Sa fonction
dans cette architecture nous est encore fournie par Marcel Granet ; solution qui est
à la fois la plus simple et la plus évidente :
Nous l’avons déjà dit, nous ne considérons pas les calculs effectués à partir
de notre algorithme comme une preuve de nos conclusions. Sur le plan
mathématique, ceux-ci ne sont pas criticables. Par contre, l’association des résultats
aux Emblèmes numériques de la tradition chinoise ne convaincra que ceux qui, par
sensibilité ou tempérament, sont destinés à l’être.
La Kabbale numérique est sans nul doute respectable dans le domaine qui est
le sien : celui de la saisie intuitive de réalités spirituelles ou métaphysiques, elle n’a
jamais constitué une preuve indiscutable en tant que telle.
38
Un esprit aussi moderne et formé à la méthode scientifique que celui de
Raymond Abellio n’a pas craint d’utiliser cette méthode dans son ouvrage
Introduction à une théorie des nombres bibliques, essai de numérologie
kabbalistique, réédité en 1984 par les éditions Gallimard, en collaboration avec
Charles Hirsch. Il est intéressant de noter que ces travaux en numérologie ont
donné une interprétation originale de la structure des hexagrammes du Yi King (cf.
La structure absolue, essai de phénoménologie génétique, éditions Gallimard,
1965).
Toutes choses égales par ailleurs, les intuitions de Marcel Granet sur la
fonction capitale des Nombres dans l’ancienne civilisation chinoise, pour lesquelles
nous professons la plus grande admiration, n’échappent pas entièrement à la même
critique.
39
CHAPITRE V
LE JUSTE MILIEU
41
Sur les 14 hexagrammes de la plage (51-64), 10 soit plus des deux tiers, ont un
graphisme aussi remarquable:
- Identiques par retournement: (61-62)
- Mutation égale retournement: (53-54) (63-64)
- Constitués de trigrammes doublés: (51-52) (57-58)
- Ces 14 hexagrammes ont une somme de 805 = 23 x 35, les 10 remarquables
totalisant à eux seuls 575 = 23 x 25, enfin les couples (51-52) (57-58)
totalisent 218.
Sur les 20 hexagrammes de la plage (31-50), aucun ne possède l’une des trois
propriétés ci-dessus. La somme des termes de cette plage est de 810.
Mis à part le nombre 14, les groupements d’hexagrammes de cette
description par plages ne font appel qu’à des multiples de 10: (30-10-14-10-20-10).
Au couple (29-30) s’ajoute maintenant le couple (49-50), dont la signification
évidente est celle du nombre de tiges d’achillée utilisées par les devins, afin de
sélectionner le ou les hexagrammes supposés être la réponse à la question posée.
« ... Le devin ou le chef prélevait sur le lot des cinquante baguettes
divinatoires une baguette qu’il conservait à la main pendant qu’il opérait. Ce
prélèvement permettait de diviser le lot (49) en deux parties, qui étaient
nécessairement, l’une paire, l’autre impaire.
La baguette qu’il tenait en main présidait avec lui à la divination: ce bâton de
commandement représentait le Centre, l’Unité - l’Unité qui ne compte pas, mais
qui vaut et fait l’ensemble -, le répartiteur, le pivot du Yin et du Yang ... » (op. cit.
M. Granet p.220).
Ce couple est symbolisé de nombreuses fois au chapitre précédent par le
nombre 99 = 49 + 50. Le découpage proposé nous permet de retrouver tous les
résultats déjà acquis:
465 + 805 + 810 = 2080 = Somme des 64 premiers entiers
175 + 575 = 750 = 10 + 10 hexagrammes remarquables
42 + 750 = 792 = Hexag. (7-8) (13-14) + 750 = 792 = listes 1+2+3 = 24 Hexag.
42 + 218 = 260 = Hexag. (7-8) (13-14) + 218 = liste 3
42
Les deux couples (7-8) (13-14), dont aucun des quatre termes ne possède de
graphisme remarquable, semblent dès à présent sortir de la partie. Nous avons eu
besoin d’eux au chapitre précédent pour mettre en évidence la clé 189. Les couples
(51-52) (57-58) de graphisme remarquable qui leur sont associés dans la liste 3, se
distinguent des autres dans les relations suivantes:
Le nombre 1330 est aussi égal à la somme 1548 des numéros d’ordre des
hexagrammes qui ne sont ni identiques par retournement, ni identiques par
mutation à leur retournement, c’est-à-dire tous les hexagrammes de graphisme non
remarquable, dont on a soustrait les deux couples (51-52) (57-58) soit 218. On
comprend mieux pourquoi ce quadruplet n’est pas tout à fait comme les autres
C’est en effet le seul quadruplet, avec les couples (1-2) et (29-30), à être constitué
de trigrammes doublés.
Ce quadruplet (51-52) (57-58) n’a pas encore épuisé ses capacités. Il va nous
prouver sa place essentielle dans les deux groupes de 10 hexagrammes
remarquables de chacune des plages (1-30) et (51-64):
575 - 218 = 357 = 10 Hex. remarquables plage (51-64) moins (51-52) (57-58)
532 - 175 = 357 = 532 moins 10 Hex. remarquables plage (1-30)
Rappelons que 532 = listes 1+2 = 2080 - 1548 est le total des numéros des 16
hexagrammes remarquables qui sont soit identiques à leur retournement, soit
identiques par mutation à leur retournement, ce qui donne pour contrôle:
43
Des quatre relations précédentes, deux font apparaître le nouveau nombre
357, correspondant aux couples (53-54) (61-62) (63-64), soit six sur 10 des 10
hexagrammes remarquables de la plage (51-64).
Marcel Granet nous fournit, comme toujours, la signification de cet
emblème, étroitement associé à la théorie des Tubes Musicaux.
357 est la somme des longueurs des six derniers tubes musicaux (57, 76, 51,
68, 45 et 60), une synthèse du Yin (4) et du Yang (3), en tant que somme des trois
tubes Yang (153) et des trois tubes Yin (204). C’est aussi le multiple de 7 qui se
rapproche le plus du Grand Total 360 et de 354, total des jours de l’année luni-
solaire (cf. p. 187 à 189).
Il figure parmi les dimensions caractéristiques de l’Univers, que les savants
chinois avaient calculé à l’aide du gnomon: le diamètre de l’orbite solaire ou, selon
une opinion différente, celui de la sphère céleste serait de 357000 li (cf. p.288 et
note 346).
Marcel Granet pensait que la théorie des Tubes Musicaux était l’oeuvre des
Maîtres du Calendrier. A ce stade de notre étude, il semble bien qu’ils figurent
aussi parmi les principaux auteurs de la numérotation traditionnelle des
hexagrammes. Nous espérons que les spécialistes de cette période de l’histoire de la
Chine confirmeront, par leurs travaux, les éléments de réflexion que nous leur
avons fournis.
Notre découpage en trois plages va, pour terminer, nous apporter un résultat
inattendu concernant la répartition générale des numéros d’ordre des hexagrammes:
y-a-t’il dans cet ordre un milieu ou un pivot, bref un élément numérique traduisant
l’équilibre de cette organisation ?
44
Nous avons ainsi mis en évidence un autre découpage de l’ensemble des
hexagrammes en deux groupes, de poids numérique identique égal à 1040.
Ces deux groupes sont intéressants par leur contenu:
Le groupe 1 comprend toute la plage (1-30) et les 10 hexagrammes remarquables
de la plage (51-64), y compris le quadruplet (51-52) (57-58), soit 40 termes, dont
tous les hexagrammes de graphisme remarquable (20).
Le groupe 2 comprend toute la plage (31-50) et le seul quadruplet non
remarquable de la plage (51-64): (55-56) (59-60), soit 24 termes, tous sans
graphisme remarquable.
45
Le nombre de ces types de graphismes est simple à calculer: 8 hexagrammes
restent identiques par retournement, ceux de notre liste 1. 56 = 64 - 8 sont donc
différents de leur retournement, soit 28 = 56:2 types de graphismes distincts. La
réunion de ces deux ensembles conduit bien aux 36 types de graphismes évoqués
au début de ce chapitre.
46
Cette dernière relation exprime le fait que les 20 hexagrammes non
remarquables de la plage (1-30) et les 4 de même nature de la plage (51-64)
« pèsent » la moitié de chacun des deux groupes que nous avons définis, et le quart
du total 2080, soit 520.
47
Nous avons, c’est l’évidence, obtenu des résultats non négligeables par des
calculs purement arithmétiques. Pour résumer la majeure partie de ceux-ci de façon
simple et claire, il nous a paru intéressant de les représenter sous la forme d’un
diagramme circulaire dans lequel les 360 degrés équivalent aux 2080 unités du total
des numéros d’ordre des hexagrammes.
48
49
50
CHAPITRE VI
OUVERTURE DE LA ROSE
En dehors de son but opératif, le tableau (D), publié dans tous les ouvrages
sur le Yi-King, et reproduit au chapitre I de cet ouvrage, nous a semblé illisible
pendant des années. Rien dans cet arrangement de nombres ne nous a semblé
évoquer une harmonie quelconque, un ordre secret associé à cette disposition
particulière. C’est pourquoi, sur ce tableau, nous avons reproduit les dénominations
qui en justifient la présentation : le père puis les trois fils, la mère puis les trois
filles.
Pour y voir un peu plus clair, mettons les lignes et les colonnes de ce tableau
dans l’ordre croissant des valeurs des trigrammes constitutifs.
51
Nous obtenons alors le tableau (G), qui fait apparaître les données
classiques :
les huit hexagrammes constitués de trigrammes doublés se situent sur la
première diagonale :
52
la seconde diagonale comprend les hexagrammes dont les trigrammes
inférieur et supérieur sont complémentaires à 7 :
576 = 144x4 = 192x3 = 72x8 = 64x9 = 24x24 = 360 + 216 = 36x16 = 32x18 = ...
53
Tous ces nombres sont des emblèmes remarquables cités par Marcel Granet,
leur richesse d’interprétation est quasi infinie. Nous laisserons le lecteur intéressé
par ce développement suivre cette direction, pour retenir seulement que le sous-
ensemble le plus simple extrait géométriquement de ce tableau possède une
richesse symbolique évidente.
La propriété la plus apparente de ce tableau {G} n’est pourtant pas celle ci.
Elle est déjà présente dans le tableau {D}, et montre qu’une ligne et une colonne de
même rang contiennent des nombres consécutifs, sauf l’élément diagonal commun,
bien entendu. Par exemple:
Tableau {D}
Colonne 3: 3 5 8 (29) 39 48 60 63
Ligne 3 4 6 7 (29) 40 47 59 64
54
L’harmonie des deux tableaux {K} et {L} apparaît immédiatement dans les
propriétés suivantes :
Les deux diagonales sont occupées par nos listes 1 et 2 précédentes : les
hexagrammes symétriques par rapport au centre du tableau sont consécutifs
et mutés l’un de l’autre sur la première diagonale (liste 1 des hexagrammes
identiques par retournement), consécutifs et déduits l’un de l’autre par
retournement sur la seconde diagonale (liste 2 des hexagrammes mutés par
retournement).
55
Ces trois tableaux {G}, {K} et {L} appellent immédiatement un quatrième
tableau {H}, cousin de {G}, obtenu en effectuant la même permutation
« 04261537 » de l’une des façons suivantes, au choix : permutation sur les lignes
de {K} ou permutation sur les colonnes de {L}.
Les tableaux {K} et {L} se déduisent l’un de l’autre par échange simultané
des lignes et des colonnes de rang 1 avec 4 et 6 avec 3, de même pour passer du
tableau {G} au tableau {H} et réciproquement.
56
Le tableau {G}, et son cousin {H}, nous ont donc donné les deux fleurs {K}
et {L}, ce qui ne surprendra aucun alchimiste: « notre mercure est double » disent
les vieux textes...
Remarquant que les hexagrammes situés sur l’une des deux diagonales du
tableau {G} (idem pour son cousin {H}), ne sont autres que les seize hexagrammes
présentés sous forme de liste au début de ce chapitre, nous pouvons alors étudier le
contenu des deux diagonales du tableau {L} (idem pour son cousin {K}).
La liste des hexagrammes situés sur l’une des deux diagonales du tableau
{L} ou du tableau {K} est la suivante:
H (1-2) (11-12) (17-18) (27-28) (29-30) (53-54) (61-62) (63-64)
Elle ne nous est pas inconnue puisqu’elle est identique à la réunion de nos
listes 1 et 2 du chapitre IV. Le total de cette liste est donc de 532 = 19 x 28 comme
déjà signalé.
Fusionnons maintenant ces deux listes, de chacune seize termes, constituées
des deux diagonales principales des tableaux {G} et {H} (resp. {L} et {K}). Du
fait de l’existence d’éléments communs, cette liste de synthèse contient alors tous
les hexagrammes (que nous pouvons ici supposer être) réellement remarquables sur
le plan du graphisme.
Elle comporte 24 termes, dont la somme des numéros d’ordre est de 896 =
32 x 28. 532 étant multiple de 28 et 576 étant multiple de 18, une analyse plus
poussée s’avère utile:
Les couples (31-32) (41-42) (51-52) (57-58) présents dans la liste extraite du
tableau {G}, sont absents de celle extraite du tableau {L}. Ils totalisent 364 = 13 x
28.
Les couples (17-18) (27-28) (53-54) (61-62) présents dans la liste extraite du
tableau {L}, sont absents de celle extraite du tableau {G}. Ils totalisent 320 = 10 x
32.
57
Les 24 hexagrammes concernés par ces relations possèdent tous au moins
une des quatre propriétés énoncées ci-dessous:
Nous ne pouvons nous convaincre que ces deux nombres 3(98) et 4(98),
évoquant la réunion du cercle (3) et du carré (4), associés au nombre 98 = 2 x 49 se
trouvent ici réunis par pur hasard !..
58
59
Revenons encore sur notre quadruplet « hérétique » (31-32)(41-42) = 146.
En ôtant celui-ci du total 810 de la plage (31-50), nous obtenons:
810 - 146 = Plage (31-50) - (31-32)(41-42) = 664 = 8 x 83
dont nous déduisons les proportions:
498/664 = (3/4) et 664 = 520 + 144 = 2080/4 + 144
Et aussi:
1184 = 40 Hexagrammes non remarquables = 1040 + 144 = 2080/2 + 144 = 37 x
32
896 = 24 Hexagrammes remarquables = 1040 - 144 = 2080/2 - 144 = 28 x 32
Nous avons déjà confirmé l’utilisation des congruences dans les concepts
logiques utilisés par les anciens chinois dans la classification des 64 figures qui
nous occupent. La relation ci-dessus confirme de façon tout aussi indiscutable
l’existence d’une réflexion de type « algébrique », reliant le graphisme des
hexagrammes et leur ordre de présentation.
60
On notera une coïncidence troublante pour les 40 hexagrammes « non
remarquables » de total 1184 = 37 x 32. Le nombre premier 37 est donné par
Raymond Abellio comme la clé numérique du codage des lettres de l’alphabet
hébraïque qu’il propose et met en oeuvre de façon impressionnante, dans la
structure et les dynamismes internes de l’arbre séphirotique (op. cit., cf. annexe 1,
pages 425 à 430: « Sur le sens du nombre 37 »).
Pour être complet, nous devons présenter les relations suivantes confirmant,
si besoin en était, la cohérence de cette architecture numérique:
1184+(31-32)(41-42)=1184+146=1330=40 hex. non remarquables+4 remarquables
146 + (2080/4) = 146 + 520 = 666 = 18 x 37 = somme des 36 premiers entiers
896 - (53-54)(61-62) = 896-230 = 666 = 24 hex. remarquables - 4 remarquables
664 + 666 = 1330 = 8 x 83 + 18 x 37 = 70 x 19
666/1184 = 18/32 = 9/16 = (3/4)2
61
Par ailleurs, le Hsü Kua ou « Ordre de Succession », classé comme la « 9ème
aile » des commentaires réputés confucéens, confirme - sans l’expliquer clairement
cet ordre de présentation.
Elle fournit également des relations significatives sur les numéros d’ordre
des hexagrammes tant « remarquables » que « non remarquables » des tableaux
ainsi créés.
62
CHAPITRE VII
L’ESPRIT DE GEOMETRIE
Tableau {G}
63
Pas d’ambiguïté sur le sens à donner aux numéros de lignes et de colonnes
figurant à gauche et au-dessus de celui-ci: ce sont numérotés de 0 à 7, les valeurs R
et Q des trigrammes constitutifs de l’hexagramme H, situé à l’intersection de la
ligne R et de la colonne Q, ainsi qu’il résulte de nos conventions de travail.
Nous avons ensuite effectué sur le tableau {G} une permutation de ses
colonnes nous donnant le tableau {K}:
Tableau {K}
On notera que nous avons laissé, pour numéroter les colonnes de ce tableau,
les valeurs des trigrammes supérieurs et non le rang effectif de la colonne
correspondante, de 0 à 7. Ceci donne à ce tableau un air étrange puisque nous
devons opérer mentalement sur deux niveaux:
Selon la valeur numérique du trigramme caractéristique de la colonne
considérée, dans l’ordre « 04261537 ». La ligne reste, pour sa part, dans l’ordre
normal « 01234567 », qui est à la fois celui de son rang et de la valeur du
trigramme inférieur.
64
Selon le rang numérique effectif de la colonne dans laquelle se situe le même
trigramme supérieur, dans l’ordre normal des nombres croissants de 0 à 7. Le
rang de cette colonne n’est autre que la valeur du trigramme obtenu par
retournement du trigramme caractéristique de la colonne considérée.
comme trigramme supérieur est de rang 1 (à partir du rang 0), qui est la valeur du
65
Par suite, les propriétés géométriques de ces tableaux devront, en
permanence, être inférées mentalement des numéros de ligne et de colonne des
valeurs des trigrammes constitutifs.
1°/ Mutation:
Pour le trigramme inférieur, noté Ti, cela correspond à une inversion du haut et
du bas sur le tableau considéré, c’est-à-dire à une symétrie par rapport à l’axe
horizontal de celui-ci. Nous noterons cette transformation [MTi]:
66
La combinaison des deux précédentes opérations équivaut à la mutation
complète de l’hexagramme, notée [MH], et à une symétrie par rapport au centre
du tableau considéré, avec:
[MH] = [MTs] o [MTi] = [MTi] o [MTs]
Notons bien que cet échange n’est valable que pour les numéros de lignes et
de colonnes, mais pas nécessairement pour les trigrammes affectés à chacune de
ces lignes ou colonnes.
67
Par exemple:
Si nous échangeons les trigrammes inférieur et supérieur de l’hexagramme
24 sur le tableau {G}, par symétrie par rapport à la première diagonale, nous
obtenons l’hexagramme 16. Si, par contre, nous opérons sur le tableau {K} une
symétrie par rapport à la première diagonale, nous obtenons l’hexagramme 23, qui
ne se déduit pas de l’hexagramme 24 par échange des trigrammes, mais par
retournement de l’hexagramme. Il y a donc bien risque de confusion entre ces
deux transformations.
3°/ Retournement:
Comme nous l’avons déjà vu, le retournement d’un trigramme équivaut à
effectuer la permutation « 04261537 » sur l’ensemble « 01234567 », étant bien
clair qu’il s’agit bien ici des valeurs effectives des trigrammes et non de leur
position éventuelle dans telle ligne ou telle colonne.
Nous noterons donc [RTs] le retournement du trigramme supérieur
correspondant à une permutation de certaines colonnes du tableau, et [RTi] le
retournement du trigramme inférieur, correspondant à la permutation de certaines
lignes du tableau selon l’ordre indiqué.
Un moyen facile de procéder consiste à se souvenir que les trigrammes 0, 2,
5 et 7 sont inchangés par retournement, tandis que les trigrammes 1 et 4 d’une part,
3 et 6 d’autre part, s’échangent par retournement. Il suffira donc d’échanger soit les
lignes soit les colonnes dont les valeurs des trigrammes correspondent à ces
valeurs: 1 avec 4 et 3 avec 6.
Dans ces conditions, à quelle transformation, notée [RH], peut bien
correspondre le retournement d’un hexagramme ? La réponse est simple, mais en
surprendra plus d’un: elle correspond au retournement de chacun des deux
trigrammes, noté [R2T], suivi ou précédé de l’échange des deux trigrammes.
[R2T] = [RTs] o [RTi] = [RTi] o [RTs] et [RH] = [ET] o [R2T] = [R2T] o [ET]
Si nous avons pu étendre sans problème la mutation des trigrammes à des
tableaux de nombres, tant du type {G} que du type {K}, le retournement des
trigrammes introduit une transformation associée, l’échange des trigrammes (sans
retournement de ceux-ci) qui différencie radicalement ces deux types de tableaux
dans les transformations géométriques considérées.
68
Par exemple, sur le tableau {G}, la symétrie par rapport à la première
diagonale équivaut à un simple échange des trigrammes inférieur et supérieur, sans
retournement de ceux-ci. L’hexagramme obtenu n’est donc pas ce que l’on désigne
habituellement par le retournement de l’hexagramme.
Pour le tableau {G}, cette transformation équivaut à combiner une symétrie par
rapport à la première diagonale à une autre symétrie par rapport au centre du
tableau. C’est donc un échange [ET] des trigrammes, précédé ou suivi d’une
mutation des traits de l’hexagramme obtenu.
Pour le tableau {K}, cette tranformation équivaut à la même combinaison
géométrique qui, cette-fois ci, représente le retournement de l’hexagramme,
précédé ou suivi d’une mutation de ses traits.
69
L’ensemble de ces propriétés est résumé dans le tableau ci-dessous, qui
distingue bien celles qui sont liées aux tableaux du type {G} (ou {H}), dans
lesquels les lignes et les colonnes sont classées dans le même ordre, de celles qui
sont liées aux tableaux du type {K} (ou {L}), dans lesquels soit les lignes, soit les
colonnes, ont subi la permutation « 04261537 ».
70
Pour conclure ce chapitre, évoquons brièvement les liens évoqués par
certains entre le Yi King et la physique moderne ou la biologie moléculaire.
Dans le premier cas, ceux-ci sont habituellement justifiés par une analogie
entre les mutations élémentaires de traits dans les hexagrammes et les phénomènes
de quantification: le spin des particules élémentaires principalement.
Nous pouvons seulement prétendre que les propriétés des tableaux que nous
présentons ici, montrent une certaine analogie avec ce qu’on pourrait appeler des
« vecteurs représentatifs de transitions discrètes », solutions de l’équation
d’interaction entre deux particules, par exemple...
71
L’analogie de ce diagramme avec celui du Ho Tou (cf. tableau C2) apparaît
tout aussi évidente. Aux physiciens passionnés par le Yi King de trouver un
« pont » entre les modèles théoriques utilisés dans leurs recherches, et ce que la
Chine ancienne nous a légué de plus complexe et de plus mystérieux.
Ce sous-code, qui n’utilise que 2 bases sur 4 pour coder l’acide-aminé d’une
enzyme, est donc un sous-ensemble d’un ensemble plus vaste, celui utilisant trois
bases: le code génétique, dans lequel un ribosome saisit trois nucléotides à la fois
dans une chaîne d’ARN, soit 64 possibilités (cf. page 583). Ce ne sont plus alors
quinze mais vingt acides aminés (et trois signes de ponctuation au lieu d’un) qui
peuvent être codés pour former une protéine...
72
Ce qu’il est important de noter ici, c’est le rôle capital de ce qu’on appelle en
chimie la stéréométrie, c’est-à-dire la répartition dans l’espace de l’enzyme ou de la
protéine ainsi fabriquée, car celle-ci se replie dans l’espace et « préfère », dès la
seconde base, aller à gauche, ou à droite, ou tout droit... En gros, l’ajout d’une base
(d’une lettre) dépend de l’ordre des bases (lettres) précédentes et ce qui est déjà
vrai pour une enzyme l’est davantage pour une protéine.
Traduit dans le langage du Yi King, dont les traits de l’hexagramme se lisent
traditionnellement de bas en haut, cela signifierait que l’ajout des traits 3 et 4 sera
déjà fonction de la nature des traits 1 et 2. A fortiori, l’ajout des traits 5 et 6 sera
lui-même fonction de la nature des quatre premiers traits. Cette « polarisation »
vers le haut de l’hexagramme correspondrait en biochimie à la « lecture » orientée
de la succession des nucléotides, permettant la « fabrication progressive » de
l’enzyme ou de la protéine considérée, par lecture soit d’un doublon, soit d’un
triplet. Bref nous pourrions gloser à l’infini les similitudes et contradictions entre
les deux ordres.
73
U C A G
Le code génétique, d’après lequel chacun des triplets d’une chaîne d’ARN
messager code pour un aminoacide sur un total de vingt (ou un signe de
ponctuation). (D. Hofstadter op.cit. page 584)
74
6 2 1 3
0 V : 6
0 V : 2
6
a ponct. ponct. 1
a ponct. 3
a ~ < . 6
a ~ < . 2
2 a ~ > . 1
a ~ > . 3
S + 6
S + 2
1
S = . 1
’ S = . 3
( ) [ 6
( ) [ 2
3
( ) ] 1
( ) ] 3
Le code de Gödel: les cases grisées reprennent les « codons de Gödel » dont
la « définition » est donnée page suivante. (D. Hofstadter, op.cit. page 600)
75
Symbole Codon Justification mnémonique
0 666 Nombre de la Bête du Néant Apocalyptique (sic...)
S 123 succession : 1, 2, 3,... (S pour « successeur de »)
= 111 ressemblance visuelle, après inclinaison
+ 112 1 + 1 = 2 (n’est-il-pas ?)
. 236 2 x 3 = 6 (n’est-il-pas ?)
( 362 se termine par 2
) 323 se termine par 3
< 212 se termine par 2
> 213 se termine par 3
[ 312 se termine par 2
] 313 se termine par 3
a 262 l’opposé de (626)
333 « » ressemble à « 3 »
76
Ainsi, pour résumer ce code, posons-nous la surprenante équation suivante,
laquelle, nous en sommes persuadés, ne posera aucun problème de compréhension:
626.262.636.223.123.262.111.666
a : ~ S a = 0
362.123. 666.112.123.666.323.111.123.123.666
( S 0 + S 0 ) = S S 0
Successeur de 0 (1) + successeur de 0 (1) = successeur du successeur de 0 (2)
soit (1 + 1) = 2
Génial, n’est-il-pas ?..
Et, inutile de le préciser, tout ceci n’a strictement aucun rapport avec l’ordre
de présentation des hexagrammes. Ce n’est pas une blague, nous le pensons
vraiment!...
77
CHAPITRE VIII
L’ENTREE AU PALAIS
FERME DU ROI
Nos tableaux sont-ils déjà en mesure, sans grande réflexion, de nous fournir
quelques « pierrres précieuses » justifiant des efforts accomplis ?.. Parmi celles qui
sont présentées dans ce chapitre, certaines resteront « brutes ». Elles s’imposent par
leur rigueur mathématique, mais aucun outil ne nous permet d’en affiner la
compréhension au-delà de la simple beauté du résultat obtenu. D’autres chercheurs
auront peut-être plus de finesse ou d’intuition que nous-mêmes, et verront
immédiatement quelle piste ou orientation suivre pour aller plus loin. Nous leur
souhaitons bonne chance...
79
Nous constatons que ces 28 hexagrammes ont tous un numéro d’ordre
inférieur à 47. De plus, 16 de ces 28 hexagrammes ont un chiffre des dizaines égal
à 1, 2, 3 ou 4 si le chiffre des unités est égal à 3, 4, 5 ou 6.
.
Cette remarque confirme le fait que les hexagrammes du début sont plus
spécialement reliés aux hexagrammes fondamentaux 1 et 2, donc proches encore
des principes; elle prouve aussi que ce lien se répartit de façon parfaitement
ordonnée sur la plage (13-46).
Notons également que ce « rempart » est invariant tant par symétrie par
rapport à chacune des diagonales de chacun des quatre tableaux, que par rapport à
leurs axes horizontaux ou verticaux, ainsi que de leurs centres. Cet ensemble de 28
hexagrammes reste donc invariant tant par échange, retournement ou mutation des
trigrammes constitutifs, que par retournement ou mutation des hexagrammes eux-
mêmes.
Bien sûr, l’esprit moderne désire connaître sans tarder le pourquoi d’un tel
regroupement, c’est-à-dire les caractéristiques communes des graphismes de ces
hexagrammes. Nous verrons que ce n’est pas aussi simple à déterminer: nous
attribuons aujourd’hui plus d’importance à une belle formule mathématique qu’au
pouvoir évocateur, aux relations symboliques d’un groupe de nombres avec un
univers culturel aujourd’hui disparu. Rien ne nous dit que ce second aspect n’était
pas plus important que le premier dans l’esprit des créateurs de cet ordre.
80
Ce tableau a-t-il un sens? Nous le pensons, mais ne savons pas pourquoi.
Bien sûr on remarque que le couple (3-4) symbolisant le Yin et le Yang et seul
couple de la plage (1-16) ne comportant ni trigramme 0, ni trigramme 7, devient
par mutation le couple (49-50) déjà évoqué. Le couple (47-48), associé par
mutation au couple (21-22), verrouille ici ce tableau, juste avant le couple (49-50).
Nous laissons le lecteur poursuivre notre rêve...
H 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
I 0 0 4 4 4 4 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2
H 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32
I 4 4 2 2 4 4 2 2 2 2 2 2 4 4 2 2
H 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48
I 2 2 4 4 4 4 4 4 2 2 2 2 2 2 4 4
H 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64
I 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 2 2 6 6
81
Comme il fallait s’y attendre, cette distribution ne reflète aucun désordre
statistique: mis à part les deux premiers et les deux derniers hexagrammes, les 60
autres ne possèdent que deux ou quatre inversions. Ces 2 et ces 4 se répartissent par
plages d’hexagrammes: les doubles inversions semblent plus nombreuses sur la
plage (3-32), les quadruples inversions semblent dominer sur la plage (33-62).
Par ailleurs, nous remarquons que le nombre d’inversions dans un
hexagramme donné est invariant, tant par retournement que par mutation. Cette
distribution ne peut donc a priori nous donner aucun renseignement concernant les
numéros d’ordre des hexagrammes se déduisant l’un de l’autre par retournement ou
mutation.
La sommation des types d’inversions par plages conduit à la répartition
suivante:
Plage (1-2) Plage (3-32) Plage (33-62) Plage (63-64)
2 fois 0 20 fois 2 20 fois 4 2 fois 6
10 fois 4 10 fois 2
Le total de ces inversions est de 192 = 3 x 64 = 384/2, soit la moitié du
nombre de traits des 64 hexagrammes. Si, encore une fois, nous mettons de côté les
hexagrammes 1, 2, 63 et 64, soit douze inversions, les 60 autres en totalisent 180
(soit la moitié de 360), répartis sur les plages (3-32) et (33-62), de façon
parfaitement symétrique et équilibrée, par multiples de 10.
La totalisation dans chacune de ces deux plages est, elle aussi, riche
d’enseignement:
Plage (3-32): (20x2 + 10x4) = 80 inversions
Plage (33-62): (20x4 + 10x2) = 100 inversions
Le rapport entre ces deux nombres n’est autre que celui, déjà rencontré, des
dimensions du rectangle dans lequel s’inscrit le pi sien ou étalon de jade. Marcel
Granet ajoute que ce rapport 10/8 ou 5/4 est celui de la Maison du Calendrier au
temps des Hia et des Yin, ainsi que le rapport originel du 1er au 5ème tube musical
(op. cit. pages 211 et 213).
Ce second exemple, un peu « tombé du ciel » et publié pour la première fois,
correspond parfaitement à notre approche: simplicité, évidence et reliaison
immédiate aux emblèmes numériques de la tradition chinoise.
82
Le troisième exemple est un peu moins tordu, mais se rapproche déjà de
l’approche par « séquences » que nous développerons ultérieurement. Nous avons
défini cette notion de la façon suivante: la séquence complète [n/n+1], n impair et
n+1 pair, est constituée de tous les entiers de 1 à 64 dont les chiffres des unités
sont égaux à n ou à n+1.
Ainsi la séquence [9/0] est constituée de tous les hexagrammes dont les
numéros d’ordre se terminent par 9 ou par 0:
(9-10) (19-20) (29-30) (39-40) (49-50) et (59-60)
La somme de ces 12 nombres est égale à 414 = 23 x 18 et ne semble pas
remarquable a priori. Cependant les couples d’hexagrammes déduits par mutation
de chacun des couples de cette séquence sont les suivants:
(3-4) (33-34) (63-64) (15-16) (55-56) (37-38)
La somme de ces 12 nombres est égale à 418 = 22 x 19, trop proche de 414
pour ne pas nous intriguer. Ajoutons à cette curiosité la proximité immédiate de la
décomposition de ces deux nombres en facteurs premiers (18 et 19, 22 et 23).
De plus il vient, en ajoutant ces deux nombres:
418 + 414 = 832 = 64 x 13 = 2080 x (2/5)
Ces 24 (encore une fois 24) hexagrammes « pèsent » les 2/5 du total 2080, et
sont avec les 40 (encore une fois 40) autres dans le rapport fondamental 3/2, qui est
celui du Yang (3) au Yin (2).
Nous observons une nouvelle fois un phénomène de décalage entre le
nombre 416 = 2080/5 et les nombres 414 et 418. Celui-ci a déjà été rencontré pour
189 + 19 et 189 - 19, 665 - 1 et 665 + 1, 1330 - 30 et 1330 + 29, et enfin pour 1040
- 144 et 1040 + 144. La fréquence de ce mode opératoire est digne d’être notée et
nous en verrons encore quelques exemples dans la suite de cette étude.
83
Les remarques arithmétiques que l’on peut faire sur cette famille de 24
hexagrammes, 12 dont les chiffres des unités sont 9 ou 0 et les 12 associés par
symétrie par rapport au centre des tableaux {K} ou {L}, résultent de leur
représentation sous la forme d’un diagramme pyramidal, dans lequel chaque ligne
comprend des couples dont les chiffres des unités sont, deux à deux, homogènes:
Dans chaque case de cet édifice, chacun des deux couples d’hexagrammes se
déduit de l’autre par mutation, sauf (29-30) et (63-64) dont les couples échangent
leurs trigrammes inférieurs et supérieurs.
84
Les demi-périmètres des aires Hia (189) et Yin (126) se trouvent ainsi mis en
relation avec le nombre 666 (cf. M. Granet p. 214). Sur le plan de la symbolique
générale, cette pyramide suggère quelques rapprochements avec une Tétraktis
limitée au troisième nombre triangulaire, peut-être aussi avec la triade
guénonienne...
Tableau {YB}
On constate sur ce tableau du type [K} que, mis à part le quadruplet (29-30)
(63-64) situé sur les diagonales principales, tous les autres hexagrammes se situent
sur les parallèles immédiatement voisines de ces mêmes diagonales.
85
On notera la position spécifique du quadruplet (3-4)(49-50), dont nous avons
signalé la fonction de « verrouillage » dans le premier exemple de ce chapitre. On
rappellera enfin l’harmonie de cet ensemble numérique sous la forme suivante:
Pour clore ce troisième exemple, il vaut la peine de revenir sur les liens entre
les deux nombres 36 et 24 d’une part, 49 et 13 d’autre part. Le texte même du Yi
King nous suggère en effet d’analyser certains nombres avec attention: par exemple
les restes donnés par les premières séparations des tiges d’achillée permettant
d’obtenir soit un trait « vieux yin », soit un trait « vieux yang » (Yi King, Livre II,
chapitre 9 « De l’oracle », commentaire du paragraphe 4).
Huit autre nombres de cette première enceinte donnent, deux à deux, un total
égal à 13:
86
87
Le nombre 13 doit être relié aux deux « treizièmes mois » de 30 jours,
intercalés la troisième et la cinquième année d’un cycle de 5 ans, afin d’ajuster
l’année luni-solaire de 354 jours et l’année solaire de 366 jours (cf. M. Granet, note
311, page 497).
Nous avons la surprise de trouver dans ce rectangle, axé sur les deux
diagonales, tous les hexagrammes dont les numéros d’ordre sont plus grands que
50. Ces quatorze hexagrammes du numéro 51 au numéro 64, sont tous présents,
enclos dans cette enceinte intérieure, ou cette « table » en forme de rectangle de
dimension 3 sur 4.
88
Nous tenons ici un lien simple reliant les numéros des 14 derniers
hexagrammes au découpage de l’ensemble des 64 en deux sous-ensembles de 36 et
de 24 hexagrammes par l’intermédiaire du quadruplet (37-38)(39-40).
89
90
CHAPITRE IX
LA PIERRE AU BLANC
Nous allons maintenant avoir une idée aussi « sotte que grenue », celle de
relier, plus ou moins parfaitement, le tableau {K} au carré magique de dimension 3
(cf. tableau C1). La technique consiste à lire ce tableau, non selon les lignes et les
colonnes, mais selon ses diagonales principales, il en résulte le tableau {O}:
91
2
24 23
7 27 8
19 4 3 20
15 41 29 42 16
36 52 60 59 51 35
46 22 39 61 40 21 45
11 18 63 53 54 64 17 12
26 48 37 62 38 47 25
5 57 55 56 58 6
9 32 30 31 10
__ 34 50 49 33 __
72 __ 14 28 13 __ 70
59 __ 43 44 __ 58
94 ___ 1 ___ 94
225_ __226
170___ ___172
________ 289__288 ________
11 225 240 222 12
Tableau {0}
92
On notera également la présence troublante du nombre 288 = 2 x 144 et de
son suivant 289. Si, par ailleurs, nous ajoutons 67 à chacun des nombres 170 et
172, nous obtenons 237 et 239, très proches du total médian 240.
C’est pourquoi nous ne nous choquerons pas de voir figurer deux fois dans
cette nouvelle série les nombres 222 et 225. Nous venons de « déplacer » les deux
ministres (24-43) et (23-44) sur les « zones d’influence » immédiatement voisines.
Qu’allons-nous faire des deux autres couples (25-45) et (26-46) ? Leur position très
éloignée du centre de l’empire les fait davantage ressembler à des régents de
provinces ou à des chefs de guerre qu’à des ministres. Comment éviter qu’ils ne
deviennent concurrents ou ne fassent sécession ?
La solution trouvée par le Yi King est assez subtile: croisons leurs « zones
d’influences réciproques » de façon à bien leur faire sentir l’appartenance des
provinces de l’ouest et de l’est à l’empire ainsi que l’autorité suprême de
l’empereur...
93
De ce fait les totaux 222 et 225 de notre tableau {O}, eux-mêmes constitués
des nombres:
72 + 59 + 94 = 225 et 70 + 58 + 94 = 222
deviennent:
72 + 58 + 94 = 224 et 70 + 59 + 94 = 223
94
Il ajouta qu’il fallait motiver les princes et régents de l’ouest dans la
conquête de nouveaux territoires mais cependant, ne pas donner trop de pouvoir à
ces nouvelles provinces, encore peu sûres et pas toujours fidèles.
L’empereur se dit qu’il était bien difficile de toujours garder le juste milieu et
d’atteindre au but qu’il s’était fixé: n’être plus d’aucune utilité dans un empire
totalement équilibré et de pouvoir, enfin, se consacrer à des choses sérieuses.
Il remercia son conseiller en le priant de faire préparer la prochaine
campagne contre les « barbares de l’ouest » et manda ses poètes, ses musiciens et
ses alchimistes: cet élixir de longue vie qu’on lui avait promis tardait vraiment à
venir, il se sentait vieux et fatigué...
95
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
11 72 59 94 225 170 222 240 221 172 226 94 58 70 12 = 1946
+67 +67 +134
237 239 2080
Nous pouvons alors regrouper les colonnes 2, 13 et 4 d’une part, 12, 3 et 14
d’autre part pour obtenir les totaux 224 et 223. Cette fusion réduit ces 15 parallèles
à 11 = 15 -2x2; la première diagonale du tableau {K} prend alors le numéro 6:
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
11 224 225 237 222 240 221 239 226 223 12 = 2080
Regroupant enfin les colonnes de rang 1 et 3 d’une part, 9 et 11 d’autre part,
le nombre total de colonnes est réduit de 11 à 9, nombre des cases du carré magique
de dimension 3.
1 2 3 4 5 6 7 8 9
224 236 237 222 240 221 239 238 223 = 2080
Dans l’ordre croissant de ses totaux, cette séquence numérique devient:
6 4 9 1 2 3 8 7 5
221 222 223 224 236 237 238 239 240 = 2080
Nous pouvons alors tenter de représenter ces neuf totaux sous la forme d’un
carré de neuf cases, et voir si ce carré possède des propriétés particulières.
Le nombre 2080 n’est pas divisible par 9; par contre, le nombre 2079=2080-
1 est égal à 9 x 231. Une division en neuf parties sensiblement égales doit conduire
à des totaux proches de ce nombre. La partition obtenue répond à ces conditions,
elle se compose de deux sous-ensembles: l’un de quatre éléments de 221 à 224,
l’autre de cinq éléments de 236 à 240.
Si la numérotation traditionnelle des hexagrammes avait été conçue pour
représenter, entre autres, une division des 64 premiers entiers en neuf familles dont
la somme des termes serait aussi équilibrée que possible, on ne s’y serait pas pris
d’une autre façon pour obtenir. Une telle hypothèse est parfaitement en accord
avec la tradition: encore une fois, Marcel Granet vient à notre secours pour
exprimer, mieux que nous ne saurions le faire, ce principe essentiel de la
représentation de l’univers mythique chinois:
96
« Les mythes relatifs à l’aménagement du Monde s’accordent avec les
traditions de l’art divinatoire: les divisions de l’écaille de tortue, le groupement
orienté des Trigrammes, le plan du Ming t’ang ne se comprennent qu’à condition
de les rapprocher de la théories des Neuf provinces ou de la division des champs en
neuf carrés, et de reconnaître aux Nombres, comme leur attribut essentiel, une
fonction classificatoire. » (op. cit. page 173)
Pour résoudre ce problème, il nous faut tout d’abord réduire nos totaux à un
ordre de grandeur compatible avec celui des neuf premiers entiers. Il nous faut
donc soustraire de chacun d’entre eux un nombre identique, tel que la somme des
nombres restants soit égale à 45, somme des 9 premiers entiers. Ce nombre est
facile à calculer puisque: 2034 = 2079 - 45 = 9 x 226.
Le nombre 226 ôté neuf fois de 2080 nous donne 46 égal, à une unité près, à
la somme des 9 premiers entiers. Nous ne pouvons nous empêcher de rapprocher
cette unité « de trop » de la première baguette d’achillée isolée des 49 autres par la
technique divinatoire...
6 4 9 1 2 3 8 7 5
-5 -4 -3 -2 10 11 12 13 14 = 46
Il nous faut maintenant ramener ces nombres négatifs et positifs à la
séquence ordonnée de 1 à 9.
Les cinq derniers d’entre eux ne posent guère de difficulté, puisqu’en ôtant 5
à chacun, c’est-à-dire 25 à 46, nous transformons la suite (10--14) dans la suite (5--
9):
6 4 9 1 2 3 8 7 5
-5 -4 -3 -2 5 6 7 8 9 = 46
Pour terminer, il nous faut réduire les quatre premiers à la suite (1--4), ce que
nous réaliserons en ajoutant 6 à chacun d’entre eux, soit 24 à 21:
6 4 9 1 2 3 8 7 5
1 2 3 4 5 6 7 8 9 = 45
En ôtant 5x5, puis en ajoutant 6x4, soit au total 24-25 = -1, nous avons bien
pris en compte la nécessité de ramener 2080 à 2079 pour obtenir cette séquence
ordonnée.
97
La suite de notre travail est évidente: nous allons refaire le chemin parcouru
en sens inverse, à partir du carré magique de dimension 3, dans lequel les
« emblèmes numériques » seront progressivement remplaçés par les totaux de nos
différentes colonnes.
Ce carré de dimension 3 ne diffère d’un carré magique que par les totaux
d’une seule ligne et d’une seule colonne égaux à 686, toutes les autres lignes,
colonnes et diagonales totalisant 697. L’harmonie de ce résultat tient évidemment à
la méthode suivie.
Nous ne prétendons pas qu’elle est la meilleure, ni qu’une autre partition de
l’ensemble des 64 hexagrammes en neuf familles équilibrées, ne puisse donner un
carré encore plus intéressant. Nous avons seulement montré, étape par étape,
comment les propriétés de cette numérotation permettent de rejoindre les principes
fondamentaux de la pensée chinoise traditionnelle.
98
Revenant à notre carré « presque magique », nous pouvons faire d’autres
remarques:
L’importance du chiffre 11 dans son agencement et dans la séquence numérique
qui a permis de le monter. Il y a en effet 11 nombres manquants dans la séquence
des nombres de 221 à 240: ce sont les nombres 225 à 235. La différence entre
686 et 697 est elle aussi égale à 11.
Le nombre 11 revêt une grande importance dans la numérologie chinoise
comme réunion du 5 et du 6. Il permet la constuction du carré de centre 6 à partir
de celui de centre 5. Le peu que l’on connaisse de son utilisation laisse penser à
Marcel Granet qu’elle était réservée aux milieux ésotériques (op. cit. page 167).
4 5 6 2 (9) 1 8 7 3
224 236 237 222 240 221 239 238 223
Les emblèmes 3 et 4 ont été soulignés pour rappeler que les hexagrammes
rattachés à chacun d’entre eux proviennent de la fusion de trois parallèles à la
première diagonale.
99
La mutation équivaut à une symétrie par rapport au centre: elle transforme une
famille d’hexagrammes du tableau {P} dans la famille symétrique par rapport à
la première diagonale. Notre partition est en effet invariante par une symétrie par
rapport à la seconde diagonale.
Le retournement équivaut à une symétrie par rapport à la première diagonale,
de même pour l’une quelconque des familles d’hexagrammes ainsi définies.
Tableau {P}
100
2 9 4 222 240 224
7 5 3 238 236 223
6 1 8 237 221 239
Carré magique Totaux par zones
Notre lecteur pourrait s’étonner que nous ne cherchions pas à améliorer cette
disposition, manifestement très imparfaite. Notre idée de base est qu’il existe une
partition idéale des 64 hexagrammes en non pas 9, mais 8 familles de 8
hexagrammes chacunes, dont les totaux conduisent directement au carré magique
de dimension 3, case centrale mise à part, bien sûr.
En outre, cette partition idéale obéirait aux règles de mutation et de
retournement des hexagrammes de façon homogène avec celles du retournement et
de la mutation des trigrammes disposés sur les cases extérieures du carré magique
de dimension 3, selon les emplacements correspondants aux deux ordres de lecture
traditionnels: celui de Fo Hi et celui du roi Wen.
L’ouvrage de Jean Choain donne cette double disposition et son auteur invite
le lecteur à une telle recherche (cf. page 154). Nous disposons, à ce stade de notre
étude, de toutes les bases et outils nécessaires pour l’aborder valablement. L’aide
d’un bon micro-ordinateur, quelques aptitudes à la programmation, et beaucoup de
patience, conduiraient certainement à des résultats passionnants.
101
Malgré ces difficultés, nous avons pu vérifier la capacité de ce langage à
manipuler les concepts introduits: rangée, colonne, tableau, permutations lignes et
colonnes, sommations par zones, etc... Il va de soi que, depuis cette date, ce
langage s’est beaucoup amélioré et est devenu facilement accessible au particulier.
Quelques années plus tard, nous avons pu reprendre ce code sous Visual C++
avec le même succès et beaucoup plus de souplesse.
102
CHAPITRE X
L’ESPRIT DE FAMILLE
Il ne nous reste plus qu’à ajuster les dernières pièces de notre « casse-tête
chinois » ... Contre notre propre attente, c’est l’ordre habituel dans lequel sont
présentés les hexagrammes, à partir de leurs trigrammes constitutifs, qui va nous
ouvrir cette nouvelle perspective. Cet ordre de présentation est celui du tableau
{D}, que nous appellerons « ordre de famille », en association avec la classification
par « sexe » des huit trigrammes.
Cet ordre de classification se résume mathématiquement par la séquence
numérique « 71240653 » et, sous forme circulaire, par le diagramme suivant:
103
La droite tracée sur ce diagramme sépare les trigrammes « masculins », le
père et les trois fils « 7124 », des trigrammes « féminins », la mère et les trois filles
« 0653 ». Mis à part les trigrammes 0 et 7, de signification évidente, ces
dénominations ont pour origine la distinction entre les trigrammes ne possédant
qu’un seul trait Yang, dits de sexe masculin, de ceux ne possédant qu’un seul trait
Yin, dits de sexe féminin.
La position de ce trait caractéristique: inférieure, médiane ou supérieure,
définit son ordre de filiation dans la catégorie masculine ou féminine
correspondante. Sur le diagramme circulaire ci-dessus, nous observons que les
trigrammes parentaux ou de même rang de filiation sont opposés diamétralement
par mutation: leurs valeurs sont complémentaires à 7.
Cette propriété appartient également à la succession de Fo Hi « 76240153 »
(cf. tableau B1). Ces deux successions se déduisent en effet l’une de l’autre par
simple échange des trigrammes 1 et 6 (premier fils et première fille), mais dans la
succession de Fo Hi, l’axe (7--0) sépare de fait les trigrammes enfants de valeurs
paires (4, 2 et 6) de ceux de valeurs impaires (3, 5 et 1).
Pour le mathématicien, l’ordre de Fo Hi se définit très simplement par les
opérations suivantes:
Inverser l’ordre des quatre premiers termes de la séquence des 7 premiers entiers,
« 01234567 » donnant « 32104567 ».
Retourner chaque trigramme de cet ordre pour obtenir la séquence « 62401537 ».
Décaler cette séquence d’un cran vers la droite pour obtenir la séquence
« 76240153 ».
104
Cette remarque relative au retournement des trigrammes pour l’obtention de
l’ordre de Fo Hi, nous suggère d’appliquer sa permutation caractéristique aux
lignes ou aux colonnes du tableau {D}. Pour changer un peu, nous l’avons réalisée
sur les lignes, par permutation des rangs 1 et 4 d’une part, 3 et 6 d’autre part.
105
106
De ce tableau {Y}, ne retenons que les 18 hexagrammes de notre « rectangle
intérieur du tableau {K}(cf. chapitre VIII), c’est-à-dire les hexagrammes 37 à 40 et
51 à 64. Nous constatons leur agencement régulier dans une « enceinte » de côté 6,
du fait qu’aucun d’entre eux ne possèdent les trigrammes 0 ou 7 dans leur
graphisme. Les hexagrammes 63 et 64 se positionnent sur la seconde diagonale,
constituant ainsi deux « bastions » de quatre hexagrammes:
107
Remarquant alors, sur le tableau {Y}, la position significative des huit
hexagrammes (23-24)(25-26)(43-44)(45-46) de la première « enceinte », nous
pouvons les ajouter à ce tableau {YA}, conduisant au tableau {Z+} ci-dessous:
108
Si nous reportons cet ensemble de 34 hexagrammes sur le tableau {L}, nous
obtenons le diagramme analogue {L+}. Celui-ci confirme de façon éclatante la
complémentarité des tableaux {K} et {L} dans cette architecture symbolique.
En effet, il suffit de reporter sur le tableau {K} ces 34 hexagrammes, sauf les
deux hexagrammes 27 et 28 (soleil et lune), qui symbolisent à eux seuls les 32
autres, pour obtenir le tableau suivant {K+}.
Les hexagrammes 27 et 28 sont indiqués en grisé sur les trois tableaux {Z+},
{L+} et {K+} pour ne pas nuire à la symétrie de ces diagrammes. En comparant la
position de ces deux hexagrammes sur ces trois tableaux: centrale sur les deux
premiers, externe sur le dernier, on ne peut que rester admiratif devant l’analogie de
ces images avec celles que la Tradition ne cesse de soumettre à notre sagacité.
109
« ...Lorsque de deux vous faites un, et faites l’intérieur comme l’extérieur, et
l’extérieur comme l’intérieur, ..., alors vous entrerez dans le Royaume... »
Evangile selon Thomas (logion 22)
Nous livrons enfin quelques tableaux annexes, issus du tableau {Y}, offrant
au lecteur quelques harmonies numériques supplémentaires.
110
111
Rappelons que le total par ligne ou par colonne du nombre d’inversions de
traits dans chaque hexagramme est un multiple de 8 (16, 24 ou 32). Le total du
tableau égale 192, moitié du nombre total de traits des 64 hexagrammes.
112
CHAPITRE XI
DE LA MUSIQUE
AVANT TOUTE CHOSE
7 + 8 = 15 15 + 8 = 23 avec 7 + 15 + 24 = 46
8 + 8 = 16 16 + 8 = 24 avec 8 + 16 + 23 = 47
Zones [1+] du tableau {YT}, « période » égale à 8.
113
Il nous semble que c’est la première fois que des relations aussi simples sont
signalées dans un ouvrage sur le Yi King. Nous pouvons alors rechercher si de
telles relations existent pour les hexagrammes possédant deux ou quatre traits Yin
ou Yang et appartenant au pourtour du tableau {YT}.
Zones [5+] du tableau {YT}, « période » égale à 28, doublée pour la seconde étape.
Zones [2+] du tableau {YT}, « période » égale à 26, à 27 pour la seconde étape.
114
Nous définirons donc la période P d’un ensemble de 6 hexagrammes, dont 3
(a, b, c) se déduisent des 3 autres (a+1, b+1, c+1) par retournement, tout nombre P
vérifiant l’une des trois relations suivantes:
115
De même, l’inscription dans un cercle des cinq notes de la gamme primitive
impose de représenter par 84, au lieu de 81, l’emblème numérique du premier tube
(op. cit. page 194).
Marcel Granet ajoute que « ...dans le système des douze tubes, le premier
devait être évoqué par 84 si l’emblème du dernier était senti comme équivalent à
63, afin de parfaire à 360 le total (357) des valeurs numériques attribuées aux six
derniers tubes... » (voir note 347).
Dans la gamme pentatonique, le nombre 84 représente également la longueur
du sixième tube, lorsque sa note n’est pas abaissée d’une octave.
Ces quelques rappels montrent que nos difficultés à ajuster notre modèle
reflètent exactement celles de l’élaboration progressive de la théorie des tubes
musicaux, de la gamme pentatonique jusqu’à celle des douze notes, accordée à la
théorie des 5 éléments et aux douze mois du calendrier.
Cet ouvrage prouve de façon évidente que le carré de dimension 3 est le seul
pont symbolique valable entre la numérologie hébraïque, dans laquelle le nombre
26 joue un rôle fondamental, et la symbolique chinoise dans laquelle son rôle reste
accessoire jusqu’à plus ample informé. Dans ce dernier domaine, il ne représente
que les deux années de 13 mois d’un cycle de cinq ans et, comme nous l’avons
remarqué, la somme des numéros des hexagrammes 1, 2, 11 et 12.
Pour les lecteurs intéressés par le domaine des influences culturelles entre
ces numérologies, il semble clair que c’est par l’intermédiaire de la numérologie
indienne antique que des relations peuvent être établies entre l’Occident et
l’Extrême-Orient. S’il est vrai que la vérité est une, elle prend parfois des modes
d’expression difficilement conciliables.
116
Il est symptomatique que ces rapprochements proviennent d’une source
bouddhiste tibétaine, l’auteur ayant également été accepté dans le cercle très fermé
de l’université de Bénarès. La rencontre de ces symbolismes n’aurait pu se réaliser
qu’à l’époque d’une période de plus grande diffusion du bouddhisme, aux alentours
du premier siècle de notre ère, période d’apparition du bouddhisme Mahâyâna,
médiane de la période de suprématie de la dynastie Han (approximativement de
206 avant J.-C. à 250 après J.-C.) et, comme nous allons le rappeler, période de
diffusion intense des influences hellénistiques en Asie Centrale par la route de la
soie.
La première gamme fixée était pentatonique, gamme de cinq sons, fa, sol, la,
do, ré. Elle donna naissance à cinq modes ayant successivement pour fondamentale
chacune des cinq notes: mode de fa ou de kong, fa, sol, la, do, ré, mode de sol ou
de chang, sol, la, do, ré, fa; etc. Chaque note avait une signification symbolique, la
première représentant le prince, la seconde le ministre, la troisième le peuple, les
deux dernières les affaires et les objets. L’adjonction ultérieure, peut-être vers le
VIIème siècle av. J.-C., d’un do et d’un fa bémolisés (si et mi) donna une gamme
heptatonique.
117
Au IIIème siècle av. J.-C., un système de douze demi-tons (liu) fournissait
par combinaison avec les modes 60 (12x5=3x4x5) puis 84 tons (3x4x7), mais qui
ne constituaient pas des gammes chromatiques. Ils étaient plutôt, selon la définition
de Wiora, « un réservoir de sons possibles »...
...La plupart des spécialistes pensent aujourd’hui que les Chinois se sont
inspirés des Grecs dans leurs théories musicales. Cette opinion s’appuie sur tout ce
que nous savons des rapports entre le monde grec et l’Asie Centrale pendant et
après les conquêtes d’Alexandre sur l’itinéraire de l’art gréco-bouddhique, depuis
le Gandhâra jusqu’aux oasis septentrionales et purement chinoises du désert de
Gobi qui ont eu elles aussi leurs fresques et leurs sculptures hellénisantes.
La seule critique de détail que nous nous permettons sur cette citation porte
sur l’ordre des cinq modes « fa, sol, la, do, ré », donné dans l’ordre des notes
croissantes, alors que d’autres auteurs retiennent l’ordre des quintes successives
« fa, do, sol, ré, la... » pour l’attribution des dénominations « kong, chang, yu, kyo
et tchi ». D’autres auteurs, comme Jean Choain, vont plus loin encore en attribuant
la note mi à la fondamentale kong, par la suite « fa, do, sol, ré, la, mi, si » bien
connue des apprentis en solfège (cf. « La Voie Rationnelle de la Médecine
Chinoise », SLEL Lille 1957, pages 170 sq.).
Nous verrons que cette confusion dans les affirmations de ces auteurs n’est
pas du tout fortuite, elle recouvre une réelle difficulté que chacun d’entre eux a
résolu en fonction de ses propres objectifs. La numérotation des hexagrammes
traduit elle aussi le jeu subtil entre la notation des notes fondamentales par
fréquences croissantes ou par génération naturelle des quintes successives...
118
Nous devons cependant faire état de l’opinion très réservée de Marcel Granet
sur cette hypothèse de l’emprunt aux Grecs des principes musicaux de la gamme
chinoise, de fait il la récuse:
« ...si les Chinois sont arrivés à fonder leur technique musicale sur un
principe arithmétique que, du reste, ils n’ont pas trouvé nécessaire d’appliquer à la
rigueur, c’est que la raison de leur découverte fut un jeu réalisé au moyen de
symboles numériques (considérés non comme des signes abstraits, mais comme
des symboles efficients) et que la fin de ce jeu était non pas de formuler une théorie
exacte qui justifiât rigoureusement une technique, mais d’illustrer cette technique
en la liant à une Image prestigieuse du Monde. » (op.cit. page 178)
Autrement dit, pour Marcel Granet, inutile de faire appel à une influence
hellénistique pour justifier la théorie des Tubes musicaux: il donne d’ailleurs de
nombreux contre-exemples tirés de traditions proprement chinoises (cf. pages 175 à
177). Il en reste de fait à son principe fondamental: l’utilisation emblématique des
nombres dans tous les domaines de la civilisation chinoise traditionnelle.
Munis de toutes ces précautions, nous pouvons maintenant analyser les zones
centrales du tableau {YT}, c’est-à-dire les hexagrammes à deux traits Yin ou Yang
d’une part, à trois traits Yin ou Yang d’autre part, tous sans trigramme 0 ou 7 dans
leur graphisme.
119
Hexagrammes à deux traits Yang (sans trigramme 0 ou 7):
Tableau {Y1}
120
Hexagrammes à deux traits Yin (sans trigramme 0 ou 7):
Tableau {Y2}
121
Hexagrammes à trois traits Yang (sans trigramme 0 ou 7, quadrant supérieur):
Tableau {Y3}
122
Hexagrammes à trois traits Yang (sans trigramme 0 ou 7, quadrant inférieur):
Tableau {Y4}
123
Le lecteur non initié appréciera immédiatement l’importance de ces schémas,
si nous lui présentons le tableau donnant la longueur des 12 tubes musicaux, divisés
en tubes Yin et Yang, accompagnés des totaux traditionnellement invoqués à leur
propos:
Tube n° 1 8 3 10 5 12 7 2 9 4 11 6
Nature + - + - + - + - + - + -
Note Fa Do Sol Ré La Mi Si Fa# Do# Sol# Ré# La#
Longueur 81 72 64 57 51 45
Longueur 54 48 42 76 68 60
124
Le schéma {Y1} possède deux lignes et deux colonnes dont les totaux sont
respectivement distants de 70 et de 80. La troisième ligne du schéma {Y3}
possède également un total de 80.
Le schéma {Y3} présente des lignes dont les totaux sont tous multiples de 10. En
outre les totaux de ces lignes sont respectivement distants de 30, 60 et 90.
La symétrie par rapport à la première diagonale du tableau {Y}, qui transforme
par retournement des hexagrammes le schéma {Y3} dans le schéma {Y4},
transfère cette remarquable propriété aux colonnes de ce dernier: leurs
différences prises deux à deux sont elles-aussi égales à 30, 60 et 90.
Deux remarques annexes peuvent être faites en relation avec les 24
hexagrammes (hors 1, 2, 11 et 12) du pourtour du tableau {Y}:
Les sommes des numéros des hexagrammes situés sur chacune des deux
diagonales des schémas {Y3} et {Y4}, sont respectivement égales à 134, 135,
136 et 137. Ces nombres sont à rapprocher des totaux 64, 65, 66 et 67 des zones
[4+] et [2+] du pourtour du tableau {Y} (voir tableaux {YC} et {YT} du
chapitre X). Ces huit nombres distants deux à deux de 70, relient les totaux des
hexagrammes à un ou deux traits Yin et un trigramme 7, aux totaux
« diagonaux » des hexagrammes à trois traits Yin ou Yang, sans trigramme 0 ou
7 dans leur graphisme.
Ces totaux des secondes diagonales de {Y3} et {Y4} égaux à 134 et 135, de
période 18, sont donc bien à rapprocher des totaux 64 et 65 (différence égale à 70),
des hexagrammes à deux traits Yin et un trigramme 7 de période 28 (différence
égale à 10).
125
De même pour les totaux des premières diagonales de {Y3} et {Y4}, égaux à
136 et 137, de « période » 10:
Ces totaux 136 et 137, de période 10, sont à rapprocher des totaux 46 et 47
(différence égale à 90), des hexagrammes à un seul trait Yang de période 8. Ils
peuvent également être rapprochés des totaux 66 et 67 (différence égale à 70), des
hexagrammes à un seul trait Yin de période 34.
Enfin, les totaux 307 et 408 des tableaux {Y1} et {Y2}, figurant également sur le
tableau {YC}, sont dans le rapport 3 / 4 à moins de 3/1000èmes près. Leur
somme 715 approche de seulement trois unités le total 718 des longueurs des
douze tubes musicaux.
126
CHAPITRE XII
Les schémas et tableaux des chapitres précédents peuvent être analysés par
référence aux emblèmes de base du Calendrier traditionnel chinois. Au fil des
pages, nous avons rappelé les principaux d’entre eux, les ajustements qu’ils
symbolisaient et, parmi eux, les nombres-clés 288, 354, 357, 360, 361, 366, 29 et
30.
Le cycle annuel de cinq ans, qui ajuste l’année luni-solaire de 354 jours à
l’année solaire de 366 jours, oblige à intercaler 2 mois de 30 jours à la 3ème et à la
5ème année, soit 60 jours. Ces deux années intercalaires possèdent alors 7 mois de
30 jours et 6 de 29 jours, soit 384 jours et un écart de 6 jours à 390 = 360 + 30. Par
suite, ces deux années comprennent 26 mois sur les 62 de ce cycle.
127
306: double de la somme des six derniers tubes Yang (153), il est à 288 ce que
153 est à 144.
408: double de la somme des six derniers tubes Yin (204), qui est à 288 ce que
204 est à 144.
90 et 180: quart et moitié du grand total 360 s’associent parfois à ces différents
emblèmes.
128
Ce rôle est à mettre en relation avec l’évolution historique de la théorie des
tubes musicaux et l’établissement d’une correspondance numérique entre les aires
Yin et Tcheou, associée à l’équerre (3, 4, 5):
« ... nous venons de voir que Tchen Hiuan n’a pas hésité à assimiler 72 à 70,
afin d’établir une relation entre les aires Yin et Tcheou. Or avec la formule 80, 56,
70, 48, 64, (42), non seulement le premier nombre (80) vaut les 5/4 du cinquième
(64), mais il vaut encore les 5/3 du quatrième (48) et, de même, le troisième (70)
vaut les 5/4 du deuxième (56) et les 5/3 du sixième (42).
129
{ZA} {ZB}
{ZC} {ZD}
{ZE}
130
L’ORDRE OUBLIE
131
Ces deux permutations circulaires s’effectuant de part et d’autre de la droite
séparant les trigrammes masculins des trigrammes féminins, la succession du roi
Wen possède également cette propriété de l’ordre de famille. D’une catégorie à
l’autre, seul diffère l’ordre des trigrammes de chaque côté de cette droite.
132
Sur le diagramme de gauche, on observe que les trigrammes
complémentaires à 7 (mutés l’un de l’autre) sont symétriques par rapport à la droite
séparant les trigrammes masculins des trigrammes féminins.
Sur le tableau {Y}, cette propriété se traduit par une symétrie par rapport à
l’axe horizontal pour le trigramme inférieur, et une symétrie par rapport à l’axe
vertical pour le trigramme supérieur. La combinaison de ces deux symétries
équivaut à la mutation d’un hexagramme par une symétrie par rapport au centre du
tableau.
133
Trigrammes supérieurs (colonnes): « 72416503 » (Wen)
Trigrammes inférieurs (lignes): « 72143506 » (permutation « 04261537 » sur
« 01234567 »).
Pour conclure nos réflexions, il vaut la peine que nous nous interrogions sur
cette double permutation dans l’ordre de famille, qui conduit à l’ordre du roi Wen:
Le second fils prend la place du premier, lequel prend la dernière place dans
l’ordre de succession des trigrammes masculins, pendant que le père conserve sa
première place.
La première fille prend la place de la mère, laquelle prend l’avant-dernière place
dans l’ordre de succession des trigrammes féminins, pendant que la troisième
fille conserve sa dernière place.
134
CHAPITRE XIII
LA REGLE DE CINQ
Nous voudrions réduire cette « grande règle » au seul aspect qui nous
intéresse ici, celui des deux types de pentagones: le pentagone concave, ou étoile à
cinq pointes, et le pentagone convexe. Ces deux modes de lecture: soit de « pointe à
pointe », soit en suivant successivement les cinq côtés du pentagone, sont les deux
modes naturels de relations entre les Cinq Eléménts de la tradition chinoise.
Ils correspondent de fait aux deux cycles de base de l’acupuncture chinoise:
Le cycle de production ou d’engendrement, cycle Cheng, cycle Mère-Enfant.
Le cycle d’inhibition ou de contrôle, cycle Ko, cycle Grand-mère-Enfant.
Les deux autres cycles cités par les textes occidentaux sont:
Le cycle de révolte ou de mépris, cycle Raé, lorsque l’enfant insulte ses grands-
parents. Ce cycle est en fait l’inverse du cycle Ko et, dans cet ouvrage, nous ne
les distinguerons guère, uniquement quand nos résultats feront apparaître un
cycle Cheng conjoint à un cycle Raé et non un à cycle Ko, comme il serait
logique de le trouver.
Le cycle d’empiètement ou de mutation, cycle Hwan.
135
Qu’est-ce-que ce fondement de la tradition chinoise, la théorie dite des « 5
Eléments », datée ordinairement du 2ème millénaire avant J.C., a à voir avec
l’ordre de présentation de hexagrammes du Yi King ?.. Aucun a priori et nous
avons mis près de vingt ans à « deviner », puis enfin à présenter sous la forme
actuelle le fruit de nos réflexions. Même en 1991, nous n’avons pas osé présenter
les deux diagrammes de base de cette découverte: ils étaient déjà sur notre
ordinateur, mais derrière, le vide, le brouillard...
136
L’ordre complet de ces cinq séquences n’est donc pas [1/2] [3/4] [5/6] [7/8]
[9/0], mais [1/2] [7/8] [3/4] [9/0] [5/6] [1-2], etc... Ces deux ordres sont liés par une
relation du type cycle Cheng-cycle Raé, et non du type cycle Cheng-cycle Ko. La
congruence modulo 64 introduit donc au niveau des chiffres des unités des
hexagrammes un niveau de tension maximale entre une relation harmonieuse Mère-
Enfant et une relation de révolte entre Grand-mère et Enfant.
Nous livrons donc ce premier schéma, traduisant tous les résultats obtenus à
ce stade de notre raisonnement:
137
Nous commenterons simplement ce premier schéma par la description des
caractéristiques « arithmétiques » de ces 5 séquences dans l’ordre où elles nous ont
été ainsi « données »:
138
Ventilons donc ces 24 hexagrammes « remarquables » dans chacunes de nos
5 « séquences » en fonction du chiffre des unités de leur ordre de classement
traditionnel:
139
Par souci de rigueur mathématique, l’énonciation de ces deux nouvelles
catégories peut paraître « alambiquée », elle devient « d’une simplicité
évangélique » par les exemples suivants:
Le quadruplet (3-4)(49-50), dont le second couple se déduit du premier par
mutation, comporte les chiffres des unités (9-0), différents de (3-4), il appartient
à la famille des quadruplets d’hexagrammes dits « hétérogènes ».
Le quadruplet (31-32)(41-42), dont le second couple se déduit du premier par
mutation, ne comporte que des chiffres des unités égaux à 1 ou à 2, il appartient
à la famille des quadruplets d’hexagrammes dits « homogènes ».
Le quadruplet (1-2)(11-12), dont le second couple se déduit du premier par
échange des trigrammes, parce que leur retournement les laissent inchangés, sera
également dit « homogène ».
Le quadruplet (29-30)(63-64), dont le second couple se déduit du premier par
échange des trigrammes, parce que le retournement les laissent inchangés, sera
qualifié d’ « hétérogène », puique les deux couples obtenus n’ont pas, deux à
deux, les mêmes chiffres des unités: (9-0) et (3-4).
Ces considérations arithmétiques sont sans doute sommaires, elles nous
permettent cependant d’obtenir les résultats suivants:
Séquence [1/2]:
3 quadruplets hétérogènes: (21-22)(47-48) / (51-52)(57-58) / (61-62)(53-54)
Séquence [7/8]:
4 quadr. hétéro. (7-8)(13-14) / (37-38)(39-40) / (47-48)(21-22) / (57-58)(51-52)
Séquence [3/4]:
5 q.h. (3-4)(49-50)/(13-14)(7-8)/(33-34)(19-20)/(53-54)(61-62)/(63-64)(29-30)
Séquence [9/0]:
6 quadruplets hétérogènes: (9-10)(15-16) / (19-20)(33-34) / (29-30)(63-64) /
(39-40)(37-38) / (49-50)(3-4) / (59-60)(55-56)
Séquence [5/6]:
2 quadruplets hétérogènes: (15-16)(9-10) / (55-56)(59-60)
140
Nous avons donc la surprise de dénombrer 20 quadruplets, au nombre de 2,
3, 4, 5, 6 ,(2+3+4+5+6=20) dans chacune de ces cinq séquences.
C’est un peu curieux, puisque 20 quadruplets font 80 hexagrammes, alors
que nous ne disposons que de 64 d’entre eux. Nous devons simplement remarquer
que chaque couple d’hexagrammes figure deux fois dans le décompte précédent.
141
Nous pouvons alors représenter cette répartition hétérogènes/homogènes par
le schéma suivant:
Sur ce schéma, nous pouvons lire les 5 « séquences » dans le sens des
aiguilles d’une montre (cycle Cheng): [1/2][3/4][5/6][7/8][9/0], ou dans l’ordre du
pentagone concave (cycle Raé):[1/2][7/8][3/4][9/0][[5/6], défini par la progression
arithmétique de raison 10, modulo 64, à partir du couple (1-2).
142
Comme montré plus haut, on peut alors lire le nombre de doublets
hétérogènes selon le cycle Raé suivant: 2, 3, 4, 5, 6 soit en « séquence »:
[5/6][1/2][7/8][3/4][9/0].
143
144
CHAPITRE XIV
POIL A GRACTER
Au cours du printemps 1992, nous sommes tombés par hasard sur l’article en
deux parties que publiait le professeur Jacques Riguet de l’université d’Orsay, dans
la revue d’informatique tout public « Micro-Systèmes » des mois d’avril et de mai
de cette même année. Cet article intitulé « Gractique pure et gractique
appliquée » a été publié dans la série « technologie » et la sous-rubrique « Les
cahiers du développeur » de cette revue; on ne peut donc soupçonner cet article de
manquer de « modernité »...
145
Pour rendre compte de l’intérêt que nous avons manifesté pour ce bref
exposé des recherches de ce professeur sur le langage gractique, au point de
conserver ces articles durant dix ans, attendant la « révélation » qui les relieraient à
notre problème, nous recopions ici les deux introductions correspondantes.
146
147
Ce « gracte », qu’on veuille bien nous pardonner l’expression, traduit dans
son détail tous les résultats du chapitre précédent. Il prend en compte la nécessité
de ne pas lire deux fois un doublet d’hexagrammes par une « liaison flèchée » entre
deux couples d’hexagrammes consécutifs et, ou leur mutation, ou l’échange de leur
trigramme inférieur ou supérieur.
Un doublet homogène y est représenté par une boucle fermée sur la
séquence à laquelle ses chiffres des unités appartiennent. Un doublet hétérogène y
est représenté par une courbe allant de la séquence du premier doublet à celle du
second doublet, nécessairement différente.
On notera, et c’est nouveau, une « quasi-symétrie » de ce schéma selon un
axe vertical médian. Celle-ci rapproche par ses 4 « grandes oreilles » supérieures, à
l’exception du quadruplet (53-54)(61-62), les séquences [1/2] et (5/6], comme s’il
manquait un petit « quelque chose » pour les relier à nouveau, nous verrons plus
loin que ce « quelque chose » a à voir avec la loi de six. Elle rapproche également,
à l’exception des quadruplets (17-18)(27-28) et (29-30)(63-64) les séquences [7/8]
et [9/0]. La séquence [3/4] reste en bas de ce schéma, comme isolée et
« génératrice » des deux « branches » de cet arbre.
Ce schéma traduit un ordre global de classement des hexagrammes, basé sur
des propriétés relativement simples: le retournement, la mutation, l’échange des
trigrammes inférieur ou supérieur des hexagrammes et le chiffre des unités de leur
rang, c’est pourquoi il nous a semblé utile d’en faire état. Il donne, pour la première
fois, une vue saisissante de l’harmonie générale de cet ordre et nous invite à en
approfondir les mystères.
En effet, ce schéma relie directement, par l’intermédiaire des « séquences »,
le classement des hexagrammes à la structure « pentagonale », qui est l’un des
fondements de la philosophie traditionnelle chinoise.
Nous sentons enfin, que nous possédons le sésame qui manquait à notre
recherche pour assurer nos pas et conforter notre optimisme...
148
CHAPITRE XV
EH BIEN, DANSONS
MAINTENANT...
« Om namo shivaya... »
149
On notera que ces vingt (2+3+4+5+6) doublets, soit 40 hexagrammes, sont
répartis, dans cet ordre, et dans chaque séquence, selon un cycle Raé. Les
séquences se lisent pour leur part selon un cycle Cheng dans l’ordre naturel [1/2]
[3/4] [5/6] [7/8] [9/0].
150
On notera, contrairement aux doublets hétérogènes, que ces 10(+2) soit
(0+1+2+3+4(+2)) doublets, soit 24 hexagrammes, sont répartis, dans cet ordre, et
dans chaque séquence, selon un cycle Ko. Comme précédemment, les séquences
suivent l’ordre naturel selon un même cycle Cheng.
151
Ce qui précède est déjà très joli, mais concerne des catégories
d’hexagrammes assez « conceptuelles », qui ont demandé, avant leur mise en
oeuvre, un assez long travail de préparation et de sélection aussi rigoureuses que
possible.
Pouvons-nous mettre en exergue un ou plusieurs exemples beaucoup plus
« immédiats », sans réflexion abstraite ou mise en forme plus ou moins artificielle,
de la présence de la loi de cinq dans cet ordre de présentation ?
Oui, il est à portée de main et nous l’avons déjà étudié, c’est celui des
hexagrammes à deux et à quatre traits Yin ou Yang (voir chapitre XI). Ces 30
hexagrammes (autant que dans la première partie du Yi King) peuvent alors être
présentés selon le schéma ci-contre, en deux familles de 15 hexagrammes chacune.
Et là, merveille, oh oui, quelle merveille: le dénombrement, le simple
dénombrement des hexagrammes de chacune de ses deux familles, conduit, par
séquences, à une double progression de type 1, 2, 3, 4 et 5. Sommes-nous donc si
aveugles pour que cette évidence, vieille de plus de 2000 ans, n’ait jamais figuré
dans aucun ouvrage, même sérieux, sur le Yi King !..
Nous pouvons donc « affirmer », Dieu que le terme est prétentieux, nous
pouvons seulement constater que le nombre d’hexagrammes à deux ou quatre
traits Yin ou Yang, regroupés par paires consécutives du chiffre des unités de leur
rang, suivent une progression arithmétique de raison 1 et de premier terme 1.
Nous « constatons » également que ces deux progressions, l’une pour les
hexagrammes à deux traits Yin, l’autre pour les hexagrammes à deux traits Yang
(ou quatre traits Yin), si elles sont globalement identiques, ne se répartissent pas de
façon symétrique dans chacune de nos 5 séquences.
C’est pourquoi, au bas de cette page, nous présentons les deux « étoiles à 5
branches », figurant le nombre d’hexagrammes dans chaque séquence sous la
forme d’un cycle Ko (1, 2, 3, 4 et 5) et, sur le cercle extérieur, les séquences
numériques y associées.
On « constate » immédiatement que, dans les deux familles il faut, à gauche
comme à droite, inverser l’ordre de deux séquences, [3/4] et [5/6] à gauche, [9/0] et
[1/2] à droite, pour réobtenir en cycle Cheng l’ordre naturel de succession de nos 5
séquences [1/2][3/4][5/6][7/8][9/0] ou par équivalence, le cycle Raé, de génération
naturelle de ces 5 séquences par progression arithmétique de raison 10 modulo 64 à
partir du couple (1/2) soit [1/2][7/8][3/4][9/0][5/6].
152
153
Trop de coïncidences, oui vraiment trop, dans ce tableau élémentaire, pour
que nous ne nous interrogions pas ultérieurement (voir chapitre XVIII) sur le sens
de cette double inversion de deux « séquences », ou de deux chiffres (2 et 4 sur le
diagramme de gauche, 3 et 5 sur le diagramme de droite). Ces deux inversions
signifient quelque chose, veulent nous montrer quelque chose... mais quoi: une
nécessité arithmétique pour ajuster le modèle global, tentative un peu risquée de
déséquilibrer l’ensemble, ou la transition d’un ordre de signification à un autre,
voisin mais reflétant de plus vastes harmonies... Nous verrons plus loin ce qu’il faut
en penser, puisque comme chacun sait 2+5 = 3+4 = 7.
Remarquons cependant que, si notre raisonnement traite de la totalité des
hexagrammes à 2 ou 4 traits Yin ou Yang, il faudrait ajouter les deux hexagrammes
à 0 ou 6 traits Yin ou Yang pour couvrir la totalité des hexagrammes à nombre de
traits pairs, soit 0, 2, 4 et 6 traits Yin ou Yang. Ces deux hexagrammes constituent
le doublet (1-2) des deux premiers hexagrammes du Yi King et, vu leur position
fondamentale dans l’ouvrage et leur signification considérable, nous serons
également bien obligés de nous interroger sur leur « manque de participation » à
l’ordre partiel qui vient d’être mis en évidence.
154
155
Sur ce schéma, on constate une parfaite symétrie de la répartition dans
chacun des deux quadrants, c’est une conséquence naturelle des propriétés du
retournement des hexagrammes; rien de miraculeux dans ce résultat. Ce qui, par
contre est surprenant, c’est le nombre d’hexagrammes dans chaque séquence: il
s’agit d’une progression arithmétique de raison 1 et commençant avec 1, le couple
(9-10) étant mis à l’écart.
On notera aussi qu’il faut inverser l’ordre des séquences [3/4] et [5/6] pour
rétablir le cycle Cheng de succession de leur ordre naturel, le nombre
d’hexagrammes dans chaque séquence suivant ici un cycle Ko.
156
157
Pour être complet il nous reste à présenter quelques « curiosités » annexes,
lesquelles, sans refléter directement la « règle de cinq », confirment l’étroite
dépendance entre toutes ces catégories et l’ordre de classement de ces 64 figures.
Nous avons vu qu’il y a 24 hexagrammes remarquables comme il y a 24
hexagrammes homogènes, 40 hexagrammes non remarquables comme il y a 40
hexagrammes hétérogènes. Pouvons-nous établir une relation de dénombrement
simple entre, par exemple certains hexagrammes remarquables et certains
hexagrammes homogènes?
158
De ce fait, et toujours pour ces 32 hexagrammes à nombre de traits Yin ou
Yang impair il y a, dans chacune de ces 5 séquences, autant d’hexagrammes non
remarquables que d’hexagrammes hétérogènes, successivement en nombre de
doublets 1, 3, 2, 2, 2, soit au total 10 doublets, donc 20 hexagrammes soit la moitié
du nombre tant d’hexagrammes non remarquables que d’hexagrammes
hétérogènes. Le lecteur nous épargnera la démonstration évidente de cette
affirmation à partir du résultat précédent.
Nous constatons ainsi que cette « association » entre 24 hexagrammes
remarquables et 24 hexagrammes homogènes d’une part, 40 hexagrammes non
remarquables et 40 hexagrammes hétérogènes d’autre part, va beaucoup plus loin
que prévu.
Elle demeure vraie pour les seuls 32 hexagrammes à nombre de traits Yin ou
Yang impair, pour lesquels 12 hexagrammes remarquables répondent à 12
hexagrammes homogènes et 20 hexagrammes non remarquables répondent à 20
hexagrammes hétérogènes.
159
En reprenant cette distribution par séquences et par catégories, dans l’ordre
[1/2][7/8][3/4][9/0][5/6] du cycle Raé, on obtient en nombre de doublets
d’hexagrammes:
Remarquables: (3, 2, 0, 1, 0) de total égal à 6, soit 12 hexagrammes et la moitié
du nombre d’hexagrammes remarquables (24).
Non remarquables: (0, 1, 2, 3, 4), déjà étudié, de total égal à 10, soit 20
hexagrammes et la moitié du nombre d’hexagrammes non remarquables (40).
Homogènes: (1, 1, 0, 0, 4) de total égal à 6, soit 12 hexagrammes et la moitié du
nombre d’hexagrammes homogènes (24).
Hétérogènes: (2, 2, 2, 4, 0) de total égal à 10, soit 20 hexagrammes et la moitié
du nombre d’hexagrammes hétérogènes (40).
On voit bien sur cette liste que la suite (0, 1, 2, 3, 4) des hexagrammes non
remarquables ne coïncide pas avec la suite (2, 2, 2, 4, 0) des hexagrammes
hétérogènes. De même, la suite (3, 2, 0, 1, 0) des hexagrammes remarquables ne
coïncide pas avec la suite (1, 1, 0, 0, 4) des hexagrammes homogènes.
Pour leur part, les 30 hexagrammes à nombre de traits Yin ou Yang impair,
sauf le doublet (9-10), se ventilent selon l’ordre spécial des séquences
[9/0][5/6][7/8][1/2][3/4] par doublets au nombre de (1, 2, 3, 4, 5), soit 15 doublets.
Considérés dans leur totalité, soit 32 hexagrammes doublet (9-10) inclus, ces 16
doublets se répartissent dans chaque séquence en nombre égal de doublets
remarquables ou homogènes, et par conséquent en nombre égal de doublets non
remarquables ou hétérogènes.
160
Nous conclurons ce chapitre par la ventilation des 64 hexagrammes dans ces
quatre catégories: remarquables et non remarquables, homogènes ou hétérogènes:
Ces 24 hexagrammes nous donnent donc tous les quadruplets dont les
doublets constitutifs sont distants d’un multiple de 10: 3 de 10, 2 de 20 et 1 de 30.
Encore une très belle association d’une progression de type 3, 2, 1 et d’une
progression de type 10, 20 et 30. Sans commentaire...
161
162
CHAPITRE XVI
LA REGLE DE SIX
Cette nouvelle étape de notre travail n’est qu’une hypothèse, une théorie
élaborée à partir de tous les résultats précédents. Alors que, jusqu’à présent, nous
avons pu nous abriter derrière la rigueur mathématique de nos arguments, nous
allons maintenant devoir manipuler nos outils d’une façon tellement « étrange »
que tout mathématicien sérieux ne pourrait que désapprouver.
Nous n’avons pourtant pas d’autre solution, pour « démonter » cette
architecture numérique en ses composants les plus élémentaires, tout en nous
efforçant, malgré tout, de justifier nos choix par les textes et l’opinion des
spécialistes. L’harmonie des résultats produits ne pourra que réjouir le lecteur un
peu « poète », les critiques des méchants ne pourront nous atteindre, incapables
qu’ils seront de prouver la fausseté de notre vision...
163
Séquence [5/6] [9/0] [3/4] [7/8] {1/2} {5/6}
Remarquables 0 1 2 3 4 2
Hétérogènes 2 6 5 4 3 0
Total 2 7 7 7 7 2
On peut s’étonner que nous ayons noté {5/6} la colonne contenant les deux
doublets (1-2)(11-12) séparés de la séquence [1/2]. A cela, il y a à la fois des
raisons symboliques, que nous verrons sur les schémas ultérieurs, et des raisons
arithmétiques, que notre cher Marcel Granet viendra nous aider à justifier.
164
... Nous voici donc conduits à formuler une hypothèse: les emblèmes
numériques des notes, loin d’être arbitraires, ont commencé par signifier des
dimensions réelles. La remarque qu’entre 10 et 5, moitié de 10, il y a 5 intervalles
explique la constitution d’une gamme à 5 notes, - les rapports des notes étant
symbolisés par les nombres 7, 9, 6, 8 et le couple 10-5 qui donnait une idée de
l’octave... (op.cit. page 194) ».
Notre dernier tableau prend, après cette citation, une toute nouvelle
signification si nous considérons nos séquences comme les notes d’une gamme
musicale.
La pseudo-séquence {5/6} ne serait plus alors la fantaisie arbitraire d’un
mathématicien fou, mais l’expression de l’octave de la séquence [5/6]. C’est ce qui
justifie à nos yeux la notation {5/6} pour ces deux doublets (1-2)(11-12)
appartenant de fait à la séquence [1/2]. Ces deux doublets, dont le premier ouvre le
Yi King et le second s’en déduit par échange des trigrammes inférieurs et
supérieurs, traduiraient la notion d’octave musicale, établissant ainsi un lien encore
plus profond entre la théorie musicale chinoise et cet ordre de classement.
Si nous persévérons dans notre « hérésie mathématique », nous constatons
que la séquence [5/6] comporte 0 doublet d’hexagrammes remarquables et 2
doublets d’hexagrammes hétérogènes (15-16) et (55-56), par ailleurs non
remarquables. La pseudo-séquence {5/6} comporte pour sa part 2 doublets
d’hexagrammes remarquables (1-2) et (11-12) et 0 doublet d’hexagrammes
hétérogènes. Le passage de l’une à l’autre semble s’effectuer par échange
réciproque du caractère « remarquable » et du caractère « hétérogène » de ces
quatre doublets. On pourra, encore une fois, trouver notre interprétation « vaseuse »
ou « tirée par les cheveux », cependant, ça marche encore et nous pousse à aller
plus loin dans l’interprétation de Marcel Granet, et de quelques autres...
Si maintenant, dans la séquence [5/6], nous remplaçons le nombre de
doublets hétérogènes, soit 2, par 7=2+5, la suite de nombres de doublets
hétérogènes devient (7,6,5,4,3,(0)) au lieu de (2,6,5,4,3,(0)). La suite des totaux
avec les hexagrammes remarquables devient (7,7,7,7,7,2) au lieu de (2,7,7,7,7,2).
Nous pouvons alors, dans la pseudo-séquence {5/6}, remplacer le nombre de
doublets hétérogènes, soit 0, par 5=0+5, la suite de nombres de doublets
hétérogènes devient (7,6,5,4,3,5) au lieu de (7,6,5,4,3,(0)). La suite des totaux avec
les hexagrammes remarquables devient (7,7,7,7,7,7) au lieu de (7,7,7,7,7,2).
Le tableau précédent devient donc le suivant:
165
Séquence [5/6] [9/0] [3/4] [7/8] {1/2} {5/6}
Remarquables 0 1 2 3 4 2
Hétérogènes 2+5 6 5 4 3 5+0
Total 7 7 7 7 7 7
Que ces deux dernières opérations, ajouter 5 à 2 et à 0, aient un sens ou non,
elles fournissent un total de 7 dans les six colonnes de ce tableau. Ce dernier
tableau montre aussi que cet échange des qualités « remarquable » et
« hétérogène » dans la pseudo-séquence {5/6} conduit à deux suites numériques
parfaitement régulières:
0, 1, 2, 3, 4, 5 pour les hexagrammes remarquables, le 0+5 de {5/6} étant
considéré comme remarquable à la place du 2.
7, 6, 5, 4, 3, 2 pour les hexagrammes hétérogènes, le 2 de {5/6} étant considéré
comme hétérogène à la place du 0+5.
Le problème réside donc dans l’interprétation de cet ajout de 2x5=10
doublets, soit 20 hexagrammes hétérogènes aux 64 existants, conduisant à 84
hexagrammes dont 20 fictifs.
Après les rappels « musicaux » effectués au chapitre XI sur l’importance du
nombre 84 dans la théorie chinoise des tubes musicaux, nous reprenons également
de la citation de Lucien Rebatet ce court extrait:
« ... Au IIIème siècle av. J.-C., un système de douze demi-tons (liu)
fournissait par combinaison avec les modes 60 puis 84 tons, mais qui ne
constituaient pas des gammes chromatiques. Ils constituaient plutôt, selon la
définition de Wiora, « un réservoir de sons possibles... »
Le pilote fou de l’ordre de classement des hexagrammes vient de trouver son
« terrain d’atterrissage »: il dispose bien d’un réservoir de 84 hexagrammes
possibles (dont 20 fictifs), pour justifier des effets de la trop haute altitude sur son
psychisme mathématique. Personne n’est parfait...
166
Les 40 (+20) hexagrammes hétérogènes, soit 20 (+10) doublets, sont
disposés à l’intérieur de l’hexagone dans la suite (2(+5),6,5,4,3,2). Les 24
hexagrammes remarquables, soit 12 doublets, sont disposés à l’extérieur de
l’hexagone dans la suite (0,1,2,3,4,(5)+0).
Bien sûr, une inversion « suspecte » subsiste autour de la pseudo-séquence
{5/6}, du fait de l’échange signalé entre la qualité remarquable et la qualité
hétérogène. Cette inversion fait aussi apparaître un double enchaînement
parfaitement harmonieux entre les deux suites de nombres intérieure et extérieure:
167
Le 4 de la pseudo-séquence {1/2} est suivi par le 5 de la pseudo-séquence {5/6},
puis le 0 de cette même pseudo-séquence {5/6} est suivi par le 0 de la séquence
[5/6].
Le 3 de la séquence [1/2], identique pour les hexagrammes hétérogènes à la
pseudo-séquence {1/2}, est suivi par le 2 de la pseudo-séquence {5/6}, puis par
le 2 de la séquence [5/6] lequel, par ajout de 5, donne le 7 qui précède le 6 de la
séquence [9/0].
Dernière étape, une fois revenu sur terre, retraduire sous forme de pentagone
l’hexagone précédent, uniquement destiné à bien visualiser la logique sous-jacente
de cette architecture. Le schéma ci-contre nous ramène donc à la dure réalité par sa
complexité apparente, il résume cependant tous nos acquis et ne devrait pas poser
de difficultés supplémentaires au lecteur qui nous a suivi jusqu’ici.
168
169
La séquence [5/6], avec 0 hexagramme remarquable et 2 doublets
d’hexagrammes hétérogènes, ne peut respecter cette règle que de deux façons:
Remplacer le 0 extérieur par (5), qui ajouté à 2 donne encore 7.
Remplacer le 2 intérieur par 2+(5), ce qui donne encore 7.
Les deux options sont figurées de façon à mettre en évidence les deux suites,
extérieure et intérieure: (1,2,3,4,(5)=0) pour les hexagrammes remarquables et
(6,5,4,3,2=(7)) pour les hexagrammes hétérogènes. La séquence [5/6] rentre donc,
elle aussi, dans la « règle » que nous suivons.
Le cas évidemment le plus « délicat » est celui de la séquence [1/2], qui a
retrouvé son unité, avec 6 doublets d’hexagrammes remarquables (4+2) à
l’extérieur, et 3 doublets d’hexagrammes hétérogènes à l’intérieur (3+(5)). Nous ne
pouvons plus alors résoudre cette anomalie qu’en considérant que le 4 extérieur
s’associe avec le 3 intérieur pour donner un premier 7, ce qui est « presque »
conforme avec la règle générale. Il nous faut ensuite « convenir », accepter, que le
2 extérieur s’associe avec le (5) intérieur, qui n’est autre que 0, pour encore
signifier 7. La séquence [1/2], dans sa totalité, conduit donc à un total de
7+(7)=14=7+2=9, seule exception à la règle générale, les deux doublets
« excédentaires » concernés étant toujours (1-2)(11-12). Le passage à l’octave
musicale ne saurait mieux être symbolisé que par la fonction de ce quadruplet dans
l ’architecture que nous venons d’exposer.
Il est évident que l’assimilation du 10 au 5 par Marcel Granet entraîne
l’assimilation du 5 au 0. Or nous avons pu prétendre, au début de cet ouvrage, que
le zéro était étranger à la logique de la numérotation des hexagrammes. Comment
donc rendre compte de ce mode opératoire « voilé », que seul le symbolisme
mathématique actuel justifie ?
Marcel Granet nous donne à nouveau la clé de ce mystère dans sa note 271,
page 494:
« ... Les 5 éléments, comme on va voir, valent respectivement 1, 2, 3, 4, 5,
c’est-à-dire pour leur ensemble (5 emblème du centre ne devant pas être
compté) 1+2+3+4, soit au total précisément 10 (qui équivaut à 1)... »
De même, un peu plus loin, dans la note 277, il déclare:
« ... 5, conservé comme emblème du Centre par le Yue Ling, se trouve
réservé aux jours (non dénombrés, mais peut-être au nombre de 6, - et non de 5 -,
car l’année solaire a 366 jours) qui marquent le pivot de l’année... »
170
Ces deux citations confirment que le 5 à ne pas compter, c’est-à-dire
considéré comme « rien », ou « absence de », a permis aux Chinois de bâtir tout
leur système symbolique sans faire référence au zéro.
L’ordre de présentation des hexagrammes, limité à l’aspect étudié ici - celui
des doublets remarquables et hétérogènes - , montre la trace de ce mécanisme
opératoire dont l’antiquité ne fait aucun doute.
Nous ne pouvons nous résoudre à clore ce chapitre sans quelques réflexions
personnelles. Tant de beauté et d’harmonie, avons-nous touché, un peu par hasard,
à l’une des structures « voilées » de l’ordre de classement des 64 hexagrammes?
Nous ne pouvons le penser: ni par faux orgueil d’avoir mis cette structure en
évidence, ni par toutes les autres « merveilles » dont nous avons fait état dans les
autres chapitres de ce livre. Toutes concourent, chacune selon son type:
arithmétique, musical, calendaire, architectural, voire même médical, à souder
ensemble tous ces éléments pour en faire une synthèse parfaite de tout le génie d’un
peuple, au cours de près de deux mille ans de son histoire.
171
172
CHAPITRE XVII
L’ART DE FAIRE DU FEU
Tout ce qui précède est déjà assez fascinant, mais nous laisse un petit goût
d’inachevé dans ces visions quasi « célestes » entre hexagrammes remarquables,
non remarquables, hétérogènes ou homogènes.
En ce qui concerne la distinction entre hexagrammes « remarquables » et
« non remarquables », la cause est facile à défendre: il s’agit de propriétés
strictement liées au graphisme des hexagrammes (voir chapitre VII). Notre seul
apport a donc consisté à montrer que ces 24 hexagrammes avaient un ordre de
classement qui ne dépendait pas du seul hasard, mais d’une logique globale relative
à la totalité de l’ouvrage.
La façon la plus simple de caractériser ces 24 hexagrammes est de les
« marquer » sur l’un quelconque des tableaux précédents: {G}, {H}, {K}, {L} et
même {Y}, qui fait l’objet de l’exemple suivant:
173
7 1 2 4 3 5 6 0
7 1 34 5 26 43 14 9 11
4 33 62 39 52 31 56 53 15
2 6 40 29 4 47 64 59 7
1 25 51 3 27 17 21 42 24
6 44 32 48 18 28 50 57 46
5 13 55 63 22 49 30 37 36
3 10 54 60 41 58 38 61 19
0 12 16 8 23 45 35 20 2
Ce marquage est identique quel que soit le tableau traité: c’est un « O » barré
par un « X ». Nous laissons le lecteur dubitatif s’assurer par lui même de la véracité
de notre affirmation, que le tableau soit du type {G} ou du type {K}. Ce petit
miracle est simplement dû au fait que la qualité de « remarquable » dépend au
premier chef du graphisme des hexagrammes et secondairement de leur ordre de
classement.
Si, ensuite, les numéros d’ordre attribués à ces 24 hexagrammes ont des
propriétés particulières, c’est oeuvre humaine et par conséquent culturelle; c’est ce
que nous avons tenté de mettre en évidence. Jean Choain, évoquant le mythe de Fo
Hi et de sa soeur (ou femme) Nu Wa, Grands Architectes de l’Univers, nous
rappelle avec « humour » qu’en Chine, tout comme dans notre propre antiquité,
celui-ci n’était que le produit de deux supplices... hélas pas toujours symboliques:
la ROUE (du temps) et la CROIX (de l’espace). (op.cit. page 26)
Nous avons alors été contraints, dans la suite de notre raisonnement, d’y
adjoindre un second découpage entre hexagrammes « homogènes » et
« hétérogènes », qui est justement l’antithèse du premier découpage. En effet, ce
second découpage est uniquement lié à l’ordre de classement des hexagrammes et
nullement à des propriétés de leur graphisme.
174
De ce fait, le « repérage » sur nos tableaux de ces 24 hexagrammes
« homogènes », par exemple, va nous conduire à des figures différentes, dont
l’interprétation n’est pas toujours évidente. La seule disposition digne d’intérêt
nous semble être celle du tableau {Y}, qui conserve sa symétrie par rapport à
chacune des deux diagonales et, par conséquent, par rapport au centre du tableau
{Y}:
7 1 2 4 3 5 6 0
7 1 34 5 26 43 14 9 11
4 33 62 39 52 31 56 53 15
2 6 40 29 4 47 64 59 7
1 25 51 3 27 17 21 42 24
6 44 32 48 18 28 50 57 46
5 13 55 63 22 49 30 37 36
3 10 54 60 41 58 38 61 19
0 12 16 8 23 45 35 20 2
Si, en désespoir de cause, nous avions suggéré à Marcel Granet que nous ne
pouvions voir dans ce diagramme que l’image, au centre, d’une carapace de tortue,
dont deux hexagrammes, 27 et 28, totalisent 55, total des nombres du Ciel et de la
Terre, et que les quatre éléments oblongs pouvaient à la rigueur symboliser les
pattes de cette même « tortue », je pense qu’il se serait tordu de rire dans sa tombe,
me traitant de « faux disciple » et « d’escroc » des mathématiques, même chinoises
et antiques...
J’aurais pu lui rappeler que, par essence, la carapace de tortue symbolisait
dans la Chine antique, l’union du Ciel et de la Terre, par la réunion de la « voûte
céleste » et de la surface terrestre (plate), que ce symbole n’était pas d’origine
chinoise mais indienne, et que les devins chamanes avaient sans doute, plus de
mille ans avant notre ère, concilié les aspects symboliques et pratiques de cet usage
de la carapace de tortue, de préférence aux omoplates de cervidés puis de bovidés
précédemment utilisées.
175
Marcel Granet aurait encore beaucoup ri, se serait encore une fois retourné
dans sa tombe, avec l’avantage de revenir à sa position initiale, en me congédiant
comme un vulgaire laquet...
Un jour, nous avons retrouvé cette figure « ailleurs », dans notre mémoire, et
surtout dans l’ouvrage déjà cité de Paul Adam, « La Clef », tome I, éditions Tchou,
Paris 1979, pages 193 et 194. Le thème: l’allumage du feu védique, avec un
schéma presque identique avec celui que nous nous permettons de reproduire ci-
contre.
Cette modification de son schéma d’origine est un peu volontaire, nous
avons seulement inversé le sens des deux « pieds » de droite de cet appareil primitif
pour les faire coïncider avec la répartition des hexagrammes « homogènes » ci-
dessus.
« ... Remontons quelque part entre 18000 et 25000 ans en arrière, dans l’Inde
d’alors aux jungles denses, où les allumettes n’existaient pas, et où le TVASTAR,
c’est-à-dire le Charpentier, construisait l’appareil à Feu, Croix fixée (CRVCIFIX)
par 4 pieux, dans lequel s’actionnait le foret à feu tourné verticalement par deux
lanières de cuir, et au pied duquel on entassait de la paille sèche! Alors du
Charpentier (adoptif) naissait sur la paille AGNI DEVA (AGNUS DEI), Fils de
l’éternel BRAHMA! Le Sauveur, par sa Lumière et sa Chaleur !
Sitôt nés, les « Jumeaux » (GEMINI, du sanskrit yâmau) = les deux hommes
tirant les courroies de cuir de vache,... , s’écriaient: « OM SVASTI », Tout est bien
!
L’Enfant d’Or Unique était né ! Feu de vie, il protégeait, sauvait... »
(La Clef, Vénérable Aryâdeva - Paul Adam, Tchou Editeur, Paris 1979)
176
177
Pour ce qui est des liens de cet « outil » primitif avec le zodiaque et le
svastika, dextrogyre ou lévogyre, nous renvoyons tout d’abord le lecteur à cet
ouvrage de Paul Adam. La seule chose qui nous intéresse ici est le « demi-tour » de
clef que nous propose cet auteur pour relier la répartition des 24 hexagrammes
homogènes du tableau {Y} à quelque chose de plus cohérent, ne justifiant plus le
« mépris » de notre maître, et peut-être le bonheur d’une nouvelle et plus amicale
« rencontre » dans le domaine de l’esprit.
Avant d’appliquer aux hexagrammes « homogènes » le double demi-tour de
clef qu’il nous propose pour passer d’une représentation « bloquée », comme une
serrure, à une représentation « éclairée », il nous semble nécessaire d’ajouter ces
deux références, issues du même ouvrage, et justifiant notre audace.
« ... La SVASTIKA est souvent nommée TCHATURGATIKAH = 4
(ya, ra, va, la) ou = Gatika = : (Visarga) = h pointé en-dessous soit dans le
178
Puis, reprenant alors notre dernier tableau de répartition, celui des
hexagrammes homogènes, effectuons sur lui, séparément, les deux opérations
suivantes:
En lignes, permuter celles de rang 2 et 5 d’une part, et celles de rang 1 et 6
d’autre part, nous obtenons un svastika lévogyre (sinistrogyre) à gauche.
En colonnes, permuter celles de rang 2 et 5 d’une part, et celles de rang 3 et 4
d’autre part, nous obtenons un svastika dextrogyre à droite.
Nous nous refusons d’office à entamer quelque polémique que ce soit sur ces
symboles antiques. Jean Choain en a exposé l’historique avec preuves à l’appui et
l’esprit serein qui est le sien (op.cit. appendice 2, pages 207 à 218...).
179
La récupération de l’un de ces deux symboles par une humanité
passagèrement dévoyée, et de quelle façon (Jean Choain a eu ce courage d’en
évoquer l’origine), ne doit pas interdire sa « réhabilitation » dans le cadre
traditionnel, et son « retour » à la symbolique universelle dont tous les peuples ont
su, jusqu’à cette funeste épiphanie, exploiter les mystères.
Le second qui a eu le courage de représenter ces deux symboles et d’en
donner le sens sans aucune excuse historique, alors qu’il avait lui-même, d’origine
normande, connu les camps de concentration, simplement parce qu’il se nommait
Adam a déjà été cité. Il donne au chercheur toutes les clefs pour cesser de
fantasmer sur la moitié d’un symbole qui a, de tout temps, suscité plus de respect
que de honte.
Nous voudrions donc, et dans le même esprit, commenter ces deux
diagrammes, liés spontanément de par leur structure même à la numérotation
traditionnelle des hexagrammes du Yi King, au symbolisme le plus traditionnel et
le plus respectable.
Marcel Granet nous donne, lui aussi, les bases de cette lecture des traces du
« svastika », tant dans le carré magique de dimension 3 à centre 5, que dans celui à
centre 6 (cf pages 168 à 173).
« ... Lorsqu’ils assimilaient au carré magique la rose octogonale de leurs
Trigrammes et rendaient ainsi manifestes les interactions du Ciel et de la Terre, du
Yang et du Yin, du Rond et du Carré, de l’Impair et du Pair, les Maîtres de la
divination pouvaient se vanter de coopérer à l’Ordre universel de la même façon
que les Chefs, quand, en circulant dans leur Ming t’ang carré, ils s’efforçaient de
mettre en branle la croix gammée constituée par les symboles numériques des
Orients et des Saisons. » (op.cit. page 172 sq.)
Mais il y a plus troublant lorsque Marcel Granet établit le lien entre la croix
gammée et un instrument de divination dont la structure rappelle un autre
instrument, plus primitif encore, servant à faire du feu.
« ... Nous savons, au reste, que les devins utilisaient un instrument dont la
disposition rappelle cette figure. Il en est question dans le Tcheou Li, et les fouilles
japonaises de Lo Lang ont permis d’en découvrir un exemplaire fabriqué
antérieurement à l’ère chrétienne.
180
Cet instrument se compose de deux planchettes, l’une de bois dur (yang),
l’autre de bois tendre (yin), l’une ronde (Ciel), l’autre carrée (Terre); elles sont
faites pour être superposées et pour pivoter indépendamment l’une de l’autre, car
elles sont percées au centre d’un petit trou destiné vraisemblablement à servir
d’encoche à une tige perpendiculaire formant pivot.
Sur l’une et l’autre sont inscrits différents emblèmes classificatoires:
symboles des mois, signes cycliques, constellations et trigrammes, ces derniers
étant placés, dans la disposition du roi Wen, sur la tablette carrée (Terre). S’il y a
lieu, comme je le crois, d’établir un rapprochement entre cet ustensile divinatoire et
le double carré magique, on devra conclure que celui-ci, tout en évoquant l’idée
d’angle droit et d’équerre, devait suggérer l’idée d’un mouvement circulaire.
On a déjà vu que les carrés magiques, dès qu’on prend le soin de réunir entre
eux les couples congruents, reproduisent une disposition en svastika: par elle
même, celle-ci suggère l’idée d’un mouvement giratoire... » (op.cit. page 167 sq.)
181
J’ajouterai simplement que la disposition des trigrammes dite du roi Wen (en
rapport, comme je viens de le montrer, avec le carré magique, c’est-à-dire avec un
arrangement de nombres évoquant la svastika), est rattachée par la tradition à une
épreuve subie par l’apprenti-chef.
Cette épreuve subie au cours des fêtes de la longue nuit aboutit au renouveau
de l’année et des vertus royales, - et les fêtes s’achèvent quand on rallume les
flambeaux. Or le thème des flambeaux rallumés paraît lié à tout un ensemble de
pratiques et de métaphores en rapport avec l’idée de hiérogamie... ».
Nous avons hésité à reproduire ici la fin de cette note: certains ne sauraient
oublier le gigantesque défilé aux flambeaux du stade de Nüremberg, les croix
gammées flottant au vent, annonçant un nouveau règne de mille ans pour la race
supérieure...
Le dévoiement de ces symboles universels ne saurait nous empêcher de
signaler le lien qu’établit cette citation entre ceux-ci, la naissance du feu nouveau et
l’union sacrée du ciel et de la terre, d’autres iraient jusqu’au bout de la logique...,
c’est-à-dire de la « nouvelle alliance » entre Dieu et son peuple élu...
Seules les victimes de cet « holocauste » pourraient nous reprocher d’abuser
de ces symboles sans respect pour leur mémoire. Ce n’est pas le cas: nous ne nous
sentons pas responsables de la véritable nature du feu que la dernière manipulation
collective de ces symboles immémoriaux a pu susciter.
Les symboles ne sont pas la réalité, le feu engendré peut être bénéfique ou
malfaisant: il peut semer la vie comme la mort... Nous savons désormais qu’il peut
semer la mort...
La seule chose qui nous intéresse ici, loin des opinions bassement
philosophiques et des intuitions hautement symboliques, est une évidence de bon
sens, associée aux techniques primitives de divination de l’époque Shang (du
XVIIème siècle au XIIème siècle avant notre ère, âge du bronze), qu’il s’agissent
d’omoplates de cervidés, de bovidés, puis de carapaces de tortues.
Pour les précisions sur la connaissance que nous pouvons avoir aujourd’hui
des jia gu wen, inscriptions divinatoires sur os, nous renvoyons à l’article du Père
J. Lefeuvre S.J., paru sous le titre « Le mystère de la vie » dans le numéro 5 de la
revue « Hexagrammes » (Paris, Centre Djohi, 1989).
La seule faiblesse de cet article, qui ne lui est pas propre, est de ne jamais
parler des techniques permettant d’allumer le feu nécessaire à la mise en oeuvre de
l’interrogation divinatoire.
182
Le Père Lefeuvre nous explique: « ... Essayez de faire craquer une omoplate,
comme je l’ai fait souvent moi-même. Il faut d’abord creuser un peu l’os, puis vous
appliquez un morceau de bronze tiré de braises chaudes dans le trou où vous avez
diminué l’épaisseur de l’os. Dans certains cas, le craquement se fait très vite, dans
d’autres cas il faut continuer à appliquer votre brandon et finalement le craquement
se fait. Ces craquements d’ailleurs se font entendre de façons différentes.
Quelquefois, c’est un craquement très clair « pac! ». Quelquefois, on dirait un
pétard mouillé, « pouc! », un petit bruit de rien du tout. Et même quelquefois il y a
deux craquements, « pac! pac! ». Il est absolument évident que toutes ces
différences étaient considérées par les Chinois comme quelque chose de très
important. Il ne nous reste à nous que l’aspect de la fissure, mais à ce moment-là il
y avait beaucoup d’autres éléments qui entraient en jeu: la durée, la clarté de
l’éclatement, s’il était isolé ou s’il y en avait plusieurs à la suite.
Le devin devait avoir à tenir compte de ces divers éléments pour oser une
interprétation, c’est pourquoi ce n’était pas n’importe qui. S’il avait une façon très
élémentaire de lire les fissures, n’importe qui aurait pu le faire. Or, c’était réservé à
quelques spécialistes très rares et considérés comme des fonctionnaires de très haut
rang. Mais même ces grands spécialistes, capables de comprendre la réponse de
l’ancêtre ou de l’esprit, n’étaient pas tellement sûrs d’eux-mêmes. Quand il
s’agissait de quelque chose d’important, ils reposaient la question plusieurs fois
avec plusieurs paires d’omoplates.
Vous avez encore cette attitude actuellement dans la population chinoise.
Quand on va au temple, et qu’on tire au sort avec des croissants en bois, on le fait
plusieurs fois pour être sûr de son coup.
J’ai parlé des couples d’omoplates mais il y avait aussi des couples de
carapaces de tortue. Généralement, quand on se servait de deux carapaces à la fois,
on faisait un trou et on y passait une ficelle pour les lier par paires.
Cette notion de redoubler la divination était donc très importante à l’époque
des Shang. Quand le texte du Yi Jing (Yi King) nous parle de « dix couples de
tortues » (hexagramme n°41, l.5 et n°42, l.2, Ndlr), cela veut dire: on refait la
divination une dizaine de fois; même si cela indique que c’est inauspicieux, cela
n’a pas d’importance, on conclut que l’on ne peut rien contre lui. Parce qu’il y a là
une stabilité qui ne peut absolument pas être remise en question... ». (op. cit. pages
103 et 105)
183
Cette longue citation nous en apprend beaucoup sur la technique de
divination mais peu sur ce morceau de bronze tiré des braises... Bien sûr il fallait un
morceau de métal, puisque nous étions à l’âge du bronze, porté au rouge, seul
moyen de maintenir par contact une température de l’ordre de 800°C, le temps
nécessaire à la consultation...
Pour porter ce morceau de bronze au rouge, il fallait le maintenir le temps
nécessaire dans un autre feu de braises de température bien supérieure, au moins
1000°C, alimenté par quoi: bois, charbon de bois, excréments de bovidés ou de
cervidés, avec quel type de soufflet, nous n’en savons rien...
Et ce même feu, par quoi avait-il été allumé?.. Par un autre feu, c’est évident,
mais nous doutons que celui-ci ait été « transportable » facilement!.. Il nous paraît
plus plausible qu’il ait, à chaque demande du prince ou de l’important personnage
convoquant les devins, été allumé par des techniques simples, rapides et
éprouvées... Par exemple celle de la friction rapide d’un bois tendre contre un bois
dur, au voisinage de quelque brins de paille ou de feuilles sèches pour alimenter la
première combustion, la tige de bois tendre étant insérée dans une encoche creusée
dans le bois dur.
Le Père Lefeuvre reconnaît lui-même la nécessité de creuser un trou dans
l’os utilisé, afin d’ajuster la durée nécessaire à l’obtention du craquement et la
baisse inévitable de la température du morceau de bronze utilisé. Cette contrainte
est-elle un souvenir « transposé » entre métal et os de la technique utilisée sur des
bois?..
Ce que nous apporte cette citation est donc important: elle nous prouve la
nécessité de la subsistance tardive des techniques d’allumage du feu, à partir de
matériaux en bois, durant toute la période de l’âge du bronze, et sans doute
beaucoup plus tard, durant l’âge du fer, apparu au VIII ème siècle en Europe
occidentale.
L’apparition du fer en Chine nous est rapportée par l’Atlas historique paru
chez Stock dans sa version 1980:
221 avant J.-C.: Tcheng, fondateur de la dynastie Ts’in, annexe les six Etats qui
subsistaient encore: Han, Tchao, Wei, Tch’ou, Yen et Ts’i. Création d’une
cavalerie imitée des nomades de l’Ouest. Emploi d’armes de fer au lieu d’armes de
bronze. L’Etat frontière de Ts’in est fortement organisé et s’impose peu à peu à
tous.
184
Ce remplacement des armes de bronze par des armes de fer ne nous apporte
qu’une seule preuve, peu de temps avant l’apparition de la dynastie Han, celle de
l’augmentation du « degré de feu » nécessaire à la fabrication des armes en fer...
Ne reste qu’un seul problème à résoudre, quelle réponse donner aux résultats
d’une interrogation, qu’elle provienne d’un coq de village ou de l’empereur lui-
même?
Si une bande de lettrés un peu farfelus, légèrement fêlés (géniaux) sur le plan
arithmétique, ont réussi à mettre au point une méthode de tirage éliminant
définitivement toute référence aux omoplates de cervidés, de bovidés, aux
carapaces de tortue, alors cela est bien.
185
Ils ont prétendu que cette méthode de tirage fournissait environ 360
(384=64x6) possiblités d’exprimer le résultat de tout tirage... Il ne suffisait plus que
de tranposer toutes les bibliothèques d’archives dans ce nouveau vocabulaire, réduit
à 64 chapitres, chaque chapitre comportant 6 sous-sections relatives à chacun des
traits de l’hexagramme correspondant.
Ce que nous proposons ici, c’est l’existence d’un lien très profond entre la
numérotation traditionnelle des hexagrammes du Yi King et l’une des structures
graphiques les plus originelles de notre humanité. Celle-ci n’est pas directe et
évidente, et nous devons accepter ce fait. Elle « explique » selon nous cette
répartition « étrange » entre 24 hexagrammes « homogènes » et 40 hexagrammes
« hétérogènes ». Elle est la « clef » recherchée entre les propriétés liées au seul
graphisme des hexagrammes, aux propriétés liées aux seules caractéristiques de
leur ordre de classement, par le biais du chiffre de leur unité dans cet ordre de
classement.
Ces distributions graphiques sont liées tant aux propriétés du graphisme des
hexagrammes, qu’à celles de leur ordre traditionnel de présentation.
186
CHAPITRE XVIII
RETOUR AU CENTRE
187
188
Nous laisserons le lecteur amusé trouver d’autres complémentarités tout
aussi séduisantes, par exemple entre les hexagrammes à 1, 3 ou 5 traits Yang,
quadrant supérieur ou inférieur, hexagramme 9 et 10 exclus mais hexagramme 11
et 12 inclus, et les hexagrammes à 4 traits Yang. Les « inversions » nécessaires au
rétablissement de l’ordre naturel des séquences est en effet le même, et le nombre
d’hexagrammes dans les deux cas est de (1, 2, 3, 4, 5). Il suffit de lire ces deux
séquences en décalant et le sens de lecture et la séquence de départ pour obtenir une
complémentarité à 6:
Dans l’ordre des séquences [9/0][5/6][7/8][1/2][3/4] soit (1, 2, 3, 4, 5)
hexagrammes pour la première catégorie, dans l’un ou l’autre quadrant.
Dans l’ordre [7/8][5/6][9/0][3/4][1/2], le même que ci-dessus, mais lu à partir de
[7/8] et de la droite vers la gauche, soit (5, 4, 3, 2, 1) hexagrammes pour la
seconde catégorie.
Ce qui nous intéresse ici est plus subtil: ce sont les inversions de séquences
des trois derniers diagrammes: accidentelles ou volontaires, nous aimerions en
savoir un peu plus, d’autant que dans ces trois cas la suite des doublets ou du
nombre d’hexagrammes est la même: (1, 2, 3, 4, 5).
Marcel Granet évoque longuement cette suite prestigieuse en citant les deux
très anciens textes, affectant des nombres à chacun des 5 Eléments (Eau, Feu, Bois,
Métal et Terre):
Le Yue ling, qui nous est parvenu dans trois éditions: le Lu che tch’ouen ts’ieou,
le Houai-nan tseu et le Li ki (cf. note 156 page 489).
Le Hong fan, inséré à titre de chapitre dans le Chou king (livre de l’histoire) et
dans son oeuvre par Sseu-ma Tsien. Selon Marcel Granet, sa rédaction ne
pourrait être datée plus bas que les VIème , Vème siècles av. J.-C. et des premiers
débuts de la littérature écrite (cf. note 265 page 494).
189
Il précise que ces valeurs étant identiques à 5 unités près, ces deux ouvrages
envisagent les correspondances numériques de points de vue différents, mais qui se
complètent harmonieusement dans le Ho t’ou des Song (voir tableau C2). Les
Eléments, les Saisons et les Orients trouvent chacun leur place, la Terre étant
placée au Centre (5).
Ce qui est intéressant dans ce tableau, c’est que le Yue Ling présente les
Eléments dans l’ordre (8, 7, 5-(10), 9, 6) qui est précisément l’ordre de production
de ceux-ci: Bois, Feu, Terre, Métal et Eau (voir note 275 page 495). Or, la
succession des nombres (6, 7, 8, 9 (10)-5) placés sur un cercle lorsqu’on lit ces
chiffres dans l’ordre du pentagone étoilé, soit (8, 5-(10), 7, 9, 6) ne lui est pas
identique (voir chapitre XVI).
Dans le premier cas, pour le Yue ling, le 5 est situé entre le 7 et le 9, dans le
second cas, pour le Hong fan, le 5 est situé entre le 8(3) et le 7(2). Détails sans
importance nous direz-vous, sauf que le 5 symbolise dans le cycle annuel le retour
au centre, le point où tout est accompli, ou encore le point où tout va redémarrer.
190
Marcel Granet, qui avait tout compris, nous explique, page 256, que ces deux
ordres correspondent à un retour au Centre entre le printemps et l’été pour le Hong
fan, entre l’été et l’automne pour le Yue ling. Il ne s’agit finalement que de situer le
point le plus important de l’année pour une civilisation agricole: le moment « où la
sève monte et nourrit les plantes », abondamment fêté, ou celui où toute récolte
rentrée, va advenir la période d’inactivité, « ce mois sans durée, vide de toute
espèce de fête religieuse »...
Il précise à la même page qu’il s’agit d’une différenciation progressive entre
l’ordre de succession des 5 Eléments (production) et l’ordre de succession des
notes.
191
Si nous voulons alors harmoniser ces deux modes de lecture sur un
pentagramme convexe, le 5 étant placé au sommet, les chiffres du Yue ling étant
reportés dans le sens des aiguilles d’une montre (5, 9, 6, 8, 7), nous obtenons le
dernier schéma, en bas et à gauche. L’ordre de lecture du Hong fan se trouve alors
décrit par le dernier schéma, en bas et à droite. Si nous avions choisi l’ordre du
Hong fan (5, 7, 9, 6, 8) sur le pentagone de gauche, le diagramme de droite
représenterait alors l’ordre de lecture du Yue lin.
Ce graphisme en forme de « S un peu écrasé » représente aussi l’ordre de
lecture des séquences, permettant de « rétablir » leur ordre naturel
[1/2][3/4][5/6][7/8][9/0] dans les trois diagrammes auxquels nous nous sommes
intéressés. Ce qui pouvait apparaître comme une anomalie relève maintenant de la
tradition, ou plus exactement de la coexistence de deux traditions, également tout-
à-fait respectables de la tradition chinoise, qui ont fini, avec le temps, par trouver
leur point d’équilibre, y compris jusque dans l’ordre de présentation des
hexagrammes du Yi King...
Il nous reste cependant à fournir au lecteur la meilleure analogie possible
pour donner un sens à ces divers rappels: celle des Tubes musicaux. Jean Choain,
dans son ouvrage également cité sur « La Voie Rationnelle de la Médecine
Chinoise », nous présente ces correspondances entre Eléments, Nombres, longueur
des Tubes, Organes-trésor, et Notes de musique.
Son choix de la médiante mi pour la note kong s’appuie et sur la gamme
pythagoricienne et l’opinion des spécialistes (note de bas de page 169):
« ... La carcasse des thèmes de la musique chinoise a toujours été établie sur
une gamme de 5 notes qui correspond au 1er, 2è, 3è, 5è et 6è degrés de notre gamme
majeure ». (Soulié de Morant et André Gailhard, « Théâtre et Musique modernes en
Chine », éditions Geuthner, 1926, page 109)
Pour la tonalité de base, le do majeur, il s’agit donc bien des sons successifs:
do, ré, mi, sol, la. Nous présentons ci-contre une synthèse graphique des pages 168
à 173 de l’ouvrage de Jean Choain.
Le premier schéma rappelle, dans l’ordre du Yue ling, toutes les
correspondances citées par Jean Choain et Marcel Granet. Le second reprend le
premier de façon très allégée, strictement limitée à la gamme musicale chinoise de
5 notes, harmonisée avec les accords de la gamme occidentale. Si Marcel Granet a
davantage insisté sur la gamme chinoise, c’est Jean Choain qu’il nous faut plus
encore remercier pour la clarté de son jugement et la limpidité de ses conclusions...
192
193
Que dire de plus au lecteur, sinon qu’il détient la clef de ces « inversions » de
l’ordre de lecture des séquences dans les trois tableaux indiqués. Remarquons que
ces inversions « nécessaires » se transposent automatiquement aux nombres de
doublets ou d’hexagrammes associés, si nous lisons ces séquences dans l’ordre du
pentagone étoilé et non plus celui du pentagone convexe.
Ce qui se cache derrière tout cela n’est autre que l’ordre de lecture des notes
par quintes successives et non plus par fréquences croissantes.
Prenons en effet nos cinq notes de base: do, ré, mi, sol, la, ordre des
fréquences croissantes. Par génération des quintes successives, leur ordre à partir
de la fondamentale mi, devient:
L’ordre des quintes successives est donc mi, la, ré, sol, do du dernier schéma
de la page précédente, analogue au dernier schéma de la page 191. Tous les
étudiants en solfège reconnaîtront dans cette suite une partie des « armatures » des
gammes mineures (bémolisées): si, mi, la, ré, sol, do, fa.
194
Le lecteur qui nous a suivi jusqu’ici a bien mérité une petite récompense, et
ce sera aussi la nôtre: présenter ces trois schémas selon la succession naturelle, tant
des séquences que du nombre d’hexagrammes (ou de doublets d’hexagrammes)
appartenant à chacune d’entre elles, en faisant directement apparaître notre petite
« inversion » sur l’ordre du pentagramme convexe concerné.
Pour lire correctement ce dernier tableau, nous avons fait figurer dans la
première colonne l’ordre rigoureux du nombre d’hexagrammes ou de doublets dans
l’ordre (1, 2, 3, 4, 5) à l’intérieur, selon l’ordre du pentagramme étoilé. A
l’extérieur, les séquences associées, reliées par des flèches dans l’ordre croissant ou
décroissant de leurs nombres.
Dans la seconde colonne, nous avons fait l’inverse, c’est-à-dire l’ordre
rigoureux des séquences dans l’ordre [1/2][3/4][5/6][7/8][9/0] à l’intérieur, selon
l’ordre du pentagramme étoilé. A l’extérieur, le nombre d’hexagrammes ou de
doublets d’hexagrammes associés, reliés par des flèches dans l’ordre croissant ou
décroissant de leurs nombres.
Sur nos six tableaux du début de ce chapitre, les trois premiers n’avaient
nécessité aucune adaptation dans la transformation « séquence => nombre de
doublets associés », par contre les trois derniers ont nécessité une inversion de deux
rangs, soit sur les séquences, soit sur le nombre d’hexagrammes associés pour nous
offrir des successions arithmétiques rigoureuses (modulo 5).
Par lui-même ce résultat mathématiquement démontré n’offre aucune prise à
la critique: c’est une donnée acquise que seule une erreur dans notre raisonnement
pourrait venir infirmer. Nous attendons donc de pied ferme les « mal-disants », les
« envieux » et les « jaloux »..., y compris ceux qui ont osé écrire que toute
recherche scientifique sur l’ordre du roi Wen était non seulement vaine mais
également nocive.
Pas de noms, ceux-là se reconnaîtront eux-mêmes, si jamais ils ont le
courage de lire cet ouvrage et de reconnaître le caractère excessif de leurs opinions
passées. Ils sont dès à présent pardonnés car, reconnaissons-le, cette harmonie
mathématique n’est pas du tout évidente...
Pour nous, citoyens du 21ème siècle, un aspect de ce texte antique reprend vie,
retrouve une signification, se rattache à un ordre que nous sommes encore capables
de comprendre et d’approfondir.
195
196
CHAPITRE 19
1
2 3
4 5 6
En ajoutant une ligne « 7 8 9 10 » à cette pyramide de 6 termes, nous
aurions la classique tétraktis pythagoricienne de 10 termes. Dans la triade ci-dessus,
chaque nombre représente un quadruplet d’hexagrammes, dont le graphisme de
chaque terme se déduit par des propriétés géométriques particulières: retournement,
mutation, complémentarité des trigrammes, identité des trigrammes, etc... Nous
avons déjà étudié ce classement des 64 hexagrammes en 16 quadruplets de 4
hexagrammes. Pour mémoire, nous rappelons cette série:
Dans cette démarche, il-y-a une contradiction, car quatre triades de six
quadruplets d’hexagrammes font 96 hexagrammes, alors qu’il n’en existe que 64 .
Il y-en a donc 32 « de trop », ce qui fait un peu désordre (mais 96/64 = 3/2 =
Yang/Yin) ...
Nous avons buté plusieurs années durant sur cette contradiction, sans pouvoir
y trouver de solution arithmétique..
197
Puis, la lumière s’est brutalement faite dans notre esprit: et si, et si, ces 4
triades se recouvraient les unes, les autres, par des éléments communs, des
propriétés communes à leurs « intersections ». Alors il devenait possible de réduire
ces 96 hexagrammes à 64 et ainsi d’obtenir une représentation globale de cet ordre
de présentation. Mais comment bâtir ces 4 triades de quatre hexagrammes chacune:
sur quels critères graphiques ou de n° d’ordre ?.. Nous avions déjà ces outils entre
les mains (voir les 2 éditions précédentes)...
Deuxième triade: celle des homogènes, c’est-à-dire dont les numéros d’ordre de
classement se déduisent par un multiple de 10, déjà aussi évoquée:
Troisième triade: celle des « 9/0 et mutés », c’est-à-dire les 12 hexagrammes dont
les numéros d’ordre se terminent par 9 ou par 0, associés aux 12 hexagrammes qui
s’en déduisent par mutation de leurs traits Yang et Yin:
Quatrième triade: dite de jonction car nous n’avons pas trouvé de meilleur terme,
elle « soude » la chaîne (catena en italien) des 3 premières triades en un ensemble
parfaitement cohérent. Comme quatre de ses quadruplets figurent déjà dans deux
des triades déjà présentées, il n’en reste que deux pour compléter à 64 le nombre
total des hexagrammes. Nous la présentons ici « brute », mettant en souligné les
deux quadruplets « soudant » cette chaîne numérique:
198
199
200
Il nous reste à commenter les propriétés de chacune de ces quatre triades:
- Horizontalement, les différences sur les chiffres des dizaines des deux étages
inférieurs sont tous des multiples de 10. Pour les deux quadruplets (59-60)(55-56)
et (9-10)(15-16), les distances sont respectivement: 50 = 59 - 9, et 40 = 55 -15, soit
un rapport de 50/40 = 10/8, c’est-à-dire le rapport entre les côtés du rectangle dans
lequel s’inscrit le pi sien, ou étalon de jade.
- Le total de cette triade est 832 = 2080x2 /5 , il indique un rapport 3/2 (Yang/Yin)
entre la somme des numéros des hexagrammes qui n’en font pas partie et la somme
des numéros des hexagrammes y appartenant. On rappelle que la somme des 12
hexagrammes (9/0) est de 414, et celle de leurs hexagrammes mutés de 418. Alors,
à 2 unités près (414 + 418)/2 = 416 = 2080/5.
201
- L’on remarquera que 628= (896 + 360)/2 = 448 + 180 , donc 628 assure la
cohérence entre le total de la triade des « remarquables » (896) et le « grand total »
360, dont Marcel Granet a si bien souligné l’importance.
Ces 16 hexagrammes restants totalisent donc 628= 2080 - 832 - 620 , ce sont
les 4 quadruplets (7-8)(13-14) (21-22)(47-48), et (51-52)(57-58) (53-54)(61-62).
- Par contre leur total numérique de 896 = 2080/2 -144 nous laisse « rêveurs »...
202
Il a déjà été évoqué, puisque 144 n’est autre que le demi-périmètre de l’aire
rituelle des Tchéou. Comment la somme des 64 premiers entiers peut-elle être
reliée, par le nombre 144, au total de ces 24 hexagrammes « remarquables »? Assez
subtil, il faut le reconnaître.
Triade de jonction:
- Là, les choses deviennent très sérieuses, car si cette triade a un total de
752=2080/2 - 144x2, ce ne peut-être le fruit du hasard... La moitié de la somme des
64 premiers entiers, moins le double de 144 = 12 x 12. 288 n’est autre que le
périmètre de l’aire rituelle des Tchéou...
Synthèse finale:
Sans doute quelques siècles avant, pour en poser les bases, sans doute
quelques siècles après, pour l’harmoniser avec les pratiques divinatoires
traditionnelles, dont personne ne semble encore capable d’expliquer le mécanisme.
204
CHAPITRE 20
La 11ème aile
Dur à dire, les lecteurs jugeront... Déjà dès la première remarque !..
205
Les références concernant l’agencement graphique des 64 hexagrammes en
deux séries de 18 « dessins » se faisant face: à gauche les 30 premiers, à droite les
34 derniers, se trouvent dans les ouvrages ou articles suivants:
- Revue Hexagrammes n°5, 1989, Centre Djohi, article de Mme Alice Fano,
membre fondateur de l’Institut Ricci et de l’Ecole Européenne d’Acupuncture, page
4, avec reproduction de cette disposition sur la base d’un document du XVIIème
siècle dont elle est propriétaire.
Jean Choain, dans son ouvrage déjà cité, pages 40 et 41, lequel reprend les
remarques précédentes.
Quoi que l’on en dise, cette disposition conduit à 2x18 figures graphiques en
deux parts, l’une de 30, l’autre de 34. Comme 2x18=36, et que 64-36=28, alors 36
et 28 se déduisent de 34 et 30, en passant par nos deux quadruplets pivots.
Bref, ces éléments numériques ont une étroitesse de parenté trop suspecte
pour être ignorée. J’ajoute encore que les quadruplets (5-6)(35-36) et (29-30)(63-
64) sont les deux seuls à posséder ces propriétés arithmétiques, parmi les 14 autres
quadruplets.
Ce qui, par contre ne peut être caché, c’est l’étroite autre parenté entre cette
division en 30+34 hexagrammes, ou de 1 à 32, puis de 33 à 64. Car là on sait ce
qu’il faut en penser... Le nombre 30 est manifestement là pour symboliser le
nombre de jours du mois, comme 29, puisque l’année chinoise comporte 6 mois de
30 jours et 6 de 29 jours sur trois années. La 3ème et la 5ème année de ce cycle de
5 ans, l’on ajoute un mois supplémentaire de 30 jours pour ajuster le tout sur le plan
astronomique...
206
- Il-y-a 12 hexagrammes homogènes et remarquables.
- Il-y-a 12 hexagrammes homogènes et non-remarquables.
- Il-y-a 12 hexagrammes hétérogènes et remarquables.
- Il-y-a 28 hexagrammes hétérogènes et non-remarquables.
Soit un rapport de 36/28, cela vous rappelle-t-il quelque chose ?...
Cette remarque nous a suggéré de « vérifier » si la répartition des 32 (ou 30)
premiers hexagrammes, des 32 derniers (ou 34) avait ou non un lien avec ces quatre
catégories ne relevant que du graphisme de chaque hexagramme.
Nous avons déjà relevé que, de l’hexagramme 3 à l’hexagramme 32, puis des
hexagrammes 33 à 64, le nombre total d’inversions de traits Yang et Yin dans
chaque hexagramme respectait les proportions du pi sien, soit 10/8èmes...
Donc une division identique par 2 et 10, mais inversée sur les deux plages
(32/32) des 24 remarquables, tant homogènes qu’hétérogènes.
Donc une répartititon parfaitement équilibrée sur les deux plages, pour les 40
non-remarquables, tant homogènes qu’hétérogènes.
208
Ces résultats confirment de façon éclatante la justesse de notre approche par
les quatre catégories précédentes, et de leurs intersections réciproques. Les
concepts d’hexagrammes remarquables, non-remarquables, homogènes et
hétérogènes, trouvent ici une « preuve », purement arithmétique, de leur mise-en-
oeuvre dans la construction de cet ordre de classement.
En effet, que va changer, sur les résultats précédents, le fait de faire passer le
seul doublet (31-32) de la première tranche à la seconde, pour obtenir la répartition
(30/34) ?
L’importance des nombres 10, 14, 30 et 34, a déjà été évoquée au chapitre X
dans nos tableaux {Z+}, « le parfum de la rose », {L+}, « le corbeau d’or », et
{K+}, « le lapin de jade ». Ils présentent trois agencements graphiques, deux en
cercle, l’un en carré (donc l’échange du ciel et de la terre), par les 34 hexagrammes
suivants:
210
10 de 23 à 34, 10 de 37 à 46 et 14 de 51 à 64, avec 23+14 = 37, 37+14 = 51
ajoutant aussi que 10+10+14 = 34, et 14+14 = 28, 64-28 = 36, soit le rapport 9/7
évoqué au début de ce chapitre. Compte tenu du niveau de sophistication de ces 3
tableaux, aussi élaboré que les ventilations numériques par catégories (32/32)
comme (30/34), il nous semble probable que ces deux approches aient vu le jour
simultanément, sans doute au Vème ou Vième siècle de notre ère.
Faut-il ajouter que si, sur les 2 représentations circulaires des tableaux {Z+}
et {L+}, l’on ôte le doublet (27-28), que nous avons interprétés comme le couple
« soleil-lune », alors les 32 hexagrammes restants totalisent 1440, soit 10x144, 144
dont l’importance a été mise en évidence au chapitre précédent, dans le classement
des hexagrammes remarquables (et non-remarquables), 896=2080/2-144 ou
1184=2080/2+144, comme de la triade de jonction, 752=2080/2-144x2, et de sa
complémentaire 1328=2080/2+144x2...
Le plus extraordinaire est sans doute que ces deux dispositions circulaires de
32 hexagrammes « ressemblent » à s’y méprendre à une élévation au carré des 8
trigrammes de la disposition de Fo-Hi. Il est possible, mais nous n’avons pas pu
(ou su le démontrer), que cette double disposition circulaire de 32 hexagrammes
représente aussi une fusion entre les deux dispositions circulaires de base des 8
trigrammes: celle de Fo Hi et celle de Wen Wang.
C’était aussi l’espoir du docteur Jean Choain (op.cit. page 154: lecture du
diagramme de Fo-Hi au travers de celui de Wen Wang, ou l’inverse). Il nous a
tendu la perche et nous lui en serons toujours reconnaissants: il nous a mis « sur la
piste », et nous pensons que ces 2 diagrammes possèdent la clé de cette énigme
numérique, étroitement associée au carré magique de dimension 3.
211
3) l’ordre de classement des 64 hexagrammes dit ordre de succession de Wen
Wang des 64 hexagrammes...
Nous avions, en 1991, longuement discuté avec le Docteur Jean Choain, sur
les conséquences conceptuelles que ces confusions pseudo-historiques, entraînaient
dans les méthodes arithmétiques et de structuration des textes successifs ayant
conduites au texte final... La réponse, il l’avait déjà donnée, dans son « introduction
au Yi King » (op.cit pages 25 à 42, sous-chapitre I-b, « la légende des quatre sages,
auteurs du Yi King »: Fo-Hi, Wen Wang, Chou Kung, et enfin Confucius). C’était
déjà pour nous un problème de spécialistes de la Chine ancienne, très éloigné de
nos « basses » préoccupations arithmétiques ou quotidiennes...
212
CHAPITRE 21
Arithmétique symbolique
et techniques divinatoires
Nous ne pensions jamais parvenir à un tel niveau de compréhension de
l’ordre de classement traditionnel des 64 hexagrammes du Yi King. Les résultats
obtenus sont déjà impressionnants et, si nous-y-avons ajouté le concept de
« triade », c’est qu’il était le seul, cohérent avec tous les autres (tableaux,
congruences, loi de 5, etc...), capable de nous porter plus loin dans la réflexion pour
enfin former le « fronton » du temple de cette extraordinaire architecture
numérique.
Pour les Occidentaux, évoquer une « triade » chinoise, c’est souvent faire
allusion à des sociétés plus ou moins secrètes, politiques, criminelles ou
ésotériques. La télévision ne fait que répandre cette image négative, mais sans
jamais s’expliquer sur ce terme. Ainsi ce « tigre de papier » nous fait-il trembler
devant nos étranges lucarnes... Sans doute les Extrême-Orientaux tremblent-ils eux-
mêmes, en entendant ce mot... Mais s’il a un sens connu de tous, il en a aussi un
tout autre dans les numérologies sacrées de toutes les civilisations: hébraïque,
indienne, chrétienne, bouddhiste et même maçonnique...
213
214
Ces deux derniers tableaux sont la preuve qu’aucun élément divinatoire
n’intervient dans cet ordre de classement, l’essentiel en est « presque » purement
arithmétique. Et si nous disons « presque », c’est que les associations par doublets
consécutifs (32), puis par quadruplets (16), ont souvent été soumises à des raisons
symboliques.
En voici quelques exemples:
215
L’auteur, sans doute un courtisan lettré sous la dynastie Song, voulant
« justifier » le texte impérial désormais gravé dans la pierre. L’artifice est évident...
Nous laisserons donc le lecteur seul avec lui-même pour cet aspect
« divinatoire » du Yi King... Seul l’aspect arithmétique de son ordre de classement
nous a intéressé depuis plus de 30 ans...
216
CHAPITRE XXII
A BATONS ROMPUS
Par exemple nous nous sommes servis de tableaux de nombres pour mettre
en évidence certains arrangements numériques. Pouvons-nous penser que les
créateurs de cette numérotation en ont utilisé de semblables ? On connaît plusieurs
disposition en carré des hexagrammes du Yi King dont l’antiquité ne fait aucun
doute. Les permutations de lignes et de colonnes, suivant les règles de mutation et
de retournement des trigrammes, nous semblent tout à fait capables d’avoir été la
technique même utilisée par les Maîtres du Calendrier pour élaborer cet ordre. Il
suffit pour cela d’être patient et minutieux, ce que personne ne déniera à l’esprit
chinois.
Notre travail montre aussi, sans pouvoir en apporter la preuve formelle, que
l’ordre de présentation des hexagrammes repose sur une logique de combinaison
des trigrammes, et non sur les caractéristiques globales de l’hexagramme. A ce
sujet, Marcel Granet ne comprenait pas du tout l’opinion d’un autre spécialiste,
Henri Maspéro, qui croyait à l’antériorité des hexagrammes sur les trigrammes
(« Le Taoïsme et les Religions Chinoises », Editions Gallimard, Paris, 1971).
217
Avec toute la prudence nécessaire, Marcel Granet précise qu’il ne peut
affirmer que les trigrammes ont été dessinés avant les hexagrammes. Il soutient
seulement « qu’il est facile de prouver que l’ordre suivi par le Yi King implique
l’idée que les hexagrammes sont faits de deux trigrammes superposés » (note 298
page 496).
D’après cette copie, le treizième numéro n’a pu être idendifié. Sur le plan
mathématique, cette séquence a suffi pour que nous ayons pu alors nous faire une
idée de sa logique. L’excellent article de Christian Jaune, paru dans le numéro 5 de
la revue « Hexagrammes » en 1991, nous a apporté tout ce qui manquait à notre
réflexion.
Dans cet article, il précise qu’il a fallu attendre plus de treize ans, jusqu’en
octobre 1987, pour obtenir la traduction officielle du texte et du fac-similé du
manuscrit (cf. page 31).
Nous pouvons donc maintenant reproduire cet ordre dans sa totalité, sous la
forme du tableau suivant:
218
Ordre de présentation de Ma Wang Dui
Livré ainsi, brut de fonderie, ce tableau commence à livrer ses secrets grâce à
l’article de Christian Jaune. Pour éclairer totalement le lecteur, il nous suffirait
donc de paraphraser cet article, c’est une solution pas très élégante. Aussi avons
nous choisi d’essayer de reconstituer cet ordre « brut » à partir de l’un de « nos »
propres tableaux, en l’occurrence le tableau {Y}, garant de toutes nos certitudes et
résultant d’une lecture semi-inversée de l’ordre de famille.
219
1/ Tranposition de {Y}: (échange des lignes et des colonnes):
« ... On le voit aux travaux d’esprits géométriques comme Shao Yong,
l’auteur de la « Grande Roue » des 64 Gua rangés en rond et en carré,..., dans le
carré de Shao Yong, c’est le trigramme du bas qui est constant dans chaque
rangée. » (op.cit. C. Jaune page 34). Ici, ce sera le trigramme supérieur...
Cette transposition nous permet d’obtenir, à l’ordre près, les 8 premiers
hexagrammes de l’ordre de Ma Wang Dui sur la première ligne:
220
2/ Remise en ordre des lignes selon l’ordre des colonnes:
Cette transformation de l’ordre des lignes du tableau précédent (7, 1, 2, 4, 3,
5, 6, 0) dans celui de ses colonnes (7, 4, 2, 1, 6, 5, 3, 0), qui n’en est que le
retournement, ramène donc celui-ci à un tableau du type {G}. Deux hexagrammes
se déduisant l’un de l’autre par retournement ne sont plus symétriques par rapport à
la première diagonale:
221
4/ Lecture spiralée sur les colonnes:
Appliquons ensuite aux colonnes du tableau précédent la lecture spiralée
évoquée plus haut: elle nous permet d’obtenir sur la première ligne l’ordre exact
des huit premiers hexagrammes de l’ordre de Ma Wang Dui:
222
5/ Mise en tête de ligne des éléments grisés:
L’étape suivante consiste à extraire dans chaque ligne, l’hexagramme en
grisé, constitué de trigrammes identiques, et à le mettre en tête de celle-ci, comme
un « emblème » de celle-ci, puisque tous les hexagrammes de cette ligne ont le
même trigramme supérieur. On obtient ainsi les huit « palais » de cette disposition:
223
7/ Présentation finale:
Eliminant les éléments graphiques inutiles, ce dernier tableau est
rigoureusement identique à l’ordre de Ma Wang Dui:
224
Le retournement des hexagrammes semble ne jouer aucun rôle dans
l’organisation de l’ordre de Ma Wang Dui. On notera seulement une certaine
analogie géométrico-arithmétique entre cet ordre et celui de Wen Wang, portant sur
la notion de « voisin » et une propriété du graphisme des hexagrammes:
Dans l’ordre de Wen Wang, mis à part huit exceptions, deux hexagrammes se
déduisant l’un de l’autre par retournement ont des numéros d’ordre consécutifs,
et sont symétriques par rapport à la première diagonale d’un tableau du type
{K}.
Dans l’ordre de Ma Wang Dui, mis à part douze exceptions, deux hexagrammes
de même trigramme supérieur et dont les trigrammes inférieurs se déduisent l’un
de l’autre par mutation, se trouvent en ligne sur deux cases consécutives.
Pour conclure cette analyse, il nous faut revenir sur l’article que lui a
consacré Christian Jaune, lequel nous permet de repenser l’épineux problème de
l’antériorité des hexagrammes sur les trigrammes ou l’inverse. Dans notre première
édition et sous le seul aspect de la numérotation des hexagrammes, nous avons
penché pour l’antériorité des trigrammes, suivant l’opinion de Marcel Granet.
L’article cité nous offre un remarquable contre-exemple de cette opinion et
n’a pas manqué de nous interroger: « ... Il semblerait même logique alors de penser
que c’est justement à force de les manier pour ranger les hexagrammes que les
confucéens de l’époque Han en sont venus à donner à ces séquences graphiques un
sens par eux-mêmes, une personnalité propre, et donc un nom spécifique. Ensuite,
pour incorporer tout naturellement cette nouveauté, il a suffi de donner le nom
spécifique de chaque trigramme à la figure où il était redoublé.
Puisque les noms « trigrammatiques » des hexagrammes redoublés
n’apparaissent pas dans le document sur soie (de Ma Wang Dui), c’est que cette
assimilation se fera plus tard. Et justement, les chapitres des Commentaires où il
est question des trigrammes non pas en tant que séquences graphiques, mais en tant
qu’archétypes (Shuo Gua, chap. II et III, etc.) manquent dans le texte du rouleau de
soie.
C’est la gloire des Han d’avoir composé ces chapitres et de les avoir insérés
dans les Dix Ailes. Ce sont eux qui ont « inventé » les trigrammes en tant qu’idée
abstraite résumant un ensemble analogique organisé...
225
En 168 av. J.-C., quand ce manuscrit a été enfoui avec le corps du fils de la
marquise de Dai, on ne concevait sans doute pas encore l’idée de trigramme. On
n’y voyait encore que des séquences graphiques, des « clefs » de classement. Sinon
comment comprendre que, bien que le système des trigrammes ait finalement été
reconnu et incorporé par la tradition dans le Yi Jing canonique, l’ordre
« trigrammatique » de classement des hexagrammes présent sur le manuscrit en
soie, objet si précieux qu’on l’emmenait avec soi dans l’au-delà, soit finalement
resté lettre morte... ». (op. cit. page 37 sq.)
Nous voici donc au pied du mur: Marcel Granet (et François Ropars) seuls
contre Henri Maspéro, Cyrille Javary, Christian Jaune et quelques autres associés...
Qui a raison?.. Le débat n’est pas si primitif et pour une raison simple: Marcel
Granet n’a pas dit qu’il croyait à l’antériorité des trigrammes sur les hexagrammes
(revoir notre citation). L’idée « qu’il est facile de prouver qu’un hexagramme est
fait de deux trigrammes superposés... » était sans doute « facile » pour Marcel
Granet. Il s’agissait peut-être d’une simple réaction un peu énervée à une opinion
trop tranchée et trop définitive d’Henri Maspéro... Du genre: « il pense qu’il suffit
de répondre par oui ou par non,... ce n’est pas si simple qu’il ne le pense!.. ».
Nous devons donc rester modestes et renvoyer les « adversaires » dos à dos:
personne n’a raison, personne n’a tort... La querelle n’a pas lieu d’être: nous
pouvons très bien concilier les deux attitudes dans le processus historique qui aurait
permis l’émergence de la notion de trigramme à partir de la manipulation des
hexagrammes. Marcel Granet n’a pas pris l’attitude opposée, bien au contraire, il
confirme, d’une certaine façon, que la notion de trigramme « vient naturellement »
à l’idée, après la notion d’hexagramme... C’est tout et pas plus; et cette déclaration
n’est guère différente de l’introduction de « clef de classement » dans un ordre
encore conceptuellement difficile à maîtriser.
226
Dans cette fausse querelle, nous ajouterons cependant notre petit grain de
« sel », ou de « poivre », c’est selon l’humeur du lecteur. Tout notre travail sur
l’ordre de présentation des hexagrammes dénote une maîtrise parfaite de la notion
de trigramme et de son association à l’aspect graphique de l’hexagramme,
manipulé de façon souvent acrobatique, tant vis-à-vis des propriétés d’échange, de
retournement, de mutation et de symétries géométriques diverses...
Que signifie donc tout ceci? sinon que l’ordre de présentation des
hexagrammes n’a pu être fixé de façon rigoureuse que « bien longtemps », ou peut-
être « conjointement » à la reconnaissance du nouveau concept de « trigramme ».
Là s’arrête notre réflexion mathématique: situer la période de maturation de
l’ordre actuel de présentation des hexagrammes du Yi King à la fin de la période
des Han, voire un ou deux siècles plus tard, n’est une hypothèse ni hasardeuse, ni
fantaisiste...
Afin de rendre plus vivante l’évocation de cette remarquable découverte
archéologique, il nous a semblé nécessaire de citer l’ouvrage d’Eulalie Steens « La
Chine antique », de la préhistoire à 220 après J.-C., publié en 1989 par les Editions
du Rocher (pages 350 à 354):
« ... La première tombe (de Mawangdui, découverte en 1972) abritait
l’épouse de Li Cang, marquis de Dai, décédée peu après -168. La tombe n°2
(découverte avec la tombe n°3 au cours de l’hiver 1973 et du printemps 1974) reçut
le corps de Li Cang lui-même, mort en -186. La tombe n°3 renfermait la dépouille
d’un de leurs fils qui mourut avant ses parents en -168, vers l’âge de 30 ans ...
... On retrouva la dépouille de la marquise Dai enveloppée de plusieurs
vêtements enrubannés de neuf cordonnets de soie. La surprise fut grande dans
l’équipe archéologique lorsqu’on découvrit le cadavre intact baignant dans un
liquide rouge destiné à le préserver de la putréfaction ...
... L’extraordinaire reste, après deux mille ans, de pouvoir plier et déplier ses
bras et ses jambes, de constater la souplesse de sa peau. (Note 3 de bas de page
351: la Chine réalisa un film documentaire sur cet étonnant examen. Il fut diffusé à
Paris en 1981.) ...
... Les instruments de musique (trouvés dans la tombe n°1) sont représentés
par une cithare en bois d’une longueur de 1,16m pourvue de vingt-cinq cordes, un
orgue à bouche à 22 tuyaux et une série de douze flûtes en bambou (douze tons).
Tous avaient été emmaillotés dans des pièces de soie, les flûtes dans un étui ...
... La tombe n°3, intellectuellement, s’affirme la plus intéressante ...
227
... On retrouva aussi le célèbre Yijing (Yi King) à Mawangdui. Peu de
nouveauté dans cette version, si ce n’est un ordre des huit trigrammes (sic) différent
de celui auquel nous sommes accoutumés ...
... Une telle richesse accumulée en seulement trois tombes prouve qu’une
région méridionale comme le Chu connut un passé culturel élevé ... ».
Nous n’avons aucune compétence pour juger si cette découverte prouve ou
non que son ordre de présentation des hexagrammes représente, ou ne représente
pas, la même pensée que le Yi Jing des Zhou. Le but de notre travail était de
résoudre l’énigme de cet ordre de présentation: nous pensons y être parvenus dans
le cadre de cette tradition, ou du moins dans celui que nous considérons
aujourd’hui comme étant le cadre de son élaboration.
C’est aux spécialistes de déterminer si les références symboliques de cet
ordre: musicales, architecturales, calendaires et médicales, permettent une
meilleure datation de sa création. Si ces recherches aboutissaient à la conclusion
que l’ordre actuel est postérieur à celui du document de Mawangdui, cela
prouverait que la part du mythe dans l’histoire de ce livre est beaucoup plus grande
que nous ne le pensions. Cela prouverait également que de nombreux liens
constatés, entre la symbolique numérique du Yi King et celles du bouddhisme
ésotérique et de l’hindouisme védique, pourraient reposer sur une influence réelle
et historiquement démontrable. Il nous semble alors raisonnable d’envisager
l’hypothèse que cet ordre de classement ait pu être élaboré au second, voire même
au troisième siècle de notre ère (Yi King, Le livre des Transformations,
traduction E.Perrot, Librairie de Médicis, Paris 1986, page 14).
L’oeuvre de ce jeune génie que fût Wang Pi (226-249 ap. J.-C.), tout
imprégné des doctrines taoïstes de son temps, ne peut nous laisser indifférents.
Tout prouve dans ses oeuvres, non un travail de « clôture », mais de « discussion
encore ouverte » sur nombre de problèmes dont certains sont étroitement liés au
classement des 64 figures du Yi King (« Wang Pi, philosophe du Non-Agir », par
Maria-Ina Bergeron, Variétés Sinologiques, nouvelle série n°69, Institut Ricci:
Paris-Taipeh- Hong Kong, 1986).
Dans ce cas, l’ordre de classement actuel ne pourrait alors être daté que de
quelques dizaines d’années postérieurement au décès de ce jeune prodige, c’est-à-
dire au troisième siècle et peut-être même au quatrième siècle de notre ère...
228
Rappelons enfin qu’il n’existe pas une numérotation des hexagrammes du
Yi King, comme il existe une numérotation des vingt-deux arcanes majeurs du
Tarot.
Notre propre travail n’est pas à l’abri de cette critique: nous avons souvent
utilisé le terme de numérotation au lieu de celui, correct, d’ordre de présentation.
Notre excuse est d’avoir tenté de résoudre cette énigme de façon mathématique,
domaine dans lequel le problème se pose en termes de numérotation.
229
La synchronicité semble avoir joué un tour à l’auteur de ces lignes, en lui
donnant la (première partie de la) solution le 8 août 1988 (8/8/88), date à laquelle
les (premiers) arrangements numériques présentés dans cet ouvrage ont été
découverts. Plusieurs mois de travail ont ensuite été nécessaires, au milieu des
soucis et des obligations d’une activité salariée, pour en comprendre totalement le
sens et le rendre accessible à autrui.
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231
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TABLE DES MATIERES
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ACHEVE D’IMPRIMER
SUR LES PRESSES DE
IMPRIMERIE LOCALE
34070 MONTPELLIER
4ème TRIMESTRE 2008
IMPRIME EN FRANCE
Système divinatoire trois fois millénaire et fondement de la sagesse chinoise, le
« Livre des Changements » (Yi King) suscite toujours la curiosité de personnes venues des
horizons les plus divers.
Parmi les énigmes non résolues à son propos figure l’ordre de classement des 64
figures emblématiques dont chacun des chapitres de son premier livre effectue la
présentation. Connu dès le IIème siècle avant J.-C., « l’ordre de Wen Wang des
hexagrammes » fut officialisé par une édition impériale du VIIème siècle de notre ère.
Pour la première fois, l’auteur propose une interprétation mathématique de cette
classification, basée sur la numérologie chinoise traditionnelle telle que la concevait le grand
sinologue Marcel Granet. La compréhension de cette structure numérique est ainsi rendue
accessible à toute personne sachant simplement compter.
Les 64 hexagrammes se répartissent alors de façon régulière sur des tableaux de
nombres, en fonction de leur graphisme ou de leur appartenance à des séquences
arithmétiques traduisant les harmonies et correspondances de cet univers mythique.
Les liens de cette classification avec le Calendrier traditionnel chinois, les dimensions
rituelles du Ming t’ang, les aires Yin et Tchéou, la succession des trigrammes dite de Fo Hi,
le carré magique de dimension 3 (Lo Chou), l’étalon de jade (pi sien), la théorie des Tubes
musicaux et les spéculations numériques relatives au Yin et au Yang, sont mis en évidence
par une approche purement rationnelle, laissant au lecteur le soin d’en appliquer les
résultats aux domaines de réflexion ou de pratique qui sont les siens.
La seconde édition (2001), entièrement refondue, situe enfin le rôle de la théorie des
5 Eléments (Wou Hing) dans cet ordre de présentation. Le simple dénombrement par
catégories des hexagrammes: soit selon leur graphisme (remarquables ou non), soit selon le
chiffre des unités de leur ordre de classement (hétérogènes ou homogènes), met en lumière
des progressions arithmétiques du type (0, 1, 2, 3, 4(+2)), (1, 2, 3, 4, 5) ou (2, 3, 4, 5, 6),
directement reliées à « la loi de Cinq ».
Les liens de cette nouvelle classification avec la gamme musicale, les agencements
numériques du Hong Fan et du Yue Ling, l’acupuncture et même le svastika dextrogyre ou
lévogyre ne permettent plus le moindre doute quant à son niveau élevé de sophistication.
Celle-ci exprime de façon impressionnante l’univers symbolique de la civilisation chinoise
sous la dynastie Han: cet ordre de présentation en devient alors la synthèse et l’expression
la plus achevée: rien ne peut en être ôté, rien ne peut y être ajouté...
La 3ème édition, du printemps 2007, basée sur le concept de « triade », donne enfin
la « clef » arithmétique globale de cette classification, impressionnante de simplicité et de
justesse... Aux spécialistes de la Chine ancienne de s’en accommoder .., loin, très loin, de
toute préoccupation divinatoire... C’est ainsi et pas autrement ...
Cette 4ème version française de fin 2008 n’en est que la révision générale et finale…
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