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Histoire de l'Assyrie

Gardes d'Assurbanipal, bas-relief de son palais à Ninive, v. 645 av. J.-C., musée du Louvre

L’histoire du royaume assyrien se divise en trois phases principales :

• période paléo-assyrienne (?- début XVe siècle av. J.-C.) ;


• période médio-assyrienne (1365–911) ;
• période néo-assyrienne (911–609).

Origines de l’Assyrie
La liste royale assyrienne débute par l’énumération de « rois vivant sous la tente », ce qui a
laissé penser que les origines de l’État assyrien étaient à rechercher dans le monde nomade.
Dans les faits, cette ascendance paraît être une pure construction historiographique, incluant
les ancêtres nomades amorrites du roi Samsi-Addu d’Ekallatum, qui intégra Assur dans son
royaume au XVIIIe siècle av. J.-C., et qui inclut ses propres ancêtres dans la liste royale
assyrienne aux côtés des rois ayant réellement dirigé Assur. Car c’est en fait de cette ville
qu’est né le royaume assyrien, dans un milieu urbain.

La cité-État d’Assur
La ville d’Assur fut un très ancien centre urbain. Elle apparut dans les sources de l’Empire
d'Akkad et de la Troisième dynastie d’Ur, qui la dominerent temporairement. Mais sa position
excentrée par rapport aux grands centres politiques lui permit de préserver son indépendance,
Puzur-Assur regagnant son autonomie lors de l’effondrement du royaume d’Ur
(Mésopotamie) vers 2010 av. J.-C., et fondant par là même une nouvelle dynastie. À l’époque
amorrite (XIXe–XVIIe siècles av. J.-C.), elle apparut comme une puissance politique assez
faible, mais elle fut une très importante ville marchande, qu'on a pu comparer aux républiques
marchandes de l'Italie de la Renaissance. Les marchands d’Assur entretinrent un réseau
commercial très étendu, qui leur permit d’établir de très fructueux comptoirs en Cappadoce,
bien connus par les archives qu’ils avaient laissé à Kanesh (Kültepe). Ce système dura tout au
long du XIXe siècle av. J.-C., puis connut un arrêt au début du XVIIIe, avant de reprendre
momentanément sous le règne de Samsi-Addu, et de s’arrêter définitivement quand la ville de
Kanesh fut brûlée, sans doute au cours de guerres opposant les royaumes d’Anatolie.

Aléas politiques
La ville d’Assur reste indépendante jusqu’à environ 1800, quand le roi Samsi-Addu
d’Ekallatum s’en empare, et l’incorpore dans son royaume (le Royaume de Haute-
Mésopotamie). Après sa mort et l’effondrement de sa construction politique, son fils Ishme-
Dagan serait parvenu à conserver Assur, sans doute sous l’égide de Hammurabi de Babylone.
Après le recul des Babyloniens, Assur regagne son indépendance. Si l’expulsion des
souverains d’Ekallatum a représenté dans un premier temps une délivrance pour les
Assyriens, l’expérience de l’intégration au Royaume de Haute Mésopotamie reste forte pour
l’histoire de l’Assyrie, qui expérimente alors l’idéologie impérialiste avec Samsi-Addu, qui
est toujours considéré comme un roi assyrien par l’historiographie de ce pays, en raison de
son grand prestige.

La vie politique d’Assur à la fin de l’époque amorrite n’est pas connue. On sait seulement
qu’elle fait face à l’expansion du royaume hourrite du Mitanni, dès le XVIe siècle av. J.-C. On
ne sait pas exactement quand ni comment Assur devient vassale de cet empire, mais on sait
qu’elle est mise à sac par Shaushtatar vers le milieu du XVe siècle, sans doute en raison d’une
rébellion, à moins que ce ne soit là que commence la domination mitanienne sur la ville.

La formation et l’affirmation du royaume assyrien


Quelques années plus tard, le Mitanni subit plusieurs lourdes défaites face au roi hittite
Suppiluliuma Ier, qui affaiblissent son assise sur ses vassaux. C’est sans doute à ce moment-là
que le roi d’Assur, Assur-uballit Ier, cesse de verser le tribut aux Hourrites. On ne sait pas
exactement comment cela est arrivé, mais Assur apparaît à ce moment comme une grande
puissance politique : Assur-uballit soumet la riche région du Haut Tigre, en s’emparant
notamment de Ninive. Il réussit à vaincre le Mitanni, qui se déchire alors dans des guerres
intestines, et à faire passer sa partie orientale sous sa vassalité, retournant ainsi la situation qui
prévalait auparavant. Fort de ses succès, il peut se prétendre « Grand roi », égal des Hittites,
Babyloniens et Égyptiens. Les Babyloniens en particulier voient mal cette situation, et
n’acceptent qu’avec réticence ce nouvel état de fait. Une alliance dynastique est finalement
scellée entre Assur-uballit et le roi kassite de Babylone, Burna-Buriash II, et c’est le point de
départ d’une série de conflits qui va opposer les deux royaumes, sans que l’un ne puisse
prendre le dessus sur l’autre. Vers l’ouest, les Hittites disputent les dépouilles du Mitanni aux
Assyriens. Les rois Adad-nerari Ier et Salmanazar Ier doivent affirmer leurs prétentions par les
armes, pour faire leur place entre leurs deux puissants adversaires. Une politique de contrôle
du territoire et même de colonisation est mise en place en Haute-Mésopotamie occidentale
(Hanigalbat), qui devient peu à peu une région assyrienne, placée sous le contrôle d'une lignée
de "rois du Hanigalbat". Plusieurs sites de cette région ont livré des archives pour la période,
les plus importants étant Tell Sheik Hamad (Dur-Katlimmu) et Tell Rimah (Qattara)
L’apogée du premier royaume assyrien est le règne de Tukulti-Ninurta Ier. Celui-ci écrase
l’armée hittite de Tudhaliya IV, et réussit à s’emparer de Babylone. Ces deux succès font de
l’Assyrie la plus grande puissance de son temps. Mais le règne de ce roi s’achève dans le
chaos, et il meurt assassiné à la suite d’un complot à la cour d’Assur. Après une crise
dynastique, l’Assyrie est affaiblie, et le nouveau roi Enlil-Kudurri-Usur est vaincu et capturé
par le roi babylonien Adad-Shum-Usur. Après une nouvelle révolution de palais, une nouvelle
dynastie monte sur le trône avec Ninurta-Apil-Ekur, issu de la lignée des rois assyriens du
Hanigalbat (donc lié à la famille royale). Son successeur Assur-Dan voit ses positions
menacées dans le Zagros par le roi élamite Shilhak-Inshushinak, mais ce dernier n’arrive pas à
faire durer sa domination. Son successeur Assur-Resh-Ishi réussit quelques campagnes
victorieuses dans le Zagros, contre Babylone, et aussi face à des nouveaux ennemis, les
Araméens. Après lui, Teglath-Phalasar Ier monte sur le trône. C’est le dernier grand roi de
cette période : il combat maintes fois en Syrie du Nord, où il repousse les attaques des
Araméens, et parvient à atteindre la côté méditerranéenne. Mais il échoue face à Babylone, et
ne peut endiguer les assauts araméens.

Le recul de l’Assyrie
Après la mort de Teglath-Phalasar en 1077, les rois assyriens sont subjugués par les attaques
des Araméens, qui leur enlèvent leurs possessions en Haute-Mésopotamie en quelques années,
et coupent leurs voies de communication vers l’ouest. Le royaume assyrien se replie autour
d’Assur et de Ninive, mais parvient à se maintenir, à l’inverse de la plupart de ses anciens
rivaux : les Hittites ont disparu complètement dans le courant du XIIe siècle , tandis que
Babylone est incapable de stabiliser sa situation politique, et sombre dans l’anarchie.

Les débuts du royaume néo-assyrien

Stèle d'un roi Adad-Nirari, peut-être Adad-Nirari Ier


Après un Xe siècle morose, l’Assyrie reprend de sa superbe vers 911, quand monte sur le trône
Adad-Nirari II, qui est le premier à repousser les Araméens. Il lance ensuite des attaques dans
toutes les directions, et finit par mener une campagne victorieuse contre Babylone. Avec lui
débute une nouvelle dynamique, et se constitue le royaume néo-assyrien. Sans adversaire à la
mesure de l'Assyrie, le polycentrisme qui prévalait à la période précédente n'a plus cours ; ce
royaume va se hisser au rang d’empire, instaurant l’ère des empires orientaux, dont la Perse
achéménide et sassanide, les Parthes, etc. seront les émules.

Représentation de l'attaque d'une ville par les assyriens (avec tour de siège et bélier), bas-
relief du IXe siècle av. J.-C.

Les successeurs d’Adad-Nirari II poursuivent dans sa lancée : les Araméens en particulier


subissent plusieurs lourdes défaites. Les royaumes qu’ils ont établis aux abords de l’Assyrie
sont subjugués. Le Zagros est aussi un terrain de campagnes pour les Assyriens. En 883,
Assurnasirpal II devient roi, et se lance dans une série de guerres victorieuses à l’ouest, contre
les royaumes araméens et néo-hittites (Bit-Adini, Bit-Agusi, Suhu, Laqe, Karkemish,
Kummuhuh et Gurgum). Il déplace sa capitale d’Assur à Kalkhu, qu’il repeuple en y
déportant des habitants des royaumes vaincus. Parallèlement, la domination assyrienne sur la
Haute-Mésopotamie reprend sur les bases de la période médio-assyrienne. Salmanazar III
combat à son tour les royaumes de Syrie du Nord. Après quelques premiers succès (prise de
Til-Barsip), il est vaincu à Qarqar par une coalition dirigée par le roi Bar-Hadad de Damas,
regroupant des rois de Syrie du Nord, de Phénicie et du Levant. Quelques années plus tard,
Salmanazar prend sa revanche en battant le roi de Damas et ses alliés, mais il ne peut par
garder sa mainmise sur la Syrie orientale. Son fils Shamshi-Adad V fait face à une révolte de
palais, qu’il réprime tant bien que mal.

Crise de croissance
Le royaume assyrien connaît de sérieuses difficultés sous les règnes des successeurs de
Salmanazar III : Shamshi-Adad V, Adad-Nirari III, et ses fils Salmanazar IV, Assur-dan III et
Assur-nirari. La domination assyrienne sur les royaume vaincus restait faible, car on se
contentait de demander une soumission par serment et le versement d’un tribut. La mainmise
sur ces territoires passait par la répétition d’expéditions visant à affirmer la puissance
assyrienne chez ses vassaux, qui cessaient de verser le tribut si la pression se relâchait. De
plus, cette période voit la montée en puissance d’un ennemi de la trempe de l’Assyrie :
l’Urartu, qui bouscule la domination des Assyriens en Anatolie. Malgré leurs volontés, les
rois assyriens sont incapables d’endiguer ces problèmes, et perdent une partie de leur autorité
face aux nobles assyriens, qui se sont enrichis au cours des conquêtes et se sont pour certains
constitués un patrimoine important qui leur donne un grand pouvoir à la cour. Le cas le plus
représentatif est Shamshi-ilu, grand général de l’Assyrie, qui dispose d’un grand apanage en
Haute-Mésopotamie autour de Til-Barsip.
Reprise de l’expansion, et formation de l’empire néo-
assyrien

Carte de l'empire néo-assyrien

En 745, le trône d’Assyrie est usurpé par Teglath-Phalasar III, sans doute un autre fils
d’Adad-nirari III. Celui-ci réussit à restaurer la puissance assyrienne en initiant une série de
réformes structurelles qui vont renforcer l’emprise de son royaume sur les territoires dominés
en remplaçant certains royaumes vassaux par des provinces administrées directement par un
gouverneur assyrien. Il réforme aussi l’armée, et remporte de grandes victoires : il bat
l’Urartu, plusieurs royaumes syriens et palestiniens (annexions de Damas et de Gaza), et
s’empare aussi de Babylone, dont il devient roi sous le nom de Pulû. Il meurt en 727, et son
fils Salmanazar V monte sur le trône. Son règne est marqué par l’annexion du royaume
d’Israël. Mais il est détrôné après cinq années de règnes par Sargon II (son frère ?).

Les Sargonides : l’apogée de l’Assyrie


Sargon II et un haut dignitaire, bas-relief de Dur-Sharrukin, musée du Louvre

Sargon II et ses successeurs, Sennacherib, Assarhaddon et Assurbanipal, vont mener l’Assyrie


à un degré de puissance jusqu’alors jamais atteint. Aucune puissance n’est en mesure de faire
face à ce royaume. Certains grands royaumes cherchent à appuyer des révoltes dans l’empire
assyrien même pour l’affaiblir, mais ils subissent chacun à leur tout une cuisante défaite sur
leur sol même : l’Urartu est écrasé par Sargon II en 714, et se concentre alors sur la région
arménienne ; l’Égypte est envahie par Assarhaddon, qui prend Memphis, puis Assurbanipal,
qui prend Thèbes ; l’Élam, après avoir soutenu de nombreuses révoltes de Babylone, et
finalement envahit par Assurbanipal, qui pille Suse en 646. Si aucun de ces royaumes n’est
incorporé durablement dans l’empire assyrien, il n’empêche que les rois de ce pays
témoignent d’une puissance et d’un rayon d’action impressionnants.

La situation interne de l’empire n’en est pas pour autant très stable. La cour assyrienne
connaît quelques remous, notamment l’assassinat de Sennacherib et la guerre que son fils
Assarhaddon doit mener pour monter sur le trône. De nombreuses révoltes se produisent en
divers points de l’empire, et doivent être réprimées. Le plus gros problème reste la Babylonie,
dominée par les Assyriens depuis Teglath-Phalasar III. De nombreuses révoltes s’y
produisent, dirigées par des Babyloniens de souche, des Chaldéens (dont la figure la plus
importante est Merodach-baladan), soutenus par les Élamites. Plusieurs conflits se produisent,
marqués par des moments de grande violence. Babylone est détruite par Sennacherib en 689,
puis restaurée par Assarhaddon, qui tente de rétablir la paix en mettant son fils Shamash-
shum-ukin sur le trône de la ville, sous la tutelle de son cadet Assurbanipal, roi d’Assyrie.
Cette situation ne dure pas, et Shamash-shum-ukin se révolte, et n’est vaincu qu’après un long
conflit. Au cours du temps, la cohésion des Babyloniens opposés à l’Assyrie augmente, ainsi
que leurs moyens d’action.

L’Assyrie est alors un très vaste ensemble, qui s’étend de l’Iran oriental à la Méditerranée, de
l’Anatolie au nord du désert d’Arabie. L’empire est constitué d’un grand nombre de provinces
et de royaumes vassaux. Sa grande capitale, Ninive, rebâtie par Sennacherib, en est le cœur, et
est l’une des plus grande villes du monde à cette période.

Le règne d’Assurbanipal marque l’apogée de la puissance assyrienne : il a vaincu en


Babylonie, a assuré sa domination en Syrie, au Levant, jusqu’en Anatolie. La fin de son règne
reste très mal connue, et peut avoir été assez difficile. On sait notamment qu’une attaque des
Cimmériens a ravagé plusieurs régions de l’empire, avant d'être repoussée avec difficulté.
Puis ils sont remplacés par les Scythes qui lancent un raid en plein territoire assyrien, et
jusqu’en Égypte, où Psammétique Ier leur achète la paix à prix fort.

Chute
Qu’en quelques années l’Assyrie passe de la situation qui prévalait sous le règne
d’Assurbanipal à sa destruction totale a suscité beaucoup d’incompréhension. En fait, il est
probable que des signes annonçant la crise existaient déjà. On peut ainsi souligner les
problèmes démographiques du cœur de l’empire, dominé par les grands centres urbains que
sont Ninive, Assur et Kalkhu, qui paraissent trop importants pour les capacités d’une région
qui n’a jamais été fortement urbanisée, et qui est d’ailleurs en partie peuplée de manière
artificielle, par les déportations. Les nombreuses guerres entreprises par l’armée assyrienne
ont sûrement constitué un frein démographique important, qu’il a fallu compenser par
l’arrivée de déportés. Les fronts d’où va venir la chute de l’Assyrie sont les points faibles de
cet empire : la Babylonie est la région où se sont produites les révoltes les plus dangereuses,
et la frontière avec l’Iran mède est l’une des moins fortes de l’empire, qui concentre ses
troupes ailleurs.

L’événement déclencheur de la chute de l’Assyrie est pourtant interne, et c’est sans doute là le
facteur le plus important. A la mort d’Assurbanipal en 627, son fils Assuretililâni règne sur
l’empire. Son frère Sin-shar-ishkun, sans doute roi de Babylone (comme Shamash-shum-ukin
avant lui), se révolte contre son frère, et parvient à l’éliminer en 625. Cette révolte à profité en
Babylonie à deux autres personnages : Sin-shum-limur, vite éliminé ; et Nabopolassar,
gouverneur du Pays de la Mer, qui réussit à monter sur le trône de Babylone, avec
l’assentiment de Sin-shar-ishkun parti prendre le pouvoir en Assyrie. Quand il décide de
rétablir la situation en Babylonie vers 620, il ne peut vaincre Nabopolassar, qui le repousse
avant de l’attaquer en Assyrie. En 616, un nouvel intervenant apparaît en la personne de
Cyaxare, roi des Mèdes, qui s’allie au roi de Babylone contre l’Assyrie. L’affaire est alors
entendue : Assur tombe en 614, puis Ninive en 612, et Sin-shar-ishkun disparaît. Un militaire
assyrien du nom de Assur-uballit II tente de résister, et se réfugie à Harran, où il espère
combattre les Mèdes et les Babyloniens avec l’aide de l’Égypte. Mais son règne est de courte
durée, puisqu’il est vaincu en 609.

La fin de l’empire néo-assyrien marque la fin de l’ancienne nation assyrienne, qui disparaît, et
l’Assyrie devient un territoire ethniquement araméen (les Assyriens de l’époque moderne
étant de langue et de culture araméenne). La culture assyrienne survit quelque temps,
notamment autour de son foyer originel, Assur. La région est délaissé par les grands empires
qui dominent alors le Proche-Orient, sur le modèle instauré en Assyrie même, et n’est plus
alors que d’une importance très secondaire dans l’histoire de cette partie du monde.
Histoire de l'Iran

Les Mèdes sont un peuple de l'Iran


ancien, voisin des Perses, avec
lesquels ils ont souvent été
confondus. Ils occupaient un
territoire qui recouvre le nord-ouest
de l'actuel Iran, au sud de la mer • Civilisation proto-élamite (3 200 - 2 700 av. J.-
Caspienne actuel Azerbaïdjan, C.)
autour de leur capitale • Civilisation de Jiroft (3 000 - Ve siècle av. J.-C.
Hangmatana/Ecbatane au • Royaume élamite (2 700 - 539 av. J.-C.)
Ier millénaire av. J.-C. Ce peuple est • Royaume mède (728 - 550 av. J.-C.)
un cas original, puisque même si on • Dynastie achéménide (648 - 330 av. J.-C.)
lui reconnaît généralement une • Empire séleucide (330 - 150 av. J.-C.)
importance dans l'histoire du Moyen • Empire parthe (250 av. J.-C. - 226)
Orient antique, il n'a lui-même laissé • Dynastie sassanide (226 - 650)
• Conquête islamique (637 - 651)
aucune source relative à son histoire
• Dynastie samanide (875 - 999)
qui soit certaine, et n'est connu que
• Dynastie ziyaride (928 - 1043)
par des sources extérieures, • Dynastie bouyide (934 - 1055)
assyriennes, babyloniennes et • Dynastie ghaznévide (963 - 1187)
grecques, plus quelques sites • Empire turc seldjoukide (1037 - 1194)
archéologiques iraniens qui sont • Empire khorezmien (1077 - 1231)
supposés avoir été occupés par des • Houlagides (1256 - 1353)
Mèdes. • Dynastie muzaffaride (1314 - 1393)
• Dynastie timouride (1370 - 1506)
Les récits relatifs aux Mèdes • Dynastie séfévide (1501 - 1722/1736)
rapportés par Hérodote ont laissé • Afghans hotaki (1722-1729)
l'image d'un peuple puissant, qui • Dynastie afsharide (1736 - 1802)
• Dynastie Zand (1750 - 1794)
aurait formé un empire au début du
• Dynastie kadjar (1781 - 1925)
VIIe siècle av. J.-C. qui dura • Dynastie Pahlavi (1925 - 1979)
jusqu'en 550 av. J.-C., rivalisant • Révolution iranienne (1979)
avec les royaumes de Lydie et • Gouvernement provisoire (1979-1980)
Babylone. Pourtant, une
réévaluation récente des sources • Rép. islamique d'Iran (1980 - maintenant)
contemporaines de la période mède
a modifié la perception que les
chercheurs ont du « royaume mède ». Cet État demeure imperceptible, ce qui laisse de
nombreux doutes à son sujet, certains supposant même qu'il n'y a jamais eu de royaume mède
puissant. Plusieurs auteurs suggèrent que leurs descendants seraient les Kurdes
actuels[réf. nécessaire].

Qui étaient les Mèdes ? [


Les Mèdes sont un peuple iranien. Ils sont apparentés aux Perses, que les auteurs Grecs ont
parfois eu du mal à distinguer d'eux, en témoigne l'expression « guerres médiques ». Force est
de constater que ce peuple reste insaisissable par les archéologues et historiens modernes, et
en premier lieu sur ses traits culturels.

La langue mède

La langue mède est un point sur lequel on discute beaucoup. Aucune certitude ne peut exister
sur elle, si ce n'est qu'il s'agit d'une langue iranienne, en l'absence de textes retrouvés dans
cette langue ou même de mots, toponymes, anthroponymes clairement identifiés comme
venant de la langue mède.

Schématiquement, deux théories s'affrontent sur ce sujet. La première postule que cette langue
est relativement différente du perse, et qu'elle présente ses propres caractéristiques. Les
tenants de cette théorie s'appuient pour cela sur certains passages d'auteurs grecs : ainsi,
comparant les langues mède et perse, Hérodote mentionne également le mot spaka (« chien »)
(toujours présent dans les langues iraniennes actuelles telles que le kurde et le talysh),
différent du perse.1 On a aussi voulu identifier certains mots perses comme étant des emprunts
au mède, notamment ceux concernant la politique ou la religion ; par exemple : xšayaθia
« roi », aspa « cheval », asa « pierre ». Il a été tenté de reconstituer des racines mèdes à partir
de mots perses.

La seconde théorie, objectant à la première son côté spéculatif, et l'absence de sources


indiquant clairement une quelconque différence entre le perse et le mède, préfère se contenter
d'y voir deux langues très proches, appartenant à une même langue dont ils seraient des
dialectes. On peut donc dans ce cas considérer qu'il n'existait pas de langue mède ou perse à
proprement parler, mais une langue commune aux deux peuples.

La culture mède

Artefact de poterie trouvé à Jeiran Tepe, 2e millénaire av. J.-C.


Musée national d'Iran.

La culture matérielle des Mèdes est un peu mieux identifiée, même si là aussi des zones
d'ombres et surtout beaucoup de doutes demeurent. On a parfois voulu voir dans la « poterie
grise » (gray ware) retrouvée dans des sites de la vallée du Gorgan et à Tepe Sialk près de
Hamadan pour la fin du IIe millénaire une marque des « proto-iraniens », voire « proto-
mèdes » qui seraient arrivé dans la région à cette période (à la suite de Roman Ghirshman
notamment). En fait, l'attribution d'un type de céramique à un groupe ethnique reste sujet à
caution. L'étude des sites de la région où les sources mésopotamiennes des IXe-VIIIe siècles
mentionnent des tribus mèdes a en revanche mené à des découvertes un peu plus solides. Mais
les textes ont aussi leurs limites, car localiser les lieux qu'ils mentionnent est souvent loin
d'être évident.

On débat donc toujours pour déterminer les traits matériels de la culture mède, étant donné
que l'on n'a jamais la certitude qu'un site fouillé à bien été habité par les Mèdes, sauf pour
Ecbatane, dont les niveaux mèdes n'ont jamais été mis au jour. D'une manière générale on
constate une certaine homogénéité artistique et architecturale chez les différents peuple de
l'Iran du nord-ouest de cette période, qui rend parfois incertaine l'identification d'un tel type
d'objets ou de constructions à un peuple précis. Les sites couramment considérés comme étant
représentatifs des Mèdes sont Godin Tepe, Nush-i Jân et peut-être Baba Jân, tous situés dans
la région de Hamadan, l'ancienne Ecbatane. Ils témoignent de pratiques architecturales
communes, fortement inspirées par celles d'Anatolie ou d'Urartu, déjà attestées dans le nord-
ouest de l'Iran dans le grand site de Hasanlu (attribué généralement pour cette époque aux
Mannéens, peuple voisin des Mèdes).

Godin Tepe, localisé près de Hamadan, a été habité dès la fin du néolithique, et s'est
développé en entretenant des rapports commerciaux avec l'Élam. Après une phase d'abandon
entre la fin du IIe et le début du Ier millénaires, il est peuplé à nouveau par les populations
iraniennes vers 750. Elles aménagent alors une forteresse en hauteur. Un puissant rempart
protégeait la citadelle sur son côté nord. À l'est se trouvait un arsenal. Au centre, une galerie à
deux rangées de colonnes avait été construite, conduisant sur les cuisines, et un édifice qui
pourrait être un temple du feu. Le côté ouest comprenait la partie principale de la forteresse, le
palais. Il s'agissait d'une grande salle hypostyle, où se trouvait le trône du maître des lieux.
Plus tard, une deuxième salle à colonnes, plus réduite, fut bâtie à l'ouest. Ce site était
probablement la résidence d'un roitelet mède. Il a été abandonné au milieu du VIe siècle.

Tepe Nush-i Jân est situé au nord de Hamadan. Il est bâti en hauteur sur une colline. La
forteresse est divisée en quatre zones. Un « fort » était situé à l'ouest. On a retrouvé l'étage
inférieur de cet édifice, qui comprenait des entrepôts. Un escalier atteste de la présence d'un
étage. À l'autre extrémité, un temple du Feu avait été bâti, avant d'être en partie recouvert par
un édifice à colonnes. Entre le hall à colonnes et le fort, un second temple du feu a été bâti
(voir plus bas). Au VIIe siècle, les habitants du site recouvrent les édifices de pierres, sans
doute dans le but de les préserver pour faire une réfection. Mais le site est alors abandonné.

Baba Jân, au sud-ouest de Nehavend, est un très ancien site, qui connaît un nouvel essor dès la
fin du IXe siècle, à la période 3A. Il se dote d'une architecture monumentale au niveau 3B :
son bâtiment principal est un « manoir », de 33 x 35 mètres de côté, protégé par des tours
d'angles. Au VIIe siècle, le site est incendié, puis restauré peu après (niveau 3B et C). Il se
pourrait que les habitants qui aménagent alors soient des Mèdes, à moins qu'ils ne soient déjà
là dès la fin du IXe siècle.

La religion des Mèdes est connue par l'archéologie. Le site de Nush-i Jân comportait le
meilleur exemple de temple du feu, donc typique de la religion « proto-mazdéenne » des
anciens Iraniens (on ne peut savoir s'il s'agit là du Zoroastrisme). C'est une tour cruciforme de
14,5 x 16 mètres. Une antichambre ouvre sur une salle voûtée recouvrant un autel et un
bassin. De là, on accède à un escalier menant à un étage supérieur, ou à la cella où se trouve
l'autel du Feu. Il comportait un autel du feu en son centre. Un autre temple plus ancien avait
été bâti à l'autre extrémité du site et un autre se trouvait peut-être à Godin Tepe comme on a
pu le voir. Selon Hérodote, on trouvait parmi les Mèdes une caste sacerdotale, les Mages, qui
sont d'après ce même auteur une des six tribus mèdes. Ils agiraient notamment en tant que
devins, puisque ce sont eux qui interprètent les songes du roi Astyage relatifs à la future prise
de pouvoir de Cyrus II.

Premières attestations
Les ancêtres des Mèdes, arrivent dans le nord-ouest de l'Iran à la fin du IIe millénaire, si l'on
veut les identifier aux habitants de sites comme Tepe Sialk V et VI, ou bien plus tard, vers le
début du Ier millénaire, si on s'en tient aux sources historiques. Le fait que l'on n'ait pas pu
identifier clairement de culture matérielle mède ne nous permet pas d'y voir plus clair.
Les Mèdes apparaissent avec évidence dans les annales du roi assyrien Salmanazar III, qui
mène dans sa vingt-quatrième année de règne (835), une campagne dans la région du Zagros
occidental. Il soumet alors trente-six « rois » mèdes, qu'ils faut plutôt considérer comme des
chefs de tribus. Shamshi-Adad V prend la ville mède de Sagbitu, dont il bat le chef
Khanesiruka, en 815. D'autres rois assyriens combattent des groupes mèdes par la suite :
Adad-Nerari III, à six reprises, Teglath-Phalasar III, qui déporte 65 000 personnes du Zagros,
Sargon II, à quatre reprises, notamment au cours de sa huitième campagne. Celui-ci installe
des déportés près de la frontièe avec les Mèdes. Son fils Sennacherib affronte le roi d'Ellipi,
un royaume non-mède situé aux alentours du Luristan, et affronte alors quelques groupes
mèdes. Ces deux souverains assyriens créent trois provinces pour appuyer leur contrôle sur la
région du Zagros occidental : Parshuash, Kisheshin, renommé Kār-Ninurta, et Kharkhar,
renommé Kār-Sharrukēn. La localisation exacte des lieux d'affrontements entre Assyriens et
Mèdes est imprécise, même si on s'accorde à situer le cœur de la région peuplée par les Mèdes
autour du mont Alwand, où se trouvent Godin Tepe, Nush-i Jân et Ecbatane. Le mont Bikni
est un lieu revenant souvent dans les sources assyriennes concernant le pays mède, et sa
localisation est encore débattue : est-ce le mont Alwand, ou bien le Demavend plus à l'est ?
Les Mèdes sont souvent combattus en même temps que d'autres peuples : les Mannéens,
évoluant dans la région du lac d'Orumieh, et les Perses, se trouvant au même endroit vers le
IXe siècle, avant de migrer au sud-est vers la future Perse. Les « tributs » (qui peuvent aussi
parfois être du commerce) que disent prélever les Assyriens dans cette région sont
essentiellement du bétail, surtout des chevaux, dans l'élevage desquels les Mèdes sont
spécialisés, ainsi que du lapis-lazuli, produit en Afghanistan (région accessible par les voies
commerciales passant en pays mède), ou encore du cuivre.

La création de provinces assyriennes en marge du Zagros, avec l'établissement de forteresses,


montre que l'Assyrie perçoit cette région comme une menace potentielle qu'il faut contrôler.
Malgré cela, le VIIe siècle voit le pays mède s'organiser en entités politiques plus puissantes,
comme le prouvent les sites archéologiques, qui témoignent de pouvoirs locaux de plus en
plus puissants. Assarhaddon mène en 676 une expédition dans le Zagros, qui le mène au
royaume du Patusharri, au pied du mont Bikni, où habitent ceux qu'il appelle les « Mèdes
lointains ». Deux ans plus tard, trois rois mèdes lui demandent une aide militaire : Uppis de
Partakka, Zanasama de Partukka et Ramateia d'Urukazabarra. Son fils Assurbanipal mène
aussi une campagne en pays mède. Néanmoins, tout semble indiquer que les Assyriens ont
perdu le contrôle sur les provinces de Parshuash, Kisheshin et Kharkhar, tandis que leurs
offensives ont quand même mis à mal plusieurs entités politiques de la région, notamment les
Mannéens et l'Ellipi. Ce vide politique laisse la place à l'élaboration d'un royaume mède, qui
n'est cependant jamais mentionné dans les sources assyriennes.

Quel royaume mède ?


Carte de l'« Empire » mède tel qu'on le conçoit habituellement, en réalité très hypothétique.

Les conditions exactes de la fondation du royaume mède nous restent inaccessibles. Selon la
tradition rapportée par Hérodote, c'est un personnage nommé Déjocès qui réussit par la ruse à
se faire proclamer roi de son peuple, et fonde un grand royaume organisé, avec sa capitale,
Ecbatane. Il aurait régné sur les différentes tribus mèdes unies, les Buses, Paretaceniens,
Struchates, Arizantiens, Budiens, et les Mages. Rien de tout cela n'est indiqué dans les sources
historiques de l'époque, ni par l'archéologie, les niveaux mèdes d'Ecbatane n'ayant pas été
fouillés, ce qui ne nous permet pas de reconnaître un processus de construction étatique dans
la capitale mède. Nush-i Jân et Godin Tepe ne sont quant à eux tout au mieux que les capitales
de petits potentats locaux, mais sûrement pas les lieux de pouvoir d'un grand empire. Un
roitelet iranien nommé Daiukku est attesté dans les récits de guerre assyriens du temps de
Sargon II, mais il ne s'agit sans doute pas du roi mède mentionné par Hérodote, vu que les
faits mentionnés se situent autour du lac d'Orumieh, et non en pays mède. Tout porte à croire
que Déjocès soit un personnage légendaire. En tout cas l'histoire que rapporte Hérodote relève
manifestement du mythe.

Selon la tradition, le second roi mède est Phraortès, fils de Déjocès, qui aurait notamment
soumis les Perses, et serait mort en combattant un roi assyrien, identifié à Assarhaddon. Il
n'est pas plus attesté que son père.

Son successeur Cyaxare est en revanche un personnage bien attesté dans les sources
historiques babyloniennes, notamment la Chronique de Nabopolassar, relatant la chute de
l'Assyrie. Selon ce que rapportent les auteurs grecs, il aurait envisagé de venger son père en
levant une grande armée pour battre les Assyriens, mais il aurait été vaincu par les Scythes,
qui dominent les Mèdes pendant vingt-six ans. Les sources proche-orientales mentionnent
bien une invasion scythe dans cette région du monde pour cette période, ce qui fait de la
soumission des Mèdes à ce peuple un évènement possible. Cyaxare aurait néanmoins réussi à
chasser les envahisseurs, avant de monter une puissante armée. Les sources mésopotamiennes
présentent bien Cyaxare comme le souverain d'un royaume puissant, apparemment bien
installé, même si elles ne s'attardent pas sur ses assises territoriales. Pour ce que l'on en voit,
le royaume mède serait avant tout l'œuvre de ce personnage.

Il vient en aide au roi Nabopolassar de Babylone dans sa lutte contre l'empire assyrien, qui
dure déjà depuis une dizaine d'années. Alors que les Assyriens ont été chassés de Babylonie,
l'armée babylonienne est encore incapable de les attaquer jusqu'au cœur de leur pays. Les
troupes mèdes entrent en scène, et font pencher la balance en défaveur des Assyriens. Elles
prennent plusieurs de leurs capitales : Assur en 614, puis Ninive en 612 avec les troupes
babyloniennes. En 609 enfin, les deux alliés soumettent les derniers résistants assyriens à
Harran. La question de la venue des Mèdes en Assyrie reste débattue : volonté de conquête ou
simple visée de pillage ? Rien ne prouve en tout cas qu'ils soient restés longtemps sur les
terres de l'Empire qu'ils ont contribué à abattre. On ne sait rien d'un éventuel partage des
dépouilles du royaume vaincu entre les deux vainqueurs.

Les Mèdes et les Babyloniens seraient alors devenus de grands alliés, et des sources grecques
rapportent le mariage de Nabuchodonosor II, fils de Nabopolassar, avec Amytis, fille de
Cyaxare, qui serait entre autres à l'origine de la construction des Jardins suspendus de
Babylone. Le contexte pourrait en fait être devenu tendu entre les deux, même si on voit dans
des sources babyloniennes de l'époque des marchands de cette région avoir un comptoir à
Ecbatane. Selon Hérodote, Cyaxare aurait poursuit ses conquêtes, en soumettant l'Anatolie
orientale (ce qui implique qu'il ait alors achevé au passage ce qu'il restait du royaume de
l'Urartu), avant d'affronter en 585 le roi de Lydie, Alyatte. Cette bataille serait restée indécise,
et une éclipse de soleil serait survenue, effrayant les belligérants. Ceux-ci firent la paix, avec
pour intermédiaire Nabuchodonosor, et établirent leur frontière sur la rivière Halys, l'actuel
Kızılırmak. En fait, l'expansion mède vers l'ouest reste discutée, en l'absence de preuves
concrètes. Cyaxare meurt peu après, et son fils Astyage lui succède.

L'« Empire » mède est une entité politique qui nous reste insaisissable, ce qui fait que la
réalité de son existence est niée par certains spécialistes, et ce de plus en plus. On ne sait rien
de son organisation. La vision la plus radicale est que les Mèdes n'aient jamais formé un
royaume solide, mais soient restés divisés tout le temps, les incursions en Assyrie ne relevant
que de l'expédition de razzia. On a souvent supposé que les structures du royaume mède
avaient en grande partie été reprises par leurs successeurs perses, mais cela est très spéculatif,
et on considère actuellement que l'héritage élamite est plus déterminant pour la formation de
l'empire perse. L'absence d'inscriptions royales mèdes, de même que le fait qu'on n'ait pas
trouvé à ce jour de témoignages archéologiques montrant l'existence d'un État important
autour de la Médie à cette période, tout cela incite à voir dans le royaume mède une
construction politique peu élaborée s'il a bien existé. Son extension occidentale reste discutée,
et on est encore plus dans le flou concernant l'est. Il est envisageable que les Mèdes aient
dominé des royaumes situés à l'est du leur, en Hyrcanie et en Parthie notamment, comme
semblent l'attester les liens entretenus à l'époque achéménide entre la Médie et ces régions.

Les Mèdes sous la domination achéménide


En 553, le roi perse Cyrus II se lève contre les Mèdes et réussit à vaincre Astyage. Cet
événement nous est rapporté par des sources babyloniennes, notamment la Chronique de
Nabonide, et des auteurs grecs, comme Hérodote et Ctésias, qui en présentent différentes
versions dans leur déroulement, même s'il est souvent mis en avant que la victoire fut
difficile, et aidée par la trahison d'une partie de l'armée mède (par Harpage dans les sources
grecques). Ce conflit serait une révolte, puisque les auteurs grecs font de Cyrus le vassal
d'Astyage. En tout cas, après cette victoire, Cyrus constitue le puissant empire des
Achéménides.

La place des Mèdes dans cette nouvelle construction politique n'est pas désavantageuse : ils
occupent un rang égal à celui des Perses, plusieurs Mèdes occupent une place importante dans
l'administration de l'empire ou l'armée, et certains des usages de la cour mède auraient été
repris par celle des Perses. La Médie devient une satrapie, et Ecbatane est la résidence d'été
des premiers achéménides. Une révolte mède éclate pourtant après que Darius Ier est monté sur
le trône par la force, en 522-521. Un certain Phraortès (II), qui se dit descendant de la lignée
de Cyaxare, réunit une armée mède, appuyée notamment par des Hyrcaniens, mais il se fait
vaincre par un général perse, est capturé et exécuté à Ecbatane. Une autre grande rébellion
mède survient en 409, sous le règne de Darius II, et est matée rapidement.

Le pays mède reste calme durant le reste de l'époque achéménide, et également lors de la
chute de l'empire perse.

La Médie de l'époque hellénistique aux débuts de notre ère


À l'époque hellénistique, la Médie tombe sous le contrôle des Grecs, et est incluse après les
conflits opposant les Diadoques dans les territoires contrôlés par les Séleucides, après avoir
été un temps dominée par Antigone le Borgne. L'ancien général Atropatès qui dirigeait le
contingent mède de l'armée perse à la bataille de Gaugamèles, se rallie par la suite à
Alexandre le Grand et devient satrape du nord de la Médie, qui devient la Médie Atropatène,
futur Azerbaïdjan, qu'il parvient à rendre autonome du pouvoir séleucide. La capitale de ce
royaume se trouvait à Gazaca. Après plusieurs décennies d'indépendance, le roi Artabanzanes
doit conclure un traité de vassalité avec Antiochos III en 220. Cette région reste peu
hellénisée, à la différence du sud de la Médie, centré autour d'Ecbatane. Plusieurs villes
nouvelles y sont fondées par les souverains séleucides, et l'ancienne Rhaga est renommée
Europa. Un satrape local, Molon, se révolte en 220 contre Antiochos III, qui le défait. Entre
163 et 160, c'est un autre satrape de Médie, Timarque, qui se révolte contre Démétrios Ier
Sôter, et réussit à prendre le pouvoir en Babylonie, avant d'être finalement soumis.

Les révoltes qui secouent le royaume séleucide vers 150 profitent au roi parthe Mithridate Ier
(Arsace V, 171-135 av. J.-C.) qui prend alors la Médie, ainsi que l'Atropatène. Après
plusieurs décennies de luttes, le pouvoir des Arsacides est finalement assuré en Médie, en
dépit des attaques des nomades orientaux (Scythes ou Tokhariens). La région est réorganisée
administrativement, et la ville de Rhaga/Europa est renommée Arsacia.

En 226 ap. J.-C., le perse Ardashir s'empare du pouvoir en Iran et en Mésopotamie en


détrônant le dernier roi parthe, pour instaurer la dynastie des Sassanides. À ce moment,
l'ancienne division entre les différents peuples iraniens est atténuée, notamment dans cette
région, et la dénomination ethnique « Mèdes » a définitivement perdu son sens.

Notes et références
1. ↑ On retrouve apparemment cette racine dans le terme russe actuel собака (sobaka, prononcé sabaka,
« chien »).

Babylone

Babylone
Bābil, (ar) ‫بابل‬
Ruines de Babylone photographiées en 1975

Localisation
Pays Irak
Gouvernorat Babil
Latitude 32° 32′ 31″ Nord
Longitude 44° 25′ 12″ Est

Babylone et les principales cités de la Mésopotamie du IIe millénaire


Babylone

Babylone est le nom d'une ville antique de Mésopotamie située sur l'Euphrate dans ce qui est
aujourd'hui l'Irak, à environ 100 km au sud de l'actuelle Bagdad, près de la ville moderne de
Hilla. Le nom de « Babylone » est parfois utilisé pour désigner la totalité de l'empire
babylonien.

Étymologie
Le nom de la ville de Babylone provient (sans doute) du nom pré-sumérien Babulu, que les
Akkadiens ont expliqué étymologiquement par bab-ili(m), « la Porte du Dieu », également en
arabe ‫باب‬, la porte et ‫إله‬, Dieu soit la Porte de Dieu; devenu plus tard bab-ilāni, « la Porte des
Dieux ». Ce nom a été traduit en sumérien selon le même sens en KA.DINGIR.RA. Les Grecs
ont traduit ce nom en Babylon, qui a été repris par la suite par les Européens.

Les phases de l'histoire de Babylone et de son


développement urbain
Babylone est mentionnée pour la première fois au XXIVe siècle av. J.-C., sous le nom de
Babil, dans un texte cunéiforme, à l'époque du règne de Shar-kali-sharri, roi de l'empire
d'Akkad dont elle fait partie. Mais les plus anciennes traces de peuplement sur le site
remontent au néolithique, et des niveaux des époques d’Obeid et d’Uruk ont été identifiés.

La cité est un centre administratif secondaire de l'Empire d'Ur III. La cité n'a pas le prestige
de ses voisines du Sud, comme Nippur. Elle ne devient un centre politique important qu'avec
l'installation d'une dynastie amorrite au début du IIe millénaire av. J.-C.

Babylone sous la dynastie amorrite


Le roi Hammurabi de Babylone face au dieu Shamash, détail de la stèle du Code
d'Hammourabi, XVIIIe siècle

La dynastie amorrite de Babylone est fondée vers 1894 av. J.-C. par Sumu-abum (1894–1881
av. J.-C.)1. Son successeur Sumu-la-El (1880–1845 av. J.-C.) est le véritable fondateur du
royaume babylonien, qui prend sous son règne une certaine importance. Ses successeurs
agrandissent le royaume, et sous Sîn-Muballit (1812–1793 av. J.-C.) Babylone devient une
puissance capable de rivaliser avec les grands royaumes amorrites voisins que sont Larsa,
Eshnounna, Isin et Uruk. Son fils Hammurabi (1793 – 1750 av. J.-C.) sait jouer
intelligemment son rôle dans le concert international de son temps et cette première dynastie
babylonienne ne devient puissante que sous son règne. Après une première partie de règne
peu fructueuse, il parvient à subjuguer les royaumes qui l'entourent : Larsa, Eshnunna, puis
Mari. Il se désengage aussi de la tutelle de l'Élam. Babylone devient alors la plus grande
puissance politique de Mésopotamie.

Le site de la ville est un peu excentré par rapport aux autres capitales anciennes et futures de
la Mésopotamie Agadé (Akkad), Eshnunna, Séleucie, Ctésiphon et Bagdad. Cependant il est
proche de l'endroit ou le Tigre et l'Euphrate sont peu éloignés l'un de l'autre. Cela apporte la
présence d'un fort réseau de voies d'irrigation et partant de là une forte productivité des terres
agricoles. Enfin, après l'époque de Hammurabi le sud de la Mésopotamie voit une forte
dégradation de sa situation démographique et économique, pour des raisons qu'il est encore
difficile à élucider. C'est alors que de grandes métropoles telles Ur, Nippur, Uruk ou Larsa
sont abandonnées pour de longues périodes au profit d'autres villes notamment Babylone au
cœur d'une zone agricole prospère. Babylone récupère ainsi les forces vives de ces villes et
intègre leurs traditions culturelles et religieuses.

Le paysage urbain de la Babylone du IIe millénaire av. J.-C. n’est connu que par des textes, les
niveaux anciens étant encore recouverts par ceux de la Babylone du Ier millénaire av. J.-C., et
souvent noyés par la nappe phréatique. Dès sa fondation la ville s'étend sur les deux rives de
l'Arahtu un bras alors secondaire de l'Euphrate avant d'en devenir le lit principal au
Ier millénaire av. J.-C.. Sur la rive droite se trouvait un parc, appelé « le jardin de
l'abondance ». La partie orientale de la ville, sur la rive gauche, était nettement plus étendue.
Au nord de cette partie de la ville se trouvaient les quartiers royaux avec au centre le palais
royal, édifié par Sumu-la-El. Sous le règne de Hammurabi la population du palais s'est
fortement accrue car les rois amorrites avaient pour tradition en cas de victoire d'emmener la
population féminine du harem du souverain vaincu. Cela dit, cette population proche du
souverain reste peu connue. Par les archives de Mari, nous savons que le palais de Babylone à
l'époque amorrite est conçu avec une seule grande porte permettant de filtrer les entrées et
comporte plusieurs bâtiments répartis autour d'une large cour arborée. On sait également que
Samsu-iluna, successeur de Hammurabi, a construit un nouveau palais.

Au centre de la partie orientale de Babylone se trouve le temple de Marduk, l’Esagil, qui est
déjà bordé par sa ziggurat, Etemenanki. L’autre grand temple de la Babylone amorrite était
consacré à la déesse Ishtar. Au sud se trouvaient les quartiers commerciaux qui servent de
quartiers résidentiels aux notables et aux commerçants, les seuls niveaux paléo-babyloniens
de la ville à avoir été fouillés, et où ont été retrouvées des archives privées, datant des règnes
de Samsu-iluna et de ses successeurs2.

Le règne de Samsu-iluna (1749–1712 av. J.-C.), est marqué par de nombreuses révoltes qui
affaiblissent son royaume. Les rois suivants voient leur territoire se désagréger sous l'effet de
révoltes, d'attaques de peuples ennemis, en premier lieu les Kassites mais aussi les Hourrites,
le tout dans un climat de crise agraire. Samsu-ditana (1625–1595 av. J.-C.), dont le royaume
ne comporte plus que les environs immédiats de Babylone, rentre finalement dans un conflit
contre le roi hittite Mursili Ier, qui réussit en 1595 av. J.-C. un raid sur Babylone. La ville est
pillée et la dynastie amorrite disparaît.

La période kassite

Après le déferlement des Hittites sur Babylone, les Kassites, venant du Nord, Nord-Est,
s'installent à Babylone et fondent leur dynastie par Agum. La date et les conditions exactes de
cette prise du pouvoir nous sont inconnues, les premières décennies de la dynastie kassite
nous étant inconnues. Vers 1500 av. J.-C., Burna-Buriash Ier assure sa domination sur toute la
basse Mésopotamie, puis prend le nom de Karduniash (Babylonie).

On ne sait pratiquement rien de la ville de Babylone sous les rois kassites. C’est peut-être à
cette période que se fixe le plan définitif de la cité, avec son plan quadrangulaire, divisé en dix
quartiers. L’Esagil reçoit de nombreuses terres en donations, comme l’attestent les kudurrus
(stèles gravées) retrouvées pour cette période. Babylone perd un temps son rôle de capitale
politique au profit d’une nouvelle fondation, Dûr-Kurigalzu (« Fort Kurigalzu », du nom de
son fondateur). Mais elle s’affirme comme capitale culturelle et religieuse de la basse
Mésopotamie, et acquiert un grand prestige dans tout le Proche-Orient. Le clergé babylonien
cherche de plus en plus à faire de Marduk le plus grand des dieux mésopotamiens.

Au XIVe siècle av. J.-C., les rois kassites font face à l’émergence d’un ennemi redoutable,
l’Assyrie, qui domine la haute Mésopotamie. Commence alors une lutte pluriséculaire entre le
Nord et le Sud du pays des deux-fleuves. Ces conflits aboutissent à la fin du XIIIe siècle av. J.-
C. à la prise et au pillage de Babylone par l’Assyrien Tukulti-Ninurta Ier, qui aurait abattu les
murailles de la ville, et qui enlève à son tour la statue de Marduk, ainsi que des textes
littéraires, et fait rédiger un grand texte célébrant sa victoire (connu de nos jours sous le nom
d’Épopée de Tukulti-Ninurta). Mais il ne peut faire durer sa domination sur la région, qui est
alors plongée dans une période très troublée, ce dont commence à profiter un autre voisin de
Babylone, situé lui à l’est, l’Élam, qui se trouve géographiquement aujourd'hui en Iran.

Après un rétablissement du pouvoir par les Kassites, ce sont finalement les armées élamites
qui investissent à leur tour la Babylonie au milieu du XIIe siècle av. J.-C.. Leur roi Shutruk-
Nahhunte s’empare de la capitale, la pille, et emporte à son tour la statue de Marduk, ainsi que
de nombreux monuments prestigieux des cités de basse Mésopotamie. Son fils Kutir-
Nahhunte III est chargé de conserver le pouvoir élamite en Babylonie.

La seconde dynastie d’Isin et la période d’affaiblissement de la Babylonie

Shutruk-Nahhunte et son fils disparaissent peu après leur conquête, et leur successeur
Shilhak-Inshushinak ne réussit pas à garder pied en Babylonie. Il est chassé du pays par le roi
d'Isin (une dynastie locale) Ninurta-nadin-shumi (1132-1127), qui prend le pouvoir à
Babylone vers 1130 av. J.-C.. Son successeur Nabuchodonosor Ier réussit à envahir l'Élam
quelques années plus tard et rapporte de Suse la statue de Marduk.

Le dieu Marduk et son dragon-serpent

La période de la dynastie d’Isin est cruciale pour l’histoire de Babylone, puisqu’elle voit
l’aboutissement du processus qui donne la primauté à Marduk sur les autres dieux
mésopotamiens, avec la rédaction de l’Épopée de la Création (Enūma eliš), qui narre
comment il est devenu roi des dieux3. Ce récit fait de Babylone une cité construite par les
dieux, et située au centre du Monde, au contact du Ciel et de la Terre (matérialisé par sa
ziggourat, dont le nom signifie « Maison-lien du Ciel et de la Terre »).

De cette période date également un document exceptionnel, nommé TINTIR (un des noms
alternatifs de Babylone)4, qui est un texte topographique décrivant l’emplacement des grands
temples de la cité, mais aussi des lieux de cultes plus modestes (chapelles, autels), ainsi que
tous les lieux marqués par la religion : portes et murailles nommés en fonction de dieux,
rivières (divinisées), rues parcourues par des processions. Ce texte participe donc à la
consécration de Babylone comme ville sainte. À partir de 1050 av. J.-C., la Babylonie est
submergée par les incursions des Araméens, auxquels s’ajoutent plus tard les Chaldéens. Les
deux constituent des entités politiques rivales du pouvoir babylonien. La fin du règne de
Nabû-sum-libur (1032–1025 av. J.-C.) marque pour Babylone le début d'un certain chaos et
de changements dynastiques fréquents, les sources concernant l'Assyrie et la Babylonie se
tarissent.

Babylone face à la domination assyrienne


Bas-relief du palais royal de Ninive, représentant des soldats assyriens comptabilisant leur
butin au cours d'une campagne en Babylonie.

La fin du Xe siècle av. J.-C. est marquée par le rétablissement de la monarchie assyrienne par
Adad-Nirari II. Celui-ci devient menaçant pour Babylone, mais il est repoussé par Nabû-
shum-ukin (880 av. J.-C.–860 av. J.-C.), qui réussit à améliorer momentanément la situation
de son royaume. Après sa mort, une crise de succession secoue Babylone, dont profitent les
rois assyriens. Le reste du IXe siècle av. J.-C. est marqué par des luttes dynastiques à
Babylone et en Assyrie, dont profite à son tour l'un ou l'autre des deux royaumes pour établir
sa suprématie sur son voisin. Les Assyriens finissent par l'emporter vers 800 av. J.-C., et la
Babylonie tombe à nouveau dans le chaos, des rois Chaldéens tentant de s'établir à Babylone.
Ces luttes internes finissent par profiter au royaume assyrien, qui est devenu un véritable
Empire sous le règne de Teglath-Phalasar III. Après plusieurs années de luttes, celui-ci réussit
à prendre Babylone en 728 av. J.-C., et il s'y proclame roi.

La domination assyrienne n’est pour autant pas assurée, et le nouveau souverain Sargon II
(qui a restauré des temples et les remparts de Babylone) doit faire face à un adversaire coriace
en Babylonie, Merodach-Baladan II, qui réussit à régner sur la cité à deux reprises.
Sennachérib, le successeur de Sargon II, faisant face à de nouvelles révoltes en Babylonie,
place un de ses fils sur le trône de la cité. Ce dernier tient peu de temps, une nouvelle révolte
babylonienne survenant. Les comploteurs le capturent, et le livrent à leurs alliés élamites qui
l’exécutent. La réplique de Sennachérib est terrible, et le récit qu’il en laisse est plein de haine
contre Babylone, qu’il souhaite anéantir, se vantant de l’avoir rasée, et apparemment la statue
de Marduk n’est pas enlevée, mais détruite. Son fils Assarhaddon choisit la voie de
l’apaisement, et entreprit de restaurer la cité, entreprise longue et coûteuse (en partie payée
avec le butin d’une campagne en Égypte), qui ne prit fin que sous le règne suivant, celui
d’Assurbanipal.

Assurbanipal représenté en bâtisseur, sur une stèle commémorant la restauration de l'Esagil.

La succession d’Assarhaddon, en 652 av. J.-C., avait en fait donné lieu à une organisation
politique spéciale : Assurbanipal régnait depuis l’Assyrie, alors que son frère Shamash-shum-
ukin était placé sur le trône de Babylone, en position de vassal. Ce dernier se révolte
finalement en 652 av. J.-C., mais finit par être vaincu après une guerre âpre de quatre ans. Il
meurt lors du siège de Babylone, brûlé (peut-être volontairement), histoire qui donna
naissance au mythe grec de Sardanapale. Assurbanipal se révèle moins brutal que son grand-
père, et restaure Babylone, rapportant ou refaisant une statue de Marduk, acte de
réconciliation très symbolique.

Même sous la domination étrangère les élites lettrées et marchandes de Babylone se battent
avec énergie pour le maintien du statut de grande ville religieuse, dont les habitants sont
exemptés de toute charge fiscale. Un texte pro-babylonien de cette époque, le Miroir du
Prince, estime que la fiscalité royale ne peut concerner Babylone, ainsi que Nippur et Sippar.

La dynastie chaldéenne et l'apogée de Babylone

Cette succession de révoltes en Babylonie a sans doute affaibli l'Assyrie, tandis qu'à Babylone
l'esprit de résistance était de plus en plus fort, et les résistants de plus en plus actifs et unis. À
la mort d'Assurbanipal en 627 av. J.-C., ses successeurs rentrent dans une querelle de
succession qui est fatale à leur royaume. Nabopolassar, sans doute le gouverneur de la région
du Pays de la Mer, et probablement d'origine chaldéenne, profite des troubles en Assyrie pour
prendre le pouvoir à Babylone en 625 av. J.-C. Il prétend soutenir l'un des prétendants
assyriens, Sin-shar-ishkun qui lui confère l'autorité sur Babylone en échange de son appui
militaire. Après quelques années de conflit, il réussit finalement à abattre l'Empire assyrien,
avec l'aide du roi des Mèdes, Cyaxare, entre 614 av. J.-C. et 610 av. J.-C. Son fils
Nabuchodonosor II (605 av. J.-C.–562 av. J.-C.) lui succède. Avec lui, Babylone connaît son
apogée. Il fonde l'empire dit Néobabylonien qui couvre une grande partie du Proche-Orient
des frontières de l'Égypte jusqu'au Taurus anatolien et aux abords de la Perse.

Les règnes de Nabopolossar et Nabuchodonosor II correspondent à une période de profondes


transformations de la ville, initiées par le premier et achevées par le second, connues par de
nombreuses inscriptions de fondation5. Ce sont ces travaux qui vont contribuer à l'image,
légendaire, reproduite par Hérodote d'une ville ceinte par des murailles de 25 mètres de
hauteur. En réalité Nabuchodonosor fait restaurer totalement les deux enceintes traditionnelles
de Nimit-Enlil et Imgur-Enlil sur une longueur d'environ 8 kilomètres, lesquelles enserrent la
surface bâtie de la cité. Puis il fait construire une seconde muraille externe d'environ 11
kilomètres qui part de la colline de Babil 300 mètres au nord de la ville et rejoint l'Euphrate au
sud. Elle entoure une zone agricole qui pouvait contribuer au ravitaillement de Babylone en
cas de siège. Les monuments principaux de la cité sont restaurés : palais royal, temples,
ziggurat, artères principales, dont la « Voie processionnelle » partant de la Porte d’Ishtar.

Quelques corpus d’archives sont datés de cette période. Du palais royal proviennent des listes
de rations, qui ont la particularité de mentionner le roi de Juda Joaquin et ses fils, déportés par
Nabuchodonosor et hébergés au palais. Les temples ont également livré des tablettes scolaires
temple de Ninmah et de Nabû). Des lots d’archives privées, retrouvés dans les quartiers
résidentiels au sud de la ville, près du temple de Ninurta, nous informent quant à eux sur les
activités de famille de notables, les descendants de Nur-Sîn, Nappāhu6, et surtout les Egibi7,
qui se constituent une propriété foncière importante dans la ville et dans la campagne
environnante.

Les successeurs de Nabuchodonosor II réussissent à tenir tant bien que mal leur royaume,
mais ils n'ont pas la trempe des fondateurs de la dynastie. Le dernier roi de Babylone,
Nabonide (556 av. J.-C.–539 av. J.-C.), est un personnage énigmatique qui réussit à se mettre
à dos une grande partie des nobles de son royaume.

Babylone sous domination étrangère

Le Cylindre de Cyrus, British Museum .


Livius.

Quand le roi des Perses Cyrus II attaque Babylone en 539 av. J.-C. par une attaque surprise
contre la porte d'Enlil au nord ouest de la ville, la lutte tourne court et la cité et l'Empire tout
entier tombent entre ses mains. Dès lors, Babylone perd son indépendance. Le nouveau maître
de la cité proclame néanmoins son souhait de préserver la cité, et s’attache les faveurs du
clergé local en proclamant un décret très favorable envers eux, qui a été retrouvé inscrit sur un
cylindre d’argile trouvé à Babylone.

La chute du royaume babylonien et la fin de l'indépendance politique ne signifient pas le


déclin de la métropole mésopotamienne. Certes à deux reprise la ville se révolte contre Darius
Ier (en 520 av. J.-C.–519 av. J.-C. puis en 514 av. J.-C.) et celui-ci finit par démanteler une
partie des fortifications. Mais sous la domination des Achéménides Babylone reste la ville la
plus développée économiquement de la région et la plus peuplée, même si on lui enlève les
parties orientales (la Transeuphratène) de la province qu’elle dirigeait au départ, issues de son
ancien empire. De plus elle a rang de ville impériale et offre aux souverains perses une
résidence hivernale. Il est possible que cette époque ait vu un changement du cours de
l'Euphrate, qui aurait alors coupé le palais royal du reste de la partie orientale de la cité en
allant couler le long de son angle sud, le séparant du quartier sacré. Des textes de la fin du
Ve siècle av. J.-C. documentent les activités économiques d'un gouverneur de Babylone, Bēl-
shunu8.

En 331 av. J.-C., l'Empire achéménide tombe entre les mains du roi macédonien Alexandre le
Grand après la victoire de Gaugamèles9. Des négociations s'ouvrent entre Alexandre et
l'aristocratie de Babylone. La ville se rend sans combats trois semaines plus tard et Mazaios,
un satrape rallié au souverain macédonien, en devient le gouverneur. Babylone semble
accueillante pour les nouveaux vainqueurs, selon ce que rapportent les chroniqueur grecs.
Alexandre se montre habile en ordonnant la restauration de l'Esagil se ralliant ainsi les prêtres
du culte de Marduk. Souhaite-t-il faire de sa nouvelle conquête sa capitale ? C'est plausible
car nulle part, selon Quinte-Curce, il ne réside aussi longtemps en Asie10. Les derniers mois de
son règne semblent consacrés à l'administration et à des travaux dans les alentours de la ville.
Il établit également un atelier de frappe pour les émissions monétaires à son propre type, les
« alexandres ». C'est enfin à Babylone qu'il meurt de maladie, le 10 juin 323 av. J.-C., dans le
palais qu'avait bâti et habité Nabuchodonosor II, et qu’il avait peut-être entrepris de restaurer.

Le nouveau maître de la Mésopotamie, Séleucos Ier, général d'Alexandre le Grand, s'empare


de Babylone en 312 av. J.-C. mais préfère construire une nouvelle capitale, Séleucie du Tigre
et n'hésite pas à utiliser des matériaux de constructions pris à Babylone. Mais les rois
séleucides sont toujours respectueux de la prestigieuse cité, et ils restaurent certains de ses
monuments, et lui laissent le statut de capitale provinciale, ce qui ne l’empêche pas de
décliner. Babylone est promue au rang de cité, sans doute sous Antiochos IV (vers 170 av. J.-
C.), et les textes cunéiformes parlent alors de puliṭē ou puliṭānu (« citoyens », politai), dirigés
par un épistate, et qui se réunissent dans un théâtre (appelé en akkadien bīt tamartu,
« maison/lieu où on voit ») construit à l'est de la zone sacrée11.

Mais la ville reste peu hellénisée, et la population autochtone demeure majoritaire,


représentée devant les autorités grecques par l’Esagil, qui a donc un poids très important dans
la vie de la cité. Il est dirigé par le kiništu, un conseil, présidé par le šatammu (administrateur),
qui gèrent un domaine foncier toujours important, et sont chargés de l’organisation du culte
des autres temples de la ville. Les archives cunéiformes de l'Esagil restent en nombre assez
important par rapport aux autres villes de la région où elles se tarissent progressivement, et
renseignent sur ses activités cultuelles et économiques12. C’est de ce temple qu’est issu
Bérose, prêtre qui tente de faire connaître la civilisation mésopotamienne antique aux Grecs,
dans ses Babyloniaka.

La fin de la Babylone antique

Les Parthes arsacides prennent le pouvoir en Babylonie entre 141 av. J.-C. et 122 av. J.-C..
Babylone poursuit son déclin, mais reste le conservatoire de la civilisation mésopotamienne
antique, et c’est de l’Esagil que provient le dernier document écrit en cunéiforme, une tablette
astrologique de 67 apr. J.-C.13 Pline l'Ancien écrit vers la même époque que le temple continue
à être actif, bien que la cité soit en ruines14. Il semble que la population urbaine abandonne
définitivement le site au IIe siècle. À l'emplacement de la ville s'installent des agriculteurs qui
utilisent les briques de la ziggourat pour enrichir leurs terres et plantent des palmeraies au
cœur de l'ancien quartier commercial. Désormais Babylone est reléguée au rang de mythe, ce
qui va assurer sa survie dans les mémoires avant sa mise au jour par les archéologues de
l’époque contemporaine, privilège partagé par peu d’autres cités de la Mésopotamie antique.

La Babylone de Nabuchodonosor II
Comme il a été dit plus haut, les niveaux anciens de Babylone n'ont pu être fouillés, à
l'exception de quelques résidences paléo-babyloniennes. L'essentiel des niveaux dégagés
remontent à la période néo-babylonienne (624 av. J.-C.-539 av. J.-C.) et au début de la
période achéménide (539 av. J.-C.-331 av. J.-C.). Cet état de la cité est néanmoins pour une
grande partie un héritage des périodes précédentes, comme l'indique le texte topographique
TINTIR. De grands aménagements sont cependant effectués par Nabopolassar et surtout
Nabuchodonosor II, qui donnent à la cité sa physionomie finale15. À cette époque, elle couvre
une surface d'environ 975 hectares : c'est la plus vaste ville de la Mésopotamie antique.

Les remparts
Les murs de Babylone après leur reconstruction récente.

Détail de la porte d'Ishtar

L'enceinte extérieure englobe la cité sur la rive est de l'Euphrate. Ses contours sont de forme
triangulaire. Elle englobe la partie est de la ville intérieure. Elle consiste en une succession de
trois murs, celui du milieu étant le plus solide, séparés par un fossé. Devant eux, un fossé de
50 mètres de long rempli d'eau avait été creusé. Sur les fortifications, 120 tours défensives
étaient réparties tous les 50 mètres. Le mur ne semble pas avoir englobé toute la partie de la
ville située à l'est de l'Euphrate, et était coupé par endroits.

La muraille intérieure était composée de deux murs délimitant un espace rectangulaire


d'environ 3 kilomètres sur 2. Le premier mur était nommé Imgur-Enlil (« Enlil a montré sa
faveur »), et le second Nimit-Enlil (« Rempart d'Enlil »). Devant eux, trois autres murs moins
imposants suivaient le tracé d'un fossé large de 50 mètres, rempli d'eau. Ces murailles étaient
elles aussi défendues par des tours de garde, et même par deux forteresses, une près du Palais
sud, l'autre au nord de la muraille, près du Palais nord.

La Porte d'Ishtar, Pergamon Museum de Berlin.


Les murailles de Babylone étaient percées par huit portes monumentales, connues par TINTIR,
qui donne leur nom, qui est sauf dans un cas celui d’une divinité (qui a une fonction
protectrice), ainsi qu’un « nom sacré » mettant l’emphase sur leur rôle défensif :

• Porte d’Urash, « L’ennemi lui est répugnant » ;


• Porte de Zababa, « Elle déteste ses attaquants » ;
• Porte de Marduk, « Son Seigneur est berger » ;
• Porte d’Ishtar, « Ishtar vainc son assaillant » ;
• Porte d’Enlil, « Enlil la fait briller » ;
• Porte du Roi, « Que son fondateur prospère ! » ;
• Porte d’Adad, « Ô Adad, protège la vie des troupes ! » ;
• Porte de Shamash, « Ô Shamash, soutiens les troupes ! ».

La plus célèbre est la Porte d'Ishtar, le monument le mieux conservé de l'ancienne Babylone,
transportée au Pergamon Museum de Berlin par les archéologues allemands16. Elle a connu
trois états successifs. Elle était décorée par des panneaux en briques glacées bleues ou vertes
qui représentaient des lions, des taureaux ou des dragons. Elle bordait les palais royaux, et
ouvrait sur la principale voie processionnelle de la cité (chaque porte ouvrant sur une de ces
avenues), qui menait 900 mètres plus loin au quartier sacré du dieu Marduk.

Plan et urbanisme de la ville intérieure

Plan de la ville intérieure de Babylone au VIe siècle av. J.-C.

Le cœur de Babylone est la ville intérieure, entourée par la muraille intérieure, sur près de 500
hectares. On y trouvait tous les monuments qui ont fait la grandeur de la ville, et qui ont
émerveillé tant de voyageurs.

La ville interne est divisée en dix quartiers. Les plus importants sont Eridu, Shuanna et
KA.DINGIRRA, situés côte à côte le long de la rive est de l'Euphrate. Eridu tient son nom de la
ville sumérienne d'Eridu, grand centre religieux, cité d'Enki/Ea, père de Marduk. C'est le
quartier sacré de la ville, où se trouve l'Esagil, le temple du dieu national Marduk, ainsi que la
ziggurat Etemenanki, la « Tour de Babel », et d'autres temples. Au nord d'Eridu, le quartier
KA.DINGIRRA, où se trouvent quelques temples, mais surtout les deux palais de
Nabuchodonosor II, le Palais Sud et la Palais Nord, ainsi que l'espace dénommé de nos jours
Merkès, un quartier résidentiel. Shuanna était un autre quartier d'habitat, où résidait
notamment la famille d'hommes d'affaires Egibi.
À la vieille ville, proche du fleuve et constituée de rues sinueuses et étroites, s'ajoutent, au
nord-est de la cité en face de KA.DINGIRRA et d'Eridu, des quartiers caractérisés par de
grandes avenues se coupant à angles droit, dans une sorte de plan en damier. Les contrats de
vente des maisons situées sur ces axes de circulation appellent ces derniers « voie de passage
du roi et des dieux » (mutaq šarri u ilāni). Il s'agit de grandes voies processionnelles. La plus
célèbre est surnommée « Puisse l'ennemi arrogant ne pas réussir » (Ay-ibur-šabu) et part de la
Porte d'Ishtar jusqu’à l'enceinte extérieure de l'Esagil. Les dalles qui pavent le sol de cette rue
sont au nom de Nabuchodonosor. Au sud-est, on trouve les quartiers de Kullab (reprenant le
nom d'un grand quartier d'Uruk) et de TE.EKI.

Le long de la rive gauche un quai de brique et une muraille protège les deux palais du roi ainsi
que le quartier des temples et le quartier commercial. De plus, un pont en dur (bois et briques
cuites), un des seuls du Moyen-Orient, permet de relier à proximité de l'Esagil et de
l'Etemenanki les deux rives. Afin d'éviter les inondations et de protéger la ville,
Nabuchodonosor fait construire un énorme écueil en brique afin de briser la force du courant
et de contraindre le fleuve à faire un coude.

Les fouilles dans le quartier de Shuanna montrent que certaines maisons atteignent parfois
400 m². Cependant la densité du bâti est variable et plus l'on s'éloigne du fleuve plus le tissu
urbain est discontinu, avec de véritables zones de culture en son sein. Il est donc
particulièrement difficile de connaître le nombre précis des habitants de la métropole
babylonienne car outre les fortes inégalités entre quartiers il faut prendre en compte le
personnel des palais et des temples, difficile à évaluer, ainsi que la présence de nombreux
déportés conséquence des guerres des souverains babyloniens. De plus, la présence de
commerçants étrangers est avérée sans qu'il soit possible d'en faire une estimation chiffrée.

En empruntant le pont que Nabuchodonosor fit construire sur l'Euphrate, on accédait à la


partie ouest de la ville interne, aux quartiers de Bab-Lugalgirra, du Kumar, de Tuba, un
dernier au nom illisible puisque le texte TINTIR, donnant le nom des quartiers de la ville est
fêlé à cet endroit. On sait peu de choses sur les quartiers autres que les trois premiers,
puisqu'ils n'ont pas été fouillés en raison de leur faible attrait archéologique.

Le quartier sacré

TINTIR donne les noms de 43 temples situés à l’intérieur de Babylone, dont 13 pour le seul
« quartier sacré », Eridu. Ceux qui ont été fouillés et identifiés, hors du complexe de Marduk,
se sont révélés être les temples de :

• Ninmah, l’É.MAH (« Maison exaltée ») ;


• Nabû ša hare, l’É.NIG.GIDAR.KALAM.MA.SUM.MA (« Maison qui octroie le sceptre de
la Terre ») ;
• Ashratum, l’É.HI.LI.KALAM.MA (« Maison de l’abondance de la Terre ») ;
• la Dame d’Akkad (une hypostase d’Ishtar), É.MAŠ.DA.RI (« Maison des offrandes
animales ») ;
• Ishkhara, É.ŠÀ.SUR.RA (« Maison de l’Utérus ») ;
• Ninurta, É.HUR.SAG.TIL.LA (« Maison qui extermine les montagnes »).

Ils sont tous construits selon un même plan, autour d’une cour centrale ouvrant sur la chapelle
abritant la statue de la divinité.
L’ensemble cultuel principal de Babylone est celui dédié au dieu de la cité, Marduk,
l’É.SAG.ÍL (quelque chose comme « Maison à la tête haute »). D'après la tradition
babylonienne, c'est le centre du Monde. Ses dimensions sont d’environ 180 m sur 125 m, ce
qui en fait un complexe de grande taille, mais selon des données récoltées sur une tablette
métrologique il comporterait des bâtiments en plus de ceux repérés par les archéologues.
L’aile principale du bâtiment mesurait environ 85 x 79 m, et était organisée autour d’une cour
centrale ouvrant sur des salles intérieures. Les cellae de Marduk, ainsi que celle de sa parèdre
Zarpanitum et de leur fils Nabû se trouvaient dans les salles situées à l’ouest. On y accédait
par quatre grandes portes. Une autre cour bordait son côté est, qui servait sans doute de lieu à
la grande assemblée des dieux, et une autre cour se trouvait au sud de l’édifice. Le temple,
organisé autour de ces trois cours, devait avoir une forme en « L ».

Au nord de l’Esagil se trouvait la ziggurat É.TEMEN.AN.KI, « Maison-fondement du Ciel et de


la Terre », passée à la postérité sous le nom de Tour de Babel17 . Elle était dans une enceinte
de plus de 400 m de côté. Sa base était carrée, d’environ 91 m de côté, et un escalier
monumental menait à son sommet depuis le côté sud, dont on a retrouvé les traces de
l’avancée sur 52 m. La ziggurat était décrite dans un texte métrologique, la Tablette de
l’Esagil4, dont on a retrouvé une copie du IIIe siècle av. J.-C., mais dont l’original datait sans
doute de la période néo-babylonienne. On a pu estimer que la ziggurat s’élevait sur 90 m de
haut, et comprenait sept étages. Le temple haut abritait les dieux de Babylone (Marduk, sa
parèdre et leur fils), ainsi que la grande « triade » mésopotamienne, Anu, Enlil et Ea. Diverses
tentatives de reconstitution de son apparence ont été faites18.

Les palais royaux

Décoration des murs de la salle du trône de Palais Sud.

Trois principaux palais royaux fonctionnaient à Babylone à l’époque de Nabuchodonosor II :


le Palais Nord, le Palais Sud et le Palais d’Été.

Le Palais Sud, « Palais de l’émerveillement du peuple », est encastré dans la muraille Imgur-
Enlil. C’est un vaste bâtiment de forme trapézoïdale, mesurant 322 x 190 m, dans lequel on
accédait par une porte monumentale située à l’est. Il était organisé autour de cinq grandes
cours se succédant d’est en ouest. Les deux premières desservaient les salles destinées aux
affaires administratives et économiques, et la troisième cour, au centre de l’édifice, qui est la
plus vaste de toutes (66 x 55 m), ouvrait sur son côté sud vers la salle du trône, mesurant
52 x 17 m. Ses murs étaient décorés de briques glaçurées. La partie occidentale devait
constituer la partie « privée » du palais. L’édifice comptait au moins un étage supérieur. Il
s’agissait du lieu de résidence privilégié du roi. Nabuchodonosor y avait adjoint à l’ouest un
« bastion » de forme rectangulaire (230 x 110 m), qui débordait sur le fleuve dont il obstrua le
cours, obligeant à un réaménagement du quai.

Le Palais Nord, ou Palais principal, « Grand Palais », est construit à l’époque de


Nabuchodonosor à cheval sur les remparts, juste au nord du Palais Sud. Seule sa partie nord-
est a été fouillée. Il avait une forme rectangulaire, d’environ 180 x 120 m, et était organisé
autour de deux grandes cours. Un « bastion » aux murs très épais avait été construit en même
temps que le palais, sur son côté nord.

Le Palais d’Été (« Vive Nabuchodonosor ! Longue vie à celui qui protège l’Esagil ! ») est une
autre construction de Nabuchodonosor II, datant de la fin de son règne. Il est situé près de
l’enceinte extérieure, 2 km au nord des deux autres. Il ne reste que ses soubassements. Cet
édifice de forme carrée (250 m de côté) a été plus tard fortifié par les Parthes.

Les « Jardins suspendus »

Représentation des jardins royaux assyriens d'après un bas-relief de Ninive.

Dès les premières campagnes de fouilles, on chercha la « merveille du monde » de Babylone :


les Jardins suspendus que Nabuchodonosor aurait fait construire pour son épouse mède,
nostalgique de son verdoyant pays natal. Ces efforts furent vains, au point qu’on se demanda
s’il ne fallait pas y voir une affabulation de plus des auteurs grecs à propos de la
Mésopotamie, d’autant que leurs récits concordent fort peu. L'absence de traces évidentes de
Jardins suspendus à Babylone ne prouve certes pas leur inexistence (ce type de preuve est
toujours délicat à apporter). En revanche, il n'est pas impossible de suggérer que l'on ait
commis quelque erreur dans la localisation de ces jardins. Aucun auteur grec classique ne les
mentionne, pas même Hérodote qui décrit pourtant longuement les murailles. Aucune source
babylonienne n'en fait part non plus ; Nabuchodonosor II étant pourtant prompt à énumérer
ses monumentales réalisations. Ce n'est qu'à la période hellénistique et romaine que les
historiens se réfèrent aux merveilles horticoles de Babylone. Mais l'utilisation du nom
Babylone renvoie peut-être plus généralement à la Mésopotamie. Aussi n'est-il pas absurde
d'imaginer que ce qui a été attribué à Babylone n'était autre que les jardins suspendus que les
souverains assyriens édifient au VIIe siècle av. J.-C. à Ninive19. Les fragments de reliefs
retrouvés dans les ruines du palais de Sennacherib, sur lesquels on peut voir des plantations
d'arbres fruitiers et d'arbustes reposant sur des voûtes étayent d'ailleurs une telle hypothèse.
Le mystère demeure.

Heurs et malheurs de Babylone à l’époque contemporaine


Plan du site actuel

Plan mural de Babylone, sur le site même.

Le site actuel de Babylone est divisé en plusieurs secteurs, la plupart coïncidant à des tells
distincts. Babil est situé à l’emplacement de l’ancien Palais Nord, donc à l’entrée
septentrionale du site. Le Qasr comprend entre autres le palais royal et la Porte d’Ishtar. Les
ruines du sanctuaire de Marduk se trouvent à Amran Ibn ‘Ali, à côté du Sahn, le trou
correspondant à l'emplacement de la ziggurat, et bordé par le Merkès à l’est, où se trouvent les
ruines d’un quartier résidentiel. Les pierres destinées à la reconstruction de la ziggurat
constituent le tell de Humra (comprenant aussi les ruines du théâtre hellénistique). Ishin
Aswad se trouve à l’emplacement de l’ancien quartier de Shuanna.

Redécouverte, fouilles et dégâts

Babylone en 1932

L'emplacement du site de Babylone ne fut jamais réellement perdu, et, de tout temps, les
explorateurs ayant visité la région se sont attardés sur le site, certains relevant des inscriptions
et les ramenant dans leur pays. Lors des premières fouilles effectuées en Mésopotamie, la
ville ne fut que peu visitée, puisqu'on se concentrait alors surtout sur l'Assyrie. Le dégagement
de la ville, de par son immense prestige, paraissait de plus d'avance une tâche harassante, que
peu envisageaient d'entreprendre.

Le Français Jules Oppert fut le premier à s'aventurer sur le site en 1852. Mais il n'effectua que
des fouilles superficielles. Il en fut de même pour l'Anglais Henry Rawlinson et son associé
l'Irakien Hormuzd Rassam, qui visitèrent le site en 1854 et 1876.

C'est finalement l'Allemand Robert Johann Koldewey qui décida de fouiller la ville, avec ses
nouvelles méthodes scientifiques totalement novatrices par leur rigueur et leurs résultats, très
portées vers le dégagement de restes architecturaux, plutôt que d’œuvres d’art (Koldewey
ayant une formation d’architecte). Il arriva sur le site en 1899 avec son collaborateur Walter
Andrae. Aidé des repérages effectués par ses prédécesseurs, ainsi que des ouvrages classiques
(qui se révélèrent peu fiables), il se concentra sur les quartiers principaux de la ville, Eridu,
Ka-dingirra et Shuanna, dégagea les principaux monuments de la ville, et dressa les plans de
celle-ci. Il ne put fouiller que les monuments de l'époque néo-babylonienne, ceux des époques
précédentes ayant été anéantis pour diverses raisons. Il repartit en 1917, après avoir effectué
un travail remarquable, cette fouille ayant longtemps servi de référence20.

Cette période voit une série de dégâts se produire sur le site : les Turcs avaient déjà utilisé des
briques du site pour la construction d'un barrage, puis les Allemands emportèrent la porte
d'Ishtar et les reliefs de briques glaçurées de la Voie processionnelle, qui aujourd'hui sont
exposés au Pergamon Museum de Berlin. Les Français prirent également quelques œuvres
d'art21.

D'autres expéditions furent menées plus tard par des Allemands (années 1960), des Italiens
(1974 et 1987), et des Irakiens (depuis 1958)22.

La reconstruction sous Saddam Hussein

Babylone, tout comme le passé préislamique de l’Irak en général, n’a pas fait l’objet de
récupération politique avant la prise du pouvoir par Saddam Hussein. Ce dernier change cette
situation, en se rattachant à ce passé illustre pour des besoins de propagande nationaliste, en
se présentant comme successeur de Hammurabi, de Nabuchodonosor II (et également de
souverains assyriens). Cela entraîne à partir de 1985 le début de programme de reconstruction
de monuments antiques, dont Babylone, qui faisait déjà l’objet d’une restauration
auparavant21. Les murs de certains monuments sont restaurés, une partie des murailles, avec la
porte d’Ishtar, et certains bâtiments sont intégralement reconstruits (comme le temple de
Ninmah), Saddam Hussein laissant même des inscriptions de fondation comme le faisaient les
anciens souverains babyloniens. Après la guerre du Golfe, il se fait construire un palais à
proximité du palais de Babylone. Cette entreprise assure le succès touristique de Babylone,
mais est fortement critiquée par les archéologues, parce qu’elle empêche les fouilles sur une
grande partie du site, et dégrade les monuments anciens.

« Camp Alpha »

US Marines devant les ruines reconstruites de Babylone, 2003.

Mais les dégradations du site de Babylone ont empiré à la suite de l'invasion de l'Irak de 2003
par les armées américaines. En effet, le site de Babylone est choisi pour établir une base
militaire, nommée « Camp alpha », comprenant notamment un héliport militaire. Ces activités
ont endommagé certains édifices, dus à la présence de véhicules militaires (hélicoptères,
blindés à chenilles), d'une population conséquente, et surtout à d'importants travaux de
terrassement. Des tranchées sont creusées sur des sites archéologiques, le pavement de la Voie
processionelle est endommagé par les véhicules. Le site est ensuite transféré sous la
responsabilité de l'armée polonaise, sans que les dégradations ne s'arrêtent. Certaines œuvres
antiques ont ainsi été enlevées, sans doute pour être revendues sur le marché des antiquités
qui est en plein essor depuis la chute de Saddam Hussein23.

Babylone dans la Bible


Prophéties

La désolation éternelle de la ville, qui est alors pourtant la plus grande de l'époque, est
annoncée par deux prophètes hébreux:

• dans le Livre d'Isaïe, chapitre 14, versets 22 et 23 : « Je supprimerai le nom de


Babylone, et toute trace d'elle, toute descendance. Je ferai d'elle un marécage, le
domaine des butors. Je l'éliminerai à grands coups de balai ».
• dans le Livre de Jérémie, chapitre 51, verset 26 : « Tu ne seras pour toujours qu'un
désert sinistre ».

Symbolique de Babylone

Une forte valeur symbolique a été attachée à cette grande capitale au fil des temps.

La Bible fait de Babylone le symbole de la corruption et de décadence, et en transmet le


souvenir et le prestige qui survécurent à sa chute. Dans la Bible hébraïque, elle est le symbole
de l'orgueil des hommes et des puissants du monde, de la fausse réligion en opposition avec
celle que prône la Bible et avec une Israël fidèle à Dieu.

Babylone représente symboliquement, dans le livre de l'Apocalypse, un empire réligieux


d'envergure mondial sous les traits d'une femme prostituée qui influence les dirigeants
politiques du monde et persécute les vrai chrétiens. Un empire réligieux symbolysée par une
femme prostituée qui entretient des alliances politiques avec les dirigeants du monde et qui
engloberait l'ensemble des réligions ne suivant pas les principes du Dieu de la Bible.
(Apocalypse 17:15-18)

Pour les rastafaris, elle représente la société occidentale mercantile, décadente, déshumanisée
et pervertie, le système répressif, toute forme d'autorité oppressive (police, armée, Église
catholique, pouvoir financier, pouvoir politique, etc.)[réf. nécessaire]. Par le biais de leur musique,
Babylone demeure dans la culture contemporaine le symbole du pouvoir corrompu.

Notes et références
1. ↑ Sur l'histoire du royaume babylonien, voir Babylone (royaume), et la bibliographie qui y est
présentée.
2. ↑ (de) H. Klengel, Altbabylonische Texte aus Babylon, Berlin, 1983
3. ↑ (en) W. G. Lambert, « The Reign Nebuchadnezzar I: A Turning Point in the History of Ancient
Mesopotamian Religion », dans W. S. McCullough (dir.), The Seed of Wisdom, Toronto, 1964, p. 3-13
4. ↑ a et b (en) A. R. George, Babylonian Topographical Texts, Louvain, 1992
5. ↑ (en) D. J. Wiseman, Nebuchadrezzar and Babylon, Londres, 1985
6. ↑ (en) H. Baker, The Archive of the Nappāḫu Family, Vienne, 2004
7. ↑ Voir notamment (de) C. Wunsch, Das Egibi Archiv I. Die Felder une Gärten, Groningen, 2000
8. ↑ (en) M. W. Stolper, « Kasr Texts: Excavated, But Not in Berlin », dans M. T. Roth, W. Farber, M.
W. Stolper et P. von Bechtolsheim (éds.), Studies Presented to Robert D. Biggs, June 4, 2004, Chicago,
2007, p. 243-283 [1] [archive]
9. ↑ Sur la période hellénistique, voir (en) T. Boyt, Late Achaemenid and Hellenistic Babylon, Louvain,
2004
10. ↑ Quinte-Curce, L'Histoire d'Alexandre le Grand, V, 1 [archive]
11. ↑ (en) R. J. Van der Spek, « The theatre of Babylon in cuneiform », dans W. H. van Soldt (dir.),
Veenhof Anniversary Volume. Studies presented to Klaas R. Veenhof on the occasion of his sixty-fifth
birthday, Leyde, 2001, p.445-456
12. ↑ Sur les archives de cette période, voir notamment (en) D. Kennedy, Late Babylonian Economic
Texts, Londres, 1968 ; (en) M. J. H. Lissen, The Cults of Uruk and Babylon, The Temple Rituals
Texts as Evidence for Hellenistic Cult Practices, Leyde, 2004
13. ↑ (en) A. J. Sachs, « The Latest Datable Cuneiform Tablets », dans B. L. Eicher, Kramer Aniversary
Volume: cuneiform studies in honor of Samuel Noah Kramer, Neukirschen, 1976, p. 379-398
14. ↑ Pline l'Ancien, L'Histoire naturelle, VI, 30 [2] [archive]
15. ↑ Voir avant tout (en) D. J. Wiseman, Nebuchadrezzar and Babylon, Londres, 1985, ainsi que B.
André-Salvini, Babylone, Paris, 2001. On pourra également se référer à des articles synthétiques plus
courts en langue française : J. Goodnick-Westenholz, « Babylone, lieu de création des grands dieux »,
dans Les Cités royales des pays de la Bible, Dossier d'Archéologie n°210, 1995, p. 72-79 ; J.-C.
Margueron, « Babylone, la première mégapole ? », dans C. Nicolet (dir.), Mégapoles méditerranéennes,
Paris, 2000 ; F. Joannès et M. Sauvage, « Babylone (ville) », dans F. Joannès (dir.), Dictionnaire de la
civilisation mésopotamienne, Paris, 2001, p.111-115 ; F. Joannès, « La ville au centre du monde », dans
L'Histoire n°301, septembre 2005
16. ↑ J. Marzahn, La porte d'Ishtar de Babylone, Mayence, 1993
17. ↑ (de) H. Schmid, Der Tempelturm Etemenanki in Babylon, Mainz, 1995 ; J. Vicari, La Tour de
Babel, Paris, 2000
18. ↑ J. Vicari, op. cit., p. 7-33
19. ↑ (en) S. Dalley, « Nineveh, Babylon and the Handing Gardens », dans Iraq LVI, 1994, p. 45-58
20. ↑ Voir notamment la réédition (de) R. Koldewey, Das wiedererstehende Babylon, Leipzig, 1990
(édition d'origine Berlin, 1925)
21. ↑ a et b Herald Tribune du 21 avril 2006 [3] [archive]
22. ↑ B. André-Salvini, Babylone, Paris, 2001, p. 20-25
23. ↑ (en) J. E. Curtis, « Report on Meeting at Babylon 11 – 13 December 2004 », British Museum,
2004 [4] [archive] ; Le monde du 16 août 2007
24.

Nabuchodonosor II.

Nabuchodonosor II, sur une pièce de monnaie


Nabuchodonosor II (Nabû-kudurri-uṣur, en cunéiforme ������ I.d.
MUATI.NI3.DU.URU3), (v. 630 av. J.-C. – 562 av. J.-C.), souverain de Babylone entre 605
av. J.-C. et 562 av. J.-C. doit sa renommée à la conquête de Jérusalem et du royaume de Juda
dont la Bible se fait écho.

Le règne
Le 16 décembre 605 av. J.-C., Nabuchodonosor succède à son père Nabopolassar, qui redonna
son indépendance à Babylone face aux Assyriens. Il venait, peu avant, de battre les Égyptiens
à Karkemish.

Dès la première année de son règne il soumit Jérusalem et y établit un protectorat. Le roi de
Juda, Joachim, ne supportant pas la situation, complota avec les Égyptiens. Nabuchodonosor
réagit en soumettant de nouveau Jérusalem le 16 mars 597 av. J.-C., en déportant la famille
royale et une partie de la population, et en installant sur le trône Sedecias. Mais ce dernier
complota à son tour contre Nabuchodonosor qui dut revenir une troisième fois à Jérusalem -
en 586 av. J.-C.- pour soumettre la ville.

Il assiégea 13 ans la ville de Tyr, et en perdit le contrôle en -573.

Nabuchodonosor meurt de maladie en -562. Son fils Amêl-Marduk (Evil-Merodach)


n’occupera le trône que deux ans.

La capitale

Nabuchodonosor entreprend d’immenses travaux à Babylone : sanctuaire de Marduk,


ziggourat, un grand nombre de temples de la ville, reconstruction de l’enceinte avec deux
murs parallèles, porte d’Ishtar, etc. La ville forme un rectangle grossier de 1,5 km sur 2,4 km.
Construite primitivement sur la rive orientale de l’Euphrate, elle est reliée à ses quartiers
populaires sur la rive occidentale par un pont. L’organisation intérieure (fouilles du quartier
de Merkès) repose essentiellement sur un plan quadrillé, ce qui suppose un plan d’urbanisme.
Certaines rues sont assez larges pour permettre le passage de chars et de chariots. Une grande
artère nord-sud, la voie processionnelle, au sol recouvert de dalles cuites jointoyées au
bitume, passe par la porte d’Ishtar pour desservir le palais et les principaux sanctuaires. Le
palais s’entend au nord entre la voie processionnelle et un énorme bastion aux murs larges de
25 m (les jardins suspendus de la reine Sémiramis ont pu être situés à cet endroit). De 300 m
sur 150 environ, composé de cinq unités allongées nord-sud et juxtaposées, avec des
bâtiments de part et d’autre d’une grande cour, il est unique par sa structure et son
organisation (il faut, pour atteindre la dernière unité, franchir d’abord les quatre premières).

Le temple de Marduk (Esagila, la maison à tête élevée), forme le cœur religieux de la cité en
étroite relation avec la ziggurat dont le sépare la rue qui dessert le pont. Presque carré (79 m
sur 85,80), il suit le plan dit babylonien, disposé autour d’une grande cour rectangulaire. La
célèbre ziggourat (Etemenanki, la maison du fondement du ciel et de la terre) est installée à
l’intérieur d’une vaste cour rectangulaire de 458 m sur 312 m, sur une base de 91 m. Le pont
est constitué de piles en forme de navettes longues de 21 m, larges de 9 m, à des intervalles de
9 m, construites en briques et en pierres scellées au plomb, avec des cavités destinées à
recevoir l’extrémité des poutres, qui supportent le tablier.
Organisation de l'Empire

Les grands temples jouent un rôle économique et administratif important. Celui d’Uruk nous a
fourni une ample documentation écrite. Son administration hiérarchisée se retrouvait, semble-
t-il, dans les autres sanctuaires, à Babylone ou à Borsippa. Le roi y a ses représentants dont
l’action paraît être devenue plus stricte avec l’arrivée de Nabonide au pouvoir. Ces
organismes semblent avoir été favorisés par les premiers souverains ; ils forment en effet une
structure administrative préexistante qui contrôle la production économique, donc les revenus,
du territoire qui en dépendent et allègent la charge administrative qui relève directement du
palais.

L’essentiel de la vie économique est fondé sur l’agriculture. Les terres sont affectées selon
leurs qualités et les possibilités d’irrigation à l’élevage, aux palmeraies et aux céréales. Elles
sont concédées contre redevance à ceux qui les exploitent. Certains exploitants sont
propriétaires, mais ils restent soumis au temple pour leurs redevances.

Une activité de type capitaliste fondée sur le commerce de l’argent et des biens matériels se
développe dans les villes. Elle connaît une certaine expansion avec l’apparition de la monnaie
qui commence à circuler

Achéménides

Carte de l'empire achéménide aux alentours de 500 av. J.-C.


Histoire de l'Iran

L’Empire achéménide (Vieux


perse : Hakhāmanishiya), est le
premier des Empires perses à régner
sur une grande partie du Moyen- • Civilisation proto-élamite (3 200 - 2 700 av. J.-
Orient. Il s'étend alors au nord et à C.)
l'ouest en Asie Mineure, en Thrace • Civilisation de Jiroft (3 000 - Ve siècle av. J.-C.
et sur la plupart des régions côtières • Royaume élamite (2 700 - 539 av. J.-C.)
de la mer Noire ; à l'est jusqu'en • Royaume mède (728 - 550 av. J.-C.)
Afghanistan et sur une partie du • Dynastie achéménide (648 - 330 av. J.-C.)
Pakistan actuels, et au sud et au sud- • Empire séleucide (330 - 150 av. J.-C.)
ouest sur l'actuel Iraq, sur la Syrie, • Empire parthe (250 av. J.-C. - 226)
l'Égypte, le nord de l'Arabie • Dynastie sassanide (226 - 650)
• Conquête islamique (637 - 651)
saoudite, la Jordanie, Israël, le Liban
• Dynastie samanide (875 - 999)
et jusqu'au nord de la Libye.
• Dynastie ziyaride (928 - 1043)
• Dynastie bouyide (934 - 1055)
Le nom « Achéménide » se rapporte • Dynastie ghaznévide (963 - 1187)
au clan fondateur qui se libère vers • Empire turc seldjoukide (1037 - 1194)
556 av. J.-C. de l’État des Mèdes, • Empire khorezmien (1077 - 1231)
auparavant son suzerain ; ainsi qu'au • Houlagides (1256 - 1353)
grand empire qui résulte de la fusion • Dynastie muzaffaride (1314 - 1393)
des deux ensembles. L'empire fondé • Dynastie timouride (1370 - 1506)
par les Achéménides menace par • Dynastie séfévide (1501 - 1722/1736)
deux fois la Grèce antique, conquiert • Afghans hotaki (1722-1729)
• Dynastie afsharide (1736 - 1802)
l’Égypte et prend fin, conquis par
• Dynastie Zand (1750 - 1794)
Alexandre le Grand, en 330 av. J.-C.
• Dynastie kadjar (1781 - 1925)
• Dynastie Pahlavi (1925 - 1979)
Conditions d'études • Révolution iranienne (1979)
• Gouvernement provisoire (1979-1980)
Une des spécificités des
Achéménides est de n'avoir laissé • Rép. islamique d'Iran (1980 - maintenant)
que peu de témoignages écrits de
leur propre histoire (à la différence des rois assyriens par exemple) : ceux-ci sont
essentiellement constitués d'archives administratives, satrapiques ou royales, dans lesquelles
étaient reportées les décisions les plus importantes (mouvements de terre, documents fiscaux).
C'est plutôt grâce aux écrits de leurs sujets et de leurs ennemis qu'on connaît l'histoire
achéménide, notamment par les auteurs grecs comme Hérodote, Strabon, Ctésias, Polybe,
Élien et d'autres. Dans la Bible, le Livre d'Esdras et le Livre d'Esther contiennent aussi des
références aux Grands Rois. Les auteurs anciens ont également écrit au sujet de la Perse, dans
des ouvrages appelés les Persika, ouvrages dont la connaissance se limite à quelques
fragments, le reste ayant été perdu. Les grands rois achéménides ont par ailleurs laissé bon
nombre d'inscriptions royales, sources de renseignements sur l'activité de construction des
sites et sur leur vision de l'empire. Les inscriptions livrent en effet de nombreux indices qui,
mis en perspective avec le contexte historique d'époque, permettent de comprendre la volonté
politique des rois et leur façon de concevoir l'exercice du pouvoir1.

La documentation sur les Achéménides est donc en fin de compte importante et variée. Les
éléments iconographiques sont nombreux, mais leur analyse pose problème car ils sont très
inégalement répartis dans l'espace et dans le temps. En effet, il existe peu ou pas de
documentation écrite sur certaines régions, alors que d'autres comme le Fars, la Susiane,
l'Égypte, la Babylonie sont très bien documentées. De plus, si les documents sur les règnes de
Cyrus II, d'Artaxerxès Ier et de Darius II abondent, il n'en est pas de même pour d'autres
époques.

Histoire
Origines de la dynastie

Localisation des principales villes achéménides.

Le fondateur de cette dynastie serait Achéménès (en vieux perse : Haxāmaniš, en grec ancien
Ἀχαιμένης, ou ‫ هخامنش‬en persan moderne qui signifie « d'un esprit amical »). Il s'agit d'une
personne dont l'existence reste controversée (voir plus bas), chef d'un clan perse régnant
probablement sur d'autres tribus perses dès le IXe siècle av. J.-C. Installés au nord de l'Iran (à
proximité du lac d'Orumieh), les Achéménides sont alors tributaires des Assyriens2.

Sous la pression des Mèdes, des Assyriens et des Urartiens, ils migrent vers le sud des monts
Zagros et s'installent progressivement dans la région d'Anshan vers la fin du {Ie millénaire}}3.
Teispès aurait agrandi le territoire achéménide en conquérant le royaume d'Anshan et le Fars,
gagnant ainsi le titre de Roi d'Anshan tandis qu'Assurbanipal prend Suse et que le royaume
élamite disparaît temporairement.

Teispès est le premier roi achéménide à porter le titre de Roi (de la ville) d'Anshan. Des
inscriptions révèlent que lorsque Teispès meurt, le royaume est partagé entre deux de ses fils,
Cyrus Ier (Kurāsh ou Kurāš), souverain d'Anshan, et Ariaramnes (Ariyāramna, "Celui qui a
amené la paix aux iraniens"), souverain de Parsumaš. Leurs fils respectifs leur succèdent :
Cambyse Ier (Kambūjiya, « l'aîné ») sur le trône d'Anshan, et Arsames (Aršāma « Celui qui a
une puissance héroïque ») sur Parsumaš. Ces rois n'ont qu'un rôle restreint dans la région, qui
est alors dominée par les Mèdes et les Assyriens. L'existence de Cyrus et son règne sur
Anshan est attestée par un sceau portant la mention Kurāš d'Anšan, fils de Teispès. Toutefois,
une inscription datée de 639 mentionne le paiement d'un tribut à Assurbanipal par Kurāš de
Parsumaš, ce qui suggère que le roi de Parsumaš serait le même Cyrus, unifiant les deux
couronnes. Cet élément pourrait alors synchroniser les histoires persanes et assyriennes4.
Cependant, cette interprétation est discutée, et Parsumaš, Pars et Anshan semblent devoir être
distingués3. Après la chute du royaume assyrien, les Achéménides reconnaissent l'autorité des
Mèdes. Bien qu'Hérodote ait écrit « il y avait longtemps que les Perses prenaient mal leur
parti d'être commandés par les Mèdes »5, les origines et modalités de cette sujétion restent
encore inconnues.
Darius Ier est le premier à parler d' Achéménès, qu'il présente comme l'ancêtre de Cyrus le
Grand (576 av. J.-C.- † 529 av. J.-C.) ; ce qui ferait de lui le fondateur de la lignée des
souverains achéménides. Cependant, quelques spécialistes soutiennent qu'Achéménès est un
personnage fictif utilisé par Darius usurpant le trône persan afin de légitimer son pouvoir6. Si
l'on se réfère aux premiers souverains, la dynastie des rois achéménides s'étend de 650 av. J.-
C. à 330 av. J.-C. environ.

Souverains achéménides

Non attestés Les témoignages épigraphiques de ces souverains ne peuvent être confirmés et sont souvent
considérés comme étant inventés par Darius Ier

-688/-675 Achéménès roi d'Anshan

-675/-640 Teispès roi d'Anshan, fils d’Achéménès

-640/-600 Cyrus Ier roi d'Anshan, fils de Teispès

-6??/-6?? : Ariaramnes fils de Teispès et co-souverain avec Cyrus Ier.

-600/-559 Cambyse Ier roi d'Anshan, fils de Cyrus Ier

-6??/-5?? Arsames fils d'Ariaramnes et co-souverain avec Cambyse Ier

Attestés

grand roi de Perse, fils de Cambyse Ier, souverain


-559(-550?)/-
Cyrus II le Grand d'Anshan dès 559 av. J.-C.– s'empare de la Médie en 550
529(-530?)
av. J.-C.

-529/-522 Cambyse II grand roi de Perse, fils de Cyrus le Grand

Bardiya (ou L'usurpateur (?), grand roi de Perse, fils présumé de


-522/-522
Smerdis) Cyrus le Grand
-522(-521?)/- grand roi de Perse, beau-frère de Smerdis et petit-fils
Darius Ier le Grand
486 d'Arsames

-486(485?)/-465 Xerxès Ier grand roi de Perse, fils de Darius Ier

Artaxerxès Ier
-465/-424 grand roi de Perse, fils de Xerxès Ier
Longue Main

-424/-424 Xerxès II grand roi de Perse, fils d'Artaxerxès Ier

-424/-424(-
Sogdianos grand roi de Perse, demi-frère et rival de Xerxès II
423?)

-424(-423?)/-
Darius II Nothos grand roi de Perse, demi-frère et rival de Xerxès II
404(-405?)

Artaxerxès II
-404/-359 grand roi de Perse, fils de Darius II, (voir aussi Xénophon)
Mnémon

-359(-358?)/- Artaxerxès III


grand roi de Perse, fils d'Artaxerxès II
338 Ochos

-338/-336 Arsès grand roi de Perse, fils d'Artaxerxès III

Darius III grand roi de Perse, arrière-petit-fils de Darius II (conquêtes


-336/-330
Codoman d’Alexandre le Grand)

Construction et extension de l'empire

En 559 av. J.-C., Cyrus II dit Cyrus le Grand succède à son père Cambyse Ier sur le trône
d'Anshan. Ayant également pris la succession d'Arsames (de son vivant) sur la couronne de
Parsumaš, Cyrus unifie donc les deux royaumes perses et est ainsi considéré comme le
premier véritable roi de la dynastie achéménide, ses prédécesseurs étant encore asservis aux
Mèdes.
Entre 553 et 550, une guerre éclate entre les Mèdes et les Perses à l'issue de laquelle Cyrus II
bat Astyage, roi des Mèdes et s'empare d'Ecbatane (Hagmatāna « La ville des
rassemblements », l'actuelle Hamadan). Il déclare à cette occasion que les Perses, « autrefois
esclaves des Mèdes, sont devenus leurs maîtres »7. Cyrus laisse la vie sauve à Astyage,
entreprend de se conduire comme son successeur légitime. Selon Ctésias et Xénophon, il
épouse Amytis, fille d'Astyage. Ecbatane reste une des résidences régulières des Grands Rois,
car elle présente une importance stratégique certaine pour qui veut contrôler l'Asie centrale8.

La prise de la Médie par les Perses est alors un bouleversement important, à l'échelle du
Moyen-Orient. Le fait que Cyrus se présente comme l'héritier d'Astyage le conduit à se
heurter aux puissances voisines de Lydie et de Babylone. Crésus, roi de Lydie, et beau-frère
d'Astyage, « inquiet de la ruine de l'empire d'Astyage et soucieux de l'accroissement des
affaires des Perses » attaque Cyrus en 547-546. Mais les Perses contre-attaquent et
poursuivent Crésus jusqu'à sa capitale, Sardes, qui tombe rapidement aux mains de Cyrus.
Crésus se constitue prisonnier, puis recevra finalement une ville de Médie dont les revenus le
feront vivre9.

À partir de 546, Cyrus repart d'Asie Mineure sans avoir soumis les cités ioniennes et
éoliennes. En effet, le roi entreprend une nouvelle campagne, car Babylone, la Sacie, la
Bactriane et l'Égypte sont menaçantes. Cette période est mal connue, mais il semble que
Cyrus prenne Babylone en 539, puis soumette les Bactriens et les Saces en 540. C'est peut-
être à cette époque que Cyrus a conquis Parthie, Drangiane, Arie, Chorasmie, Bactriane,
Sogdiane, Gandhara, Scythie, Sattagydie, Arachosie, et Makran. Darius au début de son
règne, présente en effet ces pays comme acquis.

Politiquement habile, Cyrus II se pose en "sauveur" d'une nation qui était en bons termes avec
les Mèdes, auxquels elle avait prêté allégeance. La politique générale des Achéménides
s'inscrit dans la continuité de celles des Babyloniens et des Assyriens. Les populations sont
encouragées à se déplacer et à se mélanger, afin de diluer toute volonté nationaliste. Cette
mesure vise à pacifier les relations entre les peuples, et l'époque achéménide reste connue
pour son calme relatif en comparaison avec d'autres périodes de l'histoire de l'Asie centrale.

Après la prise de Babylone, Cyrus permet aux Judéens exilés de rentrer à Jérusalem, donnant
instruction à ses sujets de faciliter ce retour. Il ordonne également la reconstruction du Temple
de Jérusalem. Il conquiert ensuite la Transeuphratène et soumet les Arabes de Mésopotamie.
Chypre se rend d'elle-même par la suite. En revanche, on ne sait pratiquement rien des
relations qu'entretenait —— à cette époque — l'empire avec d'autres régions du pays d'Ebir
Nāri (Syrie, Phénicie, Palestine).

Après Cyrus, son fils Cambyse II conquiert l'Égypte en 525-522. Il s'agit alors de maintenir la
puissance de l'empire et d'étendre les conquêtes vers la seule autre puissance qui compte
encore dans la région10. Après la campagne d'Égypte, Cambyse reprend à son compte les
ambitions des pharaons qui l'y avaient précédé. Il soumet ainsi les royaumes de Libye, de
Cyrénaïque et de Nubie. Au cours de son séjour en Égypte, Cambyse semble être pris de folie,
comme le laissent à penser les actes qu'il commet à cette époque : il massacre des Perses de
haute distinction, viole d'anciennes sépultures, se moque de statues dans les temples
égyptiens11. L'attaque sans préparatifs de l'Éthiopie et de l'oasis d'Ammon, qui se solde par des
échecs, serait également à mettre sur le compte de cette démence. Contredisant la thèse
expliquant le comportement de Cambyse contre son entourage en Égypte par la seule folie,
l'hypothèse de l'intérêt politique est aussi avancée. Selon Briant, Cambyse prenait aussi des
mesures de représailles contre des grandes familles qui se seraient opposés à ses décisions12.
Rappelé en Perse par une rébellion contre son pouvoir, il quitte l'Égypte en 522, se blesse à la
cuisse en Syrie et meurt de gangrène.

La révolte est alors menée par un groupe de prêtres ayant perdu leur pouvoir après la conquête
de la Médie par Cyrus. Ces prêtres, qu'Hérodote nomme mages, usurpent le trône afin d'y
placer l'un des leurs, Gautama, qui prétend être le plus jeune frère de Cambyse II, Smerdis (ou
Bardiya), probablement assassiné trois années plus tôt. En raison du despotisme de Cambyse
et de sa longue absence en Égypte, "le peuple entier, Perses, Mèdes, et toutes les autres
nations"13, reconnaissent cet usurpateur comme leur roi, et ce d'autant plus facilement qu'il
leur accorde une remise fiscale d'impôts ou de taxes, pour trois années.

Selon l'inscription de Behistun, Smerdis règne sept mois avant d'être renversé en 552 av. J.-C.
par un membre éloigné de la branche familiale des Achéménides, Darius Ier (du vieux persan
Dāryavuš, également connu sous Darayarahush ou Darius le Grand). Les "mages", bien que
persécutés, continuent d'exister. L'année qui suit la mort de Gautama, ils tentent de réinstaller
un second usurpateur au pouvoir, Vahyazdāta, qui se présente comme fils de Cyrus. La
tentative remporte un succès transitoire puis échoue finalement.

Darius Ier le Grand

Selon Hérodote, l'aristocratie locale débat alors de la meilleure forme de gouvernement pour
l'Empire. Il rapporte qu'il a été évoqué que l'oligarchie les diviserait les uns contre les autres et
que la démocratie provoquerait le règne de factions dont le résultat serait d'amener un chef
charismatique à prendre le pouvoir, provoquant ainsi le retour à la monarchie. Par conséquent,
le choix se porte alors directement sur la monarchie, étant acquis que les aristocrates sont
alors en position de choisir le souverain. Darius Ier est donc choisi comme roi : cousin de
Cambyse II et de Smerdis, il se réclame d'Achéménès, leur ancêtre.

Darius poursuit ensuite l'expansion de l'Empire. Il fait exécuter Oroitès, satrape de Sardes, qui
s'est rebellé vers 522-520, puis souhaite étendre sa domination aux îles de la mer Égée. Il
conquiert Samos vers 520-519, puis marche sur l'Europe. Il passe le Bosphore, laisse des
troupes grecques à l'embouchure du Danube (cités de l'Hellespont et de la Propontide) et
marche vers la Thrace. Celle-ci revêt en effet une grande importance pour les Perses, car la
province est riche en produits stratégiques : bois nécessaire aux constructions navales et
métaux précieux14.

Darius Ier s'attaque ensuite à la Grèce, qui avait soutenu les rébellions des colonies grecques
alors sous son égide. En raison de sa défaite à la bataille de Marathon en 490 av. J.-C., il est
forcé de restreindre les limites de son empire à l'Asie Mineure.

C'est sous le règne de Darius Ier, dès 518-516 av. J.-C., que sont construits les palais royaux de
Persépolis et Suse, qui serviront de capitales aux générations suivantes des rois achéménides.

L'effritement du pouvoir perse

Xerxès Ier (vieux perse : Xšayārša "Héros parmi les rois") succède à son père Darius vers 486-
485. Des révoltes ayant éclaté en Égypte et en Grèce, Xerxès commence son règne en
conduisant une expédition contre l'Égypte. Après une rapide reconquête, Xerxès marche sur la
Grèce et défait les grecs aux Thermopyles. Athènes est conquise et mise à sac, le Parthénon
est incendié. Athéniens et spartiates se retirent derrière leur dernières lignes de défense sur
l'isthme de Corinthe et dans le golfe Saronique.

Les premières années du règne de Xerxès sont marquées par un changement de politique à
l'égard des peuples conquis15. Au contraire de ses prédécesseurs qui respectaient les
sanctuaires des peuples soumis, Xerxès fait procéder à la destruction de temples en Babylonie,
à Athènes, en Bactriane et en Égypte. Les titres de Pharaon et de Roi de Babylonie sont
abandonnés et les provinces réorganisées en satrapies. Les Égyptiens réussissent par deux fois
à regagner leur indépendance. D'après l'étude de Manéthon, les historiens égyptiens font
correspondre les périodes de domination achéménide en Égypte avec respectivement les
XXVIIe (525 - 404 av. J.-C.) et XXXIe dynasties (343 - 332 av. J.-C.)

À Artémision, la bataille rendue indécise à cause d'une tempête détruisant les navires des
deux camps, s'arrête prématurément à l'arrivée de la nouvelle de la défaite des Thermopyles.
Les Grecs décident alors de battre en retraite. Finalement, la bataille de Salamine le 28
septembre 480 av. J.-C. est remportée par les Athéniens. La perte des voies de communication
maritimes avec l'Asie force Xerxès à se retirer à Sardes. L'armée avec laquelle il quitte la
Grèce, placée sous le commandement de Mardonios, subit encore une défaite lors de la
bataille de Platées en 479 av. J.-C. Une nouvelle défaite perse à Mycale encourage alors les
cités grecques d'Asie Mineure à la révolte. Ces révoltes voient la fondation de la ligue de
Délos, et les défaites perses qui s'ensuivent consacrent ces pertes territoriales en mer Égée.

Carte historique de l'Empire achéménide

Néanmoins, au Ve siècle av. J.-C., les souverains achéménides règnent sur des territoires
couvrant approximativement ceux des pays actuels suivants: Iran, Irak, Arménie, Afghanistan,
Turquie, Bulgarie, Grèce (partie orientale), Égypte, Syrie, Pakistan (grosse partie), Jordanie,
Israël, Palestine, Liban, Caucase, Asie centrale, Libye, et Arabie saoudite (partie nord).
L'empire devient par la suite le plus grand du monde antique, avec un territoire couvrant
approximativement 7,5 millions km².

Les défaites de Xerxès sont omises dans les inscriptions de propagande royale16. Certains
grecs se rallient tout de même à Xerxès, comme Pausanias, commandant la flotte grecque en
478 ou Thémistocle, le vainqueur de Salamine. Ce qui permet à l'empire perse de garder bon
nombre d'alliés dans les cités grecques d'Asie Mineure. À l'issue de problèmes de succession,
Xerxès, qui n'avait pas désigné de successeur légitime, est assassiné, peut-être par un de ses
fils17.

Artaxerxès Ier, un des fils de Xerxès, monte sur le trône en 465 av. J.-C. Juste après sa prise de
pouvoir, il fait face à une révolte en Bactriane, dont il vient à bout. Artaxerxès modifie
l'étiquette de la cour et redéfinit sa hiérarchie, ce qui semble marquer la redéfinition des
rapports entre le Grand Roi et l'aristocratie18. Il continue les travaux à Persépolis, entre 46419 et
460-45920, et le rôle de la capitale perse semble changer : elle est moins fréquemment
occupée, au profit de Suse et Babylone. Les hypothèses suggérant un changement de rôle de
Persépolis devenant alors « un sanctuaire plutôt qu'une ville » restent incertaines21. Après la
Bactriane, c'est l'Égypte qui se soulève contre l'autorité du Grand Roi Achéménide. Diodore
rapporte que la nouvelle de l'assassinat de Xerxès et les troubles qui s'ensuivent poussent les
égyptiens à chasser les leveurs de tributs perses et à porter un certain Inaros au pouvoir royal
(463-462). Inaros propose une alliance aux grecs, qui l'acceptent et envoient une flotte vers le
Nil22. L'alliance entre grecs et égyptiens dure six ans (460-454). En 454, l'armée et la flotte
perse libèrent les perses retranchés et assiégés à Memphis. Des inscriptions gravées en Égypte
à cette époque laissent penser que seule la région du Delta du Nil s'était soulevée. Les révoltes
de cette période sont révélatrices de lacunes dans la domination territoriale des perses23. Dans
les années 450, les combats reprennent entre Athènes et la Perse. La documentation connue de
l'époque ne nous permet pas de connaître les évolutions territoriales perses en Asie Mineure :
seules les listes des tributs attiques et perses permettent de savoir que les positions dans cette
région ont pu évoluer d'une année sur l'autre.

Artaxerxès Ier meurt à Suse, son corps est ramené à Persépolis pour être enterré auprès des
sépultures de ses ancêtres. Son fils aîné, Xerxès II, seul fils légitime d'Artaxerxès, lui succède
immédiatement, mais est assassiné par un de ses demi-frères, Sogdianos, quarante-cinq jours
plus tard24. Ochos, un autre demi-frère de Xerxès, alors à Babylone, rassemble ses soutiens et
marche sur la Perse. Il met l'assassin à mort et est couronné Roi des Rois sous le nom de
Darius II en 423. Le déroulement de cette succession pose de nouveau un problème, Ochos et
Sogdianos ayant certainement mené chacun une campagne de propagande visant à recevoir
l'appui du peuple persan et ainsi démontrer la légitimité de leur accession au trône25.

À partir du règne de Darius II, les documents retrouvés sont plutôt rares et ne renseignent que
sur la situation des marches occidentales de l'empire, où les hostilités entre les cités grecques
et les Perses continuent. Entre 411 et 407, les athéniens reconquièrent une partie de l'Asie
Mineure, aidés en cela par les initiatives désordonnées et concurrentes des satrapes contrôlant
ces régions26.

Darius II meurt en 405-404. À l'instar de celle d'autres Grands Rois précédents, sa succession
provoque de nouveau une opposition entre deux de ses fils, Arsès et Cyrus. C'est Arsès, l'aîné,
qui monte sur le trône sous le nom d'Artaxerxès II en 404. Cyrus lui conteste le pouvoir et une
guerre s'ensuit entre 404 et 401. Cyrus lève une armée, s'appuyant principalement sur des
Perses d'Asie Mineure, mais également sur des mercenaires grecs (les « Dix Mille27 »). Les
deux frères s'affrontent à Counaxa, en Mésopotamie, en 401. Cyrus tué au cours de cette
bataille, Artaxerxès II entame immédiatement un processus de relégitimation de son pouvoir
royal28. L'Égypte profite de ces troubles pour se révolter et se soustraire à la domination perse
sous la conduite d'Amyrtée.

Les satrapies et les villes d'Asie Mineure qui s'étaient rangées sur côté de Cyrus sont confiés à
Tissapherne afin qu'il remette en ordre la région. Artaxerxès II compte en effet reprendre le
contrôle du littoral égéen. Ceux qui refusent de se soumettre se tournent vers les grecs, et plus
particulièrement Sparte, pour les aider. Agésilas II mène la campagne militaire spartiate en
Asie Mineure, sans grands succès29. Il est rappelé à Sparte car d'autres cités grecques, dont
Athènes, menacent la ville. Les Persans se retrouvent par la suite pris entre les combats des
Athéniens et des Lacédémoniens qui se déroulent en Asie Mineure vers 396. Artaxerxès II
doit ensuite combattre les attaques et alliances d'Évagoras de Salamine à Chypre et en Égypte,
entre 391 et 387. Épuisées par les guerres continuelles, les cités grecques aspirent à la paix30.
En 386, Artaxerxès II impose sa paix (également connue sous le nom de « paix
d'Antalkidas ») aux cités grecques, qui l'acceptent toutes à l'exception de Thèbes. Le Roi a
besoin de libérer ses armées pour s'occuper de l'Égypte, qui est elle aussi rentrée en rébellion.
Vers 381-380, les Perses auraient subi une défaite contre les égyptiens, qui réussissent à
reprendre leur indépendance31. Suite à cette défaite, les armées achéménides quittent l'Égypte
sans réussir à reprendre le contrôle du pays. La paix de 386 avec les Grecs est confirmée à
deux reprises, en 375 puis en 371.

Peu après, entre 366 et 358, l'empire connaît des troubles : des satrapes se rebellent en
Cappadoce, en Carie, en Lycie, les égyptiens mènent une offensive contre les perses. Les
révoltes d'Asie Mineure n'auront guère de conséquences. Conjuguées à l'échec en Égypte, ces
évènements semblent montrer une certaine instabilité du pouvoir impérial et son incapacité à
venir à bout des mouvements de révolte32.

C'est au cours du règne d'Artaxerxès II que commencent à être adorés Anahita et Mithra, alors
que les rois perses précédents ne citaient qu'Ahura Mazda dans leurs inscriptions. Les
historiens s'interrogent toujours pour savoir si c'est une réelle nouveauté introduite par Xerxès
ou si la pratique existait déjà auparavant.

Les dernières années d'Artaxerxès se déroulent parmi les complots. Le Roi avait trois fils
légitimes, Darius (l'aîné), Ariaspès et Ochos, et de nombreux bâtards de ses concubines. Selon
Plutarque, le Roi désigne Darius comme héritier33. Darius fomente un complot contre son
père, est découvert, jugé et mis à mort. Ochos, par des manœuvres, déstabilise son frère
Ariaspès, qui se suicide. Il supprime ensuite un autre de ses demi-frères, Arsamès. C'est dans
ce contexte que le roi Artaxerxès II meurt de vieillesse en 359/358. Ce récit n'est corroboré
par aucun autre auteur, et il convient plutôt de penser qu'avant la mort du roi, la cour était
agitée par des complots entre factions rivales34.

Chute de l'empire
Alexandre sur son cheval Bucéphale
Détail de la mosaïque romaine représentant la Bataille d'Issos opposant Alexandre le Grand à Darius III

Ochos monte sur le trône sous le nom d'Artaxerxès III (-358--338). Dès le début de son règne,
Artaxerxès III doit faire face à des troubles: des combats opposent les alliés d'Athènes aux
perses en Asie Mineure, des révoltes ont lieu en Phénicie et à Chypre entre 351 et 345.
L'armée perse subit également un nouvel échec en Égypte en 351. En -343 Artaxerxès III bat
Nectanébo II et reconquiert l'Égypte, qui devient encore une fois une satrapie perse. En Grèce,
la Macédoine commence à affronter l'empire perse sur son front occidental35. En -338,
Philippe II de Macédoine unifie certains États grecs, les autres qui s'opposent à Philippe II
comptent sur l'aide du Grand Roi. Les relations exactes sont peu connues, mais Briant dit que
la « cour [du Grand Roi] était informée des opérations de Philippe II ». En cette même année
338, Artaxerxès III est empoisonné par son ministre, l'eunuque égyptien Bagoas. Il est dit que
« Par ce meurtre, Bagoas détruit l'Empire perse »36.

Arsès succède à Artaxerxès III sous le nom d'Artaxerxès IV, et est également empoisonné par
Bagoas deux ans après. Bagoas aurait tué non seulement tous les enfants d'Arsès, mais aussi
plusieurs autres princes locaux, sans doute des satrapes. Bagoas place alors sur le trône Darius
III (-336 - -330), un cousin d'Artaxerxès III. Pour les macédoniens, Bagoas aurait porté un de
ses amis esclaves au pouvoir sous le nom de Darius III37. Pour les Perses, Darius a été porté au
pouvoir parce qu'il a fait preuve d'un courage exceptionnel lors d'un duel singulier contre les
Cadusiens38. L'accession au trône de Darius III est entourée de violences, et des incertitudes
demeurent sur les conditions d'accès au trône. Briant rapporte que Darius III était un membre
de la « souche royale », présenté comme un guerrier d'élite et appuyé par une grande partie de
l'aristocratie et de l'armée39.

Darius III, bien qu'auparavant satrape d'Arménie, n'a aucune expérience impériale.
Néanmoins, il prouve son courage la première année de son règne d'empereur en forçant
personnellement Bagoas à avaler un poison. En -334, alors que Darius vient juste de réussir à
re-soumettre l'Égypte, Alexandre attaque en Asie Mineure. En réponse à l'agression
macédonienne, les satrapes de l'ouest se mobilisent et viennent à la rencontre de l'envahisseur.
Darius III et plusieurs de ses satrapes font appel à des mercenaires grecs pour renforcer ses
armées. Il subsiste de nombreuses interrogations sur le rôle des mercenaires grecs dans la
décadence de la puissance militaire perse d'après les récits des différentes sources40. L'armée
perse essuie alors une première défaite au Granique face aux troupes Macédoniennes
aguerries à la bataille. S'ensuivent les défaites aux batailles d'Issos (-332), de Gaugamèles et
de Babylone (-331). Les populations conquises par les macédoniens apparaissent plutôt
soulagées de la libération du joug perse selon différents auteurs41. Poussant toujours plus loin,
Alexandre marche ensuite sur Suse qui capitule et restitue un vaste trésor. Le conquérant se
dirige alors vers l'est en direction de Persépolis qui se rend au début de -330. Darius trouve
alors refuge à Ecbatane et rassemble une armée autour de lui. De Persépolis, Alexandre va
ensuite vers Pasargades un peu plus au nord, où il traite avec respect la tombe de Cyrus II. Il
se dirige ensuite vers Ecbatane. En chemin, des satrapes de Darius III se rendent à Alexandre
devant les rapports de force défavorables. Lors de la fuite de Darius III, les satrapes les plus
proches du roi semblent avoir organisé un complot autour de sa personne. Darius III est
assassiné par plusieurs de ses satrapes, qui se rendent à Alexandre ou bien retournent dans
leur province pour se faire proclamer roi41. Sur ordre d'Alexandre, les honneurs sont rendus au
corps du souverain qui est acheminé vers Persépolis pour y être inhumé.

L'empire Achéménide termine avec la mort de Darius III41. Après la conquête et le règne
d'Alexandre s'ouvre l'ère des Séleucides, dynastie issue d'un des généraux d'Alexandre le
Grand, qui succèdera à celle des Achéménides.

Politique et administration

Darius reçoit l'hommage de personnages hauts-placés (trésor de Persépolis, reproduction)

L'Empire perse achéménide est un État multinational hiérarchisé dominé par les Perses qui y
occupent très largement les postes civils et militaires d'importance. L’État est organisé suivant
une division en provinces, appelées « pays » par les Persans42 et « satrapies » par les Grecs43.
Couvrant des superficies dont l'étendue est très variable, l'organisation des satrapies reprend
en partie les structures préexistantes, laissant partiellement subsister les anciens domaines
d'autorités locales (princes, dynastes).

Héritage de l'époque indo-iranienne, la société impériale est féodale basée sur une loyauté
personnelle entre le roi et chacun de ses sujets44. Dans l'entourage immédiat du roi se trouve la
noblesse formant la cour. Les autorités de l'empire, qu'elles soient administratives ou
militaires sont appelés « vassaux » ou « suiveurs »45. Leur loyauté était récompensée
généreusement par le roi, alors que leur déloyauté était très sévèrement punie46. La société tout
entière était assujettie au roi, qui est lui-même assujetti à Ahura Mazda. Le fait que des
classes ou castes aient existé de manière très institutionnalisée ne peut pas être prouvé2. Le
caractère persan, et plus généralement aryen (dans le sens de iranien) du roi, de sa
descendance et de son Dieu (Ahura Mazda, aussi appelé « Dieu des Aryens » sur l'inscription
de Behistun) est régulièrement souligné par les différents rois.

Le règne des achéménides parait avoir été assez libéral, accordant une grande autonomie aux
peuples de l'empire2. L'unification des peuples se fait sur le plan administratif, en dehors de
toute intention d'établir une unité culturelle. Chaque peuple a la possibilité de maintenir ses
coutumes, ses formes d'organisation, sa langue et sa religion ; tant que l'administration reste
sous contrôle perse. Le travail en communauté des nombreux peuples dans les grandes villes
de l'empire (comme à Suse ou à Persépolis lors des grands travaux) a beaucoup joué pour la
tolérance mutuelle et l'assimilation des peuples2.
Gouvernement et centres administratifs

Les ruines des palais des Achéménides, Persépolis.

Le centre administratif de l'empire est le palais royal, où le système administratif est organisé
sur le modèle babylonien. La chancellerie est tenue de manière très précise, à la fois à la cour
et dans les autres autorités administratives. La langue diplomatique et de communication est
l'araméen, qui est ensuite utilisé dans tout l'empire à partir de Darius (voir plus bas). À
l'époque de Cyrus, le siège du gouvernement était situé à Ecbatane. Suse devient la capitale
administrative de l'empire probablement à partir de l'époque de Darius. En fait, les auteurs
grecs précisent que les rois achéménides déplaçaient leur capitale selon la saison : en hiver,
les rois sont à Suse, en été à Ecbatane, en automne à Persépolis et le reste de l'année à
Babylone47. Cependant, Pasargades et Persépolis ne fonctionnent pas vraiment comme des
sièges administratifs, mais plutôt comme des villes d'apparat.

Satrapies]

L’organisation de l’empire en satrapies est présente dès Cyrus. Les autorités locales ayant
subsisté en partie gardent autorité sur leurs domaines, séparés les uns des autres.

La stratégie idéologique développée par Cyrus et Cambyse, reprise ensuite par leur
successeurs, vise en effet à asseoir la domination sur une idéologie faisant appel à la
collaboration avec les structures de pouvoir locales. Les conquérants cherchent ainsi à
apparaître plus comme protégeant les traditions et sanctuaires que comme les bouleversant.
Les élites locales sont ainsi associées à la bonne marche du nouvel empire48.

Les satrapies sont gouvernées par les satrapes, nommés par le roi sans limitation de durée.
Comme le signifie leur titre, les satrapes sont des « protecteurs du royaume » et non des rois
tributaires. Cependant, ils sont directement responsables vis-à-vis du roi en le représentant
dans les provinces. Leurs attributions sont vastes : ils sont responsables de la collecte du tribut
et des taxes, de la justice et de la supervision de l'économie de leur province. Ils ont aussi le
pouvoir de négocier avec les états voisins et de faire la guerre. Les satrapes sont généralement
choisis parmi la noblesse perse et mède, voire parmi des princes royaux. Hystapes, père de
Darius, était satrape de Parthie49, Masistès, frère de Xerxès, était satrape de Bactrie50. Les
satrapes eux-mêmes subissent des inspections de la part des inspecteurs royaux, appelés les
« yeux » ou les « oreilles du roi »51. Ces inspecteurs voyagent dans tout l'empire, accompagnés
de troupes suffisantes en cas d'action immédiate nécessaire. Ils font des visites non annoncées
afin d'inspecter l'administration des satrapes ou d'autres membres de l'administration royale et
rapportent ce qu'ils voient directement au roi. Comparable au pouvoir d’un roi, le pouvoir des
satrapes s’exerce à une échelle plus petite. Cependant, on note qu’au fur et à mesure, certains
satrapes ont fait preuve de désobéissance au pouvoir royal, se comportant comme de
véritables rois. Avec le temps, le pouvoir au sein de l’empire achéménide s'est en effet
déplacé vers les satrapes2.

Réformes de Darius

Poids en bronze en forme de lion, trouvé dans l'acropole de Suse.


conservé au Musée du Louvre

Lors de son règne, Darius réforme l’organisation de l’empire. Il adopte un nouveau mode
d'administration et abandonne le gouvernement local. Les pays doivent alors payer un tribut
(voir plus bas) et obéir à la loi du roi. Seuls les Persans sont exemptés du tribut et ne sont pas
gouvernés par un satrape mais par le roi lui-même52.

Les réformes de Darius permettent de réorganiser l'administration provinciale. En effet, au


début du règne de Darius, la division de l'empire en satrapies est donnée par l'inscription de
Behistun, où 23 pays sont énumérés53 : Perse, Élam, Babylonie, Assyrie, Arabie, Égypte, les
peuples de la mer, Lydie, Ionie, Médie, Arménie, Cappadoce, Parthie, Drangiane, Arie,
Chorasmie, Bactriane, Sogdiane, Gandara, Scythie, Sattagydie, Arachosie et Maka.
Cependant, pendant le règne de Darius, des changements ont eu lieu puisque de nouveau
noms apparaissent : Saggartie, Inde, Thrace, Libye et Carie. Les raisons des modifications des
frontières et des divisions des satrapies sont inconnues. On peut cependant supposer que le
nombre tend à augmenter avec le temps, afin de rendre les satrapies plus petites et donc plus
faciles à contrôler2.

Les autres réalisations du règne de Darius incluent l'unification des poids et mesures, la mise
en place d'une monnaie de l'empire, la construction d'un système légal et la construction d'une
nouvelle capitale à Persépolis, où les états vassaux offrent des tributs annuels à l'occasion de
Norouz, la fête traditionnelle iranienne célébrant l'équinoxe de printemps.

Lois et Justice

Le Cylindre de Cyrus conservé au British Museum.


Livius.
Cyrus II et Darius Ier introduisent chacun nombre de nouvelles lois. Celles-ci, particulièrement
la loi civile, se basent sur la loi persane antique fortement influencée par les celles des autres
royaumes du proche orient antique54. Aucun code de loi n'a malheureusement survécu, en
dehors du cylindre de Cyrus qui de plus n'en est pas vraiment un. Ce document, parfois
considéré comme le premier texte connu traitant des droits de l’homme, décrit une vision
politique altruiste de la société de cette époque55 :

• Le texte établit le consentement des sujets à la souveraineté, et la résolution pacifique


des conflits.
• Il interdit l’esclavage et le travail forcé, reconnaît le droit au salaire, le droit au travail,
et à la propriété.
• Il garantit la liberté de religion et de conversion, de circulation, et le respect des
traditions et coutumes.
• Il introduit le principe de la responsabilité individuelle de la faute.
• Il consacre le respect des droits édictés, la lutte contre l’oppression, et affirme le droit
à la vie.

Inscription de succession du roi Xerxès Ier, découverte à Persépolis.


conservée au Musée national d'Iran.

Si les rois achéménides sont tous des législateurs, Darius se distingue particulièrement par
l’ampleur de sa réforme du système légal. La réorganisation de l’empire suppose en effet
d’importants aménagements des lois, composantes essentielles de l’ordre public. Toutes les
inscriptions laissées par Darius soulignent ainsi son rôle de législateur, et lient la loi du roi à
la loi de dieu56. Le législateur royal accorde cependant une certaine importance aux lois et aux
coutumes locales, comme le montre l'exemple de Darius faisant compiler la loi égyptienne et
lui accordant une validité57. De même, la Bible mentionne les efforts du scribe Esdras pour
codifier la Loi Mosaïque pour la communauté juive qui rentre d'exil. Cette codification est
achevée sous Artaxerxès Ier58.

L'autorité judiciaire est assurée par le roi et par des « juges royaux »59. Ces juges royaux sont
persans, et sont nommés à vie par le roi, dont le principe du pouvoir absolu ne peut donc pas
être remis en cause. Le rôle de ces juges est de donner la justice et d'interpréter les lois
antiques. Hérodote décrit ainsi les principes qu’ils doivent suivre en toute circonstance60 :
examen attentif des faits, puis, examen du crime au regard des actions précédentes de l'accusé
(ce type de jugement est à comparer avec la conception zoroastrienne de jugement après la
mort).

Les Achéménides accordent une grande importance à la justice : les auteurs grecs rapportent
la mise à mort de juges corrompus. Les punitions et condamnations sont cruelles, comme
toutes celles pratiquées au Moyen-Orient à cette époque (Exécution, crucifixion, empalement,
mutilation, bannissement, etc.)61

Économie
Système monétaire

Double sicle de Pharnabaze, satrape à Tarse, en Cilicie. Argent, 380-375 av. J.-C.
conservé au Cabinet des médailles.

Darius Ier semble être le premier roi achéménide à frapper sa monnaie62. Mais la monnaie, en
véhiculant une représentation d'un roi en posture guerrière, a plus une fonction idéologique
qu'économique. Les échanges se font aussi en argent massif63. Darius œuvre par la suite à
imposer l'adoption d'un étalon pondéral dans tout l'état achéménide, qui sert principalement à
assurer l'équité dans les pesées des tributs64. L'unification du système monétaire permet alors
de faciliter le commerce et les activités bancaires65.

Le nouveau standard monétaire est le darique (dareikos en grec), fait d'or très pur (23,25
carats) et pesant environ 8,34 grammes. 3 000 dariques forment un talent, qui est la plus
grosse unité de poids et monétaire. La frappe des pièces d'or est une prérogative du roi. Il
existe aussi des pièces d'argent (pur à 90 %) appelées shekels ou sicles (síglos en grec), pesant
environ 5,56 grammes. Vingt shekels ont la valeur d'un darique. Les pièces d'argent et de
cuivre peuvent être frappées occasionnellement par les satrapes.

La transition vers ce système monétaire est aussi attestée par les tablettes retrouvées à
Persépolis. Durant les premières années du règne de Darius, les salaires sont payés en nature ;
pendant les décennies suivantes, les paiements en monnaie augmentent fortement, de sorte
que le système monétaire est complètement établi à la fin du règne de Xerxès Ier. Cependant,
le commerce avec les autres pays reste plutôt basé sur des échanges en nature, la monnaie
perse joue surtout un rôle dans le commerce avec les provinces grecques.

Cependant, cette réforme du système monétaire ne reste que partielle, car les rois
achéménides préfèrent thésauriser les valeurs dans leurs trésors royaux, de sorte que la
plupart des métaux précieux ne sont jamais transformés en pièces de monnaie.

Impôts et tributs
Lettre de Darius Ier à Gadatas, satrape en Ionie, sur sa gestion d'un paradis (jardin royal)
conservée au musée du Louvre.

Durant le règne de Cyrus et Cambyse, les rois persans recevaient des cadeaux de la part des
pays conquis. À partir du règne de Darius, tous les districts fiscaux (qui correspondent
presque aux satrapies) doivent payer un tribut fixe, dont le montant est défini en poids d'or et
d'argent, additionné de biens en nature selon les ressources économiques du district (bois,
chevaux, grain, etc.). L’apparition de cet impôt s’explique par le fait qu'afin de mener à bien
sa réforme de l’empire, Darius a besoin de doter son administration de financements reposant
sur une nouvelle base économique. Pour cela, il crée et impose un tribut fixe à chaque pays
conquis (à l'exception du Fars, région d'origine des Persans). Il s’agit en effet de lever des
sommes suffisantes permettant de financer les dépenses de l'état et du roi : paiement des
serviteurs et des officiels royaux, financement de travaux publics ou d'apparat (construction
des palaces, des routes et des canaux par exemple)2.

Pour contrebalancer la relative indépendance locale accordée aux provinces via le système des
satrapies, les inspecteurs royaux parcourent l'empire. Appelés les « yeux et les oreilles du
roi », ils lui font parvenir des rapports sur les affaires locales. Des statistiques détaillées sur
les tributs sont données par Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne] III, Thalie.90-95.
Les tributs de chaque district sont calculés avec une grande exactitude, mais ils ne changent
pas. Au fur et à mesure que la situation économique se dégrade, le poids du tribut devient de
plus en plus lourd pour les districts.

Ces tributs semblent constituer la plus importante source de revenus de l'empire. L'or et
l'argent collectés vont rejoindre les trésors royaux (ganza en vieux-persan) de Suse, Ecbatane
ou Persépolis66. L’administration des trésors donne lieu à inventaires et comptabilités,
rapportés sur de très nombreuses tablettes en élamite, dont l’examen permet de reconstituer
l'activité des fonctionnaires des impôts. Des tablettes mentionnent également d’autres sources
de revenus du trésor, constituées par les taxes commerciales et douanières perçues sur les
routes royales ou aux portes des villes. Toutefois, aucun détail n'en est connu aujourd'hui.

Commerce et communications
Le commerce international connaît un fort développement au cours de la période achéménide.
Cela est dû en particulier à l'introduction du système monétaire et d'un système de poids et
mesures unifié qui facilitent les paiements et créent des conditions favorables au
développement des échanges2.

La grande taille de l'empire rend également nécessaire le développement de routes


commerciales : l’administration impériale doit donc faciliter le transport de marchandises sur
les énormes distances qui séparent les différentes parties de l’empire. Darius Ier ordonne la
construction de routes afin de rendre plus rapide le voyage des caravanes commerciales, des
troupes et des inspecteurs du roi. Les vingt satrapies sont alors reliées par un réseau routier
connectant Suse et Babylone avec les capitales provinciales. La partie la plus impressionnante
de ce réseau est la Route Royale, qui s’étend sur plus de 2 500 km entre Suse et Sardes,
construite sur une commande de Darius Ier67. Cette route compte 111 stations (stathmoi), et des
relais de courriers à cheval permettent d'atteindre les territoires les plus reculés en quinze
jours. Ces routes étaient surveillées par des patrouilles, comme le racontent les auteurs grecs.

De plus, le commerce par voie d’eau est également facilité par le percement du canal de Suez
antique, qui relie la Méditerranée à la mer Rouge. Prévu par le pharaon Nékao II, ce canal est
en fait achevé par Darius Ier68.

Outre la consolidation des routes commerciales de l’empire, de nouvelles voies commerciales


sont prospectées : Darius finance également des expéditions comme celle de Scylax de
Caryanda, qui découvre les bouches de l'Indus en suivant la route côtière depuis le golfe
Persique69. Le Périple de Scylax de Caryanda constitue le premier élément d'information sur
l'Inde connu en occident.

Agriculture et irrigation

Entrée d'un Qanat à Kashan, province d'Isfahan

L’époque achéménide apporte d’importants changements à l’agriculture, un des piliers de la


vie économique de l'empire. L'amélioration de l'irrigation est notable, notamment dans les
régions qui disposent de peu d'eau : Égypte, Babylonie, Iran, Asie centrale. Le système
d'irrigation appelé qanat, qui fournit encore de l'eau en Iran et en Afghanistan aujourd'hui, se
développe en effet à cette époque2. C'est le roi lui-même qui fait construire ces canaux
souterrains d'irrigation, et qui les loue ou en donne l'usufruit pendant cinq générations à la
famille qui participe à sa construction70.

Les propriétaires agricoles les plus importants sont le roi, les familles nobles (iraniennes pour
la plupart), les temples et les grands entrepreneurs2. Ces grands domaines qui donneront par la
suite naissance aux jardins persans, se composent de terres agricoles cultivées71, et de réserves
de chasse ou botaniques que les Grecs appelaient paradeisoi (qui a donné le mot paradis).

La situation économique, très variable d’une province à l’autre, décline cependant à partir du
IVe siècle av. J.-C. : les taxes deviennent de plus en plus lourdes et pèsent sur l'économie
locale qui pâtit également du stockage de l'or et de l'argent versés aux mercenaires.
L'administration royale échoue à maintenir des conditions économiques satisfaisantes dans
l’empire.

Armée
.

Lancier, détail de la frise des archers du palais de Darius à Suse. Briques siliceuses à glaçure, vers
510 av. J.-C. conservé au Musée du Louvre

À l'époque de Cyrus Ier, tous les hommes persans devaient se battre pour le roi. Outre son
importance stratégique militaire, l’armée impériale joue également un rôle politique
important, assurant le maintien de l'union politique de tous les territoires réunis sous la
direction des Achéménides2. Son élite est constituée par le corps des 10 000 Immortels72, dont
sont issus les gardes des palais royaux. Le chef de cette unité (appelé hazāparati), en tant que
« second du roi »73, assurait également le commandement de toute l'armée impériale. L'armée
de terre était divisée entre des fantassins et des cavaliers, tous recrutés parmi la noblesse.
Dans les inscriptions, cette armée est appelée kāra.

L'armée possédait des garnisons permanentes dans tout l'empire, commandées par des
officiers persans. Les garnisons étaient placées à des points stratégiques : Les forts situés sur
le grandes routes de l'empire, aux frontières ou même dans des colonies militaires (Comme à
Éléphantine à la frontière égypto-nubienne). Ces garnisons étaient composées d'éléments
persans, mèdes, grecs, chorasmiens, et plus particulièrement de juifs74.
Les satrapes sont chargés de l’approvisionnement, de l’entretien et du financement de ces
forces armées stationnées sur leur domaine administratif, ils ne sont en revanche, pas en
charge de leur commandement militaire. Celui-ci est en effet assuré par une hiérarchie
distincte et soumise à l’autorité royale75.

En temps de paix, l’armée est essentiellement composée de persans76 et de mèdes.

En temps de guerre, cette armée de métier était supplée par des troupes levées parmi les
différentes peuples de l'empire77. Cette armée « de réserve » était alors divisée en unités
nationales et équipées selon leurs coutumes nationales2. Si l’on en croit les écrits d’Hérodote
décrivant les revues de son armée menées par Xerxès Ier en Thrace ou à proximité de
l’Hellespont, l’armée impériale est en effet très hétérogène et bigarrée. Très importante (7
jours et 7 nuits sans interruption lui sont nécessaires pour franchir un pont), elle se compose
alors de 67 contingents ethniques issus des différents peuples de l’empire. Ces contingents
commandés par des perses de haute lignée se répartissent en 3 catégories : infanterie,
cavalerie, et marine78. Infanterie et cavalerie comportaient chacune des contingents d’archers79.

Les tenues et équipements des soldats des contingents décrits par Hérodote sont extrêmement
hétéroclites, fonction du peuple considéré. Ils rendent compte d’une importante diversité78 :

• Vêtements de peaux (éthiopiens, outiens, myques, paricaniens), enduits corporels de


plâtre ou vermillon (éthiopiens), coiffes de renard et bottes en peaux de faon
(thraces) ;

• Boucliers d’osier (perses) ou de peau (paphlagoniens, éthiopiens), casques de bois


(colchidiens) ou de bronze (assyriens) ;

• Masses de bois garnies de clous (assyriens), haches (saces), pointes de flèches en


pierre taillée et piques en corne de gazelle taillée en guise de fer de lance (éthiopiens),
cordages lancés pour immobiliser les jambes de l’adversaire et poignards (sagartiens) ;

• Cavaliers montant chameaux (arabes) ou chevaux, chars attelant des chevaux ou des
ânes ;

Cette hétérogénéité des troupes, de leurs armements et équipements, et de leurs techniques de


combat, pose naturellement la question de l’efficacité du commandement et de la difficulté de
coordination des manœuvres au combat. Quinte Curce souligne même que la diversité est telle
que le roi ne connaissait pas tous les peuples composant son armée, et que les peuples
ignoraient qui étaient leurs alliés. Pour Briant, si cette diversité a pu être avancée en premier
lieu pour expliquer les défaites perses contre les grecs et les macédoniens, elle ne tient pas
compte du fait que les contingents décrits par Hérodote n’ont en fait jamais participé aux
combats, qui impliquaient surtout des troupes d’élites essentiellement issues du plateau
iranien. Les combattants engagés aux Thermopyles étaient ainsi perses, kissiens, et gardes
immortels ; ceux engagés à Platées étaient perses, mèdes, bactriens, indiens, saces, et
mycales78.

Briant observe que les revues d’armées par Xerxès, s’inscrivaient plutôt dans un cadre
cérémonieux : le roi prenant acte de sa puissance au travers de la présentation de son armée.
L’objectif n’y était pas de compter les forces militaires disponibles, mais pour le roi de
prendre connaissance de la diversité de son empire et de stimuler le moral de ses troupes.
Partant de l’interprétation de Quinte Curce, il établit donc une distinction entre ces troupes de
parades mises en scènes afin de représenter l’espace impérial jusque dans ses peuples les plus
marginaux, et les troupes combattantes en majorité iraniennes et sélectionnées78. À la fin de
l'époque achéménide, les soldats persans ont de plus en plus été remplacés par des
mercenaires grecs.

Culture

Inscription de Behistun, Colomne 1 (DB I 1-15), relevée par Fr. Spiegel, en 1881.

Langue]

La langue administrative de l'empire est l'araméen, qui sert également à la communication


interrégionale. Cependant, d'autres langues ont une utilisation plus limitée dans l'espace et
dans le temps. Le néo-élamite est ainsi la langue officielle de la cour dans le Fars, comme
l'attestent les tablettes trouvées à Persépolis (datées entre 509 et 458)80. D'autres langues ont
une utilisation locale, comme l'égyptien, le grec, le lydien ou le lycien.

L'élamite et le néo-babylonien sont employés dans les inscriptions royales, comme le vieux-
persan, qui est une langue dont l'écriture est inventée à l'époque de Darius Ier. Ce dernier
l'utilise surtout à des fins représentatives, comme c'est le cas sur l'inscription de Behistun.

La vie durant l'époque achéménide

Reconstruction du toit de l'Apadana à Persépolis.


Vie à la cour royale

La cour royale semble être le lieu par excellence du pouvoir dans l'empire achéménide : c'est
là que vit le roi, avec sa famille et ses familiers. C'est également là que les nobles doivent
résider, que sont prises les décisions administratives et stratégiques, que les satrapes sont
convoqués ou reçus. Cependant, les documents portant sur la vie de la cour sont rares et
inégalement distribués81.

Le Roi achéménide se déplace périodiquement entre les différentes résidences royales


(Persépolis, Suse, Ecbatane, etc.), accompagné de la cour et de ses différents services. Lors
des voyages, le souverain loge dans une tente très luxueuse dressée au milieu du camp et
pourvue de signes distinctifs82. Briant admet que ces tentes pouvaient être des répliques des
palais de Suse et de Persépolis. La vie à la cour royale semble réglée par des règles d'étiquette
aulique très strictes83. Le Roi est entouré de hauts officiers de cour, chargés de s'occuper de
différentes affaires (Trésor Royal, chancellerie), et qui lui rendent compte directement. Un
personnel nombreux est également chargé du service des audiences. En effet, les solliciteurs
et suppliants se présentent à la porte du roi. Ces visiteurs transmettent leur messages à des
gardiens ou à des porteurs de message, et ne sont reçus devant le roi que sur convocation84.
Toute personne s'approchant du roi sans avoir été convoquée est condamnée à mort85.

Le roi prend généralement ses repas seul, par souci de sécurité. Lors des banquets, la place
des convives est soigneusement choisie, à la fois pour témoigner des faveurs du roi et pour
assurer sa sécurité. Les auteurs grecs sont tous frappés par le luxe et l'apparat des banquets de
cour. Les vivres et aliments du roi sont transportés à part, comme ceux des Immortels86. Les
empoisonnements sont courants au sein de la cour ; le Roi emmène donc partout avec lui de
l'eau du Choaspes, la rivière qui coule à Suse. L'eau est bouillie et transportée dans des vases
d'argent87. De même, la fonction d'échanson est très importante à la cour ; le Roi boit un vin
qui lui est réservé, et l'échanson fait également office de goûteur88.

Ces mesures ne servent pas seulement à souligner la place particulière du roi, elles semblent
aussi être destinées à préserver sa santé89. Les médecins tiennent donc également une place
importante dans l'entourage royal. Proches du roi comme les échansons, il leur est facile
d'empoisonner le monarque. Ces fonctions se destinent donc à des personnes de confiance.
Les médecins royaux sont principalement grecs et égyptiens.

Parmi le personnel de la cour se trouvent également les eunuques, divisés en deux catégories :
ceux faisant partie de l'entourage proche du roi, et les autres, domestiques. Le service du roi et
des princesses royales exige une nombreuse domesticité d'eunuques. Leur rôle est de veiller
sur la chambre du roi et des princesses90. Ils sont généralement originaires de pays soumis, et
leur statut est proche de celui d'esclaves, même si leur intimité avec le roi leur confère un
statut particulier91.

Sceau-cylindre représentant une scène érotique. Marbre jaune, VI-IVe siècles av. J.-C.
Provenance : Suse. conservé au Musée du Louvre

De nombreux auteurs anciens nous apprennent que le Roi, et d'autres personnes, pratiquent la
polygamie et ont de nombreuses concubines92. Les princesses royales, et toutes les femmes en
général, disposent d'appartements particuliers. Des concubines résident dans une « maison des
femmes » après avoir passé une nuit avec le Grand Roi93, et restent auprès de lui. Les
princesses royales disposent d'une plus grande autonomie et voyagent, comme l'attestent les
tablettes de Persépolis. Elles gèrent également leurs terres, leurs domestiques, voire leurs
ateliers94.

La chasse est sûrement le loisir favori des rois. Elle présente en effet l'avantage de constituer
une très bonne préparation physique pour le jeune noble, et un évènement au cours duquel il
peut montrer son courage, son habileté et sa puissance (le premier trait lui est réservé). La
chasse est pratiquée dans les pairidaeza, parcs clôturés de grande étendue: le mot signifiant en
effet « ayant une clôture de tous les côtés ». Ces jardins sont à la fois des lieux de détente et
d'agrément, aménagés par des horticulteurs, et d'immenses réserves de chasse95. Les
techniques de chasse sont variées : à pied, à cheval, en char ; utilisant l'épée, l'arc, le javelot,
ou le filet. Une lettre adressée par darius à Gadatas, qui transplante des fruits entre l'Euphrate
et les côtes asiatiques, fait état de l'intérêt du grand roi pour l'horticulture.

Vie hors de la cour royale

Compte tenu de la nature des documents de l'époque, le quotidien des sujets de l'empire est
encore moins bien connu que celui des gens de cour : si les plans des palais royaux sont bien
connus, ceux des maisons particulières de l'époque ne l'est pas en dehors de celles de la
Babylone achéménide. Les murs sont constitués de briques d'argile crues ajustées avec un
mortier d'argile et de paille. L'isolement des parties murales basses est réalisé avec du bitume.
Les maisons achéménides semblent être construites autour d'une cour donnant sur un
portique, peut-être à une ou deux étages95. Concernant le mobilier, la qualité et le caractère
précieux des meubles, tapis et autres objets précieux perses sont très réputés.

Amulette-pendentif à la tête de lion. Faïence, œuvre achéménide, fin du VIe-IVe siècle av. J.-
C. conservé au Musée du Louvre

Les tenues vestimentaires sont surtout connues au travers des nombreuses représentations de
sujets sur des œuvres d'art de l'époque achéménide. Les Perses portent alors des longues robes
plissées, avec ou sans manches, soutenues par une ceinture, en guise de survêtement. Ils
connaissent également les sous-vêtements (sous la forme d'un pantalon de cuir ou d'étoffe
fine), qu'ils portent surtout pour monter à cheval. Les chaussures sont de deux types : des
souliers plats fermés avec 3 ou 4 lacets, ou des bottes. Les couvre-chefs sont de formes et
matériaux variés : allant du simple serre-tête à la casquette sphérique, au chapeau à cannelures
ou aux feutres et bonnets. La couleur des vêtements sert à distinguer les classes sociales tout
au long de l'époque achéménide. Le rouge est la couleur des guerriers, le blanc, celle des
prêtres et le bleu celle des paysans. Le roi porte des vêtements dans toutes ces couleurs pour
montrer son autorité sur les trois classes sociales. Ce sont les reliefs de Persépolis qui
indiquent ces renseignements sur l'habillement des hommes95.

Les diverses sources connues donnent très peu d'informations sur l'éducation des jeunes.
Même si l'éducation est en principe ouverte à tous les Perses, les enfants de paysans restent
très largement illettrés. D'après les textes connus, il semble que l'éducation des jeunes nobles
achéménides commence dès l'âge de cinq ans, et dure de dix à vingt ans selon les sources.
Strabon dit que les jeunes s'exercent à la gymnastique, sont entraînés à la chasse à l'arc, à la
lance et à la fronde, et apprennent à planter des arbres, à cueillir des plantes et à fabriquer des
vêtements et des filets. Xénophon signale que leur éducation comprend aussi une partie
destinée à développer leur sens de la justice, leur obéissance, leur endurance et leur maîtrise
de soi95.

Religion

C'est durant la période achéménide que le zoroastrianisme atteint le sud-ouest de l'Iran, où il


est adopté par les souverains, devenant à travers eux un élément déterminant de la culture
persane.

Sous le patronage des rois achéménides, vers le Ve siècle av. J.-C., le zoroastrisme devient de
fait la religion de l’État et atteint les limites de l'empire. Dans le même temps, la religion est
sujette à un fort syncrétisme, en particulier avec les religions de la Mésopotamie, dont les
divinités prennent un aspect astral et planétaire.

Au milieu du Ve siècle av. J.-C., c'est-à-dire pendant le règne de Artaxerxès Ier et Darius II,
Hérodote écrit : « les Perses n'ont pas d'images de Dieu, pas de temples ni d'autels, et
considèrent leur utilisation comme une folie. Cela vient, je pense, du fait qu'ils ne croient pas
que les dieux ont la même nature que les hommes, comme les Grecs l'imaginent. » Affirmant
également que les persans offrent des sacrifices « au soleil et à la lune, à la terre, au feu, à
l'eau et aux vents », il donne également des précisions : « Ce sont les seuls dieux dont
l'adoration trouve son origine dans les temps passés. Plus tard, ils ont commencé à adorer
Urania, qu'ils ont emprunté aux arabes et aux assyriens. Mylitta est le nom sous lequel les
Assyriens connaissaient cette déesse, que les arabes appellent Alitta et les persans Anahita. »
En fait, il s’agirait plutôt de Mithra, depuis longtemps confondue avec Anahita. Les deux
déesses sont en effet couramment adorées dans les mêmes temples. Concernant les sacrifices,
Hérodote ajoute « ils n'élevaient pas d'autels, n'allumaient pas de feu, ne versaient pas de
libations. » On peut noter que cette phrase est souvent interprétée à tort comme faisant
référence à des pratiques zoroastriennes : l’érection d’autels et l’utilisation rituelle du feu,
ainsi que le service du Yasna, correspondent à des pratiques zoroastriennes modernes, n’étant
pas encore développées à cette époque.
Pendentif achéménide représentant le dieu égyptien Bès maîtrisant deux chèvres. Or, fin du
VIe-IVe siècles av. J.-C. Provenance : Syrie. conservé au Musée du Louvre

Confirmant les écrits d’Hérodote, l’utilisation de représentations matérielles divines par les
perses semble débuter avec l’érection de statues par Artaxerxès II. Le prêtre-savant
babylonien Bérose rapporte en effet qu’Artaxerxès est le premier à rendre hommage aux
statues de divinités et qu'il en a placé dans les temples des villes principales de l'empire96.

Hérodote observe aussi qu’aucune prière ou offrande ne peut être faite sans la présence d'un
mage. Traditionnellement responsables des rituels et services religieux, les mages ne sont pas
associés à une religion particulière. En outre, leur fonction de prêtre se transmet par hérédité.

Le règne de Darius Ier voit la religion devenir particulièrement liée à l’idéologie monarchique.
Les multiples témoignages laissés par Darius puis son fils Xerxès Ier sur les inscriptions et
reliefs royaux de Behistun, Persépolis, ou Suse, attestent d’un souci constant de légitimer le
pouvoir royal et la succession de Darius par la volonté d’Ahura Mazda. Persépolis exprime
ainsi l’image d’un pouvoir royal souverain et illimité, le roi assurant l’unité du monde par ses
vertus conférées par la protection d’Ahuramazda97.

Le dieu, alors invoqué comme étant le plus grand, représente la source du pouvoir et du
rayonnement royal98. Un des reliefs du palais des 100 colonnes de Persépolis décrit ainsi
l’ordre des choses, montrant de haut en bas : Ahura Mazda, le roi sur son trône, puis plusieurs
rangs de soldats le soutenant. Le message délivré par ce relief est clair : le roi tient son
pouvoir d’Ahura Mazda qui le protège, et commande l’armée qui porte son pouvoir99.

Art
L'art achéménide est un art de dignification, servant à l'échelle de l'empire à glorifier la
dynastie régnante2. L'extension de l'empire achéménide permet un développement de l'art à sa
mesure. L'apogée de l'art achéménide culmine au moment où le pouvoir persan est également
à son apogée, notamment grâce aux tributs récoltés dans tout l'empire.

Architecture et urbanisme

Colonne de l'Apadana, par Eugène Flandin, 1840.


Une des caractéristiques de l’empire achéménide est l’érection dès le règne de Cyrus le Grand
de constructions monumentales palatines en totale rupture avec l’absence de telles
constructions au cours des périodes antérieures. En effet, les Perses ne possédaient pas à
l’origine de bagage architectural propre : il s’agissait en effet d’un peuple semi-nomade de
pasteurs et cavaliers100. Ils font donc appel au savoir-faire d’ouvriers, artisans et architectes
provenant de toutes les nations de l’empire, intègrent ces influences et proposent rapidement
un art original dont le style est marqué par la combinaison d’éléments issus des civilisations
assujetties. Il ne s’agit pas d’une hybridation, mais plutôt d’une fusion des styles qui en créent
un nouveau. L’architecture perse est utilitaire, rituelle, et emblématique101. Présent au moyen
orient avant les Perses, le principe d’espaces internes créés par des supports et plafonds en
bois évolue, la salle hypostyle devient l’élément central du palais. L'apport des techniques
grecques permet à l'architecture perse d'aboutir à des constructions différentes où l’espace a
des fonctions différentes : le dégagement de vastes espaces au moyen de colonnes hautes et
fines constitue une révolution architecturale propre à la Perse. Les salles hypostyles y sont
destinées aux foules et plus seulement aux prêtres comme en Grèce ou en Égypte102. Du fait de
l’inclusion de l’Ionie dans les satrapies de l’empire, l’architecture perse achéménide est
marquée par une forte influence grecque ionienne, particulièrement visible dans les salles
hypostyles et les portiques des palais de Persépolis103. Des architectes lydiens et ioniens sont
en effet engagés sur les chantiers de Pasargades, puis plus tard sur ceux de Persépolis, et Suse.
Ils en réalisent les principaux éléments, et on trouve ainsi des graffitis en grec dans les
carrières proches de Persépolis, mentionnant les noms de chefs carriers. Ils jouent un rôle
majeur dans l’éclosion du style perse, autant dans l’appareil que dans la maçonnerie. La
participation de Grecs à l’érection de colonnes et à l’ornement de palais en Perse est
également mentionnée par la charte de Suse, ainsi que par Pline l'Ancien104,105. Les palais
achéménides portent également les marques d’influences mésopotamiennes (en particulier
dans la formule palatine associant deux palais, l’un pour l’audience publique et l’autre pour
l’audience privée), babylonienne (reliefs émaillés et polychromes), assyriennes (orthostates
ornés de bas reliefs, hommes-taureaux ailés des portes), égyptiennes (gorges des corniches
surplombant les portes, portiques)101,106.

C'est Cyrus qui, le premier, utilise l'architecture et l'urbanisme pour exprimer la diversité
culturelle de l'empire et affirmer la force du pouvoir central. Pasargades est conçue par le roi
et ses conseillers, et les travaux sont réalisés par des artisans lydiens et mésopotamiens, dont
la présence est attestée par des tablettes107. Les emprunts stylistiques aux régions anatoliennes,
assyro-babyloniennes voire phéniciennes et égyptiennes sont nombreux à Pasargades. Le
résultat n'est cependant pas une juxtaposition de styles hétérogènes mais bien un nouvel
ensemble qui s'inscrit dans un programme impérial et dynastique107.

Pasargades marque donc une première étape dans le développement du style architectural et
urbanistique perse : située dans une plaine au sein d’un vaste parc irrigué et dominé par une
forteresse, sa structure couvre environ 10 hectares et est organisée selon un plan orthogonal
mais pas encore symétrique. Des pavillons carrés ornés de colonnades en façade forment les
accès aux différentes zones de l’ensemble qui comprend également deux palais hypostyles
asymétriques. L’un flanqué latéralement de 2 grands portiques de longueur inégale revêt ainsi
une forme de « H » ; l’autre, véritable ébauche stylistique, annonce les futurs apadana de
Suse et Persépolis. Ses ailes asymétriques ainsi que la présence de renfoncements latéraux
sont révélateurs de recherches et tâtonnements architecturaux encore inaboutis108.

Afin de marquer son avènement au pouvoir, et d’assurer sa légitimité au trône, Darius le


Grand lance par la suite un gigantesque programme de construction, de transformation et
d'embellissement à Pasargades, puis à Suse, et surtout à Persépolis. Il mène ensuite plus avant
ce travail d'urbanisation en créant Naghsh-e Rostam et entreprend des travaux à Babylone, et
Ecbatane. Les inscriptions et les dépôts de fondation indiquent clairement que Darius veut
montrer l'image de son pouvoir souverain et illimité109. Ce programme monumental sera
ensuite repris par ses successeurs : Persépolis reste ainsi en construction jusqu'à la chute de
l'empire Perse.

Le style architectural perse est alors à son apogée. Le plan de Persépolis est ainsi rationalisé et
équilibré : le plan carré est systématisé, les espaces hypostyles sont généralisés. Les colonnes
sont strictement arrangées, y compris dans les annexes des palais. Autre innovation majeure :
les transitions des portiques aux côtés latéraux sont assurées par des tours d'angle à l'Apadana.
Des grandes portes et différents passages distribuent la circulation vers les bâtiments
majeurs110.

Statue de Darius Ier construite sur ses ordres afin d'être placée à Héliopolis pour montrer que
« le persan a pris l'Égypte ». Elle a ensuite été ramenée à Suse par Xerxès Ier après avoir brisé
une révolte en Égypte.
conservée au Musée national d'Iran

Les artisans qui ont travaillé sur ces chantiers devaient suivre à la lettre les consignées
données par les conseillers du roi. Les emprunts aux arts antérieurs de la région sont alors
fondus en un art royal qui suit un programme précis : montrer la domination du Grand Roi sur
les peuples conquis (comme le montrent les proclamations écrites ou représentations figurées
de Suse, Persépolis et Naghsh-e Rostam par exemple) ; mais aussi montrer que le Grand Roi
assure l'unité du monde tout en soulignant sa diversité ethnique et culturelle sous la protection
d'Ahura Mazda109.

Tous les palais achéménides avaient systématiquement des murs en brique crue, ce qui peut
paraître surprenant dans une région où la pierre de construction est disponible en quantité.
C'est en fait une caractéristique commune à tous les peuples de l'Orient, qui ont réservé les
murs de pierre aux temples et aux murailles. Aucun mur de Persépolis n'a donc survécu, les
éléments encore dressés sont les chambranles des portes et les colonnes de pierre110.

Sculpture

Le forme la plus connue et la plus répandue de sculpture achéménide est le bas-relief,


particulièrement à Persépolis, où les bas-reliefs décorent systématiquement les escaliers, les
côtés des plateformes des palais et l'intérieur des baies. On suppose également qu'ils étaient
utilisés dans la décoration des salles hypostyles. On peut y voir des inspirations égyptiennes et
assyriennes, voire grecques pour la finesse de l'exécution. On y rencontre la plupart des
stéréotypes des représentations orientales antiques : tous les personnages sont représentés de
profil ; si la perspective est parfois présente, les différents plans sont généralement rendus l'un
sous l'autre ; les proportions entre les personnages, les animaux et les arbres ne sont pas
respectées ; le principe d'isocéphalie est strictement appliqué, y compris sur différentes
marches d'escalier. Les sujets représentés sont des défilés de représentants des peuples de
l'empire, de nobles perses et de gardes, des scènes d'audience, des représentations royales et
des combats entre un héros royal et des animaux réels ou imaginaires. Ces bas-reliefs sont
remarquables pour leur qualité d'exécution, chaque détail y est rendu avec une grande
finesse110.

Statue d'un chien, provenant de la tour sud-est de l'Apadana, Musée national de Téhéran.

On connaît très peu de sculpture achéménide en ronde-bosse ; celle de Darius, retrouvée à


Suse est la plus connue (voir ci-contre). Il ne s'agit cependant pas d'un exemple unique ; par
exemple, Plutarque mentionne qu'à Persépolis se trouvait une grande statue de Xerxès Ier111.

Cependant, de nombreux éléments de décoration peuvent être considérés comme de la ronde-


bosse. Elle est surtout utilisée pour des représentations d'animaux réels ou mythologiques,
souvent inclus comme éléments architecturaux dans les portes et les chapiteaux. Ce sont
essentiellement des taureaux qui sont représentés comme gardiens des portes, ainsi qu'au
portique de la salle des Cent Colonnes. Les chapiteaux de colonne se terminent par des
impostes de protomes animaliers : taureaux, lions, griffons… Les animaux sont très stylisés,
sans aucune variation110. Quelques statues entièrement en ronde-bosse ont également été
retrouvées, telle celle représentant un chien, qui décorait une tour d'angle de l'Apadana.

Polychromie

Sphinx du palais de Darius à Suse. Briques siliceuses à glaçure, vers 510 av. J.-C. conservé au Musée du
Louvre

Contrairement à Persépolis, les palais de Suse ne présentent pas de bas reliefs taillés dans la
pierre. La décoration y est assurée par des ensembles en brique émaillée réalisant de vastes
panneaux de céramique polychrome d’inspiration mésopotamienne. Y sont déclinées des
figures animales (lions, taureaux, griffons) et des représentations de Mélophores comme
celles des reliefs persépolitains. La polychromie joue donc un rôle considérable dans l’art
représentatif achéménide, transfigurant les personnages et figures représentés, donnant aux
palais un éclat coloré112.

Nonobstant la découverte de céramiques polychromes de Suse, l’utilisation de peintures


colorées à Persépolis a souvent été mésestimée du fait des nombreuses altérations que
subissent les pigments au cours du temps. La mise en évidence de multiples couleurs sur de
nombreuses pièces issues de la plupart des palais et bâtiments persépolitains atteste de la
richesse et de l’omniprésence de peintures polychromes à Persépolis. Il ne s’agit pas
seulement de preuves reposant sur des traces pigmentaires persistant sur des objets, mais de
preuves consistantes comme des agglomérats de peintures formant des grumeaux, de couleurs
ayant pris en masse dans des bols retrouvés en de multiples endroits du site. Ces couleurs
étaient utilisées non seulement sur les éléments architecturaux (murs, reliefs, colonnes, portes,
sols, escaliers, statues), mais aussi sur les tissus et autres décorations. Briques vernissées,
revêtement de sols en chaux colorée à l’ocre rouge ou gypseux vert-gris, colonnes peintes et
autres tentures paraient ainsi les intérieurs et extérieurs des palais. La grande palette des
couleurs retrouvées donne en effet une idée de la richesse polychromique présente à
l’origine : noir (asphalte), rouge (verre rouge opaque, vermillon, hématite de l’ocre rouge),
vert, bleu égyptien, blanc, jaune (ocre ou doré). L’utilisation de pigments végétaux est
évoquée, mais n’est à ce jour pas démontrée113.

Orfèvrerie de Cour
Anse de vase en forme de bouquetin ailé. Argent partiellement doré, IVe siècle av. J.-C..

L’orfèvrerie est un domaine capital du tribut imposé aux nations assujetties par les souverains
perses. Les reliefs des tributaires ainsi que les tablettes de Persépolis mettent en évidence
l’importance du drainage d’œuvres d’art par les perses au travers de toutes leurs
possessions114.

Les multiples découvertes de nombreuses pièces de vaisselle en métaux précieux (or,


électrum, argent) datant de l’époque achéménide témoignent de l’importance d’un art
d’apparat au service de banquets somptuaires lors de fêtes cultuelles. Directs héritiers de l’art
métallurgique de Marlik ou d’orfèvres grecs, des rhytons d’or et d’argent sont remarquables
par leur maturité esthétique et leur perfection technologique. De même, amphores d’argent,
coupes, et plats à goderons, vases, bijoux, parures, armes d’apparat, mêlent classicisme et
syncrétisme. À l’instar des autres domaines artistiques perses, l’orfèvrerie intègre donc des
influences et savoir-faire multiples provenant de tout l’empire, qu’elle combine en un
nouveau style royal perse propre et original114.

Si le travail de l’or était déjà développé sur le territoire correspondant à l’empire Perse à
Hasanlu, en Amlach, ou dans l’Urartu, la similitude entre certaines pièces d’orfèvrerie
achéménide et d’autres provenant de Marlik est telle qu’elles semblent sortir des mêmes
ateliers, bien que réalisées parfois à quelques décennies voire siècles d’écart. Certaines
analogies stylistiques et de thèmes se rencontrent en Anatolie, en Grèce, en Perse, et jusqu’en
Thrace, et témoignent de l’importance des diffusions de style au travers de tout l’empire au
travers notamment de migrations tribales Scythes114.

Bilan du règne des Perses dans le Proche-Orient ancien


Dans l'histoire du Proche-Orient ancien, l'empire Achéménide a une place particulière. C'est
sous le règne de Achéménides qu'ont été réunis des royaumes auparavant concurrents dans
une même formation étatique qui s'étendait entre l'Indus et la mer Égée. Les royaumes
précédents ont effectivement disparu, remplacés par l'organisation administrative de l'empire ;
empire qui a d'ailleurs conservé les différentes traditions des empires conquis et les a refondés
en un nouvel ensemble en y introduisant une idéologie nouvelle comme le montrent
notamment l'art achéménide ou certaines traditions administratives. Les éléments proprement
iraniens sont prépondérants dans celles-ci. C'est vraisemblablement à travers l'appui que
trouvaient les Rois sur la noblesse Perse que les Grands Rois Achéménides ont réussi à
assurer leur pouvoir aussi longtemps115.

Cependant, l'extrême diversité des peuples qui composent l'empire rend difficile toute vision
précise de la nature exacte de l'emprise du pouvoir royal sur les différentes nations de
l'empire. Mais sa structure rendait peut-être difficile sa transformation en État-nation. Cette
faiblesse permet aux macédoniens de faire aboutir leurs attaques sur l'empire perse. Alexandre
reprend à son compte une partie du modèle achéménide et se pose en successeur de Darius III,
ce qui lui attire l'opposition de la noblesse macédonienne, qui n'arrive pas à organiser la
succession d'Alexandre après son expédition en Inde115.

La création des grands royaumes séleucides et hellénistiques qui a suivi dans la région est en
partie intervenue dans la continuité des pratiques achéménides. Certains rois des pays
helléniques et balkaniques reprennent même à leur compte des pratiques sociales des Perses
pour créer une communauté de culture avec les nobles du pays conquis115.

Notes et références

1. ↑ Briant, p.17
2. ↑ a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m (en) R. Schmitt, « Achaemenid Dynasty [archive] », in Encyclopædia Iranica en
ligne [archive], (consulté le 2/11/2006)
3. ↑ a et b Briant, p.28
4. ↑ E. F. Weidner, Die älteste Nachricht über das persische Königshaus, Archiv für Orientforschung 7,
1931-32, pp. 1-7
5. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] I, Clio. 127
6. ↑ (en) David Stronach, Darius at Pasargadae: A Neglected Source for the History of Early Persia,
Topoi, 1997, p. 37-40
7. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] I, Clio. 129
8. ↑ Briant, p.43
9. ↑ Briant, p.46
10. ↑ Briant, p. 64
11. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] I, Clio. 30-38
12. ↑ Briant, p. 109
13. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] III, Thalie. 68
14. ↑ Briant, p.156
15. ↑ Briant, p.558
16. ↑ L'inscription des daivā (Xph §3) répertorie toujours les Ioniens qui vivent près de la mer, les Ioniens
qui vivent au-delà de la mer et les habitants de Skudra.
17. ↑ Briant, p.582-583
18. ↑ Briant, p.588
19. ↑ Tablettes des fortifications des Persépolis, PT 76-77
20. ↑ PT 79
21. ↑ Briant, p.590
22. ↑ Diodore XI, 71.3-6
23. ↑ Briant, p.592
24. ↑ Briant p.605
25. ↑ Briant, p.607
26. ↑ Briant, p.610-61
27. ↑ Parmi lesquels Xénophon, qui évoquera le sort de ces mercenaires dans l'Anabase
28. ↑ Briant p.640-650
29. ↑ Briant, p. 653-664
30. ↑ Briant, p.668
31. ↑ Briant précise, p.671, que la date est donnée par Isocrate dans son Panégyrique, seule source
disponible faisant allusion à l'opération contre les égyptiens.
32. ↑ Briant, p.692-694
33. ↑ Plutarque, §26.4-5
34. ↑ Briant, p.699-700
35. ↑ Briant, p.701-709
36. ↑ Olmstead, 1948. p. 489
37. ↑ voir Élien, VH XII, 43 ou Plutarque, Moralia 326e, 337e, 340b
38. ↑ voir Diodore, XVII, 6.1-3 ou Justin X.3
39. ↑ Briant, p.799-800
40. ↑ Briant, p.800-820
41. ↑ a, b et c Briant, p.884-891
42. ↑ vieux-persan : dahyāva
43. ↑ d'après le nom des gouverneurs, les satrapes. En vieux-persan : xšaçapāvan, qui signifie « protecteur
du royaume ».
44. ↑ Geo Widengren, Der Feudalismus im alten Iran, Köln and Opladen, 1969
45. ↑ vieux-persan : bandaka DB I.21ff., IV.65-67
46. ↑ DB I.21ff., IV.65-67
47. ↑ Xénophon, Cyropédie 8.6.22, Xénophon, Anabase 3.5.l5
48. ↑ Briant, p.91
49. ↑ DB II.93ff.
50. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] IX, Calliope. .113.2
51. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] I, Clio. 114.2, Xénophon, Cyropédie 8.2.10-12,
6.16
52. ↑ DB I.19ff., I.22ff., 23ff.
53. ↑ DB I.14-7
54. ↑ Olmstead, p. 122ff
55. ↑ (en) Shapour Suren-Pahlav Cyrus Charter of Human Rights [archive] Iran Chamber (consulté le 10
octobre 2006)
56. ↑ Voir inscriptions de Darius [DB I.22ff.] et de Xerxès [XPh 49f., 51-53]
57. ↑ Diodore 1.95.4
58. ↑ Livre d'Esdras 7:11-26 ; Néhémie 8:1
59. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] III, Thalie.31.2-3
60. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] VII, Polymnie. 194.1-2
61. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] V, Terpsichore. 25.1 et Histoires [détail des éditions]
[lire en ligne [archive]] VII, Polymnie. 194.1-2. Voir aussi les inscriptions DB II.73-76, 88-91 qui traitent de
la mort des rebelles Phraortès et Ciçantaxma
62. ↑ on lit dans Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] IV, Melpomène. 166.2 que Darius Ier
a frappé sa monnaie de l'or le plus pur. Il adopte en ceci une réalisation des Lydiens, dont le roi Crésus
avait introduit le premier vrai système monétaire.
63. ↑ Le paiement en argent massif, quelle que soit sa forme (lingots, bijoux, etc.) était déjà utilisé par les
babyloniens.
64. ↑ Huyse, p.103-104
65. ↑ R.Schmitt le suggère dans l'article de l'Encyclopædia Iranica, en se basant sur les documents des
Murashu, banquiers et collecteurs de taxes à Nippur sous le règne d'Artaxerxès. cf. également
Guillaume Cardascia, Les Archives des Murashu, Paris, 1951
66. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] III, Thalie.96.2
67. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] V, Terpsichore. 52-54
68. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] II, Euterpe. 158 et Strabon 17.1.25
69. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] IV, Melpomène. 44
70. ↑ Polybe 10.28.3
71. ↑ Albert T. Clay, Business documents of Murashû sons of Nippur dated in the reign of Darius II (424-
404 B.C.), Philadelphia : Department of Archæology and Palæontology of the University of
Pennsylvania, 1904
72. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] VII, Polymnie. 83 et Histoires [détail des éditions]
[lire en ligne [archive]] VII, Polymnie. 40-41
73. ↑ Diodore 18.48.4
74. ↑ B Porten, Archives from Elephantine. The Life of an ancient Jewish military colony, Los Angeles,
1968.
75. ↑ Briant, p. 352
76. ↑ les plus braves des peuples de l'empire selon Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]]
VII, Polymnie. 83.2 et Diodore 19.21.4
77. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] VII, Polymnie. 61
78. ↑ a, b, c et d Briant, p.207-211
79. ↑ Xénophon 1.8.9 et Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] I, Clio. 103.1
80. ↑ La perse antique, p.161
81. ↑ Briant, p.266
82. ↑ Cyropédie, VIII, 5.2 et Quinte-Curce III, 8.7
83. ↑ Huyse, p. 233
84. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] III, Thalie. 117-119 ou Xénophon, Helléniques
I, 6.7,10 ; Cyropédie VI, 1.1
85. ↑ Livre d'Esther, 4.11
86. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] VII, Polymnie. 83
87. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] I, Clio, 188
88. ↑ Xénophon, Cyropédie I, 3.8
89. ↑ Briant, p. 275
90. ↑ le terme grec, eunoukhos, signifie « gardien de la couche »
91. ↑ Briant, p.284
92. ↑ Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne [archive]] I, Clio, 135; Dinon Athénée XIII, 556
93. ↑ Livre d'Esther 22, 2-17
94. ↑ Briant, p.296
95. ↑ a, b, c et d Huyse, p. 216-246
96. ↑ Bérose, III.65
97. ↑ Pierre Briant, p. 183-184
98. ↑ Pierre Briant, p. 259
99. ↑ Werner F. Dutz & Sylvia A. Matheson, p.82
100. ↑ Henri Stierlin, p. 86
101. ↑ a et b Henri Stierlin, p. 86,94,102,111,115
102. ↑ Henri Stierlin, p. 78,92,93
103. ↑ Henri Stierlin, p 78,89
104. ↑ Henri Stierlin, p. 82,92,137
105. ↑ C. Nylander, Ionians in Pasargadae. Studies in Old Persian Architecture, Uppsala, 1970.
p.12
106. ↑ L'inscription DSf trouvée sur un bâtiment à Suse précise tous les peuples apportant leur
travail ou leurs matériaux dans la construction du palais. Lire l'inscription DSf (28-55) [archive] sur
avesta.org
107. ↑ a et b Briant, p.89
108. ↑ Henri Stierlin, p. 88,89
109. ↑ a et b Briant, p.183-184
110. ↑ a, b, c et d Guy Lacaze, « Un art iranien », dans Regards sur la Perse antique
111. ↑ Plutarque, La Vie d'Alexandre le Grand (accédé le 11 décembre 2006)
112. ↑ Henri Stierlin, p. 115
113. ↑ (en) [pdf] Janet Ambers, St John Simpson Some pigment identifications for objects from
Persepolis [archive] ARTA 2005.002, Achemenet.com (consulté le 16 janvier 2007)
114. ↑ a, b et c Henri Stierlin, p. 122,131
115. ↑ a, b et c Briant, p.893-896

Séleucides

Les Royaumes des Diadoques et l'empire Séleucide vers -301.

L'Empire séleucide en -200

Les Séleucides sont une dynastie hellénistique issue de Séleucos, l'un des diadoques
d'Alexandre le Grand, qui constitue un empire syro-iranien formé de la majeure partie des
territoires orientaux conquis par Alexandre, allant de la Syrie à l'Indus. Le cœur politique de
l'empire se situe en Syrie antique, même si les Séleucides règnent jusqu'au IIe siècle av. J.-C.
sur la Babylonie et la Mésopotamie, dans la continuité des Perses achéménides. La dynastie
séleucide a régné de 305 à 64 av. J.-C.

Histoire
Histoire de l'Iran

D'abord satrape de Babylonie à la


mort d'Alexandre, Séleucos étend
par la suite sa domination sur les
provinces de Syrie et d'Asie
moyen-orientale (Perse, Médie,
Susiane, Sogdiane, etc.). Il se • Civilisation proto-élamite (3 200 - 2 700 av. J.-C.)
proclame roi en 305. Séleucos • Civilisation de Jiroft (3 000 - Ve siècle av. J.-C.
fonde Séleucie du Tigre, sa • Royaume élamite (2 700 - 539 av. J.-C.)
première capitale, en • Royaume mède (728 - 550 av. J.-C.)
Mésopotamie ; puis il transfère un • Dynastie achéménide (648 - 330 av. J.-C.)
temps sa capitale à Séleucie de • Empire séleucide (330 - 150 av. J.-C.)
Piérie sur la Méditerranée. La • Empire parthe (250 av. J.-C. - 226)
capitale s'installe définitivement à • Dynastie sassanide (226 - 650)
Antioche en Syrie antique à la fin • Conquête islamique (637 - 651)
• Dynastie samanide (875 - 999)
de son règne1. Les Séleucides sont
• Dynastie ziyaride (928 - 1043)
la seule des grandes dynasties
• Dynastie bouyide (934 - 1055)
hellénistiques à posséder une • Dynastie ghaznévide (963 - 1187)
ascendance iranienne. Séleucos a • Empire turc seldjoukide (1037 - 1194)
en effet épousé Apama, la fille • Empire khorezmien (1077 - 1231)
d'un noble perse, de laquelle naît • Houlagides (1256 - 1353)
son héritier Antiochos Ier. Les • Dynastie muzaffaride (1314 - 1393)
historiens ont longtemps sous- • Dynastie timouride (1370 - 1506)
estimé l'importance de la • Dynastie séfévide (1501 - 1722/1736)
Babylonie au sein de l'empire, en • Afghans hotaki (1722-1729)
consultant davantage les sources • Dynastie afsharide (1736 - 1802)
grecques que les documents écrits • Dynastie Zand (1750 - 1794)
• Dynastie kadjar (1781 - 1925)
en araméen. La chancellerie,
• Dynastie Pahlavi (1925 - 1979)
selon la tradition royale perse, • Révolution iranienne (1979)
rédige en effet des documents en • Gouvernement provisoire (1979-1980)
écriture cunéiforme et pas
seulement en grec. Les Séleucides • Rép. islamique d'Iran (1980 - maintenant)
font suite aux Achéménides dans
les chroniques babyloniennes
jusque dans les années 150.

Les Séleucides disputent la Cœlé-Syrie avec les Lagides lors des six guerres de Syrie. Vers
250, la satrapie de Bactriane fait sécession pour former le royaume gréco-bactrien. Dans le
même temps, la Parthie devient elle aussi indépendante. Le règne d'Antiochos III marque un
retour partiel de l'autorité impériale dans les provinces orientales, mais en -188, vaincu par les
Romains à Magnésie du Sipyle, Antiochos doit accepter la paix d'Apamée, qui lui arrache
tous ses territoires d'Anatolie, notamment au profit de Pergame. Les Séleucides perdent, à
partir de la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C., les satrapies orientales au profit des Parthes
qui s'emparent de tout le plateau iranien. Les dernières années de la dynastie sont marquées
par d'incessantes querelles dynastiques entre frères (d'autant plus complexes qu'elles
impliquent souvent des princesses lagides), qui font sombrer la Syrie, dernier reliquat de
l'empire séleucide, dans l'anarchie : chaque cité avance son prétendant. En -83, les
Antiochéniens offrent même la couronne au roi Tigrane II d'Arménie, qui intègre la Syrie à
son empire. Les Séleucides opèrent un dernier rétablissement grâce à la victoire de Lucullus
sur Tigrane (-69), mais Pompée détrône Antiochos XIII Asiaticus cinq ans plus tard, et la
Syrie est réduite en province romaine.
L'empire séleucide, fusion de l'Orient et du monde grec, semble au départ fidèle au projet
d'Alexandre le Grand. L'empire comprend une multiplicité de groupes ethniques, de langues
(grec, perse, araméen, dialectes indo-iraniens), de religions (polythéisme grec, zoroastrisme,
judaïsme, cultes indigènes). Dans ce contexte, plus encore que pour les autres monarchies
hellénistiques, le roi, qui reçoit un culte divin, est supposé être le garant de l'unité de l'empire.
L’armée apparaît comme le meilleur soutien de la dynastie séleucide. Les Séleucides ont
promu l'hellénisation de l'Orient en développant l'urbanisme, comme le montrent la tétrapolis
de Syrie et les nombreuses fondations de cités et de villes-garnisons.

L'immensité et la diversité de l'empire séleucide ont causé sa fragilité. La plupart des


souverains, emportés par d'inextricables querelles matrimoniales, se sont avérés médiocres
dans la conduite des affaires, à l'exception notable d'Antiochos III.

Les rois séleucides


1. Séleucos Ier Nicator (« le Vainqueur » en grec ancien), règne de 305 à 280 av. J.-C.
2. Antiochos Ier Sôter (« le Sauveur »), de 281 à 261 av. J.-C., fils du précédent.
3. Antiochos II Théos (« le divin »), de 261 à 247 av. J.-C., fils du précédent.
4. Séleucos II Callinicos (« le Grand vainqueur »), de 246 à 225 av. J.-C., fils du
précédent.
5. Antiochos Hiérax (« l'Épervier»), de 241 à 226 av. J.-C., frère du précédent.
6. Séleucos III Sôter (« le Sauveur»), de 225 à 223 av. J.-C., neveu du précédent.
7. Antiochos III Mégas (« le Grand »), de 223 à 187 av. J.-C., frère du précédent, il
remporte une victoire décisive sur les Lagides à Panion.
8. Achaios II cousin du précédent usurpateur, de 221 av. J.-C. à 213 av. J.-C. roi d'Asie
Mineure.
9. Séleucos IV Philopator (« qui aime son père »), de 187 à 175 av. J.-C., fils
d'Antiochos III.
10. Antiochos IV Épiphane, (« Manifestation divine »), de 175 à 163 av. J.-C., frère du
précédent, il homogénéise son empire sous la bannière de la culture grecque ce qui
provoque la révolte des Maccabées en Judée.
11. Antiochos V Eupator (« né d'un bon père »), de 163 à 162 av. J.-C., fils du précédent.
12. Démétrios Ier Sôter (« le Sauveur »), de 162 à 150 av. J.-C.
13. Alexandre Ier Balas, usurpateur, de 152 à 145 av. J.-C.
14. Antiochos VI Dionysos, 145 à 142 av. J.-C., fils de Alexandre Ier Balas
15. Démétrios II Nicator, 145 à 125 av. J.-.C., fils de Démétrios Ier Sôter
16. Antiochos VII Evergète Sidétès, de 138 à 127 av. J.-C..
17. Séleucos V Nicator, de 125 av .J.-C à 124 av .J.-C. en conflit avec Alexandre II
Zabinas.
18. Alexandre II Zabinas, usurpateur, de 126 à 122 av. J.-C.
19. Antiochos VIII Philométor, de 125 à 96 av. J.-C., fils de Démétrios II Nicator.
20. Antiochos IX de Cyzique, de 96 à 95 av. J.-C., frère du précédent.
21. Séleucos VI Épiphane (« Manifestation divine »), fils d'Antiochos VIII Philométor, de
96 à 93 av. J.-C.
22. Antiochos X Eusèbe (« le Pieux »), de 94 à 92 av. J.-C.
23. Antiochos XI Philadelphe (« qui aime son frère »), de 93 à 90 av. J.-C., fils
d'Antiochos VIII Philométor.
24. Philippe Ier Philadelphe de 93 av .J.-C. à 83 av .J.-C.
25. Démétrios III, de 95 à 88 av. J.-C.
26. Antiochos XII Dionysos, en 83 av. J.-C., fils d'Antiochos VIII Philométor.
27. Antiochos XIII Asiaticus (« l'Asiatique »), de 69 à 64 av. J.-C., fils d'Antiochos X
Eusèbe.
28. Philippe II Philoromaios (« l'Ami des romains ») de 65 à 64 av. J.-C., fils de Philippe
Ier Philadelphe.

Les chevauchements de règnes s'expliquent par les usurpations et conflits de pouvoir.

Alexandre le Grand

Buste d’Alexandre, IIe - Ier siècle av. J.-C., British Museum.

Alexandre le Grand (en grec ancien : Ἀλέξανδρος ὁ Μέγας / Aléxandros ho Mégas ou


Μέγας Ἀλέξανδρος / Mégas Aléxandros) ou Alexandre III de Macédoine ( Ἀλέξανδρος Γ' ὁ
Μακεδών / Aléxandros III ho Makedốn, Ἀλέξανδρος signifiant en grec « protecteur1 de
l’homme ») né le 21 juillet -356 à Pella, mort le 13 juin -323 à Babylone) est un roi de
Macédoine et l’un des personnages les plus célèbres de l’Antiquité.

Fils de Philippe II, élève d’Aristote et roi de Macédoine depuis -336, il devient l’un des plus
grands conquérants de l’histoire. Il fait de son petit royaume le maître de l’immense empire
perse achéménide, s’avance jusqu’aux rives de l’Indus et fonde près de soixante-dix cités,
dont la majorité porte le nom d`Alexandrie.

La notoriété d’Alexandre s’explique principalement par sa volonté de conquête de l'ensemble


du monde connu. Cette aspiration, à la fois illusoire et pourtant presque réalisée, avant qu’il
ne meure subitement à l’âge de trente-trois ans, a pour conséquence — durant un temps très
court — une unité politique jamais retrouvée ensuite entre l’Occident et l’Orient.
L’héritage d’Alexandre, marqué par une tentative de fusion des cultures grecque et orientale,
est partagé entre ses généraux pour former les différents royaumes et dynasties de la période
hellénistique.

Biographie
Naissance et filiation

Détail d’une mosaïque qui montre Alexandre combattant un lion avec son ami Cratère.

Alexandre est né à Pella, la capitale du royaume de Macédoine, le 20 (?) ou le 21 juillet -3562.


Il est le fils de Philippe II de Macédoine et d’Olympias, princesse d’Épire, sa troisième
femme. Par sa mère, il est le neveu d’Alexandre le Molosse, roi d’Épire, territoire qui se situe
de nos jours entre la région grecque d’Épire et le sud de l’actuelle Albanie. Sa mère donne
naissance, en -355 à une fille Cléopâtre.

Une légende, connue dès l'Antiquité, affirme qu’Olympias n’a pas conçu Alexandre avec
Philippe, qui avait peur d’elle et de son habitude de dormir en compagnie de serpents, mais
avec Zeus. Alexandre se sert de ces contes populaires à des fins politiques, faisant référence
au dieu plutôt qu’à Philippe quand il évoque son père. Une autre légende datant du IIIe siècle,
d’origine égyptienne celle-là et faussement attribuée à Callisthène, le Roman d’Alexandre,
veut qu’Alexandre soit le fils du dernier pharaon égyptien de la XXXe dynastie, Nectanébo II3.

Par son père Philippe II, Alexandre prétend descendre de Téménos d’Argos, lui-même
descendant d’Héraclès, fils de Zeus — pour cette raison, la dynastie macédonienne s’appelle
dynastie des Argéades ou des Téménides. Par sa mère, Olympias, de la dynastie des Éacides,
Alexandre affirme descendre de Néoptolème, fils d’Achille4.

Selon une affirmation du temps, rapportée entre autres par Plutarque, Alexandre naquit la nuit
même où Érostrate incendie le temple d'Artémis à Éphèse, une des sept merveilles du monde
antique5. Alexandre utilise plus tard cette coïncidence pour renforcer son aura politique, et
propose de financer la restauration du temple, ce qui est cependant refusé par les Ephésiens6.

Plutarque indique également que Philippe et Olympias ont rêvé de la future naissance de leur
fils. Après avoir consulté Aristandre de Telmessos qui détermina que Olympias était enceinte
et que l’enfant aurait le caractère d’un lion7. Quant à son physique, il semblerait qu'il eût les
yeux vairons et, à cause d'une blessure de guerre qui lui aurait sectionné un nerf, la tête
toujours penchée du côté droit8.
Enfance et éducation

Alexandre possède, aux yeux des Grecs, une double appartenance. Il est d'une part un barbare,
car c’est un Macédonien qui possède un tempérament passionné et se laisse emporter par des
colères d’une terrible violence, héritage attribué à sa mère, mais souvent suivies de prompts
repentirs. Il est capable d’élans généreux qui lui allient des fidélités sans failles. Ses
convictions religieuses sont entachées de superstitions9. Cependant le trait de caractère
dominant du personnage est sans aucune contestation sa volonté de fer, qui peut aller jusqu’à
l’obstination et l’entêtement.

Alexandre et Aristote.

Parallèlement, Alexandre est profondément influencé par la culture grecque. Il est vrai que,
située dans le nord de la Grèce actuelle, la Macédoine est l’une des régions pélagiques
antiques. La langue parlée est alors l’un des nombreux dialectes grecs et, dès l’époque du roi
Archélaos (fin du -Ve siècle ), la langue officielle de la cour et de la chancellerie
macédonienne devient l’ionien-attique. Philippe, qui a séjourné à Thèbes dans la maison
d’Épaminondas comme otage (entre -369 et -367)10, le parle pour sa part couramment ainsi
que son fils. Ce dernier selon Plutarque ne parle macédonien que sous le coup d'une forte
émotion11.

Après avoir été éduqué par Léonidas12, un parent de sa mère Olympias et Lysimaque
d'Acarnanie, Alexandre reçoit pour précepteur le philosophe Aristote de -343 à -340. Ce
dernier est le fils de Nicomaque, médecin d’Amyntas III, le grand-père d’Alexandre. Il rédige
une édition annotée de l'Iliade pour son élève. Alexandre lit également Hérodote et
Xénophon, auteurs qu’il sait exploiter plus tard lors de ses conquêtes. Alexandre se révèle un
étudiant doué. Il connaît par cœur de nombreuses tragédies, l’Iliade13, et possède de
nombreuses notions de médecine, d’histoire et de mathématiques[réf. nécessaire].

Plusieurs compagnons d’enfance d’Alexandre, dont Ptolémée, Philotas, Héphaestion, se


retrouvent à ses côtés lors de la conquête de l’Asie.

La séduction du personnage tient sans doute à ce mélange contradictoire : barbare et


Macédonien, mystique et réaliste, violent et généreux, emporté par son imagination et son
rêve et guidé par sa lucidité. Sa volonté inflexible se double d’un réel opportunisme et d’un
sens inné de la mise en scène.

Le roi de Macédoine

Un prince associé au pouvoir (-338 / -336)


« Hermès Azara » : pilier hermaïque romain reprenant le portrait d’Alexandre le Grand par
Lysippe, musée du Louvre

Bien que considéré comme barbare par les Athéniens, le royaume de Macédoine a, sous le
règne de Philippe, étendu son hégémonie sur la Grèce classique. Il vainc Athènes aux
Thermopyles en -352, intervient dans un conflit entre Thèbes et les Phocidiens, triomphe
d’une coalition d’Athènes et de Thèbes à la bataille de Chéronée, en -338. Alexandre y fait
ses preuves en commandant la cavalerie et en taillant en pièces le Bataillon sacré des
Thébains14.

Philippe est également l’initiateur de la ligue de Corinthe, rassemblant toutes les cités
grecques, à l’exception de Sparte, sous son commandement. La ligue doit porter la guerre
contre l’Empire perse15. En -340, en l’absence de son père parti assiéger Byzance, Alexandre,
à seize ans, devint régent de Macédoine.

En -337 cependant, une violente dispute oppose le père et le fils quand Alexandre prend le
parti de sa mère Olympias à laquelle Philippe souhaite imposer Cléopâtre, sœur ou nièce d’un
général de Philippe, Attale16, comme seconde épouse légitime et dont il a bientôt un fils.
Alexandre doit se réfugier dans la famille de sa mère en Épire. Cependant la brouille ne dure
guère et bientôt pardonné, Alexandre sauve la vie de son père lors d’une expédition contre les
Triballes17.

L’élimination de tout rival potentiel (été -336)

Au cours de l’été -336, Philippe est assassiné lors du mariage de sa fille Cléopâtre avec le roi
d’Épire, Alexandre le Molosse, le frère d’Olympias. L’assassin est un jeune noble, Pausanias
d'Orestis, un ancien officier du roi qui garde une rancune contre Philippe, ce dernier ayant
ignoré une requête qu’il lui aurait faite. Les historiens de l’Antiquité ont parfois cru que le
meurtre de Philippe avait été une machination impliquant Olympias et peut-être Alexandre
mais Diodore de Sicile penche pour un motif personnel du meurtrier18. Peu d'historiens
contemporains19 considèrent qu'Alexandre est impliqué dans le meurtre de son père alors que
toute la conduite de Philippe montre qu'il entend en faire son successeur.

Une autre hypothèse met en cause Darius III, le nouveau roi de Perse. Plutarque mentionne
une lettre virulente d’Alexandre à Darius, où le Macédonien blâme Darius (et Bagoas, son
grand vizir dont Darius III se débarrasse rapidement peu après), pour le meurtre de son père,
soutenant que c’est Darius qui s’était vanté auprès des différentes cités grecques de la façon
dont il avait fait assassiner Philippe20.

Après la mort de Philippe, l’armée proclame Alexandre, alors âgé de vingt ans, nouveau roi
de Macédoine. Les villes grecques comme Athènes et Thèbes, qui avaient prêté allégeance à
Philippe, ne sont pas si pressées de faire de même vis-à-vis du jeune homme. Alexandre
ordonne immédiatement l’exécution de tous ses rivaux potentiels. Ainsi, pour ne pas avoir de
concurrent au trône, il fait assassiner son cousin Amyntas IV, roi de Macédoine vers -360 /
-359 que Philippe II avait renversé alors qu’il n’était qu’un enfant21. Quant à Olympias,
profitant d’une absence de son fils parti guerroyer au nord, elle fait tuer le fils de Philippe II et
de Cléopâtre et contraint cette dernière à se pendre[réf. nécessaire]. L’oncle de cette dernière, Attale,
qui se trouve en campagne en Asie avec Parménion, est également assassiné. Impossible de
savoir si elle agit avec l’assentiment d’Alexandre ou non ; toujours est-il que le nouveau roi
de Macédoine n’a plus de rival capable de lui contester le trône.

Le royaume de Macédoine à la mort de Philippe II

La consolidation du pouvoir (fin -336 / printemps -334)

Alexandre n’est pas seulement roi des Macédoniens, mais aussi, comme son père, archonte à
vie des Thessaliens et hégémon (ἡγεμών, « commandant en chef ») et stratège autoproclamé
de la Ligue de Corinthe. De fait, la politique de la Ligue est entièrement dictée par les
Macédoniens Philippe puis Alexandre. Ce dernier entreprend une rapide tournée diplomatique
en Grèce afin que le réseau diplomatique constitué patiemment par son père ne se délite pas.
L’allégeance thessalienne est renouvelée et la ligue de Corinthe (donc les Athéniens) prête
serment au nouvel hègémôn.
Vue grecque du monde à la naissance d’Alexandre. Hécatée de Milet, Ve siècle av. J.-C.

Cependant, avant de reprendre le projet de son père de porter la guerre en Asie, il assure la
sécurité de son royaume par deux expéditions au nord de la Macédoine ; l’une jusqu’au
Danube, l’autre en Illyrie révoltée (fin de l’année -336 et début de l’année -335 jusqu’en été).
Suivant Strabon et Arrien, des émissaires celtes — les ancêtres des Scordisques du milieu du
-IIIe siècle — rencontrent Alexandre sur le Danube, à cette occasion en -335. L’anecdote
suivante est rapportée :

« Quand Alexandre eut vaincu les Gètes et rasé leur ville, sur le Danube, il lui vint des
ambassades de tous côtés et entre autres des Gaulois, qui sont (dit-il) de grands hommes.
Alexandre leur demanda alors ce qu’ils craignaient le plus au monde, en s’attendant à ce que
ces gens disent qu’ils ne craignaient rien plus que lui : mais il fut détrompé car il avait affaire
à des gens qui ne s’estimaient pas moins que lui ; ils lui dirent que la chose de ce monde
qu’ils craignaient le plus était que le ciel ne tombât sur eux, ce qui signifiait qu’ils ne
craignaient rien. »

C'est alors, tandis que le nouveau roi de Macédoine est occupé au nord, que les cités grecques
se révoltent. C'est le résultat de la politique de Darius III Codoman qui, à la fois par
l'intermédiaire d'un chef mercenaire grec, Memnon de Rhodes, reconquiert les territoires pris
par Parménion à la fin du règne de Philippe, et tente en même temps de susciter une révolte en
Grèce sur les arrières macédoniens. Une fausse rumeur de la mort d'Alexandre déclenche la
rebellion de Thèbes que promettent d'aider Athènes et Sparte.

La riposte d’Alexandre est foudroyante, impitoyable et paradoxale. Impitoyable, car la ville


de Thèbes est entièrement rasée (automne -335) à l’exception de la citadelle de la Cadmée, de
la maison natale de Pindare et des temples des dieux, sa population réduite en esclavage et les
terres partagées entre les vainqueurs22. Paradoxale, car Alexandre épargne Athènes, trop
heureuse de se soumettre à moindre mal. Sans doute faut-il voir dans cette générosité la
volonté de ne pas détruire le principal centre artistique, philosophique de la Grèce, ou bien
l’influence de son ancien maître Aristote qui s’installe cette même année -335 à Athènes et y
fonde le Lycée. Il semble aussi vraisemblable que les talents de négociateurs de Phocion et
surtout de Démade aient convaincu le roi de ne pas détruire la ville23. Alexandre réclame qui
lui soit livré Démosthène, Lycurgue et Hypéride24. Cela dit, les accès de fureur chez
Alexandre alternent fréquemment avec des gestes de grande générosité, la destruction de
Thèbes et le pardon d’Athènes ne sont que les premiers d’une longue liste.
Finalement, Alexandre est assez peu présent comme souverain dans son royaume. Quand il
quitte l’Europe au printemps -334 pour son expédition en Asie, c’est pour ne jamais y revenir.

Le Conquérant

L’armée d’Alexandre

Alexandre ne laisse pas la Macédoine totalement dégarnie. Il donne à Antipater, nommé


régent en l’absence du roi, la moitié de la cavalerie macédonienne soit environ 1 500 hommes
et 12 000 fantassins. Les effectifs au départ de l’expédition d’Asie sont d’environ
1 800 cavaliers, auxquels s’ajoutent un chiffre équivalent de cavaliers thessaliens et 600
autres recrutés dans les États grecs de la Ligue de Corinthe.
Phalange macédonienne

Les fantassins, sans doute 32 000, qui constituent la fameuse phalange, sont recrutés dans la
classe paysanne macédonienne. Au total un effectif assez faible, 4 400 cavaliers environ et à
peine plus de 30 000 fantassins25. Mais tout au long de l’expédition des renforts arrivent de
Macédoine et de Grèce, sans compter les troupes indigènes qui vont compléter les effectifs de
l’armée au fur et à mesure qu’Alexandre avance en Asie. D’autre part la faiblesse des effectifs
est compensée par une grande supériorité tactique. Les phalanges sont allégées et leurs
sarisses (longues piques dont la base peut être fichée dans le sol et capables de briser les
charges de cavalerie) allongées augmentant ainsi leur vitesse de charge, de sorte qu'avec des
formations très serrées, les masses et les énergie cinétiques des hoplites se cumulent rendant
le choc lors du contact tel qu’il peut renverser plusieurs rangs d’infanterie adverse26. La
cavalerie lourde compense le manque de maniabilité des phalanges en protégeant ses flancs
très vulnérables et en attaquant ceux de l’ennemi pour désorganiser les formations ennemies
et les rendre vulnérables à l’impact des phalanges.

La bataille du Granique (mai -334)

Dispositif de la bataille du Granique

Le jeune roi de Macédoine27 part de sa capitale Pella et, en vingt jours, atteint Sestos en
Chersonèse de Thrace. Tandis que Parménion est chargé par le roi de transporter l’armée à
Abydos, tête de pont crée par Philippe II sur l’Hellespont, Alexandre se dirige vers Éléonte où
il rend sacrifice au premier héros tombé lors de la guerre de Troie, Protésilas. Ce geste28 est le
premier d’une longue liste qui illustre la volonté du roi de frapper les imaginations en se
faisant passer pour le nouvel Achille, sans qu’il soit d’ailleurs possible de savoir s’il est
sincèrement pénétré de la fierté d’appartenir à la race du héros ou s’il s’agit d’une simple
gestuelle théâtrale à destination de ses soldats et des peuples d’Asie Mineure et de Grèce.

C’est ainsi qu’il débarque en Asie près de l’emplacement supposé de Troie, dresse des autels
dans le temple d’Athéna à Ilion, puis va mettre une couronne sur le tombeau d’Achille, tandis
que Héphaestion fait de même sur celui de Patrocle29 (Élien explique dans son Histoire variée
(XII, 7) qu’il « laissait ainsi entendre qu’il était le mignon d’Alexandre, comme Patrocle avait
été celui d’Achille30 ». Son livre est une collection des anecdotes, écrit plus de cinq siècles
après la mort d'Alexandre et il est pourtant le seul historien connu à évoquer une telle relation,
qui serait donc probablement fausse. Hephaestion passe chez les autres historiens comme
« l'ami le plus cher d'Alexandre »). Ce n’est qu’après, qu’Alexandre rejoint son armée à
Arisbé en quatre jours, en contournant par le nord le massif du Pityos.

Le principal chef mercenaire grec de Darius III, Memnon de Rhodes, est partisan de la
politique de la terre brûlée face aux Macédoniens, dont il estime, à juste titre, la valeur. Il
propose que l’armée entraîne vers l’intérieur du pays, sans combattre, les troupes d’Alexandre
tandis que la flotte perse porte la guerre jusqu’en Macédoine. Memnon pouvait légitimement
espérer une révolte des cités grecques, s’appuyant sur l’or de Darius et sur le légitime
ressentiment contre Alexandre à la suite du saccage de Thèbes. Mais les satrapes perses se
méfient des conseils d’un étranger et ne tiennent aucunement compte de son avis. Arsitès, le
satrape de Phrygie, déclare qu’il ne laissera pas brûler une seule maison de sa satrapie31.

Parcours de l’armée d’Alexandre le Grand dans la partie occidentale de l’Asie Mineure au


cours de l’année -334.

La prise de Milet (mai / juillet -334)

La victoire d’Alexandre a une conséquence importante : jusqu’à la bataille d'Issos, il n’a que
de simples garnisons laissées dans les villes pour s’opposer à lui32. Dans la foulée du
Granique, Sardes, la capitale de Phrygie, se rend sans résistance, tandis que Parménion
s’empare de Dascylion. La ville d’Éphèse, en proie à des luttes de factions, où Memnon s’est
réfugié après la bataille, voit le parti démocratique favorable à Alexandre l’emporter. Celui-ci
s’attire habilement la sympathie des habitants de la ville en confiant au temple d’Artémis le
tribut que la ville payait jusqu’alors à Darius et en rappelant les bannis.

Les adversaires d’Alexandre se sont réfugiés à Milet, où Memnon, qui vient de quitter
Éphèse, reprend les choses en main après les velléités de trahison de la cause perse par
Hégésistrate, le chef des mercenaires grecs au service de Darius. Cependant la ville est
rapidement prise en juillet -334 par Alexandre, après qu’il eut interdit à la flotte perse de
mouiller sur la côte en prenant le cap Mycale.

Le siège d’Halicarnasse (été / automne -334)


Cependant Memnon s’est réfugié à Halicarnasse dont le roi Pixodaros, le frère du célèbre
Mausole, s’est rangé du côté des Perses. Memnon est assisté du satrape Orontabès et du
Thébain Ephialte, qui a juré la mort du macédonien depuis la destruction de sa ville d’origine.

Alexandre joue sur les rivalités internes à la cité et fait de Ada, la sœur de Pixodaros, que
celui-ci avait renversé, le satrape de Carie. Celle-ci adopte alors Alexandre comme son fils et
en fait son héritier. La plupart des satrapies orientales seront organisées selon ce modèle. Les
pouvoirs civils sont donnés à un Perse ou un Asiatique et les pouvoirs militaires à un
Macédonien.

Reste cependant à s’emparer de la ville qui comporte deux citadelles dont l’une sur une île.
Alexandre après la prise de Milet vient de commettre l’erreur de licencier sa flotte33,34. Aussi
ne peut-il s’emparer que de la ville basse tandis que les deux acropoles restent aux mains des
mercenaires grecs de Darius. Aussi Alexandre poursuit-il sa route en laissant sous le
commandement de Ptolémée une troupe de 3 000 fantassins et 200 cavaliers poursuivre le
siège35.

Alexandre s’empare de la Pamphylie et de la Pisidie (hiver -334 / printemps -333) [modifier]

Parcours de l’armée d’Alexandre le Grand en Asie mineure au cours de l’année -333.

Alexandre se dirige alors vers la Lycie et s’en empare sans grande résistance. Puis, à la fin de
l’année -334 et au début de -333, il pénètre en Pamphylie puis en Pisidie. Ces régions
n’appartiennent que très nominalement à l’empire achéménide. Le plus souvent ces villes sont
autonomes et rivales entre elles. De ces rivalités, Alexandre va jouer et reçoit la soumission
d’Aspendos (à l’est de la ville actuelle d’Antalya), de Sidé (aujourd’hui Side ou Selimiye à
environ 60 kilomètres à l’est d’Antalya). Puis il remonte vers la Phrygie et combat les
habitants de la ville de Termessos (34 km au nord-ouest d’Antalya) sans réussir à prendre la
ville, traite avec bienveillance leurs ennemis de la cité de Selge, s’empare de Sagalassos et
parvient enfin à Gordion (village actuel de Yassihöyük). Il y trouve des renforts venus à la
fois de Macédoine et de Grèce ainsi que Parménion qui venait en partie d’hiverner à Sardes.
Le gouvernement de la Pamphilie et de la Pisidie est confié à Néarque.

La contre-offensive de Memnon de Rhodes (hiver -334 / -333)

La première partie de la campagne d’Alexandre est terminée. La situation est indécise car
certes le roi de Macédoine vient de remporter de glorieux succès mais il doit faire face à
plusieurs incertitudes. Pour certains membres de son entourage, dont Parménion est semble-t-
il le représentant, l’objectif de Philippe II, théorisé par Isocrate36 à savoir la conquête de l’Asie
jusqu’aux rives de l’Halys, est atteint. Un vaste territoire est conquis par la Macédoine et
ouvert à la colonisation et l’influence hellénique. Mais Isocrate, dans les projets qu’il avait
présenté à Philippe envisageait une seconde solution : l’anéantissement de l’empire perse.

C’est cet objectif que souhaite atteindre Alexandre. Cela explique d’ailleurs pourquoi, bien
qu’il proclame sa volonté d’agir en qualité de chef des Hellènes, il s’appuie avant tout, du
moins au départ, sur les Macédoniens considérés comme plus fiables et attachés à sa personne
par la fidélité dynastique. C’est pourquoi il ne reste qu’assez peu de temps à Gordion, où
l’épisode du nœud gordien, s’il est authentique, lui promet l’empire d’Asie (Alexandre se voit
présenter le nœud gordien : il est dit que la personne qui arrivera à dénouer ce nœud acquerra
l’empire de l’Asie. Alexandre, d’un coup de son épée, tranche le fameux nœud), et cela alors
que la situation n’est pas totalement sans risque sur ses arrières.

Alexandre tranchant le nœud gordien par Jean Simon Berthélemy, Paris, École des Beaux-
Arts

En effet lors de l’hiver -334 Darius donne le commandement de sa flotte à Memnon de


Rhodes. Celui-ci envisage de porter la guerre en Macédoine en débarquant en Grèce (on parle
de l’Eubée) et en organisant une révolte générale. Le sentiment anti-macédonien demeure
vivace dans de nombreuses cités. L’idée d’une guerre de revanche contre les Perses, par
rapport aux guerres médiques, idée développée par Alexandre et ses partisans en Grèce ne
rend pas acceptable à leurs adversaires l’hégémonie macédonienne. N’oublions pas que des
soldats grecs combattent dans les deux camps. Memnon reprend Chios, qui lui est livrée par le
parti oligarchique (cette tendance politique sera globalement toujours hostile à Alexandre
dans les cités grecques contrairement au parti démocratique) puis il rétablit le tyran
Aristonicos à Méthymne et met le siège devant Mytilène. C’est alors que Memnon meurt (fin
de l’été -333) et que son plan est abandonné par Darius III. Le souverain perse décide de
prendre lui-même la tête de son armée contre Alexandre. Autophradatès et Pharnabaze
remplacent Memnon à la tête de l’armée et de la flotte. Pharnabaze reprend Milet et
Halicarnasse mais doit se séparer de ses mercenaires grecs qui vont rejoindre, sans doute par
mer, l’armée que Darius rassemble.

Alexandre estime cependant, à juste titre, avoir fait une erreur en licenciant sa flotte. C’est
pourquoi il charge deux officiers, Hégélochos et Amphotéros (le frère de Cratère) d’en
reconstituer une[réf. nécessaire]. Il s’en faut de peu qu’un conflit éclate avec Athènes dont les
vaisseaux venus du Pont-Euxin sont interceptés par Hégélochos. Celui-ci doit faire face à une
menace d’intervention de la flotte d’Athènes et relâche les vaisseaux. Cet épisode illustre la
nécessité pour Alexandre d’une victoire en Asie pour empêcher toute tentative de révolte en
Grèce[réf. nécessaire]. C’est pourquoi, quant au début de l’été -333 il apprend que Darius III marche
sur la Cilicie, Alexandre quitte Gordion.

D’Issos à Arbèles

Alexandre le Grand sur son cheval Bucéphale, détail de la mosaïque romaine de Pompéi
représentant la bataille d'Issos, musée national archéologique de Naples

En quittant Gordion, Alexandre se rend dans un premier temps à Ancyre et reçoit la


soumission de la Paphlagonie puis celle de la Cappadoce jusqu’à l’Halys. Il pousse ensuite
vers le sud, pénètre en Cilicie par le passage gardé par le satrape Arsamès des Portes
ciliciennes. Il fait étape à Tarse et y tombe malade plusieurs semaines (sans doute des suites
d’une hydrocution après une baignade dans le fleuve Kydnos37). Cependant Parménion,
véritable second du roi lors du début de l’expédition, occupe les passes qui permettent le
passage de la Cilicie à la plaine d’Issos (col de Karanluk-Kapu) puis celles qui au-delà
contrôlent le passage vers la Syrie (passes de Merkès et de Baïlan). Alexandre, une fois sur
pied, soumet, en sept jours selon Arrien, les populations montagnardes de Cilicie et s’empare
de Soles où il rétablit, en théorie du moins, la démocratie. Il apprend à ce moment la
pacification de ses arrières avec les victoires de Ptolémée en Carie sur le satrape Orontobatès
et la chute d’Halicarnasse, de Myndos et la soumission de Cos. Mais, peu de temps après (-
333), le satrape Pharnabaze, à la tête de la flotte perse soumet Ténédos et Sigée et s’entend
avec le roi de Sparte, Agis III, qui tente de soulever la Grèce en lui donnant de l’argent et
quelques navires. La situation reste donc délicate d’autant que l’arrivée imminente de Darius
III se précise.

Le souverain achéménide s’est installé dans la plaine d’Issos, abandonnant curieusement la


position plus favorable à sa cavalerie de Soches, peut-être dans la volonté de couper
Alexandre de ses arrières et de le contraindre à la bataille. Alexandre est en Syrie mais il fait
demi-tour, ayant besoin pour les raisons invoquées plus haut d’une victoire. Il reprend le
chemin des passes syriennes déjà emprunté, s’aventure lentement dans la plaine d’Issos et y
organise sa ligne de bataille devant l’armée perse.

La conquête de la Phénicie (hiver -333)

La déroute des Perses après la défaite d’Issos (1er novembre -333) est totale. Darius avec
quelques milliers d’hommes à peine s’enfuit vers Thapsaque (ville de Syrie sur l’Euphrate)
tandis que d’autres fuyards sont dispersés par les divers officiers d’Alexandre. De nombreux
fugitifs se réfugient en Phénicie puis de là gagnent l’Égypte ou Chypre. Le résultat le plus net
de la victoire c’est, paradoxalement, la soumission totale du monde grec qui ne songe plus à
apporter son soutien aux Perses, comme venait de le tenter le roi de Sparte, Agis III en
rencontrant des satrapes perses et en tentant de soulever la Crète. Démosthène, à Athènes,
avait prédit (et espéré ?) la défaite du roi de Macédoine. La victoire d’Issos fait cesser,
provisoirement en tout cas, les velléités d’indépendance des cités grecques.

Pourtant paradoxalement la situation d'Alexandre reste périlleuse. Un des meilleurs officiers


perses, Nabarzanès s'est retiré avec d'importantes forces de cavalerie en Cappadoce et
Paphlagonie et recrute d'importantes forces (fin -333/début -332). Il y a donc un risque réel
sur les arrières d'Alexandre et ses lignes d'approvisionnement en Asie mineure. De plus il
apparait clairement que Darius lève une nouvelle armée. Enfin la flotte perse représente un
grand danger en mer Égée. La maîtrise de la côte phénicienne, pouvant lui servir de base
arrière, est donc indispensable. C’est pourquoi, délaissant la poursuite de Darius III,
Alexandre prend la route du sud vers Arados (au nord de la Phénicie) tandis que Parménion
est envoyé sur Damas où il s’empare des bagages de Darius. Dans le même temps Alexandre
nomme un de ses officiers les plus énergiques, Antigone, au commandement de toutes les
forces macédoniennes présentes en Asie mineure. Celui-ci réussit, avec l'aide de Néarque, à
briser la contre-offensive perse en Asie mineure au printemps de -332.

La période de l’empire achéménide pour les Phéniciens avait été une période prospère car, en
leur laissant une véritable autonomie, les rois perses avaient permis aux cités phéniciennes de
reprendre en partie la maîtrise de nombreuses routes commerciales[réf. nécessaire] face à leurs
adversaires traditionnels : les Grecs. Les Phéniciens constituaient une grande part des marins
de la flotte perse à la bataille de Salamine par exemple[réf. nécessaire]. Mais divisées entre elles, ces
cités n’adoptent pas une attitude commune face à l’arrivée des Macédoniens. Le roi d’Arastos,
Gérostrate, estime qu’il n’a pas les moyens de résister et surtout que sa cité, plus riche de son
commerce terrestre (avec la Perse et la Médie surtout) que de son commerce maritime, n’a
aucun intérêt à un siège destructeur. La ville se rend ainsi que les cités de Marathos, Sigôn et
Byblos. Quant à Sidon, elle se soumet d’autant plus facilement que ses habitants n’ont pas
oublié les représailles d’Artaxerxès II lorsque la ville avait participé à la révolte des satrapes
sous le règne de ce prince.

Le siège de Tyr (janvier / août -332)

À la fin de l’année -333, alors qu’Alexandre est à Sidon, des négociations s’engagent avec le
roi de Tyr, Azemilcos, lequel souhaite rester neutre dans le conflit. Refus d’Alexandre qui par
contre désire offrir un sacrifice dans le temple de Melqart à Tyr. Refus des Tyriens qui
décèlent le piège. Faire entrer Alexandre en vainqueur dans le temple c’est lui donner pouvoir
sur la cité. Quant à Alexandre, il ne lui sert à rien de tenir la côte phénicienne si la ville de
Tyr, avec ses deux ports, reste en dehors de son contrôle. C’est pourquoi commence en
janvier -332 le long siège de Tyr (jusqu’en août -332). La ville neuve est sur une île (voir
Ancharadus) qu’Alexandre compte atteindre en construisant une digue, avec les débris de la
vieille ville (la ville continentale), d’environ 60 m de long. Mais les difficultés s’accroissent
quand la digue atteint des eaux plus profondes, d’autant que les Tyriens effectuent des raids
meurtriers avec leurs navires[réf. nécessaire].

Alexandre cependant a un atout. En tenant les autres cités phéniciennes, il disperse la flotte
perse (début -332) dont les équipages phéniciens rentrent progressivement dans leurs ports
d’attache. Les rois de Sidon, d’Aratos, de Chypre offrent ces navires à Alexandre qui ainsi
peut constituer une flotte suffisante pour le siège de la ville (sans doute une centaine de
navires). Après un raid d’une dizaine de jours pour soumettre les populations des montagnes
du Liban actuel, il constate que sa nouvelle flotte est prête et apprend l’arrivée de Cléandre
avec un corps de 4 000 mercenaires, pour la plupart issus du Péloponnèse.

Attaquée par terre, isolée par mer, la vieille cité résiste jusqu’en août -332.

La flotte de Tyr est détruite par les navires d’Alexandre lors d’une contre-attaque désespérée.
Les habitants se défendent au moyen d’engins balistiques, de plongeurs et de navires
brûlots[réf. nécessaire]. Une fois les tours de siège et les béliers approchées des murs, Alexandre
mène lui-même l’assaut (selon l’historien Diodore de Sicile). La prise de la ville donne lieu à
des actes d’une grande violence tant les habitants se défendent avec acharnement. Les Tyriens
utilisent des tridents, ressemblant à des sortes d’hameçons, pour arracher les boucliers des
Macédoniens, et déversent du sable brûlant sur les attaquants38. Ces derniers n’ont pas oublié
les scènes de prisonniers de l’armée d’Alexandre précipités du haut des murailles. Sans doute
7 000 à 8 000 habitants de la ville sont tués (selon Diodore de Sicile), et 20 000 au moins sont
vendus comme esclaves (une partie de la population dont beaucoup de femmes et d’enfants
s’est enfuie vers Carthage). Seul le temple est épargné dans la ville. La digue érigée par
Alexandre existe encore en partie de nos jours ; elle servit notamment aux croisés lorsqu’ils
assiégèrent Tyr. Ce succès permet à Alexandre de terminer sa mainmise sur l’ensemble de la
Phénicie.

Quels objectifs ?

Parcours de l’armée d’Alexandre le Grand au cours des années -332 et -331, de la bataille
d’Issos à celle de Gaugamèles et jusqu’à la prise de Babylone.

Alexandre après la prise de Tyr prend le chemin de l’Égypte non sans avoir repoussé à deux
reprises, malgré l’avis favorable de Parménion, des propositions de paix plus qu’avantageuses
de Darius III. Darius propose qu'Alexandre épouse sa fille Stateira et lui donne en dot toute la
région entre l'Europe et le fleuve Halys en Asie mineure39. Ce que semble désirer Alexandre
ce n’est pas un empire gréco-macédonien débordant largement sur l’Asie, idée déjà défendue
par Isocrate40 le rhéteur athénien41, mais l’Asie tout entière, du moins la connaissance qu’en
possèdent les Grecs. Le refus d'Alexandre s'explique aussi par le caractère fictif des
concessions territoriales de Darius. Celles-ci ne constituent que la dot de Stateira ce qui
signifie qu'en aucun cas Darius ne renonce à sa souveraineté sur les régions considérées. C'est
ce piège que veut éviter Alexandre qui exige d'être regardé comme le souverain (kurios) plein
et entier des territoires déjà conquis. Il ne fait d'ailleurs qu'appliquer le droit grec de la guerre,
ainsi défini par Xénophon :

« C'est une loi universelle et éternelle que, dans une ville prise sur des ennemis en état de
guerre, tout, et les personnes et les biens, appartient au vainqueur42. »

Il semble donc que l'objectif premier d'Alexandre soit de remplacer la souveraineté


achéménide par la souveraineté macédonienne et qu'il considère que toutes ses conquêtes le
sont à titre définitif. La nomination de satrapes, dès la victoire du Granique, va dans ce sens.
Après la prise de Tyr il affirme avec force qu'il ne va pas se contenter de la conquête de la
Lydie et la Cilicie43, ce qui était grosso-modo l'objectif d'Isocrate. Les historiens de l'Antiquité
sont tous convaincus que son objectif est bien la conquête de l'ensemble du territoire
achéménide44. Certes il faut se montrer prudent avec les diverses sources. S'agit-il chez Arrien
et Quinte-Curce du rapport fidèle des ambitions territoriales d'Alexandre ou d'un discours
historiographique construit après coup afin de donner l'impression chez le conquérant d'une
vision à long terme et non d'une conquête improvisée au gré des victoires et des évènements.
La réponse à cette question est problématique mais il semble difficile de croire qu'à la suite
d'un éventuel accord entre Darius et Alexandre ce dernier ait accepté de faire de l'Euphrate sa
frontière orientale. Le fait que tout au long de la période Alexandre revendique,
systématiquement, les territoires qui à un moment ou à un autre étaient achéménides illustre
bien qu'il y a chez lui une volonté et un projet politique fort et cohérent.

Le pharaon (automne -332 / printemps -331)

Alexandre en pharaon priant le dieu Amon - Temple de Louxor

Sur la route de l’Égypte il rencontre une forte résistance à Gaza, sous la conduite de l’eunuque
Batis, et prend la ville (fin -332) dont la garnison est massacrée et la population vendue en
esclavage. Alexandre est blessé à deux reprises lors de ce siège. En sept jours depuis Gaza il
atteint alors Péluse en Égypte. Quand Alexandre entre en Égypte en décembre -332, il semble
être accueilli en libérateur. Il est fort possible que ce soit les Égyptiens eux-mêmes qui aient
demandé son aide, pour les affranchir de la domination perse qui s’exerce difficilement car les
Égyptiens se sont révoltés de nombreuses fois sur le pays depuis deux siècles. Toujours est-il
qu’il ne rencontre que peu de résistance et qu’il étend rapidement son royaume jusqu’à la
première cataracte du Nil.
Alexandre se fait proclamer pharaon à Memphis en -331. Il sacrifie au taureau Apis — gage
de respect des traditions égyptiennes — et honore les autres dieux. Il se dirige ensuite vers la
côte méditerranéenne où il choisit l’emplacement de la future Alexandrie qui n’est achevée
que sous Ptolémée Ier ou Ptolémée II. La légende veut qu’Alexandre ait choisi lui-même les
plans de la nouvelle cité. Il se rend ensuite dans l’oasis de Siwa où il rencontre l’oracle
d’Ammon-Zeus qui le confirme comme descendant direct du dieu Amon. Cette salutation,
conforme à l’étiquette égyptienne, est très largement exploitée par la propagande du
Conquérant. Cette anecdote est rapportée ainsi par Plutarque :

« Quelques-uns affirment que le prophète, voulant le saluer en grec d’un terme d’affection,
l’avait appelé "mon fils" (παιδίον / païdion), mais que, dans sa prononciation barbare, il
achoppa sur la dernière lettre et dit, en substituant au nu (ν) un sigma (ς) : "fils de Zeus" (παις
Διός / païs dios) ; ils ajoutent qu’Alexandre goûta fort ce lapsus et que le bruit se répandit
qu’il avait été appelé "fils de Zeus" par le dieu »
— (Plutarque, Vies parallèles, 46-120)

De retour à Memphis, il se fait officiellement couronner dans le temple de Ptah et réorganise


le pays avant de repartir à la conquête du Moyen-Orient.

C’est durant son séjour égyptien qu’il apprend la déroute définitive de ce qui reste de la flotte
perse et la capture de ses derniers adversaires en mer Égée dont le satrape Pharnabaze. Fait
prisonnier, celui-ci parvient à s’échapper mais l’un des amiraux d’Alexandre, Hégélochos,
apporte à son maître de nombreux prisonniers qui sont exilés dans la ville égyptienne
d’Éléphantine. Cela laisse toute latitude à Antipater, le régent de Macédoine pour s’occuper
du toujours remuant roi de Sparte, Agis III. La situation en Europe inquiète Alexandre tout au
long de l'année -331 même après l'écrasement de la Perse à Gaugamèles. Il multiplie d'ailleurs
les faveurs aux cités grecques pour les inciter à rester loyales45. Il n'est pas impossible que
l'incendie de Persépolis, capitale religieuse des Achéménides, ait pour objectif de prouver à la
Grèce que l'objectif de la Ligue de Corinthe est atteint et, ainsi, d'éviter des troubles en
Europe.

Alexandre quitte ensuite l’Égypte au printemps -331 pour n’y jamais revenir vivant.

Vers la bataille décisive avec Darius III (printemps / été -331 – octobre -331) [modifier]

La bataille de Gaugamèles, par Jan Brueghel l'Ancien

Lors d’un nouveau passage à Tyr, il reçoit une délégation d’Athènes qui obtient du roi la
libération des mercenaires athéniens qui avaient combattu à la bataille du Granique dans les
rangs de l’armée perse. Puis à la fin du printemps/début de l’été -331 l’armée macédonienne
se met en marche vers l’Euphrate qui est traversé fin juillet à Thapsaque sur un pont de
bateaux. Le satrape Mazaios s’est replié à l’arrivée de son adversaire. Les prodromoi
d’Alexandre repèrent l’armée de Darius plus au nord, aussi le roi de Macédoine au lieu de
marcher sur Babylone selon son plan initial remonte vers le nord, vers Nisibe, et franchit le
Tigre vers le 20 septembre -331 (aux environs de Djésireh, dans l’Irak actuel) contournant son
adversaire par le nord. Alexandre reprend alors la direction du sud avec le Tigre sur sa droite.
Au bout de quatre jours de marche il apprend que l’armée perse, bien supérieure en nombre,
l’attend à Gaugamèles, non loin d’Arbèles / Adiabène (actuelle ville d’Erbil dans le Kurdistan
irakien).

À la poursuite de Darius III

L’entrée dans Babylone et Suse (novembre / décembre -331)

Le succès du combat lui ouvre la route de Babylone, qui se rend suite à des négociations.
Nous connaissons mieux de nos jours les trois semaines entre la bataille et son entrée dans la
ville (fin octobre -331) grâce à une tablette babylonienne qui, bien que détériorée, fait une
nette allusion à la bataille de Gaugamèles et à sa chronologie précise. L’auteur anonyme y
parle de la fuite de Darius « vers le pays de Guti » ce qui désigne la Médie. La suite de ce
texte indique que les autorités de Babylone négocient avec le vainqueur et que celui-ci
habilement garantit le maintien des traditions religieuses et la préservation des sanctuaires. Il
donne l’ordre de rebâtir le sanctuaire de Bel Mardouk qui tombait en ruine. Le vainqueur de
Darius maintient d’ailleurs la plupart des dignitaires à leur poste (souvent sous le contrôle
d’un officier macédonien). C’est le cas de Maziaos, un noble perse, qui sur ordre de Darius
s’est replié sur Babylone dont il devient alors le satrape46, poste auquel il est confirmé par
Alexandre. Celui-ci s’évite ainsi un siège long qui pouvait permettre à son ennemi de se
ressaisir et inaugure sa politique de ralliement à sa personne de l’aristocratie achéménide.

Il entre en vainqueur dans la capitale de l’Empire perse et y demeure près d’un mois. Tandis
que Darius, en fuite, tente de réunir une nouvelle armée royale dans les hautes satrapies,
Alexandre prend la direction de Suse, laquelle se rend à son tour. Il avait cependant dépêché
Polyxénos à Suse afin de s’assurer du trésor important (sans doute près de 50 000 talents
d’argent) qui s’y trouvait. Une partie importante de cet argent (sans doute 30 000 talents) est
envoyé à Antipater afin qu’il l’utilise dans sa lutte contre Sparte.

Les difficultés d’Antipater (-331)

L’année -331 est une année difficile pour Antipater, outre ses relations exécrables avec
Olympias, à qui Alexandre a confié le gouvernement de la Macédoine et de la Grèce en son
absence. Apparemment la dispersion de la flotte perse, suite à la prise de Tyr, n’attise plus les
velléités de révolte des Grecs sauf à Sparte où le roi Agis III s’assure le concours des pirates
crétois puis de l’ensemble des peuples du Péloponnèse (Éléens, Arcadiens et la quasi-totalité
de l’Achaïe à l’exception de Pellènè)47. Mégalopolis et Messène sont les seules cités
importantes à refuser d’entrer dans la coalition anti-macédonienne. Dans un premier temps
Agis est vainqueur d’un corps expéditionnaire macédonien dirigé par Korragos et assiège
Mégalopolis. Le reste de la Grèce cependant ne bouge pas et même Démosthène à Athènes
conseille de n’en rien faire. Il est vrai que les gestes habiles d’Alexandre, comme de renvoyer
de Suse vers Athènes la statue d’Aristogiton et d’Harmodios ou la libération des prisonniers
athéniens de la bataille du Granique, lui concilient provisoirement une partie des habitants de
la cité attique48.
En Thrace, Memnon, un stratège macédonien envoyé pour contenir une révolte, prend le parti
des populations insurgées. Enfin, la reine Olympias provoque des difficultés quand, à la mort
de son frère Alexandre, le roi d’Épire, tué dans une expédition en Italie, elle avance des
prétentions au trône de ce pays. Elle en assure finalement la régence pour l’un de ses petits-
enfants, fils du roi précédent et de sa fille Cléopâtre la sœur d'Alexandre. Antipater réagit,
suivant les ordres d'Alexandre, en traitant avec Memnon pour le neutraliser et en en dirigeant
la quasi-totalité de ses forces, sans doute 35 000 à 40 000 hommes vers le Péloponnèse. Agis
ne dispose quant à lui que de 20 000 hommes environ et 2 000 cavaliers. Il est battu et tué
sous les murs de Mégalopolis à l’automne -331. Sparte est contrainte à dissoudre la Ligue du
Péloponnèse et à entrer dans la Ligue de Corinthe[réf. nécessaire]. La nouvelle de la victoire de
Gaugamèles en Asie après la victoire d'Antipater sur Sparte49 assurent avec plus de force la
souveraineté macédonienne en Grèce.

La campagne en Perse et l’incendie de Persépolis (janvier / mai -330)

Alexandre Rondanini, copie romaine d’un groupe d’Euphranor représentant Alexandre et son
père, Glyptothèque de Munich

La campagne se poursuit en direction de la Perse proprement dite. Alexandre emprunte la


route, que suivait la cour du Grand Roi lors de ses pérégrinations entre les diverses capitales
de l’empire, qui passe à travers le pays des Ouxiens (sud-ouest de l’Iran actuel). Il soumet, par
une campagne foudroyante dont il a l’habitude, les montagnards de ces régions qui s’engagent
à payer un tribut en chevaux et bêtes de somme dont a besoin l’armée. Après avoir été un
temps arrêté par la résistance du satrape Ariobarzane aux Portes persiques, il franchit l’Araxe
sur un pont qu’il fait construire et parvient dans la ville la plus symbolique du pouvoir perse,
Persépolis.

La ville est livrée au pillage, puis quelque temps après, les palais de la terrasse sont livrés aux
flammes (mai -330). Cet incendie est parfois interprété comme volontaire, bien qu’il aille à
l’encontre de la politique d’intégration aux coutumes locales du conquérant. Alexandre aurait
ainsi effectué un geste symbolique mûrement réfléchi, à la fois en direction des Perses et des
Grecs de la Ligue50. Une autre interprétation affirme qu’Alexandre aurait provoqué l’incendie
dans un état d’ivresse, poussé en cela par une jeune courtisane athénienne, Thaïs. Il est
possible qu’Alexandre ait voulu par là venger les destructions perses à Athènes, en -480, ou
plus simplement qu’il ait souhaité affirmer son pouvoir face à une population peu encline à se
rallier à lui. Quoi qu’il en soit, Alexandre regrettera par la suite cet acte très mal perçu par les
Perses mais accompli avec joie par les troupes macédoniennes qui pensent, bien à tort,
qu'Alexandre trahit son regret du pays natal et manifeste par cet incendie sa volonté de ne pas
se fixer en Asie51,52.

Les ruines des palais des Achéménides, Persépolis.

La mort de Darius III (été -330)

Darius III pendant ce temps s'est réfugié en Médie puis, devant l'avance d'Alexandre, décide
de prendre le chemin de l'Hyrcanie (sud-est de la mer Caspienne). Il est rejoint à Ecbatane par
Ariobarzane, Bessos avec des cavaliers originaires de Bactriane et un corps d'environ
2 000 mercenaires Grecs. Darius envoie son harem, ce qui reste de son trésor aux portes
caspiennes (à l’est de Téhéran) qui permettent l'entrée en Hyrcanie et qui se révèlent faciles à
défendre. Alexandre pénètre en Paratécène (l'actuelle région d'Ispahan), soumet la population
et fonce sur Ecbatane pour y apprendre que Darius vient de s’enfuir trois jours plus tôt avec
environ 9 000 hommes dont 3 000 cavaliers. À Ecbatane le roi de Macédoine licencie ses
cavaliers thessaliens, lance Parménion vers l'Hyrcanie et Cleithos vers la Parthie (à l’est de
l'Hyrcanie). Lui-même se lance avec des troupes rapides à la poursuite du monarque en fuite.
En onze jours il parcourt la route qui va d’Ecbatane à Rhagæ (légèrement au sud de Téhéran)
où il est obligé de laisser souffler ses hommes et chevaux cinq jours. Il apprend par des
transfuges que Darius est prisonnier des satrapes Bessos et Barsaentès et qu'il se dirige vers
Hécatompyles (près de l'actuelle ville de Shahroud). En apprenant cette nouvelle, Alexandre
confie ses troupes à Cratère et avec ses éléments les plus rapides marche pendant une journée
et demie sans pratiquer de véritable pause. Un jour plus tard, après une marche nocturne, il
atteint le camp de Darius que celui-ci vient d'abandonner. Le soir même Alexandre impose à
ses hommes une nouvelle marche de nuit pour aboutir à un campement de nouveau
abandonné. Finalement Alexandre avec quelques cavaliers et fantassins montés rejoint le
convoi de Darius. Celui-ci est mort, assassiné par Bessos53, Barsaentès et Satibarzane qui
viennent de s’enfuir avec quelques centaines de cavaliers (été -330). L'un des satrapes
comploteurs, Bessos, tente de prendre les rênes du pouvoir perse, sous le nom d'Artaxerxès
IV, mais il est trop tard, Alexandre tient fermement l’empire perse.

Toujours plus à l’est

Darius III mort, Alexandre lui rend les honneurs royaux et se présente en justicier contre ses
assassins. Il est probable que la mort de Darius, à laquelle il est étranger, est pour Alexandre
une bonne nouvelle car quel sort eût-il pu réserver au Grand Roi s’il avait été pris vivant ? Au
contraire il lui est possible maintenant de se montrer généreux avec sa famille et de faire
ensevelir Darius dans les tombes royales de Persépolis. Les satrapes restés fidèles à Darius
sont récompensés tel Artabaze qui reçoit la satrapie de Bactriane. La mort de Darius amène la
noblesse perse à se rallier massivement à Alexandre. Cette collaboration des élites vaincues
lui est nécessaire car les premières manifestations de lassitude de certains contingents obligent
le roi à licencier une partie de ses troupes. En Médie les cavaliers thessaliens et les alliés
(7 000 hommes au départ de l’expédition) sont renvoyés dans leurs foyers54. Or les besoins en
hommes augmentent au fur et à mesure que l’armée pénètre en Asie. Ainsi, rien que pour
garder les trésors royaux, Alexandre laisse 6 000 hommes à Ecbatane.

La révolte de l’Arie (automne -330)

Avant de poursuivre Bessos et ses complices, Alexandre soumet l’Hyrcanie et les populations
montagnardes de la région (actuelles montagnes du Khurāsān à la frontière entre l’Iran et le
Turkménistan), les Tapouriens et les Mardes. Il incorpore à son armée la majorité des
mercenaires Grecs qui étaient au service de la Perse (recrutés avant -334 ce qui lui permet de
compenser le licenciement d’une partie de ses troupes abordé précédemment) et rassemble ses
soldats à Zadracarta. Une partie des soldats est renvoyée, sous le commandement de
Parménion en qui il est plausible qu’Alexandre n’ait plus qu’une confiance limitée, à
Ecbatane tandis qu’il se prépare à poursuivre les satrapes en fuite. Il apprend à Zadracarta
que ceux-ci se sont séparés et que Bessos, qui se proclame roi sous le nom d’Artaxerxès IV,
s’est réfugié en Bactriane tandis que Satibarzane est retourné en Arie (actuelle région d’Hérat
à l’ouest de l’Afghanistan) et Barsaentès en Drangiane (sud de l’Afghanistan).

Alexandre s’empare assez rapidement de l’Arie, en remontant la vallée de l’Atrek, et


maintient Satibarzane à son poste en lui adjoignant un stratège macédonien Anaxippos. Mais,
alors qu’il se prépare à remonter vers la Bactriane, Satibarzane se révolte (automne -330),
assassine Anaxippos et massacre les troupes macédoniennes laissées en Arie avant de
s’enfuir. Alexandre afin de maintenir l’ordre dans cette province y fonde une ville, Alexandrie
d’Arie (actuelle Hérat), puis se dirige vers la Drangiane où le rebelle Barsaentès lui est livré et
mis à mort. En octobre ou novembre -330 Satibarzane se révolte de nouveau en Arie. Il est tué
dans un affrontement avec le corps expéditionnaire lancé contre lui par Alexandre et dirigé
par Artabaze, Érygyos et Caranos.

Les meurtres de Philotas et Parménion (automne -330)

C’est à l’automne de l’année -330 que se déroule un épisode dramatique entraînant la mort de
proches d’Alexandre sur ordre du roi. Alors que l’armée séjourne dans la capitale de la
Drangiane, Phrada-Prophtasia (au sud de Hérat), Philotas le fils de Parménion et
commandant de la cavalerie est emprisonné et jugé pour complot, ou plus exactement pour
avoir eu vent d’un complot contre le roi et de n’avoir rien fait pour le dénoncer. Il est probable
que les critiques de Philotas sur le cérémonial perse de plus en plus adopté par le roi aient
indisposé ce dernier. Philotas est jugé par l’assemblée des Macédoniens, fortement accusé par
Cratère (qui y voit sans doute un moyen d’éliminer un rival qui pourrait faire de l’ombre à son
étoile montante) et lapidé selon la coutume. Quant à Parménion, qui se trouve à la tête de
nombreuses troupes en Médie, Alexandre ignore s’il se trouve impliqué dans la conjuration.
Dans le doute il envoie des officiers le mettre à mort, ce qui est fait. Il s’en faut de peu que les
troupes de Médie se soulèvent à cause de ce meurtre.

Cet épisode est révélateur des réticences de plus en plus fortes d’une partie des Macédoniens
et de l’entourage du roi (à l’exception notable d’Héphaestion) sur cette épopée qui les voit
s’enfoncer de plus en plus en Asie, loin de leurs bases, de leur pays à la poursuite d’un but et
d’un rêve qui leur échappe. Les maladresses de Philotas, expliquant volontiers qu’Alexandre
n’aurait pas remporté ses victoires sans l’aide de son père et la sienne, et qui se moquait des
prétentions du roi à être considéré comme le fils d’Ammon-Zeus, expliquent aussi sans doute
qu’Alexandre ne tente rien pour sauver sa vie. Cet épisode démontre enfin qu’Alexandre est
prêt à tout pour l’accomplissement de ses desseins, même le meurtre de ses plus proches
conseillers ou amis. La mort de Cleithos au printemps -328 le prouve tragiquement. Enfin il
ne faut pas perdre de vue que la royauté macédonienne connaît des rapports conflictuels
fréquents entre aristocratie et monarchie et que le meurtre de Philotas, hipparque et
commandant des Compagnons, est un moyen pour le roi de se débarrasser d’un officier trop
puissant.

La difficile pacification de l’Asie centrale (fin -330 / printemps -327)

De Drangiane, l’armée passe vers la fin de -330 en Arachosie (sud-ouest de l’Afghanistan),


mais est retardée dans sa poursuite de Bessos par la révolte de Satibarzane en Arie. Le roi
fonde une nouvelle ville, Alexandrie qui correspond à l’actuelle Kandahar, laisse un stratège
nommé Memnon comme satrape en Arachosie et remonte vers la Bactriane à la poursuite de
Bessos. La traversée des monts Paraponisades (Hindū-Kūsh), que les Macédoniens et les
Grecs confondent apparemment avec le Caucase, s’effectue au printemps -329. En Bactriane,
Bessos est en fuite, ravageant les vallées entre les Paraponisades et l’Oxus (actuel Amou-
Daria) afin de limiter les possibilités de ravitaillement de ses poursuivants. Il s’empare
d’Aornos qui devient à son tour une Alexandrie puis de la cité de Zariapsa ou Bactres
(actuellement Balkh). L’armée passe ensuite l’Oxus sur un pont flottant fait de tentes de
peaux remplies de diverses matières séchées et passe en Sogdiane. Les nobles Spitaménès et
Oxyartès décident alors de livrer Bessos et le font savoir à Alexandre. Ptolémée est chargé de
cette capture délicate qui intervient au début de -329. Bessos est emmené à Bactres où, à la
façon des Perses, on lui coupe le nez et les oreilles puis il est envoyé à Ecbatane et exécuté (-
329).

Pendant près de deux ans Alexandre lutte en Sogdiane et en Bactriane contre des satrapes
révoltés, contre les peuples des Sakas et des Massagètes contre lesquels Cratère va s’illustrer.
Spitaménès, le satrape ayant livré Bessos, se révolte et massacre plusieurs garnisons
macédoniennes. Il inflige même un cuisant échec militaire à des officiers d’Alexandre sur le
fleuve Polytimetos (Zeravchan dans l’actuel Ouzbékistan). La réaction d'Alexandre après
cette défaite est extrêmement significative du profond désarroi de l'armée puisqu'il interdit,
sous peine de mort, aux rescapés de ce désastre de divulguer la réalité55. Après avoir hiverné (-
329/-328) à Bactres, Alexandre repart pour la Sogdiane qui s’agite quand Spitaménès reparait
en Bactriane et surprend dans une embuscade la garnison de Zariapsa.

C’est en ce début d’année -328 que se déroule un épisode qu’Alexandre va profondément


regretter, le meurtre de Cleithos. Ce dernier, parfois présenté comme le frère de lait du roi, est
un de ses plus fidèles compagnons et lui sauve même la vie lors de la bataille du Granique.
Lors d’un banquet se terminant souvent en ivrognerie généralisée, scène dont Alexandre
semble familier, les auteurs antiques sont unanimes sur ce point, Cleithos porte les exploits de
Philippe II au-dessus de ceux de son fils. Celui-ci ne le supporte pas et dans un accès de rage
tue son ami de sa main. Dégrisé, Alexandre pleure longuement Cleithos et lui fait faire de
grandioses funérailles. Cependant ce séjour dans les provinces orientales de l’ancien Empire
achéménide pèse fortement sur l’entourage du roi. Quand Alexandre tente d’imposer
l’étiquette perse aux Macédoniens, en particulier le fait de se prosterner devant lui
(proskynèse), une protestation portée par Callisthène, le neveu d’Aristote et historiographe du
roi, semble approuvée par de nombreux compagnons du roi. Alexandre d’ailleurs cède et ne
maintient cette étiquette que pour ses sujets asiatiques mais la part qu’il donne à ces derniers
dans l’armée et l’administration suscite des mécontentements dans son entourage proche. Le
complot des pages, né du désir de vengeance personnelle d’un de ces jeunes gens entourant et
servant le roi qui s’estimait injustement puni, révèle cependant que parmi ses compagnons de
jeunesse, nourris comme lui aux sources de la philosophie grecque, certains jugent
insupportables ses nouvelles exigences et commencent à le considérer comme un tyran.
Callisthène qui avait raillé les prétentions d’Alexandre à la divinité est exécuté lors de la
répression qui fait suite à ce complot.

L’insaisissable Spitaménès succombe finalement à la trahison des Massagètes qui au cours de


l’hiver -328/-327, alors qu’Alexandre est à Nautaca (sud-est de l’actuelle Boukhara), envoient
sa tête au roi de Macédoine. Le printemps -327 est occupé à détruire les derniers îlots de
résistance, rôle dont s’acquitte Cratère, et à réorganiser l’empire dans cette région. À la place
d’Artabaze, satrape de Bactriane rallié depuis longtemps à Alexandre mais qui est très âgé
demande à être relevé de son commandement, Alexandre nomme un macédonien. Enfin, il
épouse en -327 la fille d’Oxyartès, Roxane. Le roi fonde aussi Alexandria Eskhate (actuelle
Khodjent), sur le fleuve Iaxartès (Syr-Daria), qui marque le point le plus au nord de son
périple.

L’Inde et la fin du périple

Peinture de Charles Le Brun montrant Alexandre et Pûru lors de la bataille de l'Hydaspe.

L’Inde pour les Macédoniens et les Grecs est une contrée mystérieuse connue par les textes
d’Hécatée de Milet et d’Hérodote ainsi que ceux de Ctésias, médecin à la cour d’Artaxerxès
II. Ces auteurs ont sans doute utilisé la relation du voyage qu’y fit Scylax de Caryanda sur
ordre de Darius Ier. La vallée de l’Indus est théoriquement sous le contrôle de l’empire
achéménide depuis cette époque mais en réalité la frontière du pouvoir perse se limite aux
Paraponisades. Quant à la vallée du Gange et au plateau du Deccan ils sont inconnus.
Cependant des relations existent puisque l’on trouve dans les armées perses quelques
éléphants et des contingents indiens.

Alexandre avait-il l’intention d’intervenir en Inde ? Il ne fait guère de doute que le but
premier du roi est de restaurer à son profit les limites de l'empire de Darius Ier et d'en tirer les
profits commerciaux inhérents. Ce qui semble probable est qu’il ait été aisément convaincu,
alors qu’il guerroie encore en Sogdiane, par Taxile, l’un des roitelets de la vallée
septentrionale de l’Indus, d’intervenir contre son ennemi Pôros qui règne sur le royaume de
Paurava à l’est de l’Hydaspe et qui menace le Panjâb. Alexandre est conseillé aussi par un
prince indien, Sisicottos, qui après avoir suivi la fortune de Bessos s’est rallié au conquérant.
Le projet d'Alexandre est probablement plus ancien cependant puisqu'au printemps -329 il
fonde une Alexandrie-du-Caucase (au nord de l'actuelle Kaboul) ce qui illustre clairement sa
volonté de disposer d'une base arrière pour son expédition. Enfin le rappel d'un marin comme
Néarque en -329/-32856 semble prouver qu'à ce moment Alexandre envisage déjà une
expédition maritime entre l'Inde et le golfe Persique.

Souhaite-t-il continuer au-delà de l'Indus ? A-t-il une ambition mondiale 57? De nombreux
historiens58 estiment que son expédition vers le Gange, interrompue par la sédition de ses
soldats sur l'Hyphase, avait pour but de s'emparer des bases commerciales indiennes (de la
même façon qu'en -323, peu avant sa mort, il préparait probablement une expédition vers les
ports arabes du golfe Persique) mais que l'objectif premier était bien le retour par la vallée de
l'Indus, puis l'Océan et le golfe Persique. Tout conduit par conséquent à admettre que, dans la
droite ligne de son refus des propositions de paix faites par Darius III en -332 et -331,
Alexandre avait déjà une idée relativement précise de ses objectifs globaux (devenir le maître
de l'ensemble des territoires qui avaient été un jour achéménides et contrôler l'ensemble des
grandes routes commerciales), même si leur application dans le détail restait beaucoup plus
imprécise59.

La conquête du nord-ouest de l’Inde (été -327 / été -326)

Parcours de l’armée d’Alexandre le Grand en Bactriane, en Sogdiane, puis le long de la vallée


de l’Indus jusqu’à l’océan Indien.

Au printemps -327, Alexandre part de Bactres à la tête d’une armée considérable, sans doute
120 000 personnes dont au moins 60 000 soldats, le reste étant constitué d’esclaves, de
serviteurs mais aussi de femmes et d’enfants[réf. nécessaire]. Les Grecs et Macédoniens ne
représentent guère que la moitié des effectifs combattants. Le roi de Macédoine en effet a
recruté des Asiatiques qui sont organisés dans des unités sur le modèle macédonien.

Alexandre repasse donc les monts Paraponisades et se rend à Alexandrie-du-Caucase (actuelle


Bagram près de Kaboul). Là il reçoit le renfort du roi de Taxila qui lui offre quelques
éléphants de guerre. Puis il charge Héphaestion et Perdiccas de soumettre les peuples vivant
sur la rive sud du Cophen (la rivière qui descend de la vallée de l’actuelle Kaboul vers
l’Indus) tandis que lui s’occupe de la rive septentrionale (été -327). Si la conquête de la rive
sud se déroule sans trop d’encombre, ses deux généraux atteignant l’Indus avant lui,
Alexandre est confronté aux Assacènes (Açvakas) qui offrent une forte résistance. La prise de
leur ville forte Aornos lui donne du fil à retordre. Finalement il atteint l’Indus où Héphaestion
et Perdiccas ont construit un pont et celui-ci est franchi au printemps -326. L’armée se repose
alors à Taxila la capitale de Taxile. Peu après, l’armée s’ébranle pour combattre Pôros qui
surveille l’Hydaspe (actuel Jhelum l’un des affluents de l’Indus) avec une armée nombreuse,
forte de 200 éléphants de guerre. Alexandre manœuvre une fois de plus avec habileté car
laissant Cratère avec le gros des troupes, il traverse avec sa cavalerie et ses hypaspistes le
fleuve dans une région boisée environ 150 stades en amont (environ 30 km) afin de prendre
Pôros à revers. La victoire est totale, mais c’est une bataille d’une grande violence. Bucéphale
meurt lors de cette bataille et en son honneur, Alexandre fonde sur son tombeau la ville de
Bucéphalie (ou Boukêphalia). Peu après, Alexandre perd son chien Péritas pour qui il
construit également une ville éponyme60.

Poursuivant sa politique d’intégration des chefs locaux, Alexandre laisse Pôros en place,
conquis par la noblesse de celui-ci, avec un territoire plus vaste que celui qu’il avait à
l’origine. Une révolte sur ses arrières de la part des Assacènes l’oblige à envoyer des troupes
dirigées par Philippe et Tyriaspès tandis que lui-même parcourt le Panjâb actuel y soumettant
les divers peuples qui y vivent. Alexandre pense alors franchir l’Hyphase (actuelle rivière
Bias au Penjab) pour atteindre la vallée du Gange et l’Océan extérieur.

Mais à l’automne -326, sur les rives de ce fleuve, Alexandre doit affronter une levée de
boucliers des Grecs et des Macédoniens et le roi ne parvient pas à les convaincre d’aller plus
loin. Après s’être enfermé trois jours sous sa tente, le Conquérant est obligé de se plier aux
volontés de ses soldats et donne l’ordre du retour. Il fait ériger douze autels monumentaux
pour chacun des douze principaux dieux de l’Olympe, ainsi qu’un camp artificiellement
agrandi jusqu’au triple de ses dimensions normales, marquant le point extrême de sa
progression à l’est. Il fait apposer une inscription : « Ici s’est arrêté Alexandre ». Cet épisode
est révélateur de la coupure qui s’est créée entre le roi et ses troupes. Certains de ses officiers,
les épisodes de la mort de Philotas et de Cleithos le rappellent, sont hostiles à un mode de
gouvernement de plus en plus personnel et autocratique, sur le modèle asiatique. Mais les
soldats quant à eux sont, au moins pour les survivants du début de l’expédition, physiquement
exténués61. Il y a de plus pour les soldats un désir légitime de revoir leur famille et de jouir du
butin accumulé62.

La conquête de la vallée de l’Indus (automne -326 / printemps -325)

Alexandre décide ensuite de soumettre toute la vallée de l’Indus. Il fait construire une flotte,
prête à l’automne -326 où il embarque avec une partie de son armée, pour descendre
l’Hydaspe puis l’Acésine afin de rejoindre l’Indus. Cette flotte est construite avec la
contribution financière de nobles de la cour et de l’état-major du roi. Elle est dirigée par
Néarque avec des équipages essentiellement phéniciens et grecs suite aux renforts
qu’Alexandre vient de recevoir. Avant le départ, et malgré la mort de Cœnos un des chefs
militaires les plus populaires et un des plus fidèles compagnons d’Alexandre, une assemblée
des princes locaux reconnaît Pôrôs comme souverain, sous la suzeraineté du roi de Macédoine
et de l’empire perse. Alexandre embarque avec lui les archers, les hypaspistes et les cavaliers
de sa garde cependant que Cratère longe la rive droite et Héphaestion, avec l’essentiel de
l’armée, descend le long de la rive gauche.

À l’embouchure de l’Hydaspe et de l’Acesine des rapides endommagent la flotte qui doit


réparer. Certains peuples se soumettent rapidement mais d’autres comme les Malliens et les
Oxydraques refusent. Vers la mi-novembre -326, le Conquérant soumet les Malliens, mais
commet la faute d’attaquer une ville de brahmanes, ce qui provoque une rébellion qui se
propage rapidement avant d’être réduite par Peithon. Au cours de cet engagement, il est assez
sérieusement blessé, au point que l’armée croit en sa mort. Il doit faire ouvrir les rideaux de la
cabine de son navire pour rassurer ses troupes.
Alexandre, trop empreint de culture grecque, ne comprendra jamais le système de castes
indien, et finit par rejoindre l’embouchure de l’Indus après une violente campagne de
répression63. Les Macédoniens sont effrayés par le phénomène des marées, quasi inconnu en
Mer Méditerranée, ce qui n’empêche pas Alexandre d’établir un port, des arsenaux, des
citernes dans un port construit au sud de la ville de Pattala, preuve qu’il s’agit pour lui d’un
territoire destiné à être incorporé à son empire.

Le difficile retour (juillet -325 / décembre -325)

Alexandre, pour son retour vers Babylone, divise son armée en trois corps (juillet -325).
Néarque avec une flotte d’une centaine de navires, 2 000 marins et 12 000 soldats, est chargé
de rouvrir la route maritime entre l’Indus et l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate. Cratère
quant à lui a déjà quitté (en juillet) la vallée de l’Indus avec la moitié de la phalange (quatre
taxes), les éléphants et les vétérans désirant retourner en Macédoine. Il remonte par
l’Arachosie et la Drangiane (sud de l’Afghanistan actuel) et doit retrouver Alexandre en
Carmanie (région qui correspond au sud de l’Iran vers le détroit d'Ormuz). Sans doute s’agit-il
pour Alexandre de montrer ses troupes dans des régions soumises depuis peu, à proximité
également de la Bactriane où les colons militaires viennent de se révolter64.

Alexandre sur son cheval Bucéphale, bronze, musée national étrusque de la villa Giulia
(Rome)

Alexandre choisit pour le retour l’itinéraire le plus difficile en longeant la côte de la Gédrosie
(actuel Balouchistan pakistanais). Il s’agit de soutenir la flotte de Néarque en établissant des
dépôts de vivre. Depuis Patala sur l’Indus, il gagne avec 25 000 hommes l’actuelle région de
Karâchi où le peuple des Arabites capitule sans combattre. Puis Alexandre atteint la vallée du
Purali dont il soumet les habitants, les Orites. La côte étant trop misérable pour
approvisionner la troupe, Alexandre doit demander de l’aide aux Gédrosiens de l’intérieur du
pays. Alexandre divise alors son armée en deux corps ; celui commandé par Léonnatos doit
suivre l’itinéraire traditionnel des caravanes, plus au nord, et faire sa jonction avec Alexandre
à Pura, capitale de la Gédrosie. Alexandre avec 12 000 hommes, dont ses troupes d’élite et un
convoi de femmes et d’enfants, traverse la Gédrosie par le désert du Makran qui longe le
littoral65. Or au moment où Alexandre entre dans le désert, les Gédrosiens et les Orites se
révoltent ; il n’obtient donc pas les vivres promis. Le désert de Makran est une région
particulièrement isolée, couverte de marécages salés, comptant peu d’oasis, en tout cas avec
des ressources insuffisantes pour un tel effectif. Une grande partie du convoi avec les femmes,
les enfants et les attelages est emporté par la brusque montée d’un torrent. La troupe met deux
mois pour accomplir 700 km entre la vallée du Purali et Pura. Alexandre rallie la ville de Pura
en décembre -325. Il y est rejoint par le contingent de Léonnatos qui a entre-temps fondé
Alexandrie des Orites. Malgré la saison des pluies, plus de 6 000 personnes seraient mortes de
soif et d’épuisement durant cette marche dans le désert du Makran66, d’autant qu’une partie
des réserves de grain est déposée dans des fortins au bord de la mer pour approvisionner la
flotte. Ce voyage est le plus éprouvant de toute l’expédition d’Alexandre et entraîne un grand
nombre de décès par épuisement, soif et sous-alimentation ; tous les chevaux et les bêtes de
sommes meurent au cours de ce périple. D’autant que cette souffrance a été inutile : jamais
Alexandre ne parvient à établir le contact avec la flotte de Néarque.

En Carmanie, Alexandre est rejoint par Cratère. Immédiatement Alexandre est confronté à des
récriminations de toutes sortes sur les officiers qui ont gouverné l’empire en son absence. Les
abus de ses satrapes sont les signes d’un malaise assez compréhensible en cette période
troublée et que l’éloignement du roi ont favorisé. Deux stratèges de Médie, Cléandre et
Sitalcès, sont exécutés ainsi plus tard qu’Héracon. Il s’agit des officiers qui avaient été
chargés de tuer Parménion[réf. nécessaire].

Quant à la flotte, elle part avec un mois de retard sur les plans initiaux, à cause des vents de
mousson, le 23 octobre -325. Elle longe la côte de la mer d’Érythrée (actuelle mer d’Oman),
pour rallier l’Euphrate. Pilotée par Néarque, avec pour second Onésicrite (le futur rédacteur
de l’Alexandropédie), elle explore la côte avec minutie, et rencontre notamment des baleines
pour la première fois. Confrontée à plusieurs tempêtes, qui coulent trois navires au moins,
Néarque est aussi obligé de maintenir la flotte à la mer jour et nuit car il craint les désertions.
Il est impossible de se ravitailler à terre sur la côte de la Gédrosie, le pays des misérables
Ichtyophages (« mangeurs de poisson »). En outre les dépôts laissés par Alexandre sont
attaqués par les Orites. Les seuls aliments proviennent donc de la mer ; ce qui prend au
dépourvu la flotte, laquelle souffre de la faim. Finalement après 1 300 km et 80 jours de
navigation, Néarque parvient à Harmozia (Ormuz) en face du promontoire de Macéta (actuel
Émirats arabes unis). Néarque quitte alors la flotte et se rend au-devant d’Alexandre qui le
reçoit avec des transports d’allégresse, persuadé de la disparition de sa flotte. Néarque repart
ensuite jusqu’aux bouches de l’Euphrate (décembre -325) et rallie Suse.

La dernière année du règne

Les noces de Suse et la mutinerie d’Opis (hiver / printemps -324)

L’empire d’Alexandre

De Carmanie, Alexandre se rend au début de l’année -324 à Pasargades avec des troupes
légères tandis qu’Héphaestion poursuit le voyage avec le gros de l’armée le long des côtes de
la Perse. C’est à ce moment qu’il entreprend de restaurer le tombeau de Cyrus le Grand,
lequel avait été pillé en son absence, et de punir les coupables. Il se débarrasse aussi de
plusieurs satrapes tel Baryaxès qui s’était proclamé Grand Roi ou Orxinès en Perse dont la
fidélité était sujette à caution. Puis il arrive à Suse.

C’est à ce moment qu’interviennent les fameuses noces de Suse. Cet épisode est un acte
symbolique très solennel révélateur de la volonté du roi de fondre en un seul peuple les
Macédoniens et Grecs ainsi que les Asiatiques. C’est ainsi que dix mille de ses compagnons
épousent le même jour des femmes asiatiques. Alexandre y épouse Stateira, fille aînée de
Darius III, tandis qu’Héphaestion épouse une de ses sœurs cadettes. Les mariages se font à la
mode perse, ce qui ne manque pas de provoquer la désapprobation des Macédoniens (qui ont
déjà vu leur roi s’unir à Roxane) qui en concluent qu’Alexandre s’éloigne des coutumes
grecques pour adopter une mentalité « barbare ». Le conquérant marque également la volonté
d’intégrer de jeunes Perses à son armée. Pour calmer la grogne Alexandre paye les dettes de
ses soldats et offre en un geste symbolique des couronnes d’or à ses généraux.

Ces gestes sont insuffisants pour éviter qu’une révolte des vétérans n’éclate à Opis (au nord
de Babylone). L’élément déclencheur est bien cette place nouvelle qui est accordée par
Alexandre à ses troupes asiatiques. Ainsi la création d’une cinquième hipparchie composée
d’Asiatiques dans le corps des hétères est-elle mal ressentie. Aussi le jour même où Alexandre
libère 10 000 vétérans éclate la mutinerie. Il lui est demandé de donner congé à tous,
d’entreprendre de nouvelles conquêtes tout seul, ou avec son père Amon. Cette remise en
cause de son origine divine le rend fou de rage et Alexandre se précipite sur les mutins avec
ses hypaspistes. Il fait exécuter treize des meneurs et reprend, par un discours habile où il
flatte l’orgueil de ses hommes, le contrôle de la situation. Il se retire ensuite sous sa tente et ne
s’adresse plus qu’aux Perses refusant de parler aux Macédoniens. Ceux-ci supplient alors le
roi de leur rendre leur place auprès de lui et promettent de le suivre où il voudra les conduire.

Cette réconciliation théâtrale prouve l’habileté du roi qui conserve son ascendant sur ses
troupes tout en atteignant ses objectifs puisque les Asiatiques restent dans l’armée. Mais cette
mutinerie éclaire bien la distance qu'il y a entre les projets du roi et les désirs de ses troupes
fatiguées. À Opis les troupes s'aperçoivent qu'Alexandre a bien l'intention « d'établir pour
toujours en Asie le centre de son royaume. »67. Les nouvelles entreprises du roi apparaissent
aux yeux de ses soldats comme de plus en plus personnelles et ils s'en estiment de moins en
moins solidaires. Cette résistance de l'armée à la politique de fusion avec les troupes
asiatiques constitue assurément le plus grave échec d'Alexandre.

Plusieurs milliers de vétérans sont libérés et rentrent en Macédoine, commandés par Cratère et
Polyperchon. Cratère est chargé de remplacer Antipater en Macédoine, en conflit permanent
avec Olympias, et dont Alexandre semble à ce moment se méfier, tandis qu’Antipater doit
emmener en Asie de nouvelles recrues pour les projets futurs du roi (été -324).

Ultimes desseins (été -324 / printemps -323)

D’Opis par la vallée du Zagros, Alexandre se rend à Ecbatane. C’est là, au cours de l’hiver
-324, que meurt le favori d’Alexandre, Héphaestion, probablement de maladie. La douleur du
roi est assimilée par les historiens antiques à celle d’Achille sur le corps de Patrocle.
Alexandre rend à son compagnon des honneurs quasi royaux. Mais les tâches royales
reprennent vite le dessus et une dernière campagne est organisée contre les habitants du
Lorestan actuel (sud-ouest de l’Iran) et contre les Ouxiens montagnards que les Perses
n’avaient jamais totalement soumis.
Pièce de Ptolémée avec Alexandre portant un scalp d’éléphant, symbole de sa conquête de
l’Indus.

Alexandre se rend ensuite à Babylone au printemps -323. En chemin il reçoit des ambassades
venues de Grèce. Les Athéniens en particulier protestent contre un décret d’Alexandre
ordonnant le rappel des bannis et contre celui réclamant pour le roi les honneurs divins. Le
décret sur les bannis sera l’un des prétextes au déclenchement de la guerre lamiaque à la mort
du roi.

Alexandre multiplie les rencontres avec des ambassades venues des pays limitrophes de son
empire (Libye, Cyrénaïque, Celtes des Balkans, sans doute Carthaginois) sans qu’il soit
possible de déterminer avec précision quels sont ses objectifs. Le voyage de Néarque ayant
montré combien les communications maritimes avec la partie orientale de l’empire étaient
plus aisées que les communications terrestres, Alexandre ordonne l’exploration des mers
limitrophes. Ainsi Héraclide est-il envoyé explorer la mer Caspienne et trois expéditions
successives sont envoyées reconnaître les côtes de l’Arabie. Les deux premières, celle
d’Archias, et celle d’Androsthène ne dépassent pas l’île de Tylos (actuelle île de Bahreïn).
Celle d’Hièron de Soles atteint sans doute le golfe de Suez. Cette reconnaissance totale des
côtes de la mer Rouge à l’embouchure de l’Indus va donner à Alexandrie un rôle pivot dans le
développement des relations commerciales entre la mer Égée, et donc la Grèce, et l’Asie.

Les historiens ne s’accordent pas sur ses derniers desseins. Plusieurs auteurs anciens affirment
qu'Alexandre caresse le projet de conquérir le bassin occidental de la mer Méditerranée68. Il
est plausible en effet qu’il ait envisagé de se tourner vers la mer Méditerranée occidentale, en
particulier vers Carthage. Perdiccas l'affirme devant les troupes peu après le décès du roi. Ce
qui est certain, c’est qu’une expédition est envisagée pour le 20 du mois de Dæsios (5 juin -
323) que les sources antiques orientent vers le sud de la Libye afin d’atteindre l’Occident.
S’agit-il, sinon de s’aventurer en Arabie, plus vraisemblablement d’assurer la prospérité et la
durée de son empire par la maîtrise des mers environnantes ? La question que se posent les
historiens contemporains est donc de comprendre s'il y a deux projets distincts, la conquête de
la Méditerranée orientale d'une part et le contrôle des côtes de l'Arabie et de la mer Rouge
d'autre part, ou s'il ne s'agissait que d'un seul et même projet à savoir relier Alexandrie du
Tigre à Alexandrie en Égypte puis de là poursuivre vers Carthage et la Sicile16.

Auparavant, Alexandre consacre les dernières semaines de sa vie à parcourir les canaux de
l’Euphrate et à faire exécuter des travaux destinés à réguler les inondations. Puis il revient à
Babylone et reçoit, tel un dieu, les théores (émissaires) envoyés par les cités grecques.

Les derniers jours (juin -323)


Alexandre a-t-il été empoisonné ? Cette rumeur qui accuse Cassandre et Iolas, les fils
d’Antipater (Iolas, échanson du roi, est le suspect idéal), est évoquée par les auteurs de la
Vulgate d’Alexandre, sans toutefois qu’ils la cautionnent véritablement69 ; elle est contestée
par Arrien et Plutarque70.

Suite à des désaccords dans la politique à mener en Grèce et aux conflits avec Olympias,
Alexandre compte en effet relever Antipater de la régence de Macédoine pour le remplacer
par le fidèle Cratère. Cependant cette rumeur, fomentée par Olympias, se répand plusieurs
années après la mort d’Alexandre, à une époque où les diadoques se déchirent déjà et où la
volonté de discréditer les concurrents potentiels est forte. Cette hypothèse est bien entendu
invérifiable de nos jours mais il est plus vraisemblable pour les historiens modernes
qu’Alexandre soit mort de la malaria, dans sa forme la plus aiguë (Plasmodium falciparum),
qui plus est, sur un organisme fatigué par les blessures et les excès de boisson. Cette saison de
fin de printemps dans la région marécageuse que constitue le sud de l’Irak actuel est
également propice à une telle maladie. Des hypothèses plus récentes datant de la fin du
XXe siècle estiment qu’Alexandre a pu mourir du virus du Nil occidental71 ou d’une fièvre
typhoïde72.

Plutarque et Arrien ont écrit, d’après les Éphémérides royales, le détail des derniers jours du
roi entre le 15 et le 28 du mois de Dæsios (27 mai au 10 juin)73. Selon Plutarque, Alexandre
est troublé par la multiplication de signes funestes. Ainsi, lors de la navigation sur l’Euphrate,
un coup de vent emporte le diadème royal tandis qu’à Babylone, un inconnu ose s’asseoir sur
le trône d’Alexandre, geste qu’il paye de sa vie. Puis les fêtes et les soirées de beuveries, dont
est coutumier le roi, reprennent. Ainsi, les 16 et 17 Dæsios, Alexandre passe de banquets en
banquets chez Néarque puis chez un hétère thessalien du nom de Médeios de Larissa.

Le 18 au matin (30 mai -323), il est pris d’une fièvre qui va durer jusqu’à son décès. Les
premiers jours, jusqu’au 22 Dæsios (4 juin), il continue à donner des ordres et à surveiller les
préparatifs de son expédition mais, à partir du 23, l’aggravation de son état l’en rend
incapable. Le 25 Dæsios, il perd l’usage de la parole et ne peut parler à ses officiers, qu’il
reconnaît cependant. Une terrible fièvre s’empare de lui à partir de la nuit du 25 au 26 Dæsios.
Le 27, les soldats le croyant mort exigent de le voir et défilent devant le roi, sans armes,
lequel salue chaque homme d’un mouvement de tête ou d’un clignement des yeux.

Alexandre le Grand meurt le 28 Dæsios au soir, c’est-à-dire le 10 juin -323, à l’âge de 32 ans
à Babylone.

Le tombeau d'Alexandre
Le cadavre embaumé d’Alexandre devient l'enjeu d'un conflit entre ses diadoques. L'un d'eux,
Perdiccas, fidèle à Roxane et à Alexandre IV, décide dans un premier temps de le rapatrier à
Aigéai, l'ancienne capitale de Macédoine, là où reposent les ancêtres du conquérant. Le corps
est ainsi placé dans un premier sarcophage anthropoïde en or, enfermé à son tour dans un
deuxième cercueil doré, un drap pourpre recouvrant le tout. L'ensemble est disposé sur un
char d'apparat surmonté d'un toit que soutient un péristyle ionique74. Ptolémée Ier Soter n'hésite
pas à attaquer la procession funéraire pour s'approprier le sarcophage et l'exposer à la
dévotion à Memphis. Selon le pseudo-Callisthène, le cadavre est ensuite transporté à
Alexandrie vers -280, à l'aide d'un coffre de plomb par Ptolémée II. Ce dernier le place à
l'intérieur d'un temple dans un nouveau sarcophage recouvert d'or. Ptolémée IV Philopator
enfin fait construire un mausolée somptueux (le Sôma) dans lequel il expose la dépouille
d'Alexandre. Dans La Pharsale de Lucain75, on apprend que le monument se dresse sur un
tumulus et a la forme d'une tour de marbre surmontée d'un dôme pyramidal. Tout autour sont
aménagées de petites chapelles destinées à recevoir les corps des rois lagides, l'ensemble étant
protégé par une enceinte murée qui délimite le téménos. Il est presque certain que le Sôma se
trouvait quelque part à l'intersection de la voie Canopique, qui traverse la ville selon un axe
nord-est sud-ouest depuis la porte du Soleil jusqu'à la porte de la Lune, et de l'autre voie
principale orientée nord-sud qui relie la presqu'île de Lochias au lac Maréotis.

Pour Strabon76, le monument fait même partie de la basilique. Ptolémée IX, à court d'argent
selon Antiochos Grypus, fit remplacer en -89 le cercueil d'or par un cercueil de verre ou
d'albâtre translucide77. Le cadavre embaumé y reste plusieurs centaines d'années et devient un
objet de visite pour un grand nombre d'hommes politiques, de généraux tant grecs que
romains. Ainsi, si l'on suit Suétone78, l'empereur Auguste visite le tombeau et retire un instant
le corps du sarcophage pour lui mettre avec respect une couronne d'or sur la tête et le couvrir
de fleurs. La manipulation aurait malheureusement abîmé le nez du cadavre.

La dernière visite importante est celle de l'empereur Caracalla en 215. Ce dernier n'hésite pas
à s'approprier la tunique, la bague et la ceinture du Macédonien, la cuirasse, quant à elle,
ayant probablement déjà été volée par Caligula. Dès le IVe siècle, un tremblement de terre et
divers vandalismes romains ayant probablement dégradé le monument, l'emplacement du
Sôma n'est plus connu. Les historiens et archéologues, malgré de nombreuses recherches et
hypothèses, ignorent encore de nos jours son emplacement exact.

Bilan
.

Le bilan de l’œuvre d’Alexandre le Grand est complexe à réaliser parce qu’elle est inachevée.

Avec les peuples asiatiques, Alexandre accède le plus souvent à un statut de roi-dieu. Ainsi en
Égypte il est pharaon, Horus vivant. À Babylone il est roi de par la volonté du dieu principal
de la cité, Mardouk79. C’est pourquoi Alexandre, qui s’appuie sur les traditions asiatiques,
cherche à être honoré comme un dieu par tous ses sujets. Il parait peu probable qu’il ait cru
véritablement être un dieu. Héphaestion et lui en font même un sujet de plaisanteries80. Mais il
est convaincu de l’essence divine de sa mission et pense sincèrement qu’il est fils de dieu.

En principe, Alexandre parvient à unifier son empire car tous les territoires conquis en Asie
dépendent de l’autorité du roi mais derrière cette souveraineté totale se cache une grande
diversité de statuts et de situations comme l’administration satrapique. Cela est la
conséquence directe de l’extraordinaire rapidité de la conquête.

Économiquement, Alexandre donne l’impression d’un souverain soucieux d’exploiter


l’espace conquis et d’en répertorier les richesses. Cela est peut-être dû à l’influence d’Aristote
avec lequel il reste longtemps en contact. L’expédition du roi de Macédoine est accompagnée
de bématistes, éclaireurs chargés de recueillir les renseignements (topographiques) avant
chaque bataille, et de les consigner par écrit. Mais l’expédition d’Alexandre est aussi et avant
tout une opération prédatrice de pillage caractérisé au bénéfice de la seule Macédoine, et, dans
une moindre mesure de la Grèce. Les trésors pris représentent des sommes astronomiques
mais les dépenses de l’expéditions sont elles-mêmes gigantesques si bien qu’à la mort du roi,
malgré l’expansion commerciale, il ne reste d’après Justin que 50 000 talents dans les caisses
de l’État81.

Le personnage d’Alexandre
Alexandre le Grand a inspiré de très nombreuses représentations.

Peinture

Alexandre tranchant le nœud gordien par Jean Simon Berthélemy.

Alexandre et ses conquêtes ont été les sujets de nombreux tableaux et dessins, notamment par
Charles Le Brun, Jan Bruegel l'Ancien et Jean Simon Berthélemy.

Littérature

• Évocation par Plutarque dans ses Vies parallèles des hommes illustres.
• Histoire de son règne dans l'Anabase d'Arrien, du IIe siècle.
• Il apparaît dans Bibliothèque historique de Diodore de Sicile.
• Il est également présent dans Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée de
Justin
• Eskandar-Nameh (Le Livre d'Alexandre le Grand) de Nizami poète persan.
• Histoire d’Alexandre le Grand de Quinte-Curce.
• Alexandréide de Gautier de Châtillon, vers 1180.
• Valerio Manfredi, Alexandre le Grand, trilogie :
o I. - Le fils du songe,
o II. - Les sables d'Amon,
o III. - Les confins du monde.
• Roger Peyrefitte, trilogie sur Alexandre le Grand, éditions Albin Michel :
o I. - La Jeunesse d'Alexandre, 1977,
o II. - Les Conquêtes d'Alexandre, 1979,
o III. - Alexandre le Grand, 1981 ;
• Mary Renault, trilogie sur Alexandre le Grand, éditions Julliard :
o I. - Le feu du ciel,
o II. - L'enfant perse,
o III. - Les jeux funéraires ;
• David Gemmell :
o I. - Le Lion de Macédoine,
o II. - Le Prince noir.
o III. - L'Esprit du Chaos.
Histoire de l'Iran

• Iana Iasova :
o Alexandre de
Macédoine
("Александър
Македонски" - titre
original) • Civilisation proto-élamite (3 200 - 2 700 av. J.-
C.)
• Civilisation de Jiroft (3 000 - Ve siècle av. J.-C.
• Royaume élamite (2 700 - 539 av. J.-C.)
• Royaume mède (728 - 550 av. J.-C.)
• Dynastie achéménide (648 - 330 av. J.-C.)
• Empire séleucide (330 - 150 av. J.-C.)
Parthie •

Empire parthe (250 av. J.-C. - 226)
Dynastie sassanide (226 - 650)
• Conquête islamique (637 - 651)
• Dynastie samanide (875 - 999)
• Dynastie ziyaride (928 - 1043)
La Parthie est une région située au • Dynastie bouyide (934 - 1055)
nord-est du plateau iranien, ancienne • Dynastie ghaznévide (963 - 1187)
satrapie de l'empire des • Empire turc seldjoukide (1037 - 1194)
Achéménides, berceau de l'Empire • Empire khorezmien (1077 - 1231)
parthe qui contrôle le plateau • Houlagides (1256 - 1353)
iranien et par intermittence la • Dynastie muzaffaride (1314 - 1393)
Mésopotamie entre -190 et 224. • Dynastie timouride (1370 - 1506)
• Dynastie séfévide (1501 - 1722/1736)
• Afghans hotaki (1722-1729)
Les frontières de la Parthie sont la
• Dynastie afsharide (1736 - 1802)
chaîne montagneuse du Kopet-Dag
• Dynastie Zand (1750 - 1794)
au nord (aujourd'hui la frontière • Dynastie kadjar (1781 - 1925)
entre Iran et Turkménistan) et le • Dynastie Pahlavi (1925 - 1979)
désert du Dasht-e Kavir au sud. À • Révolution iranienne (1979)
l'ouest se trouve la Médie, au nord- • Gouvernement provisoire (1979-1980)
ouest l'Hyrcanie, au nord-est la
Margiane et au sud-est l'Arie. Cette • Rép. islamique d'Iran (1980 - maintenant)
région est fertile et bien irriguée
pendant l'antiquité, et compte aussi
de grandes forêts à cette époque.

Les textes assyriens mentionnent un pays nommé Partakka ou Partukka au VIIe siècle av. J.-
C.. À une période inconnue, ses habitants ont été assujettis par les Mèdes, qui ont régné sur le
premier empire perse avant d'être renversés par Cyrus le Grand en 550 av. J.-C. La Parthie a
ensuite appartenu à l'Empire achéménide pendant les deux siècles suivants.

Histoire
La puissance des débuts de l'empire semble avoir été surestimée par certains historiens
anciens, qui n'ont pas su clairement séparer l'empire ultérieur de ses origines plutôt obscures.

À l'origine, deux frères nommés Arsace et Tiridate se rendent indépendants de la domination


séleucide dans des zones reculées de l'Iran septentrional vers 250 av. J.-C. Antiochos III
soumet à nouveau les Parthes à l'Empire séleucide en 206 av. J.-C. C'est seulement à partir de
la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C. que les Parthes, descendants des Scythes[réf. nécessaire],
profitent de la faiblesse croissante des Séleucides pour contrôler progressivement tous les
territoires à l'est de la Syrie. Ayant grignoté l’Empire séleucide et leurs autres voisins, les
Parthes deviennent le concurrent majeur de Rome dans l'est de la Méditerranée.

L'Empire parthe en 60 av. J.-C.

À partir du Ier siècle av. J.-C., les Parthes interviennent fréquemment dans la politique de la
Méditerranée orientale et s'opposent aux Romains. Ils acquièrent leur respect lorsqu'ils
parviennent à détruire l'armée de Crassus en 53 av. J.-C. à la bataille de Carrhes. S'étant
emparés de la majeure partie de l'ancien empire perse, les Parthes deviennent les plus grands
ennemis de Rome. Cette dernière tente en vain de détruire leur empire par des invasions (par
exemple sous Trajan). Elle n'y parvient pas, bien que ces incursions les aient probablement
considérablement affaiblis. En 224, Ardachêr, gouverneur de la province achéménide de
Fars/Persis, renverse Artaban V et fonde la dynastie sassanide.

On sait peu de choses des Parthes : ils n'avaient pas de littérature propre et leur histoire écrite
se résume donc aux descriptions partiales de leurs conflits avec les Romains, les Grecs et la
Chine. Leur force était une combinaison des tactiques de harcèlement propres à une tribu de
cavaliers nomades avec l'organisation nécessaire à l'établissement d'un vaste empire, bien que
ce dernier n'ait jamais atteint la puissance des deux empires perses. Les royaumes vassaux des
Parthes semblent avoir constitué une grande partie de leur territoire. Les cités d'origines
grecques (Séleucie du Tigre) disposaient d'une certaine autonomie.

Après leur défaite, les Parthes, alors constitués d'une petite classe de nobles, semblent avoir
disparu en laissant peu de traces.

Culture
Statue en bronze d'un prince parthe, cité comme le général Suréna, vainqueur de Crassus.

La civilisation et la culture des Parthes semblent être la suite des Achéménides,


particulièrement dans leur système religieux.

Selon l'archéologue français Ghirshman :

« Les Parthes ont apporté avec eux leur culte primitif d'adoration des forces naturelles, entre
autres, le soleil et la lune […] Les Parthes n'étaient pas plus zoroastriens que les Achéménides
[…] La triade Ahura-Mazda/Mithra/Nanaia, adorée sous les Achéménides, semble être
retenue sous les Parthes. Le culte de Nanaia s'est répandu sous les Parthes […] À Suse, la
déesse adorée par les Parthes était Nanaia […] L'exposition des morts (pratique typique
zoroastrienne) n'était pas pratiquée par les Parthes […] Les fouilles archéologiques prouvent
que dans les cimetières parthes, le mort était enterré avec un sarcophage sur lequel nous
reconnaissons une déesse qui est censée être Nanaia.

[…] Les excavations archéologiques à Nippur, Kakzu et Doura Europos ont mis en lumière
les cimetières parthes, dans lesquels les morts ont été enterrés avec leur ameublement
funéraire dans le sarcophage de terre cuite. Ces résultats ont été confirmés par notre
découverte d'un cimetière parthe à Suse.

[…] Les Parthes arsacides, comme les Kushans, descendant des peuples nomades de l'Asie
centrale, étaient très tolérants envers les religions étrangères.

[…] Parmi les nombreux sanctuaires fouillés à Doura Europos, (longtemps resté attaché à
l'empire parthe), pas un simple temple du feu n'a été découvert, bien qu'il ait y eu une colonie
importante parthe à ce centre marchand. »

Trajan
Trajan
Empereur romain
Trajan en imperator victorieux.

Règne
28 janvier 98 – 9 août 117 (~20 ans)
Période Antonins
Prédécesseur(s) Nerva
Successeur(s) Hadrien
Biographie
Naissance 18 septembre 53
Italica (Hispanie)
Nom originel Marcus Ulpius Traianus
Décès 9 août 117 (63 ans)
Selinus (Cilicie)
Inhumation Pied de la Colonne de
Trajan
(cendres)
Père Marcus Ulpius Traianus
Mère Marcia
Épouse(s) Pompeia Plotina
Adoption(s) Hadrien
Liste des empereurs romains
Trajan (latin : Marcus Ulpius Nerva Traianus (officiellement : Imperator Caesar, diui
Vespasiani filius, Nerva Traianus Optimus Augustus, Germanicus, Dacicus, Parthicus) est un
empereur romain né probablement le 18 septembre 53 à Italica en Bétique (Espagne actuelle),
mort entre le 7 août 117 et le 9 août 117 à Seliki (Cilicie). Il régna de janvier 98 à sa mort.

Trajan est le premier empereur romain originaire d'une province et non de Rome même ou de
l'Italie, et il est considéré traditionnellement par l'historiographie des sénateurs romains
comme le meilleur des empereurs. Après le récent règne de Domitien marqué par les
persécutions et exécutions de sénateurs romains, et la fin de la dynastie des Flaviens, le court
règne de Nerva et surtout celui de Trajan marquent le fondement de la dynastie des Antonins.
Avec la conquête de l'Arménie, la Mésopotamie et surtout la Dacie, l'empire romain a connu
sous son règne sa plus grande extension. De plus il étend sa domination sur la plus grande
surface territoriale jamais atteinte par l'empire romain. Sur le plan intérieur, Trajan s'attache à
renforcer la romanisation des provinces de l'empire.

Début de vie et contexte de l'époque


Naissance et enfance

Trajan est le descendant d'un groupe de colons qui a été établi par Scipion l'Africain à Italica,
en Hispanie (futur Bétique), au sud de la péninsule Ibérique, en 205 avant JC, lors de la
deuxième guerre punique. Sa famille est originaire de Todi, en Ombrie. Toutefois, Trajan
passe son enfance dans les villes romaines plutôt que dans le sud de l'Espagne, car son père,
Marcus Ulpius Traianus, premier consul de la famille est à la naissance de son fils au début de
sa carrière de sénateur. La famille passe donc probablement peu de temps à Italica1. Son père,
qui porte le même nom que lui, est connu pour être un des premiers non-italiens à atteindre le
statut de sénateur. Il est élevé au rang de patricien en 70.

Trajan est tribun militaire en Syrie pendant dix ans, puis il devient questeur vers 78, ce qui lui
donne accès au Sénat. Vers 84, il devient préteur.

Trajan entame alors une carrière militaire : le commandement de la VIIe légion lui est confié
entre 86 et 89 pour aller mater le soulèvement d'Antonius Saturninus en Germanie supérieure.
Il s'y révèle efficace et loyal à l'égard de Domitien, ce qui lui vaut d'être nommé consul en 91.
On n'hésite pas à lui confier de plus en plus de responsabilités : en 97, il obtient le
commandement des trois légions qui forment l'armée de la Germanie inférieure.

Le successeur de Domitien à la tête de l'empire, Nerva, était un homme assez âgé, dont le
principal mérite était de ne pas avoir d'enfants, les investitures héréditaires chez les Flaviens
ayant laissé de mauvais souvenirs. Les prétoriens pensaient ainsi pouvoir aisément le
manipuler. Ils l'avaient donc placé là « en transition », mais Nerva prit tout le monde de court
en adoptant Trajan le 28 octobre 97 et en le désignant comme césar (successeur).

En 98, Trajan occupe le trône en remplacement de Nerva. Il y monte sans problème car il plaît
au peuple pour sa simplicité et son attention envers le Sénat.

Les débuts de l'Empereur


À la mort de Nerva début 98, Trajan donne la Germanie supérieure à Lucius Iulius Ursus
Servianus et lui succède. C'est le premier empereur non-romain. Dans la perspective ouverte
par Nerva qui avait rompu avec la violence de Domitien, il maintient une politique proche du
Sénat, ce qui lui assure rapidement une certaine popularité. Des années 97 à 101, il mène une
politique plutôt pacifique et s'occupe surtout des affaires civiles. Ayant été choisi, car adopté
et non imposé par l'hérédité, il met l'accent sur la nature constitutionnelle de son pouvoir. Le
Sénat va jusqu'à lui accorder le titre d'optimus princeps (littéralement, « le meilleur
empereur »). Il précise la position ordinaire des autorités romaines face aux chrétiens,
consistant à les poursuivre et condamner si ceux-ci troublent l'ordre public (le refus des
chrétiens de sacrifier aux dieux romains et notamment au culte impérial constituant une
entrave à l'ordre public).

À son avènement, Trajan ne se précipite pas à Rome. Il reste sur le Rhin et préfère s'assurer la
fidélité des armées. Son adventus, réception triomphale en l'honneur du nouvel empereur, a
lieu vers l'été 99.

Les affaires financières


Dans le passé, sous Domitien par exemple, il y a eu une multiplication des fêtes. La conquête
de la Dacie (voir plus bas) permet à l'empereur de renoncer à l'or coronaire.

La Dacie offre des mines d'or exploitables. La production minière est intensifiée dans d'autres
parties de l'Empire, comme en Espagne. Trajan modifie la quantité d'or dans les pièces.

Trajan entre dans une politique de constructions à Rome. Un nouveau forum est achevé ; c'est
le dernier de la série impériale. On construit aussi une basilique pour la justice, deux
bibliothèques (Latin et Grec), le temple du divin Nerva, un grand marché. L'emplacement de
la Domus aurea de Néron est utilisé pour des thermes.

Un nouveau bassin est creusé dans le port d'Ostie. Celui datant de Claude était trop petit. Le
bras du Tibre est dédoublé pour éviter les inondations et faciliter le transport maritime entre
Rome et Ostie.

Trajan donne des congiaires (distributions en argent ou en nature à l'occasion de certains


événements). Les enfants de familles citoyennes pauvres reçoivent une aide financière fournie
par les intérêts d'environ 5% sur des prêts consentis à de petits propriétaires italiens. Ce sont
des sortes d'allocations. Ce système est connu sous le nom d'alimenta.

Gouvernement des provinces


Trajan aurait échangé une correspondance avec Pline le Jeune, gouverneur de 111 à 113 du
Pont-Bithynie. Une censure semble avoir été opérée sur les lettres. Il est possible que ce soit
pour des raisons stratégiques. Trajan peut déjà souhaiter conquérir l'Empire parthe. Il est alors
nécessaire de pacifier la province pour assurer les arrières de l'armée en cas de guerre.
La Justice de Trajan, Eugène Delacroix (1840), Musée des Beaux-Arts de Rouen

Cette correspondance a longtemps été considérée comme un faux médiéval : Sidoine


Apollinaire (430-486) dit expressément dans sa correspondance que Pline a publié neuf
volumes de lettres (celui de Pline et de Trajan étant censé être le dixième livre de ce recueil).
Cependant des études plus récentes laissent peu de doute au sujet de l'authenticité de cette
correspondance2.

L'empereur développe la romanisation de l'Empire. Les vétérans, anciens soldats, sont incités
à la création d'une colonie.

Le statut de cité évolue. Les promotions municipales permettent de faire évoluer leur statut
juridique. Ainsi, une cité pérégrine peut devenir un municipe de droit latin, avec la
progression de son urbanisme. Puis en une dizaine d'années, devenir municipe de droit
romain. Le nombre de citoyens romains augmente donc.

Politique extérieure
Guerres contre les Daces

Pendant la première guerre contre les Daces (101-102), Trajan engage douze légions, presque
la moitié de l'armée. Ainsi, l'empereur réunit aussi les corps auxiliaires, la cohorte
prétorienne, ainsi qu'une flotte fluviale chargée de tenir le Danube. Les Romains occupent le
pays après deux ans de durs combats. Les Daces doivent fournir des soldats, des machines de
guerre et raser leurs fortifications. Trajan reçoit ainsi le titre Dacicus Maximus. Mais
Décébale, roi des Daces, ne respecte pas les conditions.

Trajan fortifie la frontière Nord au niveau du Danube. La peuplade des Iazyges se juge
encerclée par ces fortifications et s'allie à Décébale. De 105 à 107, la seconde guerre contre
les Daces a lieu. C'est lors de cette guerre que s'illustra son général favori le Maure Lusius
Quietus que Trajan souhaitait avoir pour successeur3. Décébale fuit en Transylvanie. En 106,
les Daces sont vaincus, Décébale se suicide et la Dacie devient province impériale.
La colonne Trajane nous montre 155 épisodes de la guerre contre les Daces. C'est un
monument précieux qui nous fournit de nombreuses informations sur les uniformes et les
armes de guerre.

Conquête de l'Arabie

Une partie de territoire entre la Palestine et le sud-est de l'Égypte n'est pas contrôlée par
Rome, mais par un peuple arabe, les Nabatéens. Cornelius Palma, légat de Syrie, dirige la
campagne contre le royaume nabatéen de 105 à 106. La province d'Arabie est créée. Une
légion stationne dans la capitale : Bostra. Les frontières orientales sont renforcées.

La campagne chez les Parthes

Trajan veut égaler Alexandre le Grand et protéger la frontière de l'Euphrate trop vulnérable.
En 109/110, le roi des Parthes meurt : son successeur Khosrô place sur le trône arménien
Parthamasiris, qui n'a pas l'agrément des Romains. Considérant que c'est une violation du
compromis établi avec Néron, Trajan entre en campagne contre les Parthes en octobre 113.
Dès 114, l'Arménie est conquise et annexée officiellement et Parthamasiris s'enfuit. Trajan en
profite pour resserrer les liens avec ses alliés du Caucase.

La fin du règne
Les années qui suivent sont assez mal connues : on sait que Trajan fait des opérations en
Mésopotamie en 114/115. En 116, il conquiert l'Assyrie et la Babylonie, et descend avec ses
deux armées jusqu'au golfe Persique.

Mais les Parthes s'organisent, et ils soulèvent les peuples soumis à Rome, notamment les
Juifs. La révolte gagne vite du terrain, l'Assyrie est rapidement perdue. Trajan tente alors de
remettre la Babylonie à un souverain fantoche, Parthamaspatès, mais cela dissimule mal
l'échec de l'annexion qu'il projetait. En 117, la révolte se généralise : l'Orient est en feu.
Trajan revient vers l'Occident, laissant à son légat le soin de ramener l'armée.

Trajan meurt d'apoplexie, mais selon d'autres sources, on pense qu'il est mort d'épuisement au
retour d'une expédition militaire d'orient en 117. Il meurt à Selinus (actuelle Seliki) en Cilicie
(Turquie actuelle) vers le 7 août 117. Selon Dion Cassius sa mort fut tenue secrète quelques
jours pour permettre à Hadrien de lui succéder. Presque immédiatement, toutes ses conquêtes
sont perdues.

Trajan marque donc son principat par sa bonne administration et son expérience militaire.

Hadrien, son fils adoptif et neveu par alliance lui succède.

Réalisations architecturales
L'enrichissement du trésor impérial grâce aux conquêtes de Trajan permit des réalisations
architecturales remarquables :

• à Rome :
o le forum de Trajan construit avec le butin des guerres daciques. C'est le plus
vaste forum de Rome. Il se composait d'une grande place avec une statue
équestre de l'empereur, un temple dédié à Trajan, une basilique (la basilica
ulpia) et deux bibliothèques ;
o la colonne Trajane, sur le forum de Trajan, destinée à recueillir les cendres de
l'empereur et décorée de bas-relief en spirale ;
o les marchés de Trajan, vaste centre commercial à proximité de son forum ;
o les thermes de Trajan, immense complexe de thermes romains et de loisirs ;

• en Italie :
o l'arc de Bénévent ;

• en Égypte :
o le kiosque de Trajan à Philaé ;
o achèvement de la décoration du mur extérieur du temple de Montou à
Médamoud.

• en Algérie :
o Timgad
o Lambèse

Trajan a été divinisé par le Sénat.

Évocation du nom de Trajan [modifier]


Dans l'hymne national de la Roumanie, Deşteaptă-te, române!, Trajan est évoqué dans la
deuxième strophe :

Şi că-n a noastre piepturi păstrăm cu fală-un nume


Triumfător în lupte, un nume de Traian!

La traduction du roumain au français donne :

Et que dans nos cœurs nous gardons avec fierté un nom


Triomphant dans les batailles, le nom de Trajan!

On peut supposer que le nom de cet empereur est présent comme un hommage aux origines
de la Roumanie et notamment sa langue dérivée du latin à l'instar de l'italien, l'espagnol...

Notes et références
1. ↑ (de)Werner Eck, « Der Weg zum Kaisertum », dans Annette Nünnerich-Asmus, Traian. Ein Kaiser
der Superlative am Beginn einer Umbruchzeit? Mainz 2002, {{{année}}}, p. 7–20
2. ↑ cf. les commentaires de Marcel Durby dans l'édition Les Belles Lettres
3. ↑ Hirsch Graëtz
4. ↑ Optimus Princeps [archive] - Page de Patrick Receveur
Hadrien
Hadrien
Empereur romain

Hadrien cuirassé, v. 127-128 ap. J.-C., musée du Louvre

Règne
10 août 117 – 10 juillet 138 (~21 ans)
Période Antonins
Prédécesseur(s) Trajan
Successeur(s) Antonin le Pieux
Biographie
Naissance 24 janvier 76 - Rome ou Italica
(Hispanie)
Nom originel Publius Aelius Hadrianus
Décès 10 juillet 138 (62 ans)
Baïes (Campanie)
Inhumation Mausolée d'Hadrien
Père Aelius Hadrianus Afer
Mère Domitia Paulina
Épouse(s) Vibia Sabina
Adoption(s) (1) Lucius Aelius Verus
(2) Antonin le Pieux
Liste des empereurs romains

Hadrien (Imperator Caesar Traianus Hadrianus Augustus, en grec Ἁδριανός ou Ἀδριανός),


né le 24 janvier 76 à Italica et mort le 10 juillet 138 à Baïes, est un empereur romain de la
dynastie des Antonins. Il succède en 117 à Trajan et règne jusqu'à sa mort. Empereur
humaniste, lettré, poète, philosophe à la réputation pacifique, il rompt avec la politique
expansionniste de son prédécesseur, s'attachant à pacifier et à organiser l'Empire tout en
consolidant les frontières.

Les principales sources sur sa vie et son règne sont les Vies des Césars du sénateur Marius
Maximus et l’Histoire de Rome de Dion Cassius. Tous deux écrivent au début du IIIe siècle.
La première œuvre, rédigée à la suite de la Vie des douze Césars de Suétone, est aujourd'hui
disparue ; elle est abondamment reprise, sous une forme très condensée, par la Vie d'Hadrien
qui ouvre l’Histoire Auguste. Le livre 69 de la seconde œuvre, qui traite du règne d'Hadrien,
n'a survécu que par fragments et un abrégé byzantin.

Jeunesse
Enfance et formation

Hadrien naît à Rome ou Italica1 le neuvième jour des calendes de février, sous le septième
consulat de Vespasien et le cinquième de Titus, c'est-à-dire le 24 janvier 762. Il est le fils de
Domitia Paulina et d'Ælius Hadrianus Afer, devenu sénateur après avoir été préteur3.

Sa mère est originaire de Gadès (actuelle Cadix)4, la plus ancienne cité d'Espagne ; on peut
conjecturer que sa famille, d'origine punique, a reçu la citoyenneté grâce à la gens Domitia5.
La famille de son père est originaire d'Adria6 en Vénétie, l'un de ses ancêtres fait partie des
soldats blessés ou malades que P. Cornelius Scipio laisse en Bétique (Espagne du Sud) en 206
av. J.-C., à la fin de la Deuxième Guerre punique, et qui fondent la colonie d'Italica7. Les Ælii
sont l'une des principales familles romaines d'Espagne et ont compté dans leurs rangs un
sénateur6. Le père d'Hadrien est par ailleurs, par sa mère, le cousin germain du futur empereur
Trajan6.

Son enfance est mal connue. Son père meurt à l'âge de 40 ans8, alors qu'Hadrien est âgé de 10
ans9. L'enfant est confié à deux tuteurs : le cousin germain de son père, Trajan, et un chevalier
romain, P. Acilius Attianus9, futur préfet du prétoire à la fin du règne de Trajan10. Il a peut-être
pour pédagogue le grammairien Q. Terentius Scaurus11. En tout cas, il étudie les lettres
grecques avec beaucoup de passion, s'attirant le surnom Græculus, « petit Grec »12.

En 90, Hadrien effectue un bref séjour à Italica13, sans doute pour inspecter les domaines
familiaux après avoir assumé la toge virile14. L’Histoire auguste indique qu'il « rejoint aussitôt
le service »15, mais compte tenu de son âge à l'époque, 14 ans, il s'agit plus probablement
d'une brigade (collegium) de jeunes gens de bonne famille (juvenes)16. À la même époque, il
se prend de passion pour la chasse, au point que Trajan doit le faire rappeler13. Celui-ci est
nommé la même année consul ordinaire, ce qui le place au deuxième rang derrière
l'empereur ; l’Histoire auguste précise qu'il considère alors Hadrien « comme son fils »13.
Rentré à Rome, le jeune homme poursuit ses études de rhétorique17.

Débuts

Tête de Trajan, Glyptothèque de Munich

Hadrien assume sa première magistrature en 9418 : il rejoint les décemvirs chargés des litiges
mineurs (decemviri stlitibus judicandis)19, qui forment un collège du vigintivirat. La charge
n'est pas très exigeante, mais constitue une initiation à la vie publique, et le premier échelon
de la carrière sénatoriale. La même année, Hadrien assume deux autres charges honorifiques :
il est préfet des Féries latines et sevir turmae equitum Romanorum, c'est-à-dire chargé de
mener l'un des six escadrons (turmae) lors de la cavalcade annuelle des chevaliers romains
(transvectio equitum)20.

L'année suivante, Hadrien effectue son service militaire en tant que tribun laticlave de la
légion II Adiutrix, stationnée à Aquincus (Budapest), dont le rôle est de protéger l'Empire
contre les Sarmates21. En 96, à l'issue de son année de service, il est de nouveau appointé
comme tribun militaire, cette fois dans la légion V Macedonica en basse Mésie22. Quelques
semaines plus tard, l'empereur Domitien est assassiné ; Nerva lui succède immédiatement. Un
an après, ce dernier adopte Trajan. Grâce à son lien de parenté, Hadrien est choisi pour porter
au nouveau César, alors gouverneur de Germanie supérieure, les félicitations de l'armée de
Basse-Mésie23. Arrivé en Germanie, Hadrien obtient un troisième tribunat, fait exceptionnel
qui s'explique probablement par sa position particulière : il est le plus proche parent mâle de
l'héritier du trône24. Il se retrouve sous l'autorité du mari de sa sœur, Julius Servianus, avec
lequel il a de mauvaises relations25.

Le 27 janvier 97, Nerva meurt. Trajan est déclaré empereur dès le lendemain. Hadrien est
choisi pour apporter la nouvelle à son oncle, qui séjourne alors à Cologne, et demeure à ses
côtés25. Il accompagne ensuite la cour impériale à Rome. L’Histoire Auguste note qu'il entre
alors en conflit avec les pédagogues des pages impériaux26 ; sachant que Trajan est grand
amateur de jeunes garçons27, on ne peut qu'en déduire qu'Hadrien les a lui-même approchés
d'un peu trop près28. Inquiet, Hadrien recourt aux « sorts virgiliens », consistant à ouvrir
l'Énéide au hasard29. Il tombe sur les vers 808-811 du sixième livre, évoquant le roi Numa
Pompilius :

« Qui donc est celui-là, au loin, qui se distingue par ses rameaux d'olivier,
et portant des objets sacrés ? Je reconnais les cheveux et la barbe blanche
du roi romain qui fera de notre ville la première ville fondée sur des lois,
lui, envoyé de l'humble Cures et d'une pauvre terre dans un vaste empire30. »

Selon l’Histoire Auguste, Hadrien avait déjà consulté lors de son tribunat en Mésie un
astrologue (mathematicus), qui avait confirmé la prédiction de son grand-oncle selon lequel il
deviendrait empereur23. À la même époque que les sorts virgiliens, il interroge l'oracle du
temple de Zeus à Antioche, qui lui prédit de même un avenir impérial31.

Carrière sénatoriale

Portrait d'Hadrien en vêtements grecs provenant du temple d'Apollon à Cyrène, 117-125,


British Museum

Hadrien finit par regagner la faveur de Trajan. À l'instigation de l'impératrice Plotine, il


épouse la petite-nièce de ce dernier, Vibia Sabina32. Elle est alors âgée de 14 ans environ ; lui-
même en a 24. La même année, il devient questeur33. À cette date, il est peut-être déjà membre
de deux collèges sacerdotaux, les septemviri epulonum et les sodales Augustales34, dont les
membres sont directement choisis par l'empereur, sur proposition des autres membres. En tant
que questeur, Hadrien doit lire les discours de Trajan en son absence. L’Histoire Auguste
rapporte à ce sujet que son « accent un peu provincial » excite les rires à l'assemblée33, ce qui
paraît un peu curieux attendu qu'Hadrien a passé relativement peu de temps en Espagne. Quoi
qu'il en soit, le jeune homme redouble d'efforts dans l'étude du latin, mais aussi du grec ; il
assiste notamment aux conférences d'Isée le sophiste, qui enchante Pline par sa connaissance
de l'ionien-attique35.

En 101, Trajan part en campagne contre les Daces et emmène avec lui Hadrien comme
membre de son état-major (comes Augusti)20. L'année suivante, Hadrien rentre à Rome où il
devient tribun de la plèbe36, ce qui témoigne du fait qu'il n'a pas été élevé au rang de patricien.
Son tribunat, tenu pour la plus grande part in absentia du fait du conflit avec les Daces, ne se
signale par aucun événement particulier. En 104, il est nommé préteur37, plus d'un an avant
l'âge minimal, fixé à 30 ans. Là encore, sa préture ne donne lieu à aucune action d'éclat. La
même année, Trajan repart en guerre contre les Daces et confie à Hadrien le commandement
de la légion I Minervia38, stationnée non loin de Colonia Agrippinensis (Cologne).

Cette deuxième campagne s'achève par le succès et la création de la Dacie comme province
romaine. L’Histoire Auguste note qu'Hadrien s'est signalé par « un grand nombre d'actions
d'éclat » ; il est effectivement décoré (dona militaria) par Trajan pour faits d'armes durant les
deux expéditions20, sans que l'on sache de quoi il s'agit exactement. À l'issue du conflit, la
province de Pannonie est divisée en deux, Pannonie supérieure et Pannonie inférieure. Le 11
juin 106, Hadrien est nommé gouverneur de cette dernière, la plus petite39, et occupe en même
temps le poste de légat de II Adiutrix, dans laquelle il avait effectué son service militaire. À ce
poste, il est chargé de contenir les ambitions des Sarmates, ennemis récurrents de Rome. Il
s'attache à maintenir la discipline militaire et, selon l’Histoire Auguste, « réprime les
prétentions et l'audace des procurateurs39 », deux politiques qu'il poursuivra en tant
qu'empereur40.

En 108, conséquence logique de son poste de gouverneur, Hadrien est nommé consul suffect à
l'âge de 32 ans, soit 10 ans environ avant la plupart des plébéiens arrivant à cet office41. Il est
également chargé par Trajan de composer les discours impériaux. Cette marque d'honneur et
d'amitié en fait un véritable dauphin42. On sait peu de choses de ses occupations jusqu'en 112,
année durant laquelle il voyage en Grèce et notamment à Athènes : il accepte la citoyenneté
athénienne et est enrôlé dans le dème de Besa43. Il est également élu archonte éponyme ; sa
statue est érigée près du théâtre de Dionysos, portant une inscription honorifique en grec et un
rappel en latin de sa carrière20.

En 113, Hadrien est nommé légat dans le cadre de la guerre contre les Parthes grâce à
l'influence de l'impératrice Plotine44. En 116, Trajan le fait légat en Syrie45 ; deux ans plus tard,
il est de nouveau consul, cette fois-ci à titre ordinaire46. Hadrien semble alors le mieux placé
pour être adopté par l'empereur. Ses ennemis font alors circuler des rumeurs selon lesquelles
il profiterait de sa position à la cour pour séduire les jeunes favoris de l'empereur47.

Empereur
Consolidation du trône

En 117, Trajan, malade, se décide à adopter Hadrien. Celui-ci, alors en Syrie, reçoit la
nouvelle le 9 août ; le 12, il apprend la mort de l'empereur48. Hadrien est aussitôt acclamé par
les troupes comme imperator. Pour autant, sa position est délicate : la rumeur veut que Trajan
n'ait pas voulu désigner de successeur, et que l'adoption soit l'œuvre de Plotine49. Sa première
décision est de retirer les armées des nouvelles provinces, Mésopotamie, Assyrie et Grande
Arménie. Il retire également son gouvernement de Judée à Lusius Quietus, à qui Trajan avait
témoigné sa faveur sur ses dernières années. Il se rend en Dacie que les Roxolans viennent
d'envahir et au début de l'année 118, il les bat et fait de leur roi un allié.

Parallèlement, il efface la dette fiscale des Romains et va jusqu'à faire brûler les registres des
impôts. Mais il s'agit en fait de s'attirer la sympathie de la population afin d'assoir son
pouvoir. Hadrien craint la concurrence des généraux qui ont conduit Trajan à la victoire
pendant son règne. Ils sont englobés dans le complot « des quatre consulaires » et
sommairement exécutés50.

L'arrêt de la politique de conquêtes

Quand Hadrien devient empereur, l'Empire romain se trouve à son apogée territoriale. Il
s'étend de l'Écosse au Sahara, des Carpates à la Cyrénaïque, de la Mer Noire au Soudan.
Hadrien, peu soucieux de gloire militaire, met fin à la politique d'expansion de son
prédécesseur. Il renonce à l'Arménie, à la Mésopotamie et à l'Assyrie et fait la paix avec les
Parthes. La nouvelle frontière orientale de l'Empire devient l'Euphrate, consolidé par le
limes51.

Hadrien s'attache à pacifier et à organiser l'Empire tout en consolidant les frontières — il est
le premier empereur à organiser fixement le limes, et à appliquer une politique strictement
défensive. Durant l'été 122, il visite la Bretagne. Les légions romaines avaient subi de lourdes
défaites lors d'une révolte au début du règne d'Hadrien. L'empereur adopte une solution
radicale. Il fait construire une muraille de défense, le mur d'Hadrien au nord de la Bretagne
pour séparer les Romains des barbares. Celle-ci mesure 120 km de long et relie l'embouchure
de la Tyne au Solway51. Elle est flanquée de 300 tours et protégée par dix-sept camps
retranchés. En Germanie, les champs Décumates sont garantis aussi par un limes qui court de
Mayence à Ratisbonne. Les ruines de ce gigantesque ouvrage s'appellent le Mur-du-Diable,
Teufelmauer. Tout le long du Danube s'élèvent des forteresses et des retranchements52. Pour
défendre l'Empire, le recrutement régional devient la règle pour les légions. Les troupes
auxiliaires sont souvent recrutées parmi les barbares53.

Un empereur voyageur et constructeur

Hadrien souhaite réorganiser l'Empire. Pour cela, il sillonne pendant plus de 10 ans les
provinces de l'Empire. Il se comporte en despote éclairé et gouverne de manière autoritaire. Il
retire au Sénat le contrôle de l'Italie. Il accélère le processus d'intégration des provinces à
l'Empire. Il intègre le statut de municipe romain aux cités. Les habitants des cités accèdent
ainsi à la citoyenneté romaine. Les élites provinciales accèdent au Sénat et à l'ordre équestre51.
Lors d'un voyage en Gaule, il visite Lyon, vers 121-122. Il y fait construire un nouvel
aqueduc et restaure le théâtre et l'amphithéâtre. Il se rend ensuite à Nîmes qui bénéficie de la
construction d'une basilique en l'honneur l'impératrice Plotine qui l'avait aidé à accéder au
trône.

En Égypte, il accorde aux Romains installés dans le pays le droit d'épouser des indigènes et
fait venir des colons de Ptolémaïs, une autre cité grecque d'Égypte. Il fait construire une
nouvelle route pour traverser le désert de l'Est, d'Antinooupolis à Béréniké 54. Il entreprend la
provincialisation de l'Italie en la divisant en quatre circonscriptions administratives confiées à
des consulaires. Il réorganise l'exploitation des mines pour en augmenter les revenus.

La réorganisation administrative de l'empire

Hadrien réforme l'administration et le droit romain. Lors de ses voyages, il rend la justice sur
place, réforme la fiscalité, épure l'administration et confie aux chevaliers les « bureaux55 »,
naguère tenus par les affranchis qui sont maintenant cantonnés dans les postes subalternes42. Il
réorganise aussi le conseil privé qui assistait l'empereur, le consilium principis, en le
composant surtout de jurisconsultes52. En 131, l'Édit perpétuel de Salvius Julianus codifie et
met à jour le droit romain pour les fonctionnaires et les juges. Les colons des domaines
impériaux sont protégés. Des mesure incitatives sont prise pour favoriser l'exploitation des
terres incultes. L'empereur cherche à créer une classe de petits possessores, aux droits et aux
devoirs bien définis, qui seraient protégés des abus des procurateurs et des gérants56.

Le maintien de l'ordre à l'intérieur de l'Empire

En tant que garant de l'ordre de l'Empire, il n'hésite pas à réprimer avec la plus grande sévérité
les révoltes de ses sujets. La plus célèbre est la révolte de Bar-Kokhba, qui secoue la Judée
entre 132 et 135. Celle-ci semble provoquée par la décision d'Hadrien de rebâtir sur
l'emplacement du Temple de Jérusalem un temple dédié à Jupiter alors qu'il séjournait dans la
région entre 128 et 132. Il commence à bâtir la colonie Ælia Capitolina sur une partie du site
de la ville, ce qui provoque la fureur des Juifs. 12 légions participent à la répression. Les
pertes romaines sont si effroyables que l'empereur renonce au triomphe après la victoire57.
Jérusalem est rasée et interdite aux Juifs. Les Juifs sont dispersés dans tout l'Empire et la
Judée est rebaptisée Syrie-Palestine58. Il interdit, dans le même temps, la religion hébraïque.
L'édit d'Hadrien sera abrogé par son successeur, Antonin, au cours de la première année de
son règne59.

Un empereur amoureux des lettres et des arts


De formation intellectuelle romaine, Hadrien est un homme raffiné attiré par les lettres
grecques. Il est même surnommé graeculus (le petit grec). Amoureux du monde hellénique, il
tente de restaurer la religion grecque en restreignant les cultes orientaux. Hadrien reçoit
l'initiation aux mystères d'Éleusis. Il offre à Athènes une véritable renaissance grâce à un
programme prestigieux de construction comme l'achèvement de l'Olympeion, la construction
d'une « ville d'Hadrien » qu'un arc sépare de la « ville de Thésée », nouveaux édifices
(portiques de l'Agora romaine, bibliothèque) et de nombreux dons58. Il crée le Panhellénion,
une ligue qui réunit les cités de la Grèce d'autrefois et qui a son siège à Athènes.

En Égypte, l'empereur essaie plus de faire revivre l'héritage hellénistique que les traditions
proprement égyptiennes. Il rend officiellement un culte à la statue chantante de Memnon, qui
se dresse encore sur la rive gauche du Nil mais en fait une manifestation de la culture grecque
et de la souveraineté romaine. Cette statue porte des poèmes célébrant l'empereur et
l'impératrice Sabine. Hadrien construit une ville nouvelle, Antinooupolis (Antinoë), fondée au
bord du Nil où s'est noyé son cher Antinoos, et il lui donne une constitution à l'imitation de
celle de Naucratis. Il fréquente la bibliothèque d'Alexandrie, restaure les collections et visite
le musée54.

Ses voyages lui permettent d'observer une grande variété de formes architecturales, surtout en
Orient, dont il s'inspire pour ses projets. Il lança de grands travaux, d'abord en collaboration
avec le grand architecte Apollodore de Damas, avant de se brouiller avec lui et de l'exiler (et
de le faire exécuter, selon Dion Cassius). Parmi ses réalisations, citons à Rome même, le
temple de Vénus et de Rome, débuté en 121, selon un modèle hellénistique, le Panthéon en
125, qu'il fait entièrement reconstruire grande innovation architecturale, le Mausolée, sur le
modèle de celui d'Auguste, aujourd'hui le château Saint-Ange, la villa qui porte son nom dont
le plan est en partie dû à l'empereur.
Sa vie privée

Villa Adriana

Hadrien manifeste un fort penchant pour les jeunes garçons. Il entretient d'ailleurs une relation
pédérastique. Son amour pour Antinoüs (ou Antinoos), un jeune homme originaire de
Bithynie est célèbre. Mais en 130, Antinoüs se noie dans le Nil dans des conditions
mystérieuses58. Hadrien le fait représenter de nombreuses fois en statues, certaines nous sont
parvenues et nous permettent de donner un visage au célèbre Bithynien. En 130 de notre ère,
il fonde aussi, en son honneur, la cité d'Antinoë en Égypte. Cette relation a servi d'argument à
ses ennemis. L'historien Sextus Aurelius Victor (mort après 390) écrit dans son Livre des
Césars, chapitre XIV, près de 250 ans après, alors que les relations entre hommes et éphèbes
sont tombés en disgrâce : « On le (Hadrien) vit enfin rechercher, avec une scrupuleuse
sollicitude, tous les raffinements du luxe et de la volupté. Dès lors mille bruits coururent à sa
honte : on l'accusa d'avoir flétri l'honneur de jeunes garçons, d'avoir brûlé pour Antinoüs
d'une passion contre nature : c'était là, disait-on, le seul motif pour lequel il avait donné le
nom de cet adolescent à une ville qu'il avait fondée ; c'était pour cette raison qu'il avait élevé
des statues à ce favori. »

À la fin de sa vie, son caractère s'aigrit. Souffrant d'une sorte de maladie de la persécution, il
se croit entouré de conspirateurs et fait assassiner des sénateurs innocents42. Hadrien meurt en
138 à 61 ans, après plusieurs années de souffrance causées par l'arthrose. Ses cendres furent
placées dans le Mausolée d'Hadrien. Son successeur Antonin le Pieux dut négocier pendant
six mois avec le Sénat pour obtenir qu'Hadrien reçoive l'apothéose60, tant les rapports entre
Hadrien et le Sénat étaient devenus exécrables.

Sa succession
Lucius Aelius Verus, vers 136 ap. J.-C., musée du Louvre

Marié à Sabine, il n'a pas d'enfant avec elle. Hadrien adopte donc Lucius Aelius Verus. Ce
dernier reçoit le surnom de César. C'est un choix curieux. Il a 35 ans et ne semble pas être le
plus capable. En effet, sa carrière est uniquement civile et sa santé est délicate. Il est possible
qu’Hadrien ait voulu choisir un successeur qui calme le Sénat. Les sénateurs n'apprécient pas
les colères de l'empereur en fin de règne. En 136, Hadrien fait assassiner Lucius Iulius Ursus
Servianus qu’il soupçonne de vouloir remplacer Lucius par son petit-fils Gnaeus Pedanius
Fuscus. En 136, il désigne comme successeur, Ceionius Commodus, esthète comme lui, mais
médiocre politique et sans santé qui meurt en 13861.

L'adopté final est donc Aurelius Antoninus (plus connu sous le nom d'Antonin le Pieux),
qu'Hadrien avait remarqué en 130 pour sa sage administration de la province d'Asie. Il
succède à Hadrien à la tête de l'Empire romain. Ce dernier est forcé d'adopter le futur Marc
Aurèle et le fils de feu Lucius Aelius Verus : Lucius Verus Commodus. Hadrien prépare donc
deux générations d'empereurs.

Hadrien et la littérature
De la poésie d'Hadrien ne nous sont parvenus que quelques vers, en grec et latin, parmi
lesquels sa propre épitaphe :

Animula vagula blandula


Hospes comesque corporis
Quæ nunc abibis in loca
Pallidula rigida nudula
Nec ut soles dabis iocos

Ce qui signifie :

« Petite âme errante, douce ,


Hôtesse et compagne de mon corps,
Qui bientôt partiras en des lieux
Pâles, raides et nus,
Tu n'y donneras plus tes reparties habituelles. »

Marguerite Yourcenar a écrit une autobiographie fictive de l'empereur romain intitulée les
Mémoires d'Hadrien, en 1951, un portrait psychologique subtil où elle mit beaucoup d'elle-
même.

Idéologie et titulature
Comme ses prédécesseurs, Hadrien rejette les honneurs excessifs. Il porte les titres
d'IMPERATOR•CAESAR•TRAIANVS•HADRIANVS•AVGVSTVS à son avénement. Il
n'accepte de porter le titre de Pater patriae qu'à partir de 128. Il est Pontifex maximus en 117,
Imperator en 117 et 135. À sa mort, il est
IMPERATOR•CAESAR•TRAIANVS•HADRIANVS•AVGVSTVS,
PONTIFEX•MAXIMVS, TRIBVNICIAE•POTESTATIS•XXII, IMPERATOR•II,
CONSVL•III, PATER•PATRIAE. Il a été divinisé par le Sénat, suite à l'insistance de son
successeur Antonin.

Comme tous les Antonins, Hadrien prend Jupiter capitolin comme dieu suprême. Mais quand
il est en pays grec, il invoque plutôt Zeus olympios ou panhellenios accompagné de la Tyché
(la fortune) protectrice62. Pendant son règne la divinisation de l'empereur vivant progresse
encore en Orient. Sabine l'épouse d'Hadrien, qui meurt avant lui est elle aussi divinisée.
L'idéologie impériale revêt des aspects plus philosophiques. L'empereur doit sa réussite à son
mérite (Virtus) et à la protection divine63.

Notes et références
1. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien [lire en ligne [archive]] (1, 3). Appien, Ibérique [lire en ligne [archive]] (38)
mentionne Italica comme lieu de naissance (Italicensibus, unde ispe ortus fuit), mais il parle plus
probablement de l'origine de la famille ; Syme, p. 142, accepté par Birley, p. 10.
2. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 3) .
3. ↑ Dion Cassius, Histoire romaine, Vie d'Hadrien [lire en ligne [archive]] (69, 3).
4. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 2) .
5. ↑ Birley, p. 12.
6. ↑ a, b et c Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 1) .
7. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1) et Appien, Ibérique (38).
8. ↑ D'après une lettre écrite par Hadrien à Antonin juste avant sa mort ; Birley, p. 10.
9. ↑ a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 4) .
10. ↑ Syme, p. 142.
11. ↑ Histoire auguste, Vie de Lucius Verus [lire en ligne [archive]] (2, 5).
12. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 5) .
13. ↑ a, b et c Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 1).
14. ↑ Birley, p. 20.
15. ↑ « Statim militia iniit », Vie d'Hadrien (2, 1).
16. ↑ Birley, p. 15.
17. ↑ Birley, p. 27.
18. ↑ Birley, p. 29.
19. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 2).
20. ↑ a, b, c et d Inscription à Athènes retraçant la carrière d'Hadrien jusqu'en 112. ILS 308 = CIL, III, 150.
21. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 3).
22. ↑ Birley, p. 33.
23. ↑ a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 5-6).
24. ↑ Birley, p. 37.
25. ↑ a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 6).
26. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 7).
27. ↑ Dion Cassius, Histoire romaine, Vie de Trajan [lire en ligne [archive]] (68, 7, 4).
28. ↑ Birley, p. 42.
29. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 8).
30. ↑ Extrait de la traduction de l'Énéide louvaniste [lire en ligne [archive]] par Anne-Marie Boxus et Jacques
Poucet.
31. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 9).
32. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 10).
33. ↑ a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (3, 1).
34. ↑ L'inscription d'Athènes (ILS 308) mentionne les deux charges sans précision de date ; hypothèse
Birley, p. 45.
35. ↑ Pline, Lettres (II, 3).
36. ↑ L’Histoire Auguste (Vie d'Hadrien, 3, 2-3) est confuse sur la chronologie de cette période. Solution
suggérée par Alföldy, p. 23 et suivantes ; acceptée par Birley, p. 47.
37. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (3, 8).
38. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (3, 6) ; ILS 308.
39. ↑ a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (3, 7).
40. ↑ Birley, p. 53.
41. ↑ Birley, p. 54.
42. ↑ a, b et c Joël Schmidt, article « Hadrien », Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007.
43. ↑ Oliver, p. 386.
44. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 1).
45. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 4) ; Dion Cassius (69, 1, 1).
46. ↑ Birley, p. 75.
47. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 5).
48. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 6-7).
49. ↑ Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 10) ; Dion Cassius (69, 1, 2).
50. ↑ Paul Petit, Histoire générale de l'Empire romain, T. 1: Le Haut-Empire, Seuil, 1974, p. 169.
51. ↑ a, b et c Véronique Vassal, « Le nouvel Hadrien », L'Histoire no335 (octobre 2008), p. 28.
52. ↑ a et b Hadrien [archive], consulté le 12 octobre 2008
53. ↑ Paul Petit, p 170
54. ↑ a et b André Bernand, L'Égypte romaine et byzantine, Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007
55. ↑ Les bureaux sont des sortes de ministères
56. ↑ Paul Petit, Yann Le Bohec, Rome et l'Empire romain - Le Haut Empire, Encyclopaedia Universalis,
DVD, 2007
57. ↑ Gérard Nahon, Article Bar-Kokhba, Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007
58. ↑ a, b et c Véronique Vassal, Le nouvel Hadrien, L'Histoire n°335, p 29
59. ↑ Publius Aelius Hadrianus (Hadrien) [archive], consulté le 12 octobre 2008
60. ↑ Paul Petit, p. 172
61. ↑ Paul Petit, p. 171.
62. ↑ Paul Patit, p 180
63. ↑ Paul Petit, p. 181.
Septime Sévère

Septime Sévère
Empereur romain

Buste de Septime Sévère, musée du Capitole.

Règne
D’abord usurpateur puis légitime
1 juin 193 – 4 février 211 (~18 ans)
er

Période Sévères
Prédécesseur(s) Didius Julianus
Usurpateur(s) Pescennius Niger (193 – 194)
Clodius Albinus (197)
Successeur(s) Geta et Caracalla
Biographie
Naissance 11 avril 145
Leptis Magna (Afrique)
Nom originel Lucius Septimius Severus
Décès 4 février 211 (65 ans)
Eboracum (Bretagne)
Père Publius Septimius Geta
Mère Fulvia Pia
Épouse(s) (1) Marciana (c.175 - av.187)
(2) Julia Domna (187 - 211)
Descendance (1) Caracalla (de Julia Domna)
(2) Geta (de Julia Domna)
Liste des empereurs romains

Septime Sévère (Lucius Septimius Severus Pertinax) (11 avril 146 - 4 février 211) est un
empereur romain, qui règne de 193 à 211. Avec lui commence l'arrivée au pouvoir de
provinciaux d'ascendance non romaine et la dynastie des Sévères dont il est l'éponyme.

Une origine africaine


Il naît le 11 avril 146 à Leptis Magna, une ville située en Tripolitaine sur la côte de la Libye
actuelle. Du côté de sa mère, Fulvia Pia, il descend d'immigrés italiens (les Fulvii) mariés
probablement à des personnes d'origine libyenne12. Par son père, Publius Septimus Geta, il
descend d'une famille d'origine libyco-punique, et de culture punique3,4,5,6, ayant obtenu la
citoyenneté depuis le Ier siècle. Les deux côtés de sa famille se composent de notables. Ainsi,
son grand-père paternel est préfet de Leptis avant d'en être le premier duumvir lorsque la cité
devient colonie romaine sous Trajan.

L'historien Dion Cassius le décrit comme un homme de petite taille, maigre, très vif et
taciturne. Il avait un fort accent qui lui valait d'être taquiné par ses contemporains. De son
caractère il faut distinguer son attachement à sa famille et à sa cité d'origine. C'est un
personnage qui s'intéresse à la vie religieuse et intellectuelle (il est sans doute initié aux
mystères d'Eleusis et un fervent dévot de Sérapis)7. Ses origines et son ascension témoignent
de la prospérité de l'Afrique ainsi que de la parfaite intégration de cette province et de ses
habitants dans le monde romain.

Une brillante carrière sous les règnes de Marc Aurèle et de


Commode (163-180)
Grâce à un cousin ayant fréquenté la cour impériale, il quitte en 164 Leptis Magna pour
Rome, et entame un cursus honorum sénatorial brillant. C'est un juriste8qui parle, outre le
punique, le latin et le grec. Contrairement à une idée répandue ce n'est pas un militaire mais
plutôt un administrateur efficace et énergique. Il est en poste sous Commode en Tarraconaise,
Sardaigne, Afrique, Syrie (vers 180 ou il s'attache à Pertinax son supérieur), Lyonnaise et
Sicile. Il vit à Athènes de 183 à 185, dans un exil dû à un conflit avec Pérennis le favori de
l'empereur.
Septime Sévère se marie en secondes noces (en 187) avec Julia Domna, fille du grand prêtre
d'Emèse (Syrie) Julius Bassianus, dont il a deux fils, Caracalla (né à Lyon en 188) et Geta (né
à Rome en 189).

Il accède au consulat en 190 puis obtient l'année suivante le poste de légat de Pannonie
supérieure, avec le soutien de Aemilius Laetus, le préfet de la garde prétorienne, lui conférant
ainsi la légation de trois légions pour défendre la frontière. C'est son premier grand
commandement militaire.

Le vainqueur de la guerre civile (193-197)


L'intermède Pertinax

Le 31 décembre 192, l'empereur Commode est assassiné suite à un complot fomenté par ses
proches. Les conspirateurs, dans l'urgence, persuadent Pertinax, le préfet de la ville, de
prendre la pourpre après l'avoir emmené devant les prétoriens, puis devant le Sénat. Helvius
Pertinax est alors confirmé par le Sénat après avoir donné un donativum aux prétoriens. Mais
il constate rapidement que les caisses impériales sont vides et décide d'éloigner les prétoriens
du pouvoir et de leur imposer une discipline plus sévère. Trois mois plus tard, le 28 mars 193
il est assassiné lors de la mutinerie d'une partie de la garde prétorienne.

Le vainqueur de Didius Julianus

Didius Julianus, prétendant au titre d'Auguste, se livre à une véritable mise aux enchères du
trône en compétition avec un autre prétendant et se fait nommer princeps par les prétoriens.
Le Sénat accepte celui qui veut rétablir la tradition commodienne.

En 193 à Carnuntum, en Pannonie supérieure, Septime Sévère apprend les meurtres de


Commode et de Pertinax. Les légions stationnées sur le Danube, jalouses des prétoriens,
dénoncent la comédie. Se considérant comme les seuls vrais citoyens romains, ils acclament
leur chef comme empereur. Enregistrant le soutien des légions du Rhin et de Germanie,
Septime Sévère décide, au mois de mai, de marcher sur Rome.

Le 1er juin 193 il est à 80 kilomètres au nord de la capitale. Le même jour le Sénat condamne
Didius Julianus à mort, ouvrant la voie à Septime Sévère, qui se présente à Rome avec ses
légions le 9 juin 193. Un prétorien assassine Didius Julianus. Septime Sévère invite la garde
prétorienne à un banquet dans son camp. Il fait cerner les lieux par ses soldats, désarme les
prétoriens et fait exécuter les meurtriers de Pertinax. Il licencie les effectifs de la garde
prétorienne, qui sont remplacés par des Pannoniens.

Le vainqueur de Pescennius Niger

En Orient, Pescennius Niger, légat de Syrie, refuse d'acclamer Septime Sévère. Son armée le
proclame empereur le 9 avril. Il est bientôt soutenu par l'Égypte. Il représente un triple
danger: militaire car il possède 9 légions, économique grâce à l'appui de l'Égypte et
diplomatique avec les appuis que lui proposent les souverains parthes. Septime Sévère réagit
avec célérité, quitte Rome en juillet 193 et se déplace en Orient. Il assiège Byzance enlevée
par P.Niger (elle ne capitule qu'en 195 après deux ans de siège), puis remporte deux victoires
sur son compétiteur à Cyzique, fin 193, puis à Nicée au début de 194. Il obtient alors le
ralliement de l'Égypte, de l'Arabie et de la Syrie. La bataille décisive a lieu à Issus au
printemps 194. Pescennius Niger se réfugie à Antioche, qui est bientôt investie par les troupes
de Septime Sévère, et s'enfuit probablement vers le royaume parthe. Capturé il est exécuté.

Son pouvoir consolidé, Septime Sévère prend le nom de Pertinax, se proclame fils de Marc-
Aurèle et crée une généalogie fictive remontant à Nerva.

Le vainqueur de Clodius Albinus

En Bretagne, une menace plus sérieuse pèse sur la légitimité de Septime. Clodius Albinus,
légat de Bretagne, également d'origine africaine, réclame une part du pouvoir. Son armée est
importante et bien entraînée face aux Écossais. Septime se concilie habilement Clodius
Albinus en lui accordant le titre de César et le consulat pour l'année 194. En 195, après une
campagne contre les Parthes, Septime Sévère fait proclamer Clodius Albinus ennemi public.
Celui-ci traverse la Manche en 196 avec ses légions (40 000 hommes). La bataille décisive a
lieu en février 197 à proximité de Lugdunum (Lyon). Septimius et ses légions sont victorieux.
Clodius s'enfuit et se donne la mort. Septime Sévère fait déshabiller la dépouille et la fait
piétiner par son cheval ; la tête tranchée est envoyée à Rome, le corps est jeté dans le Rhône.
La famille de Clodius n'est d'abord pas inquiétée, mais sa veuve et ses fils sont ultérieurement
assassinés. 29 sénateurs qui avaient soutenu Clodius Albinus sont éliminés.

La monarchie sévérienne (197-211)

Buste de Septime Sévère

Une monarchie héréditaire

Septime Sévère tient absolument à assurer immédiatement sa légitimité :

• Il procède à un rattachement posthume et fictif à la dynastie antonine : en 195, il se


proclame le fils de Marc-Aurèle et le frère de Commode et exalte la mémoire de
Pertinax dont il se prétend le vengeur (ses portraits ressemblent à ceux de ses
"ancêtres" et les inscriptions retrouvées en Afrique font remonter sa généalogie jusqu'à
Nerva).
• Il affirme le caractère dynastique du pouvoir impérial en associant au pouvoir ses deux
fils qui se haïssent, Caracalla en 196 et Géta en 198, et sa seconde épouse Julia Domna
dès 193: les images et les noms de la famille impériale s'étalent partout, sur les
monnaies et sur les monuments de Rome comme l'arc du Forum Boarium ou en
Afrique, notamment avec l'arc quadrifrons de Leptis Magna.

Le système dynastique mis en place par Septime Sévère semble fonctionner : quand la
branche africaine s'éteint au profit de Macrin, la dynastie surmonte rapidement sa mise à
l'écart en proposant la branche syrienne avec successivement Élagabal et Sévère Alexandre.

Une monarchie sacralisée

L'empereur, revêtu du grand pontificat et de la puissance tribunitienne depuis les débuts du


principat, est considéré comme une personne sacrée. Cet aspect s'amplifie sous Septime
Sévère qui entend restaurer le prestige de l'Empire en modifiant la nature de l'institution
impériale :

• La maison impériale est qualifiée de sacra et l'empereur se fait couramment appeler


dominus ou dominus noster.
• L'empereur n'est pas représenté comme un dieu de son vivant mais la tradition le
représente de plus en plus au milieu des divi. En Afrique, Septime Sévère va jusqu'à se
faire représenter sous les traits de Jupiter Capitolin et certaines inscriptions vont
jusqu'à l'assimiler à un dieu.

Septime Sévère manifeste une forte croyance en l'astrologie qui lui a prédit gloire et fortune et
épouse en secondes noces une femme à qui les oracles ont prédit qu'elle épouserait un roi,
Julia Domna, fille du grand-prêtre du Soleil d'Émèse en Syrie. Il se serait rendu à Athènes où
il aurait été initié aux mystères d'Éleusis.

Une monarchie antisénatoriale

Les relations entre Septime-Sévère et le Sénat sont dès le départ empreintes d'amertume suite
aux exécutions de sénateurs et aux confiscations de biens suite à la défaite de Clodius
Albinus. Septime Sévère et ses successeurs ne sont pas désignés par le Sénat mais par
l'armée : il respecte en partie la tradition en recevant l'investiture de la Haute Assemblée.

Cette accélération du déclin du Sénat va de pair avec l'ascension de l'ordre équestre,


amplifiant une évolution déjà amorcée depuis le IIe siècle.

• Le commandement des trois nouvelles légions est confié à des chevaliers et non à des
sénateurs.
• De nombreuses procuratèles sont accordées aux chevaliers.
• La préfecture du prétoire dont le titulaire s'affirme comme le second personnage de
l'Empire est confiée à des légistes de valeur (Papinien et Ulpien).

Septime Sévère, comme ses successeurs, gouverne avec l'appui de l'armée, du Conseil du
Prince et des amis de l'empereur : il s'appuie sur un clan de fidèles africains et syriens qui
terminent leur carrière au Sénat.

Le poids et la place de l'élément militaire


Les conditions de son arrivée au pouvoir imposent à Septime Sévère de s'appuyer sur l'armée :
il entreprend des réformes qui préparent l'avenir et sont autre chose que de simples mesures
d'opportunité.

• Il élargit le recrutement aux provinciaux (Illyriens et Thraces) et abolit les privilèges


des Italiens. Ces nouveaux soldats sont sans doute moins romanisés mais ils sont plus
fidèles et de bons militaires.
• Il lève trois nouvelles légions, les trois Parthiques, commandées par des chevaliers.
L'empereur introduit une brèche dans le monopole sénatorial du commandement des
légions qui prépare les réformes de Gallien.
• Les gradés sortis du rang (centurions et primipiles)

Les conditions de vie des soldats sont améliorées afin de maintenir le recrutement volontaire
et d'éviter la conscription

• Les soldes sont relevées pour la première fois depuis Domitien, peut-être de moitié, ce
qui provoque ainsi un déséquilibre des finances et de l'économie, une telle
revalorisation n'ayant pas été entreprise depuis un siècle.
• Il améliore également l'annone militaire en créant officiellement l'institution. L'achat
et l'entretien des équipements et du ravitaillement étant l'affaire des soldats, le
transport est attribué à l'État et Septime Sévère en institue responsable la Poste
impériale.
• Il rajuste le statut civil des militaires, en leur donnant le droit au mariage et à
l'officialisation de leurs enfants, ce que la précédente libéralisation du statut par
Claude interdisait. En effet, jusqu'à Claude les soldats ne pouvaient pas quitter le camp
durant la durée de leur service (15 ans pour les prétoriens, 20 ans pour les légionnaires
et 30 ans pour les auxiliaires) et ne pouvaient avoir de famille. Claude avait réformé le
système en autorisant les soldats à quitter le camp quand ils n'étaient pas de service
afin de fonder officieusement une famille ; ils n'avaient cependant pas le droit de se
marier ni de reconnaître leurs enfants avant leur retraite.
• Il fonde des collèges militaires et crée trois légions supplémentaires, ce qui accroît
l'effectif de l'armée de 10%. Il accorde enfin de nouveaux honneurs aux militaires,
autorisant les officiers à porter un anneau d'or, privilège jusqu'alors réservé aux
chevaliers.

Un règne civil

Alors que l'affirmation militaire de la monarchie est indéniable, on observe également une
consolidation civile du pouvoir qui se manifeste dans l'entourage de l'empereur.

En effet, ce dernier a su s'entourer d'une cour importante constituée, outre d'Italiens, moins
prospères que lors des deux siècles précédents, d'Africains mais également d'Orientaux
originaires de Syrie.

Leurs statuts sont divers ; on y compte :

• Des juristes, tel Plautien, plus juriste que préfet du prétoire, appartenant à une riche
famille de Leptis Magna.
• Des " juristes consultes " tels Ulpien, Paul, Papinien, qui auprès de l'empereur
travaillent aux lois et à la jurisprudence.
• Des philosophes comme Philostrate gravitent autour de l'empereur. Ils abandonnent
petit à petit le stoïcisme pour une philosophie basée sur la présence de dieu en toute
chose et l'idée que l'homme doit contrôler ses pulsions. Prônant l'abstinence et
l'universalité des dieux, la philosophie néoplatonicienne commence à se répandre,
beaucoup plus austère et proche de la philosophie chrétienne. L'empereur apparaît au
centre de cette nouvelle cour basée sur une extension du palais palatin.

L'activité civile de Septime s'exprime également dans ses voyages de 199 à 203. Lors d'un
périple en Orient, il coupe la Syrie, dont sa femme est originaire, en deux provinces ; son but
est de soulager le travail trop important du gouverneur mais également d'éviter toute tentative
de coup d'État en divisant le pouvoir de chaque gouverneur et donc de leurs légions. En
Afrique, il crée officiellement la province de Numidie puis il visite l’Égypte, y rend hommage
à la dépouille embaumée d’Alexandre le Grand et remonte le Nil jusqu’à Thèbes. Il proclame
l'Égypte province libre d'Empire et accorde aux cités le droit de se doter d'institutions. On
observe donc que Septime Sévère déploie une activité civile très importante parallèlement à
son activité militaire. C’est seulement en 203 que Septime Sévère revient à Rome.

Septime Sévère fait réaliser plusieurs constructions imposantes :

• À Rome, il embellit la face sud du Palatin par l'érection d'une fontaine monumentale,
le Septizodium, dédiée aux sept astres majeurs (les planètes, la Lune et le Soleil), et
par la construction d'une aile nouvelle du palais impérial. Il fait aussi entamer les
travaux des thermes de Caracalla. Par ailleurs, il restaure un grand nombre d'édifices
endommagés par des incendies de la fin du règne de Commode, parmi lesquels le
Temple de la Paix (au sein duquel il fait ériger un plan de Rome monumental, la
Forma Urbis), le théâtre de Pompée, le portique d'Octavie, les Arcus Neroniani, etc.
• Sa ville natale, Leptis Magna, est gratifiée de monuments remarquables : forum de
Sévère, basilique sévérienne, installations portuaires.

Septime Sévère prend encore des mesures d'organisation structurantes pour l'Empire romain :

• il transfère aux préfets du prétoire le traitement en appel des causes judiciaires, jusque
là domaine réservé de l'empereur. Cette réforme donne aux préfets du prétoire un rôle
de plus en plus important dans le domaine civil.
• en sus des traditionnelles distributions de blé, il institue pour la plèbe des distributions
gratuites d'huile d'olive.

Une fin de règne assombrie par les querelles de succession


et la dureté des campagnes militaires

Aureus de Septime Sévère


Il cherche à consolider sa succession : il marie son fils Caracalla avec Plautilla, la fille de
Gaius Fulvius Plautianus, préfet de la garde prétorienne, avec lequel il est lié d’amitié. Les
relations au sein du couple se détériorent cependant rapidement.

Peut-être sur incitation de Caracalla, Plautianus est accusé de trahison par des centurions en
205. Septime Sévère le fait assassiner et Plautilla est bannie sur l’île de Lipari.

En 208, Septime Sévère s’embarque avec ses deux fils Caracalla et Geta vers la province de
Bretagne pour combattre les Calédoniens. Plusieurs batailles ont lieu jusqu’en 209, sans
victoire décisive. Pour sécuriser la frontière nord de l’empire romain, il fait consolider le Mur
d'Hadrien sur une longueur d’environ 130 km.

Affaibli par la goutte, il se retire à York où il meurt le 4 février 211 à l’âge de 65 ans. D'après
certaines sources romaines, il aurait prononcé sur son lit de mort des mots qui sont restés
célèbres : « Maintenez la concorde, enrichissez les soldats et moquez-vous du reste ».

Descendance de Septime Sévère

Noms successifs
• Avril 146, naît Lucius Septimius Severus
• Juin 193, accède à l'Empire : Imperator Caesar Lucius Septimius Severus Pertinax
Augustus
• 195, ajoute le surnom Pius : Imperator Caesar Lucius Septimius Severus Pius
• 195, suite à sa victoire sur les Adiabéniens et les Arabes : Imperator Caesar Lucius
Septimius Severus Pius Pertinax Augustus Arabicus Adiabenicus
• 198, suite à sa victoire sur les Parthes : Imperator Caesar Lucius Septimius Severus
Pius Pertinax Augustus Arabicus Adiabenicus Parthicus Maximus
• 209, suite à sa victoire sur les Calédoniens : Imperator Caesar Lucius Septimius
Severus Pius Pertinax Augustus Arabicus Adiabenicus Parthicus Maximus Britannicus
Maximus.
• 211, titulature à sa mort : Imperator Caesar Lucius Septimius Severus Pius Pertinax
Augustus Arabicus Adiabenicus Parthicus Maximus Britannicus Maximus, Pontifex
Maximus, Tribuniciae Potestatis XIX, Imperator XV, Consul IV, Pater Patriae.

Citations
«

Pour la première fois, l'empire se trouvait aux mains d'un provincial, romanisé certes, mais
qui, issu d'une famille berbère de Leptis Magna, en Tripolitaine, gardait de solides attaches
africaines. [...] L'avènement du premier Prince africain - à propos duquel on a pu parler de
"revanche d'Hannibal" - inaugure une période de quarante années d'une grande importance
pour l'histoire ultérieure de Rome. Bien entendu parce que Sévère a sauvé l'Empire de
l'anarchie. Mais aussi parce que les réformes politiques, militaires, économiques et sociales
que lui ont imposées à la fois les circonstances et les conditions mêmes de son arrivée au
pouvoir, autant que son tempérament personnel et l'influence de son entourage, ont orienté
l'Urbs, ses institutions et même sa culture vers ce que les historiens allemands appellent la
"Spätantike", pour nous l'"Empire tardif".

»
— Marcel Le Glay, Histoire de Rome, éd. Hachette, 1992, t. 2, p. 336-337

Notes et références
1. ↑ Marcel Le Glay, Yann Le Bohec, Jean-Louis Voisin, Histoire romaine, P.U.F., 1991 (réédition 2008).
2. ↑ Claude Briand-Ponsart, L'Afrique romaine : De l'Atlantique à la Tripolitaine, 146 av. J.-C. - 533 ap.
J.-C., Armand Collin, 2005, p. 70
3. ↑ Anne Daguet-Gagey, Septime Sévère, Payot, 2000, p.38
4. ↑ Michael Grant, The Severans, Routlegde, 1996, p.7
5. ↑ « Le punique est né de la rencontre de deux mondes, l'un autochtone, l'autre oriental, il est un
métissage ethnique et culturel », Nacéra Benseddik, Thagaste, Souk Ahras, Patrie de saint Augustin,
Inas, 2004, p. 25
6. ↑ "dynastie berbère de Cyrénaïque", Bernard Lugan , Histoire de l'Afrique des origines à nos jours,
Ellipses Marketing, 2009, p.108
7. ↑ Marcel Le Glay, Yann Le Bohec, Jean-Louis Voisin, Histoire romaine, P.U.F., 1991 (réédition 2008).
8. ↑ Son règne correspond d'ailleurs au triomphe des juristes

Sumer
Sumer était une civilisation et une région historique située dans le sud de l'Irak, la
Mésopotamie. Elle a duré de la première colonie de Eridu dans la Période d'Obeïd (fin du 6e
millénaire av. J.-C.) en passant de la période d'Uruk (4e millénaire av. J.-C.) et les périodes
dynastique (3e millénaire av. J.-C.) jusqu'à la montée de Babylone au début du 2e millénaire
av. J.-C.. Le terme « Sumerien » s'applique à tous les locuteurs de la langue sumérienne. Elle
constitue la première civilisation véritablement urbaine et marque la fin de la Préhistoire au
Moyen-Orient.

L'origine de la civilisation sumérienne


La civilisation sumérienne est apparue selon Jean Margueron du fait que l'épeautre - céréale
poussant naturellement depuis des millénaires à proximité des berges du Tigre et l'Euphrate -
a permis il y a 9000 ans à l'homme d'alors de se sédentariser en remplaçant le besoin de
s'alimenter au jour le jour par la possibilité de stocker des céréales, donc des aliments, sur une
année. Cette mutation décisive induisit les premières structures urbaines, rendant nécessaires
des travaux d'irrigation d'une exceptionnelle ampleur, sur des milliers d'hectares. La
civilisation sumérienne se développa en inventant l’écriture et l’architecture.

L’apparition de cette civilisation urbaine peut paraître soudaine (vers le IVe millénaire av. J.-
C. avec la Période d'Uruk). On ne sait d'ailleurs pas d'où viennent les sumériens, la langue
sumérienne n'appartenant ni au groupe des langues sémitiques, ni à celui des langues indo-
européennes, le fameux mythe d’"Abgad" (les Sept Sages) impute la première civilisation du
pays par ces nouveaux immigrants étranges « arrivés de la mer ». Il est possible qu'ils soient
venus du sous-continent indien ou d'Asie en longeant le littoral iranien. D'autres hypothèses
les feraient venir du nord (Asie Mineure ou Zagros).

Pourtant certains auteurs, comme Jean Louis Huot (cf Bibliographie) pensent que cette
civilisation est le résultat de la lente évolution par sédentarisation des communautés humaines
qui occupaient le sud de la Mésopotamie depuis une dizaine de millénaires. À un certain
moment, elles se sont dotées de l'outil qui leur permit de noter leur langue, le sumérien.

Cette civilisation a probablement décliné et disparu à cause de la stérilisation saline des terres
agricoles (l'infiltration dans les sols des eaux d'irrigation aurait fait monter à la surface et s'y
concentrer les sels minéraux contenus dans la nappe phréatique1) et du déplacement
géographique des lits des fleuves.

Structure politique

Contrat archaïque sumérien, inscription pré-cunéiforme, musée du Louvre

L’utilisation de l’écriture est concomitante d'une organisation complexe de la société. Elle est
administrée, de façon méticuleuse et tatillonne, par un État monarchique et sacerdotal dirigé
par un roi (lugal, « homme grand ») ou un prince (ensi, autrefois lu patesi).

Le sumérologue Th. Jacobsen propose l’idée d’une démocratie primitive aux origines de
Sumer. En s’appuyant principalement sur les mythes qui mettent en scène des assemblées où
interviennent des héros, des hommes ou des divinités (épopée de Gilgamesh), il pense que la
plus ancienne institution politique aurait été une assemblée d’hommes libres où des Anciens
auraient géré des affaires courantes et lorsque le besoin s’en faisait sentir, auraient délégué
des pouvoirs à un en pour des travaux importants ou à un lugal en cas de guerre. Dans ce
système, les autorités religieuses et royales auraient pu se développer au détriment d’hommes
libres.

Karl August Wittvogel défend la thèse d’un État "hydraulique". La civilisation sumérienne
offre un exemple, parmi d’autres, de l’existence d’un pouvoir despotique exigé par la
nécessité d’organiser et d’administrer un réseau de distribution de l’eau : il fallait répartir
équitablement celle-ci, mais aussi obtenir par la corvée le travail nécessaire à la création, puis
à l'entretien de ce réseau. Cette théorie pouvait facilement se fondre avec celle d’une
démocratie primitive et le despotisme du pouvoir royal. Elle a été combattue, notamment
après les recherches de R. McAdams, qui montrent que les réseaux d’irrigation de Sumer au
début du IIIe millénaire ne nécessitaient pas un pouvoir coercitif, chaque agglomération
n’ayant besoin que d’un territoire réduit pour subvenir à ses besoins. De plus, les historiens
n’ont pas trouvé dans les textes la preuve que le despotisme oriental soit issu des problèmes
liés à la gestion de l’eau, même si l’une des tâches royales a été d’assurer la construction et la
gestion des canaux. Les recherches en ce domaine ne sont pas terminées et l’on peut se
demander si l’aménagement régional de Mari, dont la réalisation a certainement exigé de très
gros moyens en hommes et en temps, a pu se faire sans un pouvoir coercitif, s’appuyant sur
l’idée de l’État et de ses besoins.

Civilisation et art

Gudea, prince de Lagash, statue dédiée au dieu Ningishzida, v. 2120 av. J.-C., musée du
Louvre

Les Sumériens et leurs successeurs Akkadiens possédaient une culture exceptionnellement


avancée, on leur doit notamment :

• la fondation des premières cités-États (Ur, Lagash, Uruk, Umma, etc.) ;


• le premier système politique à deux assemblées ;
• le travail du cuivre ;
• l'utilisation de la brique dans la construction d'habitations ;
• la première architecture religieuse connue (temples puis ziggourats) ;
• le développement de la statuaire ;
• la glyptique (art de graver sur des pierres fines) ;
• l'écriture, à la base des chiffres, après pictographique, puis cunéiforme ;
• les mathématiques et l'écriture des nombres en système sexagésimal : numération
sumérienne ;
• le premier système scolaire ;
• les premières formes d'esclavage ;
• le commerce et la notion d'argent.

Religion
La religion sumérienne a influencé l'ensemble de la Mésopotamie pendant près de 3000 ans,
ainsi que les onze premiers chapitres de la Bible2. Elle est une composante très importante de
la vie, privée comme publique, des Sumériens et donne naissance à des représentations
artistiques comme à des œuvres littéraires. Dans la conception sumérienne, le souverain n'est
que le dépositaire de la divinité : sa fonction est sacerdotale aussi bien que politique.

La religion sumérienne est caractérisée par son polythéisme et son syncrétisme. Son panthéon
compte une grande variété de dieux, structurée en une hiérarchie stricte, calquée sur la société
humaine.

Au sommet se trouve la triade cosmique constituée de :

• An (« dieu-ciel »), maître du ciel, roi des dieux, et sa parèdre Antum ;


• Enlil (« seigneur-air »), maître de la terre, démiurge, dieu protecteur de Nippur, et sa
parèdre Ninlil ;
• Enki (« seigneur-terre » ?), Ea pour les Sémites, maître des eaux douces, dont la ville
sainte est Eridu.

Sous cette triade se trouvent les divinités astrales comme le dieu-lune Nanna (Sîn en
akkadien) et le dieu-soleil Utu (Shamash en akkadien) ; puis les dieux infernaux et les dieux
guerriers ; puis les dieux de la nature et les dieux guérisseurs ; puis les dieux d'instruments
(pioche, moule à briques, etc.) et enfin les esprits et autres démons.

Notes
1. ↑ (en) Lester R. Brown, « Starving the People To Feed the Cars [archive] », dans The Washington Post,
10 septembre 2006, p. B03.
2. ↑ (fr) Étude sur Les sumériens ou les origines de la civilisation [archive]
3.

Amorrites
Les Amorrites sont un peuple sémite apparu au Proche-Orient vers le milieu du IIIe
millénaire av. J.-C. Ils apparaissent dans les textes sumériens sous la dénomination de mar.tu,
et en akkadien sous le nom d'amurrû.

Origines
Les Amorrites sont selon toute vraisemblance originaires de la région du Jebel Bisri, en Syrie
méridionale, d'où ils commencent à migrer vers le milieu du IIIe millénaire, peut-être pour des
raisons de changement climatique, et se répandent en Syrie, puis vers la Mésopotamie.

Des « rois de Martu » sont cités dans des textes d'Ebla (XXIVe siècle av. J.-C.) et de la
période d'Akkad (XXIIIe siècle av. J.-C.). Les Amorrites deviennent à la période suivante de
sérieux adversaires des souverains d'Ur, puisqu'ils commencent alors à migrer en grand
nombre vers la Mésopotamie. Ils agissent en bandes de pillards semi-nomades qui menacent
le sud mésopotamien. Pour les arrêter, le roi Shoulgi construit un mur entre le Tigre et
l'Euphrate, mais celui-ci ne suffira pas à arrêter les groupes amorrites, qui plongent le
royaume d'Ur dans le chaos vers la fin du XXIe siècle av. J.-C. Même s'il revient aux Élamites
de porter le coup de grâce à celui-ci, ce sont finalement les Amorrites qui s'imposent au début
du XXe siècle, et plusieurs dynasties amorrites s'installent dans les plus grandes cités du
Proche-Orient : Larsa, Isin, Uruk, Babylone, Eshnunna, Ekallatum, Alep, Mari, Qatna, pour
les principales.

La période des dynasties amorrites


La période qui s'étend de 2000 à 1595 est d'ailleurs parfois nommée « Période amorrite ». Elle
est marquée par de nombreuses rivalités entre les différents royaumes amorrites, bien connues
par les archives retrouvées sur le site de Mari. Après la domination de Isin, puis de Larsa au
sud mésopotamien, et celle du royaume de Yamkhad (Alep), face à son rival Qatna, puis la
domination éphémère du roi Samsî-Addu, originaire d'Ekallatum, ce sont finalement le
Yamkhad à l'ouest et Babylone (sous le règne d'Hammourabi) à l'est qui se partagent le
Proche-Orient dans la seconde moitié du XVIIIe siècle av. J.-C. après avoir dominé
successivement tous leurs adversaires. Mais ils ne savent pas assurer leur hégémonie, et le
XVIIe siècle av. J.-C. verra leur affaiblissement, et l'éclatement de ces deux ensembles, qui
seront finalement éliminés par des raids lancés par le roi hittite Mursili Ier autour de 1600.
Après cela, les royaumes amorrites sont supplantés par l'établissement de nouveaux
ensembles dirigés par de nouvelles ethnies, les Hittites, les Kassites et surtout les Hourrites.

Aspects culturels
Les Amorrites, peuple semi-nomade, fonctionnaient à la base selon un système tribal. Celui-ci
perdure même après l'établissement des royautés amorrites fortement marquées par la
tradition mésopotamienne. Les rois amorrites avaient une forte conscience de leur
appartenance à un même ensemble, et certaines familles royales, originaires d'une même
« maison », conservaient des liens très forts, comme celles de Babylone et d'Ekallâtum. Ils
avaient une même conception de la royauté, et des relations diplomatiques, qui sont alors très
intenses du fait de la fragmentation de l'espace proche-oriental en royaumes de même
puissance. Par ailleurs, certaines tribus amorrites avaient conservé un mode de vie semi-
nomade et collaboraient avec les dynasties établies. On peut citer le rôle des Benjaminites et
des Bensimalites dans le royaume de Mari.

Les principales divinités du Proche-Orient amorrite étaient Addu/Adad, dieu de l'Orage,


Dagan, divinité agraire syrienne, et d'autres divinités du panthéon mésopotamien, comme
Enlil, Ea, Shamash, Sîn et Ishtar. Un dieu nommé Amurru (dieu) (Martu en sumérien) a
bénéficié d'un culte important à cette même période. Il personnifiait les populations amorrites.

Langue
La langue amorrite est mal connue, car aucun texte écrit en amorrite n'a été retrouvé, l'écriture
se faisant alors exclusivement en akkadien. L'amorrite est seulement connu par l'onomastique
et certains termes repris en akkadien. Cette langue appartenait au groupe nord-ouest des
langues sémitiques.
Hourrites
Les Hourrites ou Hurrites sont un peuple habitant l'Asie Mineure durant l'Antiquité.

Origines
Les origines des Hourrites sont mal connues. Il semble qu'il s'agisse d'un peuple originaire des
régions situées au sud du Caucase, appartenant au même groupe que les Urartéens. Ils
apparaissent dans l'histoire dans les sources d'Ebla au XXIVe siècle av. J.-C., lorsqu'ils
migrent vers le sud, dans les montagnes situées au nord de la Mésopotamie, au Kurdistan et
dans le Zagros, où ils forment de petits royaumes. Ils constituent de farouches adversaires
pour les souverains d'Akkad, et ceux de la troisième dynastie d'Ur.

Expansion
Dans le courant de la première moitié du IIe millénaire av. J.-C., les Hourrites se répandent en
Syrie du Nord (on en trouve dans les archives de Mari). Après la chute des royaumes
amorrites, ils deviennent l'ethnie dominante dans cette région, et leurs royaumes affrontent
l'expansionnisme hittite au XVIe siècle av. J.-C. De puissants royaumes hourrites apparaissent
alors, comme le Kizzuwatna (en Cilicie), mais surtout le Mitanni, qui est centré autour du
triangle du Khabur en Syrie du Nord. Ce royaume, dirigé à l'origine par une élite indo-
européenne, mais peuplé majoritairement d'Hourrites, étend sa domination sur ses voisins
entre le XVIe et le XVe siècle av. J.-C., en Syrie et en Assyrie. Cet expansionnisme lui fait
affronter successivement les Égyptiens, puis les Hittites, et enfin les Assyriens qui, après
s'être libérés du joug mitannien détruisent le royaume définitivement au XIIIe siècle av. J.-C.
La dernière dynastie du royaume hittite, celle de Suppiluliuma Ier, est selon toute probabilité
elle-même d'origine hourrite, et cependant contribua fortement à l'affaiblissement du royaume
du Mitanni.

Religion
La religion hourrite est très proche du fond religieux anatolien. Son dieu principal est Teshub,
le dieu de l'Orage, qui a pour parèdre Hebat, et pour fils Sharruma. D'autres divinités hourrites
importantes étaient Kushukh, le Dieu-Lune, Shimegi, le Dieu-Soleil, et Shaushka, la déesse
de l'Amour. Le panthéon hourrite comprenait également Hepit, le dieu du Ciel, Kumarbi (la
Nature), ou encore Astabis (la Guerre) et Ishara (l'Ecriture). La mythologie hourrite a élaboré
des mythes tels que le Cycle de Kumarbi, (la "Théogonie hourrite").

Langue
Il n'y a pas besoin d'une pierre de Rosette pour déchiffrer une langue et en reconnaître la
morphologie. Comme le proto-sinaïtique et le proto-cananéen, le hourrite en offre un exemple
frappant. Emmanuel Laroche a publié, actualisant des travaux antérieurs de J. Friedrich et de
Speiser, un glossaire de la langue hourrite en 1980. Il en décrit la morphologie, agglutinante et
de la famille des langues caucasiennes, et fournit un lexique assez complet en l'état actuel des
connaissances. Il est possible toutefois que les découvertes d'inscriptions cunéiformes de
Syrie viennent enrichir cette approche du hourrite.
La langue hourrite était mal connue, et sa traduction a pu être améliorée progressivement par
les gloses akkadiennes, hittites et ougaritiques, et par la découverte de textes bilingues
hourrite-hittite. "Dans les régions où les Hourrites étaient mêlés à la population indigène, écrit
Laroche, et où, à cause de leur densité, s'était répandu un état de bilinguisme, les gloses se
multiplient(...) Le mot hourrite tend à s'imposer, et à supplanter le vocable de la langue
dominante; c'est le cas, à divers degrés, à Nuzi, à Ras-Shamra et à Bogazköy". La première
référence connue à ce royaume apparaît dans une lettre adressée par le pharaon Amenhotep III
(1417 - 1379 avant notre ère) au roi hourrite Tushratta. Cette référence fut découverte en
Egypte en 1887 dans les vastes archives de la correspondance internationale d'Armana et
demeure encore la seule source vraiment importante concernant cette langue. Un certain
nombre de textes en hourrite ont été mis au jour dans les archives hittites de Hattusas (autour
de 1400), de Mari (autour de 1750) et à Ugarit (aux environs de 1500). Les textes d'Ougarit
sont rédigés au moyen d'une écriture consonnantique et incluent du vocabulaire sumero-
hourrite. Hattusas a également fourni des fragments d'une traduction hourrite de l'époque
babylonienne de Gilgamesh. Des noms et du vocabulaire hourrites apparaissent également
dans un large éventail de textes appartenant à la tradition cunéiforme au milieu du second
millénaire avant notre ère.

La langue hourrite est une langue ergative et agglutinante. Cependant cette langue n'a aucun
lien avec les langues sémitiques ni même avec les langues indo-européennes. La langue
hourrite n'est cependant pas d'après Laroche l'ancêtre de l'ourartéen mais les deux langues
descendent d'une même langue préhistorique commune également de manière très évidente un
parent des langues caucasiennes actuelles. Certains spécialistes estiment qu'il existe un lien
entre la langue hourrite, le géorgien et les langues sud-caucasiennes langues kartvéliennes.
Certaines similarités ont également été constatées entre la langue hourrite et l'arménien.

Les Hourrites adoptèrent l'alphabet cunéiforme akkadien comme support d'écriture.


Cependant les textes hourrites sont relativement rares et utilisent des idéogrammes sumériens
ne permettant pas de connaître la phonétique exacte de certains mots.

Religion mésopotamienne
Pour les Anciens mésopotamiens, le monde était dirigé par des dieux, pour qui les hommes
devaient travailler. Les États du pays des deux fleuves, avec leurs souverains à leur tête,
devaient donc organiser la société et l'économie de manière à ce que les dieux puissent obtenir
ce qui allait leur permettre de vivre oisivement, par le biais du culte. Quiconque enfreignait
l'ordre voulu par les dieux devait en subir les conséquences, tandis que ceux qui
accomplissaient correctement le culte devaient prospérer.

La religion mésopotamienne n'a jamais fait l'objet d'une abstraction comme c'est le cas dans
les sociétés modernes. Les Mésopotamiens n'ont donc jamais cherché à en dresser un tableau.
Il faut donc combiner tout un ensemble de sources de façon à constituer ce tableau : vestiges
archéologiques des temples dans lesquels on accomplissait le culte, objets dédiés aux dieux
pour obtenir leurs faveurs, textes décrivant des récits mythologiques, ou bien des rituels divers
accomplis par des spécialistes du culte, etc. Avec la religion de l'Égypte antique, la religion
mésopotamienne est celle sur laquelle on est le mieux informé grâce à ce corpus
documentaire, qui pourtant laisse encore bien des mystères.
La redécouverte de la religion de l'ancienne Mésopotamie, au XIXe siècle, a été très marquée
par la recherche des révélations que celle-ci pouvait faire sur les origines de la Bible. Mais
l'étude la religion mésopotamienne est devenue un objet pour elle-même, et continue de
progresser avec la publication de nouveaux textes et la réinterprétation d'autres.

Le roi Melishipak II de Babylone (1186–1172) présentant sa fille à la déesse Nanaya, détail


d'un kudurru retrouvé à Suse.

Sources
Comme pour bien d'autres aspects de la société mésopotamienne, les sources sur la religion
combinent les textes, les réalisations artistiques et architecturales, tous connus grâce aux
fouilles archéologiques. Celles-ci ayant longtemps privilégié les lieux du pouvoir (palais,
temples, résidences les plus vastes), et les œuvres d'art et textes les plus remarquables ayant
été produits par le milieu des élites (scribes et artistes travaillant pour les temples et les
palais), elles nous informent donc essentiellement sur la religion vue par le haut de la société,
et l'on ne sait pas dans quelle mesure cela est révélateur de l'ensemble de la société.

Les sources écrites


Tablette du Déluge de l’Épopée de Gilgamesh, version retrouvée à Ninive, VIIe siècle.

Les sources écrites, en majorité sur des tablettes cunéiformes, constituent la plus massive et la
plus diverse de nos sources sur la religion des Anciens mésopotamiens. L'attention des
chercheurs et du public cultivé a porté en priorité sur les textes littéraires racontant des
mythes1, tels que l'Épopée de Gilgamesh, l'Épopée de la Création, la Descente d'Ishtar aux
Enfers, ou encore l'Atrahasis, notamment en raison de leurs parallèles avec la Bible. Mais il
ne constituent pas une source sur la religion quotidienne des habitants de la Mésopotamie
antique. Les hymnes, prières et poèmes de nature religieuse sont des documents importants
pour connaître l'expression du sentiment religieux2. Néanmoins il est vraisemblable que la
production écrite retrouvée ne représente qu'une faible partie de ce qui devait circuler
oralement, d'autant plus que les textes connus datent essentiellement des périodes tardives de
l'histoire mésopotamienne (la première moitié du Ier millénaire).

Les rituels et autres actes du culte étaient reportés dans des textes de nature technique servant
à aider les spécialistes du culte (notamment les devins, astrologues, exorcistes, lamentateurs,
etc.)3. Ils constituent la majorité des textes religieux retrouvés dans les bibliothèques du Ier
millénaire (comme Ninive, Sippar). Les textes du quotidien (correspondance, actes de la
pratique comme les comptes d'entrées de bêtes pour les sacrifices dans les temples)
contiennent également de précieuses informations sur la religion mésopotamienne.

Au final, les sources écrites proviennent du milieu des scribes lettrés, officiant pour le compte
du temple ou du palais. La religion « populaire » est donc laissée de côté.

L’art [

Sceau-cylindre représentant une scène de culte rendu au dieu du Soleil, Shamash.


L'art religieux4 est particulièrement important car il a sans doute touché un spectre social bien
plus large que celui attesté dans les sources écrites. Si certaines œuvres étaient réservées aux
temples et aux palais, et étaient soustraites à la vue du plus grand nombre, d'autres devaient
être accessibles au peuple. Du reste, les fouilles dans les résidences ont livré des objets qui
avaient la fonction d'amulette, et des ex-voto déposés par des individus dans des temples ont
été retrouvés. Les sceaux-cylindres, courants dans la société mésopotamienne, portent souvent
des scènes religieuses. De ce fait, l'art reflète sans doute fidèlement les croyances du plus
grand nombre. Les œuvres d'art religieux les plus remarquables restent néanmoins le fait du
monde des élites, notamment les statues et bas-reliefs commandités par des rois ou de grands
personnages des royaumes mésopotamiens. L'art religieux complète et pallie souvent les
lacunes des sources écrites, et il est indispensable pour approcher la religion des périodes pré-
historiques.

Les édifices religieux connus par l'archéologie

La ziggurat d'Ur.

Les archéologues ayant fouillé les sites de l'ancienne Mésopotamie se sont en premier lieu
intéressés aux espaces les plus importants des grandes villes de cette région, donc en priorité
leur cœur politique et religieux5. De nombreux temples et parfois le complexe cultuel les
entourant ont ainsi été mis au jour, avec leur cortège d'artefacts (statues, ex-voto, objets
servant au culte, archives écrites) quand ils avaient été laissés sur place - ce qui est plus
l'exception que la règle. L'archéologie a néanmoins permis de reconstruire l'organisation
spatiale des lieux de culte, et parfois le déroulement des rituels, notamment quand elle pouvait
être combinée aux sources textuelles.

La religion mésopotamienne dans son contexte culturel et


historique
La Mésopotamie des débuts de l'Histoire (fin du IVe millénaire) est divisée entre deux groupes
ethniques dominants : les Sumériens, vivant à l'extrême sud de la plaine, et des Sémites
occupant la majeure partie du Pays des deux fleuves, que l'on appelle par commodité les
Akkadiens. La présence d'autres peuples aux périodes antérieures est fort probable, mais leur
influence sur la culture mésopotamienne est mal connue. Les racines de la religion
mésopotamienne sont donc impossibles à appréhender. Cette période est marquée par la
division de la région en plusieurs cités-État indépendantes, qui bien que partageant une
culture commune avaient une identité propre qui se manifeste parfois dans leurs croyances et
pratiques religieuses (divinités et fêtes locales).

Il est clair que ce sont les Sumériens qui jouent un rôle dominant dans la culture de la région à
cette période, et ce sont leurs mythes avec leurs dieux qui sont les premiers mis par écrit.
Cependant, leurs contacts avec les Akkadiens sont très importants dès cette période, et un
syncrétisme se met en place. Les divinités sumériennes sont ainsi identifiées à celles des
akkadophones. De là découle la spécificité de la culture mésopotamienne des siècles suivants,
qui fait que malgré la disparition des Sumériens vers la fin du IIIe millénaire et le début du IIe,
leur langue et leurs rituels ne sont pas oubliés, et sont préservés dans le milieu des temples. La
Mésopotamie présente une autre importante division, entre le nord et le sud, qui reste
prégnante sur le plan culturel, même quand les Sémites deviennent aussi dominants au sud. À
partir du XXIVe siècle, la basse Mésopotamie est le cœur de deux Empires successifs, qui
étendent leur domination sur les régions voisines : l'Empire d'Akkad et celui d'Ur III. À cette
période, la Mésopotamie voit l'arrivée de nouveau peuples : les Amorrites (sémites), et les
Hourrites (présents en grand nombre dans la moitié nord), qui apportent certains éléments de
leur culture, les premiers se fondant plus dans le moule suméro-akkadien que les seconds. Des
peuples venus du Zagros se dirigent aussi vers la plaine mésopotamienne, mais en groupes
plus restreints (Élamites, Kassites, Gutis).

La seconde moitié du IIe millénaire voit la séparation entre le nord et le sud se matérialiser en
politique par la division entre les royaumes d'Assyrie et de Babylone. Leur stabilité et leur
affirmation politique voient notamment l'apparition d'un phénomène d'hénothéisme qui tend à
faire de leurs dieux nationaux (Assur et Marduk) des divinités dominantes. À la fin du IIe
millénaire, un peuple sémite arrive en grand nombre en Mésopotamie à partir du nord : les
Araméens, avec leur culture, leurs dieux, ainsi que leur langue qui devient progressivement
parlée dans toute la vallée. Au Ier millénaire, la civilisation mésopotamienne s'étiole
progressivement, surtout après la chute des Empires assyrien puis babylonien aux VIIe et VIe
siècles, puis la domination de peuples étrangers à la vallée (Perses, Grecs, Parthes). La culture
mésopotamienne traditionnelle devient confinée aux milieux des temples du sud de la vallée,
où elle disparaît progressivement de nos sources avec la disparition de la pratique du
cunéiforme, solidaire des anciennes traditions. Il demeure sans doute une religion reprenant
l'héritage de cette ancienne religion, mais il n'en reste que peu de traces, et elle disparaît avec
l'arrivée du christianisme, de mazdéisme des Perses puis celle de l'islam.

Les croyances religieuses


Les Dieux
Marduk, le dieu de Babylone, et son attribut, le dragon-serpent mushkhushu.

Selon les croyances des Anciens mésopotamiens, le Monde est gouverné par des êtres
supérieurs de par leur nature, les Dieux (DINGIR/ilu(m)). Les dieux ont beau être représentés
sous un forme humaine, leur supériorité sur l'être humain est évidente dans tous les domaines6.
Ils sont grands, puissants, glorieux, parfaits, très sages et intelligents, etc. Ils ont comme
attribut un sorte de « splendeur divine », melammu(m), qui montre leur supériorité.
L'exaltation de la grandeur divine est claire dans les nombreux hymnes qu'ont laissé les
scribes mésopotamiens. Les dieux vivent éternellement, même s'ils ne sont pas immortels,
puisqu'il arrive qu'ils se fassent tuer, mais très exceptionnellement. Les dieux sont les
administrateurs du Monde, ils assignent un « destin » (NAMTAR/šimtu(m)) à chacune des
choses qui le constitue, et qu'ils ont créé eux-mêmes à leur profit. Dans les mythes, les dieux
ont pourtant bien des défauts, comme des êtres humains : ils peuvent être irascibles,
trompeurs, sombrer dans l'alcool, se laisser submerger par leurs envies sexuelles, etc.

Les Mésopotamiens vénéraient une multitude de dieux, qu'ils n'ont jamais réellement organisé
sous la forme d'un « panthéon »7. Il n'y a jamais eu un système cohérent de divinités dont on
ait fixé clairement les rôles, les positions respectives et les relations familiales, même si on
trouve des constantes. La durée de l'histoire de la Mésopotamie empêche cela. La perception
des dieux a évolué au cours du temps, parfois selon les changements politiques, et les
différences entre Sumériens et Sémites ont troublé leur image, de même que le syncrétisme en
général, avec même l'adoption de dieux extérieurs au Pays des deux fleuves. Les divinités
sont liées à des fonctions, ou encore à des éléments naturels, et parfois même des éléments
naturels sont divinisés, comme des fleuves ou des montagnes. Les divinités peuvent avoir des
attributs (des objets ou bien des animaux) symbolisant certaines de leurs caractéristiques. La
divinisation d'êtres humains prestigieux de leur vivant ou après leur mort est rare : elle
concerne des souverains semi-légendaires (comme Gilgamesh d'Uruk) ou bien des rois des
dynasties d'Akkad (Narâm-Sîn) et d'Ur III (Shulgi).

Le IIIe millénaire, première période pour laquelle on dispose de connaissances étoffées sur les
divinités mésopotamiennes, est la période des panthéons locaux : chaque cité-État a son
propre système de dieux locaux, différents de ces voisines. Mais cela n'empêche par
l'émergence d'une « triade » de dieux supérieurs et communs à tous : An/Anu(m), le Ciel, et
Enlil, le dieu de l'Air, et Enki/Ea, dieu de l'Abîme, considérés comme ses fils ou bien ses
frères cadets. On trouve souvent à leurs côtés Nanna/Sîn, le Dieu-Lune, Utu/Shamash, le
Dieu-Soleil, et Inanna/Ishtar, la déesse de l'Amour et de la Guerre. Enlil est considéré comme
le roi des Dieux, avant que la suprématie politique et culturelle de Babylone ne s'affirme
durant la seconde moitié du IIe millénaire et ne tende à faire de son dieu tutélaire Marduk le
nouveau chef de tous les Dieux. Un phénomène semblable se fait en Assyrie, autour du dieu
national Assur. Le Ier millénaire voit ainsi une tendance à l'hénothéisme, même si cela
n'empêche jamais l'existence d'une foule de divinités.

Le Monde

« Carte du Monde » babylonienne, VIIe siècle av. J.-C.

Les textes mythologiques mésopotamiens présentent diverses traditions relatives à la création


du Monde (cosmogonie). Aucun récit n'est uniquement consacré à cet événement, chacun
étant intégré dans un récit plus large8. Un thème récurrent relatif à la création du Monde
raconte que celle-ci s'est faite par la séparation du Ciel (AN) et de la Terre (KI), qui auraient
été unis à l'origine. On la retrouve dans un récit sumérien racontant une aventure du héros
Gilgamesh, dans le Mythe de l'Atrahasis. Dans un tenson sumérien, Arbre contre Roseau, le
Ciel et la Terre sont déjà séparés, et le premier féconde la seconde, ce qui fait apparaître la
végétation. Un texte médical, donnant des indications pour lutter contre un « ver dentaire »
(auquel on attribuait des maux de dents), raconte comment le dieu Anu a créé le Ciel, qui a
créé la Terre, laquelle aurait créé les Rivières, etc. Le mythe le plus précis sur la création du
Monde est l'Épopée de la Création (Enuma Eliš), qui attribue cet acte au dieu Marduk. Ce
dieu devient le roi des divinités après avoir vaincu Tiamat, la mère des dieux, et c'est à partir
de son corps qu'il façonne le Monde.

Selon les reconstitutions qui ont pu être faites à partir de différents textes9, les Mésopotamiens
se représentaient l'Univers comme une vaste sphère dont la partie supérieure était le Ciel, et la
partie inférieure était l'Enfer (l'En-bas, voir ci-dessous). La Terre coupait cette sphère à son
diamètre. Elle reposait sur l'apsû, les Eaux souterraines, et à ses extrémités se trouvaient deux
autres mers. Une tablette néo-babylonienne (VIIe siècle) présente une carte du Monde
commentée, qui montre un exemple intéressant de la façon dont ont pouvait se représenter
l'espace à cette période10. La surface terrestre est représentée par deux cercles concentriques,
délimitant une mer (marratu) entourant le continent, constitué de la plaine mésopotamienne
(centrée sur Babylone) et des régions voisines. Des triangles situés aux extrémités de la mer
extérieure figurent des régions mystérieuses lointaines (nagû).

L’être humain et sa raison d’être

Les mythes traitant de la création de l'être humain (anthropogonie) sont relativement


homogènes11 : il est créé par les Dieux, souvent à partir d'argile, et du sang d'un dieu sacrifié.
L'argile est la matière première essentielle de la basse Mésopotamie, qui sert à façonner les
constructions, les poteries et d'autres objets quotidiens, ainsi que les tablettes sur lesquelles on
écrit. Le sang divin apporte quant à lui la vie à l'être façonné dans l'argile. Trois mythes
développent ce thème : Enki et Ninmah, le Mythe de l'Atrahasis, et l'Épopée de la Création.
Le rôle de la création de l'humain est à chaque fois attribué en grande partie au dieu Enki/Ea,
conjointement à son fils Marduk dans le dernier mythe. Ils procèdent dans ce récit au sacrifice
du dieu Qingu, général en chef des troupes de la déesse Tiamat qu'a tuée Marduk, et le sang
du dieu donne la vie au premier humain.

À chaque fois, le but de cette création est le même12 : il s'agit de permettre aux dieux de
recevoir les biens nécessaires à leur survie quotidienne. Les hommes viennent au monde pour
travailler pour les dieux, entretenir leurs temples avec des sacrifices permanents. C'est donc la
raison de vivre des humains. Les dieux choisissent parmi les hommes des souverains qui les
dirigent, et supervisent la bonne marche de la société qui aboutit dans le culte des dieux :
selon les termes de la Liste royale sumérienne, la royauté est « descendue du Ciel » à l'origine
de l'humanité. Si le service des dieux n'est pas bien effectué, les êtres humains peuvent alors
être alors en faute, et subir la vengeance des dieux. Les dieux s'assurent que les humains ne
puissent être immortels, la mort symbolisant l'infériorité de leur condition (voir plus bas). Ils
fixent le « destin » (NAM.TAR/šimtu(m)) de chaque être humain, ainsi que celui de chaque
chose qui se trouve sur Terre. Leurs décisions peuvent être connues de ces derniers par le
biais de la divination, et il va de soi qu'elles avaient valeur d'ordre. À partir de là, toute chose
qui compose le Monde peut être vue comme une manifestation de la puissance divine. Ceux
qui suivaient bien les volontés divines devaient donc vivre une existence paisible ; mais on
remarquait que ce n'était pas toujours le cas, et cela a posé des questions ardues à certains
lettrés. En tout cas, la réussite ne peut être due qu'à la faveur divine : l'expression « avoir un
dieu » est l'équivalent mésopotamien d'« avoir de la chance ».

Espaces et temporalités du culte


Les temples, résidences des divinités

Relief votif du roi Ur-Nanshe de Lagash, commémorant la reconstruction du temple du dieu


Ningirsu, Girsu, période des Dynasties archaïques.
Le temple est le centre du culte religieux public dans la société mésopotamienne13. Il est
considéré comme la résidence terrestre de la divinité, sa « maison » : c'est le sens du mot le
désignant aussi bien en sumérien (É) qu'en akkadien (bītu(m)). Chaque cité a un temple
principal, dédié à sa divinité tutélaire. Elle peut ensuite posséder un nombre plus ou moins
important de temples et chapelles dédiés à d'autres divinités.

L'organisation du temple est donc calquée sur celle d'une résidence14. Ils sont souvent
organisés autour d'une cour intérieure principale, ouvrant sur des dépendances (magasins,
cuisines), et sur le « saint des saints », la cella où se trouvait la statue du dieu principal,
entourée parfois de celles de sa famille et de ses serviteurs. La statue était placée sur un
podium (BARA2/parakku(m)) Les espaces sacrés sont accessibles uniquement pour le
personnel cultuel. Les plus grands temples étaient de véritables palais, aménagés et restaurés
avec soin par les rois (c'était un de leurs devoirs principaux). On leur avait parfois adjoint une
ziggurat, construction à étages portant un temple haut surplombant le complexe religieux.

Parce que l'entretien des temples et du culte divin était une chose très coûteuse, les temples
possédaient souvent des ressources foncières importantes, surtout dans le sud mésopotamien,
les temples du nord étant habituellement essentiellement pourvus par les rois et les grands
personnages du royaume. Le temple était donc, au-delà du simple aspect religieux, un acteur
majeur de la vie économique de la Mésopotamie.

Autres lieux de culte

Le culte pouvait se dérouler dans des lieux privilégiés, autres que les temples, notamment :

• des chapelles intérieures à la ville, qui sont des temples en miniature ;


• les particuliers disposaient peut-être de petites chapelles dans leurs résidences, pour le
culte domestique ;
• les sépultures (tombes creusées sous les résidences, nécropoles) servaient lors du culte
des morts (voir plus bas) ;
• certains rituels devaient se dérouler en plein air, dans des lieux précis (terrasse d'une
maison, proximité d'une rivière, etc.) pour améliorer leur efficacité ;
• des espaces naturels, en plein air, ont pu servir de lieux de culte, comme par exemple
des éminences rocheuses qui étaient parfois même divinisées.

Les calendriers cultuels

Les calendriers de la Mésopotamie antique sont de type luni-solaire : une année solaire
(MU/šattu(m)), de douze mois lunaires (ITI/warhu(m)) composés de 29 à 30 jours solaires
(UM/ūmu(m)), avec des mois intercalaires ajoutés à des intervalles réguliers pour ne pas
perdre le fil des saisons. À la période archaïque, chaque cité-État disposait de son propre
calendrier, issu d'une longue histoire qui nous échappe15. Au IIe millénaire, toute la Babylonie
finit par adopter le calendrier de Nippur, qui est ensuite repris en Assyrie. Les scansions
principales de l'année suivaient le rythme des saisons et partant de là le rythme de
l'agriculture, et l'année débutait à l'équinoxe de printemps (sauf à Assur au début du IIe
millénaire où l'année débute à l'équinoxe d'automne). Le nom des mois dont on saisit
l'étymologie renvoie parfois à ce cycle, couplé à certains moments à des faits religieux. Le
mois portant le nom du dieu Dumuzi (juillet-août) rappelle le moment à partir duquel celui-ci
a le droit de sortir des Enfers où il réside une moitié de l'année. Le calendrier est émaillé de
nombreuses cérémonies liturgiques revenant à des intervalles réguliers, les fêtes religieuses.
Certaines se déroulent plusieurs fois dans le mois, alors que d'autres sont annuelles, comme la
fête du Nouvel An. Chaque cité, voire chaque temple, dispose de son propre calendrier de
fêtes en fonction de ses grands dieux locaux.

Périodes fastes et périodes néfastes

Le temps est marqué par des périodes fastes (ŠU/magir, mitgaru) et néfastes (NU.UN.ŠU/la
magir), plus ou moins propices à certaines activités. À partir de la seconde moitié du IIe
millénaire, elles sont reportées dans des almanachs, qui notent les jours (hémérologies) ou les
mois (ménologies) favorables et défavorables16. Mais de telles prescriptions existaient déjà
auparavant : une lettre de Mari au XVIIIe siècle nous apprend par exemple que le roi
Hammurabi de Babylone refuse de prêter un serment invoquant le dieu Sîn un 25 du mois car
le dieu est indisposé ce jour-là17. Les 7, 14, 21 et 28 du mois sont généralement néfastes pour
toutes sortes d'activités. D'autres jours sont néfastes pour des points précis (rituels religieux,
aliments, sexualité, exercice d'une profession précise, du commerce de l'argent, procès, etc.).
Parfois, ce ne sont que des moitiés de jours qui sont néfastes. Notons également que la nuit est
une période propice pour faire certains rituels, notamment ceux invoquant les « dieux de la
nuit ». C'est en effet le culte qui est le plus concerné par ce type de prescriptions. De plus,
certains interdits sont liés au déroulement de fêtes religieuses.

Les acteurs du culte


Le rôle des souverains

Tablette de fondation du temple de Nanaya, bâti par les rois Kudur-Mabuk et Rîm-Sîn de
Larsa, fin du XIXe siècle.

Le roi est considéré comme un intermédiaire entre humains et dieux. Il n’est que rarement
divinisé lui-même, sous les Empires d’Akkad et d’Ur III. Mais il occupe clairement une
position à part parmi les humains. Il est l’élu des dieux, qui l’ont placé à son rang, et peuvent
le faire chuter s’il n’est pas digne de sa charge. Le roi prend en charge de lourds frais liés à
l’entretien des bâtiments des temples et du personnel qui y travaille. Plus largement, toutes ses
actions sont censées refléter des volontés divines.

Le souverain prend donc part à de nombreux actes de culte. Il doit s’entourer de spécialistes,
chargés de l’aider à décrypter les messages divins (des devins, barū(m)), et à se protéger
contre les forces obscures qui le menacent plus que tout autre du fait de sa position (des
exorcistes, āšipu(m)). La présence de ces spécialistes au plus près du souverain est bien
connue dans le cas des rois Assyriens grâce aux archives de Ninive, qui montrent qu’ils jouent
un rôle important dans le quotidien royal18.

Mais le souverain peut parfois être amené à diriger lui-même des rituels. C’est le cas dans de
nombreuses fêtes religieuses, comme le Mariage sacré ou l’akītu (voir plus bas), où il joue le
premier rôle. Parfois même il doit participer à des rituels spéciaux. Les souverains assyriens
doivent se soumettre à de nombreux actes cultuels19, par exemple les bīt rimki, des bains
purificateurs, et le takultu, un repas avec les dieux, en plus d’autres fêtes religieuses dans les
grandes villes assyriennes. Étant dans l’impossibilité de prendre part à tout cela, il peut se
faire remplacer par des prêtres ou bien par son manteau, qui symbolise sa présence.

Le personnel des temples

Le culte officiel des temples était pris en charge par un personnel divers20. On peut distinguer
parmi ceux-ci les personnes spécialisées dans l’administration des biens du temple (donc du
dieu), et celles chargées de s’occuper des actes rituels, avant tout des offrandes quotidiennes
faites aux divinités résidentes dans le temple. Le personnel administratif est dirigé par le
ŠANGA/šangu(m), parfois secondé par un šatammu(m) (terme qui peut aussi être synonyme de
šangu(m)) et appuyé par des subordonnés, dont le nom et la fonction varie beaucoup selon le
lieu et la période : trésoriers, scribes aux spécialisations diverses, superviseurs des différentes
activités économiques.

Le personnel cultuel est celui qui a généralement le droit de pénétrer dans l’espace sacré du
temple. On les appelle ērib bīti à partir de l’époque néo-babylonienne. Ils sont généralement
dirigés par un grand prêtre ou une grande prêtresse. L’entu(m) est considérée comme l’épouse
terrestre du dieu auquel est destiné le temple. L’exemple le mieux connu est celui du temple
de Nanna/Sîn à Ur. À Uruk, l’EN est vu comme l’époux terrestre de la déesse Inanna/Ishtar.
On trouve divers spécialistes ayant à exercer une fonction au cours des actes rituels : les
GALA/kalû(m), « lamentateurs », les GUDU4/pašīšu(m), purificateurs, les NAR/nāru(m),
musiciens ou chantres, etc. Il existait également dans les temples de basse Mésopotamie une
catégorie de femmes vivant des sortes de cloîtres (gāgu(m)), les nāditu(m), auxquelles on
interdisait d’avoir des enfants21. Une autre catégorie de personnel féminin évoluant dans le
milieu des temples, les qadištu(m), pourraient avoir été des « prostituées sacrées », mais cela
reste débattu. À un rang inférieur, on trouvait le personnel chargé des aspects matériels du
culte : brasseurs, cuisiniers, portiers, orfèvres, etc.

Le personnel des temples était rétribué de plusieurs façons. Il pouvait d’abord recevoir des
« champs de subsistance », des terres agricoles appartenant au temple qu’ils faisaient exploiter
pour en tirer leur revenu. Une autre façon de les rémunérer était le versement de rations, dont
le contenu était défini en fonction de la hiérarchie des desservants. Ces rations consistaient en
la redistribution des offrandes faites au dieu. Certaines charges, surtout celles liées au service
matériel, pouvaient être des prébendes : on les achetait, on les vendait, on pouvait les
transmettre par héritage, et même les diviser pour partager la charge avec d’autres.

Les autres spécialistes du culte

D’autres spécialistes du culte n’étaient pas systématiquement rattachés au temple ou au palais,


même si ce sont les endroits où on les voit le plus évoluer dans nos sources. Il s’agit des
spécialistes dans des rituels importants, la divination et l’exorcisme (voir plus bas). Leurs
professions avaient donné lieu à une abondante littérature technique, ce qui montre à la fois
l’importance et la complexité de ces professions, qu’on exerçait généralement de père en fils.
Les spécialistes de la divination étaient les barū(m) (« devins ») ; à l’époque néo-
babylonienne, on distingue de ce groupe les spécialistes de l’astrologie (tupšar Enūma Anu
Enlil). Les spécialistes de l’exorcisme sont les āšipu(m) (« exorcistes »). Ces catégories
d'experts donnent naissance au Ier millénaire à une sorte de classe de lettrés (ummānu)22, qui
disposent de bibliothèques importantes, dans des palais, des temples, ou dans leurs résidences
privées.

Les pratiques cultuelles

Statuette votive représentant un homme en position de prière, Tell Asmar, Dynasties


archaïques II (2750-2600).

L’entretien quotidien du dieu

La présence des dieux sur Terre étaient assurée par les statues anthropomorphiques les
représentant, abritées dans la cella de leur temple23. Celle-ci était censée être le dieu lui-même.
Aussi on apportait le plus grand soin à leur confection, et les dieux les plus importants
devaient avoir des statues réalisées en bois de qualité, métaux rares et pierres précieuses.
Après la réalisation de l'objet, le rituel du « lavage de la bouche » (mīs pī) ou de l'« ouverture
de la bouche » (pīt pī) assurait la présence divine dans l'objet24.

Après cela, il fallait assurer le quotidien du dieu, par des offrandes (ou des sacrifices)25. Il
s'agissait d'abord de repas, destinés à le nourrir. Ils étaient parfois fixés dans des textes rituels.
Généralement, le service alimentaire du dieu était étalé sur quatre repas quotidien, deux le
matin et deux le soir, appelés « petit repas » et « grand repas » à chaque fois. Un dieu recevait
des aliments végétaux, notamment des céréales, de la viande d'animaux sacrifiés, et des
boissons (vin, bière, lait). Les animaux sacrifiés (surtout des moutons et des bœufs) l'étaient
en récitant des invocations. Ces différents mets pouvaient être cuisinés. Dans la pratique,
après une présentation devant le dieu, on les répartissait entre les officiants du temple, et le
palais royal, selon des règles précises. Les offrandes pour le quotidien du dieu consistaient
aussi en des vêtements et bijoux, du mobilier (lits, chaises), de la vaisselle, et des bateaux ou
des chariots pour les déplacements de la divinité. Il fallait lui fournir tout ce qui pouvait lui
servir au quotidien. Ces objets allaient dans le « trésor » du temple. Des rituels s'occupaient de
divertir le dieu, par de la musique notamment. Tout cela se faisait aux frais du temple, des
autorités de la ville et du royaume, ou bien grâce aux offrandes faites par des individus. Ces
derniers offraient parfois des statuettes (certaines étant leur propre représentation), avec des
dédicaces, dans l'espoir d'obtenir une faveur divine.

Les fêtes religieuses

À côté de l'entretien quotidien du dieu, qui devait être immuable, certains moments de l'année
étaient marqués par des fêtes (EZEN ou SISKUR) organisées en l'honneur de divinités26. Les
calendriers cultuels mésopotamiens pouvaient en compter un grand nombre durant l'année,
mais la plupart restaient probablement confinées au monde des temples. Certaines revenaient
à des intervalles rapprochés, comme les fêtes-eššešu liées au cycle lunaire, qui se déroulaient
quatre fois par mois au début du IIe millénaire (les 1, 7, 15 et 25 du mois dans le calendrier
cultuel d'Ur), et étaient souvent dédiées à Marduk et Nabû27. Ce type de fêtes donnaient lieu à
des rituels spécifiques, mais peu impressionnants à côté de ceux effectués lors des grandes
fêtes annuelles, à commencer par la fête-akītu, qui se retrouve dans plusieurs cités
mésopotamiennes dès le milieu du IIIe millénaire, et a probablement des racines très
anciennes. Sa version la mieux connue est celle qui se déroule à Babylone au Ier millénaire, en
l'honneur de Marduk, lors du Nouvel An. La fête du Mariage sacré (hiérogamie), célébrant les
amours de la déesse Inanna et du dieu Dumuzi, est l'une des plus importantes du pays de
Sumer28. D'autres rituels de hiérogamie se retrouvent à des époques plus tardives, culminant
dans une cérémonie de mariage (hašadu) où les statues d'un dieu et d'une déesse sont réunies.
Un autre type important de fête religieuse est le voyage divin29 Les statues divines se rendaient
hors de leur temple et même de leur ville pour aller rencontrer d'autres divinités. Le mieux
connu de ces cas est Le voyage de Nanna à Nippur, qui voit le dieu-lune quitter sa ville d'Ur
en bateau pour aller à 150 kilomètres de là visiter son père Enlil. Dans les autres fêtes, si on
sort les statues des dieux, c'est pour leur faire réaliser des processions intra-urbaines, ou dans
les proches alentours de la cité.

La communication entre humains et dieux

Maquettes de foies d'animaux servant à l'exercice de la divination, XIXe–XVIIIe siècles, Mari.

La communication entre humains et dieux est une question centrale, en cela qu'elle permet
aux premiers de savoir comment satisfaire les seconds, et ainsi bien assurer la fonction pour
laquelle ils ont été créés. Les humains prenaient connaissance des volontés divines par la
divination30. Les dieux envoyaient des messages aux hommes qu'ils fallait déchiffrer, grâce à
l'aide des spécialistes, les devins. Ils pouvaient se trouver dans différents aspects de la vie
quotidienne, plus ou moins exceptionnels en apparence : un nouveau-né à la morphologie
particulière, un phénomène astral inhabituel, une apparition en rêve, ou tout simplement
croiser un animal d'une telle couleur dans la rue. Parfois, c'étaient les humains qui suscitaient
le message divin, par la procédure d'hépatoscopie : on posait une question, et la divinité devait
donner une réponse lue dans le foie d'un animal sacrifié. Les dieux intervenaient parfois par
l'intermédiaire de prophètes, surtout attestés en haute Mésopotamie.

Pour s'adresser aux dieux, les humains pouvaient faire des prières, accompagnées
d'offrandes31. Des hymnes avaient pour but de louer la grandeur des dieux, et parfois même de
leurs temples. Les prières à proprement parler cherchaient à attirer les faveurs des dieux
auxquels elles étaient destinées. Certaines ont été mises par écrit, et constituent de véritables
œuvres littéraires. Il peut s'agir de prières pénitentielles, visant à se faire pardonner d'une faute
commise envers un dieu. Les scribes en distinguaient plusieurs, notamment les prières « pour
calmer le cœur d'un dieu irrité » (ÉR.ŠÀ.HUN.GÁ), ou celles « pour faire revenir un dieu irrité »
(INIM.INIM.MA DINGIR.ŠÀ.DIB.BA.GUR.RU.DA). Elles débutaient par une invocation du dieu,
suivie de la reconnaissance de la culpabilité, et s'achevait par une lamentation et une demande
de pardon. Il existait également des prières de demande « à main levée » (ŠU.ÍL.LÁ, parce
qu'on les disait en levant la main à hauteur du visage), qui adressaient une plainte à un dieu,
en cas d'un malheur subi. Des prières pouvaient également accompagner des rituels, pour
renforcer leur efficacité au même titre que les offrandes : dans des procédures d'exorcisme
(contre des sortilèges, des mauvais présages, des démons ou des spectres), ou bien avant des
consultations oraculaires. Les prières sont souvent adressées par des souverains, qui
s'adressaient parfois eux-mêmes au dieu (dans d'autres cas des prêtres le faisaient pour eux).
On rédige également de tels textes dans la plupart des inscriptions commémorant les
constructions de temples ou de palais : on invite les dieux à les bénir, et à maudire ceux qui
les bafoueraient.

Les exorcismes

Les rituels d'exorcisme ont pour but de conjurer le mal affectant une personne32. Ce dernier
peut déjà s'être manifesté, ou bien simplement menacer la victime. L'exorcisme est dirigé par
un spécialiste, le mašmašu(m) ou āšipu(m), qui peut être assisté par d'autres personnes,
comme un lamentateur (kalû(m)), un devin (barū(m)) capable d'identifier la source du mal, ou
un « physicien » (āsu(m)), spécialiste des remèdes médicaux. Le mal touchant une personne
peut être provoqué par un dieu envers qui on a fauté, par des démons (qui peuvent agir pour le
compte d'un dieu), mais aussi par des humains faisant de la sorcellerie. Le mal peut se
manifester par des maladies, ou divers types de malheurs (perte d'argent, de relations, d'un
emploi, etc.).

Le mal était conjuré au cours de rituels de divers types, faisant appel à des pratiques
magiques, utilisant des objets ordinaires ou des figurines qui étaient « enchantés » et devaient
porter le mal avant d'être brûlés ou bien jetés à l'eau pour purifier le mal. Leur efficacité était
renforcée par des incantations, qui appelaient les dieux au secours, ou bien imploraient leur
pardon, ou encore avaient pour effet de chasser les démons. Ces rituels devaient parfois avoir
lieu à des moments et dans des endroits précis pour renforcer leur effet : de nuit, à proximité
d'une rivière, ou bien dans un cercle magique tracé à la farine sur le sol. Si c'était une maladie
qui touchait la victime, le rituel d'exorcisme pouvait se compléter d'un remède médical
« rationnel ».
Les rituels d'exorcismes ont été compilés depuis le IIIe millénaire, mais ils nous sont surtout
parvenus dans de grandes séries rédigées au Ier millénaire, dont les principales sont :

• les rituels maqlû, « crémation », ont pour but de délivrer une victime de sorcellerie, et
où on cherche à vaincre le sorcier ou la sorcière ;
• les rituels šurpu, « combustion », s'effectuent quand le mal a touché une victime mais
qu'on n'en connaît pas la source, et s'achèvent en brûlant un objet sur lequel le mal a
été transféré ;
• les rituels namburbû, « pour sa dissolution », étaient accomplis pour sauver une
personne avant qu'elle soit touchée par le mal, qui lui avait été annoncé par un présage
(ce rituel vient donc après consultation d'un devin), et sont donc de nature
apotropaïque.

La mort et l’au-delà
Les croyances sur la mort

La mort (mûtu(m)) était considérée comme une destinée vouée aux hommes par les dieux,
contre laquelle on ne pouvait rien faire33. L'Épopée de Gilgamesh montre qu'il est vain aux
hommes d'espérer l'immortalité, réservée aux dieux, et que seuls Ut-napishtim le héros du
Déluge et son épouse ont pu en bénéficier. Une fois mort, l'homme devient un « spectre »
(GIDIM/eṭemmu(m)), alors que son cadavre se décompose.

Les spectres se dirigent normalement vers les Enfers, considérés comme étant sous la Terre.
On ne sait pas exactement comment ils y accédaient, mais le fait qu'on enterrait les corps
humains semble indiquer qu'on considérait que cela devait faciliter leur accès au monde d'En-
bas. Par des textes mythologiques (La descente d'Inanna aux Enfers, Nergal et Ereshkigal) on
apprend que les Enfers avaient une entrée située au Couchant, à l'extrême ouest du Monde,
qu'on atteignait après avoir traversé une longue steppe aride, puis traversé le fleuve Hubur sur
la barque conduite par Humuṭ-tabal (« Emporte-vite »), et ensuite traversé les sept portes des
Enfers, gardées par le portier Pētū et ses serviteurs. Le monde souterrain, appelé de diverses
manières : l'« En-bas » (KI/erṣētu(m), nom de la partie inférieure du Monde), le « Pays du
non-retour » (KUR NU GI4/erṣētu(m) lā târi), la « Grand-ville » (URU.GAL/irkallu(m)), etc.
C'est le domaine de la déesse Ereshkigal, et de son époux Nergal, qui résident dans un palais
de lapis-lazuli. D'autres divinités liées aux Enfers sont Namtar, le « destin », le héros
Gilgamesh, ainsi que Shamash, le dieu du Soleil qui était supposé passer sous Terre quand
c'était la nuit sur Terre, à côté des nombreux dieux résidant En-bas, les Anunnaki.

Les morts n'avaient apparemment pas à passer un jugement personnel quand ils arrivaient aux
Enfers. Leur destin était le même pour tous une fois parvenus dans le Monde souterrain. Les
morts avaient une existence triste et pitoyable : ils mangeaient de la fange, et buvaient des
eaux boueuses. Ceux qui avaient une mort infâme ne parvenaient pas aux Enfers : c'est le cas
de ceux qui n'étaient pas enterrés, qui mouraient après avoir trahi les dieux ou leur roi, ou
encore ceux qui mouraient sans avoir enfanté ou les femmes mortes en couches. Les deux
derniers devenaient des démons (Lilū et Lilītu), alors que les autres erraient sur Terre et
hantaient les vivants, pouvant causer des maladies. À l'inverse, les morts ayant eu des
funérailles convenables et étant bien entretenus par leur famille pouvaient avoir une action
bénéfique sur ceux-ci34.
Les rites liés à la mort

Une fois une personne morte, sa famille devait s'assurer que sa vie dans l'au-delà se déroule
bien. Il fallait d'abord procéder à des rites d'enterrement : le corps était lavé, huilé, parfumé,
puis vêtu, et enterré avec certains de ses objets personnels, plus ou moins luxueux selon le
moyens de la famille35. Des rites de deuil pouvaient suivre l'enterrement pendant plusieurs
jours, avec notamment des chants de lamentations.

Il était ensuite du devoir des descendants d'honorer leurs ancêtres régulièrement au cours de
rituels précis de culte des ancêtres, kispu(m)36. Cela consistait en des offrandes de nourriture,
de boissons, qui se faisaient en invoquant le nom des défunts, de façon à préserver leur
mémoire. Cette charge revenait en premier lieu au chef de famille, le fils aîné. Durant
certaines périodes le culte des morts était plus actif : on pensait que les morts revenaient des
Enfers au mois d'Abu (juillet-août), et il fallait alors organiser des fêtes en leur honneur. On
pensait ainsi s'attirer les faveurs des morts, et éviter d'être tourmentés par eux.

Mais quand on pensait être hanté par un défunt, il fallait se prémunir de son action37. Un mort
qui n'avait pas été bien honoré par ces ancêtres, ou avait connu une mort honteuse, pouvait
troubler les vivants. Parfois, un fantôme tombait sous le contrôle d'un sorcier qui s'en servait
pour attaquer un ennemi. Les fantômes passaient également pour demeurer dans les espaces
de steppes, et on s'attendait à en rencontrer quand on en traversait. Ces attaques sont souvent
psychologiques (apparitions), mais peuvent aussi être physiques. Il fallait alors procéder à des
rituels d'exorcisme pour repousser le fantôme, notamment en faisant une statuette de lui et en
s'en débarrassant, ou bien en faisant un cercle magique, ou encore en lui procurant une
sépulture correcte, ou avec des rituels-kispu(m), etc. Les morts pouvaient également être
consultés par des rituels de nécromancie38.

Références
1. ↑ J. Bottéro et S. N. Kramer, Lorsque les Dieux faisaient l'Homme, Paris, 1989
2. ↑ M.-J. Seux, Hymnes et prières aux dieux de Babylonie et d'Assyrie, Paris, 1976
3. ↑ J. Bottéro, Mythes et rites de Babylone, Paris, 1985
4. ↑ Pour les différentes formes d'art religieux, voir (en) J. Black et A. Green, Gods, Demons and
Symbols of Ancient Mesopotamia, An Illustrated Dictionary, Londres, 1998
5. ↑ P. Amiet, L'Art antique du Moyen-Orient, Paris, 1971
6. ↑ J. Bottéro, La plus vieille religion, en Mésopotamie, Paris, 1998, p. 127-161
7. ↑ Ibid., p. 101-126
8. ↑ Pour un exposé des différents récits cosmogoniques mésopotamiens, Ibid., p. 169-185
9. ↑ Ibid., p. 162-169
10. ↑ (en) W. Horowitz, « The Babylonian Map of the World », dans Iraq 50, 1988, p. 147-165
11. ↑ J. Bottéro, op. cit., p. 198-208
12. ↑ Ibid., p. 195-225, pour voir les grands traits des conceptions sur la condition humaine en
Mésopotamie antique
13. ↑ (en) A. R. George, House Most High: The Temples of Ancient Mesopotamia, Winona Lake, 1993 ;
La casa del dio : il tempio nella cultura del Vicino Oriente Antico, Milan, 2005
14. ↑ (de) E. Heinrich, Die Tempel und Heiligtümer im alten Mesopotamien, Typologie, Morphologie
und Geschichte, Berlin, 1982, compile les informations archéologiques sur les principaux temples mis
au jour en Mésopotamie ; pour une synthèse plus brève, (en) M. Roaf, « Palaces and Temples in
Ancient Mesopotamia », dans J. M. Sasson (dir.), Civilizations of the Ancient Near East, New York,
1995, p. 423-441
15. ↑ (en) M. E. Cohen, The Cultic Calendars of the Ancient Near East, Bethesda, 1993 ; (de) W.
Sallaberger, Der kultische Kalender der Ur III-Zeit, Berlin-New York, 1993
16. ↑ Sur ce sujet, voir notamment les travaux de R. Labat, Hémérologies et ménologies d’Aššur, Paris,
1939 et id., Un calendrier babylonien des travaux, des signes et des jours, Paris, 1965
17. ↑ ARMT XXVI 465
18. ↑ (en) S. Parpola, Letters from Assyrian Scholars to the Kings Esarhaddon and Assurbanipal, 2 vol.,
Neukirchener Verlag, 1970 et 1983
19. ↑ (en) J. Laessøe, Studies on the Assyrian Rituals and Series bīt rimki, Copenhague, 1955
20. ↑ (en) K. Watanabe (dir.), Priests and Officials in the Ancient Near East, Heidelberg, 1999. Diverses
études sur des lieux et des périodes précises sont disponibles : D. Charpin, Le clergé d’Ur au siècle
d’Hammurabi, Genève, 1986 ; (de) B. Menzel, Assyrische Tempel, Rome, 1981 ; (en) A.
Bongenaar, The Neo-Babylonian Ebabbar Temple at Sippar: its Administration and its Prosopography,
Istanbul, 1997
21. ↑ (en) R. Harris, Ancient Sippar, Istanbul, 1980
22. ↑ F. Joannès, « De Babylone à Sumer, le parcours intellectuel des lettrés de la Babylonie récente », dans
Revue Historique 302, p. 693-717
23. ↑ (en) J. Black et A. Green, op. cit., p. 55-56 ; L. Battini et F. Joannès, « Statue de culte », dans F.
Joannès (dir.), op. cit., p.787-789
24. ↑ F. Joannès, « Consécration (des statues) », dans F. Joannès (dir.), op. cit., p. 199-201
25. ↑ (en) J. Black et A. Green, op. cit., p. 158-159 ; F. Joannès, « Sacrifice », dans F. Joannès (dir.), op.
cit., p. 743-744
26. ↑ (en) M. E. Cohen, op. cit. ; F. Joannès, « Fêtes religieuses », dans F. Joannès (dir.), op. cit., p. 333-
336
27. ↑ Chicago Assyrian Dictionary vol. 4, E, 1958, p. 371-373
28. ↑ S. N. Kramer, Le Mariage sacré, Paris, 1983
29. ↑ (en) J. Black et A. Green, op. cit., p. 112
30. ↑ J. Bottéro, Mésopotamie, L’écriture, la raison et les dieux, Paris, 1987, p. 133-169
31. ↑ M.-J. Seux, Hymnes et prières aux dieux de Babylonie et d'Assyrie, Paris, 1976, notamment
l'introduction p. 13-35 ; (en) B. Foster, Before the Muses: an Antology of Akkadian Literature,
Bethesda, 2005
32. ↑ J. Bottéro, Mythes et rites de Babylone, Paris, 1985
33. ↑ J. Bottéro, Mésopotamie, L'écriture, la raison et les dieux, Paris, 1997, p. 487-508 ; (en) J. A.
Scurlock, « Death and the Afterlife in Ancient Mesopotamian Thought », dans J. M. Sasson (dir.),
Civilizations of the Ancient Near East, New York, 1995, p. 1883-1893
34. ↑ J. Bottéro, op. cit., p. 514-519
35. ↑ (en) J. A. Scurlock, op. cit., p. 1883-1886
36. ↑ J. Bottéro, op. cit., p. 508-514 ; (en) J. A. Scurlock, op. cit., p. 1888-1889
37. ↑ (en) J. A. Scurlock, Magico-Medical Means of Treating Ghost-Induced Illnesses in Ancient
Mesopotamia, Leyde, 2006

Tour de Babel
La Tour de Babel vue par Pieter Bruegel l'Ancien au XVIe siècle.

La tour de Babel était selon la Genèse une tour que souhaitaient construire les hommes pour
atteindre le ciel.

Selon les traditions judéochrétiennes, c'est Nemrod, le « roi-chasseur » régnant sur les
descendants de Noé, qui eut l'idée de construire à Babel (Babylone) une tour assez haute pour
que son sommet atteigne le ciel.

Descendants de Noé, ils représentaient donc l'humanité entière et étaient censés tous parler la
même et unique langue sur Terre, une et une seule langue adamique. Pour contrecarrer leur
projet qu'il jugeait plein d'orgueil, Dieu multiplia les langues afin que les hommes ne se
comprissent plus. Ainsi la construction ne put plus avancer, elle s'arrêta, et les hommes se
dispersèrent sur la terre.

Cette histoire est parfois vue comme une tentative de réponse des hommes au mystère
apparent de l'existence de plusieurs langues, mais est aussi le véhicule d'un enseignement
d'ordre moral : elle illustre les dangers de vouloir se placer à l'égal de Dieu, de le défier par
notre recherche de la connaissance, mais aussi la nécessité qu'a l'humanité de se parler, de se
comprendre pour réaliser de grands projets, ainsi que le risque de voir échouer ces projets
quand chaque groupe de spécialistes se met à parler le seul jargon de sa discipline. Ce récit
peut aussi être vu comme une métaphore du malentendu humain; où contrairement aux
animaux, les êtres humains ne se comprennent pas par des signes univoques, mais bien par
l'équivocité du signifiant.

Les récits de constructions que les hommes tentaient d'élever jusqu'au ciel ont depuis
longtemps marqué les esprits, source d’inspiration pour bon nombre d’écrivains et d’artistes.

Origine du nom
Babel est une transcription du nom hébreu Bavel. Dans la Bible, Bavel désigne Babylone (en
akkadien bab-ili[m]), située selon la Genèse (chapitre 11) dans le pays de Shinear (Sumer).
Les sources antiques veulent voir dans le nom bab-ili[m] l'étymologie akkadienne Bāb-ili
(« la porte du dieu »), Bāb voulant dire « porte » et ilu voulant dire « dieu » (décliné ili). On
peut aussi y voir une onomatopée : cf babil.

Origine possible du mythe


L’origine de ce mythe est bien évidemment la Mésopotamie voisine mais ses modalités
d’élaboration sont encore mal définies. Son origine pourrait être la déportation à Babylone
d’une partie de la population juive en 597 après la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor II
(604-552). La déportation de populations civiles était une pratique courante à cette époque
pour amener le calme dans les régions rebelles. Les Juifs auraient été subjugués par la grande
ziggurat du dieu Marduk, située au cœur du sanctuaire de l’Esagil : « temple dont la tête est
élevée ». La ziggurat en elle-même était appelée l’Etemenanki : « temple-fondation du ciel et
de la terre ». Selon Francis Joannès, elle était conçue comme « le pivot qui réunissait le ciel et
la terre et assurait l’unité de l’Univers ».

Les ziggurats ont été construites dans toute la Mésopotamie de la fin du troisième millénaire à
l’occupation achéménide. Les plus anciennes sont l’œuvre d’Ur-Nammu (2112-2095), roi
sumérien de la dynastie d’Ur III. Etemenanki était exceptionnelle par ses dimensions. Elle a
bénéficié à la fois des travaux de reconstruction entrepris par Assarhaddon (680-669) et des
embellissements réalisés par les souverains néo-babyloniens qui ont pu profiter d’un
gigantesque butin. La ziggurat avait une base de 90 mètres de côté et peut-être une hauteur
équivalente. Cela devait en faire un des monuments les plus spectaculaires de toute
l’Antiquité. Elle comptait probablement 7 étages, colorés par des parements de briques
émaillées (le chiffre 7 avait une valeur symbolique en Mésopotamie). Cependant sa forme
n'était pas circulaire : toutes les ziggurats avaient une base carrée ou rectangulaire.

L'origine des représentations picturales d'une tour ronde peut être liée à une association
tardive entre la tour de Babel et le minaret de la mosquée de Samarra situé à 205 km au nord
du site et 125 km au nord de Bagdad. La tour Malwiya, qui n'est ni plus ni moins celle que
l'on peut admirer dans la majorité des représentations de la tour de Babylone, sa forme
unique, en spirale, a influencé de nombreux peintres et explorateurs. Cependant cette mosquée
date du IXe siècle, et n'a par conséquent aucun lien avec la cité antique de Babylone.

Texte français de la Bible


La tour de Babel est évoquée dans la Genèse, au chapitre 11, versets 1 à 9 :

Traduction dans la Bible de Jérusalem

Tout la Terre était une seule langue et des paroles semblables. Comme les hommes se
déplaçaient à l'Orient, ils trouvèrent une vallée au pays de Shinéar et ils s'y établirent. Ils se
dirent l'un à l'autre : « Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu ! » La brique leur
servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent : « Allons ! Bâtissons-nous une
ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas
dispersés sur toute la terre ! »

Dieu descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Dieu dit : « Voici
que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs
entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons ! Descendons !
Et là, confondons leur langage pour qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres. » Dieu les
dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma-t-on
Babel, car c'est là que Dieu confondit le langage de tous les habitants de la terre et c'est là
qu'Il les dispersa sur toute la face de la terre.

Traduction courante

La tour de Babel peinte en 1587 par Lodewyk Toeput. Le dogme judéo-chrétien lui impute la
confusion des langues.

Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. Comme ils étaient partis de l’orient,
ils trouvèrent une plaine au pays de Chmunter , et ils y habitèrent. Ils se dirent l'un à l'autre :
Allons ! Faisons des briques, et cuisons-les au feu. Et la brique leur servit de pierre, et le
bitume leur servit de ciment. Ils dirent encore : Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour
dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés
sur la face de toute la terre.

L'Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Et l'Éternel
dit : Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu'ils ont
entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu'ils auraient projeté. Allons !
descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des
autres. Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre ; et ils cessèrent de bâtir
la Ville. C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Éternel confondit le
langage de toute la terre, et c’est de là que l’Éternel les dispersa sur la face de toute la terre.

Une inspiration sumérienne ?


Il existe d'autres mythes antérieurs expliquant l'origine des langues par une intervention
divine. Le plus vieux d'entre eux est le mythe sumérien appelé Enmerkar et le seigneur
d'Aratta. Le texte est assez fragmentaire et difficile d'approche. Enmerkar, fondateur
légendaire de la cité d'Uruk, tente de soumettre la cité d'Aratta, située sur le plateau iranien et
demande l'aide de la déesse Ishtar. Celle-ci lui conseille d'envoyer un héraut pour négocier
avec le seigneur rival. Au cours des négociations, le héraut récite une incantation dédiée à
Enki qui entraine la division des langues.1 Ce texte offre au final assez peu de ressemblances
avec le récit biblique, aussi établir un lien quelconque entre les deux textes est pour l'heure
peu évident. Enfin, on peut trouver sur Internet un récit assez étrange attribué aux Sumériens
dans lequel Marduk ou Enki prive l’humanité du langage... Sans référence sérieuse, ce mythe
doit être pris avec beaucoup de circonspection. Les mythes sumériens ne se sont jamais
intéressés à Marduk, du simple fait que l’ascension de Babylone, et par conséquent de son
dieu tutélaire, est postérieure à la chute de la dernière dynastie d’Ur III. Les mythes qui
mettent en scène Marduk sont élaborés par le clergé babylonien et ne pratiquent pas cette
confusion des genres. 2

Autres sources
Une interprétation protestante

La confusion des langues, Gustave Doré

Le passage de la tour de Babel - récit étiologique justifiant la diversité des langues et des
peuples - marque la clôture du récit des origines qui s'étend à partir de Gen. I. Ce récit est
jalonné par le péché, par « ses éruptions » : la chute, le récit de Caïn et Abel, le chant de
Lemec, le déluge. Cependant une distinction, nous semble-t-il, doit être faite. Contrairement à
la chute, au récit de Caïn et Abel et au chant de Lémec, qui stigmatisent des péchés ou des
comportements individuels, les unions des anges qui susciteront le déluge et l'aventure de la
construction de la tour de Babel sont des péchés ou des comportements collectifs. Dans ces
deux cas, il s'agit d'événements où l'humanité est comprise comme la communauté des fils
d'Adam.

Au terme de l'histoire des origines, il s'agit donc de marquer le péché collectif d'une
communauté humaine et d'en montrer la condamnation par Dieu. Une condamnation sans
appel, sans intervention de la grâce. À partir de cette parole : « le Seigneur les dispersa sur la
face de toute la terre », le récit de la tour de Babel et celui des origines s'ouvre à l'avenir au
sens où la question de la relation entre les hommes et Dieu est posée.

(Von Rad, Théologie de l'Ancien Testament, vol. I, Genève, Labor et Fides, p. 146)

La confusion des langages, source du pouvoir

Selon Alexander Hislop, le fondateur de Babylone, Koush, père de Nemrod, s'identifierait à


Hermès. Ainsi ce qui caractériserait le régime Babylonien serait la découverte des langages
secrets, de l'Hermétisme (ce qui est caché), et ceci dans un but de Pouvoir. Pouvoir fondé sur
la confusion des esprits et l'apparition de jargons, c'est-à-dire de langages à double sens
compris seulement par les initiés, et au sens profond desquels la masse des humains n'aurait
pas accès. Les classes supérieures apparaissent alors qui connaissent les langages secrets
(prêtres et nobles guerriers). Babylone est la première des sociétés hiérarchiques et
spécialisées, préfigurant toutes les civilisations suivantes avec leurs classes sociales, elle est
fondée sur la rétention d'information et donc de la valeur. L'information et la valeur sont
thésaurisées (capitalisées) par les classes nobles et sacerdotales. Le gros de la population
reçoit une information simplifiée, dénuée d'intérêt, inopérante, destinée à produire une image
insensée du monde: la superstition, entretenue par le clergé.

C'est dans cette volonté de promouvoir des langages secrets que réside le pouvoir des classes
supérieures, et aussi la cause de la confusion des langages et leur multiplication parmi les
peuples. Les humains de Babel (Babylone) trouvent ainsi leur punition dans le système de
pouvoir qu'ils ont eux-mêmes inventé.

Le Coran et la tradition musulmane

La sunna n'évoque pas explicitement le mythe de la tour de Babel, ni la confusion des


langues, ni l'existence d'une tour quelconque. Ce qui pourrait être considéré comme étant la
tour de Babel, est appelé en arabe Palatinum et plus communément as-Sarh, dont la définition
correspond à « une seule maison construite de façon solitaire et robuste, s'élevant hautement
dans le ciel ; toute bâtisse haute étant un sarh ». Dans la Tradition, Babel est citée une fois, en
occurrence au « Chapitre sur la prière dans les ruines et les lieux de douleur » de l'important
recueil de traditions musulmanes : L'Authentique d'al-Bukhârî (194/810 - 256/870), en
relation avec le refus d'Alî de prier sur des ruines : « On mentionne que 'Alî - que Dieu soit
satisfait de lui ! - répugna à faire la prière dans les ruines de Babel. » Ces deux attestations,
négatives, paraissent faire briller de la couleur de l'aversion le silence noir et réprobateur qui
entoure Babel au cœur même de l'Islam. Remarquons à cet effet, que malgré la caractérisation
de Babel comme lieu d'Ascension au Ciel, c'est de la ville sainte de Jérusalem que le prophète
Mahomet s'envole vers le Trône de Dieu lors de son voyage nocture al-Isrâ wa-l-Mi'râdj.

Apparitions et références
Dans la littérature

• La bibliothèque de Babel (1941) de Jorge Luis Borges : histoire d'une bibliothèque


exhaustive
• Babel, la Langue promise, d'Alain-Abraham Abehsera, BibliEurope - Connectives,
1999 (essai sur la parenté universelle des langues avec l'hébreu biblique). ISBN 2-
911398-34-3
• L’homme qui a défié Babel de René Centassi et Henri Masson (Œuvre biographique
sur Ludwik Lejzer Zamenhof ; avant-propos de Louis Christophe Zaleski-Zamenhof),
Éditions Ramsay ; ISBN 2-7475-1808-6 ; 2002.
• Des tours de Babel de Jacques Derrida
• Babel de Jean-Claude Francklin
• Babel, la tour des hommes de Daniel Brentwood
• Babel ou l'inachèvement de Paul Zumthor, éditions du Seuil
• Le Sacrifice interdit chapitre 3 de Marie Balmary éditions Grasset 1999.
• La Tour de Babel chanson de Guy Béart
• Tour de Babel chanson de Glenmor tiré de l'album "Hommage à Morvan
LEBESQUE"
• La Tour d'El-Bab et La Colère d'Enki, tome 5 et 6 de la série québecoise Amos
Daragon de Bryan Perro.

Numération mésopotamienne

Numérations selon les cultures

Numération arabo-indienne

arabe
mongole
khmer
thaï
indienne

Numérations à l’origine chinoise

chinoise à bâtons
japonaise suzhou

Numérations alphabétiques

arménienne
hébraïque
cyrillique
grecque
d'Âryabhata
tchouvache
éthiopienne

Autres systèmes :

attique
forestière
brahmi
inuite
champs d'urnes
maya
colombienne
mésopotamienne
égyptienne
romaine
étrusque

Notations positionnelles par base

Décimal (10)

2, 4, 8, 16, 32, 64

1, 3, 6, 9, 12, 20, 24, 30, 36, 60,


plus…
v·d·m

La numération mésopotamienne utilise essentiellement deux systèmes de numération de


position : l'une sexagésimal stricte avec les clous et chevrons, l'autre mélangeant système
décimal et sexagésimal. Cette numération est partagée par les Babyloniens et les Akkadiens et
provient de celle utilisée par les Sumériens (voir l'article : Numération sumérienne)

Numération sexagésimale
Les Babyloniens ont compté en base 12 additionnel 5 en utilisant une numération de position
empruntée aux Sumériens. Cette base a traversé les siècles : on la retrouve aujourd'hui dans la
notation des angles en degrés (360° = 6 x 60°) ou dans le découpage du temps (1 heure = 60
minutes = 60² secondes).

Chiffres

Des soixante chiffres du système sexagésimal, les Babyloniens en employaient 59 à


l'exception du zéro. Ces chiffres étaient notés à l'aide d'un système additif décimal : un clou
pour l'unité et un chevron pour la dizaine. Ainsi, tout chiffre de leur système
sexagésimal pouvait s'écrire avec au plus cinq chevrons et neuf clous.

Liste des chiffres cunéiformes babyloniens de 0 à 59.

unités

…0 …1 …2 …3 …4 …5 …6 …7 …8 …9

dizaines 0… ( )

1…

2…

3…

4…
5…

Les spécialistes pensent que la règle consistait à regrouper les clous par lignes de trois avec
toutefois des exceptions, comme par exemple le chiffre quatre (soit le chiffre babylonien )
où la groupement de trois clous est remplacé par deux lignes de deux clous1.

était parfois écrit différemment : suivi d'un un signe signifiant la soustraction et d'un
clou : 19 = 20-11.

Nombres

Dans le tableau ci-dessous, les nombres 1, 60 et 3600 sont représentés de la même façon :
bien que positionnel, le système babylonien ne note ni le zéro, ni la virgule comme dans la
numération chinoise à bâtons. En un certain sens, la numération des Babyloniens ressemble à
la notation scientifique avec mantisse et exposant, à ceci près que les Babyloniens ne notaient
que la mantisse et conservaient l'exposant mentalement2. En langage contemporain il s'agit de
calcul en virgule flottante. Le lecteur des tablettes doit ainsi rétablir l'exposant des nombres
qu'il déchiffre, ce qui rend l'interprétation parfois difficile. Pour noter le zéro, en position
interne à un nombre, une espace puis le « 2 tourné » furent utilisés plus tardivement.

Exemples de nombres écrits en numération babylonienne sexagésimale.

Valeur Écriture babylonienne


Décomposition en base 60
décimale cunéiforme

1 1x1

17 17 x 1

44 44 x 1

60 60 = 1 x 60 + 0 x 1

85 1 × 60 + 25 x 1
3600 3600 = 1 x 60² + 0 x 60 + 0 x 1

11327 3 × 60² + 8 × 60 + 47 x 1

1 x 60² + 56 x 60 + 40 x 1 + 15/60 +
7000,2525
9/60²

Numérations décimale et sexagésimale mélangées


Les chiffres sont construits sur la même base que ci-dessus, mis-à-part que l'on compte en
base 10. Pour cela, quelques abréviations ont été ajoutées.

Liste des chiffres

Chiffre babylonien Valeur Chiffre babylonien Valeur

100 1000

600 3600

Exemples [

Valeur Nombres babyloniens

44

85

327
Notes et références
1. ↑ a et b Site [archive] de Duncan J. Melville
2. ↑ Knuth, D. E. 1972. Ancient Babylonian algorithms. Commun. ACM 15, 7 (Jul. 1972), 671-677. DOI=
http://doi.acm.org/10.1145/361454.361514 [archive]
3.

Astronomie babylonienne

L’astronomie babylonienne désigne les théories et les méthodes astronomiques développées


dans l’ancienne Mésopotamie, le « pays entre les deux rivières » Tigre et Euphrate (dans
l’Irak actuel), et où s'épanouirent les royaumes de Sumer, d’Akkad, de Babylonie et de
Chaldée. L’astronomie babylonienne est à la source des traditions ultérieures de l'astronomie
grecque et hellénistique, de l’astronomie indienne classique, de celles des Sassanides, des
Byzantins et des Syriens, de l’astronomie médiévale des Musulmans et des Européens1. Les
sources classiques grecques et latines désignent fréquemment les astronomes de Mésopotamie
du nom de Chaldéens : il s’agissait en réalité de prêtres-scribes specialisés dans l’astrologie et
d’autres formes de divination.

Entre le VIIIe siècle av. J.-C. et le VIIe siècle av. J.-C., les Chaldéens développent une
approche empirique de l’astronomie tout en élaborant une cosmologie, nature idéale de
l’univers. Une discipline divinatoire, l’astrologie, liée aux positions des planètes, s'appuie sur
une logique interne, contribution décisive à l’astronomie et à la philosophie des sciences :
certains chercheurs y voient une première révolution scientifique2. Cette démarche nouvelle
en astronomie sera adoptée et intégrée par l'astronomie classique et hellénistique.

L’astronomie paléo-babylonienne
L’astronomie paléo-babylonienne recouvre l'astronomie pratiquée antérieurement à
l'avènement de l’empire chaldéen.

Les origines de l’astronomie occidentale se trouvent en Mésopotamie. Une forme d'écriture


connue sous le nom de cunéiforme apparaît chez les Sumériens entre -3500 et 3000 av. J. Chr.
Quoique les Sumériens ne pratiquent qu'une astronomie rudimentaire, ils auront une influence
considérable sur la naissance de l'astronomie sophistiquée des Babyloniens. La théologie
astrale, qui considère les planètes comme des dieux importants de la mythologie
mésopotamienne et de la religion, naît avec les Sumériens. Ce peuple utilise aussi une
numération de position sexagésimale (de base 60), qui simplifie la notation de nombres très
grands ou très petits : voir mathématiques babyloniennes.

Les Babyloniens sont les premiers à avoir consigné par écrit le caractère périodique de
certains phénomènes célestes, et à avoir appliqué le calcul écrit pour formuler leurs
prévisions : des tablettes de la période paléo-babylonienne témoignent de l'application des
mathématiques pour déterminer la variation de la durée du jour au long de l'année solaire. On
dispose de siècles d'observation des phénomènes célestes sur les tablettes cunéiformes
dénommées Enûma Anu Enlil ; le plus vieux texte astronomique reconnaissable que nous
possédions est la « tablette 63 » de cette collection, appelée tablette de Vénus d’Ammisaduqa,
qui donne la liste des levers et couchers visibles de la planète Vénus sur un cycle de 21 ans. Il
s'agit du premier témoignage de l’identification d'un mouvement astral périodique.

La tablette Mul Apin offre un catalogue d’étoiles et de constellations ainsi que des méthodes
pour trouver les levers héliaques et le coucher des planètes, et une correspondance sur la
durée du jour mesurée à la clepsydre, au gnomon, aux ombres portées, et les intercalations. La
tablette GU énumère les étoiles selon des chaînes s'étalant le long des cercles de déclinaison,
donne leur ascension droite et leur temps de passage, et nomme aussi les étoiles du zénith,
avec leurs écarts d'ascension droite3. On connaît enfin des douzaines de tablettes d'argile
écrites en cunéiforme rapportant des observations d’éclipses, la plupart de Babylonie.

L’astronomie chaldéenne
L’astronomie chaldéenne recouvre non seulement l'astronomie pratiquée sous la dynastie
chaldéenne, mais aussi sous les Séleucides et les rois Parthes. Dès le règne de Nabonassar
(747-733 av. J. Chr.), fondateur de l’empire néo-babylonien, on observe une amélioration
significative des observations astronomiques, en qualité comme en quantité. L'archivage
systématique des phénomènes célestes jugés importants pour les présages amène bientôt la
découverte de nouvelles périodicités, telles que le cycle de 18 ans séparant deux éclipses
lunaires. L’astronome égyptien Ptolémée fixera d'ailleurs l’origine de son calendrier au début
du règne de Nabonassar, jugeant que les premières observations fiables ne remontent qu'à
cette époque.

Les derniers développements de l’astronomie chaldéenne prennent place sous l’Empire


séleucide (323-60 av. J. Chr.). Au IIIe siècle av. J.-C., les astronomes se mettent à utiliser des
« échéanciers » pour prédire le mouvement des planètes. Ces textes sont des annales des
observations antérieures et servent à détecter des répétitions périodiques de configurations
planétaires à signification astrologique particulière. Vers ce temps, ou peu après, les
astronomes remplacent ces tables par des formules de calcul pour trouver la date de la
prochaine occurrence.

Développement de l’astronomie empirique

La plupart des astronomes chaldéens ne s'intéressaient qu'aux éphémérides, non à la théorie.


Les modèles planétaires des peuples de Mésopotamie étaient strictement empiriques et se
traitaient par l’arithmétique : contrairement aux modèles hellénistiques postérieurs, ils ne
faisaient intervenir aucune considération de géométrie, de cosmologie ou de philosophie
spéculative4, bien qu'ils se fussent préoccupé de cosmogonie et de la nature idéale de l’univers
primitif5. Parmi les principales contributions des astronomes chaldéens au cours de cette
période, il y a la découverte des cycles d’éclipse et des cycles de Saros, ainsi que plusieurs
observations astronomiques très précises.

Parmi les astronomes chaldéens adeptes notoires de ce modèle, il y a lieu de citer


Naburimannu (fl. VIe-IIIe siècle av. J.-C.), Kidinnu ( † 330 av. J. Chr.), Bérose (IIIe siècle av.
J.-C.), et Soudinès (fl. 240 av. J. Chr.). Ils ont exercé une influence certaine sur l’astronome
grec Hipparque, l’astronome égyptien Ptolémée, et bien d’autres astronomes de l’Époque
hellénistique.

Un pionnier de l’héliocentrisme

L’astronome chaldéen Séleucos de Séleucie (né en 190 av. J. Chr.) a proposé un modèle
héliocentrique pour expliquer les phénomènes célestes6,7,8. Seleucos nous est connu par les
écrits de Plutarque. Il était partisan d'un système héliocentrique où la Terre tournant sur elle-
même effectuait en outre une révolution autour du Soleil. Selon Plutarque, Seleucos donnait
même une démonstration de son système, mais son argumentation nous est inconnue.

Selon Lucio Russo, elle serait reliée au phénomène des marées9. Seleucos remarque que les
marées sont corrélées au mouvement de la Lune, ce qui est correct, même s'il imagine que
l'intéraction se fait par les mouvements de l’atmosphère. Il remarque que les marées varient
en durée et en intensité selon les différentes mers. D'après Strabon10, Seleucos serait le premier
à avoir expliqué les marées par l'action mécanique de la Lune, et à avoir relié l'intensité des
marées à la position relative de la Lune par rapport au Soleil11.

Selon van der Waerden, Seleucos aurait justifié sa théorie héliocentrique en calculant les
constantes d'un modèle géométrique et en montrant que ce modèle donne des prédictions
correctes. Il aurait pu s'appuyer sur les méthodes trigonométriques de cette époque, puisqu'il
était contemporain d’Hipparque12.

Influence sur l'astronomie hellénistique


Si de nombreux écrits des auteurs grecs de la période classique et hellénistique (dont ceux de
mathématiciens, d’astronomes, et de géographes) sont parvenus jusqu'à nous, éventuellement
par une tradition indirecte, l’œuvre des autres peuples ou civilisations du Proche-Orient
ancien, notamment celle des Babyloniens, ont sombré dans l'oubli pendant une longue
période. Mais depuis l'exploration de sites archéologiques-clef au XIXe siècle, plusieurs écrits
en cunéiforme couchés sur des tablettes d'argile ont été mis au jour, dont certains ont trait à
l’astronomie. La plupart de ces tablettes astronomiques ont été décrites par Abraham Sachs et
publiées par la suite par François Thureau-Dangin dans ses Textes mathématiques
babyloniens.

Depuis la redécouverte de la civilisation babylonienne, il est devenu évident que l'astronomie


grecque a beaucoup emprunté aux Chaldéens. Les emprunts les mieux documentés se trouvent
chez Hipparque (IIe siècle av. J.-C.) et Claude Ptolémée (IIe siècle).

Une influence précoce

Plusieurs chercheurs s'accordent pour dire que le cycle de Méton a probablement été connu
des Grecs par des scribes babyloniens. Méton, un astronome athénien du Ve siècle av. J.-C.,
proposa un Calendrier luni-solaire fondé sur la quasi-équivalence de 19 années solaires et de
235 mois lunaires, observation déjà connue des Babyloniens.

Au IVe siècle av. J.-C., Eudoxe de Cnide écrivit un livre sur les astres fixes. Les descriptions
qu'il donne de plusieurs constellations, particulièrement celles des douze signes du zodiaque,
sont étrangement semblables à celles des Babyloniens. Un siècle plus tard, Aristarque de
Samos utilise un cycle d’éclipses découvert par les Babyloniens, le Saros, pour déterminer la
durée d'une année. Cependant, tout cela n'est que suppositions et on ne connaît pas de lien
précis entre ces auteurs.

Les héritiers : Hipparque et Ptolémée

Franz Xaver Kugler, par exemple, a montré13 la chose suivante : Ptolémée, dans l’Almageste,
indique14 qu’Hipparque a corrigé la durée des phases de la Lune transmises par « des
astronomes encore plus anciens » en rapportant les observations des éclipses faites auparavant
par « les Chaldéens » aux siennes. Or, Kugler a montré que les périodes que Ptolémée attribue
à Hipparque étaient déjà utilisées dans des éphémérides babyloniens, à savoir le recueil
nommé « Système B » (parfois attribué à Kidinnu). Apparemment, Hipparque s'est borné à
confirmer par ses observations l’exactitude des valeurs de périodes qu'il avait lues dans les
écrits des Chaldéens.

Il est évident qu’Hipparque (et Ptolémée à sa suite) disposaient d'une liste complète des
observations d’éclipses sur plusieurs siècles. Celles-ci avaient très probablement été
compilées à partir des « tablettes-journaux », tablettes d'argile contenant toutes les
observations significatives effectuées au jour le jour par les Chaldéens. Les exemplaires
préservés datent de 652 av. J. Chr. à 130 de notre ère, mais les événements célestes qui y sont
consignés remontent très probablement au règne du roi Nabonassar : car Ptolémée fait
commencer sa chronologie au premier jour du calendrier égyptien, la première année du règne
de Nabonassar, c’est-à-dire le 26 février 747 av. J. Chr.

Il n'a pas dû être facile d'exploiter toute cette masse d'observations, et il n'est pas douteux que
les Chaldéens eux-mêmes se servaient de tables abrégées contenant, par exemple, uniquement
les éclipses observées (on a trouvé quelques tablettes portant une liste de toutes les éclipses
sur une période correspondant à un « saros »). Ces tables leur permettaient déjà de constater le
retour périodique de certains phénomènes. Parmi les périodes utilisées dans le recueil du
« Système B » (cf. Almageste IV.2), on trouve :

• 223 mois (synodiques) = 239 passages au périgée (mois anomalistique) = 242


passages sur la ligne des nœuds (mois draconitique). Cette période est appelée période
de saros : elle est très pratique pour calculer les périodes d'occurrence des éclipses.
• 251 mois (synodiques)= 269 passages au périgée
• 5458 mois (synodiques)= 5923 passages à la ligne des nœuds
• 1 mois synodique = 29;31:50:08:20 jours (dans le système sexagésimal;
29.53059413… jours en numération décimales = 29 jours 12 heures 44 min 3⅓ s)

Les Babyloniens exprimaient toutes les périodes en mois synodiques, probablement parce
qu'ils utilisaient un calendrier luni-solaire. Le choix des intervalles entre les phénomènes
célestes périodiques survenant en l'espace d'une année donnait différentes valeurs pour la
longueur d'une année.

De même, on connaissait plusieurs relations entre les périodes des planètes. Les relations que
Ptolémée attribue à Hipparque15 avaient déjà servi pour des prédictions retrouvées sur des
tablettes babyloniennes.

Voici d'autres traces de pratiques babyloniennes dans l’œuvre d’Hipparque :


• Hipparque est le premier auteur grec à avoir divisé le cercle en 360 degrés de 60
minutes.
• il est le premier à avoir utilisé systématiquement la numération sexagesimale .
• il a utilisé le pechus (« coudée ») , unité d'angle de 2° ou 2½° d'ouverture.
• il a utilisé la courte période de 248 jours = 9 mois anomalistiques.

Le problème de la transmission

Toutes ces connaissances passèrent aux Grecs, sans doute peu après la conquête d’Alexandre
le Grand (-331). Selon le philosophe Simplicius (début du VIe siècle), Alexandre avait
ordonné la traduction des éphémérides astronomiques chaldéens, et en avait confié la
supervision à son biographe Callisthène d’Olynthos, qui les envoya à son oncle Aristote. Si
Simplicius ne nous offre qu'un témoignage tardif, son récit n'en est pas moins fiable, car il
passa quelque temps en exil à la cour des Sassanides, et a pu avoir accès à des sources
documentaires ayant disparu en Occident. Ainsi il est frappant qu'il emploie le titre tèresis (en
grec: « veille »), étrange pour un livre d'histoire, mais qui constitue une traduction précise du
babylonien massartu qui signifie « monter la garde » mais également « observer ». Quoi qu'il
en soit, c’est vers cette époque que Calippe de Cyzique, un élève d’Aristote, proposa l’emploi
d'un cycle de 76 ans, qui améliore le cycle de Méton, d'une durée de 19 ans. Il faisait démarrer
la première année de son premier cycle au solstice d’été (28 juin) de l'an 330 av. J. Chr. (date
julienne prolepse), mais par la suite il semble qu'il ait compté les mois lunaires à partir du
mois suivant la victoire d’Alexandre à la bataille de Gaugamèles, à l'automne 331 av. J. Chr.
Ainsi, Calippe a pu obtenir ses données de sources babyloniennes, et il est donc possible que
son calendrier soit antérieur à celui de Kidinnu. On sait par ailleurs que le prêtre babylonien
connu sous le nom de Bérose écrivit en grec vers 281 av. J. Chr. une histoire (à caractère
plutôt mythologique) de la Babylonie, les Babyloniaca, dédiées au nouveau monarque
Antiochos Ier ; et l’on dit qu’il fonda par la suite une école d’astrologie sur l’île grecque de
Cos. Parmi les autres auteurs qui ont pu transmettre aux Grecs les connaissances
babyloniennes en astronomie-astrologie, citons Soudinès qui vivait à la cour du roi Attale Ier
Sôter à la fin du IIIe siècle av. J.-C..

Quoi qu’il en soit, la traduction de ces annales astronomiques exigeait une connaissance
profonde de l’écriture cunéiforme, de la langue et des méthodes, de sorte qu’il est
vraisemblable qu'on a confié cette tâche à un Chaldéen dont le nom ne nous est pas parvenu.
Les Babyloniens, en effet, dataient leurs observations dans leur calendrier luni-solaire, dans
lequel la durée des mois et des années n'est pas fixe (29 ou 30 jours pour les mois ; 12 ou 13
mois pour les années). Qui plus est, à cette époque il n'utilisaient pas encore de calendrier
régulier (fondé par exemple sur un cycle, comme le cycle de Méton), mais faisaient démarrer
un mois à chaque nouvelle Lune. Cette pratique rendait fastidieux le calcul du temps séparant
deux événements.

La contribution d’Hipparque a dû consister à convertir ces données en dates du calendrier


égyptien, qui est fondé sur une année d'une durée fixe de 365 jours (soit 12 mois de 30 jours
et 5 jours supplémentaires) : ainsi le calcul des intervalles de temps est beaucoup plus simple.
Ptolémée datait toutes ses observations dans ce calendrier. Il écrit d’ailleurs que « Tout ce
qu'il (=Hipparque) a fait, c'est une compilation des observations des planètes ordonnée de
façon plus commode16. » Pline l'Ancien, traitant de la prédiction des éclipses écrit17 : « Après
eux(=Thalès) les positions des deux astres (=le Soleil et la Lune) pour les 600 années à venir
furent annoncées par Hipparque, … » Cela doit vouloir dire qu'Hipparque a prédit les éclipses
pour une période de 600 ans, mais étant donné l'énorme quantité de calculs que cela
représente, c'est très peu probable. Plus vraisemblablement, Hipparque aura compilé une liste
de toutes les éclipses survenues entre le temps de Nabonasser et le sien.

De Babylone à Bagdad [
L’astronomie des Sassanides

C'est en Mésopotamie que les Sassanides fixèrent la capitale de leur empire, la cité grecque de
Ctesiphon. Perses et Babyloniens s'adonnaient à l’astronomie aussi bien à Ctesiphon qu'auprès
de l’Académie de Gundishapur, en Perse. L'essentiel des textes astronomiques de la période
sassanide furent rédigés en langue Pèhlevî. Les Zij al-Shah, recueil de tables astronomiques
compilées en Perse et en Mésopotamie deux siècles durant, est le legs essentiel des savants
sassanides ; il fut traduit en arabe par la suite.

L’astronomie musulmane].

Après la conquête musulmane de la Perse, la Mésopotamie prit le nom arabe d’Irak. Sous le
califat abbasside, la capitale de l’empire fut transférée à Bagdad, ville fondée en Irak au
VIIIe siècle. Du VIIIe siècle au XIIIe siècle, période fréquemment désignée comme l’ « Âge
d'or de l’Islam », l’Irak-Mésopotamie demeura le centre de l’activité astronomique : on
l’étudiait particulièrement à Bassorah. L’arabe devint la langue des lettrés, et les savants
musulmans d’Irak ajoutèrent leurs propres contributions à l'astronomie, jusqu’au sac de
Bagdad en 1258.

Notes et références
1. ↑ David Pingree, The Legacy of Mesopotamia, Legacies in Astronomy and Celestial Omens, éd. S.
Dalley, Oxford, 1998, p. 125-137.
2. ↑ Cf. D. Brown, Mesopotamian Planetary Astronomy-Astrology, Styx Publications, 2000 (ISBN
9056930362).
3. ↑ David Pingree, The Legacy of Mesopotamia, Legacies in Astronomy and Celestial Omens, éd. S.
Dalley, Oxford, 1998, p. 125-137.
Rochberg(2004).
Evans (1998).
4. ↑ George Sarton, « Chaldaean Astronomy of the Last Three Centuries B. C. », dans Journal of the
American Oriental Society, vol. 75, no 3, 1955, p. 166-173 [169-170].
5. ↑ D. Brown, Mesopotamian Planetary Astronomy-Astrology, Styx Publications, 2000 (ISBN 9056930362).
6. ↑ Otto E. Neugebauer, « The History of Ancient Astronomy Problems and Methods », dans Journal of
Near Eastern Studies, vol. 4, no 1, 1945, p. 1-38.
7. ↑ George Sarton, « Chaldaean Astronomy of the Last Three Centuries B. C », dans Journal of the
American Oriental Society, no 75 (3), 1955, p. 166-173 [169].
8. ↑ William P. D. Wightman, The Growth of Scientific Ideas, Yale University Press, 1951 (réimpr. 1953),
p. 38.
9. ↑ Cf. Lucio Russo, Flussi e riflussi, Feltrinelli, Milan, 2003 (ISBN 88-07-10349-4).
10. ↑ Strabon, Géographie, livre I, chap. 1, 9.
11. ↑ Cf.Bartel Leendert van der Waerden, « The Heliocentric System in Greek, Persian and Hindu
Astronomy », dans Annals of the New York Academy of Sciences, no 500 (1), 1987, p. 525–545 [527].
12. ↑ |Bartel Leendert van der Waerden, « The Heliocentric System in Greek, Persian and Hindu
Astronomy », dans Annals of the New York Academy of Sciences, no 500 (1), 1987, p. 525–545 [527-
529].
13. ↑ Franz Xaver Kugler, Die Babylonische Mondrechnung, Herder, Fribourg-en-Brisgau, 1900
14. ↑ Almageste, livre IV, ch. 2
15. ↑ Cf. Almageste, IX.3
16. ↑ Almageste IX.2
17. ↑ Naturalis Historia II.IX(53).

Médecine en Mésopotamie
La médecine mésopotamienne est un sujet sur lequel on débat encore. Le problème est
comme souvent en histoire ancienne celui d’une opposition entre postures « modernistes » ou
« primitivistes ». On a notamment cherché à dégager les éléments proprement scientifiques de
cette médecine, et écarté tout ce qui s’apparente à de la superstition, à de la magie (voir le
débat sur le statut respectif de l’asû et de l’āšipu). On l’a également considérée comme une
science ayant fini par se pervertir et devenir une superstition, ou à l’inverse une pratique
magique devenue progressivement plus scientifique. Pour autant, la division entre ce qui est
du point de vue des gens d’aujourd’hui « rationnel » et ce qui est « irrationnel » n’a pas de
raison d’être pour les anciens Mésopotamiens, et les textes médicaux mélangent allègrement
les deux choses. Il ne s’agit pas de procéder à des distinctions artificielles, ni de chercher à
condamner ou excuser les Mésopotamiens pour la médecine qu’ils ont (ou n’ont pas)
pratiquée. La médecine mésopotamienne est à resituer dans son propre contexte, celui d’une
pratique complexe, ayant recours à différents spécialistes sans doute plus complémentaires
que concurrents, et ayant sa propre rationalité, même s’il ne faut pas y chercher une pratique
« scientifique » au sens moderne du terme, en éliminant ce qui ne relève pas du champ de la
médecine moderne.

Scène de guérison d'un patient, détail de la « plaque de Lamashtu », Musée du Louvre, VIIIe
siècle av. J.-C.

Sources
Des sources sur la médecine mésopotamienne remontent jusqu’à la période de la Troisième
Dynastie d'Ur, à la fin du IIIe millénaire. Un plus grand corpus date de la première moitié du
IIe millénaire (période paléo-babylonienne), mais la plus importante part de textes médicaux,
et de très loin, provient des grandes cités de la période néo-assyrienne (911-609), où sont
conservés les savoirs accumulés au cours des périodes précédentes. La seconde moitié du IIe
millénaire est très peu documentée.

La plus massive de nos sources sur la médecine mésopotamienne est le Traité de diagnostics
et pronostics, qui est comme son nom (moderne) l’indique une liste de diagnostics et
pronostics de maladies, avant tout destiné au spécialiste appelé āšipu (voir plus bas). Ce texte
se présente comme ceux destinés à la divination. Sa version complète devait comporter
quarante tablettes, et près de trois mille entrées. Il s’agit de la compilation de textes plus
anciens, remontant au moins au début du IIe millénaire pour les plus anciens, effectuée au XIe
siècle par Esagil-kîn-apli, un lettré de Borsippa. Des tablettes de diagnostics et pronostics ont
été retrouvées en divers endroits. Le traité débute par la série Enûma ana bīt marsi āšipu
illaku (« quand l’āšipu va à la maison du malade »), qui présente ce qui peut se passer quand
l’āšipu se rend chez son patient, et dans quoi il peut deviner le sort de ce dernier avant même
de l’avoir ausculté. Par exemple, s’il croise un cochon noir, alors le patient mourra ; mais si
c’est un cochon blanc, il guérira. La suite concerne les maux touchant le patient, progressant
par organe, de la tête jusqu’aux pieds. Puis une autre partie s’intéresse au nombre de jours de
maladie du patient. La suite concerne la neurologie. Deux autres tablettes concernent les
maladies intestines et les lésions de la peau, et la dernière partie traite des problèmes
gynécologiques et infantiles. Les descriptions des maladies ne nous permettent pas tout le
temps de bien les identifier.

Les textes thérapeutiques, destinés concrètement à la guérison du patient, comportent des


prescriptions. Il s’agit là encore de listes de remèdes, commençant généralement par donner le
nom de la maladie, puis les ingrédients du traitement et sa recette, avant de dire comment
l’administrer. On utilise des éléments végétaux, minéraux, ou animaux, pas toujours bien
compris par les traducteurs contemporains. Les quantités nécessaires pour élaborer le
« médicament » ne sont pas souvent précisées ; il arrive que l’on dise combien de jour le
traitement doit durer ou combien de fois par jour il doit être administré. Pour aider les
spécialistes dans l’élaboration des remèdes pharmaceutiques, il existait une liste, URU.AN.NA,
un glossaire de plantes. Les prescriptions thérapeutiques mélangent remèdes « rationnels » et
« irrationnels », puisqu’on y trouve des incantations et rituels à côté de procédés d’élaboration
de remèdes pharmaceutiques. Certains textes médicaux, sont des formes abrégées de textes
thérapeutiques, beaucoup plus concis que las habituels, servant sans doute de sorte d’index.

Certains textes de la vie courante nous informent également sur les activités des spécialistes
de la médecine mésopotamienne. Les deux plus importants corpus proviennent des palais
royaux de Mari, au XVIIIe siècle, et de Ninive, aux VIIIe-VIIe siècles. On peut y ajouter deux
textes humoristiques dans lesquels on trouve des personnages de médecins, dont Le pauvre
homme de Nippur.

Les sources ostéologiques sont quant à elles absentes du répertoire de documents utilisables
pour mieux comprendre la médecine mésopotamienne, quasiment aucun squelette d’ancien
Mésopotamien n’ayant fait l’objet d’étude paléopathologique.

L’origine des maladies


On présente généralement les Mésopotamiens comme percevant les maladies comme des
punitions envoyées par les dieux, du fait d’un « pêché » commis par la victime. Celui-ci aurait
fait une faute, morale aussi bien que rituelle (irrespect de l’ordre social, manque de dévotion
aux dieux, transgression d’un tabou), et ceux-ci le rendent malade en punition. On est donc
puni pour s’être mal comporté. Les maladies sont d’ailleurs souvent nommées « main de (tel
dieu) » ; par exemple, l’épilepsie est la « main de Shamash » (qāt Šamaš). Pour autant, il ne
faut pas forcément chercher derrière cette dénomination une attribution d’une origine non
naturelle ; et ces noms n’empêchent pas non plus de bien connaître la maladie et de savoir la
traiter. Parmi les causes des maladies, les « démons » et fantômes, ou encore la sorcellerie
sont aussi d’origine « surnaturelle » (selon nos propres critères, cette notion étant étrangère
aux Mésopotamiens). Pour s’en prévenir, on pouvait se munir d’amulettes. On trouve
également des cas où il est fait explicitement référence à une cause naturelle de la maladie
(morsure de bête, contact avec un malade dans le cas d’une épidémie), même si ses modalités
ne sont pas comprises ni forcément intellectualisées. En réalité, la façon dont les anciens
Mésopotamiens concevaient l’origine de la maladie reste mal connue. Il est clair que le
médecin se base sur les symptômes de la maladie pour la guérir, parce qu’il ignore son
fonctionnement.

Asû et āšipu
À partir de la première moitié du IIe millénaire, la médecine mésopotamienne est exercée
avant tout par deux spécialistes : l’asû(m) et l’āšipu(m) . La distinction entre les deux prête à
débat.

La vision traditionnelle, depuis les travaux de F. Köcher puis E. K. Ritter fait de l’asû un
« physicien », qui serait celui qui pratiquerait ce qui s’approche le plus de la médecine
moderne, donc aurait une approche pragmatique, rationnelle pour guérir ses patients. L’āšipu,
à l’inverse, est un « expert magique », qui se charge de l’approche « surnaturelle » de la
maladie, et qui est donc une sorte de sorcier, chargé de composer avec les dieux et démons qui
causent la maladie. Selon cette vision des choses, il y a donc clairement une opposition entre
une pratique médicale digne de ce nom, et une autre qui est basée sur les superstitions.
Cependant, cette coupure est assez artificielle, et peu de cas avérés la recoupent exactement.
On remarque par ailleurs que les bibliothèques d’āšipu qui sont connues ont tous les types de
textes techniques médicaux, « rationnels » et « irrationnels », et par ailleurs ces deux éléments
se mélangent souvent dans des mesures pour guérir, qui combinent des remèdes médicaux et
d’autres qui pour nous relèvent de la superstition.

Concrètement, un asû se charge plutôt des traitements à base d’herbes médicales et de


pharmacopée qu’il compose lui-même, soigne les os cassés, les blessures, et peut également
exercer quelques opérations chirurgicales. Le Code de Hammurabi montre que l’asû peut être
tenu responsable de la mort d’un de ses patients ou de la perte de l’œil de celui-ci au cours de
ces opérations ; le code légifère aussi sur ses honoraires (il s’agit probablement plus d’une
indication du « juste prix » que d’un salaire forcé). Les outils utilisés au cours de ces
opérations sont mal connus : on a réussi à identifier des spatules, une sorte de lancette servant
à inciser, ainsi que des tubes métalliques. Un récit satirique, Le pauvre homme de Nippur,
montre son héros se faisant passer pour un asû, et nous informe sur l’apparence physique des
gens de ce métier, puisqu’il se rase les cheveux avant de rentrer dans le personnage, et
procède à d’autres modifications de son apparence hélas inintelligibles ; il se prétend
également originaire d’Isin, ville de la déesse guérisseuse Gula (voir plus bas), ce qui montre
l’importance de cette cité dans l'exercice de la médecine en Mésopotamie.
L’āšipu est un prêtre officiant dans les temples. Il doit avant tout faire des diagnostics, donc
déterminer le mal qui touche le patient. Parfois cette tâche est même exercée par un devin
(bārû), et plus rarement un personnage féminin mal connu (šā’iltu). Les textes le montrent en
train de déterminer la cause du mal, et s’il est possible ou non de le soigner. Il effectue
également des rituels, au cours desquels il prononce des incantations, souvent dans un langage
obscur, seul compréhensible par les démons (une sorte d’abracadabra). Mais les textes de
diagnostics comportent quand même de nombreux traitements « rationnels » : l’ašipu a un
rôle dans l’établissement du diagnostic et du pronostic, mais il peut également guérir, ce qui le
différencie du devin. Les āšipu qui nous sont connus se succèdent généralement de père en
fils, formant des sortes de dynasties. Leur carrière semble commencer par des études de
scribe, avant de se spécialiser dans leur fonction.

Les souverains sont entourés par plusieurs de ces spécialistes, aussi bien asû que āšipu. Aux
XIVe-XIIIe siècles, on a même des cas d’envois de médecins réputés à des rois amis :
Babylone en envoie à plusieurs reprises chez les Hittites, et le roi du Mitanni Tushratta en
Égypte chez Amenhotep III. Les médecins font donc partie intégrante des pratiques
diplomatiques de l’époque.

Contre la vision de l’opposition que l’on effectue souvent entre une médecine rationnelle et
une autre irrationnelle, effectuée par les Modernes mais absente de la façon de penser des
Anciens, J. A. Scurlock a proposé de revoir les rôles entre asû et āšipu, en proposant une
nouvelle interprétation des textes médicaux. Elle divise ceux-ci en deux catégories : une
constituée de textes de diagnostics, décrivant les symptômes puis le traitement ; et une autre
dont les indications commencent par la description des plantes médicinales, avec ensuite les
cas durant lesquels on doit les utiliser. Cette dernière serait destinée à l’asû, qui serait une
sorte de pharmacien, chargé de connaître, récolter et conserver les plantes médicinales, ce qui
ne l’empêcherait pas d’avoir des bases en chirurgie. Les textes à son intention sont des sortes
de « prescriptions » : le malade sait déjà, d’une manière ou d’une autre, quelle maladie il a, et
appelle l’asû pour le guérir. L’āšipu serait bien le spécialiste du diagnostic (les textes ne
laissent aucune ambiguïté là-dessus), celui qui produit les textes médicaux. Il détermine la
cause de la maladie, à charge au malade d’aller voir le « pharmacien » pour recevoir son
traitement.

Quoi qu’il en soit, la séparation entre asû et āšipu ne doit pas occulter le fait qu’il s’agit
apparemment de deux activités qui sont complémentaires ; il ne faut donc pas trop les
opposer. Un asû et un āšipu devaient travailler de concert, voire leurs fonctions pouvaient se
confondre, s’entremêler : le premier pouvait par exemple avoir recours à des incantations. Un
texte de Mari montre comment un bâru et un asû doivent travailler ensemble : le premier fait
une consultation oraculaire pour déterminer la maladie, alors que le second doit « faire les
pansements », donc guérir. La question se pose aussi de savoir qu’elle était l’attitude des
malades devant leur maladie, et les recours possibles, tout en prenant en compte le fait que
celle-ci variait selon les individus. Et sur ce point notre documentation est lacunaire.
Concrètement, on pouvait très bien ne faire appel à aucun spécialiste (en laissant la maladie
passer si elle est bénigne, ou en ayant recours à une sorte d’automédication), ou aller voir l’un
des deux, ou encore les deux ensemble. Il ne faut de plus pas oublier le recours possible à la
prière et aux offrandes aux dieux.

Les divinités liées à la médecine


Certains dieux avaient un rôle particulier sur la santé. Leurs faveurs étaient obtenues par des
prières, des pénitences, ou des présents. On les invoquait couramment dans les incantations
accompagnant le traitement médical, coup de pouce non négligeable pour faire en sorte que le
patient guérisse.

Parmi eux, Gula, était la déesse guérisseuse la plus importante dont les temples pouvaient
servir de lieux de traitement. Elle patronnait les asû aussi bien que les āšipu. Sa cité, Isin, était
un centre de formation de médecins réputé. Pour avoir ses faveurs ou la remercier, on lui
dédicaçait notamment des ex-voto en forme de chien, son animal-symbole. Il y avait aussi
Ninib, le fils d'Enlil, et Ningishzida, deux autres dieux guérisseurs, ainsi qu'Ea, le dieu des
eaux douces, qui avaient une rôle purificateur et éloignaient les démons responsables de la
maladie, ce qui faisait que l'on avait pris l'habitude de soigner les malades près des rivières.
Ea, avait transmis le savoir médical aux humains par l’intermédiaire de son fils Asalluhi,
divinité qui fut plus tard identifiée Marduk, autre fils d'Ea. On trouvait aussi Nabû, fils de
Marduk, dieu des sciences et de la médecine. Shamash, dieu du soleil et de la justice, et très
présent dans la divination, était lui aussi important et invoqué dans incantations des
traitements.

Pharmaceutiques
Les médicaments mis au point pour les traitements sont avant tout faits à base de plantes. Ces
dernières ne sont pas tout le temps identifiables, mais bien souvent on est parvenu à les
identifier, leur utilisation pour un traitement précis se retrouvant dans les médecines
« traditionnelles » encore pratiquées récemment en Iraq. Les prescriptions mentionnent
généralement des parties de celles-ci (feuilles, racines, graines), que l’on prépare suivant
divers procédés (broyage, séchage, cuisson), et qui peuvent être ensuite mélangées dans une
autre substance pour l’administrer. On employait également des éléments minéraux (sel et
salpêtre) et animaux (lait, écailles de tortue), ou d'autres préparations (bière, vin, moutarde,
huile). Les voies d’administration sont elles aussi variées : lotions et potions, inhalations,
fumigations, instillations, pommades, liniments, cataplasmes, lavements, et parfois par des
suppositoires pour les problèmes gastriques.

La place de la magie
La magie occupe la place finale des traitements médicaux, après la préparation du
médicament, et pendant ou après son administration, en complément de celle-ci, pour
renforcer son efficacité. L’intervention de la magie dans le traitement de la maladie ne doit
pas forcément être tenue comme négligeable dans le processus de guérison du patient, cela
ayant pu avoir eu un effet placebo.

Concrètement, la procédure magique consiste en l’exécution d’un rituel (comme on l’a vu


précédemment pour le cas d’anxiété), faisant souvent intervenir des objets ou figurines
symbolisant le mal, des plantes et autres ingrédients, mais allant rarement jusqu’au sacrifice
sanglant d’un animal. À la fin, on procède à une prière à un dieu (Shamash, Ea, Asalluhi,
Gula). Celle-ci est d’ailleurs couramment le seul apport magique à un traitement, les rituels
complexes et élaborés étant minoritaires dans les textes thérapeutiques. L’appui divin est
nécessaire à la guérison du patient, ce qui est logique vu que les dieux sont également une
cause des maladies.
Les traitements
Ophtamologie

De nombreux textes médicaux concernent les maladies liées à la vue. Certaines causes
« rationnelles » des maux étaient identifiés, telles que le sable ou le pollen par exemple. On
connaissait ainsi les simples conjonctivites, mais aussi des problèmes de vision, comme la
cécité passagère, la vue trouble, les éblouissements. Mais les chirurgiens ne savaient
probablement pas procéder à des opérations ophtalmologiques comme la cataracte, malgré ce
que certains ont cru voir dans un article du Code de Hammurabi.

Problèmes des oreilles

Pour ce qui est des oreilles, on cherchait à guérir les divers maux qui affectaient cet organe,
les problèmes de bourdonnement, et de perte de l’ouïe. Un remède courant pour ces
traitements est le jus de grenade.

Les dents

Les problèmes bucco-dentaires, surtout les maux de dents, sont documentés par plusieurs
textes, mais la pratique odontologique n’est pas identifiée en tant que telle, et on ne sait rien
sur l’éventuelle existence de spécialistes dans ce domaine. Une incantation dite du « ver
dentaire » contient un passage contenant des instructions pour une opération sur une dent,
soignée avec un mélange de bière, malt et huile. On y voit qu'on attribue certains maux de
dents comme les caries à des vers, comme dans d'autres civilisations antiques et jusqu'à
l'époque moderne en Occident.

Problèmes cutanés

De nombreux textes relatent les problèmes liés à la peau : les lésions par exemple. La
Mésopotamie étant un pays où le soleil frappe fort, et où le climat peut être très sec, ce genre
de maladies devait être courant.

Problèmes gastriques

Les maladies gastriques étaient répandues en Mésopotamie, et font l’objet de beaucoup de


passages dans les textes de traitements : flatulences, constipation, fuites de sang, etc. Le rôle
de la vésicule biliaire dans le déclenchement de la jaunisse (amurriqānu) semble avoir été
compris. D’autres textes mentionnent des problèmes rénaux (calculs), et urinaires ; le
médicament pouvait être administré jusque dans l’urètre par le biais d’un tube en bronze.

Gynécologie

Les problèmes gynécologiques et infantiles sont une autre catégorie très bien documentée.
L’accouchement semble assisté par une sage-femme, et par aucun spécialiste médical. Les
complications pouvant arriver suite à la mise au monde d’un enfant sont en revanche traitées
par ce dernier : ainsi en cas d’atonie utérine, on traite la malade en la faisant s’asseoir au-
dessus d’un bol dans lequel on fait brûler une décoction servant à produire de la fumée
curative. Les maladies infantiles sont bien attestées par les textes de diagnostics, mais on ne
dispose d’aucune information sur eux dans les textes thérapeutiques.

Chirurgie

Les connaissances chirurgicales de Mésopotamiens sont mal documentées, et ont fait l’objet
de débats, notamment à partir de quelques articles du Code de Hammurabi relatifs à l’asû, à
vrai dire assez obscurs quant aux opérations pratiquées. Les textes thérapeutiques sont peu
prolixes en informations sur la chirurgie. Pour autant que l’on sache, les spécialistes de
l’époque savaient guérir les fractures, les luxations, mais aussi pratiquer certaines
interventions chirurgicales, sur la plèvre, pour drainer du pus par exemple, mais aussi pour
extraire des abcès ; la trépanation n’est pas attestée. La césarienne était peut-être pratiquée. A
la fin des opérations, le patient était apparemment suivi, et on savait faire face aux risques
d'infections grâce à l'utilisation d'huiles qui faisaient office d'agents anti-bactériens. L’hygiène
devait cependant rester rudimentaire, et on ne sait rien du taux de réussite de ces opérations.
Les connaissances physiologiques des Mésopotamiens étaient assez rudimentaires, ce qui
limite l’étendue de leurs pratiques chirurgicales.

Épidémies

Les épidémies étaient appelées ukultu (« manducations »). Les dieux étaient supposés en être
les instigateurs, notamment Nergal, le dieu des Enfers. C'était donc une malédiction qu'il ne
fallait pas répandre dans la population. C'est pour cette raison que les malades étaient isolés,
et ainsi que l'on évitait une propagation de la maladie, comme on l’apprend dans une lettre de
Mari.

Maladies mentales

Les troubles mentaux sont également documentés par quelques textes. Ils sont traités par des
moyens magiques. Par exemple, pour ce qui a été compris comme une situation d’anxiété
chronique, on élabore deux figurines (une masculine et une féminine) censées porter les maux
accablant le malade, et on procède à un rituel culminant dans une incantation au dieu
Shamash.

Code d'Hammurabi
Code d'Hammourabi

Le Code d'Hammurabi (vers 1750 av. J.-C.) est l'un des plus anciens textes de loi qui nous
soit parvenu, le premier quasiment complet. Texte babylonien non religieux mais d'inspiration
divine, réalisé sous l'autorité Hammurabi, il prolonge en matière juridique l'œuvre militaire et
politique du fondateur de l'empire.

Ce texte, s'il contient une certaine organisation n'est pas à proprement parler juridique mais
plutôt légal. Il est catégorisé comme « préjuridique » car même si certaines catégories existent
déjà (comme la notion de voleur), d'autres notions qui nous sont fondamentales aujourd'hui ne
sont pas développées (comme le vol). Des règles juridiques existent mais il n'existe pas
encore de théorie juridique ou de doctrine. Il faudra attendre la Rome antique pour voir
apparaître les premières théories du droit et de la justice.

Le code Hammurabi n'est pas seulement une œuvre exceptionnelle par sa conservation mais
aussi par son contenu qui a été réutilisé pendant plus de 1 000 ans1.

Le Code est actuellement au Musée du Louvre de Paris mais une copie est également exposée
au musée archéologique de Téhéran.

Histoire
La stèle du Code d'Hammourabi dont on dispose fut gravée dans un bloc de basalte et fut
placée dans le temple de Sippar. Plusieurs autres exemplaires similaires furent
vraisemblablement placés à travers tout le royaume. Cela avait pour but de faire connaître
l'autorité et la sagesse de Hammourabi sur l'ensemble du territoire qu'il dirigeait.

Le Code fut emporté vers 1150 av. J.-C. dans la ville de Suse, en Iran, quand les rois élamites
s'emparèrent de la Babylonie et amenèrent différentes œuvres d'art mésopotamiennes dans
leur pays. C'est dans cette ville qu'il fut découvert par l'égyptologue Gustave Jéquier membre
de l'expédition dirigée par Jacques de Morgan, en décembre 1901. Le père Jean-Vincent
Scheil traduisit l'intégralité du Code, de retour à Paris, en France. Depuis, le Code est exposé
au Musée du Louvre, à Paris. Une copie est également exposée au musée archéologique de
Téhéran.

Ce code est longtemps resté le plus ancien connu dans le monde. Le plus ancien texte de loi
que l'on connaisse (actuellement)2 est le code d'Ur-Nammu rédigé vers 2 100 av J-C 3 mais il
ne nous est parvenu que de manière parcellaire.

Aspect
Le haut de la stèle : Hammurabi, debout devant Shamash.

Le Code d'Hammurabi se présente comme une grande stèle de 2,5 mètres de haut, en basalte.
La stèle est surmontée par une sculpture représentant Hammurabi, debout devant le dieu du
Soleil de Mésopotamie, Shamash, divinité de la Justice.

En dessous est inscrit, en caractères cunéiformes akkadiens, un long texte comprenant un


ensemble de décisions de justice compilées. Le texte débute par une introduction qui, dans la
plus grande tradition des inscriptions royales mésopotamiennes, détaille les hauts faits du roi
Hammurabi, ses grandes qualités, et les motivations qui l'ont fait graver ses décisions de
justice sur cette stèle : faire en sorte que « le fort n'opprime pas le faible ». Après viennent les
décisions de justice elles-mêmes, divisées en 282 articles par le Père Jean-Vincent Scheil.

Cette division est en réalité arbitraire, dans la mesure où le texte n'est pas découpé en
différents articles. Les articles 66 à 100, illisibles sur la stèle, ont été restitués grâce à des
copies effectuées sur des tablettes d'argile.

Le texte de la stèle s'achève par un bref épilogue, encore à la gloire de Hammourabi.

Contenu
Les différents « articles » du Code d'Hammurabi, fixent différentes règles de la vie courante.
Les lois qui y sont rassemblées touchent aux apports qui unissent les groupes sociaux, la
famille, l’armée, la vie religieuse et la vie économique. Elles ont toujours trait à des situations
très précises concernant les vols, les prêts, les honoraires, les contrats, les fermages, les
débiteurs insolvables, les esclaves fugitifs, le statut de la femme. Il n’y a pas d’idée générale
ni de concepts abstraits exprimés pour justifier telle ou telle disposition, il n’y a pas non plus
d’ordre logique dans la présentation.

Les « articles » régissent notamment :

• la hiérarchisation de la société : trois groupes existent, distingués par leur honorabilité,


en premier l' awīlum, homme libre vivant dans la sphère du palais et travaillant pour
l'administration royale, puis le muškēnum, homme libre travaillant dans le cadre
communautaire, et enfin le wardum, esclave. ;
• une certaine « protection sociale » : un esclave ne doit en aucun cas être séparé de sa
femme et de ses jeunes enfants ;
• les prix : il s'agit plus de la fixation d'un « juste prix » indicatif, que d'un prix
obligatoire imposé par le pouvoir ; on peut voir dans le Code que les honoraires des
médecins varient selon que les soins donnés s'adressent à un homme libre ou à un
esclave ;
• les salaires : ils varient selon la nature des travaux réalisés ; là encore il s'agit plutôt
d'un salaire indicatif, non impératif ;
• la responsabilité professionnelle : un architecte qui a réalisé une maison qui s'est
effondrée sur ses occupants et ayant causé la mort du propriétaire, on tuera l'artisan. Si
c'est le fils du propriétaire qui est tué, on tuera le fils de l'artisan. Si c'est une esclave
du propriétaire qui est tué, l'artisan devra lui fournir un nouvel esclave.
• le fonctionnement judiciaire : la justice est rendue par des tribunaux et il est possible
de faire appel auprès du roi, les décisions doivent être écrites ; la recherche du
témoignage est à la base de la sentence prise par le juge et l’on n’a recours aux
procédés magiques, telle l’ordalie, que lorsque la vérité paraît insaisissable ;
• les peines : toute une échelle des peines est inscrite suivant les délits et crimes
commis. La Loi du Talion est la base de cette échelle : qui porte préjudice en doit
réparation à proportion de celui-ci.

Fonction
Le Code d'Hammurabi n'est pas un ensemble ordonné de règles édictées par voie d'autorité,
analogue à un code pénal ou civil au sens moderne, à partir duquel les juges doivent viser un
texte précis pour motiver une décision. Il s'agit plutôt d'une compilation de décisions de
justice, issue de la pratique jurisprudentielle et contentieuse, rendues par le roi Hammourabi et
réunies en un grand texte. Il s'agissait de fournir des exemples de la sagesse du roi, conservés
à l'usage des générations à venir. On l'a ainsi comparé à une sorte de traité de la justice. Le
Code de Hammurabi était encore en usage à l'époque néo-assyrienne (911-609), certaines de
ses dispositions faisant encore jurisprudence.

L'introduction et la conclusion du texte, parfois délaissées dans les études contemporaines,


sont particulièrement intéressantes ; on peut en déduire l'intention des rédacteurs du texte :
c'est avant tout l'œuvre législative d'un roi désirant accéder à la postérité en montrant le bon
exemple à suivre. L'étude comparée des codes de lois mésopotamiens a permis de mieux
comprendre comment ce genre littéraire était issu des recensions commémoratives des hauts
faits royaux, dans lesquels on inclut les actes juridictionnels pris par le roi, à titre d'exemples
concrets de ses grandes qualités, comme la construction d'un temple ou une victoire.
L'exercice de la bonne justice (mišarum) entre dans la fonction royale mésopotamienne au
même titre que l'entretien des dieux ou le commandement militaire.

Sources
Notes et références

1. ↑ « Son utilisation dans les siècles qui suivirent Hammurabi est attestée par les fragments de copies du
code qui nous sont parvenues. Certaines de ses dispositions se retrouvent dans les usages orientaux
jusqu'à l'époque hellénistique. » (Jean Gaudemet 1998, p. 30)
2. ↑ Il est fait référence dans certains textes antiques au « code d'Urukagina » qui serait le plus ancien
texte juridique écrit (vers -2350) mais il ne nous en est parvenu aucun fragment. (cité dans l'article
« Code d'Hammurabi » de l'Encyclopædia Universalis et dans Les grandes dates de l'histoire du
droit [archive] sur le site de l'aidh.)
3. ↑ « Une tablette contenant un fragment d'un code sumérien datant d'Ur-Nammu, le fondateur de la IIIe
dynastie d'Ur (vers 2 100), fournit le plus ancien texte législatif actuellement connu. » (Jean Gaudemet
1998, p. 29)

Code d'Ur-Nammu

Ur-Nammu (assis) reçoit une délégation (sceau imprimé, vers -2100).

Le Code de Ur-Nammu est le plus ancienne tablette contenant un code juridique qui nous
soit parvenue. Elle fut rédigée en sumérien vers 2100-2050 av. J.-C. B‌ien que le préambule
attribue directement les lois au souverain Ur-Nammu de Ur (2112-2095 av. J.-C.), certains
historiens estiment qu'ils pourrait s'agir de l'œuvre de son fils Shulgi.

Le premier exemplaire du code fut découvert en deux fragements à Nippur, puis fut traduit
par Samuel Kramer en 1952. L'état partiellement détruit de l'exemplaire ne permit que de lire
que le prologue ainsi que seulement cinq lois1. Des tablettes furent ensuite trouvées à Ur puis
traduites en 1965 permettant la reconstitution de près de 40 des 57 lois que comprend le texte2
Un autre exemplaire découvert à Sippar contient de légères variantes.

Bien qu'il soit admis que des codes juridique aient existé auparavant, comme par exemple le
Code de Urukagina, celui-ci représente le plus ancien texte juridique qui nous soit parvenu
intégralement. Il précède ainsi le Code de Hammurabi de près de trois siècles.

Les lois sont exprimées sous la forme casuistique : si (un crime est commis), alors (un
châtiment est appliqué). Il s'agit là d'un modèle qui sera par la suite imité dans les codes
suivants. Pour l'un des plus anciens codes juridiques connus, l'avancée est remarquable. Il
institue, par exemple, une forme de compensation financière en cas d'atteinte physique, que
l'on peut opposé à la loi du Talion ("œil pour œil, dent pour dent") principe de base du droit
babylonien. Les actes de meurtre, vol, adultère et viol restent cependant punis de la peine
capitale.

Le code révèle ainsi un aperçu de l'ordre social en place au cours de la Renaissance


Sumérienne. En dehors du lu-gal ("le grand homme" ou le roi), les membres de la sociétés
étaient divisés en deux grandes catégories sociales : les "lu" ou hommes libres, et les esclaves
(arad au masculin, geme au féminin). Le fils d'un lu était appelé dumu-nita jusqu'à son
mariage où il devenait un "jeune homme" (gurus). Une femme (munus) passait du statut de
fille (dumu-mi) à celui d'épouse (dam). Si elle venait à perdre son mari, une veuve (nu-ma-su)
pouvait se remarier.

Contenu
Le préambule, typique des codes juridiques mésopotamiens, invoque les divinités pour le
royaume de Ur-Nammu et décrète "l'équité dans le pays".

• 1. Si un homme commet un meurtre, cet homme doit être tué.


• 2. Si un homme commet un vol, il sera tué.
• 3. Si un homme commet un enlèvement, il est à emprisonné et doit payer 15 shekels
d'argent.
• 4. Si un esclave épouse une esclave et que ce dernier est libéré, il ne quitte pas la
maisonnée.
• 5. Si un esclave épouse une personne de souche (c'est à dire libre), il devra laisser son
premier fils né à son maître.
• 6. Si un homme viole le droit d'un autre et depucelle la femme vierge d'un jeune
homme, on peut tuer cet homme.
• 7. Si la femme d'un homme fréquente un autre homme et celui-ci couche avec elle, on
peut tuer cette femme mais cet homme peut être libéré. (§4 dans certaines traductions)
• 8. Si un homme utilise la force et dépucelle l'esclave vierge d'un autre homme, celui-ci
devra payer cinq shekels d'argent. (5)
• 9. Si un homme divorce de sa première épouse, il doit lui payer une mina d'argent. (6)
• 10. S'il s'agit d'une (ancienne) veuve, il doit lui payer la moitié d'une mina d'argent. (7)
• 13. Si un homme est accusé de sorcellerie, il doit se plier à l'épreuve de l'eau froide; si
son innocence est pouvée, son accusateur doit payer 3 shekels. (10)
Les principales villes de Mésopotamie au IIe millénaire avant J.-C.

La ville est apparue en Mésopotamie au cours de la seconde moitié du IVe millénaire, à la


période d'Uruk, comme un aboutissement de l'évolution depuis les premières sédentarisations
effectuées au cours du néolithique dans les régions alentours (Syrie, Anatolie, Levant,
Zagros), suivies de divers stades locaux de type proto-urbain (notamment la période d'Obeïd).

La ville a dès lors occupée une place privilégiée dans l'esprit des Anciens mésopotamiens.
Elle a été au centre de leur civilisation, qui s'est toujours polarisée autour de cités de très
grande taille pour leur époque (Uruk, Ur, Babylone, Ninive), qui ont été à la fois des centres
politiques, religieux et économiques.

Aux origines des villes mésopotamiennes


L'étude de l'apparition de la ville se heurte à la nécessité de définir celle-ci. Il ne suffit pas
d'une agglomération de maisons, même encadrée par une muraille, même organisée selon un
plan défini avec ses lieux de sociabilité et de pouvoir, pour pouvoir dire qu'on est en présence
d'un espace urbain. Une ville est à la fois : un espace géographique, qui peut se définir par sa
taille ; un environnement démographique spécifique, avec une population suffisamment
nombreuse pour qu'on ne soit plus en présence d'un village ; et un lieu symbolique, parce qu'il
faut que ses habitants aient la perception d'habiter un milieu à part (le milieu urbain), détaché
du monde rural auquel appartiennent encore les établissements proto-urbains. Concrètement,
les citadins n'apparaissent que quand l'agriculture est suffisamment performante pour
permettre à une partie notable de la population d'exercer des activités non agricoles, artisanat
et commerce, et également administrative, car la ville est avant tout liée à un pouvoir étatique,
qu'elle soit le lieu depuis lequel il s'exerce, ou bien un de ses relais.

Les causes de l'apparition des villes, comme de la « civilisation » en général, sont débattues.
On postule souvent des causes commerciales ou militaires (désir de se protéger). On se trouve
dans un long processus entamé depuis le Néolithique, qui a vu la sédentarisation des hommes,
et l'élaboration d'agglomérations qui constituent de plus en plus un milieu propre, bien qu'elle
ne se détachent jamais des campagnes, même quand elles deviennent de véritables villes. Ce
processus s'accompagne de la création de sociétés de plus en plus complexes et hiérarchisées,
avec la mise en place progressive du cadre étatique, au sein d'agglomérations où son pouvoir
se matérialise le mieux.

La Mésopotamie de la seconde moitié du IVe millénaire, durant la période d'Uruk récent,


réunit les conditions d'apparition de la ville : d'importants centres urbains y apparaissent, en
premier lieu Uruk, qui dépasse de loin tous les autres par sa taille, et dispose en son cœur d'un
véritable centre politico-religieux, qui nécessite une administration importante en raison de sa
taille et de ses activités économiques, contexte dans lequel apparaît l'écriture. Cette dernière
nous montre les premiers signes idéographiques représentant les centres urbains, qui occupent
dès lors une place prépondérante dans les mentalités. Les habitants de basse Mésopotamie
exportent déjà leur « modèle urbain », comme l'attestent les sortes de colonies qu'ils fondent
sur le Moyen Euphrate, comme Habuba Kabira et Djebel Aruda. Le sud mésopotamien est le
premier à atteindre le stade urbain. Cela ne vient que plus tard dans la vallée de la Diyala (Tell
Asmar/Eshnunna, Khafadje). En Haute Mésopotamie, la chronologie est particulière. Il y a
déjà des établissements de taille comparable à ceux de basse Mésopotamie durant la période
d'Uruk, comme Tell Brak, qui se développe de façon endogène (et non exogène comme pour
Habuba Kabira). Le mouvement d'urbanisation est fort au début du IIIe millénaire (Mari, Tell
Leilan, période de Ninive V), période pour laquelle on parle de « seconde urbanisation » de la
région, partagée avec la Syrie du nord (fondations d'Ebla, de Tell Mozan, etc.).

La plupart des villes qui ont marqué l'histoire de la Mésopotamie sont déjà peuplées au IVe
millénaire, certaines depuis longtemps. Il y a donc une certaine permanence dans le maillage
urbain de la région, même si la taille et l'importance de ces villes peut varier. Certaines,
comme Mari ou Eshnunna, disparaissent sans faire place à une autre ville importante ;
d'autres, à l'opposé, sont présentes pendant de plusieurs millénaires : Uruk, Ninive et Suse à la
périphérie. Peu de villes sont créées ex-nihilo. Des exceptions sont Dûr-Kurigalzu, Kar-
Tukulti-Ninurta ou Dur-Sharrukin, toutes édifiées par un roi, pour sa prospérité. Mais on ne
met que rarement en avant le fait qu'il s'agit d'une ville nouvelle : M. Van de Mieroop y voit
là une défiance envers la nouveauté, car il était jugé meilleur de se placer dans la continuité de
la tradition, et plutôt que d'innover. Des villes de taille réduite ont également été construites
ou reconstruites de façon planifiées (Harradum à la période paléo-babylonienne par exemple).

La quasi-totalité des villes sont bâties près de cours d'eau, d'autant plus nécessaires que la
ressource hydrique est peu abondante dans le sud mésopotamien. Les cités du nord sont
souvent construites d'abord sur des hauteurs, pour des besoins défensifs selon toute
vraisemblance, ce qui n'est que rarement possible au sud où le relief est plus plat.

La ville, au cœur de la civilisation mésopotamienne


Dès la fin du IIIe millénaire, les textes littéraires sumériens nous permettent de voir combien
le milieu urbain était porté en haute estime, car on estimait que les villes avaient été créées par
les dieux avant toute autre chose, et qu'elle est donc nécessaire à l'apparition d'une société,
dont elle assure la stabilité par rapport au monde au-delà des murailles, la steppe, symbolisant
le chaos. Il y a clairement une opposition entre ce qui est à l'intérieur et ce qui se trouve au-
delà des murailles.

Première civilisation urbaine avec l'Égypte antique, la Mésopotamie a donc donné à la ville
une place pré-éminente. De fait, les centres urbains étaient des centres polarisant sur eux
l'activité des campagnes environnantes, les principaux étant eux-mêmes à la tête de réseaux
englobant d'autres villes. On peut distinguer trois principales fonctions de la cité : politique,
religieuse et économique.
La ziggurat de Chogha Zanbil, Iran, seconde moitié du IIe millénaire

Les plus anciens centres urbains présentent des lieux plus importants aisément identifiables
par la taille monumentale de leurs bâtiments. Le plus représentatif est sûrement le niveau IV
du palais de l'Eanna à Uruk, datant de la seconde moitié du IVe millénaire, constitué par un
ensemble de bâtisses identifiées comme des "temples" (même si rien ne le prouve, il peut
aussi bien s'agir de palais), voisinant les lieux où furent retrouvées de nombreuses tablettes
administratives, témoignant de l'importance de ce quartier dans la vie de la cité. Cet ensemble
est aux époques historiques le cœur d'Uruk, son quartier sacré, avec l'autre ensemble cultuel,
Kullab. Ils restent les deux poumons de la cité jusqu'à son déclin au Ier millénaire avant notre
ère. Comme la plupart des grands quartiers religieux des principales villes mésopotamiennes,
ils sont dotés d'un temple principal, et d'une ziggurat. Dans certaines cités, comme Nippur ou
Babylone, le quartier sacré peut être protégé par une muraille. Les cités mésopotamiennes
sont pour la plupart de grands lieux de culte, et parfois on peut même parler de véritables
"villes saintes", comme pour Nippur ou Babylone. Elles abritent les principaux centres
cultuels, considérés comme les résidences terrestres des dieux (matérialisés par leurs statues
placées dans les cellae des temples), à côté d'une multitude de lieux de cultes de plus petite
taille, et on y effectue les grandes cérémonies religieuses qui jalonnent l'année des anciens
Mésopotamiens.

Cour intérieure du palais de Mari

Les palais royaux connaissent un grand développement durant l'âge du bronze, où leur plan,
au départ calqué sur celui des résidences normales, se complexifie considérablement, jusqu'à
constituer des bâtiments très élaborés dont le plus fameux exemple est le palais des rois de
Mari. On trouve aussi des complexes palatiaux notables à Kish, Eshnunna, Ur, Larsa, Tell
Leilan, et également à Ebla et Ugarit en Syrie. À partir de la fin du IIe millénaire, les rois
assyriens développent de grands palais royaux dans leurs capitales, Assur, Kalkhu, et enfin
Dur-Sharrukin et Ninive, aux VIIIe et VIIe siècles. Le dernier grand palais royal bâti en
Mésopotamie est celui des rois néo-babyloniens à Babylone (VIIe-VIe siècles). À une
dimension plus réduite, on trouve des palais de roitelets ou de gouverneurs provinciaux dans
des villes secondaires comme Nuzi, Dur-Katlimmu ou Til Barsip. Ce sont les rois qui
entreprennent les aménagements urbains principaux, la construction ou réfections des grands
palais, temples, canaux, murailles, faisant partie de leurs devoirs régaliens.
Ces deux catégories d'édifices, ou plutôt d'ensembles d'édifices, palais et temples, sont les
principaux centres de l'économie mésopotamienne, puisqu'ils sont les plus grands
propriétaires de terres agricoles, les principaux commanditaires de travaux artisanaux et
d'expéditions commerciales. Leur seule présence suffit donc à faire de la ville un centre
économique. Il faut y ajouter le fait que les principaux notables impliqués dans l'artisanat ou
le commerce (et accessoirement grands propriétaires terriens) ont aussi leurs résidences dans
les cités. Ainsi Ur-Meme à Nippur sous la Troisième dynastie d'Ur, Tehip-Tilla à Nuzi et
Urad-Sherua à Assur durant la seconde moitié du IIe millénaire, ou encore les membres des
"firmes" familiales de basse Mésopotamie à l'époque néo-babylonienne, comme les Egibi à
Babylone et les Murashu à Nippur. On est souvent en présence de personnes travaillant dans
l'administration du palais ou du temple, ou amenées à travailler avec eux à l'occasion, et
œuvrant pour leur propre compte à côté de cela, et pouvant également prendre part aux
affaires politiques de la cité. Ils étendent leur influence sur la campagne environnante, où ils
ont généralement des propriétés.

L'activité économique des villes mésopotamiennes se déroule généralement dans les rues, sur
lesquelles ouvrent les boutiques des artisans, en plus des temples, palais, et résidences de
marchands qui sont aussi des lieux de transactions commerciales et des ateliers. Il existe des
lieux dédiés spécialement aux échanges, comme les marchés (mahīru(m)), dont on a du mal à
saisir l'aspect réel, et les "quais" (kāru(m)), situés au bord de l'eau, véritables quartiers
marchands où on trouve des entrepôts, où on effectue diverses transactions et où les taxes
commerciales sont prélevées, et qui sont de ce fait contrôlés étroitement par le pouvoir.

Les pouvoirs dans la ville mésopotamienne


L'organisation politique et sociale des cités mésopotamiennes est difficile à saisir en l'absence
de sources explicites. On voit cependant le pouvoir s'exercer dans l'espace urbain à plusieurs
niveaux.

À la base de la société urbaine se trouve la famille, qui est sans doute généralement nucléaire,
avec un ou plusieurs esclaves voire d'autres membres de la famille. Chaque cellule familiale
est dominée par un chef (un homme), qui exerce l'autorité patriarcale. La coutume
mésopotamienne lui donne un grande autorité sur les membres de sa famille, et c'est lui qui
dirige les affaires de sa maisonnée, qui peut fonctionner comme une unité économique.

Au niveau de la cité, le pouvoir est détenu par plusieurs personnages ou groupes. Quand des
magistrats urbains apparaissent dans les textes, il est souvent difficile de déterminer leur
fonction. Le plus couramment mentionné est celui que l'on appelle le "maire", rabiānu(m) ou
hazannu(m), ce dernier terme s'imposant à partir de la seconde moitié du IIe millénaire. Ils
peuvent être plus d'un par ville, et parfois les deux fonctions cohabitent. Il s'agit d'une
fonction très contrôlée par le pouvoir royal, qui doit entériner sa nomination ou bien le
nomme directement. Elle est limitée dans le temps, mais on ne connaît jamais la durée prévue.
Le "maire" joue le rôle d'intermédiaire entre le pouvoir central et les citadins ; il semble que
sa fonction dépasse souvent les seules limites géographiques de la ville. On en voit chargés de
lever les taxes (à Harradum), de contrôler les gens de passage sur son territoire, de restaurer
des fortins (Nuzi), et il semble qu'ils soient responsables des crimes et vols commis sur leur
territoire. Ils occupent une place éminente dans la société urbaine, et sont de toute manière
issus du groupe des élites, et à ce titre apparaissent souvent comme témoins dans des actes
juridiques.
Le gouvernement urbain est également assuré par des assemblées (sumérien UKKIN, akkadien
puhru(m)), qui ont une fonction juridique, et jouent aussi un rôle de représentation de la
communauté devant le pouvoir royal. Elles semblent constituées d'"Anciens" (AB.BA,
šibūtu(m)), sans doute les chefs des famille les plus renommées de la ville. Certaines villes ont
été gouvernées par des assemblées disposant d'un pouvoir particulièrement important : les
cités marchandes d'Assur à l'époque paléo-assyrienne, et Emar (en Syrie) à la même période.

Au niveau inférieur existent des autorités ayant des prérogatives plus limitées. Des
communautés de métier sont attestées, notamment pour les marchands d'Assur vus plus haut,
et Sippar, Larsa et Ur à l'époque paléo-babylonienne. Ils sont organisés autour de leur quartier
d'affaires, le kārum, et châpeautés par le "chef des marchands" (wakil tamkarim), agent du
pouvoir royal servant d'intermédiaire avec les marchands. Les métiers artisanaux sont
vraisemblablement organisés d'une manière similaire, quand ils sont groupés dans un même
quartier (ce qui est attesté par l'archéologie). À l'époque néo-babylonienne, les temples sont
dirigés par une assemblée (kiništu). Ces assemblées ont des compétences d'ordre judiciaire et
administratif, limitées aux affaires internes de la communauté.

Il faut également signaler le cas des "quartiers" (babtu(m)), qui apparaissent dans des textes,
notamment le Code de Hammurabi, où il est dit qu'ils doivent servir dans les témoignages sur
des affaires de divorce pour adultère, ou pour prévenir des personnes ayant des animaux
potentiellement dangereux. Il s'agit donc d'une instance de contrôle social au niveau de la
communauté de voisinage. Il existait probablement des assemblées à ce niveau-là.

Au niveau supérieur du pouvoir se trouve le roi. Celui-ci siège dans des palais urbains, et est
donc directement présent dans les villes capitales. Il délègue également son pouvoir à des
gouverneurs provinciaux, qui ont eux aussi leurs palais dans des villes (fouillés à Lagash,
Nuzi, Til Barsip). M. van de Mieroop a émis l'hypothèse selon laquelle le pouvoir de plus en
plus grand pris par le roi au cours de l'histoire mésopotamienne aurait abouti à son
éloignement du niveau urbain, et aurait donc laissé plus d'autonomies au pouvoirs urbains. Il
ne faut cependant pas occulter le fait que les gouverneurs provinciaux agissent en tant que
représentants du roi, et sont très présents aux périodes tardives.

Enfin, la ville est un lieu de contre-pouvoir. Les textes mésopotamiens nous rapportent de
nombreuses révoltes menées par des cités contre le pouvoir central, depuis celle qui voit de
nombreuses villes du sud mésopotamien se révolter contre Naram-Sin d'Akkad. Ces révoltes
peuvent être motivées par un désir d'indépendance, et elles viennent généralement après une
conquête. C'est le cas des nombreux soulèvements de villes de Babylonie aux VIIIe-VIIe
siècles contre le pouvoir assyrien, qui tente de les amadouer par des octrois de franchises
(exemptions de taxes, corvées). Les luttes peuvent venir également de rivalités de pouvoir, et
dans le cadre urbain on agit par des révolutions de palais, comme celle qui aboutit au meurtre
de Sennacherib dans le temple de Nabû à Ninive. Les villes sont propices aux coups d'État, et
le Code de Hammurabi prend des mesures pour assurer la surveillance des cabarets, qui
semblent être des lieux d'intrigues. Très peu de cas d'émeutes populaires sont attestés. On en
trouve sous un jour très négatif dans le récit mythologique de l'Épopée d'Erra. Les ressorts
exacts des révoltes (qui choisit quel camp rallier, quel rôle jouent les basses couches de la
population urbaine) apparaissent souvent difficilement, parce qu'ils sont rarement explicités
dans les textes, ou alors sous un jour biaisé. Ainsi Nabonide rapporte que des villes l'ont pris
en aversion après une campagne de propagande menée contre lui par des prêtres, qu'il avait
lésé.
En cas de conflits, les villes peuvent subir des sièges. La famine frappe souvent la ville
assiégée, ou celle qui est coupée de ses voies d'approvisionnement par l'insécurité ambiante.
Les réactions à des famines difficiles peuvent aller jusqu'à la vente de personnes libres comme
esclave pour se faire entretenir par des notables, voire jusqu'au cannibalisme attesté lors d'un
siège de Nippur à l'époque néo-assyrienne. Quand elles sont prises, les villes subissent une
répression très dure, allant jusqu'à la destruction quasi-totale (souvent exagérée par les
inscriptions royales pour des besoins de glorification), et la déportation d'une partie de la
population survivante.

L'espace urbain

Plan de la citadelle de Dur-Sharrukin, Assyrie, VIIIe siècle

Il n'y a pas de modèle-type de ville mésopotamienne, même si on peut distinguer des


constantes sur la longue durée. On remarque une opposition nord-sud déjà mentionnée : les
villes de haute Mésopotamie sont généralement bâtie d'abord sur des hauteurs, sorte
d'acropoles, comme Assur dont le centre est un éperon barré, et ne conquièrent la terre
qu'avec l'extension de l'espace bâti ou pour aménager un espace destiné au commerce fluvial,
en contrebas, arrivant ainsi à un organisation opposant la Ville haute, centre administratif et
religieux (et militaire avec les arsenaux néo-assyriens), souvent protégé par une enceinte
interne, à la Ville basse résidentielle et artisanale. Dans les archives de Mari, la ville haute
porte le nom de kirhum, et la ville basse adaššum. Dans le sud, rien de tel, même si le centre
religieux ou politique peut être séparé du reste de la cité par une enceinte.

Reconstitution de la Porte d'Ishtar, Babylone, Iraq

Les villes sont protégées par des murailles extérieures, parfois dépassées par l'urbanisme, et
nécessitant donc la construction d'une seconde enceinte, comme dans les grandes capitales du
Ier millénaire, Assur, Ninive ou Babylone. Les enceintes sont percées apr plusieurs portes, qui
peuvent parfois être de grande taille, comme celles de Ninive et Babylone construites dans la
première moitié du Ier millénaire, dont on a identifié la localisation et le nom (souvent
théophore).
Canalisation à Ougarit, Syrie, seconde moitié du IIe millénaire

L'alimentation en eau des cités se fait soit directement au fleuve naturel, ou bien par des
canaux dérivés, venant parfois de loin, comme le canal construit par Sennacherib pour Ninive,
qui a même nécessité l'érection d'un aqueduc. Ces cours d'eau servaient évidemment de voies
fluviales. On a également trouvé un type de bassin de décantation le long de la muraille de
Chogha Zanbil en Élam, type de construction dont on trouve peut-être l'écho dans les archives
de Mari. Quant aux eaux usées, elles pouvaient être évacuées dans des systèmes d'égoûts,
attestés dans des formes primitives à Chogha Mish en Iran, et plus tard à Habuba Kabira en
Syrie au IVe millénaire, et aussi à Eshnunna ou Ougarit en Syrie plus tard.

Les textes distinguent divers types de rues (akkadien sūqu) en fonction de leur taille, des
"ruelles", aux plus grandes voies. Elles sont généralement irrégulières, du fait de l'évolution
de l'urbanisme au cours du temps. On peut trouver des plans plus réguliers, dans des villes
nouvelles comme Harradum, ou lors du réaménagement d'anciennes villes, comme Ninive où
Sennacherib fait élargir les rues pour faire de grandes avenues. Les axes les plus importants
sont les voies processionnelles, présentes dans les grandes villes. On trouve généralement un
réseau hiérarchisé, qui va de grands axes joignant de plus petites artères, ruelles et impasses.
Les rues sont en terre battue, sauf exception (les voies processionnelles de Babylone et Ninive
sont dallées). On trouve parfois des noms pour les principales rues des grandes cités, comme à
Babylone, souvent d'inspiration religieuse.

Ces rues délimitent des quartiers d'habitations, en distinguant des îlots (les canaux pouvaient
aussi jouer ce rôle). Ils portent parfois des noms, comme c'est attesté à Babylone. Certains
pouvaient être spécialisés dans un type d'activité artisanale spécifique. Le quartier commercial
se trouve quant à lui généralement le long du fleuve, dans le karū, avec un port, parfois
constitué d'un bassin aménagé comme c'était sans doute le cas à Ur (qui comportait deux
ports). L'étude d'une ville de taille moyenne comme Mashkan-shapir a bien révélé la division
fonctionnelle de l'espace entre quartier religieux, administratif et diverses zones dédiées à des
activités artisanales (métallurgie, travail de la pierre, poterie). Il n'y avait en revanche pas de
distinction sociale entre les quartiers ; les demeures les plus grandes pouvaient cotôyer les
plus petites.

L'habitat urbain
Les résidences urbaines mésopotamiennes ont des tailles très variables. Les plus vastes sont
de véritables palais en miniature, pouvant parfois atteindre jusqu'à 1 000 m². La taille
moyenne tourne entre 100 et 200 m², mais il pouvait y avoir des demeures de taille plus
réduite.

Les habitations les plus aisées étaient organisées autour d'un espace central, qui pouvait être
une cour. On a longtemps considéré qu'elle était à ciel ouvert, mais on tend de plus en plus à
nuancer ce présupposé. Depuis la rue, on accédait à cet espace central par un vestibule, et le
reste de la résidence s'organisait tout autour, vers un nombre plus ou moins grand de salles.
L'espace central est donc au cœur de la vie domestique. Il ne s'agit pas forcément d'un lieu de
travail, même s'il semble que les activités de gestion de la maisonnée s'y effectuaient souvent
(on y trouve souvent des tablettes, des sceaux).

Toutes les habitations n'avaient cependant pas d'espace central, loin s'en faut. Parfois le
vestibule peut donner directement sur une salle centrale, alors que dans d'autres cas on est en
présence d'un simple enchaînement de salles.

L'identification des pièces par l'archéologie n'est pas aisée. Les maisons à espace central
comportaient souvent une ou deux salle(s) de réception, une seule pour les maisons à salle
centrale, sans doute autant dans les maisons les plus simples. Chaque maison comportait une
salle de cuisine, et des magasins (pour un usage domestique et parfois professionnel). Il y
avait des latrines, et parfois des salles d'eau. Les maisons devaient comporter souvent une
étage, repérable dans les fouilles par les débuts des escaliers. L'étage servait plutôt à la sphère
privée ; on y trouvait la ou les salle(s) à coucher. Cela permet une division de l'espace entre la
sphère privée réservée aux femmes et aux enfants en bas-âge, et la sphère publique pour les
hommes, et aussi les esclaves domestiques, au rez-de-chaussée, espace de travail.

Certaines familles enterraient leurs morts sous leur habitation. Ceci impliquait que la
résidence reste dans la famille, et elle était généralement transmise à l'aîné, chargé du culte
des morts. Néanmoins la plupart des morts des cités devaient être enterrés dans des
nécropoles.

Les maisons faisaient l'objet de transactions, ou de transmissions lors des héritages. Elles
pouvaient parfois être divisées, par l'érection de nouveaux murs. La construction de nouvelles
demeures était complexe dans les villes anciennes, où l'espace venait à manquer. Les
résidences pouvaient déborder sur les rues, ce qui explique l'irrégularité de ces dernières, sauf
les axes les plus importants qui étaient laissés libres. Dans les villes nouvelles, l'habitat était
planifié et donc plus simple à mettre en œuvre, même si cela ne durait qu'un temps, si la ville
perdurait.

Liste des principales villes mésopotamiennes


• Haute Mésopotamie
o Mari
o Nagar
o Terqa
o Tell Leilan
o Tell Rimah
o Dur-Katlimmu
o Til Barsip
o Harran
o Ekallatum
o Arrapha
o Nuzi
o Shusharra


o Assyrie
 Assur
 Ninive
 Kalkhu
 Dur-Sharrukin
 Arbélès (Erbil)
 Imgur-Enlil

• Moyenne Mésopotamie
o Eshnunna
o Shaduppum
o Khafadje
o Hit

• Basse Mésopotamie
o Sumer
 Uruk
 Ur
 Eridu
 Lagash
 Girsu
 Nippur
 Umma
 Shuruppak
 Larsa
 Isin
 Adab
 Puzrish-Dagan


o Akkad
 Akkad
 Kish
 Abu Salabikh
 Akshak
 Mashkan-shapir


o Babylonie
 Babylone
 Sippar
 Borsippa
Mari (site archéologique)
Mari
Tell Hariri

Ziggourat ou haute-terrasse de Mari (près du palais)

Localisation
Pays Syrie
Gouvernorat Deir ez-Zor
Latitude 34° 33′ 04″ Nord
Longitude 40° 53′ 18″ Est /

Superficie 1,10 km2

Mari et les principaux sites du Proche-Orient de la période paléo-


babylonienne
Mari

Géolocalisation sur la carte : Syrie

Mari
Voir sur la carte : Irak
Histoire
Époque IIIe et IIe millénaire av. J.-C.

Le site archéologique de Mari (en arabe : mārī, ‫( )مــاري‬Tell Hariri, en arabe : tall al-ḥarīrī, ‫تل‬
‫ )الحريري‬est situé à l'extrême sud-est de la Syrie sur le moyen Euphrate, à 11 kilomètres
d'Abou Kémal (de) et à une dizaine de kilomètres de la frontière irakienne. Située dans cette
plaine, Mari fut une importante cité mésopotamienne dès le IIIe millénaire av. J.-C.,
contemporaine de la civilisation sumérienne d'Uruk. Elle est surtout connue pour son
splendide palais du IIe millénaire av. J.-C. et grâce aux excavations entreprises depuis 1933
par l'archéologue français André Parrot, puis reprises par Jean-Claude Margueron en 1979.
Après 40 campagnes de fouilles, on estime qu'environ un quinzième du site a été fouillé (8
hectares sur 110).

Situation
En aval de Deir ez-Zor, l'Euphrate poursuit un parcours sinueux dans une vallée large comme
un delta. La steppe a été irriguée depuis l'Antiquité avec des digues et des canaux, permettant
l'entretien, la fourniture en eau et donc la mise en culture intensive, d'un damier de terres
alluviales fertile.

L’Euphrate coule en zone aride, les précipitations sont inférieures à 150 mm, alors que 250
mm sont nécessaires à une agriculture sèche. Aucune culture n’était possible dans la vallée
sans l’aménagement d’un réseau d’irrigation élaboré. Des travaux de grande envergure,
destinés à assurer la survie des habitants de la cité et peut-être même à faciliter le
cheminement par voie fluviale, ont été entrepris : un réseau d’irrigation en rive droite, branché
sur un lac de retenue alimenté en hiver par les pluies, et selon J.-C. Margueron c'est du début
du IIIe millénaire qu'il faut dater le grand canal long de 120 km reliant l’axe du Khabur à l’axe
euphratique, à une dizaine de kilomètres en aval de Mari. Mais ce dernier point fait l'objet de
débats (voir plus bas).

Certaines tablettes de l'époque amorrite attestent du fait que les souverains de Mari
ponctionnent près de 20% de la valeur des marchandises y transitant. Mari semble plus une
cité de commerce terrestre que fluvial, l'Euphrate étant peu praticable en aval, et la route
commerciale principale passe par voie terrestre via le triangle du Khabur.

Histoire

L'intendant Ebih-Il, dignitaire du royaume de Mari, v. 2400 av. J.-C., musée du Louvre

Mari dans les archives d'Ebla

Mari est fondée autour de 3000. Les premières mentions historiques de Mari apparaissent
dans les textes d'Ebla, et datent du XXIVe siècle. Les souverains éblaïtes sont alors tributaires
des mariotes, avant de s'en défaire, ce qui témoigne de la puissance de Mari (confirmée sur
place par l'archéologie). Cette période faste se finit avec la prise de la cité par le premier
souverain d'Akkad, Sargon vers 2330.

Les šakkanakku
Avec l'effondrement de l'Empire d'Akkad au XXIIIe siècle, Mari recouvre son indépendance.
Les gouverneurs installés par les rois d'Akkad conservent le pouvoir, et la titulature
sumérienne. Ils se nomment ŠAGIN (sumérien), ou šakkanakku (akkadien), ce qui correspond
à l'ancienne charge de gouverneur militaire. Les rois d'Ur III, qui dominent la Mésopotamie,
pour un siècle, à partir de la fin du XXIIe siècle, n'entravent pas l'indépendance de Mari.
L'histoire de cette période est mal connue en raison de la rareté des sources écrites. Mais les
sources archéologiques témoignent de la prospérité que connaît la ville à cette époque. La
dynastie des šakkanakku s'effondre probablement dans le courant du XXIe siècle. La période
couvrant le XXe siècle est obscure. La ville paraît avoir vécu une période difficile.

Époque amorrite

Yahdun-Lîm

Disque inscrit portant une inscription commémorant la victoire de Yakhdun-Lîm contre les
Benjaminites et son expédition jusqu'à la Méditerranée, Musée du Louvre

Yahdun-Lîm est le premier roi de Mari de la période amorrite que l'on connaisse bien. De son
père Yaggid-Lîm, on ne sait rien. Il règne de 1810 à 1793. Sa première tâche est d'étendre son
royaume vers l'ouest, où il soumet Terqa et Tuttul. Puis il se tourne vers le triangle du Khabur,
au nord, où au même moment le roi Samsî-Addu d'Ekallâtum cherche à s'implanter, et qu'il
bat. Il se brouille ensuite avec le roi d'Alep, en préférant l'alliance d'Eshnunna à la sienne, et
celui-ci soutient en représailles une révolte des nomades Benjaminites. La règne de Yahdun-
Lîm s'achève par un coup d'État donnant le pouvoir à son fils Sûmû-Yamam.

Samsî-Addu et Yasmah-Addu

Cette période trouble s'achève par l'invasion du royaume de Mari par Samsi-Addu. Ce dernier
choisit finalement de laisser Mari être la capitale d'un royaume, en y plaçant vers 1782 son
fils Yasmah-Addu sur son trône, tout en gardant la prééminence. La faible personnalité du
nouveau maître de Mari, son jeune fils, facilite sa tâche. Samsî-Addu entretient des rapports
tendus avec le roi Sumu-epukh d'Alep, du fait de son alliance avec l'ennemi de ce dernier, le
roi de Qatna, dont la fille a épousé Yasmah-Addu. Le roi d'Alep apporte son soutien à Zimrî-
Lîm, descendant de la famille régnante de Mari, ainsi qu'à d'autres rois chassés par Samsî-
Addu. Quand ce dernier meurt en 1775, son fils n'arrive pas à tenir le trône de Mari, d'où il est
chassé par Zimrî-Lîm.

Zimrî-Lîm et la chute de Mari


Une fois monté sur le trône, Zimrî-Lîm doit choisir entre être le vassal d'Alep ou d'Eshnunna,
comme Yahdun-Lîm auparavant. Mais il choisit le premier, qui l'a aidé à prendre Mari, et se
retrouve donc en conflit contre le second, qui suscite à son tour une révolte des Benjaminites.
Zimrî-Lîm réussit à triompher de cette épreuve, et renforce ainsi son pouvoir, s'imposant
comme l'un des grands rois du Proche-Orient. La suite de son règne consiste à asseoir le rôle
de premier plan de Mari dans le concert international. Il choisit de s'allier au roi d'Élam quand
celui-ci attaque Eshnunna. Une fois cette ville tombée, le roi élamite choisit cependant de
continuer vers le sud et le nord de la Mésopotamie, menaçant les positions de Mari dans la
région du Khabur. Zimrî-Lîm s'allie alors avec le roi Hammurabi de Babylone, qui a lui aussi
soutenu le roi élamite avant de s'en mordre les doigts. Les deux arrivent à susciter une
coalition contre l'Élam, qui réussit à renvoyer l'assaillant chez lui.

Fort de ce succès, Zimrî-Lîm renforce sa domination en haute Mésopotamie. Mais son


alliance avec le roi de Babylone se retourne contre lui : il aide ce dernier à prendre la ville de
Larsa, ce qui en fait le roi le plus puissant de basse Mésopotamie, et lui permet de lorgner vers
le nord, où il menace les positions de Mari. La suite des évènements est mal connue, mais elle
aboutit à un conflit entre les deux anciens alliés, et Mari est détruite par les armées
Babyloniennes en 1760 av. J.-C..

Le royaume de Zimrî-Lîm

Tablettes des archives du palais royal de Mari, règne de Zimrî-Lîm

Grâce aux archives retrouvées dans le palais royal, l'administration du royaume de Mari est
bien connue, même si certains aspects restent obscurs.

À la tête du royaume se trouve le roi (šarrum). Il dispose d'une administration centrale


composée par son entourage. Le plus important dignitaire est le vizir (šukkallum). Le
šandabakku a pour rôle de contrôler l'économie du royaume. Un conseil (pirištum, "secret"),
assiste le souverain dans sa prise de décisions.

La division administrative.
À l'époque amorrite, le royaume de Mari est divisé en quatre provinces, autour des villes de
Mari, Terqa, Saggarâtum et Qattunân, et le territoire de Suhum, qui disposait d'un statut à
part. À la tête de la province se trouve un gouverneur (šapitum). Il est secondé par un
intendant (abu bītim) et un responsable des domaines (ša sikkatim). Les tribus nomades
Bensimalites étaient contrôlées par le chef des pâtures (merhūm). L'administration du
royaume de Mari est assez bien connue grâce à l'abondante documentation retrouvée lors des
fouilles. À ce jour, environ 1300 lettres ont été publiées sous la direction de Jean-Marie
Durand. Le rôle des gouverneurs est abondamment documenté dans ces documents
épistolaires.

• La province de Mari a été confiée à Itûr-Addû, qui est apparemment décédé la


quatrième année du règne de Zimrî-Lîm (ZL 4). Après lui, c'est Bahdî-Lîm qui sera en
charge de l'administration du district central.
• Terqa est placée sous la direction de Kibrî-Dagan.
• Saggarâtum est dirigée par Suhmu-rabi (mort la cinquième année du règne de Zimrî-
Lîm) puis Yaqqim-Addu.
• Qattunân est dirigée par Ilushu-natsir (ou Ilušu-naṣir) (mort en ZL 7), puis Zakira-
Hammû et Zimrî-Addu (qui semblent avoir coexisté selon des modalités qui nous
échappent) puis Yatarum, à partir de ZL 11.

Au nord comme au sud du royaume, les nomades bensimalites sont contrôlés par un "chef des
pâtures" (Merhû).

• Au nord, ce rôle est tenu par Bannum, qui meurt en tout début de règne, puis se
suivent Ibâl-El et Ibâl-pî-El.
• Au Sud, dans le Suhûm, cette charge est occupée par Meptûm.

L'armée de Mari est bien connue. À la base, elle reprend les divisions instituées par le
royaume d'Ur III. Les soldats (rēdû) sont regroupés par unités de dix (eširtum), commandées
par un chef (waklum). Cinq eširtū (soit environ cinquante soldats) forment une unité dont le
nom est inconnu, dirigée par un "lieutenant" (laputtum). Dix eširtū forment une "section"
(pirsum) d'environ cent hommes, dirigée par un "capitaine" (rab pirsim). Deux ou trois
sections forment une "division" (lītum) de deux cent à trois cent soldats, que commande un
"général" (rabi amurrim). Puis un corps d'armée d'environ mille soldats, ummānum, est
commandé par un "chef d'armée" (âlik pān ṣābim), qui est un grand dignitaire du royaume.
Différents types d'unités existent, selon leur affectation. Il y a ainsi des garnisons urbaines
(sāb birtim), une garde du palais (sāb bāb ekallim), des troupes du génie (sāb tupšikkānim) et
des corps expéditionnaires, certains constitués par des ethnies spécifiques.

Le site archéologique
Mari I

Les premiers niveaux d'occupation semblent remonter à la fin du IVe millénaire (période
proto-syrienne, Djemdet-Nasr en Mésopotamie). La ville prend de l'importance au
IIIe millénaire, mais cette période est mal connue car elle est recouverte par les niveaux plus
récents. Mari est fondée dans une zone aride où l'agriculture sèche est impossible.

Il a fallu développer un ingénieux système d'irrigation pour permettre une extension de la


surface agricole, et faciliter le trafic fluvial jusqu'à Mari. Selon J.-C. Margueron, un canal
servant à la navigation a été creusé sur 120 km, et relie la Khabur à l'Euphrate, le trajet naturel
étant difficile. Cette hypothèse est néanmoins loin de faire l'unanimité, cet ouvrage très
important n'apparaissant pas dans les sources écrites de l'Antiquité, il pourrait ne dater que de
la période islamique. Sur la rive droite de l'Euphrate au niveau de Mari, un important réseau
d'irrigation est mis en place.
La ville est située en retrait par rapport au fleuve, sans doute pour éviter les risques
d'inondations. Une digue entoure la cité, pour limiter encore plus ce risque. Un canal permet
son approvisionnement en eau et l'accès au port de la ville. La cité est défendue par un
rempart de 1 300 mètres de diamètre. Hormis quelques maisons, rien ne subsiste de cette
époque. On a cependant retrouvé des objets en bronze de très bonne facture, attestant d'une
pratique développée de la métallurgie à Mari.

Mari II

La ville connaît un affaiblissement à la fin de la période I pour une raison inconnue. Elle
redevient une métropole importante au milieu du IIIe millénaire. L'urbanisme de la ville est
bien connu pour cette période.

Un temple dédié à Ishtar a été exhumé dans la partie ouest du tell principal. Plusieurs temples
sont regroupés vers le centre du tell : ils sont dédiés à Ninhursag, Shamash, Ninni-zaza,
Ishtarat et peut-être Dagan, et le "Massif rouge", une haute terrasse soutenant un temple. Juste
à côté, se situe un bâtiment dit "enceinte sacrée" (à l'emplacement du futur grand palais royal),
constitué d'un ensemble de petites pièces entourant un espace central. On n'a en revanche pas
retrouvé le temple d'Itur-Mêr, la divinité tutélaire de Mari.

A proximité se trouve un palais datant du milieu du IIIe millénaire ("palais présargonide"),


recouvert par le grand palais royal du IIe millénaire. Quelques habitations de la même époque
ont été fouillées à proximité de ces édifices. On a aussi retrouvé des statues de belle facture, et
quelques objets précieux pour la période précédent l'invasion akkadienne.

La destruction de la ville II semble être due à la répression que Naram-Sîn, roi d'Akkad, fit
subir à Mari en raison de sa participation à une révolte.

Mari III

Les constructions des šakkanakku [modifier]

Statue de lion, cuivre, IIe millénaire Découvert à Mari, dans le Temple des Lions

A l'époque des šakkanakku, un grand rempart en briques crues entoure la cité. La ville subit
de grandes rénovations. Le grand palais royal est rebâti selon un nouveau plan, seule
l’Enceinte sacrée subsistant de l'époque précédente. Un second palais a été bâti, pour servir de
résidences à des membres de la famille royale, ou au roi lui-même. Au sous-sol, deux grandes
hypogées devaient abriter les tombes de la famille royale, mais elles ont été pillées. Certains
temples sont rénovés. Un nouveau temple, dit "temple aux lions", est bâti, associé à une haute
terrasse.
Le palais de Zimrî-Lîm

Cour intérieure du palais royal de Mari

Le grand palais royal constitue le monument le plus imposant de Mari. Il a été constamment
rénové jusqu'à sa destruction par les troupes d'Hammurabi en 1759. Le niveau le mieux connu
est donc son dernier, celui du règne de Zimrî-Lîm. Il a pu être conservé dans un état
remarquable, jusqu'au moment des fouilles (depuis, l'exposition à l'air libre a accéléré sa
dégradation, comme pour les autres bâtiments de Mari).

Son emprise au sol atteint plus de 3 hectares et quelques 260 salles ou cours ont été
dénombrées. Compte tenu des parties lacunaires, et comme un étage recouvrait la quasi-
totalité du bâtiment, c’est vraisemblablement un ensemble de 550 pièces de taille diverses qui
composait le palais. Cet ensemble est parfaitement organisé en unités bien délimitées
architecturalement, desservies par de grandes cours : écuries, réserves économiques,
conciergerie administrative, temples, cour, chapelle d’Ishtar, salles officielles dans la partie
occidentale ; cour du palmier, salle du trône (25 m sur 11,5 et haute d’au moins 12 m) dans la
partie orientale, entourées de la Maison du Roi (appartement du Roi au-dessus d’un secteur de
magasins, logements du personnel, cuisines, unité de gestion administrative) et de la Maison
des Femmes.

Cet univers complexe mais parfaitement hiérarchisé permet d’assurer la sécurité du roi et de
l’administration du royaume. Contrairement à des suppositions, ce n’est pas un lieu de travail
comportant des ateliers.

Les dernières phases d'habitation

Après sa destruction par Hammurabi, Mari sort de l'histoire de la Mésopotamie. Elle n'est plus
qu'une petite bourgade sans importance, suite au déplacements des routes commerciales, qui
évitent dès lors le Moyen Euphrate (et l'axe de l'Euphrate en général), qui devient dès lors une
région de second plan du Moyen Orient. Mari continue néanmoins à abriter une petite
communauté, mentionnée dans quelques textes de la seconde moitié du IIe millénaire) jusqu'à
l'ère séleucide, après quoi le site est définitivement abandonné.

Assur (ville)
.
Assur*
Patrimoine mondial de l'UNESCO

Assur et les principaux sites assyriens

Coordonnées 35° 27′ 25″ Nord


43° 15′ 37″ Est
Pays Irak
Subdivision Province d'Irak : Salah ad-Din

Région** Asie/Océanie
Type Culturel
Critères (iii)(iv)
Superficie 70,0 ha
Numéro d'identification 1130
Année d’inscription 2003 (27 e
session)

Classement en péril 2003

* Descriptif officiel UNESCO


** Classification géographique UNESCO

Assur est une ancienne ville, capitale de l'Assyrie jusqu'en 879 av. J.-C., située sur la rive
droite du Tigre. Ses ruines se trouvent actuellement à Qalaat Shergat. En 2003, l'UNESCO a
inscrit Assur au patrimoine mondial de l’humanité. Le site est actuellement menacé d'être
englouti sous les eaux du fait d'un projet de construction d'un barrage en aval sur le fleuve.

Le site
Assur est divisée en deux grands ensembles. La « Vieille Ville » (en assyrien libbi āli,
« intérieur de la ville »), est la zone qui a été habitée en premier. Elle est située sur un éperon
rocheux surplombant le Tigre, selon la tradition des villes de Haute Mésopotamie, dont le
centre se trouve généralement sur une hauteur. C'est elle qui abrite les monuments principaux
de la cité, palais royaux et temples, ainsi que les demeures les plus riches.

La ville s'était par la suite étendue vers le sud, en contrebas au-delà des remparts. C'est la
« Ville Nouvelle » (ālu eššu). Au sud-est, le long du Tigre, se trouvait le quai (kāru), le port
de la cité, qui est aussi le lieu où se regroupent les marchands, et est donc le quartier des
échanges.

Histoire
Le site fut occupé dès la période Obeid. Elle est située sur le Tigre, sur une position idéale, au
croisement de plusieurs routes commerciales importantes (ce qui explique que sa population
ait vite eu le goût du commerce). Elle est la capitale religieuse principale de l'Assyrie, et, en
tant que l'une des plus anciennes cités du pays, elle a une grande valeur aux yeux du peuple
assyrien, qu'elle a accompagné tout au long de son histoire. Alors que celui-ci n'était encore
principalement nomade, hormis quelques villes dont elle et Ninive plus au nord, cela
jusqu'aux alentours du début du IIe millénaire. Son statut de capitale lui vient du fait qu'elle est
la ville tutélaire du grand dieu de ces peuplades, Assur, seigneur des montagnes d'Assyrie. Au
départ Assur n'est qu'une Cité-État, assez puissante toutefois. Elle est dirigée par un conseil
d'Anciens, un magistrat ayant en charge l'administration de la cité (le limmu), ainsi que le roi
(appelé iššiakku, « vicaire », car il n'est que le vicaire du dieu Assur qui est le vrai roi des
Assyriens), qui a probablement un rôle surtout religieux au départ.

Faible puissance politique face aux grands royaumes qui se mettent en place dans le sud de la
Mésopotamie, elle est soumise successivement par les souverains d'Akkad et d'Ur III aux
XXIVe et XXIe siècles. Mais la ville retrouve vite son autonomie, et montre sa puissance
commerciale en mettant en place un important commerce avec l'Anatolie aux XIXe et
XVIIIe siècles.

Assur reste cependant une faible puissance politique, et elle est maintes fois envahie. D'abord
par dont Samsi-Addu d'Ekallatum et son fils Ishme-Dagan au début du XVIIIe siècle, puis
Hammurabi de Babylone juste après. Elle retrouve son indépendance aussitôt après la mort de
ce dernier. Mais au début du XVIe siècle, elle est soumise par les rois du Mitanni.

Quand Assur-uballit Ier se libère de la domination du Mitanni au début du XIVe siècle, et


entreprend d'importantes conquêtes, Assur prend une autre dimension en devenant la capitale
d'une grande puissance politique. Sous les rois médio-assyriens, elle connaît une grande
période de prospérité et est embellie.

Elle restera capitale de l'Assyrie jusqu'au début de la période néo-assyrienne. Vers 860, le
souverain Assurnazirpal II (883-859), qui redonne un nouvel élan à l'Assyrie, transfère sa
capitale à Kalkhu, en amont sur le Tigre. Une des raisons à cela peut résider dans le fait
qu'Assur ait été trop exposée à d'éventuelles attaques araméennes venant de la Jazirah, à
l'ouest. Elle restera néanmoins capitale religieuse du pays, et les rois viendront toujours s'y
faire couronner et enterrer. Ses monuments seront restaurés, mais on n'en bâtira plus de
nouveaux, les nouvelles capitales (après Kakhu, se fut Dur-Sharrukin puis Ninive) ayant les
faveurs des souverains. Sennacherib (705-681), voulant donner plus de grandeur au dieu
Assur, procédera à de nombreux aménagements dans cette cité, comme l'on fait d'une manière
générale tous les souverains néo-assyriens, qui n'abandonnent jamais cette cité sacrée.
Plan du temple d'Assur à l'époque parthe.

En 614, la ville tombe avec l'Assyrie : elle est rasée par les Mèdes et les Babyloniens, et
tombe comme tout le pays dans l'ombre. Vers l'époque Parthe, la ville semble connaître un
renouveau, et le dieu Assor (forme hellénisée d'Assur), y est vénéré, dans la nouvelle province
d'Adiabène (l'Assyrie).

Les palais royaux


La plus ancien monument important d'Assur est le « Vieux Palais », déjà debout du temps de
Samsi-Addu au XVIIIe siècle, qu'Arad-Nirari Ier et qu'Assurnazirpal II reconstruisent plus tard.
Il couvre 1,2 hectares, et est organisé autour de cours centrales.

Le « Nouveau Palais » fut bâti plus tard au nord-ouest de la citadelle par Tukulti-Ninurta Ier
(1244-1207), et restauré par Sennacherib. C'est sous cet édifice qu'ont été retrouvées les
tombes pillées de plusieurs rois assyriens : Assur-bel-kala Ier (1074-1056), Assurnazirpal II
(883-859), Shamshi-Adad V (824-811), et peut-être même Sennacherib (705-681). Lorsque ce
dernier réaménagea la ville, il fait construire un palais secondaire pour l'un de ses fils plus au
sud. On a aussi retrouvé de riches demeures de notables importants de la cité, ainsi que des
tombes de particuliers aisés.

La capitale religieuse de l'Assyrie


Si Assur ne fut plus la capitale politique de l'Assyrie après le IXe siècle, elle demeura toujours
sa capitale religieuse même après la fin de l'Empire, car c'était là où leur dieu et souverain
Assur avait son domicile terrestre. Ainsi, la cité a toujours eu une grande importance pour les
rois assyriens, dont le pouvoir était légitimé par Assur, leur maître. Les souverains résident
d'ailleurs toujours une partie de l'année à Assur pour accomplir les lourdes tâches que leur
fonction religieuse de grand prêtre du dieu leur imposait.

Pour les Assyriens, Assur était donc la ville de leur dieu national, Assur. Elle devint par la
suite sous l'influence mésopotamienne et celle de l'Enuma Elish le "centre du Monde", pour
les croyants de ce pays, comme l'était Babylone pour le sud. Le règne de Sennacherib est
particulièrement important dans l'histoire religieuse d'Assur. Désireux de magnifier son dieu
Assur, il embellit les temples de la cité sainte, pour en faire un lieu de culte splendide en
l'honneur de ses dieux, à l'égal de plus grandes cités saintes de Mésopotamie.

Le temple principal d'Assur était l'Esharra, ou Ekur, dédié au dieu tutélaire de la cité. Il est
bâti sur l'extrémité de l'éperon rocheux de la Vieille Ville. Sa fondation remonte probablement
à celle de la cité, et il est plusieurs fois reconstruit au cours de sa longue histoire. À l'époque
néo-assyrienne, il est protégé par une enceinte de forme triangulaire dont il occupe le côté
nord. Une ziggourat de forme carrée et de 60 mètres de côté jouxte le côté ouest du complexe.
Sennacherib rénova l'ensemble des bâtiments dédiés à Assur, et ajouta un édifice destiné à
être intégré dans le culte du dieu, le Bīt Akītu, situé à l'extérieur des murailles de la Vieille
Ville, au nord-ouest ; il repren ainsi le modèle déjà présent à Babylone, servant pour le culte
du Nouvel An (Akītu).

Les autres temples sont situés dans le quartier sacré, au nord de la Ville Ville, surplombant le
Tigre. On y trouvait un temple double dédié à Sîn et à Shamash. Il a été bâti vers le milieu du
IIe millénaire. À côté de cet édifice, il y avait un ancien temple dédié à Ishtar, reconstruit par
Tukulti-Ninurta Ier, puis par Salmanazar III et enfin Sin-shar-ishkun, qui en fit un temple
double dédié à Ishtar et à Nabû. Plus imposant était le temple double dédié à Anu et à Adad,
situé le long du rempart nord entre le Vieux Palais et le Nouveau Palais. Il fut bâti par
Teglath-Phalasar Ier. Il était organisé autour d'une grande cour, menant au nord à deux cella
situées l'une à côté de l'autre (celle d'Anu à droite, celle d'Adad à gauche), et menant chacune
à une ziggourat (celle d'Anu avait pour dimensions 39 x 36 mètres, et celle d'Adad 24 x 24
mètres). Un bâtiment, le bīt mummē, était réservé aux artisans produisant des biens destinés au
service des dieux.

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