temps des colonies
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Laventure coloniale
Ess
Nord, le cinéma colonial s’attacha surtout
a exalter le caractére militaire de I'épo
pée. De l'apogée de "empire francais,
entre les deux guerres, a la décolonisa-
tion, il refléte l’évolution des mentalités.
mtiellement centré sur l'Afrique du
PAR PHILIPPE D’HUGUES
A FRANCE BST UN EMPIRE. CE TITRE EN FORME.
dde manifeste éait celui d'un grand documen-
taire qui constituait un des fleurons de la
sélection frangaise du premier festival de
‘Cannes, prévu en septembre 1939. Lannula-
tion du festival pour cause de guerre fut fatale au
film écrit par Jean d’Agraives et tourné par une
dizaine d’opérateurs envoyés aux quatre coins de
notre empire colonial. Peu de spectateurs virent
ce vibrant hommage officiel rendu par le cinéma
nos lointaines possessions. Nos cinéastes sen
Graient jusque-Ia assez peu et surtout assez. mal
occupes cela plusieurs raisons: le coat eve
des to4 ‘en pays lointain, la difficulté de
tmalnenirpendaneplsieurs semaines des quipes
et un materiel trés lourd loin de la métropoles
peut-étre aussi un certain manque dintéret du
public frangais pour ses colonies... La premitre
raison dut étre fa plus déterminante car plus les
territoires sont loignés et plus les films sc font
fares, CAfiquedu Nord arfve en te suive par
Afrique noite (AOF et AEF), Madagascar In-
dochine sont & peine représearés, a Réunion, la
Nourvelle-Calédonie et la Polynésie, pas du tout.
LAfrique du Nord apparatt surtout comme le
théitre d'épopécs militaires ct l'occasion d'exhiber
les uniformes photogéniques des tirilleurs, légion-
naires, méharistes et spahis. Les histoire cvilesy sont
beaucoup plus rares, Entre Je Bled (1929), de Jean
Renoir, et Appel dis bled (1942), cle Maurice Gleize,
il nly gutre de lm notable a mentionner, en dehors
des histoires pittoresques du genre Pépé le Moka
(1937), de Julien Duvivier, Le film de Renoir, com-
mandc officielle de I’Etat pour célébrer le centenaire
de la conquéte de l’Algérie, fiut la seule initiative de
cette nature. Les simples colons ne semblent avoir
mutre intéress¢ nos cinéastes jusqu’a da Soifides hommes
CONT Renan meee ned
lula veille de Vindépendance, les Olfviers de la justice
(1962), de James Blue, sur un soSnario de Jean Pélé-
ri (entre autres). Ne parlons pas des. ligtnes »,
Simples Furancs, domestiques hdzles ou peice
vous 4 'éerasement par nos forces.
‘Coté militaire, on trouve quelques films odabres,
comme le Grind jew (1934), de Jacques Feyder, sur
iz Légion, ou lz Bandent (1935), de Julien Duvi-
vier, sur le Tercio espagnol, dédié & son chef, le
«colonel Frtnco». wet ‘avait défa tourng, en 1920,
une adaptation de /‘Atlantide de Picrre Benoit, que
Pabst refic avec succés en 1932. Les tiniformes des
officicrs méharistesy aisaicnt merveille, Quant au
célébre Eicadron blanc, apres le roman de Joseph
Peyrés il fut réalisé par ltalien Augusto Geninas
transposé dans la Libye mussolinienne. II fallut
artendre 1949 pour en avoir une version francaise
de René Chana, dailleurs inférieure. Trois de Sains-
Gr (1939), de Jean-Paul Paulin, se passait en Syric
mais fr touméen Tunisie avee de puissants moyensLe fantastique et a vie quotidionne Ci-dessus
res fournis sur ordre du président du Conseil, (Antinga) dans /Atlantide (1932), de VAutrichien
Edouard Daladier. Georg Wilhelm Pabst, d'apres le roman de Pierre Beno
Une premiere adap! été réalisée, en 1920,
par Jacques Feyder, Page de gauche : Jacky Monnier
Billon, d’aprés le zoman de $
Sahara (1939), de Jacques de Baron Commande officielle de Etat en vue
du contenaire de la conquéte de VAlgérie, il s'agi
7, année fertile des rates films & sintéresser la vie quotidienne des colons.
pour le genre. Parmi les films antérieurs, il com
umoins de mentionner lite (1934), de ean Benoit. tourné en Ali, et des
Léxy ot Marie Epstein, intéressant par des aspects daprés Ie livre de Claude F:
mencirs sur FAs marociny eri desea films peindse les colons
arune inutile intrigue sentimental. Plas attachants dans le Maroc de Lyautey (qui est interpréé par
Furent les autheatiques docamencaics de Jean Gabriel Signorsy). Malgeé quelques convention
Esme, da Grande Caravane (1936) ells de Herbier approchait assez souventla vérité du monde
(1938) et la Gr 39 colonial. Léon Poiries, auteur de la fameuse
noire (1926) ct de plusicurs documentaies
des cinéastesréputé a 3. On lui doe ape
ier ou Marcel
uer lection pour le L Ss clemarquisde
‘Risecond la Ree impale (1939) sate Takeamis Mots et Brat pope de Congo (1939), conscxéau célébre explorateur. En 1930, Poirier avait deja
donné Cain, avenrure des terres exatiques, réalisé &
Nossi-Bé, petite ile frangaise au large de Madagascar.
Pour la beauté des images ct
des paysages, le film conserve
tun certain charme dépoque.
Sur Afrique noire n'y a
gute tei que [Fiomme du
Niger (1940), de Jacques de
Baroncelli, ott lccuvre coloni-
sstrice dela France éaitexaltée.
Sonaction sinearnait dans deux
personages, un ingénicur
construisant un barrage ct un
:médecin soignant la population
indigene du Soudan francais
dans les parages de Bamako.
[ndochine fucencore moins
bien traitée que Afrique noire
[par nos cinéastes. Au temps dur
imuets Feyder avait eu le projet
hp
temps des colonies
Au
Roi pres,
Pierre Benoit, mais le film
ne fat jamais tourné et il
sen reste quiune sorte de
journal de repérage réalisé
La Polynésie frang:
Friedrich Murnau Tabou (1
i oeuvre par Henti Chomette. A
un authentique chef-d’ceuvre Pate quclguce documscne
i ee
\ématographique du Gouvernement gene
, créé par Albert Sarraut, ou ceux de Georges
Manue ~ fnaagesindochinoises, Princeses d'Anghor, etc.
Sonne pe rerun nee film de Wal-
wer 5 ia las méisse (1' ), lc premier, tou-
6 Sette te 0a i oe
Je insyPage de gauche, on haut : Courrier Sud (1937), de Pierre Billon,
les Hommes nouveaux (1936), de Marcel LHerbier, d’aprés le roman
, Paley (ici, sur la photo) ;
‘au-dessous : affiches de Brazza ou 'Epopée du Congo (1938), de Léon Poitier, 'Homme du Niger (1940),
de Jacques de Baroncelli, et /Escadron Blanc (1949), de René Chanas, d'aprés le roman de Joseph Peyré.
Croisiére noire (1926), de Léon Poitier. Ci-dessus : Tabou (1931), de Allemand Friedrich Wilhelm
peut-étre Je plus beau film du monde »,disait Eric Rohmer.
d'aprés le roman d’Antoine de Saint-Exupét
de Claude Farrére, avec Harry Baur, Gabriel Signoret (dans le rdle de Lyautey) et Nathal
Ci-dessout
‘Murnau. Un des trés rares films sur la Polynésio, «temps des colonies
Au
Enfin, notre cinéma ignora ficheusement
Ja Polynésie francaise, qui inspira, en
revanche, 4 Allemand EW. Mumau un
authentique chef-d’seuvre rourné 4 Tahiti
ct Bora-Bora, Zibow (1931), «peuréne le
plus bea film du monde», sai Exic Rob-
ats 1945, LA FRANCE avait cos d étre
sais: Une Union lleméme rapidement
désunie en peu dannées. Cela commer
avec la guctre dadeckine, qu dura hut
ans. Impossible dy tourner aucun film aut
cour de lapésiode, mist part les documnen-
tis ce amd asd pad fre rans
Cinéastes, comme Pierre Schoen
Raoul outa, Apres 1954, quelques fins
de fiction purent enfin étre cournés sur
place, comme excellent Mort en fraude
(1957), de Marcel Camus, ou Tins Sai-
gon (1963), de Jean Leduc ; on encore le
premier film sur la guerre contre le
cong, Parrouille de choc (1957), de Claude
Bernard-Aubert, précurseur vite élipsé par
Infameuse 317 Section (1963), de Sthown
docrffer, également aurcur d'un ambiticux
Dién Bién Phu (1992). Un romanesque
indochinois rétrospectif apparut plus tard
tree des fms comme FAron (1992), de
Jean-Jacques Annaud, d’
Duras, et Indachine (199:
nics lequel souffre malheureusement de
ses nombre clichés anticolonialises épou-
sant la nouvelle pensée dominante, Defaut auquel
échappe, en revanche, le Bal du gosvernera (1990), de
Marie-France Pisir, sur la Noavelle-Calédonie.
Des clichés qui gichaient, déja, des ccuvres
comme La Vieroire en chansant (1976), de Jean-
Jacques Annaud, ec Fort Saganne (1984), d’Alain
‘Comeau, en dépit de leurs qualits
Entre 1945 ct 1958, qui marque la fin officielle de
PUnion francaise, de nombreux films furenc encore
Enyoiité par le continent noir
eL tres soucieux dauthenticité,
Claude Vermorel ouvre la voie
aux films de Jean Rouch
réalisésen Aftique du Nord eten Affique noire. Pour
Iespayedu Magarb, on eta de ree lies
reoes avant gue, avec dss mate tl
que la nouvelle version du Grand Jew (1954)
Robert Sidmak, ou des films romanesques
tant Pexorisme du désert, comme Torrens (1947), de
Serge de Poligny, ou le pittoresque algérois comme
Au ceur de la Carbah (1952), de Piece Cardinal. De
toute certe prod le
seul titre & retenin, dé Rowte inconnue
(1949), de Léon Poirier, admié juste
titre du seul Paul Vecchiali, consacré2 un
épisorte de jeunesse de Charles de Fou-
cauld, avant sa conversion.
T.AMfique noire eut plus de chance s
avec plusieurs films de qualité tels Aw
pape er Pygmder (1940), de Jacques
‘Dupont, fs Pasans noirs (1949), tourné
1947 en Cate dFroire par Georges
int les Conguénants solitaire (1952), da Plus
Bede ds Vis (1956) et Aminaza (1973), ous ois de
Claude Vermorel, envotité par le continent noir et
tits soucicur d authenticité Il ouvrait ainsi la route
aucélebreethnologue Jean Rouch et} son ceuvre pro-Iifiques es Mattes fous (1956), Moi,
sun noir (1958), Cocarico! Monsieur
Poulet(1977)s ee. Moins préocoupe
exactitude africaine, If ext minut
docreur Schweitzer (1952), dAndté
Haguet, d'aprés Gilbert Cesbron,
peut tourde méme étre mentionné.
Pour avoir droit & des images de
La Réunion, il faudra attendre da
‘Sirine di Missipi(1969), fm assce
peu réussi de Frangois Truffaut. La
Polynésie, rendue plus accessible
Eke ds inion anne pur
iéres, nous valut une série de bandes médiocres,
‘comme le Pasagerelandastin (1958), de Ralph Habib,
, celui del"homme blanc
cher 2 Kipling, doit re maintenu & tout prix, fli-ce
‘par unc femme! Ila peut-étre manguéau cinéma colo-
‘ial frangais avoir eu son Kipling .