temps des colonies
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De ancien Soudan francais au Mali, des
colonnes Bonnier et Jofire & l'opération
Serval :& presque cent vingt ans de dis-
tance, deux interventions similaires,
engagées pour les mémes raisons
PAR FRANGOIS D'ORCIVAL,
be winsrirer
E FUT LONGTEMPS UNE CITE INTERDITEs
tune ville sainte de islam baci au coeur du
déserc saharien. Pour les Européens, lle
demeurait un mystére. Cexplorateur René
Caillg fut le premier Frangais & pénétrer
dans Tombowcrou, sous un déguisement, at mols
avril 1828, La ville retomba ensuite dans le silence
pendant plus de soixante ans. Il fallue artendre Pan-
née de la mort de Jules Ferry (mars 1893) pour qu'un
sous-sccrétaire d'Frat aux Colonies nommé Théo-
phile Delcassé furur ministre des Affaires érangéres,
'y intéresse & nouveau. C'est ainsi que, entre la fin
décembre 1893 et la mi-février 1894, les Frangais se
suceédérent 3 Tombouctou jusqu’a sa conquéte défi-
tive, lle fir rende auc Touareg longtemps apres,
quand nos ennemis du moment devinrent nos amis,
1a Francey ai en pouty apport a pax elle
Y est revenue pour le méme mot
Crest en effet au printemps 2012 que, profitant d
la disparition du pouvoir a Bamako, des groupes di
hhadistes se sone jetés sur la e cite des 333 saints a
nt ses résors #attaquantsauvagement aux Mau
soles des cimerites,profanant les combes des saints
soufis, au nom d'un salafisme radical tenant de la
« table rase >. Ths se sont non seulement emparés de
‘Tombouctou, de Gao et de Kidal, mais ont fait aussi
peser leur menace sur tout le Mali. C’est pourquoi
IesFranpisont di reve sires presque
fingcansd écar, la méme opération, avec les mémes
hsadesecle méme succ”
1894-2013, les deux
irises de Tombouctow
LLaventure commenga par entrée en scéne du colo-
rnel Louis Archinard. Un polytechnicien de Partille-
ric coloniale. Quand il ft envoyé au Soudan frangais
(le Mali actul), en 1880, il avait rente ans. San
sion: faire deh pénétration coloniale . avait un
‘maitre en la matie, Gallen. I ui succéda en 1888,
comme commandant en chef de nos forces pout le
hhaue Sénggal et le Niger. S'l voulait pacifier son
immense région, i devait briser la résistance ds
grand chef de tibu local, Amadou, ce quil fica p
sieurs reprises sur le Niger, oi il conquit @’abord
Ségou, sur la rive gauche du fleuve, en 1890, puis
Djenné, plus au nord, en 1892, Cest naturcllement
Tombouctou quil visit, mais était encore tesloin
ct ladministration coloniale le rappel.
En 1893, la capitale du pays nest pas encore
Bamako; les Francais ont érabli leur gouverneur 2
Kayes, mi-chemin entre Saint-Louis du Sénégal et
le Niger. Il dispose d'une liaison télégraphique avec
Paris, mais Cesc loin dre le cas avee la plupare de
ses postes. Legouvemeur ne sit plus son totes les
expeditions: ls moins dlofgnde sont it 400 kilomtresde
nore dernier poste du Niger, dans un pays civil ny a ni
route: ni communication», explique Padministration
coloniale, Entre autoritésciviles et militares, une ins-
‘ruction ou un rapport peuvent mettre des jours, voire
desscmains 4 parvenie won destnaea.
Le premier militaire 4 se présenter 3 Tombouctou
est un marin, le lieutenant de vaisseau commandant
la flotille du Niger, cequi est logique puisqu la ville
cat suse Sune quinaaine de llores au nord di
fleuve. Ily entre, en tenue, le 25 décembre 1893, sans
enavoir regu Finstruction formelle. Le méme jour.’
mille kilométres de 88 vol d oiseau, le nouveau gou-
verneur prend ses fonctions & Kayes, muni depuis
Paris de consignes de grande prucence al égand d'un
pays sivaste et en proie & Pagitation des tribus. Pour
12 fovrier 1894 - Lo drapeau francais flotte sur
‘Tombouctou (illustration en une du Petit Journal.
Lacité mythique a été prise sans un coup de feu
parla colonne Jofire, au terme d'une marche
de 700 kilometres, accompli en un mois
‘et domi, depuis Ségou, sur le Nig.temps des colonies
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Fatigués du p
des Touareg, les populations
locales sont pour nous
confirmer cette insécurité trois jours plus tar le 28,
lesmatins del til ests en eserves Ie uve
sont attaqués par un groupe de Touareg & cheval, Un
office, un sou-fficer er une ving de supple
tifs soudanais sont tues. Aussit6t informé; le licute-
nant de vaisseau quitte Tombouctou, se porte sur les
du combat et venge les siens en tirantau canon,
sur les assaillants, Nous voici dans 'engrenage.
‘Ace moment, le commandant des forces du Sou-
dan, lelieutenant-colonel Bonnies, trente-huitans, se
trouve aussi sure Niger avec une colonne d'infante-
rc, mais 3 plus de 500 kilometre au sud. Prévenu de
ce qui sese pass, il accélére vers Tombouetou, dont
ila préparé la conguéte. Grice ses pirogue il par-
viene deinaion le 10 janvier 1894 ees empae de
la ille. Les Touareg se sont enfuis. La nouvelle n'est
connue& Paris quedeux semaines plus tard, e 25 jan-
vier, Le 30, e conseil des ministres demande le rap-
pel decer officier supérieur impénueux, qui iles fic
reproche dure all trop vite t trp loin,
41s, cette date, Bonnier est mort depuis quinze
jours—cest dire la lenteur des transmissions! En
effet, une fois établi& Tombouctou (20000 habitants),
ila voulu sécuriser ses environs. Le 12 janvies, il est
parti, avec une poignée d officers et ceux compagnics.
llsont patrouillé pendant wis jours ct, au peticmatin
wee eatheentae surpels dans sa ncn
par un assaut de Touareg. Un massacre. Le chef de
a été tué, ainsi que huit offciers et deux sous-
offciers européens, un sous-offcies, six caporaux et
61 tinalleurssoudanais, Quand ilapprendra ledrame,
cleus jours plus tard, lecapitainerestéen poste’3Tom-
boueou déeldera de denfermer dans son camp avec
trois cents fasilset six canons ~ en attendant que la
colonne suivante, celle de Joffe. vienne le secourit.
CClle-lt éait encore surle Niger le 27 décembre, &
hauteur de Ségou, oi lle se preparait i rejoindre la
colonne Bonnier. Composée d'une compagnie ren-
foraée de tralleurs, dun escadron de spahis, dedeux
canons de montagne ~ soit 250 chevaux et un mil-
lice de tirailleursindigénes-, la colonne a traversé le
fleuve pour prendre une piste de broussecrés au nord,
Gvitant tla fois les inondations provoques par les
lage et des
. Joffre, 12 fevier 1994
rlenc
rear
crues du Niger et la voie fluviale empruntée pat la
premibrecolonne:PalecinicencomneArcnard,
‘quarante-deux ans, chef de bataillon du génic, Jofre
ad /abord été charpé de dirigr la ligne de chemin de
fer entre le seat a Ie Nigen, vue de sucades
Bonnier dans le secteur de Segou. Au rythme de 20
4.25 kiloméwres par jour, ralenti par un ravitallement
considérable exigé par tantd hommes et de chevawx,
ila atteine sa premizre étape, Nampal, le 10 janvier
(quand Bonnier entrait & Tombouctou), puis Nia-
finké; le 20, mi-parcours de son object’ Quatre
cents Touareg lui ont barré fa route. Tl lesa chassés.
Is ont pris Ia fuite vers Pétape suivante, Goundam,
surla sive drvite du ewe.
«Les Touareg, note Jofite dans son compte rend,
seportnvas point du flew ot nous devon banque:
ibsont diperssit coups de canon; ils dsparaisens quand
on commence a intverser le flee.» Le 7 fecies Joffre
découvre le licu de 'embuscade ott sont tomb, le
15 janvier, Bonnier et ses camaradess il fic enterrer
leurs cor
"Tle 12 févtier 1894, enfin, au terme d'une
marche de 700 kilometres, il arrive avec ses
250 Frangais et son millier de tiralleurs &
‘Tombouctou. Pas un coup de feu a
phie au gowverncur: « Avent pende dave
trios indies mri gm ace
sux tinailleurindigene bles. Faves dpi
(Pasko by popu ads
sont pour nous » Le lendemainil est nommé
ommandant supérieur Tomboustou. A Pais fe
Figare écrit: « La wile a jour oie Yon apprit Fentrée
Ec clone fgete Tamhounen pues eae
gear tla nécessré de cere conguére. Maintenant, nous
‘ysommes et nous y resterons.» Le 5 fester, embar-
res.NAURTANE
4
\
\ "
yuent & Oran, en Algérie, & destination du Soudan,
Fic oificers et quatre cents hommes des T= et
2 régiments de la Légion étrangére, avec 600 tonnes
dematdiil de ner sen
)YSIRCLE ET DIX-NBURANNEES plus tard, le 11 jan-
vice 2013, les éléments du 21° régiment d'infan-
terie de marine détachés au Tehad sone placés en état
alerte. Aux ordres du colonel Paul Géze,« pete sys-
téme + de la promotion Delestraint & Saint-Cyr
(19881951), fe 21 RtMa es Fun des plus anciens
régimentsd infanteriecoloniale ~a sa devise » Coche
erriens » Sajoute le ci de Vinfanterie de marine « Er
‘au nom de Diew, vive la coloniale! >, lequel lui vient
de l'exclamation lancée par le pére de Foucauld
lorsque celui-c, aux prises avec des tribus rebelles aux
confins du Sahara, apercur ses libérateurs.
‘Aumoment de sa miseen alerte,!'lément détaché
du 21 est stationné&N’Djamena: i assure a mission
Epervier, disposiif de sécurité du Tchad, avec des
aviateurs, des égionnaires et desantilleurs de marine.
Les hommes du 21 sont arrives le 29 septembre pré-
‘cident. Apres bientOr quatre mois @ Afrique dé épui-
sants, ils Sartendent 3 étre relevés. Le 11 janvier 2
midi, Palerce se précise mais ce nest pas pour leur
recour 8 Fréjus. A 17 heures les premiers dléments
COTE DWVORE \
Teoudemni
MALI
(ancien Soudan francais)
autre plus au nord, foncant sur Dial
11894-2013: Je meme itineraire Les éléments terrestres.
de lopération Serval (175 véhicules, 650 hommes,
renforcés par des unités de l'armée malionne)
‘ont suivi la méme route que la colonne Joffre :en deux
‘