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Voici la citation, en contexte, chez Le Roux de Lincy (II, seconde éd., 1859, p. 182) :
La citation exacte dit-elle s’emparer du tapis, ou bien r’emparer la table, ou encore desempa-
rer la table, et en tout état de cause, que cela veut-il dire ?
On fait avec les moyens du bord : ci-après, le passage en question des Recherches dans
l’édition de 1633, parue chez Olivier de Varennes (la vignette est d’Étienne Dauvel, impri-
meur en taille-douce et éditeur d’estampes, mort vers 1638) et dont Léon Feugère précise
qu’elle est la deuxième édition posthume de l’ouvrage de Pasquier.
« La construction caractéristique du XVIe siècle [pour l’infinitif objet] est la construction sans prépo-
sition, peut-être sous l’influence du latin. »
Précédant des exemples tirés d’auteurs de la Renaissance, une occurrence de 1475 :
Bernard Palissy : j’eus les doigts coupés et inciſés en tant d’endroits que je fus contraint manger
mon potage ayant les doigts enveloppés de drapeau.
Marguerite de Navarre, Heptameron : Iaques fut contrainct ſe declairer à un ſien fidèle amy.
Monluc : mais ſi ſuis-je contraint dire le vray ; leſquels monſieur le mareſchal de Stroſſi fut con-
traint faire ſortir ; je fus contraint leur quitter la place ; fut contraint ſe retirer à Montizel ; je fus
contraint partir de l’eveſché ; nos gens furent contraints mettre le feu à la porte de ladite baſſe-
court ; ils ſeroient contraints ſ’en aller au pillage ; ils furent contraints ſen ſortir par le meſme trou ;
les medecins furent contraints me donner un autre cliſtere ; ils ſeroient contraints ſe retirer au roy,
pour le ſupplier de les ſecourir.
Noël du Fail : il fut contraint boire du vin ſans eau ; il fut contraint ſe retirer pour la nouvelle de
la mort de ſon pere ; il fut contraint tenir la maiſon ; pauvre patient, qui eſt contraint leur
repondre ; fut contraint ſe loger et heberger au mieux quil put ; il eſtoit contraint faire quelque
ſejour ; fus contraint la donner à un gros chanoine ; qui nous contraint emprunter ; par importunes
requeſtes fut contraint achever ; fut contraint quitter tout ; fut contraint apprendre nouveau
meſtier ; fut contraint ſen retourner à l’hoſtel ; le pauvre diable eſtoit contraint (autrement il eſtoit
ecourté) faire le dernier offrant. Etc.
● Desemparer
De l’ancien français enparer « fortifier » (emprunté à l’occitan et attesté depuis 1323 : Près
de Perregourt [Périgueux] siet une abbaye que tenoient Anglois, et les religieux en avoient chas-
siés, et l’eglise emparée, écrit Froissart) la langue usuelle n’a conservé que la forme réfléchie
s’emparer, avec lequel le rapport sémantique s’est distendu ; l’intensif remparer « forti-
fier » n’est plus d’actualité, alors que nous lui sommes redevables de « rempart ». L’anto-
nyme desemparer (attesté depuis 1364) s’est dit d’un navire (c’est le désarmer) ou d’une
forteresse (c’est la démanteler : Le roi d’Engleterre estant à Calais, tout fu remparet et raparilliet
ce qui desemparet estoit, écrit encore Froissart), à quoi il convient d’ajouter une acception
que Littré place en tête de sa notice :
Quitter le lieu où l’on est, abandonner la place. Je n’ai point désemparé de la ville. Les ennemis qui
étaient devant la place ont désemparé. ‖ Sans désemparer, sans quitter la place. L’assemblée voulut statuer
sans désemparer. Et, figurément, faire, achever, régler une affaire sans désemparer, s’en occuper
d’une manière suivie, sans interruption. ‖ Activement. Et depuis les charmantes conversations de Poi-
tiers, vous n’avez point désemparé mon cœur, REGNARD, Attendez-moi sous l’orme, 11. L’Anglois [Douglas]
recommanda bien à son valet de ne pas désemparer le pas de la porte, SAINT-SIMON, 431, 237. Leur opi-
niâtreté [des moineaux] à ne pas désemparer les lieux qui leur conviennent, BUFF., Morceaux choisis,
p. 275. Le vent poussoit le feu contre ceulx du roi, lesquels commencerent à desemparer, COMM., I, 3. Ils
desemparerent la place et s’enfuyrent, COMM., III, 3. Ma memoire desempare ce que j’escris, comme ce que je
lis, MONT., III, 57. Je ne desempare jamais les loix, MONT., IV, 203
Donc : « ils ſont contraints deſemparer la table », ils sont obligés de quitter la table [de jeu].
L’édition de 1723
imprimée à Trévoux
ne l’entend pas de cette oreille.
On commence à entrevoir quel texte Le Roux de Lincy a pu avoir sous les yeux.
L’éditeur de 1723 a cru corriger ce qu’en réalité il ne comprenait pas, avec pour résultat
une ineptie. En présence de ce texte ou d’une variante très proche, Le Roux de Lincy
(faute de témoin en amont) rectifie à son tour au jugé.
Que dire de Littré, qui trouve le moyen de reproduire presque à l’identique [moins &
précédant ils sont contraints] la leçon correcte de Pasquier 1633 en s’appuyant sur la leçon
fautive de La Curne ?
Les attestations d’« être réduit au tapis » se révélant peu nombreuses, je complète ce dos-
sier en reproduisant une nouvelle traduite du grec ancien à la Renaissance où elle est em-
ployée et qui fait partie du recueil suivant, où elle occupe les pages 147 à 150 :
Les Epistres amoureuses d’Aristenet [Ἀρισταινέτου Ἐπιστολαὶ ἐρωτικαί], tournées de grec
en françois par Cyre Foucault, sieur de la Coudrière, avec l’Image du vray Amant, dis-
cours tiré de Platon. Réimprimé sur la 1re édition (Poitiers, 1597) ; notice par Auguste
Poulet-Malassis. In-8o, xii-228 p. Paris, imp. Motteroz ; lib. Isidore Liseux. 1876.
Mantithée à Aglaophon
Donc « jusqu’à ce qu’ils aient vidé son escarcelle, qu’il ait la bourse plate ». NB Le traduc-
teur file peut-être une métaphore grivoise : mettre à la flac, réduire au tapiz, de quoy mestier
mener, fournir à l’appointement. ‖ le texte original a recours à l’expression proverbiale γυμ-
νότερος παττάλου : πάτταλος « clou, cheville, piquet, crochet pour pendre un objet » (l’édi-
tion 2009, p. 829, du Dict. de Chantraine imprime "prendre"), donc « plus démuni qu’un
clou » — mais le clou en question sert aussi à désigner le sexe de l’homme.
● fournir à l’appointement c’est d’abord financer des troupes :
Le mareschal [Charles de Cossé-Brissac], pour donner plus de courage et meilleur exemple à chacun,
consigna és mains des tresoriers les dix mille escus qu’il avoit de reste de la rançon du comte de Chaland, pour
fournir à l’appointement de mille hommes, tant qu’ils pourroient durer. Mémoires de Boyvin du Villars
mais fournir à l’appointement était fréquemment employé dans un sens libre pour « satis-
faire aux besoins sexuels d’une femme » : « Jeanne qui estoit d’un desir insatiable au plaisir du lict,
et son mary pour estre d’une matiere flouette, ne pouvant fournir à l’appointement, cette malheu-
reuse princesse donna ordre de le faire estrangler » (Pasquier), « Jadis fut un marchant, lequel se
maria a une jeune femme, laquelle avoit encore sa mere. Advint que une fois voulut aller en mar-
chandise. Lequel, quant il s’en alla, il bailla sa femme a garder a sa mere. Et, par le consentement de
sa mere, elle fut enamoree d’ung jeune filz, lequel fornissoit a l’apointement. (MACHO, Esope
R., c.1480, 244).
● Thuasne (à propos de Villon, N’envoyez plus les hommes paistre) note que la locution
semble appartenir à la phraséologie amoureuse du XVe siècle.
● « rempli »
● « à nouveau »
● « naïf, inexpérimenté à tel point »
● Oudin, Curiositez : « vendre ou donner un canard à moitié, .i. mentir, en donner à gar-
der, en faire à croire »
● « prétendu, faux, pseudo- »
● « amusé, distrait » (il peut s’agir par la même occasion d’ébats amoureux)
● « fête de village »
Γ
υνὴ τοὔνομα Θελξινόη προσχήματι σώφρονος ἐπὶ τοὺς ὀφθαλμοὺς καθέλκουσα τὴν ἀμπεχό-
νην κἀκεῖθεν κομιδῇ στενὸν ὑποϐλέπουσα, ἐλάνθανε κακοτεχνοῦσα τοὺς νέους· καὶ γὰρ κυνὶ
προσέοικε λύκος, ἀγριώτατος ἡμερωτάτῳ. Tαύτης ὁ Πάμφιλος οὐκ οἶδα ὅπως πολυπραγμο-
νήσας τὸ βλέμμα ἐκ πρώτης θέας ἠράσθη ταχύ· δεξάμενος γὰρ τοῦ κάλλους τὴν ἀπορροὴν διὰ τῶν
ὀμμάτων ἐρωτικῶς διεθερμάνθη, καὶ ὥσπερ βοῦς μυωπισθεὶς ἐταράττετο. Ὤκνει δὲ τὸν πόθον
δηλῶσαι, τὴν ἐμφαινομένην σεμνότητα δεδιώς. Συνῆκε τοῦ μειρακίου τὴν ὑπόνοιαν ἡ γυνὴ ὡς
πολλὴν ἔχουσα τοῦ πράγματος ἐμπειρίαν. *** Ὁ γὰρ ἄνθρωπος οὐχ ὡς προαγωγὸς τῷ ποθοῦντι
προσῆλθεν, ἀλλά τις εἴναι τῶν περιέργων ἐδόκει· καὶ πολλὰ τερατευσάμενος ἐπηγγείλατο μόνος
αὐτὴν δαιμονίως καταδουλῶσαι τῷ νέῳ. Kαὶ χρυσοῦς αὐτὸν πρότερον εἰσπραξάμενος οὐκ ὀλίγους
ὑπὸ τὼ πόδε τοῦ ποθοῦντος ἤγαγεν ἀρρήτῳ λόγῳ τὴν ἄνθρωπον, ὥσπερ αὐτὸς ὑποδεικνὺς τὴν
γυναῖκα προσιοῦσαν ἐνεανιεύετο λέγων. Ἡ δὲ τὴν ὑπόκρισιν αὐτοῦ πιστουμένη τὸ μὲν πρῶτον
οἷον ὑπόσεμνος συνεδείπνησεν ἐγκεκαλυμμένη, καὶ σμικρὸν τῶν ἀργυρίδων ἀπεγεύετο, μέχρι καὶ
αὐτὰς καταπέπωκε τὰς χρυσίδας. Ἔπειτα τέως ἀντερᾶν ὡμολόγει νῦν πρῶτον ἔρωτος πειρασθεῖσα,
καὶ ἦν πάντα μιμηλῶς ἐρώσης τὰ δρώμενα παρ᾽ ἐκείνης· καὶ πολλάκις παρεδάκρυε τῷ μειρακίῳ,
νῦν μὲν ἀποστένουσα τὸν πόθον, νῦν δὲ πικρῶς ὀλοφυρομένη ἣν ἐζημίωται σωφροσύνην, καὶ ὁ
Κρὴς ἐδόκει τὴν θάλατταν ἀγνοεῖν. Ὁ δὲ σχηματισάμενος μαγγανείαν παρ᾽ ἕκαστον ἑαυτὸν ἀπεθαύ-
μαζεν, εἰς σύμϐολον παραδόξου νίκης ἀνατείνων τὴν χεῖρα. Tαῦτα μὲν οὖν γέγονε δίς τε καὶ τρὶς
καὶ σφόδρα πολλάκις. Ὡς δὲ λοιπὸν τὸν ἀθλίως ἐρώμενον ἐψίλωσαν τῶν χρημάτων καὶ κατέστη-
σαν παττάλου γυμνότερον, ἀπέλιπον αὐτὸν ἐν πενίᾳ δήπου μυρίᾳ, καὶ περιπεφρονήκασι παντε-
λῶς. Ὁ μὲν οὖν ἐραστὴς περιώδυνος ἐκ τοῦ πόθου τὸν φιλτροποιὸν ἱκέτευε πάλιν κατ᾽ ἐκείνης ἀνα-
κινῆσαι τὰς ἴυγγας· ἔτι γὰρ οὕτως ἡγεῖτο κεκρατημένος τῇ χλεύῃ· ὃ δέ φησιν· Ὦ τάν, εἴς γε τὰ
τοιαῦτα πρόσκαιρος ἡμῶν ἐστὶν ἡ τέχνη, ἄλλως τε καὶ ἀπολέλαυκας ἱκανῶς. Tούτοις ἀμφότεροι
φενακίσαντες τὸν νέον ἀπῆλθον, ἣ μὲν πλασαμένη σώφρονος ἤθη, ὃ δὲ καθάπερ ἐπὶ σκηνῆς ὑπο-
κρινάμενος τῶν περιέργων τὸ σχῆμα καὶ δαιμόνων προσηγορίας συνείρων πλασματώδεις τέ τινας
ὑποφθεγγόμενος ἐπικλήσεις καὶ ψιθυρίζων ἀπατηλῶν γοητευμάτων λόγους φρικώδεις, ἔνθα δῆθεν
αὐτὸς ὑποτρέμων παρεστῶτι πλησίον μὴ δεδιέναι παρεκελεύετο τῷ μειρακίῳ.