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« Les Dames galantes »

au fil  des mots 005

 J’ay oüy faire un pareil compte1 au chevallier de Sanzay2 de Bretagne, un trés-honneste et


brave gentilhomme, lequel, si la mort n’eust entrepris sur3 son jeune aage, fust esté un grand
homme de mer, comme il avoit un trés-bon commencement : aussi en portoit-il les marques
et enseignes4, car il avoit eu un bras emporté d’un coup de canon en un combat qu’il fist sur
mer. Le malheur pour luy fut qu’il fut pris des corsaires5, et mené en Alger6. Son maistre, qui
le tenoit esclave, estoit le grand prestre de la mosquée de là, qui avoit une trés-belle femme
qui vint à s’amouracher si fort dudict Sanzay qu’elle luy commanda de venir en amoureux
plaisir avec elle, et qu’elle luy feroit trés-bon traittement, meilleur qu’à aucun de ses autres
esclaves ; mais surtout elle luy commanda trés-expressement, et sur la vie7, ou une prison
trés-rigoureuse, de ne lancer en son corps une seule goutte de sa semence, d’autant8, disoit-
elle, qu’elle ne vouloit nullement estre polluë9 et contaminée du sang chrestien, dont elle
penseroit offenser grandement et sa loy10 et son grand prophete Mahommet ; et, de plus, luy
commanda qu’encor qu’elle fust en ses chauds plaisirs, quand bien elle luy commanderoit
cent fois d’hazarder le paquet11 tout à trac12, qu’il n’en fit13 rien, d’autant que ce seroit le
grand plaisir duquel elle estoit ravie14 qui le luy feroit dire, et non pas la volonté de l’ame.

1  Les secrétaires de Brantôme ne distinguent pas compte et conte.


2
Je m’en rapporte, pour l’identification de ce personnage, à ce qu’en a écrit Anatole de Barthélemy
[1821-1904], qui lui a consacré une plaquette : « Anne de Sanzay, comte de La Magnanne, abbé
séculier de Lantenac », Saint-Brieuc, Guyon frères, 1852. In-8o, 34 p. ; l’essentiel, pour ce concerne
notre propos, s’en retrouve dans la notice de la Biographie bretonne (tome II, 1857, pp. 370-374),
sous la direction de Prosper Levot.

Il s’agit d’Anne de Sanzay (surnommé Bras-de-fer) comte de La Ma(i)gnanne, chevalier de l’or-


dre, gentilhomme ordinaire de la chambre, capitaine de 50 hommes d’armes des ordonnances,
maréchal de camp, seigneur de Bourouguel et d’Alollac. Fils de René, seigneur de Saint-Mar-
sault, et de Renée du Plantys. Le connétable de Montmorency était son parrain.

Bulletin de géographie historique et descriptive,


Année 1891, no4 : L’Œuvre géographique des
Reinel, par le Dr Ernest-Théodore Hamy,
page 125.
Signature apposée par l’un des propriétai-
res d’une carte établie par le cartographe
portugais Pedro Reinel vers 1504.
« C’est sans doute quand il armait contre les
Algériens, que Sanzay s’était procuré la carte de
Reinel, où il a mis son nom »,
écrivait le Dr Hamy.
La carte fait partie de la collection Kunstmann (Atlas zur Entdeckungsgeschichte Amerikas, Herausgegeben
von Friedrich Kunstmann, Karl von Spruner, Georg M. Thomas ; Zu den Monumenta Saecularia der K.B.
Akademie der Wissenschaften, 28 März, 1859, München) à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich.

Anatole de Barthélemy, p. 374 :


La seule mention qu’on trouve ensuite de ce partisan [« partisan de la sainte Union », « partisan de l’union
des princes catholiques », ligueur] se rencontre dans une requête par laquelle l’abbé de Lantenac deman-
dait (16 décembre 1624) l’autorisation d’être représenté à la levée des scellés apposés au Bourouguel,
chez La Magnanne, pour qu’il pût vérifier s’il ne s’y trouvait pas des titres provenant de l’abbaye.
Depuis long-temps, on le regardait comme mort, puisque, dès les premières années du XVII e siècle,
Brantôme, qui semblait ignorer que son ancien ami le chevalier de Sanzay et La Magnanne fussent un
seul et même personnage, regrettait en ces termes la mort prématurée de notre terrible partisan : Le
chevalier de Sanzay, de Bretagne […].

3 « attaquer »
4 « marques » ; marques et enseignes est un cliché qui se retrouve chez Amyot, Montaigne,
Calvin, Henri Estienne…
5 « capturé par des corsaires »
6 comme en Arles, en Avignon ; mais Alger désigne tout un territoire, le royaume d’Alger
7  « sous peine de perdre la vie »
8  d’autant que « comme, étant donné que, vu que »
9 « souillée »
10 « sa religion »
11 pour « hasarder le paquet », TLFi fournit comme première attestation :
1606 hasarder le paquet (DU VILLARS, Mém., VIII ds GDF. Compl.) ; on voit qu’il est possible
d’antédater.
12  « tout net, tout à fait, carrément »
13 on attendrait qu’il n’en fist rien
14 « dont elle serait comme transportée, mise en extase »

 Ledict Sanzay, pour avoir bon traittement15 et plus grande liberté, encor qu’il fust chres-
tien, ferma les yeux pour ce coup à sa loy16 : car un pauvre esclave rudement17 traitté et
miserablement18 enchaisné peut s’oublier bien quelques fois19. Il obeit à la dame, et fut si
sage et si abstraint20 à son commandement qu’il commanda fort bien à son plaisir ; et
moulloit21 au moulin de sa dame tousjours trés-bien, sans y faire couller d’eau : car, quand
l’escluse22 de l’eau vouloit23 se rompre et se deborder, aussitost il la retiroit, la resserroit et
la faisoit escouler où il pouvoit ; dont cette femme l’en ayma davantage, pour estre si abs-
traint à sont estroit24 commandement, encor qu’elle lui criast : « Laschez, je vous en donne
toute permission ! » mais il ne voulut onc25, car il craignoit d’estre battu à la turque26, comme
il voyoit ses autres compagnons devant soy27.

15 « afin d’être bien traité »


16 « ferma les yeux pour cette fois sur sa religion »
17 « avec brutalité »
18 « pitoyablement »
19 « peut bien s’oublier à l’occasion »
20 (astreint) « soumis » à son injonction
21 (de moudre) — les meules sont superposées
22 (écluse) il s’agit de la vanne ‖ pour les moulins (à eau), cf. biez « Fossé creusé à côté
d’une rivière pour l’usage d’un moulin, et pris d’assez loin pour pouvoir ménager une chute d’eau
ou au moins une pente qui augmente la rapidité de l’eau. Le conduit se nomme buse quand l’eau
tombe sur la roue, et coursier quand elle passe au-dessous » Littré ; la forme « bief » ne s’est
imposée qu’au XXe siècle
23 « s’apprêtait à, était sur le point de »
24 « strict »
25  « jamais »
26 allusion à l’application de coups de bâton sur la plante des pieds : falaka, en turc ;
arabe FaLaQa « fendre », car le mot désigne, au propre, un morceau de bois aux extrémités
duquel est attachée une corde servant à immobiliser les chevilles du supplicié ‖ le débat reste
ouvert en ce qui concerne la forme grecque φάλαγγας, de φάλαγξ : voir, dans Clémence et
Châtiment, édité par Sydney H. Aufrère et Michel Mazoyer (L’Harmattan, 2009), « Moniales
récalcitrantes et violence éducative (falaque) au Deir el-Abyad, d’après un passage du canon 4
de Chénouté » pp. 31-48, par Sydney H. Aufrère et Nathalie Bosson, page 47 note 31.

Henri Lammens SJ, Remarques sur les mots français dérivés de l’arabe (1890), page 111.
27 « [l’être] devant lui »

 Voilà une terrible humeur de femme28 ; et pour ce il semble qu’elle faisoit beaucoup, et
pour son ame qui estoit turque, et pour l’autre qui estoit chrestien, puisqu’il ne se deschar-
geoit29 nullement avec elle : si me jura-il qu’en sa vie30 il ne fut en telle peine.

28 « Voilà une femme au caprice terrifiant » cf. et voilà que servent telles escholes de marys !
« Les Dames galantes » au fil des mots 004, note 15.
29 on est passé de se décharger le ventre, l’estomac… à l’elliptique (et encore pronominal) se
décharger ; l’ultérieur décharger « éjaculer », employé absolument, est une ellipse de déchar-
ger une arme à feu, employé au figuré
30 « que de toute sa vie »

 Il m’en fit un autre compte, le plus plaisant qu’il est possible, d’un trait31 qu’elle luy fit ;
mais, d’autant qu’il est trop sallaud, je m’en tairay, de peur d’offenser les oreilles chastes32.

31 le sens est celui donné par Littré, 28o : « Action, acte ayant quelque chose de remar-
quable »
32 Brantôme pense à la lecture à haute voix, qui était de rigueur depuis l’antiquité
pour les personnes d’un certain rang social : elles avaient un « liseur » attitré ; c’est ainsi
qu’ἀναγνώστης se métamorphose en anagnoste chez Rabelais, cf. „Der Vorleser“ de Bern-
hard Schlink (et le film de Stephen Daldry)

 Du depuis33 ledict Sanzay fut rachepté par les siens, qui sont gens d’honneur et de bonne
maison en Bretagne, et qui appartiennent à34 beaucoup de grands, comme à M. le Connesta-
ble qui aimoit fort son frere aisné35, et qui luy ayda beaucoup à cette delivrance, laquelle
ayant euë, il vint à la cour36, et nous en conta fort à M. d’Estrozze37 et à moy de plusieurs
choses, et entre autres il nous fit ces comptes.

33 « par la suite » l’existence de du depuis s’étend du moyen français (chez Gringore,


par exemple) au début du XVIIe siècle, avec des attestations sporadiques de Malherbe à
Montesquieu
34 « sont au service de » (vocabulaire de la féodalité)
35 René de Sanzay
36  (à Amboise)
37 Filippo di Piero Strozzi [1541-1582], grand ami de Brantôme. Attiré en France par
sa cousine Catherine de Médicis, il devint maréchal.
 Que dirons-nous maintenant d’aucuns marys qui ne se contentent de se donner du conten-
tement et du plaisir paillard de leurs femmes, mais en donnent de l’appetit38, soit à leurs com-
pagnons et amys, soit à d’autres ? Ainsi que j’en ay cogneu plusieurs qui leur loüent39 leurs
femmes, leur disent leurs beautez, leur figurent40 leurs membres et partyes du corps, leur
re-presentent leurs plaisirs qu’ils ont avec elles, et leurs follastreries dont elles usent envers
eux, les leur font baiser, toucher, taster, voire voir nuës.

38 « en suscitent le désir »
39 « leur font l’éloge »
40 « décrivent »

 Que meritent-ils ceux-là ? sinon qu’on les face cocus bien à point41, ainsi que fit Gigés42,
par le moyen de sa bague, au roy Candaule, roy des Lidiens, lequel, sot qu’il estoit, luy ayant
loüé la rare beauté de sa femme, comme si le silence luy faisoit tort et dommage, et puis, la
luy ayant monstrée toute nuë, en devint si amoureux qu’il en joüit à son gré, et le fit
mourir, et s’impatronisa43 de son royaume. On dit que la femme en fut si desesperée,
pour avoir esté representée44 ainsi, qu’elle força Gigés à ce mauvais tour, en luy disant :
« Ou celuy qui t’a pressé et conseillé de telle chose, faut qu’il meure de ta main, ou toy, qui m’as
regardée toute nuë, que tu meures de la main d’un autre45. » Certes, ce roy estoit bien de loisir46
de donner ainsi appetit d’une viande nouvelle, si belle et bonne, qu’il devoit47 tenir si chere.

41 « ni trop ni trop peu, ni plus ni moins »


42 la légende est rapportée (avec plus
que des nuances entre eux) par Hérodote,
Platon et Cicéron ; chez ces deux derniers,
le rôle principal est dévolu à l’anneau d’or
que découvre Gygès : à chaque fois qu’il en
tourne le chaton vers l’intérieur de sa
main, Gygès devient invisible.
Chez Plutarque, il est question d’un talis-
man royal (une hache), mais de reine au-
cune mention. — On comprend, dès lors,
pourquoi la préférence de l’auteur est allée
au texte d’Hérodote… mâtiné de Platon.

Candaule, roi des Lydiens, a un regain de


notoriété à notre époque à la faveur du
candaulisme.

(Source de l’illustration :
BnF Ms Fr 230 fo 54, miniature ornant
la traduction du De Casibus de Boccace
par Laurent Guillot de Premierfait.)
43 « se rendit maître » cf. les fortes paroles de Dorine : « Certes, c’est une chose aussi qui
scandalise De voir qu’un inconnu céans s’impatronise » ; le mot n’est pas inconnu de l’an-
glais et Francis Bacon a pu écrire (en 1624, dans Considerations touching a war with Spain) :
“They have now twice sought to impatronise themselves of this kingdom of England.”
44 « exhibée »
45 au cœur de l’énoncé (un dilemme ou choix entre deux branches qui s’excluent), un
impersonnel, faut, dépourvu de pronom et non répété : une réussite architecturale
46 « avait du temps à perdre » — appetit d’une viande « envie, désir d’une chair »
47 (latinisme) « qu’il aurait dû »

 Louis, duc d’Orleans48, tué à la porte Barbette49, à Paris, fit bien au contraire (grand des-
baucheur des dames de la cour, et tousjours des plus grandes) : car, ayant avec luy couché
une fort belle et grande dame, ainsi que son mary vint en sa chambre pour luy donner le
bonjour, il alla couvrir la teste de sa dame, femme de l’autre, du linceul50, et luy descouvrit
tout le corps, luy faisant voir tout nud et toucher à son bel aise, avec defense expresse sur la
vie de n’oster le linge du visage, ny la descouvrir aucunement, à quoy il n’osa contrevenir,
luy demandant par plusieurs fois ce qui luy sembloit de ce beau corps tout nud : l’autre en
demeura tout esperdu51 et grandement satisfait. Le duc luy bailla congé52 de sortir de la cham-
bre, ce qu’il fit sans avoir jamais pu cognoistre53 que ce fust sa femme.

48 Louis Ier d’Orléans [13 mars 1372-23 novembre 1407, assassiné sur l’ordre de Jean
sans Peur, duc de Bourgogne], frère de Charles VI.
Thomas Basin [1412-1491, évêque de Lisieux, né à Caudebec-en-Caux] a écrit à son sujet :
Aurelianensium dux, qui, ut satis famosum tunc habebatur, ad omnem ferme speciosissimam mulierem,
uelut equus aliquis emissarius adhinniebat…
Le duc d’Orléans — le fait était de notoriété publique à l’époque — réagissait à la présence de pour
ainsi dire n’importe quelle très jolie femme en hennissant comme un étalon…
49

Porte
Barbette
50  « drap de lit »
51 « en proie à une émotion violente, submergé par le trouble »
52 « donna la permission »
53 « sans jamais avoir été capable de reconnaître sa femme »

 S’il l’eust bien veuë et recogneuë toute nuë, comme plusieurs que j’ay veu, il l’eust cogneuë
à plusieurs sis54, possible55 ; dont il fait bon les visiter quelquesfois par le corps56.

54 « signes, marques » note le pluriel de signe (prononcé /sin/)


55  « peut-être »
56 « raison pour laquelle il convient de procéder à l’occasion sur sa femme à une inspec-
tion physique/corporelle » ; le médecin visitait son patient, c’est-à-dire l’auscultait, l’exami-
nait, cf. le Médecin malgré lui (II, III) :
SGANARELLE: en voulant toucher les tetons de la Nourrice. Mais comme je m’intéresse à toute votre
famille, il faut que j’essaye un peu le lait de votre nourrice, et que je visite son sein.

 Elle, aprés son mary party57, fut interrogée de M. d’Orleans si elle avoit eu l’allarme58
et peur. Je vous laisse à penser ce qu’elle en dist, et la peine et l’altere59 en laquelle elle
fut l’espace d’un quart d’heure : car il ne falloit qu’une petite indiscretion60, ou la moin-
dre desobeissance que son mary eust commis pour lever le linceul ; il est vray, ce dist M.
d’Orleans, mais qu’il l’eust tué aussitost61 pour l’empescher du mal qu’il eust faict à la femme.

57 (latinisme) « après le départ de son mari, une fois son mari parti » (de même pour
fut interrogée si « fut questionnée par M. d’Orléans qui voulait savoir si »)
58  « inquiétude, angoisse »
59 « trouble, agitation, émotion, angoisse, anxiété »
60 « étourderie, imprudence »
61 « mais (il ajouta) qu’il l’aurait tué sur-le-champ »

 Et le bon62 fut de ce mary, qu’estant la nuict d’amprés63 couché avec sa femme, il luy
dit que M. D’Orleans luy avoit fait voir la plus belle femme nuë qu’il vit64 jamais, mais,
quant au visage, qu’il n’en sçavoit que rapporter, d’autant qu’il luy avoit interdit. Je vous
laisse à penser ce qu’en pouvoit dire sa femme dans sa pensée. Et, de cette dame tant
grande et de M. d’Orleans, on dit que sortit ce brave et vaillant bastard d’Orleans, le sous-
tien de la France et le fleau de l’Angleterre, et duquel est venuë ceste noble et genereuse
race des comtes de Dunois65.

62 « le plus drôle, le comble »


63 variante d’après avec nasalisation
64 on attendrait vist
65 la protagoniste de l’anecdote serait Yolande (dite Mariette) d’Enghien (dite d’Havré),
dame de Wiège et de Fagnoles, épouse [en 1389] d’Aubert Le Flamenc, seigneur de Canny-
sur-Matz et de Varesnes, capitaine de la ville de Noyon, chambellan (mais de qui ? les attri-
butions varient) ; maîtresse de Louis d’Orléans, elle en a eu un fils :
Dunois (1402-1468 au château de l’Haÿ-les-Roses), compagnon d’armes de Jeanne d’Arc.
Le mari, la femme et l’amant sont des personnages dans la pièce de théâtre de Gérard
de Nerval, le Prince des Sots, et dans le roman du même titre qu’il a tiré de sa propre pièce.

 Or, pour retourner encor à nos marys prodigues de la veuë de leurs femmes nuës, j’en
sçay un qui, pour un matin66, un sien compaignon l’estant allé voir dans sa chambre ainsi
qu’il s’habilloit, luy monstra sa femme toute nuë, estenduë tout de son long toute endor-
mie, et s’estant elle-mesme osté ses linceuls de dessus elle, d’autant qu’il faisoit grand
chaud, luy tira le rideau67 à demy, si bien que, le soleil levant donnant dessus elle, il eut
loisir de la bien contempler à son aise, où il ne vid rien que tout beau en perfection ; et y
put paistre68 ses yeux, non tant qu’il eust voulu, mais tant qu’il put ; et puis le mary et luy
s’en allerent chez le roy.

66 variante, moins fréquente mais qui semble avoir eu la préférence de Brantôme, de


par un matin « un (beau) matin » : exemples :
Li Rois
Di-moi, fu-tu onques jalous ?
Et puis s’apelerai* Robin. * « j’appellerai » (s’ = si, adverbe de renforcement)
Gautiers
Oïl, sire, pour .j. matin
Que j’oïs hurter l’autre fie* * « quand j’entendis frapper l’autre fois »
A l’uis de la cambre m’amie ;
Si en soupechonnai .j. home. Adam de La Halle, Li Gieus de Robin et de Marion

Estant seulet auprès d’une fenestre


Pour un matin, comme le jour poignoit Clément Marot

le cosmographe André Thevet se vante, en rappelant ses pérégrinations dans les mers du Sud,
d’avoir « pour un matin […] trouvé sur le tillat [tillac] du navire bien vingt-sept » poissons volants,
« autrefois moins, selon les lieux où nous estions » (cité par Frank Lestringant, Sous la leçon des vents)
67
le lit à colonnes est fermé par des rideaux ou courtines (d’où l’anglais
‘curtain’ « rideau ») sur chaque côté ; c’est l’un de ces rideaux de lit — et
non pas des rideaux de croisée — que le mari écarte pour révéler l’inti-
mité de sa femme à son visiteur. (Dans le meilleur des cas, les fenêtres
étaient grillagées — on disait grillées —, disposaient de persiennes et de
tentures, mais certainement pas de voilages).

L’illustration est un document Educol.net ; comme de juste, l’illustra-


teur a privilégié le lit aux dépens des courtines.
68 a) « paître » n’a pas toujours été restreint à la nourriture des animaux : Mais la dame
voulait paître encore ses yeux Du trésor qu’enfermait la bière (La Fontaine, la Matrone d’Éphèse);
b) au figuré, la forme simple a été supplantée par « repaître » (cf. repas, repu)

 Le lendemain, le gentilhomme, qui estoit fort serviteur de ceste dame honneste, luy
racconta ceste vision, et mesme luy figura beaucoup de choses qu’il avoit remarquées en
ses beaux membres, jusques aux plus cachez ; et si69 le mary le luy confirma, et que c’es-
toit luy-mesme qui en avoit tiré le rideau. La dame, de despit qu’elle conceut contre son
mary, se laissa aller et s’octroya à son amy par ce seul sujet70 ; ce que tout son service71
n’avoit sceu gagner.

69 « et d’ailleurs »
70 « La dame… s’abandonna et accorda ses faveurs à son ami pour ce seul motif »
71 dans le vocabulaire courtois, l’homme est le serviteur de la dame (cf. chevalier ser-
vant) et lui doit donc un service, comme le vassal à son suzerain dans le système féodal :
« ce que toutes ses prévenances et attentions ne lui avaient pas permis d’obtenir »

 J’ay cogneu un trés-grand seigneur qui, un matin, voulant aller à la chasse, et ses gentils-
hommes l’estant venu trouver72 à son lever73, ainsi qu’on le chaussoit74, et avoit sa femme
couchée prés de luy, et qui luy tenoit son cas75 en pleine main, il leva si promptement la
couverture qu’elle n’eut loisir de lever la main où elle estoit posée76, que l’on l’y vit à l’aise et
la moitié de son corps ; et, en se riant77, il dit à ces messieurs qui estoyent presents : « Et bien,
Messieurs, ne vous ai-je pas fait voir choses et autres de ma femme ? » Laquelle fut si despite de ce
trait78 qu’elle luy en voulut un mal extresme, et mesme pour la surprise de cette main ; et,
possible, depuis elle le luy rendit bien.

72 à supposer qu’adopter un point de vue normatif pour ce texte ait un sens, c’est la
leçon imprimée par Henri Vigneau qui serait à retenir : l’estans venus trouver.
73 Louis XIV a fait codifier en étiquette son petit et son grand lever (variante : levé ;
le mot est passé en anglais : ‘levee’), mais la pratique est bien antérieure
74 A. R. Allinson traduit “even as they were booting him” (pendant qu’on lui mettait ses
chaussures) mais Georg Harsdörffer „gerade wie man ihm die Strümpfe anzog“ (pendant
qu’on lui enfilait ses bas).
Voici tout d’abord un bon résumé de la situation par Lazare Sainéan, la Langue de Rabelais, I
(1922), p. 159 :
Une des révolutions les plus importantes dans l’histoire du costume [masculin] est le remplacement,
pendant la seconde moitié du XVe siècle, des anciennes braies par des chausses, pantalons collants
auxquels, au moyen d’aiguillettes [Brantôme écrit esguillettes], était attaché le pourpoint. Vers la
même époque, les chausses complètes se différencient en haut-de-chausses et bas-de-chausses. Le pre-
mier est un caleçon court muni d’une braguette, l’un et l’autre prenant de l’ampleur principalement
sous François Ier ; le second, enveloppant la jambe et le pied, a donné naissance aux bas modernes.
Là où nous disons en proverbe « ce sont toujours les cordonniers les plus mal chaussés »,
Montaigne écrivait : « Quand nous voyons un homme mal chaussé, nous disons que ce n’est pas
merveille [ça n’a rien d’étonnant] s’il est chaussetier », où le fabricant de chausses est pré-
senté comme portant des chausses qui ne sont pas à sa taille : il n’est pas question de ce
qu’il a aux pieds.
Le Roman de Renart le Contrefait, édition de Gaston Raynaud et Henri Lemaître (1914), t. I,
pp. 281-282, Deuxième Branche, § 123 :
En ce temps, avoit deux qui se faisoient pappes : l’un esconmenioit l’autre, et l’un ne faisoit force de la
sentence de l’autre ; pour quoy le menu peuple prisoit moins (205 a) les clercs et la court de l’Eglise,
pour ce qu’ilz vëoient telle discorde entre les souverains.
En ce temps, rengnoit en Angleterre ung roy que on appelloit Guillame, qui fut Pestillent, lequel fist
monlt [lire moult] de griefs a saint Ancelme, pour laquelle chose il ǀ s’en alla en exil avec sa religion.
Advint que a ung matin, ainsi comme on le chaussoit d’unes chausses noeufves, il demanda a son
chanbellan, combien ellex avoient cousté, et il lui dist : « Trois solz. » Lors le roy ot despit, et lui dist en
fremissant : « Vil tresort [= très ort] filz de putain, appartient il au roy chausses de si petit pris ? Va
tost, et m’en aportes unes qui coustent un marc d’agent [lire argent]. » Tantost [aussitôt] cellui s’en va
au chausetier, et print unes chausses qui ne valloient pas les premieres, et lui dist du pris. « Telles, » ce
dist le roy, « appartiennent à la majesté royal. » [dans ce passage, appartenir = « convenir »]
Le verbe, sous l’influence de chausses, a pris — pour un temps — le sens de « (se) vêtir, (s’)ha-
biller » et, de là, celui encore plus général de « mettre » (comme un vêtement) : dans le Glos-
saire de sa Chrestomathie, Bartsch rend chaucier et ses variantes graphiques par „anziehen, be-
kleiden“.
Baligant, dans la Chanson de Roland : « Si l’en dunez cest guant ad or pleiet, El destre poign si li
faites chalcer », donnez-lui en gage ce gant brodé d’or et qu’il le mette à sa main droite.
Littré, chausser, HIST. se fait l’écho de La Curne de Sainte-Palaye (III, 1877, p. 273) citant Froissart : « Et
[Charles VI] chaussant son espée, et la levant contre mont pour ferir et donner un coup » ; mais chaussant tel
quel serait impossible chez Froissart : Buchon donne haussant et Kervyn de Lettenhove haulchant.
Ainsi s’expliquent
● chez Rabelais, « ce pendant qu’on chaussoit gantelets de tous costés », « il s’en chausse
comme d’une mitaine », « Attendez que je chausse mes lunettes » et « sois recors de deschausser
tes lunettes » ;
● et chez Montaigne, « cette vilaine chaussure » et « cette ridicule piece de la chaussure
de nos peres », périphrase grâce à laquelle l’écrivain évite d’écrire le mot braguette.
Dans notre passage, les gentilshommes venus assister au lever du seigneur sont témoins
d’une péripétie pendant qu’on l’habille.
75  « son sexe »
76 « il ôta si brusquement la couverture que sa femme n’eut pas le temps d’ôter sa main
d’où elle était posée »
77 « en plaisantant, en badinant »
78 « tellement irritée de cette réflexion »

 J’en sçay un autre79 d’un grand seigneur, lequel, connoissant80 qu’un sien amy et parent
estoit amoureux de sa femme, fust81 ou pour luy en faire venir l’envie davantage, ou du
depit et desespoir qu’il pouvoit concevoir de quoy il avoit eu une si belle femme et luy n’en
tastoit point82, la luy monstra un matin, l’estant allé voir83, dans le lict tous deux couchez
ensemble, à demye nuë ; et si84 fit bien pis, car il luy fit cela85 devant luy-mesme86, et la mit
en besogne87 comme si elle eust esté à part88 ; encor prioit-il cet amy de bien voir le tout, et
qu’il faisoit tout cela à sa bonne grace89. Je vous laisse à penser si la dame, par une telle
privauté90 de son mary, n’avoit pas occasion de faire à son amy l’autre91 toute entiere, et à
bon escient92, et s’il n’estoit pas bien employé93 qu’il en portast les cornes.

79 (conte « anecdote »)
80 « sachant »
81  « soit »
82 ou du depit et desespoir qu’il [le mari] pouvoit concevoir de quoy il [le visiteur] avoit eu une
si belle femme et luy [le mari] n’en tastoit point
83 « un matin où l’autre était venu le voir »
84 « et même »
85  « il lui fit l’amour »
86 « en sa présence »
87 cf. besogner chez Mellin de Saint-Gelais, Aux Hostelliers, début :
Hostelliers, vos hostes passans
De ces droits-cy sont joüissans :
Ils peuvent, en toute saison,
Besongner en vostre maison,
Par prix ou par douces prieres,
Vos filles et vos chambrieres.
88 « comme s’ils avaient été seul à seul, en tête à tête, à l’écart »
89 « par complaisance »
90 « familiarité excessive, inconvenante »
91 l’autre (privauté) « les dernières faveurs », comme on disait jadis [Corneille, Clitandre,
1632 « Ils [Rosidor et Hippolyte] avaient rendez-vous dans les bois le lendemain au lever du soleil
pour en venir aux dernières faveurs »] ; sens attesté depuis les fabliaux
92 É. Vaucheret : « vigoureusement »
93 « C’est bien employé, on a bien fait de punir ou battre cette personne-là » (Oudin)
« On dit proverbialement, C’est bien employé, parlant de celuy à qui il est arrivé par sa
faute ou par son imprudence quelque malheur ou chastiment qu’il meritoit » Furetière

Adont commencerent a cheminer vers le chastel. Mais encores devez entendre que tres grant plenté des
habitans de la fortresse estoient saillis illec pour voir la bataille, qui estoient bien joyeulx de ce que leur
seigneur estoit vaincu pour ce qu’il leur estoit tant ruide et tant divers qu’a merveilles. Et lui disoient qu’il
avoit establi ce mauvais treu [péage] du pont et que c’estoit bien employé s’il en avoit aucune
punition, car il y traveilloit [tourmentait] moult les chevaliers qui y passoient, quelz qu’ilz fussent, mais
principalement tous les chevaliers du Francq Palais ou ceulx qui se renommoient de l’ostel du noble roy
Perceforest. Sy furent tous moult joyeulx de la male fortune de leur seigneur.
Perceforest, IIIe Partie, XIII, tome I, p. 135, éd. de Gilles Roussineau, 1988

Quand le demeurant [des Flamands] qui eschapper purent, furent venus en l’ost devers leurs compagnons,
si conterent leurs aventures [la bataille de Saint-Omer, 26 juillet 1340] aux uns et aux autres ; et vinrent
les nouvelles à messire Robert d’Artois et à messire Henry de Flandre, qui peu les en plaignirent, mais dirent
que c’estoit bien employé, car sans conseil et sans commandement ils y estoient allés.
Froissart
« C’est bien employé s’il a passé pour un fripon » dit Apollon à propos de Titus, dans Bérénice.

 J’ay oüy parler d’un autre et grand seigneur, qui le faisoit94 ainsi à sa femme devant un
grand prince, son maistre, mais c’estoit par sa priere et commandement, qui se delectoit à
tel plaisir. Ne sont-ils pas donc ceux-là coulpables, puisqu’ayant esté leurs propres maque-
reaux95, en veulent estre les bourreaux96 ?

94  « faisait l’amour »
95  maquereau « homme qui vit de la prostitution des femmes, souteneur, proxénète »
et son pendant maquerelle « tenancière de maison close », tous deux attestés depuis le Roman
de la Rose, sont empruntés (avec métathèse) au moyen-néerlandais makelare (moderne make-
laar) « intermédiaire, agent, courtier »
96 donc leurs propres bourreaux ; serait-ce une réminiscence du titre de la pièce de
Térence, Heautontimoroumenos (Ménandre : Ἑαυτὸν τιμωρούμενος), le Bourreau de lui-
même ?

 Il ne faut jamais montrer sa femme nuë, ny ses terres, pays et places, comme je tiens
d’un grand capitaine, à propos de feu M. de Savoye97, qui desconseilla et dissuada nostre
roy Henry dernier98, quand, à son retour de Pologne, il passa par la Lombardie, de n’aller
ny entrer dans la ville de Milan, luy alleguant que le roy d’Espagne99 en pourroit prendre
quelque ombre ; mais ce ne fut pas cela : il craignoit que le roy y estant, et la visitant
bien à point, et contemplant sa beauté, richesse et grandeur, qu’il ne fust tenté d’une
extresme envie de la ravoir et reconquerir par bon et juste droit, comme avoyent fait ses
predecesseurs. Et voylà la vraye cause, comme dit un grand prince qui le tenoit du feu
roy, qui cognoissoit ceste encloueure100. Mais, pour complaire à M. de Savoye et ne rien
alterer du costé du roy d’Espagne, il prit son chemin à costé, bien qu’il eust toutes les
envies du monde d’y aller, à ce qu’il me fit cet honneur, quand il fut de retour à Lion, de
me le dire : en quoy ne faut douter que M. de Savoye ne fust plus Espagnol que François.

97 Emmanuel-Philibert [1528-1580], dit Tête-de-fer ou le Prince à cent yeux ; il épousa


Marguerite de Valois, fille de François Ier et de Claude France, et sœur d’Henri II.
98 Henri III [1551-1589]
99 Philippe II [1527-1598]
100 « difficulté, obstacle, inconvénient »

 J’estime les marys aussi condamnables, lesquels, aprés avoir receu la vie par la faveur
de101 leurs femmes, en demeurent tellement ingrats que, pour le soupçon qu’ils ont de
leurs amours avec d’autres, les traitent trés-rudement, jusques à attenter sur leurs vies.
J’ay oüy parler d’un seigneur sur la vie duquel aucuns conjurateurs ayant conjuré et
conspiré, sa femme, par supplication, les en destourna, et le garantit102 d’estre massacré ;
dont depuis elle en a esté trés-mal recogneuë103, et traittée trés-rigoureusement.

101 « grâce à »
102 « lui évita »
103 « ce qui ne lui a guère valu de reconnaissance, ce dont elle a été mal récompensée »
Quand la livre était l’unité monétaire, l’écu valait 3 livres.
 J’ay veu aussi un gentilhomme104, lequel ayant esté accusé et mis en justice pour avoir
fait trés-mal son devoir à secourir son general en une battaille, si bien qu’il le laissa tuer
sans aucune assistance ny secours, estant prés d’estre sentencié et d’estre condamné
d’avoir la teste tranchée, nonobstant105 vingt mille escus qu’il presenta pour avoir la vie
sauve, sa femme106 ayant parlé à un grand seigneur de par le monde et couché avec luy
par la permission et supplication dudit mary, ce que l’argent n’avoit pu faire, sa beauté
et son corps l’executa ; et luy sauva la vie et la liberté. Du despuis107, il la traita si mal que
rien plus108. Certes, tels marys, cruels et enragez, sont trés-miserables109.

104 Dans la notice qu’il consacre à Pierre d’Ossun († 1562), Brantôme est plus explicite :
Nostre roy Henry dernier troisiesme, par la solicitation de la reyne sa mère [Catherine de Médicis], fit
constituer prisonnier le sieur de Saincte-Souline [Joseph d’Oineau (ou Doineau), seigneur de Sainte-So(u)-
line], pour avoir manqué au secours de son general, M. d’Estrozze [Filippo Strozzi], à Sainct-Michel et à
La Tercière [S. Miguel, Terceira, deux des Açores, le 26 juillet 1582], et son procès s’en alloit faict, et en
danger de mort, sans la faveur de ses amis, par lesquelz il se purgea [se disculpa].
À son retour de la désastreuse expédition des Açores, Sainte-Soline fut accusé de trahison
par un autre combattant éminent, Charles II, duc de Cossé-Brissac [1550-1621] ; incarcéré
pendant près d’un an (à la Bastille, pour l’essentiel),
il fut arraché à grand’peine à la colère de Catherine de Médicis qui demandait une victime pour venger la
mort de Strozzi son compatriote, assassiné de sang-froid [par les Espagnols] après le combat. Enfin, ses
amis sauvèrent sa tête aux dépens de son honneur, en persuadant à ses juges que le cœur lui avait manqué
au moment de l’action. La honte de sa détention, le pardon humiliant qui l’avait suivie, ne le détachèrent
point cependant de la cause royale, et si on en cherchait quelque raison personnelle, peut-être faut-il se
souvenir que Brissac, son accusateur et son ennemi, se montra dès la journée des barricades [12 mai 1588]
un des plus furieux ligueurs.
Henri Ouvré, Essai sur l’histoire de la Ligue à Poitiers,
Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, Année 1854, p. 160.
105 « malgré, en dépit de » ‖ entre 1577 et 1602, l’écu valait 60 sous = 3 livres
106 Sainte-Soline épousa en 1570 Louise de Clermont, fille du seigneur de Galeraude.
107  « par la suite »
108 cf. le Prologue du Cinquiesme Livre « ils sont tous tant bons, tant humains, gracieux et
debonnaires que rien plus » ; Monluc « en toute la cité n’estoit demeuré que quatre vieilles
jumens, si maigres que rien plus » ; saint François de Sales (lettre du 2 novembre 1607)
« Je suis tant homme que rien plus » ; Molière, les Amants magnifiques « Il y paroit le dieu de
l’onde Et le dieu du mont Parnassus Avec tant d’éclat que rien plus ».
Littré : Que rien plus, ellipse pour : que rien ne l’est plus. Ils soutiennent qu’un tel repentir
[sincère, à l’article de la mort] est si rare que rien plus, Anal[yse raisonnée] de Bayle, t. III, p.
282.
109 « méprisables »

 D’autres en ay-je cogneu qui n’ont pas fait de mesmes, car ilz ont bien sceu recognois-
tre le bien d’où il venoit110, et honoroyent ce bon trou toute leur vie, qui111 les avoit sau-
vez de mort.

110 (latinisme) « ont su manifester leur reconnaissance envers l’origine du bien qu’on
leur avait fait »
111 a pour antécédent ce bon trou

 Il y a encor une autre sorte de cocus, qui ne se sont contentez d’avoir esté ombra-
geux112 en leur vie113, mais allans mourir et sur le poinct du trespas le sont encores ; com-
me j’en ay cogneu un qui avoit une fort belle et honneste femme, mais pourtant qui ne
s’estoit point tousjours estudiée114 à luy seul ; ainsi qu’il vouloit115 mourir, il luy disoit :
« Ah ! ma mye, je m’en vais mourir ! Et plust à Dieu que vous me tinssiez compagnie, et que vous et
moy allassions ensemble en l’autre monde ! Ma mort ne m’en seroit si odieuse, et la prendrois plus
en gré116. » Mais la femme, qui estoit encore trés-belle et jeune de trente-sept ans, ne le
voulut point suivre ny croire pour ce coup-là, et ne voulut point faire la sotte, comme
nous lisons de Evadné117, fille de Mars et de Thébé, femme de Capanée, laquelle l’ayma si
ardemment118 que, luy estant mort, aussitost que son corps fut jetté dans le feu, elle s’y
jetta aprés toute vive, et se brusla et se consuma avec luy par une grande constance et
force, et ainsi l’accompaigna à sa mort.

112  « soupçonneux »
113 « leur vie durant, de leur vivant »
114 « réservée »
115 « s’apprêtait à »
116 « je l’accepterais plus volontiers »
117 Évadné (Εὐάδνη), femme de Capanée (Καπανεύς), un des Sept contre Thèbes, qui s’étant
proclamé indestructible et ayant ainsi fait preuve d’ὕϐρις (mélange d’arrogance, d’orgueil, de
présomption, d’outrecuidance, de suffisance, d’insolence), fut foudroyé par Zeus ; ses restes
furent brûlés et sa veuve, au désespoir, se jeta sur le bûcher. Ironie dramatique : (Eschyle dé-
crit le bouclier de Capanée) l’emblème en est un homme nu portant une torche (ἔχει δὲ σῆμα
γυμνὸν ἄνδρα πυρφόρον) et la devise en lettres d’or « je brûlerai la ville » (πρήσω πόλιν). — Je
n’ai trouvé aucune piste reliant une Évadné (il y en a plusieurs) à une Thébé (Θήϐη ; même
remarque), même en substituant Arès à Mars.
118 dans un énoncé où le feu constitue le motif central, ardemment est-il une « pointe » ?

 Alceste119 fit bien mieux, car, ayant sceu par l’oracle que son mary Admette, roi de
Thessalie, devoit mourir bientost si la vie n’estoit racheptée par la mort de quelque autre
de ses amis, elle soudain se precipita à la mort, et ainsy sauva son mary.

119 (Ἄλκηστις est le titre d’une pièce d’Euripide) son mari (dont le nom Ἄδμητος Admète
veut dire « indomptable ») est roi de Φεραί Phères, localité de Thessalie (le nom moderne
est Φερές) qui doit son nom au père d’Admète, Φέρης Phérès.

 Il n’y a plus meshuy120 de ces femmes si charitables, qui veulent aller de leur gré dans
la fosse121 avant leurs marys, ny les suivre. Non, il ne s’en trouve plus : les meres en sont
mortes122, comme disent les maquignons123 de Paris des chevaux, quand on n’en trouve
plus de bons.

120 « désormais » ; de mais + hui « aujourd’hui » (il existe aussi une forme symétrique
huimais, de même sens)
121 pour la spécialisation du sens, cf. « fosse commune » et « fossoyeur »
122 locution phrastique (phrase figée) pour dire que quelque chose est devenu introuvable
● L’Estoille, octobre 1610 :
Le mesme [saint Bernard] raconte d’un abbé, nommé Sisoy, lequel, ayant, un jour trouvé un de ses
moines qui pleuroit, lui en aiant demandé la raison : « J’ay bien occasion, mon Pere (lui respondit-il),
de pleurer, car il y a jà deux ans entiers que Dieu ne s’est point souvenu de m’envoier quelque maladie ». Je
crois que, de tels moines, la mère en est morte.
● Tahureau :
Mais où m’en pescheré-vous un de ces bons espris et tant homme de bien qui desire plustost la mort que son
profit ? Il y a long tems que la mere en est morte !
● Henry Prunières [1886-1942], Histoire de l’opéra italien en France avant Lulli, Paris, 1913,
p. XV, note 6 :
Dans une curieuse lettre, datant sans doute des années 1520-1525, Claude de Sermisy [dit Claudin]
répondit au duc de Ferrare, qui lui avait demandé de lui fournir des chantres : « il est fort difficile de
trouver bons enfans pour le present en France. Je croy que la mere en est morte. »
Mais un dépouillement récent, l’ouvrage de Pierre Enckell (déjà mentionné), permet de
relever une datation antérieure :
● Le Mistere du Viel Testament (1500 env.), I, 140 : [Avec jeu de mots, puisqu’il s’agit de
la mort d’Ève]
ENOS O mérë a tous les humains,
Qui te eust creu voir en ceste sorte ?
CAYNAM Tous en auront ne plus ne mains.
S’en est fait, la mére en est morte.
P. Enckell indique même une variante assez réjouissante qui orne le tome VII du Recueil
de poésies françoises des XVe et XVIe siècles, d’Anatole de Montaiglon (1857). Le texte, inti-
tulé la Désolation des frères de la robe grise, pour la perte de la marmite, qu’est renversé [sic], est
une pièce protestante imprimée à Lyon en 1562 :
Nostre bissac, jadis tout plein d’andouilles,
N’est plus rien rapportant ;
Nous avons beau contrefaire grenouilles,
Criant et barbottant,
Nostre frere Judas, sur son espaule forte,
Ne rapporte,
En la sorte
Que souloit, deniers ;
De nous donner la grand mere en est morte.
Remarque — On a dit de même « le moule en est cassé », cf. une des épitaphes de l’acteur
Baron [† 1729] :

123 Selon TLFi, probablement issu de maquereau « courtier » [voir plus haut note 95],
avec substitution de suffixe sous l’influence de barguigner (FEW t. 16, p. 504).

 Et voylà pourquoy j’estimois ce mary, que je viens d’alleguer124, malhabile de tenir ces
propos à sa femme si fascheux, pour la convier à la mort, comme si ce fust esté quelque
beau festin pour l’y convier. C’estoit une belle jalousie qui luy faisoit parler ainsy, qu’il
concevoit en soy du desplaisir125 qu’il pouvoit avoir aux enfers là-bas126, quand il verroit
sa femme, qu’il avoit si bien dressée127, entre les bras d’un sien amoureux ou de quelque
autre mary nouveau.

124  « de citer »
125 « de la douleur, du chagrin, de la peine »
126 « là en-bas »
127  « formée »

 Quelle forme de jalousie voilà, qu’il fallust que son mary en fust saisy alors, et qu’à
tous les coups il luy disoit que, s’il en reschappoit, il n’endureroit128 plus d’elle ce qu’il
avoit enduré ! et, tant qu’il a vescu, il n’en avoit point esté atteint, et luy laissoit faire à
son bon plaisir.

128 « ne tolérerait plus, n’accepterait plus »


 Ce brave Tancrede129 n’en fit pas de mesme, luy qui d’autre fois130 se fit jadis tant
signaler131 en la guerre sainte132. Estant sur le point de la mort, et sa femme prés de luy
dolente, avec le comte de Tripoly, il les pria tous deux aprés sa mort de s’espouser l’un
l’autre, et le commanda à sa femme ; ce qu’ils firent133.

129 Tancrède de Hauteville [vers 1072, en Italie méridionale-1112], un des héros du


Tasse dans Jérusalem délivrée. ‖ Brave n’est pas condescendant et veut dire « courageux ».
130 « autrefois » (fait curieusement double emploi avec jadis qui suit)
131 « se distingua, s’illustra » ; le verbe est formé sur signalé, qui est un italianisme
132 « la [première] croisade »
133 Voici le texte de Guillaume de Tyr et sa traduction par Guizot.
Per idem tempus, dominus Tancredus, illustris memoriæ et piæ in Domino recordationis, cuius eleemosynas
et pietatis opera, in perpetuum enarrabit omnis ecclesia sanctorum, lethale debitum persoluit. Hic dum in
supremæ lecto ægritudinis decubaret, circa se in sui obsequio adolescentem Pontium, domini Bertrami comitis
Tripolitani filium habebat; uidensque sibi mortis imminere diem, uxore sua coram se posita, Cæcilia, quæ, ut
superius præmisimus, domini Philippi Francorum regis filia erat, et prædicto iuuene, consuluisse dicitur
ambobus, ut post eius obitum iure conuenirent maritali. Factumque est ita, ut post eius ex hac luce deces-
sum, mortuo etiam domino Bertramo comite Tripolitano, eiusdem patre, prædictus Pontius, eamdem domi-
nam, prædicti domini Tancredi uiduam, uxorem duxerit.

Vers le même temps, le seigneur Tancrède, guerrier de pieuse et illustre mémoire, acquitta sa dette
envers la mort. Toute l’Église des Saints racontera à perpétuité les œuvres charitables et les libéralités
qui honorent son souvenir. Tandis qu’il était étendu sur son lit de mort, il avait auprès de lui et à son
service le jeune Pons, fils du seigneur Bertrand, comte de Tripoli. Lorsqu’il se vit près de son dernier
jour, il fit appeler sa femme Cécile, fille du roi des Français Philippe, ainsi que le jeune homme que je
viens de nommer, et leur conseilla, dit-on, à tous les deux de s’unir après sa mort par les liens du
mariage. En effet, après la mort de Tancrède et après celle du seigneur Bertrand, comte de Tripoli,
Pons, fils de ce dernier, épousa Cécile, veuve de Tancrède.

Alors que Guillaume de Tyr


nuance son affirmation par un
prudent dicitur que Guizot n’omet
pas de rendre, le traducteur en
vernaculaire du XIIIe siècle en
décide autrement, avec une
assurance dont il est permis de se
demander sur quoi elle repose.

Guillaume de Tyr et ses continuateurs


Texte français du XIIIe siècle
Paulin Paris
Firmin-Didot, 1879,
livre XI, ch. XVIII (début), p. 409.
 Pensez qu’il en avoit veu quelques approches134 d’amour en son vivant : car elle pouvoit
estre aussi bonne vesse135 que sa mere, la comtesse d’Anjou, laquelle, aprés que le comte de
Bretagne l’eut entretenuë136 longuement, elle vint trouver le roy de France Philippes, qui la
mena137 de mesmes, et lui fit cette fille bastarde qui s’appella Cicile, et puis la donna en
mariage à ce valeureux Tancrede, qui certes, par ces beaux exploicts, ne meritoit d’estre
cocu.

134 (terme de poliorcétique ou art d’assiéger les villes) « Travaux pour approcher, à
couvert, d’une place assiégée » Littré, 5o ; nous parlons encore de travaux d’approche
135 le sens premier est « Vent qui sort du corps sans bruit » (Littré), cf. vesse-de-loup
(d’où lycoperdon), déverbal de l’ancien vessir [lat. pop. uissīre, classique uisīre], puis vesser
(forme apparentée : vesner, cf. le seigneur Humevesne et le diminutif « venette », peur) ;
cf. aussi avoir vezée de paour, vesarde, vezarde « peur » (ce qui fait vesser). Cotgrave expli-
que crûment : « Panier à veſſes. C’eſt le cul. »
TLFi donne comme première attestation 1410-20 dans Les Miracles de sainte Geneviève, édition de
Clotilde Sennewaldt [Le Quart Fol, Fy, fy, tu as fait une vesse !], mais le dialogue de Salomon et Mar-
coulf, où on relève
De blanche levriere Grant saut en bruyere, Ce dist Salemons
De grosse lodiere Grant vesse pleniere, Respont lui Marcon
n’est-il pas antérieur ?
De l’emploi du mot comme insulte à l’égard d’une femme (dans la Farce du Cuvier, seconde
moitié du XVe siècle), le sens est passé à « Marie-couche-toi-là, débauchée ».
Remarque — On rencontre un jeu de mots, attesté depuis
1507, entre « vesse » et « vesce » (lentille sauvage), qui expli-
que ce passage des Historiettes de Tallemant des Réaux :

Cette madame d’Estrées [Françoise Babou de La Bourdaisière,


mère de Gabrielle d’Estrées] étoit de La Bourdaisière, la race la
plus fertile en femmes galantes qui ait jamais été en France ; on en
compte jusqu’à vingt-cinq ou vingt-six, soit religieuses, soit mariées,
qui toutes ont fait l’amour hautement ; de là vient qu’on dit que les
armes de La Bourdaisière, c’est une poignée de vesces/vesses ;
car il se trouve, par une plaisante rencontre [coïncidence], que
dans leurs armes il y a une main qui sème de la vesce. On fit sur leurs
armes ce quatrain :
Nous devons benir cette main
Qui seme avec tant de largesses,
Pour le plaisir du genre humain,
Quantité de si belles vesces.
(L’illustration a été faite à partir du blason de Montlouis-sur-Loire, commune sur le terri-
toire de laquelle se trouve le château de La Bourdaisière.)

Cécile de France [1097-après 1145] est la fille naturelle de


● Philippe Ier, quatrième des Capétiens directs, marié avec Berthe de Hollande,
et de
● Bertrade de Montfort, épouse de Foulque IV d’Anjou le Reschin (« hargneux, querel-
leur », cf. rêche) ;
elle ne sera légitimée qu’en 1104. Résumé de l’épisode par Mérimée et Lacour :
Bertrade, fille de Simon de Montfort et d’Agnès d’Évreux, cinquième femme (1088) de Foulques-Réchin,
comte d’Anjou ; elle abandonna ce prince en 1092, pour devenir la concubine, puis la femme du roi
de France, Philippe Ier (même année). Considérée comme adultère par le Pape et les conciles, elle
resta dix ans sous le coup de l’excommunication. En 1106, après la levée de l’interdit qui la frappait,
elle revint à Angers avec son second mari et fut reçue par le premier, dans cette ville, avec les hon-
neurs souverains.
136 « l’eut eue comme maîtresse »
137 « la traita »

 Un Albanois138, ayant esté condamné de-là les monts139 d’estre pendu pour quelque
forfait, estant au service du roy de France, ainsi qu’on le vouloit140 mener au supplice, il
demanda à voir sa femme et luy dire adieu, qui estoit une trés-belle femme et trés-
agreable. Ainsi donc qu’il luy disoit adieu, en la baisant il luy tronçonna tout le nez avec
belles dents141, et le luy arracha de son beau visage. En quoy la justice l’ayant interrogé
pourquoy il avoit fait cette villainie142 à sa femme, il respondit qu’il l’avoit fait de belle
jalousie, « d’autant, ce disoit-il, qu’elle est trés-belle ; et, pour ce, aprés ma mort je sçay qu’elle
sera aussitost recherchée et aussitost abandonnée à un autre de mes compagnons, car je la cognois
fort paillarde, et qu’elle m’oublieroit incontinent143. Je veux donc qu’aprés ma mort elle ait de moy
souvenance, qu’elle pleure et qu’elle soit affligée ; si elle ne l’est par ma mort, au moins qu’elle le
soit pour estre144 defigurée, et qu’aucun de mes compagnons n’en aye le plaisir que j’ay eu avec
elle. » Voilà un terrible jaloux !

138 Sous Charles VIII, au cours de la Ire guerre d’Italie, les armées françaises eurent
l’occasion d’apprendre à connaître des mercenaires originaires des Balkans que les Véni-
tiens utilisaient pour faire des reconnaissances (comme éclaireurs) et des coups de main,
parce qu’ils étaient constitués en petites unités de cavalerie légère.
Trois jalons :
• Les estradeurs [ceux qui battent l’estrade, les éclaireurs] de l’ost [l’armée] des Venitiens estoient moult
estranges, fort barbuz, sans armures et sans chausses, ayans une targette [petite targe, bouclier, d’où
l’anglais ‘target’ « cible »] en une main, et une demy lance [assagaye] en l’aultre. Souvent ils donnoient
cops fort soubdains, et quant ils peuvent tuer ung Franchois, ils lui coppent la teste et la portent aux Veni-
tiens qui leur donnent ung ducat de chascune teste. Molinet
• Estradiotz sont gens comme genetaires [cavalier monté sur un genet] : vestuz, à pied et à cheval, comme
les Turcs, sauf la teste, où ilz ne portent ceste toille qu’ilz appellent tolliban [turc tülbent « turban »], et
sont dures gens, et couchent dehors tout l’an et leurs chevaux. Ilz estoient tous Grecz, venuz des places que
les Venissiens y ont, les ungz de Naples de Rommanie [Nauplie, Το Ναύπλιο, Ανάπλι, en Argolide ; ita-
lien : Napoli di Romania ], en la Moree, aultres d’Albanie, devers Duras [Durrës, l’ancienne Δυρράχιον ;
italien : Durazzo] : et sont leurs chevaulx bons, et tous chevaulx turcs. Les Venissiens s’en servent fort, et
s’y fient. Je les avoye tous veu descendre à Venise, et faire leurs monstres [revues de troupes ; ‘muster’] en
une isle où est l’abbaye de sainct Nicolas [San Nicolò], et estoient bien quinze cens : et sont vaillans hommes
et qui fort travaillent un ost [harcèlent une armée], quant ilz s’y mettent. Commynes
• [Jean, comte d’Astarac, sieur de Fontrailles] a eu en son temps reputation d’un bon capitaine, et sur-
tout bien commandant aux chevaux legers, et les bien menant. Aussi le roy Louys [XII] son maistre l’aymoit
fort, et lui donna l’estat de couronnel general des Albanois qu’il avoit à son service : car de ce temps il ne se
parloit point de cavalerie legere françoise, sinon de la gendarmerie, qui pour lors surpassoit toutes les autres
du monde, je ne veux pas dire seulement de la chrestienté ; mais on s’aydoit desdicts Albanois, qui ont porté
à nous la forme de la cavallerie legere et la methode de faire la guerre comm’ eux. Les Venitiens appelloient
les leurs estradiotz, qui nous donnarent de la fatigue [du fil à retordre] à Fornoue [6 juillet 1495 ; furia
francese] ; ils les appelloient aussi corvats [Croates, de Hrvat ; cf. « cravate »], à cause de la nation. Les
Espagnolz appelloient les leurs genetaires. Brantôme
Estradiot est emprunté (avec voyelle prosthétique) à l’italien stradiotto, lui-même emprunté
(avec influence de strada) au grec στρατιώτης « soldat ». Voir l’œuvre en greghesco d’Antonio
da Molin, dit il Burchiella (le terme désignait la barque de louage reliant Venise à la terre fer-
me) : O Strathiotti puveretti [-th- notant une spirante interdentale ?].
É. Vaucheret fait état d’un rapprochement avec l’affaire Le Voix (mai 1581, voir les Mémoires-
Journaux de L’Estoille) : le conseiller en la Cour de Parlement de Paris, apprenant par sa maî-
tresse qu’elle rompt avec lui, lui fait taillader le visage par des archers du guet et obtient sa
propre relaxe au moyen, dit-on, de pots de vin. Hormis la sauvagerie, peu de rapports avec
l’Albanais.
(M. Rat fait état du même rapprochement à propos de l’allusion vague contenue dans le para-
graphe suivant de Brantôme, ce qui est inattendu : l’appel de note aura été mal placé.)
139 « en Italie »
140 « alors qu’on s’apprêtait à le mener au supplice »
141 « à belles dents » ‖ Pierre de Larivey se sert de l’expression avec belles dents dans sa
traduction des Facetieuses nuits de Straparola (VIIIe nuit, fable IV) : « un gros singe… grimpe
amont l’arbre de la navire et entre en la gabie, où avec belles dents il desnoue les sacz » ↔ una
scimia… rattamente ascese l’arboro della nave, ed entrò nella gabbia, e cominciò trar fuori i danari
de’ sacchetti (c’est donc un ajout du traducteur)
142  « outrage »
143  « sur-le-champ, aussitôt »
144 « parce qu’elle a été »

 J’en ay oüy parler d’autres qui, se sentans vieux, caducs145, blessez146, attenuez147 et
proches de la mort, de beau depit et de jalousie secretement ont advancé les jours à148
leurs moitiez149, mesmes150 quand elles ont esté belles.

145 caduc « qui menace de tomber, près de tomber », d’où « délabré » (caducité : « Période
de la vie humaine qui s’étend de la soixante-dixième à la quatre-vingtième année, et qui
précède la décrépitude » Littré ; 1re attestation en 1588, dans les Bigarrures)
146 blessé « meurtri » (comme un fruit blet)
147 « diminués »
148 « hâté la mort de »
149  « âmes sœurs », medias naranjas ; TLFi fournit les repères suivants :
1552 ma fiere moitié désigne une femme aimée (Ronsard, Amours, Sonnet 17, 7) ;
1552 ma moitié désigne un homme aimé (Jodelle, Cléopâtre, IV) ;
1610 sa plus chère moitié désigne une épouse (Montchrestien, Reine d’Écosse, III,) ; [cf. ‘his better half�’]
1662 fam. votre moitié id. (Molière, École des femmes, I, 1).
150 « surtout »

 Or, sur ces bizarres humeurs de ces marys tyrans et cruels, qui font mourir ainsi leurs
femmes, j’ay oüy faire une dispute151, sçavoir-mon152 s’il est permis aux femmes, quand
elles s’apperçoivent ou se doutent de la cruauté et massacre que leurs marys veulent
exercer envers elles, de gaigner le devant153 et de joüer à la prime154, et, pour se sauver,
les faire joüer les premiers et les envoyer devant faire les logis155 en l’autre monde.

151 « un débat »
152 à sçavoir mon sert à introduire une citation, une énumération, une précision et corres-
pond à « c’est-à-dire » ou bien au signe de ponctuation deux-points ( : ) ; dans le cas pré-
sent, ce qui suit est l’énoncé du sujet débattu, sous la forme (héritée du latin) d’une pro-
position interrogative indirecte, cf. Rabelais « nous suons disputans, à sçavoir mon si la face
du medicin chagrin… contriste le malade » ‖ mon est une particule affirmative en usage du
XIIe au XVIIe siècle (çamon chez Molière)
153 « prendre les devants »
154 la prime était un jeu de cartes très répandu ; ici, il y a jeu de mots et l’expression signi-
fie « agir le premier »
155 Nicot définit fourrier « celuy qui marque de craye blanche les logis où chascun de ceux qui
suyvent la court, ou un grand Seigneur, ou armée doibvent loger dans ville, bourg, ou village [cela
équivaut à une réquisition]. Et parce qu’il y en a plusieurs, chascun marque au quartier qui luy est
donné par le Mareschal des logis, escrivant à la porte du logis le nom et la qualité de celuy qui y doibt
loger, avec son paraphe. »
Le mot avait pris le sens figuré d’avant-coureur : « Et cet heureux hymen, qui les charmoit si fort,
Devient souvent pour eux un fourrier de la mort », écrit Corneille, dans la Suivante.
Quand la femme se sent menacée de mort par son mari, a-t-elle le droit de prendre
les devants et de l’envoyer ad patres, préparer sa venue ultérieure, à l’instar du fourrier
qui, précédant les personnalités en déplacement, marque à la craie les demeures où elles
résideront à l’étape ?

 J’ay oüy maintenir156 qu’oüy, et qu’elles le peuvent faire, non selon Dieu, car tout
meurtre est defendu, ainsi que j’ay dit, mais, selon le monde, prou157 ; et se fondent sur
ce mot158, qu’il vaut mieux prevenir que d’estre prevenu159 ; car enfin chacun doit estre
curieux de sa vie160 ; et, puisque Dieu nous l’a donnée, la faut garder jusques à ce qu’il
nous appelle par nostre mort. Autrement, sçachant bien leur mort, et s’y aller precipiter,
et ne la fuir quand elles peuvent, c’est se tuer soy-mesme161, chose que Dieu abhore fort ;
parquoy c’est le meilleur de les envoyer en ambassade devant, et en parer le coup, ainsi
que fit Blanche d’Auverbruckt à son mary le sieur de Flavy162, capitaine de Compiegne et
gouverneur, qui trahit et fut cause de la perte et de la mort de la Pucelle d’Orleans. Et
cette dame Blanche, ayant sceu que son mary la vouloit faire noyer, le prevint, et, avec
l’ayde de son barbier, l’estouffa et l’estrangla, dont le roy Charles septiesme luy en donna
aussitost sa grace ; à quoy aussi ayda bien la trahison du mary pour l’obtenir, possible,
plus que tout autre chose. Cela se trouve aux Annales de France, et principalement celles
de Guyenne.

156 « soutenir »
157  « beaucoup »
158 « proverbe »
159 « mieux vaut prendre l’initiative que laisser l’initiative » ; se trouve déjà dans Labe-
rinto de Fortuna, o las Trescientas (1444), strophe 132 :
Por ende vosotros, algunos maridos,
si sois trabajados de aquella sospecha,
nunca vos sienta la vuestra derecha,
nin menos entiendan que sois entendidos ;
sean remedios enante venidos
que nesçesidades vos trayan dolores ;
a grandes cautelas, cautelas mayores :
más val prevenir que ser prevenidos.
160 « chacun doit prendre grand soin de (préserver) sa vie » ; cure, c’est le soin ou le souci
que l’on a de quelque chose ou de quelqu’un, cf. je n’en ai cure
161 « suicide » n’est pas attesté avant 1734 (auparavant, on disait homicide de soi mesme
ou, comme ici, se tuer soi mesme, s’occire soi mesme ; cf. ‘felo de se’) ; voici ce qu’écrit Jean-
Baptiste Racine à son frère Louis, en 1741 :
A l’égard du suicide (mot que vous avez vraisemblablement employé pour rire, car personne ne l’entend
[ne le comprend] et deux gens d’esprit me dirent hier que ce ne pouvoit estre qu’un charcutier), ce ne sera
jamais un péché fort à la mode parmi les gens de bon sens…
[les gens d’esprit feignaient de croire le mot formé à partir du latin sūs « porc, cochon » et cædĕre
« frapper, tuer »]
162 (L’ouvrage de référence reste la thèse de Pierre Champion, Guillaume de Flavy, capitaine
de Compiègne, 1906.)

Guillaume de Flavy, chef de guerre, capitaine de Compiègne, épouse en 1436 — alors qu’il
approche de la quarantaine — une fillette de 9 à 10 ans, Blanche d’Overbreuc, vicomtesse
d’Acy, dont il capte l’héritage et qu’il va, semble-t-il, maltraiter : elle trame avec Pierre de
Louvain (son futur 2e mari) l’assassinat de Flavy ; l’homicide a lieu le 9 mars 1449, avec la
complicité du barbier et de l’écuyer. (Pierre de Louvain est assassiné en 1464 par un des
frères de Flavy ; sa veuve convolera de nouveau en justes noces.) Blanche d’Overbreuc ob-
tient des lettres de rémission, dans des conditions qui ne sont peut-être pas irréprochables.

En dehors de ce fait divers tragique (cf. Marcel Schwob, Blanche la Sanglante, et Anatole France,
dans les Sept femmes de la Barbe-Bleue), ce qui a retenu l’attention dans la carrière de Guillaume
de Flavy c’est la possibilité qu’il soit à l’origine de la capture de Jeanne d’Arc : on trouve des
allégations dans ce sens dès 1445 (donc, déjà du vivant de Flavy).

Après cet état des lieux, tracé à grands traits, voici la source directe de Brantôme :
Apres ce couronnement [de Charles VII à Reims, le 17 juillet 1429], et que le petit Henry eut esté couronné
en Angleterre [Henri VI en l’abbaye de Westminster, le 6 novembre 1429, avant son 9e anniversaire],
repassa la mer, et vint en Normandie avec son armee, en l’an 1430. Et au regard de la Pucelle, feit plusieurs
escarmouches contre les Anglois autour de Paris, ou elle deffeit quatre ou cinq cents Anglois : puis s’en alla tenir
garnison dedans Compiegne, dont Guillaume de Flavy estoit capitaine. Et au comancement du mois de Iuing,
1430, messire Iehan de Luxembourg, les comtes de Hantonne et de Harondel [Arundel], en une grande com-
paignie de Bourgoignons allerent assieger ladicte ville de Compiegne : et par l’intelligence [connivence] que
ledict capitaine avoit avec eulx, esquels [à qui] il avoit vendu la Puccelle, trouva moien de l’envoier vers le roy
querir gens a diligence [en hâte], pour lever ledict siege, et la feit passer par une des portes ou le siege n’estoit.
Avant que partir elle feit dire messe bien matin en l’eglise sainct Iaques, ou elle se confessa, et receut le sainct
sacrement de l’autier [le saint sacrement de l’autel, l’eucharistie]. Et en sortant de l’eglise, ou plusieurs
gens s’estoient assemblés pour la veoir, leur dist : Mes seigneurs et amys, ie vous signifie [informe, annonce,
apprends] qu’on m’a vendue, et trahie, et que de brief [sous peu] on me fera mourir, priez Dieu pour moy. Et
comme elle fut sortye en la compaignie de .XXV. ou XXX. archiers a ung quar de lieue de ladicte ville apperceut
le duc de Luxembourg et autres ennemys du roy en grant nombre. Se cuida [crut] se saulver en ladicte ville
mais le traistre de Flavy incontinant après son partement [départ] avoit faict fermer les barres et les portes de
la ville. Parquoy fut prinse et depuis vendue et livree aux Anglois mais on ne peut [put] prouver la trahison
dudict de Flavy. Ledict en fut de Dieu pugny après. Car depuis sa femme nommee Blanche d’Anvrebruch qui
estoit belle damoiselle le souffoqua et estra‹n›gla par l’aide de son barbier lors qu’estoit couché au lict en son
chastel de Neelle en Tardenois [Nesles-en-Tardenois, dans l’Aisne]. Dont depuis elle eut grace et remission
dudict roy Charles VII parce qu’elle prouva que ledict de Flavy avoit entreprins de la faire noyer.

Jean Bouchet, Les Annalles d’Acquitaine (1524), Quarte Partie, fo XXXII (haut).
Document des Bibliothèques Virtuelles Humanistes.

 De mesme en fit une madame de la Borne, du regne du roy François premier, qui accusa
et deffera163 son mary164 à la justice, de quelques follies faites et crimes, possible enormes165,
qu’il avoit fait avec elle et autres, le fit constituer prisonnier166, sollicita167 contre luy et luy
fit trancher la teste. J’ay oüy faire ce compte à ma grand-mere168, qui la disoit de bonne
maison et belle femme. Celle-là gaigna bien le devant.
163 « déféra » pour la forme, « dénonça » pour le sens
164 Charles d’Aubusson, seigneur de La Borne [nom d’une localité de la Creuse absorbée
par Blessac en 1842] et du Dognon. Voici le commentaire succinct de l’épisode le concer-
nant dans le Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Limoges (1882) :
Ayant fait plusieurs violences à quelques monastères de son voisinage et sur ses propres vassaux, il fut emmené
prisonnier au Petit-Châtelet de Paris, et condamné, par arrêt du grand conseil du roi, à avoir la tête tranchée
pour ses excès et divers crimes ; ce qui fut exécuté, le même jour, au pilori, à Paris, le 23 février 1533. Il fut ensui-
te mis à quartiers.
Il avait épousé, le 9 mars 1525, Jeanne de Montal, fille d’Aimeri Sgr de Montal, et de Jeanne de Balzac. Une géné-
alogie manuscrite, dressée en 1657 par Pierre Robert, président et lieutenant-général de la Basse-Marche au
siège du Dorat, porte que les galanteries de cette dame, pour lesquelles son mari l’avait maltraitée, furent cause
de sa mort, elle-même ayant fait rechercher la conduite de son mari, et que ses poursuites le conduisirent à
l’échafaud.
Des prétendues galanteries de la dame, nulle nouvelle ; alors que les turpitudes du seigneur
de La Borne sont bien documentées, car il a joué de malchance.
À quelques lieues de sa demeure s’élevait le monastère de Blessac, prieuré de filles de l’or-
dre de Fontevrault, dont le prieur était Jean d’Aubusson, son propre frère, et la prieure Fran-
çoise d’Aubusson (appartenant à la branche des seigneurs de Villac). Lorsque Renée de
Bourbon [1468-1534], fille de Jean VIII de Bourbon-Vendôme et d’Isabelle de Beauvau, vingt-
septième abbesse de Fontevrault, fut enfin en mesure de réformer son ordre, deux enquêtes
furent diligentées sur les déportemens des dirigeants de la maison de Blessac ; les rapports
(publiés par Alfred Leroux en 1886 dans Chartes, chroniques et mémoriaux pour servir à l’histoire
de la Marche et du Limousin, document CXVIII = pp. 152-183) laissent assez apparaître que les
deux frères se croyaient tout permis.
Madame de La Borne (qui n’avait pas besoin de faire « rechercher la conduite de son mari »
pour être édifiée sur son compte) a dû profiter de l’aubaine que représentaient pour elle les
enquêtes en cours pour porter plainte contre lui et charger la barque.
165  « peut-être abominables »
166 « obtint une prise de corps »
167 « intenta une action en justice » (cf. solliciteur, devenu en anglais britannique ‘solicitor’)
168 Louise de Daillon du Lude, dame d’honneur de la sœur de François Ier, Marguerite de
Valois ou d’Angoulême ou d’Alençon ou de Navarre.

 La reine Jeanne de Naples premiere169 en fit de mesmes à l’endroit de l’infant de Major-


que170, son tiers mary, à qui elle fit trancher la teste pour la raison que j’ay dit en son Dis-
cours171 ; mais il pouvoit bien estre172 qu’elle se craignoit173 de luy et le vouloit depescher174
le premier : à quoy175 elle avoit raison, et toutes ses semblables, de faire de mesme quand
elles se doutent de176 leurs gallants.

169 Jeanne Ire d’Anjou-Sicile [vers 1328-1382]


170 Jacques de Majorque [1336-1375], prince d’Achaïe
171 voici le paragraphe auquel l’écrivain renvoie le lecteur :
Elle espousa aprés, pour son tiers mary, ung nommé Jacques de Tarancon [d’Aragon], infant de Major-
que, qui estoit pour lors tenu le plus deliberé, dispost et beau personnage qui se trouvast en la place,
qu’elle ne voulust pourtant qu’il portast tiltre de roy, ains de simple duc de Calabre ; car elle vouloit
seule dominer et regner, et ne vouloit plus avoir de compaignon, ainsin qu’elle faisoit bien ; et luy
monstra bien aussy ; car, ayant sceu qu’il s’estoit donné à une autre femme (malheureux qu’il estoit,
car de plus belle n’en pouvoit-il choisir que la sienne,) lui fit trancher la teste, et ainsy mourut.
Brantôme cite sa source : Pandolfo Collenuccio, Compendio delle historie del Regno di Napoli,
(publication posthume en 1548) :

En réalité, le 3e mari mourut en Espagne, loin de la reine Jeanne, de ses blessures ou bien
empoisonné, on ne sait.
172 « peut-être » (conjugué à l’imparfait)
173 « se méfiait »
174 « l’expédier, le tuer » (l’anglais ‘to dispatch’ et le castillan despachar connaissent égale-
ment cette acception)
175 « en quoi »
176 « quand elles craignent » cf. redouter

 J’ay oüy parler de beaucoup de dames qui bravement se sont acquittées de ce bon offi-
ce177 et sont eschappées par ceste façon ; et mesmes j’en ay cogneu une, laquelle, ayant
esté trouvée avec son amy par son mary, il n’en dit rien ny à l’un ny à l’autre, mais s’en
alla courroucé et la laissa là-dedans avec son amy, fort panthoise178 et desolée179 et en
grand alteration180. Mais la dame fut resoluë jusques là de dire181 : « Il ne m’a rien dit ny fait
pour ce coup182, je crains qu’il me la garde bonne183 et sous mine184 ; mais, si j’estois asseurée qu’il me
deust faire mourir, j’adviserois185 à lui faire sentir la mort le premier. » La fortune186 fut si bonne
pour elle, au bout de quelque temps, qu’il mourut de soy-mesme ; dont bien luy en prit187,
car oncques puis il ne luy avoit pas fait bonne chere188, quelque recherche189 qu’elle luy fit190.

177 « ont courageusement rendu ce service » (cf. officieux « qui aime rendre service »)
178 « penaude »
179 « tourmentée, mortifiée »
180 « trouble, émotion » (cf.  altere(s) et altéré, s’altérer)
181 « fut déterminée au point de dire »
182  « pour cette fois »
183 La garder à quelqu’un, la lui garder bonne, Conserver du ressentiment contre quel-
qu’un, et attendre l’occasion de se venger. Dictionnaire de l’Académie.
184 « secrètement » cf. Littré, mine 2, 4o : « Dans l’antiquité et le moyen âge, cavité que,
dans les sièges, l'on pratiquait sous des murailles, sous une tour, etc. ; on étançonnait, puis
le mineur, mettant le feu aux étançons, se retirait ; les étançons manquaient et la muraille
s’écroulait » et TLFi, mine2 : 1578 « cavité souterraine pratiquée sous un rempart, un roc
pour les faire sauter au moyen d’explosifs »
185 « je veillerais »
186 « le hasard, la chance, le sort »
187 « ce qui fut une chance pour elle » cf. Littré, prendre, 64o.
188 « car jamais depuis l’incident il ne lui avait fait bon visage » ; le mot est passé en
anglais : ‘cheer’.
189 « ouvertures, avances »
190 on attendrait fist.

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