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Ville de lumière

La lumière des étoiles suffisait pour éclairer la ville en contrebas. Les murs de chaux lui donnaient
un aspect fantomatique, comme une lueur spectrale sur le fond noir du désert de pierres
volcaniques. Par endroits, la brise douce mais permanente semblait faire onduler l'espace, remous
des dernières volutes de chaleur avant le prochain lever de soleil.
D'un pas lent et précautionneux, le prince Arthur de Vizant guidait son cheval par la bride dans la
descente qu'il devinait traîtresse. Voyager de nuit n'était pas très prudent ; mais la canicule diurne ne
lui permettait pas de parcourir la distance autrement. A chaque fois que c'était possible, il avait
préféré attendre patiemment, dans un abris relatif, que les températures chutent jusqu'à devenir
acceptables, pour eux deux.
Son compagnon n'avait qu'une seule fonction, porter l'eau, suffisamment pour toute la traversée. Et
quand il voyait toutes ces outres, maintenant plates, il ne pouvait que se réjouir d'avoir la ville en
vue. Il était temps, grand temps, d'y parvenir. Il leva les yeux encore une fois sur le chemin
parcouru et réussi enfin à deviner l'anfractuosité dans le vieux cratère qui délimitait l'accès – on ne
pouvait pas décemment l'appeler une route ou même un chemin – vers la cité millénaire. Après un
dernier hochement de tête, menton en avant, marquant sa satisfaction au regard des efforts
accomplis, il reparti, espérant terminer la nuit sur une vraie couche. Il touchait au but.

Aucune enceinte ne protégeait les habitations ; contre quoi auraient-ils eu à se défendre ? Pas même
le tyran le plus fou n'oserait envoyer une armée ici. Ce serait du suicide. Des bêtes sauvages ? Pas
une ne pourrait survivre dans un tel enfer. Et puis, quelle en serait la raison ? Qui voudrait attaquer
de vieux sages sans aucune richesse matérielle ?
Arthur connaissait bien l'histoire de la ville. Elle était chantée par les troubadours dans toutes les
cours de ce monde. Il fondait tous ses espoirs en elle. Elle serait sa voie de secours, sa dernière
possibilité d'exister par lui-même. Et puis il pourrait enfin satisfaire sa curiosité presque maladive,
et tant attisée par le mystère du miracle de la survie d'une communauté dans cet environnement. Il
se la chantait inlassablement depuis sa sortie des geôles de son père.

Il était une fois un vieil érudit qui souhaitait transmettre son savoir.
Il s'en fut voir son roi, lui quémandant des fonds pour ouvrir une école.
Ce dernier lui rit au nez, « A une deuxième je ne peux pourvoir.
La nôtre ne vous plaît pas ? »

Il était d'un autre courant de pensées, nouvel en cet ancien temps.


Il avait si peu d'adeptes que les cours se moquèrent de sa gloriole.
Partout on lui fit la même réponse, « Vous n'aurez rien. Fichez le camp !
Et qu'on ne vous revoie pas ! »

Déçu mais résolu, il décida de s'installer là où nul ne le chasserait.


Pierre par pierre, les mains en sang, il érigea les prémices de ce symbole.
Envers et contre les hommes ou les éléments, il décida qu'il survivrait.
Face aux seules années il succomba !

C'est ainsi que naquit la ville de lumière, îlot improbable de blancheur,


Refuge des penseurs déchus, poètes, philosophes et autres fols.
Toutes les nouvelles idées y sont accueillies comme la fraîcheur.
Là-bas, l'exclusion n'existe pas !

Oui, il sera chez lui là-bas. Il n'aura pas à cacher sa soif de connaissances, son amour de l'Histoire et
de la philosophie, son dégoût des armes et de la violence. Il n'aura plus à subir les tourments sans
fin de sa sorcière de marâtre. Cette peste l'avait maudit. Il en était sûr. Il jouait trop de malchance
depuis qu'elle avait enfin donné un fils au roi. Elle voulait se débarrasser de lui pour placer son
ultime rejeton sur le trône. Grand bien lui fasse ! Ses manigances avaient parfaitement fonctionné. Il
avait finit en prison sous l'opprobre générale. Elle n'avait simplement pas anticipé que son père ne
pourrait se résoudre à l'exécuter et qu'il préfèrerait l'exil. Il était libre maintenant. Et il avait choisi
sa voie.

Parvenu au bas de la déclinaison, rênes à la main, il dirigea son cheval avec entrain vers la toute
première bâtisse. Cette dernière portait, gravé sommairement dans la façade, l'insigne universel de
bienvenue des auberges, des couverts croisés surmontés d'un gobelet. Il fut immédiatement surpris
d'entendre ce qui ressemblait au son d'un petit écoulement liquide permanent. De l'eau à l'air libre
dans un tel lieu ? Il fit rapidement le tour en longeant le mur, glissa sur une flaque et vint percuter
un abreuvoir taillé dans la masse. Il réussit à ce moment l'exploit de jurer contre tous ses dieux,
cette harpie de magicienne et l'hématome qu'il venait de s'octroyer sur le genou, et de remercier
dans le même temps ces mêmes dieux de l'aubaine que cette manne représentait. Plus direct, et
beaucoup moins expressif, son compagnon se contenta de plonger sa tête jusqu'à la crinière pour se
rafraîchir et boire à satiété.
Après avoir reproduit l'exercice à son échelle, il décida que cette énigme pourrait aussi bien être
résolue le lendemain et il se mit en quête d'un lit. Poussant la porte battante, qu'il devinait juste
derrière, il alluma sa lanterne de voyage. Malgré la faible luminosité, il constata que la maison ne
comportait qu'une pièce principale, sans fenêtre, probablement pour se protéger de la chaleur
pendant la journée. En son centre, une petite fontaine suintante. Son eau était tiède mais claire.
Autour, des présentoirs de pierre contenaient des creusets emplis de fruits séchés. Dans des alcôves,
sur un des murs, quelques couvertures légères étaient à disposition. Tout semblait lui dire : « Sers-
toi, reposes-toi, tu es chez toi, nous viendrons bientôt t'accueillir. »
Il succomba à l'appel de la couche de toile, épaisse de végétaux secs, qui l'attendait dans un des
recoins. En quelques instants, il s'endormait, comme un enfant, laissant ses pensées l'emporter vers
l'espoir des prochaines rencontres.

Lorsqu'Arthur s'éveilla, la journée était déjà bien entamée. Il piocha quelques figues et amandes, but
quelques gorgées et se dirigea vers l'extérieur. A part le claquement des sabots du débrouillard qui
avait trouvé deux maisons plus loin un enclos couvert, avec un autre de ces abreuvoirs, il
n'entendait aucun signe d'activité. Inquiet, il prit la précaution élémentaire de draper son foulard sur
la tête, monta ses verres fumés pour se protéger les yeux, et partit explorer la blanche cité.

Personne ! Pas âme qui vive ! Oh, il reconnut vite les lieux d'études ou de réunion, les vergers
abrités artificiellement ou encore les systèmes de capture d'humidité de l'air. Il s'émerveilla du
système de canalisations et de distribution d'eau, brillant de simplicité dans son cycle perpétuel
d'écoulement, nivellement et redistribution. Pas besoin de pompe ici. Pas de stagnation non plus
avec ces suintements à la base, si vite asséchés. Oui, c'était brillant. Il ne manquera pas d'eau ici.
Il s'effara devant le cimetière à ciel ouvert et ses rangées bien ordonnées de stèles sans sépulture. Il
comprit vite qu'ici, il était impossible d'enterrer les défunts. Ils étaient laissés à l'air libre, dans une
zone protégée de la vue, mais en plein soleil. Les corps devaient se dessécher rapidement et les os
s'user au vent. Celui-ci était particulièrement renforcé dans cette zone, confluence de courants
ascendant et descendant le long des parois de l'immense cratère.
Dans l'espace de culture, il identifia les conséquences d'un abandon de longue date. La végétation, à
la croissance non maîtrisée, avait reprit ses droits jusqu'aux limites de la protection fournie par la
couverture du toit de branchages tressés. Cela lui prendrait des semaines pour tout mettre en ordre,
discipliner les plants, organiser son futur garde-manger. C'est également là qu'il découvrit avec
délectation la présence d'une ruche en activité, ainsi que des signes de passage frais de volailles,
chienlit encore humide et une sorte de poulailler empli d'un fin duvet qui n'aurait pas résisté au
temps. Effrayées par sa présence, elles avaient dû se cacher à son arrivée. Il se mettrait en chasse
plus tard.
Il ne trouva pas de bibliothèque, de journal d'activités ou de récit sur l'histoire de la petite ville. Les
mystères perdureront. Et, à la réflexion, cela n'était pas surprenant. Les hommes ici devaient vivre
en autarcie autant que possible, limitant les échanges avec l'extérieur. Comment auraient-ils fait
pour se procurer du papier ou encore de l'encre ? Ils n'étaient pas équipés pour le fabriquer eux-
mêmes. La tradition d'enseignement devait être essentiellement orale. Dommage qu'il n'y ait plus de
professeur.
Le dernier d'entre eux, il le trouva sur une couche, squelette bien blanc, intact et parfaitement
nettoyé, les bras croisés sur la poitrine en une dernière prière. Il était mort seul. Personne n'avait
veillé sa dépouille. Ce serait l'une de ses toutes premières tâches, s'assurer de son rapprochement
avec ses frères en exil, graver la pierre tombale d'un inconnu.

Le poids de sa situation l'accabla subitement et il s'écroula sur le sol poussiéreux. Subjugué par
l'image du sort qui l'attendait, il tenta en vain de retenir ses larmes. Personne ne venait jamais ici.
Les habitants étaient morts de vieillesse, ignorés du monde entier. Il ne croiserait que des fantômes
jusqu'à la fin de son existence.
Ses aspirations ne valaient guère mieux qu'une chanson. Lui, le prince déchu par un père ne
comprenant pas sa volonté d'indépendance, sa curiosité intellectuelle et son envie de changement,
n'avait pourtant d'autre possibilité que de rester là. Les bras encerclant ses jambes fatiguées, les
poings serrés sur cette frustration supplémentaire, Arthur se résolu à l'évidence. Il ne pouvait même
pas bénéficier du réconfort d'une incertitude, d'un doute ou d'un espoir. Sa fin serait longue et
cruelle, car il n'abandonnerait jamais. Le pouvoir de cette sorcière était bien réel. Il était maudit.
Maudit !!

« Non, non, non ! », furent les dernières paroles que les esprits mauvais, chargés de le tourmenter,
l'entendirent proférer.

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