La Foule

zéro–infini
Chapitre 1 (unité – dualité – la meute – la masse)
Commissariat : Guillaume Désanges, assisté de Mélanie Mermod (Work Method)
VUES DE L’EXPOSITION
VUES DE L’EXPOSITION
VUES DE L’EXPOSITION
VUES DE L’EXPOSITION
 La Foule
zéro–infini
J O U R N A L D E L ’ E X P O S ITI O N
Commissariat : Guillaume Désanges, assisté de Mélanie Mermod (Work Method)

Une exposition sur la foule iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

sans représentation de foule. Dans la lignée de la pensée
Tentatives d’éclairages par du sociologue Elias Canetti, le
l’obscurité motif de la foule se fait l’écho
de la notion ontologiquement
politique de communauté, mais
La Foule (0-infini), est un projet concerne tout aussi bien une
d’exposition en deux chapitres qui histoire des formes.
prend comme point de départ une Idéellement, la foule naît de la
notion “la foule”, et un livre, fondamental
pour saisir les enjeux de cette idée :
formation paradoxale d’une
“Masse et Puissance” d’Elias Canetti. “individualité collective”, un
Ces deux éléments étant un point regroupement physique
de départ plutôt intuitif du projet, il peut-être, mais qui aborde la question de sujets partageant
fallait articuler l’exposition en tentant du contrôle de la foule sans non plus la momentanément un objectif
d’éviter deux écueils, toujours présents représenter directement), c’est qu’il me commun. Un regroupement
dans une exposition thématique : paraissait intéressant de montrer que pouvant atteindre
l’illustration d’un côté, l’hermétisme l’on peut problématiser la question de l’”innombrable”, qui fascine
de l’autre. Organiser une exposition la masse humaine sans forcément la
signifie pour moi avancer dans une
autant qu’il effraie par sa
montrer. Chaque œuvre suscite donc
logique de balancement permanent, de l’interrogation sur sa propre présence monstruosité physique et sa
contrepoints, d’équilibre-déséquilibre. dans l’exposition thématique, et puissance incontrôlable, mais
S’efforcer de simplifier ce qui apparaît propose des lectures multiples. aussi sa volatilité. D’un point de
trop obscur et complexifier ce qui Si l’exposition apparaît dans l’obscurité, vue formel, le motif de la foule
apparaît trop évident. Le cinéaste c’est d’abord parce que la présence de aborde la représentation d’un
François Truffaut expliquant sa nombreuses vidéos, et notamment tout composé d’une somme
méthode de travail disait qu’il fallait l’installation de Nicolas Moulin d’éléments caractéristiques,
“tourner contre le scénario et monter volontairement placée à l’entrée, aurait
contre le tournage”. De la même façon, obligé à cloisonner l’espace, ce qui
donc la fractalité, mais
concevoir une exposition pourrait aurait été dommage compte tenu du évoque aussi la tradition
signifier définir une liste d’artistes contre volume intéressant du bâtiment. De là ornementale du grotesque,
la thématique et installer l’exposition l’idée que les vidéos donnent le la de comme organisation visuelle
contre la liste d’artistes. De fait, chaque la luminosité générale, et que chaque semblant donner un ordre à
œuvre est là pour l’exposition et pour œuvre soit ensuite éclairée selon cette une réalité multichangeante.
autre chose, elle éclaire le sujet et dans contrainte. Une exposition “Black Box” Mais cette investigation sur la
le même temps l’emmène ailleurs, ouvre (la boîte noire de la salle de spectacle) foule, la masse, ne peut pas se
des perspectives tout en contestant la qui s’oppose au “White Cube” (le cube
circonscription thématique. De la même blanc) de l’art contemporain. L’idée
faire sans considérer d’abord
façon l’accrochage des œuvres dans est que chacune des œuvres puisse son contrepoint, la question
l’exposition dévie temporairement leur ainsi dialoguer avec les autres dans le de l’absence et du néant, de
réception, les éclaire différemment, même espace, en assumant l’aspect l’individu isolé apparaissant au
crée des liens précaires en termes passablement théâtral de l’ensemble. Ce monde, puis de son rapport à
formels et conceptuels. Bref, il faut créer choix est aussi une affirmation formelle l’altérité et au groupe, première
ce désordre tout en s’efforçant d’éviter de l’autonomie de chaque pièce, qui, étape vers la constitution d’une
la cacophonie. malgré l’association thématique, crée communauté. Dans cette
Dans ce premier chapitre de l’exposition, ou circonscrit chacune son halo de
s’il n’y a aucune représentation de
perspective, l’exposition se
lumière.
foule humaine, et aucune œuvre construit progressivement selon
traitant directement cette thématique un scénario continu qui mène de
(à l’exception d’Anna Ådahl, Guillaume Désanges l’un au multiple.

Le premier chapitre de ce
projet, qui se déroulera en
deux temps, ne comporte
volontairement aucune
représentation de foule
humaine. Il propose d’aborder
ce sujet complexe de manière
abstraite, voire paradoxale,
à travers un choix d’œuvres
dont le rapport à l’unité et à
la multitude est sensitif plus
qu’illustratif, formel plus que
discursif, indirect plus que
manifeste. Du monochrome
comme effacement du sujet
jusqu’à la multitude chaotique
ou faussement contrôlée
de l’amoncellement, en
passant par des structures
organiques ou sociales qui,
telles des “cristaux de masse”,
développent des embryons
de comportement unitaire. Il
s’agit de problématiser un sujet
de manière sensible, révélant
des éclairages particuliers
et des liens précaires entre
des oeuvres qui échappent
individuellement à la
circonscription thématique.
Dans une période où politique
et économie mondiales
semblent prôner l’échelle
individuelle comme valeur
absolue, où les formes de
contre-pouvoir ont souvent
pris comme angle d’attaque la
reconnaissance des minorités
ou les micro-résistances
localisées, l’échelle de la foule,
de la multitude, de la masse, et
le malaise qu’elle peut susciter
apparaissent peut-être plus
subversif qu’il n’y paraît à
première vue. C’est aussi ce que
ces deux expositions entendent
progressivement éclairer.
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii évoquant différents moyens et
À VENIR:
LA FOULE (0-INFINI) Chapitre 2
de septembre à novembre 2008
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
2
u Anna Ådahl
Democracy
2007
Photographies couleurs.
Courtesy de l’artiste.
Production Work Method.
u Human Pyramid
2007
Structure métallique.
Courtesy de l’artiste.
Production Work Method.
Le projet Staging Independence
d’Anna Ådahl, inspiré entre
autres de la pensée d’Elias
Canetti, consiste en cinq œuvres
stratégies de rassemblement,
d’organisation et de maîtrise de
la foule. Ces éléments jouent
sur les frontières troubles entre
contrôle et chaos, soumission
et émancipation, loisirs et
répression.
Les pièces Democracy et Human
Pyramid, présentées dans ce

Vladimir Tatline,
Modèle du Monument pour la
Troisième Internationale,
1919-1920.
Musées nationaux russes,
Saint-Pétersbourg.
premier chapitre de l’exposition
La Foule (0-Infini), représentent
des structures construites
pour accueillir des foules dans
une logique de célébration
collective. Democracy est
une série de photographies
documentant des espaces
publics communautaires
suédois, nommés « parcs du
peuple », servant de salles de
bals, de jeu et ou kiosques à
musique. Présentées vides de
toute présence humaine, ces
structures offrent un catalogue
de formes architecturales
conçues pour le regroupement
populaire. Human Pyramid est la
reconstitution d’une structure
destinée à porter des groupes
de figurants, qui formaient
des pyramides humaines
lors de parades soviétiques,
tels que photographiés par
l’artiste Alexandre Rodtchenko
en 1936. Présenté lui-aussi
volontairement dépourvu de
présence humaine, cet outil de
Maurizio Cattelan
Stadium
1991.
célébration de la magnificence
du peuple devient ici un objet
sculptural vaguement dérisoire,
qui évoque de manière sous-
jacente la contrainte plus que la
liberté.
Les trois autres éléments du
projet, Loudspeaker, Crowd
Control et Fire, seront présentés
dans le deuxième chapitre de
l’exposition.
Anna Ådahl est née en
1973 à Stockholm, elle vit et
travaille à Paris et à Stockholm.
u Maurizio Cattelan
Il Super-noi
1993
49 portraits, encre sur
acétate, 180 x 180 cm.
Collection Fonds régional l’une des salles d’exposition (Una
d’art contemporain domenica a Rivara, 1992). Par
Languedoc-Roussillon,
Montpellier.
3
Alexandre Rodtchenko
Female Pyramid
1936
“Art is a matter of statistics
: it’s not about individuals,
it’s about people.”
(Maurizio Cattelan, interview avec Brigit
Lohmann, Designboom, avril 2004)
Beaucoup d’œuvres de l’artiste
italien Maurizio Cattelan jouent
sur la mise en scène de sa
propre absence. Pour Untitled
- Certificato medico (1989), il se
fait faire par un médecin un
justificatif d’arrêt de travail et
l’envoie au directeur du lieu où il
doit exposer ; Torno Subito (1989)
consiste uniquement en un petit
panneau qui porte l’inscription
“Je reviens tout de suite” ; pour
une exposition collective au
Castello di Rivara près de Turin,
il symbolise son évasion du
monde de l’art en nouant une
corde de draps à la fenêtre de
ailleurs, la majorité des entretiens
qu’il accorde n’est pas réalisée
par lui mais par Massimiliano

Elias Canetti
Gioni, sa doublure officielle qui
joue son rôle et répond aux
questions des journalistes.
De prime abord, Il Super–noi
(1993) pourrait être perçu comme
un ensemble de portraits d’un
groupe de touristes de passage
à Montmartre, avec un trait
légèrement fauviste. Pourtant
une seule et unique identité se
cache derrière ces visages: celle
de l’artiste. Pour cette œuvre,
Maurizio Cattelan a demandé à
quarante-neuf de ses proches
de faire une description écrite
de son visage et a transmis ces
informations à des portraitistes
professionnels des services de
police judiciaire, afin de faire
réaliser ces portraits-robots de
lui-même. Difficultés à définir
l’autre et à le représenter,
multiplicité et évanescence des
identités, clonage imparfait,
prolifération virale du même,
morphing, ces visages laissent
imaginer une foule de possibles.
Couverture de l’album de Portishead
Roseland NYC Live
4
(Go! Discs/Londres) 1998.
Diffusion d’un
portrait-robot
dans l’affaire de
Bagnols sur Cèze.
mai 2006
déclencher la formation
Maurizio Cattelan est de masses. Il est important
né en 1960 à Padoue, il vit et que ces groupes puissent
travaille à Milan et New York. être saisis et embrassés
d’un coup d’œil. C’est
leur unité qui compte,
beaucoup plus que leur
u Annika Eriksson étendue. Leur fonction doit
The Copenhagen être bien connue, il faut
Postmen’s Orchestra savoir pour quoi ils sont là.
1996 Le moindre doute sur cette
Vidéo, photographies et son, fonction leur ôterait tout
30 min. leur sens; l’idéal est qu’ils
Photographie : 20 x (21 x 16 cm).
restent inchangés. Qu’ils ne
Musique : “Sour Times” de
Portishead (Brooks/Turner/ prêtent pas à confusion.”
Schifrin/Barrow/GibbonsUtley) (Elias Canetti, Masse et Puissance, Paris,
avec l’autorisation de Air Gallimard, 1966)
Chrysalis Scandinavia, Peer Music
et BMG. Caméra : Nicki Martin.
Collection Fonds régional d’art
En 1996, l’artiste suédoise
contemporain Languedoc- Annika Eriksson a proposé à un
Roussillon, Montpellier. orchestre amateur de postiers
danois d’interpréter le morceau
trip hop “Sour Times” du groupe
“Par cristaux de masse
anglais Portishead, dans le cadre
je désigne de petits
de l’exposition “NowHere” au
groupes rigides d’hommes,
Louisiana Museum for Moderne
nettement délimités et très
Kunst. L’installation présentée ici
persistants, qui servent à
consiste en la vidéo du concert

Annika Eriksson, Staff de la
25ième Biennale de Sao Paulo.
2002
accompagnée des portraits
photographiques des vingt
musiciens en uniforme.
Annika Eriksson a souvent
travaillé avec des groupes
et associations d’individus :
un club suédois d’amateurs
de voitures de sports
(Sportvagnsklubben), le
personnel d’institutions
culturelles ou d’entreprises
privées (Swiss-Re, Volkswagen,
Biennale de São Paulo,
Moderna Museet à Stockholm,
le Malmö Museet ou le Mori
Art Museum à Tokyo), un
groupe d’adolescents squattant
un espace public à Malmö,
des conducteurs de bus, ou
d’autres orchestres amateurs
(The Stockholm Postmen’s
Orchestra en 1998, The
Connecticut Fire-fighters Pipes
and Drums en 2000).
L’intérêt d’Annika Eriksson
pour ces groupes existant
au préalable l’a amené
à créer des situations
container de chips Doritos échoué aur la
plage de Outer Banks en Caroline du Nord.
2006
performatives qui brouillent
les représentations habituelles
de ces microcosmes. Si le
processus utilisé dans The
Copenhagen Postmen’s Orchestra
est similaire à la culture de la
“reprise” en rock, du standard
en jazz, ou du sample en
musique électronique, elle
opère à l’inverse de ce qui
est généralement pratiqué:
la reprise dans un style
traditionnel et suranné d’un
hit des jeunes générations.
Cette performance montre
avec humour la persistance
d’une logique disciplinaire
de groupe même lorsque le
motif principal de l’activité est
dévoyé.
Annika Eriksson est née
en 1956 à Malmö (Suède), elle vit
et travaille à Berlin.
5
u Felix Gonzalez-Torres
“Untitled” (March, 5th) #2
1991
Deux ampoules de 40 watts,
rallonges, douilles en porcelaine,
dimension variable.
Collection Barbara et Howard
Morse, New York.
Courtesy Foundation Felix
Gonzalez-Torres.
u Felix Gonzalez-Torres
“Untitled” (Welcome
Back Heroes)
1991
440 lbs (199,6 kg) de chewing-
gums Bazooka, dimension
variable.
Collection privée, Paris.
“J’ai eu une première
réaction typiquement
de gauche, totalement
prévisible, à propos de
laquelle je me pose de
plus en plus de questions,

et que je trouve très
statique, voire défaitiste.
Aujourd’hui, je ne veux
pas me tenir en dehors
des structures de pouvoir,
je ne veux pas constituer
l’opposition, l’alternative.
L’alternative à quoi ? Au
pouvoir ? Non. Je veux
avoir du pouvoir. Car le
pouvoir est
efficace en termes de
changements. Je veux
être un virus au cœur de
l’institution.”
(Felix Gonzalez–Torres, “Joseph Kosuth - Felix
Gonzalez-Torres. Une conversation. 1993”, in
Trouble, n°1, hiver 2002.)
Untitled (Welcome Back Heroes)
est l’un des célèbres “candy
spills” (tas de bonbons), nom
donné à ce corpus d’œuvres
de l’artiste américain d’origine
cubaine Felix Gonzalez–Torres.
Comme toujours chez
l’artiste, la pièce au protocole
simple s’avère extrêmement
polysémique. L’idée proposée à
travers cette fragile structure est
d’offrir la possibilité au visiteur
d’emporter un “morceau” de
l’œuvre tout en sachant qu’il
participe ainsi à sa disparition.
Cette œuvre date de 1991,
alors que la deuxième guerre
du Golfe (suite à l’invasion du
Koweit par l’Irak) touche à sa
fin. Le protocole, décrit sur une
feuille A4 signée par l’artiste,
demande que soit rassemblés
440 pounds (199,6 kg) de
chewing-gums de marque
Bazooka. Ce poids équivaut à
celui de deux soldats équipés.
Le Bazooka, friandise créée
au moment où une autre
guerre, la Deuxième guerre
mondiale, prenait fin, évoque
de manière ostentatoire le
patriotisme et l’hégémonie
alors naissante d’une certaine
culture américaine, basée
sur une célébration de la
consommation.
Souvent citées comme des
6
formes emblématiques de l’art
participatif (ou de “l’esthétique
relationnelle”) développé dans
les années quatre-vingt-dix, ces
dispositifs à priori innocents et
généreux évoquent avec une
certaine violence une autre
réalité sous-jacente: la disparition
programmée de l’artiste et
de certains de ses proches,
contaminés par le virus du sida.
Chaque “candy spill” propose
ainsi de décrypter une multitude
d’histoires et d’hypothèses à
chaque fois renouvelables, qui
peuvent être formulées à partir
du peu d’éléments fournis par
l’artiste: le type de bonbons
choisi, le titre de l’œuvre, sa date
et son poids. Dans le cadre de
l’exposition La Foule (0-infini),
par exemple, ce tas multicolore
évoque une multitude
faussement homogène (puisque
les bonbons contiennent
différents dessins à l’intérieur),
à la fois fascinante, féérique et
vaguement écœurante, chaos
 7
René Magritte,
Décalcomanie,
1966

Santiago Sierra, Caspar David Friedrich

Group of people facing the wall, Der Wanderer über dem Nebelmeer
2002 (Le voyageur au-dessus de la mer de nuages)
1817
pop artificiellement soumis à du peintre dans la Renaissance
un ordre géométrique hérité de We don’t need no education du Nord, ou la projection du
l’esthétique minimale. We don’t need no thought control spectateur dans la toile dans la
A contrario, Untitled (March No dark sarcasm in the classroom peinture Romantique), il apparaît
5th) #2 évoque par une Teachers leave them kids alone plutôt improbable et absurde
matérialisation quasi invisible, la Hey! Teachers! dans le champ de la sculpture.
fragilité de l’individu et des liens Leave them kids alone! Déclenché par intermittence, le
qui peuvent l’unir à l’autre. All in all it’s just another brick in the mouvement quasi-épileptique
wall. du personnage qui se cogne la
All in all you’re just another brick in tête contre le mur renvoie à une
Felix Gonzalez–Torres est the wall. sorte d’entêtement masochiste.

né en 1957 à Guaimaro (Cuba), il (Pink Floyd,“Another Brick in the Wall Part 2 (Waters)”, Dans une posture antihéroïque,
est décédé en 1996 à New York. album The Wall, sorti le 30 novembre 1979) tournant le dos au monde et à
l’histoire, c’est une Révolution
La facture hyperréaliste, la solitaire et désespérée que
petitesse du personnage et ce petit homme nous invite à
u Kristof Kintera la singularité de sa position contempler. Un combattant
Revolution debout face au mur suscitent conscient mais non réconcilié
2005 divers types de spéculations: avec sa propre inutilité et son
Système électronique et doit-on y voir le résultat d’une impuissance, qui, faute d’ennemi
mécanique, puce électronique, punition, d’une bouderie, d’un identifié peut-être, se retrouve à
structure métallique, sentiment d’abandon, de lutter contre lui-même.
polyuréthane, vêtements, etc.
mélancolie, de timidité ou
Collection Joao Tovar.
Courtesy galerie simplement un jeu d’enfant ? Si
Schleicher+Lange, Paris. la représentation d’un sujet de Kristof Kintera est né en
dos est une référence dans la 1973 à Prague, il vit et travaille à
tradition picturale (entre autres Prague.
exemples, l’autoportrait implicite
 8

Douglas Huebler
Variable Piece # 44 (Global)
1971

suddenly, I started running; 1977

u Jiři Kovanda I raced across the square Photographie n/b, texte
dactylographié sur papier,
Waiting for someone to and disappeared into 332 x 240 mm.
call me… Melantrich Street…” Courtesy galerie gb agency,
Paris.
November 18, 1976 Staroměstské naměsti,
Prague Prague
1976 1978
Photographie n/b, texte Photographie n/b, texte À partir des années soixante-dix,
dactylographié sur papier, dactylographié sur papier, l’artiste tchèque Jiři Kovanda
332 x 240 mm. 332 x 240 mm.
Courtesy galerie gb agency, Courtesy galerie gb agency, réalise des actions discrètes
Paris. Paris. et intrusives qui sont presque
impossibles à différencier de la
vie réelle : marcher dans la rue
u Two Leaves u XXX et frôler les passants, quitter
Autumn 1982 November 19, 1976 une discussion en courant,
Prague Vaclavské naměsti, Prague attendre que le téléphone
1982 1976 sonne, donner des rendez-
Photographie. Photographie n/b, texte vous et arriver en avance, etc.
Courtesy galerie gb agency, dactylographié sur papier, Son travail, aussi précisément
Paris. 332 x 240 mm. poétique que politique, renvoie
Courtesy galerie gb agency,
Paris. au questionnement existentiel de
la place de l’individu dans l’espace
u XXX social, en restant irréductible à
January 23, 1978 une réaction contextuelle liée
“I arranged to meet a u Contact
à la situation des pays de l’Est
few friends … we were September 3, 1977
standing in a small group Špalena ulice, Vodičkova durant la période soviétique.
Son économie de travail,
on the square, talking … ulice, Prague
entre modestie des moyens et
 9

Lausanne, Suisse Prypiat, ville fantôme adjacente à Tchernobil

G8 d’Evian 2003 ©Redrat72, 2007

volontarisme dans l’action, entre
universalité et immédiateté,
fonde une œuvre d’un profond
romantisme. Utilisant son propre
corps comme instrument de
mesure, il propose une sorte
de résistance passive, mais
émouvante, au caractère
paradoxal d’un espace public
devenu espace de circulation
sans déviation, de coexistence
sans communication, de
proximité sans contact. Les
actions discrètes de Kovanda
sont ainsi une manière à la
fois élégante et légèrement
désespérée d’assumer un
positionnement d’éternel
outsider au cœur même du
collectif. Une individualité
autonome, physiquement
et politiquement insoumise
à l’organisation sociale de la
modernité.
L’ œuvre Two leaves (“Deux
feuilles”) fait partie des œuvres
de type “interventions”,
qui consistent en de mini-
constructions, presque invisibles,
de l’artiste dans l’espace public.
Ici, Jiři Kovanda a accroché
deux feuilles mortes avec un
trombone, abandonnant au
hasard d’un improbable regard
ce collage artificiel et romantique
de deux éléments naturels.
Jiři Kovanda est né en
1953 à Prague, il vit et travaille à
Prague.
u Nicolas Moulin
ViderParis
2001
Diaporama numérique (son est là. J’aime bien cette idée
réalisé en collaboration avec d’une résistance de l’ordre
Jimmy T)
Courtesy de l’artiste et de la de l’anti-héroïsme.”
galerie Chez Valentin, Paris.
“Aujourd’hui, on vit dans
un monde qui n’est pas
totalitaire mais total.
Les objectifs politiques
sont tous polarisés sur la
même chose. Il y a une
unité de pensée liée à
l’économie. La seule chose
qui nous reste, c’est une
sorte d’évasion. L’acte
de se cacher devient très
subversif, car on vit dans
un monde de surveillance.
Si vous échappez à la
surveillance, vous êtes
potentiellement dangereux.
Si vous décidez de passer
votre vie dans un caisson
en ayant besoin du moins
de choses possibles, vous
êtes potentiellement plus
dangereux que quelqu’un
qui essaie de changer ce qui
(Nicolas Moulin, compte-rendu de la
conférence “La voie du ciel est dans les
systèmes d’air conditionné avec l’artiste
Nicolas Moulin, l’écrivain Jean-Bernard
Pouy et Catherine Francblin”, Fondation
d’Entreprise Ricard, 24 janvier 2006)

Désertification intensive de
Paris : il n’y a plus aucune trace
d’existence humaine, plus de
voitures, plus de végétaux, plus
aucun signe de vie. Les façades
des immeubles sont murées
jusqu’au deuxième étage,
les panneaux d’indications
et les enseignes lumineuses
ont disparus, la Seine est
asséchée et son lit bétonné.
Vision fantastique ? Protection
paranoïaque face à un danger
invisible ? Départ précipité
après catastrophe ? Ces images
retouchées numériquement
par l’artiste proposent des
amorces de narrations, proches
des récits d’anticipation post-
apocalyptique, entre dystopies
(qui s’opposent aux utopies
positives en imaginant le
pire) et uchronies (récits des
conséquences d’un événement
imaginé du passé). Ayant perdu
une part de leur fonctionnalité
sociale, les constructions
haussmanniennes bétonnées
et dépouillées évoquent les
villes fantômes, celles d’une
civilisation retournée au stade
désertique, dont il ne subsistent
que des signes devenus
incompréhensibles.
Nicolas Moulin est né en utilisé, il a été de tout temps débattu
1970 à Paris, il vit et travaille à
Berlin.
Ochlocratie
Définition tirée du dictionnaire
politique « La Toupie ».
Etymologie : du grec “Okhlos”, foule,
multitude, et “kratos”, pouvoir, autorité.
L’ochlocratie est une forme de
gouvernement dans lequel la
multitude, la foule, la population,
détient tous les pouvoirs et impose
tous ses désirs. Le mot ochlocratie
a une connotation péjorative pour
désigner le règne de la médiocrité,
de la vulgarité, accompagné d’une
décomposition de la loi et des moeurs
engendrant un chaos politique et la
lutte entre les individus. Il s’oppose
au règne de la politique caractérisée
10
par l’existence de l’Etat et de la loi, qui
permet aux hommes de cohabiter.
Le terme ochlocratie sert aussi à
qualifier certaines dérives de la
démocratie qui, par des pressions
et des demandes particulières de
plus en plus fortes et de plus en plus
disparates, finissent par bloquer le
fonctionnement de l’Etat.
Bien que le terme soit peu
dans les traités de philosophie
politique.
L’historien grec Polybe
(vers 200 - 125 avant JC) considère
l’ochlocratie comme le pire des
régimes qui termine le cycle des six
phases constituant la théorie
de succession des régimes politiques
: monarchie, tyrannie, aristocratie,
oligarchie, puis démocratie qui
dégénère en ochlocratie avant
l’avènement d’un homme providentiel
qui ramènera la monarchie.
Dans le Contrat social,
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
définit l’ochlocratie comme une
dégénérescence de la démocratie
par une dénaturation de la “volonté
générale” qui tend à incarner les
intérêts de certains et non de la
population toute entière.
 11

Le motif de la file d’attente se Dans Awaiting Enacted (“Attente

u Roman Ondák
Awaiting Enacted
2003
Journaux n/b à emporter, (1999) et Good Feelings in Good
dimension 46 x 31 cm.
Collection Kadist Art
Foundation, Paris.
Courtesy galerie gb agency, Kunstverein à Cologne, puis en
Paris.
“Dans les années soixante-
dix et quatre-vingt
[les files d’attente] se
formaient souvent devant
les magasins… Dans ce
qu’on appelait alors les
moments difficiles, les
gens étaient capable de
faire patiemment la queue
sans que cela ne leur pose
de problèmes, parce qu’ils
pensaient qu’au bout, ils
obtiendraient sûrement ce
qu’ils espéraient.”
(Roman Ondák cité in Max Andrews, “Roman
Ondák”, in TateEtc…, Issue 5, automne 2005)
retrouve dans plusieurs œuvres
de l’artiste slovaque Roman
Ondák, comme This Way, Please
Times réalisé pour la première
fois en 2003 à la Kölnischer
2005 à la Tate Modern à Londres.
Pour la performance Good
Feelings in Good Times des acteurs
professionnels sont engagés
par l’artiste pour créer des files
d’attente artificielles devant un
musée ou un lieu dans la ville. La
file d’attente provoquetoujours
une curiosité de la part des
passants, qui s’interrogent sur sa
raison d’être et se sentent poussés
à la rejoindre, soit par discipline,
soit dans l’espoir de profiter d’une
occasion potentielle. Dans cette
performance de Roman Ondák,
à un signal donné, les acteurs
quittent soudainement la queue,
dissolvant ce regroupement
précaire en laissant seules les
personnes qui l’avaient rejointe.
décrétée”), l’artiste distribue
des exemplaires d’un quotidien
slovaque dont il a remplacé les
illustrations originales par des
images de files d’attente. Le
surgissement de la file d’attente
dans l’actualité des médias n’est
souvent pas bon signe: récession
économique, soumission
administrative, crash boursier,
pénurie… Mais il peut être aussi
le signe d’une euphorie collective:
l’obtention du dernier i-phone,
rencontre avec une star ou soldes.
La file d’attente est le dernier
comportement de masse civilisé
régit par la loi du “premier arrivé,
premier servi” avant de basculer
vers la ruée, le soulèvement ou
l’anarchie individualiste. Cette
pratique du quotidien a son
histoire, ses règles implicites et
ses spécificités régionales. Depuis
le début du vingtième siècle, elle
est analysée sur la base des lois
de probabilité mathématique, qui
ont abouti à la “théorie des files

d’attentes” et à la loi “Little”, afin
de fournir des outils pratiques
pour réguler et perfectionner
les systèmes d’attente. Ainsi ce
sont développés des systèmes
de cheminements imposés
avec de grand virages à
angles morts afin d’atténuer le
sentiment de frustration (dans
les expositions universelles
et les parcs d’attraction, par
exemple), mais aussi le système
de “file d’attente virtuelle” avec
la distribution de numéros, la
mise en place de “coupe-files”
payants et les dispositifs dits
de “waitentertainement”, qui
consistent à faire “oublier” la
queue en proposant des jeux
interactifs, en faisant intervenir
des acteurs ou la projection
d’images sur grand écran.
Roman Ondák est né en
1966 à Zilina (Tchécoslovaquie),
il vit et travaille à Bratislava
(Slovaquie).
12
Le premier acheteur
du iphone aux Etats-
Unis
2007
Ouverture forcée de la fontière
Egyptienne près de Gaza, 2008
introduction les notions de néant
u Claude Rutault et d’absence qui s’opposent à priori
Définition méthode #1 à l’idée de multitude. Vide de la
1973 représentation: la couleur de la toile
Châssis, peinture, dimension monochrome se fondant presque
variable.
Courtesy de l’artiste. dans le mur arrête le regard,
mais aussi absence de l’artiste
qui n’a pas peint directement
La définition/méthode # 1 l’œuvre, et ne donne que les
de 1973: toile à l’unité. instructions de sa réalisation.
“Une toile tendue sur Mais plus profondément, cette
châssis peinte de la œuvre formellement simple et
même couleur que conceptuellement complexe
le mur sur lequel elle évoque tout aussi bien la multitude
est accrochée. Sont et l’infini : infinité des potentiels
utilisables tous les formats de réalisations, multiplicités des
standard disponibles versions, don d’ubiquité de la
dans le commerce qu’ils peinture, éternité d’une œuvre
soient rectangulaires, fondamentalement inépuisable.
carrés, ronds ou ovales. À la fois le zéro et l’infini de la
L’accrochage est peinture, cette œuvre historique
traditionnel.” est l’un des premiers exemples
(Claude Rutault, 1974-1975) d’œuvres protocolaires, dont
la valeur réside autant dans le
L’oeuvre Définition/méthode #1 de concept de base que dans sa
Claude Rutault à été choisie pour matérialisation. Il est déterminant
ouvrir l’exposition La Foule (0- pour Claude Rutault que “la
Infini): Chapitre 1, afin d’évoquer en peinture [soit] d’abord écrite”
 13
Ernst Haeckel
“Siphonophorae”, in
Kunstformen der Natur (« Les
Formes d’Art de la Nature »),
publiés entre 1899 et 1904

Chandelier en verre du
Musée Océanographique de
Monaco créé de Constant
Roux inspiré d’une planche
Kunstformen der Natur de
Ernst Haeckel.

Ernst Haeckel
couverture de Kunstformen der
Natur
(« Les Formes d’Art de la
Nature »), publiés entre 1899
et 1904

avant d’être exécutée, laissant la
possibilité à toute personne de
réaliser l’œuvre. Il s’oppose ainsi
à la personnalisation fétichiste
et virtuose du geste manuel
de l’artiste pour y substituer
un geste de la pensée, à la fois
radical et généreux.
Claude Rutault est né en dans des tâches différentes :
1941 à à Trois Moutiers, il vit et
travaille à Vaucresson.
u Laure Tixier
Siphonophores :
Bassia 1
Bassia 2
Bassia 3
Epibulia 2
Porpema 1
Porpema 2 (stade 1)
Porpema 2 (stade 2)
Porpema 2 (stade 3)
2002
Aquarelle sur papier 28,3 cm ces individus constituent le
x 29,8 cm.
Courtesy de l’artiste et de la
galerie Polaris, Paris.
Décrit pour la première fois
par le naturaliste Carl Vogt
en 1855, le siphonophore est
un organisme vivant de la
famille des méduses qui a la
particularité rare d’être considéré
comme étant à la fois un être
autonome et une colonie.
Il est en effet composé de
milliers d’individus spécialisés
défense et capture des proies,
digestion, excrétion, propulsion,
reproduction, flottaison, etc.
Chacun de ces sous-organismes
a toutes les caractéristiques
de l’individu autonome, mais à
cause de son ultra-spécialisation
fonctionnelle, il reste dépendant
de l’ensemble pour les autres
fonctions vitales nécessaires
à sa survie auxquelles il ne
peut subvenir lui-même. Ce
n’est pas en se rassemblant
à un moment donné que
« super-organisme » qu’est
le siphonophore. Ces zoides
naissent et s’autonomisent
progressivement, à partir
d’une cellule unique issue d’un
œuf fertilisé. Les scientifiques
définissent l’ensemble colonial
de ces individus autonomes
comme étant un « individu
écologique ».
La découverte de ces nouvelles
espèces vivantes tout au long
du dix-neuvième siècle a eu une
influence prépondérante sur
différents courants artistiques
comme l’Art Nouveau. Les
planches issues des ouvrages de
la collection «Kunstformen der
Natur » (« Les Formes d’Art de la
Nature », publiés entre 1899 et
1904) d’Ernest Haeckel ont par
exemple servi de modèle direct
à différents artistes et architectes
comme Constant Roux, Louis
Confort Tiffany ou René Binet,
qui réalisa la maison privée
« Medusa » d’Ernst Maeckel
en se basant sur ses travaux
scientifiques.
Les trois types de siphonophores

évoqués dans les aquarelles de
Laure Texier mettent au défi les
notions d’individualité qui perçoit
l’individu comme un être vivant
indépendant et de groupe
comme un ensemble plus ou
moins autonome d’individus.
Inspirées des planches d’Ernst
Maeckel, on peut y déceler, en
les observant de près, de petits
parasites évoquant les mouches
discrètes des natures mortes de
la peinture hollandaise, qui selon
certains iconographes faisaient
allusion au déclin lancinant de
toute vie. Par ces minuscules
intrusions de vaisseaux et
véhicules tout droit sortis des
films “Starwars” ou “Dune”, l’artiste
transforment les siphonophores
en méga-structures
architecturales utopiques perdues
dans l’espace du papier.
Laure Tixier est née en
1972 à Clermont-Ferrand, elle vit
et travaille à Paris.
14
Appel public pour participer à l’expérience du professeur
Staney Milgram, qui demontrera par la suite que 62,5
pourcent des cobayes avaient été prêts à infliger des poses
mortels à des individus sous la pression d’une autorité
(scientifique ou militaire)
u Marie Voignier
Le bruit du canon
2006
Vidéo, 27 min.
Courtesy de l’artiste.
Production Capricci.
“Est-ce une conséquence La peur latente des
de la chute du Mur de phénomènes de foule et de
Berlin ? En tout cas, ils sont migration massive épinglée
arrivés quelques années par le regard précis de Marie
après, par milliers, d’Europe Voignier, jeune réalisatrice
de l’Est. Depuis, ce coin qui a reçu en 2007 pour ce
paisible de Bretagne documentaire le prix du
est devenu un nouveau court-métrage du “Cinéma
Vietnam : ils tiennent le ciel du réel”, festival international
et les paysans se terrent. de films ethnographiques et
Comme le bétail. […] Les sociologiques.
pouvoirs publics les ont
abandonnés. Les armes
chimiques sont interdites, Marie Voignier est née
les coups de feu inoffensifs, en 1974 à Ris-Orangis, elle vit et
rien n’est autorisé, tout est travaille à Paris.
inefficace : le mal ne fait
que [de] se déplacer”.
(Yann Lardeau, notice de présentation,
programme du festival “Cinéma du Réel”,
Paris, 2007 )

“Masse et puissance”
d’Elias Canetti
(Editions Gallimard, 1996, Paris)
Elias Canetti (1905-1994)
est un auteur de pièces de
théâtre, d’un roman (“Die
Bindung”) mais surtout
d’essais théoriques, de
recueils d’aphorisme et
d’une autobiographie.
Il a reçu en 1981 le Prix
Nobel de littérature pour
l’ensemble de son œuvre.
Le 15 juillet 1927, un
événement marquera
sa vie et son œuvre: une
manifestation populaire
qui tourne à l’incendie
du palais de justice de
Vienne. Cela provoquera
en lui le désir d’analyser
et de comprendre
le rapport entre les
comportements de masse
et le pouvoir. Il étudiera
15
cette problématique néanmoins une approche
centrale de l’histoire du non historique et analyse
XXème siècle jusqu’en dans la première partie les
1960, date de la différentes dynamiques
publication de l’œuvre et typologies de foule (“la
majeure de sa vie, “Masse masse”, “la meute”). Selon
und Macht” (Masse et lui, le modèle formel
puissance). et comportemental de
Dans ce livre majeur, la foule, qu’il appelle
édité après trente ans “symboles de masse”,
de recherches en 1960 sont le feu, la mer, la
en Allemagne et publié pluie, le vent, le sable,
six ans plus tard en etc. dans leur aspect à la
France chez Gallimard, fois puissant et informe,
Elias Canetti se penche proliférant et souvent
sur les rapports que la éphémères, envahissant
masse entretient de tous tout en se consommant
temps avec le pouvoir. Ce eux-mêmes. Il défend
faisant, il puise dans un l’importance de la survie
matériau historique très de l’individu dans la foule
varié, se référant aussi et les enjeux de puissance
bien à la très ancienne et d’ordre déployés
civilisation chinoise par différents pouvoirs
qu’aux événements politique et religieux.
européens qui lui sont
contemporains. Il choisit
 16

William Wegman est surtout construction de l’individu

u William Wegman connu pour ses photographies et de ses désirs. Ces
Dog Baseball mettant en scène ses chiens, mouvements mécaniques
1986 des braques de Weimar, dans renvoient indirectement à la
Vidéo couleur, son, DVD sur des situations burlesques notion de foule, en ce qu’ils
moniteur, 3’26’’ min. souvent anthropomorphiques. constituent un embryon de
Courtesy de l’artiste et
Electronic Art Intermix, Dog Duet (1974) est l’une comportement unitaire par
New York. des premières vidéos où deux individus.
Produit pour Saturday Night apparaissent les braques À l’inverse, Dog Baseball (1986)
Live.
de Weimar et une des rares démontre avec humour et
œuvres de Wegman que ironie l’échec de la volonté
l’on pourrait rapprocher de dressage et de soumission
u William Wegman
de l’art conceptuel par son d’un groupe de chiens à des
Dog Duet
minimalisme narratif et formel. règles comme celles du base-
1975-1976
Vidéo n/b, son, DVD sur
Le ballet des mouvements ball, mettant en évidence
moniteur, durée 2’38’’ min. presque parfaitement l’absurdité de cette recherche
Courtesy de l’artiste et synchrones des chiens ne de maîtrise, mais aussi la
Electronic Art Intermix, New
York. lâchant pas des yeux une forme jubilatoire de l’anarchie
balle de tennis manipulée collective.
par l’artiste hors-champ,
« Pluralitas non est évoque avec humour les
ponenda sine necessitate » phénomènes de mimétismes
comportementaux, William Wegman
« Les multiples ne doivent analysés entre autres par est né en 1943 à in Holyoke
pas être utilisés sans des chercheurs comme (Massachusetts), il vit et
nécessité » René Girard, qui considère travaille à New York et Maine.

principe du Rasoir d’Occam ces mécanismes comme
fondamentaux pour la

Le nombre 3 en tant que
3 pour moi, ce n’est ni
l’unité ni la dualité. Le 3
est tout, la fin dernière de
la numération. Avec trois
unités, j’ai assez pour tout
faire, pour dénombrer les
choses. Les millions ne
comptent pas. Le 3 remplit
le même rôle pour moí.
(Marcel Duchamp, Entretien pour la BBC)
QUELQUES REFLEXIONS
SUR LE COMMISSARIAT
D’EXPOSITION
Guillaume Désanges
(extrait d’un texte publié par le MAC-Val dans
la publication : “Qu’est-ce qu’un commissaire
d’exposition ?”, 2007
Polysémie, éclairages & liens
précaires
- la pratique curatoriale est un va
et vient permanent entre deux
mouvements : puiser dans un
catalogue de formes pour éclairer
des idées et puiser dans un catalogue
d’idées pour éclairer des formes
- il s’agit de miser sur la polysémie
des œuvres (image du polyèdre ->
montrer des choses qui n’ont rien à voir
mais peuvent s’accorder sur une face
particulière)
- l’exposition dévie chaque œuvre : en
retour, chaque œuvre dévie l’exposition
- il faut avoir confiance en les œuvres,
leur force, leur capacité de résistance...
même à une mauvaise exposition
Une expérimentation dans le
fond avant la forme
- l’expérimentation n’est pas
intéressante en soi. Croire
suffisamment au médium exposition
(soit, un déploiement d’œuvres dans
l’espace de l’art) pour ne pas avoir
envie de le “défier”.
- faire des projets curatoriaux actifs et plier
non pas réactifs
- l’expérimentation doit
essentiellement résider dans la
sélection et l’association d’œuvres d’art, artistes)
dans la tension entre des idées et des - croire à la “fécondité des contresens”
œuvres qui s’y dérobent sans cesse
- les formes de l’exposition doivent
rester au service d’une perception
polysémique de l’œuvre
- les formes curatoriales, y compris
17
les plus audacieuses, doivent être a
posteriori, elle ne doivent être a priori,
pas être simplement gratuites
- la limite de l’expérimentation formelle,
c’est le sens (idem pour la critique
d’art) : la thématique, les liens sensibles
ou idéels, la fidélité à des intuitions
restent l’essentiel
- la forme d’une exposition doit être
nécessaire, en tant qu’elle est toujours
une solution à un ou plusieurs
problèmes
Libertés protocolaires
- s’autoriser toutes les formes, tous
les protocoles d’exposition si les
résolutions de sens et d’accrochage les
justifient
- s’efforcer de trouver une forme qui
batte au rythme de son sujet
- savoir s’adapter aux cadres sans s’y
- savoir prendre des risques - dans
les choix des œuvres et les modes de
monstration (au même titre que les
(R. Barthes), et en assumer les
conséquences
- un protocole d’exposition n’est jamais
un modèle, il propose des éclairages
précaires sur des formes et de idées
 18

Busby Berkeley préparant une chorégraphie

de Gold Diggers (1933)

EXPOSITION CATALOGUE REMERCIEMENTS

commissariat d’exposition: chef de rédaction: aux prêteurs: Electronic Art
Guillaume Désanges Guillaume Désanges Intermix, FRAC Languedoc-
coordination exposition: rédaction notices: Roussillon, galerie gb agency,
Mélanie Mermod Mélanie Mermod et Guillaume Kadist Art Foundation, Barbara et
Howard Morse, Joao Tovar, galerie
coordination Mairie: Désanges
Polaris, galerie Schleicher+Lange,
Gaelle Gibault conception graphique:
Robert Vifian.
Direction technique: gmg
Pierre Mauchien plan d’exposition: et : Anna Ådahl, Henni Alftan,
Equipe de montage: Hélène Hibou Céline Bernard, Frédéric Bouglé,
Fabrice Coudert, Stéphane Caroline Bourgeois, Thomas
Renié, Nicolas Charpin, Olivier Boutoux, Jennifer Flay, Eva
Gonzalez-Sancho, Jiři Kovanda,
Chambrial
Kristof Kintera, Sylvain Lizon,
graphisme affiche et flyer: Nicolas Moulin, Jean Nanni,
Gérald G Roman Ondák, Claude Rutault,
stagiaire: Laure Tixier, Marie Voignier,
Hélène Hibou William Wegman, École Supérieure
d’Art de Clermont Communauté,
Foundation Felix Gonzalez-Torres,
Mairie de Clermont-Ferrand.
 19

la tôlerie
Espace d’art contemporain
Implanté dans le cœur historique et industriel de la Ville, 10, rue de Bien- Assis
l’Espace d’Art contemporain La Tôlerie, ancien garage 63000 Clermont-Ferrand
réhabilité à l’initiative de la Ville de Clermont-Ferrand
en 2003, s’affirme comme un instrument d’exploration Tél. 04 73 42 63 76
de la création contemporaine. Il invite chaque année un
commissaire extérieur pour imaginer et mettre en œuvre Tous les jours
une programmation spécifique sur une saison. Guillaume sauf le lundi
Désanges critique d ‘art, commissaire d’exposition et
cofondateur de Work Method, structure de indépendante de 15 h à 19h
commissariat et production de projets a été chargée de la Entrée libre
programmation en 2007-2008.
 Jiři Kovanda
Felix Gonzalez-Torres
Contact
“Untitled”(March, 5th) #2
1977 Felix Gonzalez-Torres
1991
Ampoules Photographie “Untitled” (Welcome Back Heroes)
1991
XXX Chewing-gums Bazooka
November 19, 1976
1976
Photographie

Claude Rutault Waiting for someone to call

Définition méthode #1 me… Maurizio Cattelan
1973 1976 Il Super-noi
Châssis, peinture Photographie 1993
Quarante-neuf portraits
XXX
Anna Ådahl
January 23, 1978
Democracy
“I arranged to meet a few
2007
friends … we were standing in
Photographies couleurs
a small group on the square,
talking … suddenly, I started
running; I raced across the
square and disappeared into
Melantrich Street…”
1978 Kristof Kintera
Photographie
Revolution
Two Leaves
2005
1982 Mannequin
Photographie Roman Ondák
Awaiting Enacted
2003
Tas de journaux

otographies couleurs

Entrée

LA FOULE
ZERO-INFINI

Laure Tixier
Annika Eriksson Anna Ådahl William Wegman
Nicolas Moulin Siphonophores :
The Copenhagen Human Pyramid Dog Baseball
ViderParis Bassia 1
Postmen’s Orchestra 2007 1986
2001 Bassia 2
1996 Structure Vidéo couleur
Diaporama Bassia3
photographies et vidéo métallique
numérique Epibulia 1 Marie Voignier
Epibulia2 Le bruit du canon
Dog Duet
Epibulia 3 2006
1975-1976
Espace Porpema 1 Vidéo
Vidéo
de documentation Porpema “ (stade 1)
Popema 28 stade 2)
Popema 2 (stade 3)
2002
Huit aquarelles sur papier