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R. MOLIMARD
Coordinateur du DIU de Tabacologie Paris 11-Paris 12.

Suppression du tabac dans les lieux publics:


la presse trop pressée?
U N E
ttribuant au tabagisme passif 5 863 décès annuels en France, le rapport européen “Lifting the

A SmokeScreen” en avait fait une urgence de Santé publique, justifiant un durcissement de la loi
Evin [1]. Mais, au 31 décembre 2007, il laissait encore 6 non-fumeurs mourir de la fumée des
autres dans les commerces d’accueil (cafés, hôtels, restaurants, discothèques) dont 3 par infarctus ! Une
catastrophe sanitaire résiduelle d’une telle ampleur justifiait donc de bannir la fumée de ces établisse-
ments. Mesure dure, elle aurait naturellement mérité que sociologues et épidémiologistes chevronnés
en évaluent minutieusement les conséquences. Mais la divulgation du succès immédiat et brillant
obtenu ne pouvait éthiquement attendre une aussi longue procédure. Il était urgent de mettre en œuvre
les grands moyens de communication de masse pour épargner tant de morts et tuer dans l’œuf quelques
contestations naissantes venant des bars-tabac, où risquait encore sa vie au moins 1 non-fumeur.

En effet, dès le premier mois et demi d’application de la loi dans ces seuls établissements d’accueil,
les hospitalisations d’urgence pour infarctus avaient chuté de 15 %. Et ce n’était qu’un début, et sans
compter les cancers évités. Selon les hérauts de l’anti-tabagisme, des milliers de non-fumeurs
allaient être sauvés de la mort dans les bars-tabac. Un communiqué de presse de l’Office Français du
Tabagisme permettait donc de diffuser rapidement la bonne nouvelle dans les journaux, les maga-
zines, sur les ondes, à la télé et sur la toile [2].

Il est parfois de telles évidences qu’il n’est nul besoin de critiquer la méthodologie, les protocoles,
les choix statistiques, de rechercher les biais, répéter les essais, soumettre les résultats aux critiques
des pairs. L’effet spectaculaire des premières injections de pénicilline suffisait à emporter la convic-
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tion. Mais la vérité a de plus en plus de peine à sortir de son puits. Les phénomènes sont complexes,
multifactoriels, les différences souvent minimes. C’est pourquoi la science moderne s’entoure de
grandes précautions avant d’avancer des conclusions lourdes de conséquences dont il faudrait immé-
diatement balancer bénéfices et effets pervers.

Le graphique de l’OFT exprime les pourcentages mensuels d’infarctus pour 100 000 hospitalisations
d’urgence en 2006-2007 et les compare à ceux de janvier et de la première quinzaine de février 2008.
Le calcul est fait à partir de la base de données OSCOUR de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS).
Malheureusement, celle-ci n’est accessible ni sur le site de l’OFT, ni à l’InVS. Or un pourcentage
implique toujours une perte d’information. On ne peut s’en satisfaire pour porter un jugement. Il fau-
drait savoir sur combien d’hospitalisations d’urgence il a été calculé (la moindre épidémie le ferait
baisser), combien d’infarctus ont été hospitalisés, combien de coronariens connus ont été directe-
ment admis dans les services, dont l’occupation des lits influe sur l’arrivée par les urgences.
A

Trois fois en 2006 et en 2007 ont été notés des pourcentages aussi bas, voire inférieurs. A défaut des
données originales, tout un chacun peut cependant faire des statistiques élémentaires. J’ai mesuré


Réalités Cardiologiques • N° 247 • Juin 2008
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grossièrement les pourcentages mensuels à partir du gra- une double étude épidémiologique solide sur l’exposition
phique et calculé les moyennes. Les 51 et 52/100 000 obser- cumulative de non-fumeurs à la fumée passive au cours de
vés en 2008 sont largement compris dans les limites de la vie, qui conclut qu’un effet sur l’incidence d’infarctus
l’intervalle de confiance de la moyenne des deux années de n’est pas démontrable, excepté pour des expositions
référence (2006: 57,1 ; IC 95 % : 37,4-76,8 et 2007: 57,6 ; intenses et très prolongées [3]. C’est une rupture inquié-
IC 95 % : 38,1-76,9). La moyenne de 2007, après l’interdic- tante avec la tradition qui voulait que le public n’ait pas
tion générale de fumer dans les espaces publics et au travail, connaissance des conclusions d’une étude avant qu’un
ne diffère absolument pas de celle de 2006. article ait été publié dans un journal scientifique, où la
méthodologie devait être clairement exposée et les données
Cette baisse de 15 % prétend corroborer une étude de Rome originales accessibles pour permettre à d’autres chercheurs
qui fait état d’une réduction de 11,2 % en 2005 par rapport d’en faire une évaluation critique.
aux 5 années ayant précédé le ban. Dans ce cas, nous dispo-
sons cependant des données brutes entre 2000 et 2005, année Le caractère manifestement biaisé de ces deux études, la mul-
d’instauration du ban. On peut alors construire une droite de tiplication des résultats analogues publiés à Turin, New York,
régression. Sa pente est négative, la corrélation (r = -0,76) est Helena, Bloomington…, leur concordance trop belle font
significative à 5 %. Après ajustements statistiques complexes, quand même question. Est-ce simple coïncidence ? On aime-
les auteurs arrivent à r = -0,73 et passent ainsi de justesse au- rait être certain que le vaste mouvement contre les méfaits du
dessous du seuil fatidique de signification 5 % ! Cette pente tabagisme ne soit animé que par des intentions pures de pro-
est pourtant en concordance avec la diminution progressive et tection de la Santé publique. A qui pourrait profiter le crime ?
générale des accidents coronariens aigus actuellement obser- Un lecteur curieux et attentif du rapport européen [1] y trou-
vée dans les pays développés. Cette argutie statistique ne me vera dans les soutiens qu’il a reçus de quoi nourrir ses
semble donc pas pour autant autoriser à comparer la valeur de réflexions quant au rôle des perspectives de profits commer-
2005 à la moyenne des 5 années précédentes pour obtenir une ciaux dans le déferlement actuel des législations répressives.
différence significative. A parier que la dernière valeur d’une L’étouffement de tout débat, de toute critique, la reprise par la
série descendante sera inférieure à la moyenne de celles qui presse et les discours des Autorités des mêmes arguments
ont précédé, on gagne pratiquement à tous les coups ! De plus, dont la fausseté de certains serait facile à démontrer sont
la fluctuation est relativement importante. Des variations de contraires à toute démarche scientifique et soulèvent des
8 % sont observées d’une année sur l’autre. Curieusement, la interrogations. Mais répandez la rumeur, sans vergogne. Plus
baisse de -11,2 % invoquée pour 2005 résulte de la comparai- c’est gros, plus ça passe. Usez de l’argument d’autorité. Le
son avec l’année 2000 ! Mais par rapport à 2004, elle n’est que ministre a dit, le grand professeur a dit. Une erreur mille fois
de -6,25 %, et en réalité seulement de -3,2 % par rapport à la répétée à la une devient vérité. “Calomniez, calomniez”, disait
valeur prévue pour 2005 par la droite de régression, ce qui Francis Bacon, “il en restera toujours quelque chose”. ■
n’en fait donc pas une valeur aberrante. Enfin et surtout,
contrairement à ce que suggère déjà le titre de l’article,
aucune preuve n’est apportée d’une relation de cause à effet
entre le ban et ce qui n’est vraisemblablement qu’une simple Bibliographie
fluctuation d’échantillonnage. 1. “Lifting the smokescreen, 10 reasons for a smokefree Europe”.
http://www.ersnet.org/ers/show/default.aspx?id_attach = 13 509
2. http://www.oft-asso.fr/pdf/CP220208%20Evaluation%20des%20b%E9n
Sans aller plus loin, on peut donc considérer que ces cris de %E9fices%20de%20l%27interdiction%20de%20fumer.pdf
victoire sont non seulement prématurés, mais aussi parfai- 3. CESARONI G, FORASTIRER F, AGABITI N, VALENTE P, ZUCCARO P, PERUCCI
tement infondés. Sur quel effectif d’infarctus faudrait-il CA. Effect of the Italian smoking ban on population rates of acute coronary
events. Circulation, 2008 ; 117 : 1 183-8.
que portent ces 15 % de réduction sur 7 semaines, pour
4. STRANGES S, BONNER MR, FUCCI F, CUMMINGS KM, FREUDENHEIM JL,
qu’il soit cohérent avec les 6 décès annuels dans les com- DORN JM, MUTI P, GIOVINO GA, HYLAND A, TREVISAN M. Lifetime cumula-
merces d’accueil qu’avance le rapport, fumeurs et non- tive exposure to secondhand smoke and risk of myocardial infarction in never
smokers : results from the Western New York health study, 1995-2001. Arch
fumeurs confondus ? La contradiction est flagrante avec Intern Med, 2006 ; 166 : 1 961-7.


Réalités Cardiologiques • N° 247 • Juin 2008

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