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LA SOCIETE CONTRE L’ETAT

PIERRE CLASTRES

Biographie : Anthropologue français, Pierre CLASTRES (1934-1977) s’est spécialisé en anthropologie politique
des sociétés amérindiennes sans Etat. Homme de terrain, il accomplit de 1963 à 1974 diverses missions en Amérique du
sud, notamment au Paraguay où il séjourne chez les Guayakis, population alors presque inconnue et qui ignorait
l’agriculture. L’essentiel de la pensée de CLASTRES est développé dans Recherches d’anthropologie politique. Bien qu’il
soit dans la mouvance libertaire et socialiste de Mai 68, il refuse toutefois le matérialisme historique de la théorie marxiste.

Partant du principe qu'il est impossible de penser la société sans le pouvoir politique, CLASTRES pense que la
nature du pouvoir politique dans les sociétés permet d’en distinguer deux types irréductibles l'un à l'autre : d’un côté les
sociétés où le pouvoir politique est coercitif, sociétés à Etat, et de l’autre les sociétés, dites archaïques ou primitives, où le
pouvoir politique n'est pas coercitif, sociétés sans Etat. Absence de coercition ne signifie pas absence de pouvoir, car le
pouvoir coercitif n’est qu’un cas particulier du pouvoir politique, qui lui est « universel » et « immanent au social ». Même
dans les sociétés où il n’y a pas d’institutions politiques, il y a du pouvoir politique, car ce sont des sociétés.

1/ Thèses :
A partir de son idée qu’il existe deux types de société irréductibles l’un à l’autre, CLASTRES développe deux thèses
principales tout au long de son ouvrage:

Thèse 1 : Dans les sociétés archaïques, la communauté, détentrice du pouvoir politique, refuse toute
différenciation aliénante du pouvoir politique (la société est contre l’Etat) :

- La chefferie, bien que fonction prestigieuse, est exclusivement au service de la tribu, qui veille à ce que cette
institution ne puisse pas accaparer le pouvoir politique :

1. Les fonctions du chef sont assez limitées. Principalement, le chef est un arbitre au sein de sa communauté,
c'est-à-dire qu'il est censé apaiser les querelles. Mais il ne peut pas prendre de décision qu'il fera ensuite appliquer, puisque
personne ne songerait même à lui obéir. Il ne peut qu'exhorter les parties à la modération et au calme. Il faut donc que le
chef soit un bon orateur, son seul moyen pour remplir sa fonction de pacificateur étant le langage. Le chef est aussi choisi en
fonction d'autres compétences "techniques", celles de chasseur et de guerrier. Car une autre fonction du chef est de diriger
les opérations militaires en cas de guerre. Et c'est seulement dans ce cas là qu'une relation de commandement et
d'obéissance s'établira entre lui et le reste de sa communauté. Or les chefs sont enclins à mener des guerres qui sont la
source par excellence du prestige après lequel ils courent. Mais ils ne peuvent partir en guerre que si la tribu le décide, c'est
à dire que le chef n'a du pouvoir que tant que la société le lui accorde. Le chef dans les sociétés primitives n'est qu'"un
moyen au service d'une fin socialement définie".
2. Le chef a surtout une série d'obligations qui le placent dans une position d'éternel débiteur à l'égard de la
société tant qu'elle lui accorde le prestige d'être chef. Outre sa fonction d'arbitre qu'il est tenu d'exercer, le chef doit être
généreux, et il doit parler à sa communauté. Le chef est tenu de faire don de nombreux biens, et il doit donc inlassablement
travailler, ou faire travailler ses femmes, pour produire des biens dont il fera don à sa communauté. De même il doit à la
société du langage, c'est-à-dire qu'il est obligé de parler à la communauté régulièrement, généralement au moins une fois
par jour. Mais son discours est toujours le même, ressassant sans intérêt la tradition. D'ailleurs personne ne l'écoute. Mais
son discours est rassurant car il montre bien que le chef n'a aucun pouvoir coercitif. CLASTRES note que l'antagonisme
entre sociétés avec et sans Etat affecte aussi la relation entre le langage et le pouvoir au sein de ces deux types de sociétés.
Alors que dans les sociétés à Etat, parole et pouvoir vont de pair, dans les sociétés primitives, la parole est dénuée de
pouvoir.
3. La société exclut le chef en le séparant de l’échange, fondement de la culture. CLASTRES a remarqué que
dans certaines sociétés Sud-américaines, la culture exclut la chefferie hors de son champ. Il a remarqué que le chef devait
faire don de biens et de signes langagiers. La communauté, elle, donne des femmes en plus au chef. Cela ne constitue pas
un échange (par exemple, les femmes ne peuvent pas être remises en "circulation" lorsque le chef n'est plus chef). C'est
même la négation de l'échange, que ce soit de biens, de signes ou de femmes. Or, pour CLASTRES, ces trois types
d'échange sont au fondement de la culture. La communauté excluant le pouvoir du chef de ces échanges, elle l'exclut du
groupe. C'est un refus du pouvoir du chef par la culture.
4. Les mythes éduquent la société contre le pouvoir différencié. En analysant des mythes recueillis chez les
Indiens Chulupi du Paraguay, CLASTRES met en évidence leur rôle "démystificateur". En effet, ces mythes, amusants pour
les Indiens, sont en fait un moyen pour eux de se moquer des chamanes, chose qu'ils n'oseraient jamais faire dans la réalité,
les chamanes étant détenteurs d'un grand pouvoir sur les forces surnaturelles. Les mythes permettent donc de démystifier le
pouvoir des chamanes, généralement important au sein des sociétés primitives.

L’espace de la chefferie, qui serait susceptible de concentrer un pouvoir politique différencié, est systématiquement
limité, voire exclu, et le chef n'est considéré que comme un serviteur de la communauté. C’est surtout un espace symbolique
de ce que la société refuse : l’aliénation du pouvoir politique.

- Les sociétés où le pouvoir politique n’est pas séparé doivent exercer un contrôle social extrêmement fort :

1. La non-différenciation repose sur la présence nécessaire de petites unités socio-politiques égalitaires.


CLASTRES note que les communautés socio-politiques, qu'il qualifie de "dèmes exogamiques", sont, bien qu'à des degrés
différents, de petite taille. Or c'est certainement là la marque d'une volonté dans un but précis. Deux éléments viennent
appuyer cette thèse : tout d'abord, les sociétés archaïques possèdent la capacité de contrôler le nombre de leurs membres.
Ensuite, CLASTRES montre que la répartition de la population dans la forêt amazonienne en petites unités socio-politiques
n'est certainement pas due à l'isolement qui ferait que les groupes humains sont éloignés les uns des autres. En effet
CLASTRES procède à une estimation démographique du peuplement de la forêt amazonienne avant l'arrivée des
Européens. Il trouve un minimum de 4 habitants au kilomètre carré, chiffre auparavant jugé impossible tant il est grand. En
outre il met en évidence l'existence d'alliances politiques entre communautés que viendrait consolider la pratique de
l'exogamie. Ces petites communautés qui semblent l'être par choix sont également des communautés sans distinction entre
riches et pauvres, parce qu'il n'y a pas de production de surplus. Or les Sauvages ont la capacité de produire du surplus,
puisqu'ils ne travaillent que quelques heures par jour à la satisfaction de leurs besoins. L'absence de surplus est donc là
aussi un refus de la division de la société entre dominants et dominés.
2. Des contraintes sociales sont imposée pour empêcher l’apparition d’un pouvoir différencié, notamment
des rituels initiatiques proches de la torture à l’issue desquels les individus ont intériorisé les lois de la communauté. « La
société inscrit le texte de la loi sur la surface des corps », pour que nul ne l'oublie : le message que la communauté dicte (car
les individus doivent rester silencieux tout au long de la torture) à l'individu est qu'il n'est « rien de moins, rien de plus » que
les autres. Il existe aussi toutes sortes de tabous dans ces sociétés, qui visent à supprimer l’autonomie de l’individu au profit
de l’unité de la communauté. CLASTRES note par exemple que chez les Indiens Guayaki, un chasseur ne peut consommer
le fruit de sa propre chasse. Il repose donc sur le reste de la communauté pour le nourrir. De même ils ne peuvent pas
forcément conserver leurs femmes pour eux seuls : ils sont souvent obligés de les partager. Face à ces contraintes sociales
écrasantes, l’individu utilise le chant pour se séparer de « l’homme social qu’il est. ». CLASTRES souligne ici le rôle du
langage comme échappatoire aux contraintes sociales. Car outre la fonction ouverte de communication, le langage possède
une fonction fermée de constitution d’un Ego. Il distingue la double nature du langage : signe (fonction de communication) et
valeur (fonction échappatoire). Le langage comme valeur, qui est utilisé dans nos sociétés par les poètes, permet à l’homme
d’abolir sa condition humaine (sociale). Ce rôle du langage, CLASTRES le retrouve en Amérique du Sud dans des chants et
dans des mythes.

Thèse 2 : Les sociétés archaïques ne sont pas « en retard »

- Réfutation des préjugés ethnocentriques qui impliquent la notion de « retard »:

1. « Les sociétés primitives sont fondées sur une économie de subsistance à cause d’infériorité
technique. Ce serait la cause de leur retard ». Pour CLASTRES, on ne peut pas parler d’infériorité du point de vue de la
technique puisque les sociétés primitives ont une maîtrise de leur milieu adaptée et relative à leur besoins. Quant au terme
d’économie de subsistance, CLASTRES le rejette catégoriquement : Il n’est pas vrai que ces société mobilisent en
permanence la totalité de leurs forces en vue de fournir à leurs membres le minimum nécessaire à leur subsistance. Par
définition, ce ne sont donc pas des sociétés à économie de subsistance.
2. « Les sociétés primitives ont vocation à se doter d’un Etat, elles sont seulement en retard ». Ce préjugé
pouvait tenir tant que les sociétés primitives étaient définies négativement. On les appelait sociétés sans Etat. Or nous avons
vu ci-dessus comment CLASTRES a en fait opéré une redéfinition positive de ces sociétés : ce sont des sociétés contre
l’Etat. Cette définition va à l’encontre de l'évolutionnisme, d’après lequel les sociétés primitives devraient progressivement se
transformer jusqu’à aboutir à notre type de sociétés occidentales. Or c’est cette théorie qui permet de juger les sociétés en
les classant sur une échelle selon que leur degré de retard est plus ou moins grand.

- Il faut donc cesser de considérer les sociétés primitives comme immatures.

Contrairement aux idées reçues, les sociétés primitives sont loin de vivre en état de guerre permanent et leur
spiritualité est bien souvent très riche (chez certaines tribus Sud-américaines le système spirituel reste encore intact
aujourd’hui malgré le zèle pluriséculaire des missionnaires). De même l’absence d’écriture est compensée par une
utilisation du langage beaucoup plus riche que dans nos sociétés. Et il est difficile de parler de « retard » dans des
sociétés qui refusent l'aliénation, sous sa forme économique (refus de la production de surplus) comme sous sa forme
politique (refus de l'Etat). Il faut donc se dégager de l’ethnocentrisme qui nous fait porter un jugement de valeur sur les
sociétés primitives en utilisant notre culture comme référence, comme modèle que chercheraient à atteindre ces sociétés
primitives même si elles n'y parviennent pas (justement parce qu'elles sont archaïques). Or cet ethnocentrisme est
omniprésent : bien entendu dans les théories évolutionnistes, mais même au sein de l’ethnologie, qui d’après CLASTRES
est la forme de l’ethnocentrisme qui se veut scientifique et donc universelle. CLASTRES prêche donc pour une véritable
« révolution copernicienne ». Il se réfère à la révolution qu'était la découverte de l'héliocentrisme par Copernic à une
époque où la pensée dominante ne voyait que du géocentrisme, cette découverte bousculait bien des certitudes,
principalement celle qui plaçait la Terre, notre planète, au centre de tout l'univers. L'analogie met en rapport le géocentrisme
avec l'ethnocentrisme (penser que tout tourne autour de sa culture). Le chemin de la connaissance et de la vérité passerait
en fait par un détachement de sa propre culture.

2/ Portée de l’ouvrage :
A) Promotion de l’anthropologie politique comme discipline à part entière.
Outre la légitimation de sa démarche par des références aussi bien à de grandes figures de la sociologie comme
Emile Durkheim et Marcel Mauss, qu'à des études de terrain nombreuses et variées dans le temps et l’espace, CLASTRES
doit avancer des arguments « scientifiques » pour promouvoir l’autonomisation de l’anthropologie politique.
- Objectivation de son domaine d’études, qui est le champ du politique dans les sociétés archaïques : Il doit pour
cela se dégager des idées reçues selon lesquelles :
1. « il n’y a pas de pouvoir politique dans les sociétés primitives » : CLASTRES explique qu’il n’y a pas de pouvoir
politique coercitif, tel que nous le connaissons, dans les sociétés primitives. Mais cela n’empêche pas qu’il y existe un
pouvoir politique, non-coercitif.
2. « le domaine politique est entièrement subordonné à l’économique » : CLASTRES doit opérer là une critique
exogène du marxisme, à une période où les sciences sociales en France sont dominées par des marxistes : Pour les
marxistes, l'apparition de l'Etat provient de la division de la société en classes. Or pour CLASTRES la division de la société
en classes n'est pas possible dans les sociétés sans Etat car "la capacité, égale chez tous, de satisfaire les besoins
matériels, et l'échange de biens et services, qui empêche constamment l'accumulation privée des biens, rendent tout
simplement impossible l'éclosion d'un (« désir de faire, posséder, paraître plus que son voisin ») ». Il dit même que seule
l'aliénation politique est à même de pousser les Sauvages à l'aliénation de leur travail. En d’autres termes, un « Sauvage »
ne cherchera jamais à produire plus que ce dont il a besoin à moins d’y être forcé. Et seul un pouvoir coercitif, comme l’Etat,
peut l’y forcer.

- Le but de l’anthropologie politique est de répondre à la question : "Pourquoi y a-t-il du pouvoir politique (plutôt que
rien) ?"
De cette interrogation en découlent deux autres, auxquelles l’anthropologie politique va tenter d’apporter des
réponses :
« Qu’est-ce que le pouvoir politique ? »
« Comment et pourquoi passe-t-on du pouvoir politique non coercitif au pouvoir politique coercitif ? »

B) Limites de l’œuvre : l’analyse de CLASTRES tend à sous-estimer les mécanismes de contrôle social qui
assurent l’homogénéité de la société : une division des tâches très accusée entre les hommes et les femmes au profit
exclusif des premiers et un processus d’imposition des règles communes extrêmement contraignant durant le processus de
socialisation. Ces mécanismes conduisent au rejet hors de la tribu de tout élément qui ne respecterait pas ces principes.
Par ailleurs, CLASTRES ne prend pas en compte l’idée que le véritable pouvoir se situe peut-être chez les
chasseurs-guerriers, c’est à dire chez les adultes mâles dont la survie de la tribu dépend : l’homogénéité sociale de la tribu
où la division du travail est réduite à sa plus simple expression ne rendrait donc pas nécessaire l’apparition d’un pouvoir
politique différencié puisque le groupe social « dominant» a les moyens de faire respecter les règles à la collectivité.
L’efficacité du contrôle social dispenserait donc, dans certaines sociétés de petite taille, de l’instauration d’un pouvoir
politique séparé.
Conclusion:
La société contre l’Etat est une remise en question de l’origine de l’Etat et de la nature du pouvoir politique.
Une revalorisation des sociétés primitives.
Un livre décisif dans la reconnaissance de l’anthropologie politique comme discipline autonome.
Un ouvrage éminemment polémique, dont l’un des buts principaux est d’appeler à remettre en cause les
paradigmes qui valaient jusque là dans l’étude des sociétés primitives.
Des idées innovantes qui ont nourri diverses tendances politiques : CLASTRES est une référence pour les
anarchistes car l’idée que l’Etat est aliénation et qu’il est tout à fait humain de se dresser contre l’autorité est confortée par
ses études sur le terrain. Mais il est aussi une source d’inspiration pour le mouvement des verts car il montre qu’un autre
mode de production où l’homme serait en harmonie avec son milieu naturel est tout à fait capable de satisfaire les besoins
humains.

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