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PHILO: Le bonheur

INTRODUCTION:

I. Le bonheur comme récompense divine?

«Une somme de bonheur est due à chaque individu (...) Si peu que l'on m'en prive,
je suis volé» (Gide, les Nouvelles nourritures). De qui pourrais-je bien attendre le
bonheur, sinon de Dieu? Dieu seul semble avoir la puissance d'accorder le bonheur
à ceux qu'il élit. Mais une telle attente repose sur une hypothèse qu'il serait
hasardeux de tenir pour vraie. Que Dieu existe, cela est un article de foi, non une
certitude. Par conséquent, l'idée que je reçois mon bonheur de Dieu ne peut
convenir qu'à ceux qui croient. Mais même un croyant peut suspecter cette idée de
reposer sur une illusion. L'homme, trouvant autour de lui tous les objets nécessaires
à sa survie, a naturellement tendance à penser que ces objets ont été mis à sa
disposition par une divinité bienveillante. Mais, si Dieu existe, peut-il se soucier de
notre bonheur?

1. Dieu se soucie-t-il de nous?

Croire que Dieu s'est soucié de nous en créant le monde, c'est peut-être se tromper
sur la nature de Dieu. Si Dieu existe, peut-il se soucier de notre bonheur? C'est
incompatible avec sa nature même selon Lucrèce.
Prétendre que c'est pour les hommes que les dieux ont
voulu préparer le monde et ses merveilles; qu'en
conséquence leur admirable ouvrage mérite toutes nos
louanges; qu'il faut le croire éternel et voué à l'immortalité;
que cet édifice bâti par l'antique sagesse des dieux à
l'intention du genre humain et fondé sur l'éternité, il est
sacrilège de l'ébranler sur les bases par aucune attaque,
de le malmener dans ses discours, et de vouloir le
renverser de fond en comble; tous ces propos, et tout ce
qu'on peut imaginer de plus dans ce genre ne sont que
pure déraison. Quel bénéfice des êtres jouissant d'une
éternelle béatitude pouvaient-ils espérer de notre
reconnaissance, pour entreprendre de faire quoi que ce
soit en notre faveur? Quel événement nouveau a pu les
pousser, après tant d'années passées dans le repos, à
changer leur vie précédente? Sans doute la nouveauté doit
plaire à ceux qui souffrent de l'état ancien. Mais celui qui
n'avait point connu la souffrance dans le passé, alors qu'il
vivait de beaux jours, quelle raison a pu l'enflammer d'un tel
amour de la nouveauté? Et pour nous quel mal y avait-il à
n'être pas créés? Croirai-je que la vie se traînait dans les
ténèbres et la douleur, jusqu'à ce qu'elle eût vu luire le jour
de la création des choses? Sans doute, une fois né, tout
être tient à conserver l'existence, tant qu'il se sent retenu
par l'attrait du plaisir. Mais pour qui n'a jamais savouré
l'amour de la vie, et qui n'a jamais compté parmi les
créatures, quel mal y a-t-il à n'être point créé?
Lucrèce, De la nature, V
Lucrèce dénonce une série d'opinions religieuses. Il les énumère toutes sous la
forme d'une série de propositions subordonnées au verbe «prétendre». Leur point
commun, l'erreur commune qui les fonde, c'est la première énoncée, celle de finalité
ou de dessein, d'intention. Les dieux, selon cette opinion, seraient bienveillants à
notre égard. Les trois autres préjugés peuvent lui être rattachés.

Le premier de tous, c'est que les dieux ont créé le monde « pour les hommes ».
L'essentiel est exprimé par le «pour», c'est l'idée que les dieux avaient en vue, en
créant le monde, notre bien-être. Ce qu'exprime cette opinion, c'est l'idée finaliste,
celle que le monde est le résultat d'une volonté ou d'un plan divin. Elle repose sur un
argument, implicite dans la formulation de Lucrèce, celui des merveilles du monde.
Le monde est beau, bien fait, bien ordonnée. C'est un cosmos, disent les Grecs, ce
qui signifie à la fois univers et ordre harmonieux. Ce mot donnera en français
l'adjectif cosmétique. C'est un argument classique en faveur de l'existence de Dieu:
le monde et ses merveilles n'ont pas pu se créer par hasard. De cette première
opinion découle la deuxième: nous avons un devoir de reconnaissance envers les
dieux. Puisqu'ils ont tout fait pour notre bonheur, nous devons les louer, faire leur
éloge, les remercier, leur rendre grâce, par la prière et les sacrifices. Il faut honorer
les dieux. On suppose donc que la louange leur plaît et les flatte, tandis que
l'ingratitude pourrait les irriter. On retrouve cette idée aussi bien dans les
monothéismes. La troisième découle elle aussi de l'idée finaliste. Puisque le monde
est un ouvrage divin, il ne peut qu'être, comme les dieux, éternel. Les dieux n'ont pas
pu vouloir notre disparition en créant un monde périssable, qui entraînerait un jour
l'humanité dans sa perte. Quatrième opinion, qui trouve elle aussi sa source dans le
principe finaliste: puisqu'il est sacrilège d'offenser les dieux, il est sacrilège d'offenser
le monde, qui est leur ouvrage. Le sacrilège consiste dans un manque de respect à
l'égard de ce qui est sacré. Or le monde, étant d'origine divine, est sacré. Ces quatre
opinions, qui peuvent toutes se ramener à une seule, puisqu'elles reposent toutes
sur l'idée d'une bienveillance des dieux à notre égard, sont selon Lucrèce contraires
à la raison. Il va donc critiquer la notion de Providence, c'est-à-dire l'idée d'un Dieu
qui se soucie de ses créatures. Ce n'est pas qu'il soit athée. Rien, dans ce passage,
ne laisse supposer qu'il mette en cause l'existence des dieux. Mais il refuse l'idée
que ces dieux puissent se soucier de nous. Ils n'ont pas créé le monde pour notre
bien. Ce, pour deux raisons. L'une, qui concerne les dieux, la seconde les hommes.
La première, c'est qu'ils n'auraient tiré aucun bénéfice de cette création du monde. Si
les dieux existent, ils n'ont pas créé le monde, parce qu'ils n'ont aucun intérêt à le
faire. Tout événement, toute action s'explique par une cause. C'est le principe de
raison. Or les dieux n'avaient aucune raison de créer le monde. On dira qu'ils
espéraient en être récompensés par notre reconnaissance. Mais c'est tout de même
un bénéfice bien faible par rapport à l'ampleur de la tâche accomplie! Notre
reconnaissance ne leur aurait rien apporté de plus que ce qu'ils ont déjà car, dit
Lucrèce, ils jouissent d'une «éternelle béatitude». Nos louanges ne sauraient leur
assurer un surcroît de bonheur, puisqu'ils jouissent d'une félicité parfaite. L'argument
principal de l'auteur repose sur ce présupposé que les dieux sont bienheureux. C'est
une idée commune à la plupart des religions. Selon les monothéismes, Dieu est
parfait. Cette perfection doit lui procurer le bonheur. Le bonheur est lui-même une
perfection. S'il manquait à Dieu, alors Dieu ne serait pas parfait. Par conséquent,
créer le monde ne pouvait être dans leur intérêt. Cela ne pouvait pas les rendre plus
heureux. Au contraire, cela eût été pour eux une source de soucis. En particulier,
devoir se soucier, c'est-à-dire se préoccuper de nous aurait été une source
d'inquiétude. Le souci, par définition, s'oppose au bonheur. Créer le monde, cela eût
constitué un changement. Toute création est un changement, l'irruption d'une
nouveauté. Pourquoi les dieux auraient-ils voulu ce changement? Pourquoi à ce
moment-là plutôt qu'à un autre? Celui qui veut le changement, remarque Lucrèce,
c'est celui qui n'est pas satisfait de son sort, qui n'est pas heureux de la situation
présente. Celui qui est content est hostile au changement. Or, les dieux, étant
parfaitement heureux, n'ont aucun intérêt au changement. Par conséquent, il n'ont
pas créé l'univers, et ne l'ont donc pas créé non plus pour notre bien. Les dieux
n'ont pas créé le monde pour notre bien pour une bonne raison, c'est qu'ils n'ont pas
créé le monde et que se soucier de l'espèce humaine contredirait à leur bonheur. En
outre, ce n'est pas pour notre bien que nous avons vu le jour, car le fait de n'être pas
né ne serait pas un mal. Nous ne pouvons pas concevoir notre naissance comme
une amélioration de notre état, ou de notre bonheur. Avant de naître, nous ne
pouvions pas souffrir ou regretter de n'être pas nés, puisque précisément nous
n'étions pas nés. L'existence n'est un bien que pour celui qui en jouit. Pour celui qui
n'est pas, elle ne peut être vue ni comme un mal, ni comme un bien. Nous ne nous
sentons pas mieux d'avoir été créés, puisque auparavant nous ne nous sentions pas
mal. Cette idée permet de réfuter les opinions citées au début: nous n'avons pas à
être reconnaissants envers les dieux. Critiquer l'ordre des choses, cela n'est en rien
sacrilège, car ce monde n'est pas l'œuvre des dieux. Enfin, rien ne permet de croire
que ce monde ou les espèces qui l'habitent soient éternels.

2. Religion et superstition
Loin d'être athée ou impie, Lucrèce dénonce une fausse conception des dieux. Si
l'on admet que les dieux sont bienheureux, on ne peut pas admettre en même temps
qu'ils se sont imposé la lourde tâche de créer le monde et de veiller sur la turbulente
humanité. Lucrèce n'est pas impie: il reconnaît l'existence des dieux. C'est au
contraire celui qui croit que les dieux sont à notre service qui commet un sacrilège.
Croire Dieu à mon service, c'est scandaleux. Dieu ne saurait exister pour moi, pour
me servir, pour répondre à mes attentes. Une telle croyance fait de Dieu mon
serviteur. Croire que Dieu pourrait accéder à mes prières et assurer mon bonheur,
c'est s'imaginer qu'il pourrait, pour moi, modifier l'ordre de sa création. Cela relève de
la superstition plutôt que de la religion. La superstition, c'est une croyance
intéressée, qui repose sur l'espoir et la crainte: je crois afin d'en obtenir un avantage.
Une telle croyance est sacrilège. Elle suppose que Dieu pourrait changer ses plans,
donc changer d'avis, s'être trompé, par conséquent être imparfait (Lire St Exupéry,
Citadelle, p. 235).

Puisque la considération de ce qu'est Dieu m'interdit de croire qu'il puisse se


soumettre à mes désirs (« Que Ta volonté soit faite »), je pourrais peut-être
cependant espérer obtenir le bonheur, non dans cette vie, mais après, comme
récompense de ma vertu et de mes actions ici-bas. Les religions comme le
christianisme ou l'Islam semblent en effet permettre d'attendre le bonheur comme
récompense dans l'au-delà. Si j'ai bien agi, si j'ai été juste, alors, semble-t-il, je suis
en droit d'attendre le bonheur éternel. Je le mérite. Mais une telle attente dévalorise
la valeur de mon action. En effet, si j'ai agi non par pure bonté, mais dans l'espoir
d'une récompense, alors cette action était intéressée, non purement morale. Le
christianisme exige la pureté de l'intention, la pureté du cœur, et pas seulement une
action extérieurement juste. C'est ce que Kant reprendra à son compte en
distinguant la simple légalité de la moralité. La légalité désigne la conformité de
l'action à la loi morale. La moralité consiste non seulement à agir conformément à la
loi morale, mais encore à agir de façon désintéressée, par pur devoir, par pur
respect pour la loi morale, et non sous l'effet d'un quelconque mobile. Par exemple,
un commerçant n'est véritablement juste que s'il est honnête par devoir, et non dans
le but de se faire apprécier de ses clients. Par conséquent, si j'agis en vue d'assurer
mon Salut, afin de gagner la vie éternelle, mon action n'est pas tout à fait juste (et
même pas du tout, parce qu'il n'y a pas de degrés dans la moralité). Mon action ne
peut être morale si je peux attendre le bonheur avec certitude comme récompense. Il
faut donc que cette récompense soit incertaine. Si je suis sûr d'y avoir droit, il m'est
impossible d'être absolument juste. D'où l'on peut répondre à certaines objections
contre la religion: pourquoi Dieu ne se montre-t-il pas? S'il existe, pourquoi ne nous
en fournit-il pas la preuve? Pourquoi le Christ répugne-t-il à accomplir des miracles?
Il faut que l'existence de Dieu, pour le croyant lui-même, soit incertaine. Le silence
de Dieu rend possible la morale. C'est ce que Lévinas appelle une religion d'adultes:
«Un Dieu d'adultes se manifeste précisément par le vide du Ciel enfantin». Le Dieu
des enfants distribue punitions et récompenses. Une foi adulte fait le deuil de ce
dieu-là. Il n'est pas sûr que ma vertu me garantisse le bonheur. Heureusement, car si
je pouvais tenir le bonheur éternel comme un droit, comme une récompense que je
peux être sûr de mériter, alors mon action, même juste, serait impure, car guidée par
l'espoir. En revanche, si la foi est une croyance qui inclut une incertitude quant à
l'existence de Dieu, et un doute quant à la possibilité du Salut, cela me laisse libre de
choisir ou pas la vertu. Si j'ai conscience que le bonheur après la mort est, non un
droit, mais une sorte de supplément qui peut venir s'ajouter ou pas à ma vertu, cela
me laisse la possibilité d'agir bien par choix, et non parce que je m'y sens contraint
par une puissance supérieure. La vertu ne me donne pas droit au bonheur: elle me
rend seulement digne du bonheur. Je ne peux pas être sûr d'obtenir le bonheur. Je
peux seulement l'espérer. Je ne dois donc pas agir en vue du bonheur, ou j'agis par
simple intérêt, mais faire le bien pour le bien, en espérant que le bonheur viendra
peut-être en plus. C'est la conclusion du Concile de Trente, réuni à l'époque de la
Réforme.

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