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Une Pierre
Une pierre
Nous prenions par ces prés
Où parfois tout un dieu se détachait d'un arbre
(Et c'était notre preuve, vers le soir)
Parapet de la terrasse,
semble peinte sur le vide,
du safre clair dans le ravin,
sent-ils, reflet peut-être
Tes et d'autres pierres sur un fleuve.
De tout tes yeux regarde ! Rien d'ici,
cette combe, cette lueur
l'orage, ou le pain, le vin,
UNE VOIX
ART DE LA POÉSIE
Toi que l'on dit qui bois de cette eau presque absente,
Souviens-toi qu'elle nous échappe et parle-nous.
La décevante est-elle, enfin saisie,
D'un autre goût que l'eau mortelle et seras-tu
L'illuminé d'une obscure parole
Bue à cette fontaine et toujours vive,
Ou l'eau n'est-elle qu'ombre, où ton visage
Ne fait que réfléchir sa finitude ?
-je ne sais pas, je ne suis plus, le temps s'achève
Comme la crue d'un rêve aux dieux irrévélés,
Et ta voix, comme une eau elle-même, s'efface
De ce langage clair et qui m'a consumé.
Oui, je puis vivre ici. L'ange, qui est la terre,
Va dans chaque buisson et paraître et brûler.
Je suis cet autel vide, et ce gouffre, et ces arches
Et toi-même peut-être, et le doute : mais l'aube
Et le rayonnement de pierres descellées.
Dragué fut le regard hors de cette nuit.
Immobilisées et séchées les mains.
On a réconcilié la fièvre. On a dit au coeur
D'être le coeur. Il y avait un démon dans ces veines
Qui s'est enfui en criant.
Il y avait dans la bouche une voix morne sanglante
Qui a été lavée et rappelée.
Bruit, clos,
De la perche qui heurte le flot boueux,
Nuit
De la chaîne qui glisse au fond du fleuve
Ailleurs,
Là où j'ignorais tout, où j'écrivais,
Un chien peut-être empoisonné griffait
L'amère terre nocturne.
0 terre, terre,
pourquoi la perfection du fruit, lorsque le sens
comme une barque à peine pressentie
$e dérobe de la couleur et de la forme,
Et d'où ce souvenir qui serre le coeur
De la barque d'un autre été au ras des herbes ?
D'où, oui, tant d'évidence à travers tant
D’énigme, et tant de certitude encore, et même
Tant de joie, préservée ? Et pourquoi l'image
Qui n'est pas l'apparence, qui n'est pas
Même le rêve trouble, insiste-t-elle
En dépit du déni de l'être ? Jours profonds,
Un dieu _jeune passait à gué le fleuve,
Le berger s'éloignait dans la poussière,
Des enfants jouaient haut dans le feuillage,
Rires, batailles dans la paix, les bruits du soir,
Et l'esprit avait là son souffle, égal...
Aujourd'hui le passeur
N'a d'autre rive que bruyante, noire
Et Boris de Schloezer, quand il est mort
Entendant sur l'appontement une musique
Dont ses proches ne savaient rien (était-elle, déjà,
La flûte de la délivrance révélée
Ou un ultime bien de la terre perdue,
« Oeuvre », transfigurée ?) - derrière soi
N'a laissé que ces eaux brûlées d'énigme.
0 terre,
Étoiles plus violentes n'ont jamais
Scellé l'orée du ciel de feux plus fixes,
La patience- le ciel
Que te faut-il, voix qui reprends, proche du sol comme la sève
De l'olivier que glaça l'autre hiver ?
Le temps divin qu'il faut pour emplir ce vase,
Oui, rien qu'aimer ce temps désert et plein de jour.
La patience pour faire vivre un feu sous un ciel rapide
L'attente indicisée pour un vin noir.
L'heure aux arches ouvertes quand le vent
a des ombres qui rouent sur tes mains pensives.
Une voix
Combien simples , oh fûmes nous parmi ces branches,
Inexistants, allant du même pas
Une ombre aimant une ombre, et l'espace des branches
Ne criant pas du poids d'ombres , ne bougeant pas
Yves Bonnefoy