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Corrigé
[Introduction] [Accroche :] Les plus grandes religions survivent aux générations, elles
permettent aux sociétés de se donner des fondements, une tradition, à travers le temps.
Dans ces sociétés, et même si les hommes n’en ont pas toujours conscience, les religions
dirigent en partie leurs pratiques et représentations. A considérer la société actuelle,
toutefois, il est difficile de ne pas constater un affaiblissement de la religion. En effet, un
Etat laïc permet une liberté de croyance, qu’on ne songe guère à remettre en cause ;
l’athéisme, en tant négation de l’existence de Dieu, est aujourd’hui habituel. S’agit-il
d’un état d’exception ou d’une tendance irréversible ? [Annonce et reformulation du
sujet :] Peut-on se passer de religion ? L’homme, considéré individuellement ou
socialement, peut-il vraiment vivre sans rites et sans dogmes ? [problématique :] Est-il
concevable de se dispenser des pratiques et croyances qui ont occupé l’humanité depuis
son origine ? Est-ce même souhaitable : si l’on parvient à se dispenser de toute religion,
peut-on vivre de manière tout à fait humaine ? Il est difficile de voir clair dans ces
questions, tant qu’on n’a pas suffisamment bien compris pourquoi la religion peut, d’une
part, être rejetée par l’homme, alors que, d’autre part, elle a toujours prétendu répondre à
ses aspirations les plus profondes. [Plan :] Pour répondre, il faudra d’abord dégager ce
qui permet à l’homme de refuser les croyances propres à la religion. Par la suite, il s’agira
de montrer dans quelle mesure la foi est nécessaire à l’homme, même si cette foi est
illusoire, et même si elle n’est pas tout à fait religieuse. Enfin, nous pourrons déterminer
le rôle moral et social que la religion est amenée à jouer et si cela peut être véritablement
indispensable à l’homme. [Enjeu :] Ce sera l’occasion de mieux saisir ce que l’on attend
de la religion, ce qu’elle attend de nous, et, par là-même, de pouvoir comprendre ce qui
peut animer la vie de tant d’hommes, y compris de ceux dont les croyances et les
pratiques sont tout à fait éloignées des nôtres.
[I – l’homme peut se passer des croyances religieuses, parce qu’elles sont illusoires]
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dogmes et des pratiques obligatoires que toute religion comprend. Leur conception de la
religion, plus ou moins critique, plus ou moins indifférente, est aujourd’hui
complètement admise. On peut même se demander si le refus de la religion n’est pas plus
évident que sa justification. Encore faut-il comprendre en quoi consiste ce refus.
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toute une vie pour s’acheter une place au paradis, et que celui-ci n’existe pas, la
souffrance a été vaine, et apparaît plus odieuse que jamais. C’est pourquoi il apparaît
indispensable, pour Marx, de se passer de religion. Mais est-ce seulement possible ?
Marx écrit : « le fondement de la critique irréligieuse est : c'est l'homme qui fait la
religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. » (Critique de la philosophie du droit de
Hegel) La conséquence est directe : dans la mesure où c’est l’homme qui fait la religion,
il doit pouvoir s’en passer, en trouvant de meilleurs moyens pour répondre à sa condition
misérable. Il peut et il doit parvenir à se passer d’une illusion aliénante, qu’il a lui-même
forgée mais par laquelle il s’ôte sa propre liberté.
[Transition]
Le rejet de la religion est le rejet d’une illusion qui est irrationnelle et aliénante. Pourtant,
si la religion est une illusion, c’est une illusion particulièrement solide, qui ne se dissipe
pas aussi facilement qu’on peut le penser. Comment comprendre que les hommes ne
parviennent pas si facilement à se détacher de sa dépendance ?
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[L’authentique foi en Dieu s’impose à l’homme]
On peut certes se rassurer en croyant qu’il existe un être qui veille à notre âme, mais Dieu
est plus que cela. Dieu protège, rassure, mais il provoque aussi en nous la conscience de
nos propres fautes, de nos bassesse, voire de notre misère. Plus profondément, il faut se
demander si Dieu est un être qui répond véritablement à nos désirs et à nos besoins. Plus
généralement, la foi, en général, est peut-être bien plus que la réponse à un désir
personnel. Elle concerne certes la personne elle-même, puisque toute foi implique un
engagement de celui ou celle qui « a la foi ». Pour autant, elle ne vient pas de la personne,
mais lui est plutôt imposée. On peut considérer, étant croyant, qu’elle ne dépend pas tant
de l’homme lui-même, de ses besoins ou de ses désirs, que d’une nécessité qui le
transcende, qui dépasse ses capacités et qui conditionne sa vie. C’est cette idée que
défend Pascal quand il montre, dans les Pensées, que le Dieu en lequel il croît n’est pas
d’abord un « Dieu de la providence » qui vient répondre aux exigences humaines. C’est
plutôt un « Dieu d’amour et de consolation » qui fait sentir aux hommes leur « misère
intérieure » tout en remplissant leur âme de « joie », de « confiance » ou d’ « amour ».
Dieu ne dépend pas des hommes, eux dépendent de Lui : c’est ainsi qu’il faut comprendre
à la fois leur misère et le fait qu’ils aient à se tourner vers Lui. La foi, comprise ainsi,
n’est pas tant une réponse aux soucis de l’existence qu’un don, dont il faut, même si c’est
difficile, se rendre capable. Difficile de savoir si la foi est une réponse à un désir
inconscient de l’homme, comme le prétend Freud, ou si elle est un don de Dieu, comme
le montre Pascal. On peut considérer, en suivant Pascal, que la foi est plus qu’une
réponse : c’est un engagement qui porte l’homme à s’élever.
[Transition]
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Il est humain d’avoir la foi : l’homme, qu’il soit croyant ou non, est porté à engager son
existence sans jouir d’une pleine certitude dans la réalisation de ses désirs et de ses
espoirs. Mais est-ce de religion dont il a besoin pour exercer cette foi ?
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[Notre société est encore morale et religieuse]
Reste à savoir si nous vivons dans des sociétés qui, de ce point de vue, sont encore
religieuses. On entend souvent dire que nous vivons une époque où les individus n’ont
plus de « repères », de « valeurs », bref plus de morale. Généralement, on estime
justement qu’une des causes de cet affaiblissement de la morale tient à la place trop
réduite qu’auraient les religions traditionnelles dans nos sociétés occidentales modernes.
Ce jugement est certainement trop hâtif, entre autres choses parce que nos sociétés, même
si elles sont individualistes et si elles se prétendent plus rationnelles que les autres, ne
sont pas moins morales. C’est la thèse que défend Durkheim en montrant que c’est la
personne individuelle qui, dans nos sociétés, est devenue sacrée : « elle est comme
environnée d’une auréole de sainteté » (Sociologie et philosophie). C’est notamment à
partir du respect de l’individu que, dans nos sociétés, nous constituons alors une morale.
On pourrait aussi montrer que des sociétés qui se prétendent sans religion, comme la
société soviétique, ne pouvait exister sans un culte de l’Etat et sans une morale de l’effort
collectif. Ainsi, il est difficile de concevoir une société où les individus ne s’engagent pas
les uns les autres, et les uns envers les autres, à partir de principes inconditionnels,
autrement dit d’une foi commune. C’est de cette religiosité, précisément, dont les
hommes ne peuvent se passer.
[Conclusion]
L’athéisme est un fait : il est possible de se passer de l’idée de Dieu pour vivre, parce
qu’il ne répond à aucune raison et on peut n’en avoir aucune expérience ; on peut alors
considérer la croyance en Dieu, et toute croyance religieuse, comme illusoire. Plus
encore, si l’on se passe de religion, c’est que l’on estime que, par ses illusions, elle aliène
la liberté des individus et des peuples. Toutefois, il y a un élément fondamental de la
religion dont les hommes ne peuvent se dispenser : c’est la foi, c’est-à-dire un
engagement inconditionnel envers certains êtres ou principes. Or, cette foi n’a de sens
que si elle s’inscrit dans une morale commune et, si l’on comprend la religion comme
cette foi commune, il est clair que l’homme ne peut s’en passer, tant qu’il est un individu
social. On peut bien sûr objecter que le sentiment d’appartenir à une société s’est
affaibli. Peut-être l’individu contemporain est-il devenu indifférent à toutes choses, à tel
point qu’il n’a plus foi en rien. Ce serait un constat amer, mais aussi passablement
injuste. Tant qu’il agit en relation avec d’autres hommes et tat qu’il dirige sa vie à partir
de principes qu’il peut partager, et qui apparaissent sacrés, l’homme est encore, d’une
certaine manière, un être religieux. Et même si ces principes ont changé, s’ils sont
différents d’un individu à l’autre, d’une société à l’autre, il faut les comprendre comme
un signe d’une commune humanité.