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Jean Danièlou, Études, Vol. 78, No. 244 (Jan-Mar 1945), Fiche Bibliographique, Dossier No. 6: Février 1944.

n.p.

Georges BATAILLE. — L'Expérience intérieure. Collection « Les Essais », Paris, Gallimard, 1943. In-12,
252 pages. Prix : 37 francs.

M. Georges Bataille est le théologien mystique d'une école philosophique dont M. Sartre est le grand
théoricien, en même temps que le romancier et le dramaturge, et M. Camus l'essayiste. « Théologien
mystique », le mot, qui est de l'auteur lui-même, est singulièrement impropre, car il s'agit précisément ici
d'un effort pour constituer une mystique en dehors de toute théologie. M. Bataille rejoint l'école, issue de
Heidegger, dont on a dit justement qu'elle représentait l'effort le plus radical pour constituer une
métaphysique qui boucle sans que le problème de Dieu y soit seulement posé.

Bataillé, en effet, comme Sartre, comme Camus, comme Heidegger, part de l'idée de la contingence, de la
finitude radicale de l'homme, c'est-à-dire du seul être qu'il soit donné d'atteindre.L'absolu, le «devenir tout»,
comme dit -Bataille, et Dieu par conséquent, est la perfection créée par l'homme de son désir d'échapper à
sa finitude. C'est ce désir qui a suscité toutes les métaphysiques et toutes les religions. L'expérience
intérieure, la « nausée », comme dit Sartre, c'est le sentiment mêlé de désespoir et de libération, qui
accompagne, l'effondrement de l'édifice métaphysique, la « mort de Dieu » nietzschéenne et l'acceptation
de la contingence de l'être.

L'originalité de Bataille est que cette expérience, qui vient remplacer dans cette nouvelle « théologie »
l'expérience mystique, se présente comme un état de grâce, donné à certains moments privilégiés d'une
intensité extraordinaire. Bataille emploie pour décrire cet état tout un vocabulaire qui lui est propre, d'abord
déconcertant, et dont on finit par saisir la signification : c'est à la fois « écoeurement », « supplice »,
« sacrifice», « déchirement », « expiation », «nausée » — et « triomphe », « rire », « extase », « gloire »,
« haussement »; et ce double aspect définit bien une expérience qui est l'éclat d'une destruction.

Rarement, je pense, l'effort concret de l'homme pour atteindre par ses forces une propres expérience où se
consument toutes ses énergies spirituelles dans une dépense, une décharge fulgurante, a été poussé plus
loin. Et ici Bataille a raison de critiquer le yoga! Mais cet effort suprême est bien loin, s'il en emprunte le
langage, de l'expérience mystique authentique, du charbon ardent qui consume les souillures de l'âme pour
la rendre capable de l'union transformante avec le Dieu vivant.

Jean DANIÉLOU

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