i mtr ofele de le
Bes ee
Recta aictels
photographiquele point sur
Audaces
timidités
et
de la Renaissance
Pascal Bri
st, maitre de conférences, Centre d'études supérieures
de la Renaissance, Université de Tours
‘Evoquons quelque docteur de cette école, mort il y a cent ans. Quels seront ses sentiments ? Si,
au souvenir qu'il a gardé de son temps, il compare le notre, je veux dire non pas nos espérances,
mais les fleurs écloses déja de U'union des lettres et de la science en France, en Htalie, en Angle-
terre, ne restera-t-il pas stupéfait et foudroy
Tel est l'enthou
Ramée décrit, en 1546, I'époque de Frangois
I, enthousiasme partagé par ses contempo-
rains lettrés, mais aussi par ses préd
jens comme Leonardo Bruni ou Pic de la
sme avec lequel Pierre de la
ita
Mirandole.
On sait qu’au XVI sigcle,
ses Vies des mei leurs peintres, sculpteurs
et architectes italiens, utilise le mot rindscita
Vasari, dans
pour qualifier le renouveau des arts, alors que
Ie terme de “Renaissance”, utilisé par Jacob
Burckhardt et Jules Michelet au XIX° sivcle,
posstde une acception beaucoup plus large. Ce-
pendant, I’6pogue correspond bien un moment
historique particulier, entre XV"et XVI sid
aucours duquel plusieurs
ct de savants eurent le sentiment que des temps
Venus, marquant une rupture
la période médiévale qualifié
“gothique” et de “barbare”. Il faudra revenit
de rupture qui peut n’avoir été
nouveaux étai
tres nette ave
qu'une illusion, Il est néanmoins indéniable
qu'un écart a 616 pergu et que la conscience
’appartenir un sidcle unique a été constitutive
dune culture singuliére, partagée au moins par
certaines élites.
Le concept de Renaissance n'en demeure
pas moins problématique ds lors qu’on en
6largit Pusage au-dela d’un simple mouvement
litéraire et artistique. Y eut-il une Renaissance
économique, une Renaissance scientifique, une
Renaissance religieuse, une Renaissance des
sensibilités ? Autant de questions discutées
par I’historiographie qui ne trouvent pas de
réponses évidentes.
a temporalité dans laquelle s'inscrit la
Renaissance pose aussi un probléme. Elle
préte facilement & lironie des historiens car
selon les licux, le phénomene apparait au XII
ou au XVI sidcle et se termine soit au début
du XVI sigcle, soit en plein cour du XVII
sidcle. Les décalages entre Italie et AngleterreHERI 0 000 curve 0€ La nennissance
sont a ce titre exemplaires. De plus, faire de la
Renaissance, & la maniére de Phistorien balois,
Jacob Burckhardt, le moment fondateur de la
modemité est aujourd'hui remis en cause par
tous ceux qui pointent les archaismes des XV°et
XVIsideles ; par tous ceux, aussi, qui récusent
une téléologie historique selon laquelle passé
et présent forment une chaine causale parfait.
Le Moyen Age n'est peut-<étre pas si radicale-
ment coupé des sitcles qui le suivent. Ainsi,
par exemple, l’entreprise qui consista & faire
accepter une vision théologique plus élevée
de la nature humaine s’ancre dans la réflexion
de Thomas d” Aquin sur les besoins spirituels
de l'homme. Dans le domaine de l'art, les
fresques de Benozzo Gozzoli dans la chapelle
privée du palais des Médicis, & Florence, relé-
vent du style gothique international, mais cela
est classique de présenter Pétrarque (1304-
1374) comme le pére spirituel de la Renais-
sance. A la cour pontificale d” Avignon, en effet,
le lettré est I'un des premiers & militer pour la
restitution des textes en latin classique : il réa-
lisa lui-méme un important travail sur le Pro
Archia de Cieéron et rédigea plusieurs vies de
fondatrice plausible, ce sont surtout ses prises
de posi
lastiques et l"enthousiasme qu'il communiqua,
a toute une génération d’érudits et da
du XV° sidele,
Anciens et modernes
Le premier cercle autour de Pétrarque rassem-
blait entre autres le peintre Simone Martini,
auteur Boccace ou le tribun républicain Cola
di Rienzo. Hengendra a son tour dans les années,
1430 un cercle florentin, En son sein, V'inépy
sable soif de livres anciens de Leonardo Bruni,
Coluccio Salutati et du Pogge, fut a Vorigine de
laconstitution d’un premier fonds de littérature
latine et de la mise en place de méthodes phi-
lologiques de plus en plus assurées.
AL époque oi ’on commengait a dépouiller
les textes antiques des erreurs de copie ou a"
terprétation héritées de la période médiévale,
Parrivée en Italie de Grees fuyant I" Empire
byzantin menacé, ajouta & la culture latine la
sagesse hellénique. Burckhardt présente la
chute de Constantinople (1453) comme un
n’empéche pas larchitecte du lieu d’ utiliser de
fagon contemporaine, pour la cour principale,
des arcades composites ail'antica, De méme,
les eérémonies civiques florentines empruntent
largement le vocabulaire chevaleresque de la
cour de Bourgogne, avec ses toumnois et ses
emblémes. Pareillement, les humanistesitaliens
qui se lancent & la recherche des manuscrits
auteurs latins dans les années 1430-1450 ont
pour prédécesseurs des humanistes francais du
XIV® sigcle et du début du XV° sigcle comme
Jean de Montreuil,
En somme, plutdt qu’ une rupture veritable
Ja Renaissance est le résultat dune évolution
Jongue, une époque qui, oublieuse du legs de
ceux qui ont immédiatement précédée, n'a
voulu retenir que les aspects les plus sombres
du medium aevum.
@riter le passé ou s'en démarquer ?
tournant radical. En réalité, le monde gree
n’était pas totalement inconnu des Italiens,
cen raison notamment des nombreuses ambas-
sades envoyées par les empereurs byzantins
pour tenter de motiver une croisade contre
les Tures. Hommes, savoirs linguistiques et
‘ouvrages philosophiques circulaient déja entre
Orient et Occident dés avant 1453 ; cependant,
la redécouverte de Platon, de livres inconnus
d'Aristote, des textes scientifiques d’ Euclide
‘ou d’Appolonius, sont bien des phénoménes
datables de la seconde moitié du XV° siéele.
Laphilosophie en fut ébranlée. Ainsi, les éerits
«'Aristote sur la rhétorique, la mécanique ou la
théologie conduisirent a des réflexions inédites,
par exemple, chez Pomponazzi, sur la nature
de me. Quant a la doctrine platonicienne et
néoplatonicienne, inspirée de Plotin, elle faisait
de amour un moyen datteindre Dieu, en obser-
vant dans la nature les échos entre microcosme
et macrocosme.
La redécouverte de certains de ces textes,
cen contradiction avec la culture chrétienne et
classique, était par ailleurs porteuse de ferments
révolutionnaires. I fallait opérer des syntheses
centre des courants radicalement hétérogenes.
Ainsi, le De la subtilité de Jérome Cardan
recherche-t-il une union impossible entre
Aristote et Platon et la philosophie de Pic de la
Mirandole eroise-t-lle e platonisme de Marsile
Ficin et les idées de la cabale,
‘Car un autre courant arriva a peu prés simul-
tanément dans la péninsule, celui de la culture
hébraique transmise par les intellectuels juitsI sbi avant
Fome en 1506,
Musee du Vatican
chassés d’Espagne. Il nourrt la connaissance que
ron avait des textes de I’Ancien Testament et
introduisit chez les chrétiens lart de la cabale.
Une révolution des lettres
et des arts
Ia cons-
Le patronag
titution de bibliothéques (celle d’Urbino, celle
du pape ou celle des Médicis & Florence) et
d’académies (celle de Careggi, prés de
rence) qui contribuérent a la diffusion de ces
savoirs. Les universi
des Princes encourag
encore I’ Anglais John Colet, Es
de Guzman ou le Hongrois Janus Pannonius. De
plus, les lettrés, les artistes et les livres italiens
circulérent partout en Europe et donnérent
bient6t naissance & une véritable République
des Lettres.
Apres 1470, V'imprimerie amplifia singu-
lidrement le mouvement qui se donnait pour
tiche de faire revivre I"Antiquité. Les atelics
@imprimeurs eux-mémes formaient parfois,
comme & Venise celui d’Alde Manuce, des
centres humanistes au sein desquels auteurs,
philosophes, traducteurs et grammairiens, col
laboraient a la restauration des belles-lettres,
Dans ce domaine, un débat s’engagea sur
imitation des Anciens : ne fallaitil pas essayer
de les surpasser plutot que de les copier servi-
Iement ? Certains, Paolo Cortesi ou Lorenzo
Valla, tenaient pour gles cies
roniennes classiques ; d'autres, Ange Politien
‘u Pietro Bembo, étaient au contraire partisans
ventif. Les fiertés nationales
fense de
un style plus
contribuérent a leur tour A ces phénoménes
4’émulation. Le cardinal Bembo chercha par
exemple & imposer un classicisme toscan dans
la lignée de Dante et de Pétrarque tandis que,
plus tard, Joachim du Bellay défendit celui de
la langue frangaise, Conrad Celtis celui de Ial-
Jlemand, Antonio de Guevara celui de I'espagnol
et Philip Sidney celui de l'anglais
Les mémes marques, entre Antiquité et
présent, furent prises en architecture. Le rale
que joua la redécouverte de Vitruve et son
commentaire, passé au crible des trouvailles
archéologiques, est indéniable. Dans certains
cas, par exemple pour la construction de pa-
Iais espagnols, les planches illustrées de son
De Architectura ont méme servi de patron &
des portails. Il est évident que la grammaire
vitruvienne des ordres et des types d’édifices
ainsi que les régles d’utilité, de solidité et de
beauté, ou les notions de correspondance entre
partie et le tout, de distribution, de module et
derrythme, ont imposé leurs lois aux architecte:
Filippo Brunelleschi, par exemple, lorsqu’il
rmine aspect de I’église San Lorenzo,
a Florence, respecte les injonctions du maitre
romain : monumentalité (firmitas), plan basi
lical a trois nefs dicté par l'usage de I’édifice
(utilitas), croisée des transepts carrée servant
de module (symmerria), colonnes et pilastres
de style corinthien, éclairage diffus par de
hautes fenétres éclairant des surfaces blanches
et grises (venustas).
Néanmoins, la grandeur de I'architecture de
la Renaissance réside aussi dans I’invention de
solutions techniques originales répondant au
‘it des commanditaires. Le méme Brune!
chi, lorsqu’il se voit confier la tiche d’achever
upole la cathédrale Santa Maria del
ce commencé au XIII*
jécle, doit résoudre une diffic Jhnique
sans réel précédent : construire sans échafau-
un déme culminant & quatre-vingt-dix
metres. Ine ui est pas loisible de construire une
nisphérique en all
pour contrebalancer la poussée sur le cercle
ait l'architecte du
Panthéon a 'époque de I’empereur Hadrien,WER 2010 exr0re oe anenvassmice
sevccccececcccccccce
Lonard de Viel, sage ferinin
it La Scapigtata (LEbouie),
‘essin, vers 1490, 24,7 x21 om,
Galeri national, Parme
‘on lui demande de respecter le style gothique
qui conserve tout son prestige et sa vitalité. I
construit donc, sur la base octogonale, deux
coques s’appuyant l'une sur autre, dont la
structure annulaire est tenue en place par un
squelette de pierre et par des briques dispo-
sées en arttes de poisson. Les tensions de la
gigantesque coupole sont, pour fini, résolues
par une pesante lanterne en marbre qui coiffe
Ja cathédrale. Non seulement, Brunelleschi
it preuve de créativité dans sa conception
architectonique, mais il innove également en
ceréant des machines qui lui permettent d’élever
son ceuyre au-dessus de’ Amo : grues sophisti-
4quées, treuils& changement de vitesses, navies
8 aubes pour transporter le marbre depuis Car-
rare en Toscane, ete.
Plus tard, & T'époque du maniérisme, les
architectes font méme de I’écart au modzle
vitruvien une clause stylistique. Ainsi, en 1533,
dans le Palazzo del Te 4 Mantoue, Giulio
Romano joue avec le dorique en incluant des
frontons qui se déboitent ou des triglyphes qui
se décrochent de la frise.
Dans le domaine de la peintur, i 6ait bien
4ifficile d'imiter les Romains ou les Grecs car
Jes ceuvres que nous eonnaissons aujourd’ hui
(fresques de Pompéi, portraits du Fayoum)
n'avaient pas encore été redécouvertes. On
savait cependant par Pline que des artistes
de I’Antiquité, Apelle ou Zeuxis, avaient été
des maitres de la peinture illusionniste ; aussi
plagait-on tres haut l'art mimétique réaliste. En
‘outre, I'Antiquité fut doublement convoquée
dans les tableaux, & travers les themes mytho-
logiques ou historiques (pensons au Venus et
Mars de Botticelli ou 2 la Bataille d’Alexandre
@’Alidorfer) et les décors architecturaux ou
décoratifsa antique. Les “grotesques” retrou-
des résultats essentiels de la référence au passé
fut I'émancipation des thémes exclusivement
religieux de la période médiévale. Les précé-
dents Iégitimaient en effet des audaces comme
Je portrait de homme illustre, la fresque histo-
rique, le nu mythologique ou héroique. Toute-
fois, la peinture de la Renaissance, malgré ses
velléités humanistes, fut résolument modeme
en cela qu’elle intégrait des techniques que le
passé n’avait pas connues, tele la perspective
‘26ométrique ou la peinture & Phuile,
Un phénoméne analogue a lieu dans le
champ de la sculpture od, si 'on marque sa
révérence aux euvres de marbre de I’ Antiquité,
comme le Laocoon redécouvert en 1506 et
exposé au Vatican, on imagine aussi des solu-
tions nouvelles pour les statues de bronze grace
aux techniques de fonderie élaborées dans les
“arsenaux, pour les canons des Princes, ou dans
les ateliers d’orfevrerie, pour les besoins de la
noblesse. Le Condottiere a cheval de Donatello
sur la Piazza del Santo de Venise, le Persée et
Andromede de Benvenuto Cellini ou la Porte du
Paradis du baptistére de Florence par Ghiberti
sont a ce titre typiques des temps modernes.
La musique, quant delle, ne laissait a priori
gute de prise aux humanistes puisqu'aucune
partition antérieure au Moyen Age navait été
conservée, Comme en peinture, cependant,
‘on chercha dans les témoignages des auteurs
antiques des preuves de la supériorité du génie
des Anciens. L'idée qu'il fallait réconcilier Vart
‘musical et la poésie des mots connut un certain
suects au XV*sidcle, notamment avee Vittorino
da Feltre 4 Mantoue et Johannes Tinctoris &
la cour d Aragon, La conviction croissante du
pouvoir magique et de Ia fonction éthique de
a musique telle qu'elle avait été pensée par
les Anciens (Orpheée, disait-on, avait détourné
Jes hommes de la guerre au seul moyen de sa
lyre), poussa les intellectuels et les autorités &
constituer des biblioth®ques et des académies
pour étudier les écrits théoriques sur le sujet
En découla un bouleversement de la réflexionWEI 0° 000 Lev 0re ve La nerssornce
sur les intervalles et leurs effets, sur Vassocia-
tion entre prosodie et rythmes. L’Académie de
poésie et de musique de Baif, fondée en France
en 1570 par Charles IX, incame cette évolution
tardive. I faut toutefois relativiser la rupture
introduite car les modes “a antique” soi-disant
redécouverts n’étaient en réalité que ceux du
plain-chant médiéval. La vraie nouveauté ré-
side dans les conséquences que l'apparition de
imprimerie musicale, a Venise au XVI sicle,
cut notamment sur la diffusion des polyphonies
de cour ou sur les genres nouveaux, comme le
madrigal
Science
et technique:
‘Cestdans ce domaine que l'on mesure le micux
latension entre timidité restauratrice et audace
novatrice.
Lapremitre chose que firent les humanistes
italiens, au contact de la sagesse mathématique
grecque au début du XV* siete, fut ¢'établir des
corpus définitifs des chefs-d"euvre du passé.
Les Eléments d’Euclide furent ainsi rendus
disponibles, et bient6t imprimés. La recher-
che des écrits perdus et leur reconstruction
fictive d’apres les indices dont on disposait
devint méme une obsession de mathéma
cien. S’ajoutérent bient6t a cela les textes de
Pappus, Appolonius, Archiméde, et autres
Heron d’ Alexandre, si bien que les sciences
firent un grand bond en avant dans le sens de
Ja mathématisation, d’autant que dans le méme
temps, algebre des Arabes était introduite en
Occident.
Paradoxalement, I’hermétisme et le pytha-
gorisme, eux aussi hérités de l’Antiquité, loin
empécher 1a rationalisation des pratiques,
y contributrent : la recherche des signes ma-
thématiques (ou tout au moins mesurables) du
divin sous-tend la théorie des correspondances
Voyages o'frasme
Ge Lees Voyages Albrecht Dover
Voyages de Conrad Celts
mGenive
lyon &
Ro Mi sboasa non8
ception creatrice et resistances
= [rere
eae aero
pas leurs idées de fogon égale et au
tntme ythme prtot en Ewrope. Dans
tous Jes cas, cependant, la reception
svaccompagna Gune rSertare dela
forme inate dans le style local
Ta Hongrie du roi Mathias 1*
Corvin (1440-1490), bien que stage
capripirie del Europe cto contac
de Enpire otoman, offre exemple
‘Tune reception quasi immédiate et
eae sane relma ca
1460, Mathias Corvin, édugué dans
la tration humanist, gotta particu
Tdrement es ives ees tudes. Son
italophile
Tiageen 1476 avec Béatrice Aragon,
fille du toi de Naples, et par celui de
son ils
Stora. Le patronage royal détermina
un affix architects, artisan,
Ganistes (Verrochio, Lippi, etc)
d'Gxivons finloas qui ment en
teuvre un programme architectural,
Ascoraif et eulturel
gout de Mathias Corvin pour un
Symbolique du pouvoir empruntée
aux Medicis tliat la figure d'Her-
cule (mais ne néHigeat pas non plus
Je modole d’Atila!)allat de pair
avec un got pour le syle déorai
florentin all'amica lise fréquem-
rent dans les éifices des ville de
Budapest Visegrd et Erergom. Mas
sila bibliothegue de Mathias, avee
sa collection ouvragesentumings,
imitait elle des Medicis, les jardns
supers de Buda co
palais de Monette & Urbino
Pourant, intérer le ides now-
velles a'avait rien dais. Cestce
(qs eet de aumanise ale
Galeatto Marzi (1427-1590) rappor
sa vb la cou bongoise- Ony
pervoit ineompréhension de ato
Grate focale devant la culture livres
ue classique chee aux humanists
‘Néanmoins etext se sera evidence
de anecdote des courisars incltes
renforeée par son ma
fime avec une princesse
iste. Le
pour construire un exemplum visant &
‘anterIefficacté de I'6véque Mikl6s
Bithory (ancien éleve de Marzio) &
faire pénétreritalianitéen Hongrie. Le
prélat invita en effet, & instar de son
roi, des architectes et des magons de
la péninsule pour édfer la cathédrale
ainsi que la résidence épiscopale de
Vie. Le patronage de Bathory a pour
_méfite, aux yeux de Marzio, de reposer
sur la littérature classique et sur
tation des académiesflorentines. Ainsi,
la demeure de elle louce
pour ressembler par ses jandins, sa bi-
bliothque, son animation et jusqu’au
paysage de collines qui entoure,& la
Villa des Médicis& Careggi
ans d'autres pays, la réception
des formes culturelles italiennes ne
fut que partielle, quand elle ne fro
pas le rejet pur et simple. En Castille,
si humanisme fut particuliérement
bien acctimaté, par exemple par le
ardinal Cisneros qui fonda 'Uni-
versité d’Alcas (1498), a grammaire
de architecture vitruvienne (voir
page 48) ne s"imposa qu’a condition
de composer avec le style gothique
espagnol précxistant. C'est ainsi que
fut inventé en Espagne le style plate-
resque (de plateria, orfevrerie) dont ka
fagade de I'université de Salamangue
‘offre un joliexemple avec se plastres
etsesent usomés de
reliefs (blasons, médaillons, veg
wtifsen
tun ar de sculpteurs, et sion lui appl
quele langage architectural italien, on
ne le comprend guere
En terre ’Empire, ceper
résistance & Fitalianisme fut bien plus
accentuée. Des humanistes comme
des structures gothiques. Enfin, les
tables et autres sculptures en bois
de tilleul allemandes, dont Tilman
Riemenschneider porta l'art la perfc-
tion, appartiennent 2 un imaginaire ts
éloigné de Iart italien. Les matériaux
disponibles en Europe centrale avaient
certes orien
mais les gots des commanditaires
bourgeois, et plus tard, es te
iconoctastes de la Réforme, lit
aussi les options des artistes.
La Renaissance tardive inventa
par ailleurs,
Angleterre, des formes culturelles,
inédites et relati os
de celles que com
théatre public élisabét
ccélébre par le génie de Shakespeare,
largement ouvert sur la ville et plus
seulement sur la cour, incame bien ces
innovations. Le texte du dramaturge
‘Thomas Dekker (1572-1632) décrit
avec ironie le comportement di
‘au théfite il montre qu’esten train de
naftre la fin du XVEF sidcle un espace
public critique tout & fat original
Chaque nation, en somme, a
choisi dans la civilisation de la
Renaissance les aspects qui lui con-
venaient le mieux et ceci eut pour
résultat la crSation de cultures locales
hybrides.
ins des pays comme
, rendu
ilustration de Fart plateresque : le portal
de université de Salamanque, 1520-1525aor
aes
Eero
CGaeotus Marius Nariensis, De
‘egreie,sapint, case dts ac
facts gis Mathiao ad cucom
lonannem ous fur ibe, te dans
The Renaissance n Europe. an
‘Aniroogy, ete par Peter Elmer et
‘ali Londres Tho Open University
Pres, 2000, adetlon Pascal Bois.
yrs
eee nr
Coorg
“Thomas Dokkor, Le Jour dokte des
cordomiers su de LAbScsdaie
hs bonds, 1608, taht J Lo
nay, Pre: Aor, 1955.
“Dans a mytlogie gece, Momus
stl ceu do a moquorie ot a
leftique de mauvaise fo
Alors que 'assemblée des nobles se réunissait, afin de remédier & ennui
de l'occasion, Miklés apporta avec lui un livre : les Disputations tusculanes de
Cicéron, si ma mémoire ne me fait pas défaut. Beaucoup s'esclafférent & la
vue peu banale de cet extraordinaire jeune homme lisant des livres en un tel
endroit ; c’était une nouveauté pour les Hongrois de voir un évéque se pencher
sur un livre, surtout dans une telle réunion oi les discours et les débats étaient
ordre du jour. Mais alors quils riaient, le roi Mathias entra et, voyant Miklos
tenant ses livres, il me dit : “Mikiés était, je crois, votre ancien étudiant et un
condisciple bien-aimé lors de vos cours. Et cela est juste. Car 'apétre (Pierre),
quand il investi les premiers évéques, dit bien quil devait y avoir des ensei-
gnants parmi eux [...)". Alors Mathias se tourna vers ces princes dont il avait
entendu les rires et les semonca en ces termes : “Ne riez pas de celui que
vous ne pouvez comprendre en raison de votre ignorance”. [..]
Je ne dis rien de la magnificence avec laquelle a été construite la cathé-
drale, des architectes et des magons ayant été importés a grands frais depuis
Vitalie, de telle sorte que I'église et la résidence épiscopale seyaient tout par-
ticuliérement a la personnalité et & la générosité [de l'évéque Mikiés ]. Ayant
passé deux ans en Hongrie, je fis un voyage pour voir ce dernier. Il me regut
et s'occupa de moi avec une telle humanité que méme moi jen vins a trouver
cette singuliére hospitalité extraordinaire. De plus, il me poussa a écrire une
histoire des hauts faits du roi Mathias, afin que les nobles actions de ce grand
‘oi, qui illustra son pays et le rendit puissant, ne sombrent pas dans loubli. La
dignité et élégance de sa Maison me plurent également beaucoup : car dans
sa demeure, il y avait constamment des personnes en priére ou a étude, ou
chantant en s'accompagnant a la lyre ou partageant d'honorables conversa-
tions. Lendroit ignorait 'inactivté, la paresse et le temps perdu. Les fréquentes
promenades du chateau jusqu’aux jardins (que Iui-méme avait dessinés et
décorés d’étangs) et des jardins au chateau s'accompagnaient toujours de la
{fréquentation d'hommes de qualité ou de la fréquentation de bons livres, de
telle sorte que, quoi qui arrive, ces trajets se faisaient toujours de maniére
intéressante. Partois, 'évéque se déplagait en carrosse, revisitant inlassable-
ment ce cercie de plaisantes collines ensoleillées en 'excellente compagnie
de livres ou dinterlocuteurs éclairés, de telle sorte que T'on eat cru que Mi-
nerve et les muses habitaient et fréquentaient joyeusement ces splendides
vallons bachiques.
Puisqu’on prend si librement son plaisir en ce lieu [le théatre], que le fils du
fermier peut aussi bien y avoir un tabouret que le membre de Ecole de droit
du Temple ; que le fumeur nauséabond a la méme liberté d'étre la, entouré de
sa vapeur de tabac, que notre suave courtisan, et que notre charretier et notre
chaudronnier revendiquent une voix aussi puissante dans leurs suffrages et
siégent en jugement sur la vie ou la mort de la piéce tout comme le plus fier
Momus* de la Tribu Critique, il est juste que celui & qui les notes des tailleurs
font la plus large place ne soit pas, lorsquill arrive, coincé comme une viole
dans sa botte [...]
En tasseyant sur la scéne, tu as par brevet signé le droit d'accaparer tout
Varticle critique ; tu peux légalement poser au railleur, tenir le gouvernail aux
changements de décors, sans pourtant que personne ne tente jamais de te
contester le titre de fat insolent et outrecuidant [..]. Et maintenant, messire,
si auteur est un individu qui a fait sur toi une épigramme, ou a courtisé ta
maitresse, ou a introduit sur la scéne soit ta plume, soit ta barbe rouge, soit
tes petites james, etc., tu I'humilieras plus qu’en le roulant dans une couver-
ture ou en lui administrant une bastonnade dans une taverne, si, au milieu de
sa pidce (que ce soit pastorale ou comédie, moralité ou tragédie), tu te laves
de ton tabouret, avec une grimace de mécontentement, pour t'en aller : peu
importe que les scénes soient bonnes ou non ; meilleures elles seront, plus tu
les abomineras.i
ae [ ‘ANNONCIATION
de Carlo Crivelli n’évo-
que que d’assez loin celles de Fra An-
gelico ou des peintres des générations
précédentes. Le théme religieux y est
pour ainsi dire noyé par la richesse
des objets qui proliferent sur la toile,
Certes, ona bien au premier plan I'ar-
change Gabriel et la Vierge, le Saint
Exprit sous la forme d'une colombe
portée parun rayon de lumire, mais le
dgcor est loin d’évoquer la simplici
un intérieur de charpentie.
Ici, tout est luxe : les vétements
de saint Emidius (patron de Iéglise
et de Ia ville d°Ascoli Piceno, dans
les Marches, qui venait de recevoir
du Pape ses libertés et avait com-
mandé le tableau pour occasion),
architecture avec ses pilastres aux
cchapiteaux corinthiens, ses frises, ses
plafonds a caissons et ses loggias,
les panneaux de bois précieux
Vrintérieur de la chambre, jusqu’aux
accessoires divers comme le tapis
persan, les pots en majolique ou le
aon. Tous les objets semblent avoir
6 peints d’aprés nature dans des
Gchoppes de marchands. Ils disent
combien I'Italie de Ia fin du XV°
sigele est au centre d'un marché dont
les limites dépassent les frontigres
de Europe : les draps viennent de
Londres, les tapisseries d” Arras, les
verres de Venise, le fer forgé et les
‘majoliques d’Espagne, la porcelaine
de Chine et les tapis de I'Empire ot-
foman. L’éloge du mercantilisme et
de la consommation, dans ce tableau
qui pourrait servir d’enseigne publi-
itaire aux marchands florentins rise
mi ence quand I’échange
centre Dieu et les hommes se trouve
mis en paralléle avec le marchand
recevant & arrigre-plan une lettre
de change par pigeon voyageur.
L’euvre de Crivelli peut done étre
Sbration
le temps des marchands
et des banquiers
des échanges qui se multiplient alors
La production d’objets commenca
cn effet & étre plus importante et plus
diversifige grice la mécanisation de
Vartisanat, & exploitation systémati-
que des mines et au renouvellement
des techniques de travail du métal
Les centres urbains, dynamisés par la
richesse des campagnes lige & l'amé-
oration du clin sat aussi
consommer plus objets ostentatoires
(parmi esquels les livreset les @uvres
art). Enfin, depuis le XIV sidcle, de
nouveaux outils commerciaux facili
‘@rent le commerce tandis que esprit
investissement était de plus en plus
valorisé, L’activité de change donna
naissance, par le biais des lettres de
change, au erédit et & la banque et
méme aux assurances. Les formes
association capitalistes devinrent
de plus en plus subtiles et & c6té des
“compagnies” naquirent les sociétés
encommandite et méme les premieres
socigtés par actions.
A cOtéde celle des Médicis, a so-
cigté des Fugger, fondée’ Augsbourg
en Allemagne, fut une des plus
opulentes des grandes compagnies
et des banques internationales de la
Renaissance, Dans son récit auto-
biographique intitulé Le Livre des
costumes, Matthaus Schwartz permet
den saisir activité quotidienne.
Agé de dix-neuf ans en cette
année 1516, auteur, banquier lui-
est représenté assis & a table
nde remplir le livre
de comptabilité en partie double ot
vent etre recopiées les entrées
nous doit”) et les sorties d'argent
Tui, habillé
de noir, Jakob Fugger, dt le Riche, dé-
signe armoire & dossiers sur laquelle
figurent les noms des succursales de
sa banque: Rome, Venise, Offe
bourg, Cracovie, Milan, Innsbruck,
Nuremberg, Anvers et Lisbonne, Les
de travail, en
is
ternational, Leur richesse vint ’abord
de lexploitation monopolistique des
mines de cuivre et d'argent du Tyrol
et de Bohéme (les métaux précieux
’Amérique ne commencerent vra
ment & affluer en Europe qu’aprés
1520), puis & it de pret aux
‘grands de ce monde, y compris & Char-
les Quint qui leur devait son élection
au titre d’Empereur
banquiers en pleine activité
‘Matthaus Schwartz et Jakob Fugger
Mathaue Schwert, Le Lie des costumes
6 du XVP sce, BNF, manuccrt allemand 211Livre du Courtisan
a. = Balthazar Castiglione décrit
le palais d’Urbino comme “une ville
cen forme de palais” ; c'est qu’en ce
lieu, le Prince avait eu occasion de
remodeler l'urbanisme a sa volonté.
Frédéric de Montefeltre (1420-1482)
avait fait fortune en louant ses ser
ces de condottiere (chef de guerre dla
‘une armée privée) et, bien que
dascendance douteuse, éiait devenu.
duc en mettant son épée au service du
pape. Sa richesse lui permit de cons-
truire sa résidence & flane de colline
et de transformer Urbino, bourgade
Ppourtant tres pauvre, en une sorte de
Ville idéale, métropole des arts et des
sciences. En encourageant artistes et
es, en adoptant une posture
humaniste, Frédéric renforgait non
que et
ne des Princes qui étaient ses
employeurs et n’avaient que trop
tendance 2 le percevoir comme un
militaire cupide. La présen
bino de peintres comme Piero della
Francesca, d’humanistes comme le
bibliothécaire Vespasiano da Bi
icci, de savants comme Francesco di
jiorgio Martini ou Luca Pacioli ow
ncore d’architectes comme Luciano
Laurana, ateste du fait que le due ne
reculait devant aucun pour
parvenir ses fins.
Le palais constitue & Urbino te
‘eqeurd’ une ville organisée autour d'un
axe pointant vers Rome, gage de la fi-
dlité du duc celui qui avait nommé
ccapitaine de I'armée pontificale. Mo-
dled’ élégance, I édifice était la fois,
éfensif et décorati avec ses grandes
Fenatres et ses loggias.
Le plan axonométrique permet
de saisir a structure de I'étage noble
du palais. Tout d’abord, le monde
ne ville-modéle en forme
de palais : Urbino
cextérieur était tenu & I'6cart par les
hhauts murs entourant le lieu ; seuls
{quelques individus choisis avaient le
droit de franchir les portils impres.
sionnants conduisantau Prince, selon
des rituels policés et des hiérarchies
contraignantes. Une fois passée
Ja cour d’apparat A colonnades en
parfait style corinthien du rez-de-
‘qui donnait sur la grande
que de manuscrits amassés
par Frédéric, Pautorité charismatique
du couple ducal se trouvait affirmée
par une gradation des espaces inté
ricurs allant du publi (salle de Tole
contenant les collections d’aut, salle
du trOne) au privé (appartements de
la duchesse, chambre du duc, stu
dioto), en passant par le semi-privé
(alle d'audience, salles de spectacle,
salle des veillées). L'espace le plus
intime, le studiolo, liew d64i€ 2 I
ret a la méditation, était ore
des marqueteries de Baccio Ponteli,
surmontées de vingt-huit portraits
hommes illustres (Platon, Aris-
tote, Archim@de, etc.) dus a Juste de
Gand et Pedro Berruguete. Il abritait
Varmure du duc, des instruments
scientifiques et les livres qutil était
cen train de lie.
‘On pouvait circuler par le jardin
suspend, en bénéficiant de ia vue
sur la campagne alentour, entre les
appartements du duc, ceux de la
duchesse, et les salles réserves aux
courtisans, logés pour certains sur
place. Les serviteurs qui vivaient
au sous-sol, juste au-dessus dune
d'un systéme hydraulique
exemplaire, ne dérangeaient jamais
ce bel ordonnancement : des esea-
liers spéciaux étaient prévus pour
leur usage.
Lors des célébrations publiques,
‘mariages, couronnements, funérailles
ou fetes, 1a cour pouvait sortir du
palais par la place du marché, précé
ere ee re
ree
Plan axcnométiquo du palais ducal SUtiro
Projtable en transparent
dge d’ une cavaleade de chevaliersen
armures empruntant la rampe caché
par une tour en contrebas des deux
tourelles de la fagade des loges.
Le Livre du Courtisan de Cas-
tiglione évoque la vie & la cour de
Guidubaldo, fils de Frédéric. Il o6l8-
bre la place qu’a pu tenir Urbino dans
Vinvention du modéle de cour qui
devait dominer bient6t en Europe
‘un model oi es activités chevaleres-
‘ques traditionnelles se mélaient aux
distractions humanistes plus policées
pour constituer une civilisation des
lacade des loges, palais ducal d Urbinoespace public
espace semi-pri
HI espace privs
Salle de lole : collections
des veiliées amet
Appartements, Y \ es
de la ; Salle des anges
(calle de grande
>< audience)
Salle d'audience
7—~ Chambre du duc
~ Studioto
es
HBS premices du moddte de cour en Europe
Le duc Frédéric de Montefeltr, antre autres actions dignes de louanges, édiffa sur pre
et difcile site d Urbino, un palais, selon opinion de beaucoup le plus beau que [on trouve
dans toute Italie ; et ie fournt i bien de toutes choses utles que ce ne semblait pas
tre un palais mais une ville en forme de palais :ilfemplit non seulement de ce dont on
‘80 Sert ordinairement pour décorer les pidces, vases d'argent, riches draps d'or, de soie
et dautres choses semblables, mais titre d’ornement, ily ajouta une infinté de statues
anciennes de marbre et de bronze, de peintures trés singuliéres, dinstruments de musique
de toute sorte ; et il ny voulut aucune chose qui ne fit trés rare et excellente.
11 fit ensuite une grande dépense pour rassembler nombre de trés excellents et rares
livres grecs, latins et hébreux, quil fit omer dor et d'argent, estimant que c’était li la
‘supréme excellence de son grand palais [..).
[Apres tu, son fils Guidubaldo] tenait par-dessus tout & ce que sa maison fat remplie
de tres nobles et valeureux gentilshommes, avec lesquels il vivaitfamilérement, en se
réjouissant de leur conversation [..). Dans les joutes, les tournois, les concours éques-
tres, le maniement de toutes les sortes darmes, et également dans les fétes, les jeux,
la musique, bref, dans tous les exercices convenables & de nobles chevaliers, chacun
svefforcaitll de montrer qu'l était digne de se trouver en une si noble compagnie.
Ainsi done, toutes les heures du jour étaient partagées en dhonorables et plaisants exerc-
ces, tant du corps que de esprit: [...] aprés souper, chacun, a lordinaire, se rendait alors
1 ol 6tait madame la duchesse Elisabeth Gonzague [épouse de Guidubaldo}...)
La donc on entendait de doux propos et dhonnétes traits esprit, et sur le visage de
‘chacun on voyait peinte une joyeuse gaité, si bien que Fon pouvait certainement dire
que cetie maison était proprement la demeure de Fallégresse.
Battazar Casbghone, Le Livro ci Courisan, radu e alon Caps la vrsion de Gabriol Chappuis
0DP 49 LELROP
le patronage princier
ia LE E systme de pa-
tronage qui fait un ini
vidu (un supérieur) un autre (un in-
férieur) dans une elation réciproque
allégeance et de soutien, déivait
«du monde médiéval et des relations
féodales
Dans le monde de a Renaissance,
le rapport patron-client était inserit
au car de la production cultuele
Liamtste éit en droit d'atendre de
son mécéne hospitalité, largesse, pro-
Ceres, ine fallait
pas commettre d’impair. Le musicien
Josqquin des Prés, pur exemple, fut
sérieusement réprimandéen 1473 par
son commanditare, le due Galeazzo
Maria Sforza, pour avoir travaillé
pour un autre, Ercole d°Este.
Les patrons du nouvel humanisme
pouvaient financer la production et la
publication de taités philosophiques,
foumnir une pension permanente ou
encore une position & la cour ou
université 4 un humaniste ou 8
philosophe. C’est ce que Firent Come
Ancien et Laurent le Magni
pour Marsile Ficin en le chargeant
die traduire V eruvte de Platon etcelle
de ses commentateus. Le portrait de
Come oman aletrine d'une trad
tion de Plotin par Fcin dit bien le lien
personnel existant entre la famille d
Médicis et le philosophe qui offre
Feeuvre & Laurent.
Le patronage des grands offrait
par ailleurs une certane protection.
Ansi, Pie de la Mirandole put déve-
lopper a l'académie de Caregei les
ides un peu trop révolutionnaires
aux yeux de lEglise qu'il défendait
surla religion universelle et la cabale
et qui lui avaient valu lexi, Des cou-
rants philosophiques comme le n6o-
platonisme ou le pyth
taines théories scientifiques m
ne purent se développer librement
4qu'en dehors des univers
auuméeénat, C'est ainsi que Johannes
Reuchlin, dans salettre& Léon X, de-
‘mande au pape, non sans lagorne
de considérer avec bienveillance sa
publication des theses pythagoricien-
nes etcabalistes en Allemagne, pour
laquelle il estattaqué de toutes parts
‘en raison de antisémitisme ambiant.
La litératur et le thre ont ka meme
deite & égard des cours «’Burope
car avant que le statut d'auteur ne
sautonomise avec le développement
du marché du live, les plumes étaient
au service des princes
‘Autre intérét du patronage, dans
le domaine des arts, Vartiste tra
vaillant pour un Prince pouvait &tre
plus innovant car il n'avait pas a se
soumeitre au systéme contraignant
des corporations. En outre, on grim:
pait sans doute plus rapidement kes
barreaux de 'échelle sociale
qu’ la ville
Pour les Princes, s‘entourer d’ar-
tistes devenait de plus en plus néces-
sale dans la course au prestige qui
animait les cours des XV" et XVIF
sideles. Remplir les palais d’objets
désirables, les animer de conversa-
tions distinguées et organiser des
fetes hors du commun, requérait
avoir a demeure des peintres, des
architectes, des hommes de lettres et
des savants. Le patronage promettait
des honneurs dans la vie présente du
‘commangitare, ainsi qu'une certaine
. Les patrons en
Strouvaient dans le
sécénat l'autorité qui leur manguait
(ainsi le cardinal Wolsey, fils de bou-
cher d'Ipswich et commanditaire du
palais de Hampton Cour). Peinture
‘musique et architecture étaient des
suijets de conversation trés prsés au
sein de ta cour. Quand Charles 1X
fonda I" Académie de poésie et de
‘musique de Baif en 1570, il espérait
que cette sociabilité érudite contri
bucrait & pacifier les tensions entre
catholiques et protestants. Musique
lacour
V'équilibre entre religions grace &
Teurs effets psychologiques sur les,
courtisans dans un premier temps,
sur Ia société tout entigre ensuite.
Le roi croyait fermement au pouvoir
‘magique de la musique mesurée.
En créant bibliothéques et aca-
démies, & Vinstar des Médicis ou
du roi de France, les princes de la
Renaissance ont également eu coeur
de assembler le savoir et de le trans-
‘mettre aux générations futures.
Enfin, dans le domaine de Varchi-
tecture, les mécénes choisissaient le
style des btiments. Ils sont Torigine
de adoption du style classique en
Italie, A Florence, Filippo Brunel-
leschi et Michelozzo di Bartolomeo,
avocats du modale antique, bénéfi-
citrent du patronage des Médicis.
Chaque cour se devait néanmoins
dinventer son style propre; pour
celle de Francois I, par exemple, ce
fut celui de I’Ecole de Fontainebleau
etdes chateaux de la Loire, une adap-
tation italianisante du gothique.
rat de Come de Médicis dans un manus
‘de Marsile Ficin sur Piotin, 1488-1489,
‘2blotecs Madi Lauranzsna,Ferenceerrr
Sead
Sent)
Laathows et PA, Moray, Music and
Patronage inthe Stora Court (Sta
‘Sulla Storia Datla Musica in Lombar
ta Vc.) Turnhout: Brepots, 1999,
tradution Pascal Brot,
Le pape Léon X
sollicité par
Prec a
Late do Johannes Reuchlin& Laon X
1817, ee dane Johann Rouchin Brot
weenca,Tobingen:L. Geiger Verlag, 1875,
Iraduetion Pascal Brice.
Le roi Charles IX crée
Pee ee
Peete cry
‘chives de "Universit de Pari,
can.7..7,
A Josquin, le chanteur.
Josquin. Nous avons entendu que vous passiez votre temps a écrire
d'autres piéces que lceuvre que nous vous avons commissionnée, et que vous
laissiez de cOté votre devoir pour d'autres personnes, et pour cela nous nous
plaignons grandement de vous. Et nous étions dans lesprit de vous tenir gardé
en prison afin de vous enseigner d’étre plus sage une autre fois, ce qui vous
arrivera assurément si vous ne vous arrangez pas pour que l'ceuvre que nous
avons commissionnée nous soit expédiée sans délai
Abiate, le 15 mars 1473, Gabriel (secrétaire ducal de Galeazzo Maria
Sforza)
Je vous prie, tres saint Pere, de me permettre, a moi le plus humble des
hommes, un roturier, de vous parler quelque peu plus franchement. Imaginez-
vous & quel point je fus ému d'admiration et de la joie la plus profonde quand
Jappris que vous, le tres noble fils du meilleur et du plus sage des princes,
Laurent de Médicis, aviez accédé par acclamation universelle a la supréme
dignité du tréne papal [...].
Car quel plus précieux fleuron de la couronne de laurier laurentienne que
vous, non seulement pour le peuple de Rome, mais encore pour le monde
entier ? Pourrait-on imaginer plus grand trésor que votre régne ineffable, au
cours duquel toutes richesses se répandent sur nous comme le sable aurifere
du Pactole, au cours duquel les belles-lettres et tout ce qui est propice aux
affaires des hommes sont en honneur ? Votre pare a semé les graines de toute
antique philosophie, qui vient maintenant & maturité, si bien que sous votre
regne il nous sera permis d’en récolter les fruits en toutes langues : grec, latin,
hébreu, arabe et chaldéen. C'est qu’a présent les livres sont dédiés a votre
Sainteté dans ces langues, et toutes ces choses qui furent trés sagement
engagées par votre pére sont accomplies avec davantage de fruits sous votre
autorité
Considérant de [a qu'il ne manquait aux scolastiques que les ceuvres de
Pythagore, qui demeurent enfouies et éparses a Académie laurentienne, j'ai
cru qu'll ne vous déplairait pas que je publie les doctrines que Pythagore et
les nobles pythagoriciens sont réputés avoir défendues, afin que ces ceuvres
qui, jusqu’a présent, sont demeurées inconnues des Latins, puissent étre lues
selon votre bon vouloit. Marsile a préparé Platon pour I'talie, Lefevre d'Etaples
a rétabli Aristote pour les Francais, et quant a moi, Reuchiin, je completerai le
groupe, et expliquerai aux Allemands le Pythagore qui renait par mes efforts,
dans le livre que j'ai dédié & votre nom,
[Afin que] ladite Académie soit suivie et honorée des plus grands, Nous
avons libéralement accepté et acceptons le surnom de protecteur et premier
auditeur de celle-ci, par ce que Nous voulons et entendons que les exercices
qui s'y feront soient & honneur de Dieu, et & 'accroissement de notre Etat et
& fornement du peuple francais.
Nous donnons en mandement a nos aimés et féaux, aux gens tenant nos
Cour et Parlement, Chambre de nos comptes, Cour de nos aides, bailis, séné-
chaux et autres justiciers et officiers de faire lire, publier et enregistrer en leurs
cours et juridictions existence de notre présent établissement, [..] et de laisser
jouir et user de ladite Académie les suppliants, leurs suppdts et successeurs
pleinement et paisiblement, cessant et faisant cesser tous troubles et emp&che-
ments contraires. Car tel est notre plaisir. En témoin de ce, Nous avons signé
ces présentes de notre main et fait mettre notre seing sur celles
Donné au faubourg Saint-Germain, au mois de novembre 1570,
Charles.la révolution du livre imprimeé
oa le ORSQU'LL impri-
me, en 1454, la Bible
& quarante-deux lignes, Gutenberg
invente-til une technique nouvelle ?
L’impression sur papier pour un
prix raisonnable, avec une presse et
tune encre appropriée, préexistait au
travail de orfevre de Mayence. Les
technologies du papier et de encre
‘grasse taient arrivées de Chine en
Europe par le monde musulman au
XIIE siéele et les prix avaient baissé.
La presse, elle, était une technique
‘eonnue dans le monde romain et les
‘ordres monastiques reproduisaient
‘dgja mécaniquement depuis 1400 des
images picuses pour les pélerinages
par xylographie (cest-i-dire a aide
dune planche de bois gravée en
relief). Gutenberg ne fut méme pas
le premier & utiliser des caractéres
mobiles métalliques, les Coréens
avaient précédé en 1403,
Pourtant, son procédé, qui consi
tait {combiner toutes es tech
ceonnues et utiliser un moule & main
ajustable lui permettant de fondre des
caractires calibrés rigoureusement
jentiques, fut réellement révolu-
tionnaire. Son entreprise, soutenue
par des banquiers, rencontra en effet
Ja demande tres forte dun monde
avide de livres: le lectorat potentiel
des universités et des cours ne tarda
pas a s’élargir alors que le livre,
objet d’ostentation, séduisait des
catégories de population de plus en
plus nombreuses ef, notamment, la
bourgeoisie urbaine,
Si, au départ, il ne s‘agissait pour
Gutenberg et ses contemporains que
@imiter le manuscrit, pew peu, ses
suecesseurs imposérent au livre un
processus duniformisation et de so-
Dhistication qui lui a donné sa forme
moderne. Ce n'est pas peu de chose
{que des imprimeurs aient inventé les
caractéres dont nous nous servons
encore. La lettre gothique de Guten-
berg et la batarde de William Caxton,
le premier imprimeur anglais, furent
cependant rapidement détronées
par les lettres italiques, celles de
Maen Alde Manuce, du Frangais
‘Claude Garamond ou de I Anversois
Christophe Plantn, plus dans ke goat
ddes humanistes qui redécouvraient
Ja majesté des majuscules romaines
agravées sur Mare de Tibere.
Ce sont les grandes capitales ro-
smaines qui ont été choisies par Josse
Bade et Jean Petit pource frontispice
des euvres completes de Cieéron. Le
‘nom de auteur saute ainsi aux yeux
Le titre, plus long, détalle les divers
textes concernant la rhétorique ras-
semblés dans le volume (trois autres
tomes de ce succes de librarie taient
cconsaerés aux discours, ila philoso-
phie et aux lettres). L’encadrement,
4 antique, est copié d’un modéle
italien du XV° sitee et abuse des pi-
lastres, trophées, médaillons et autres
rotesques. Le nom des deux impri-
‘meus est figrement insert sous leur
‘marque représentant une presse, celle
de Patelier de la rue Saint-Jacqu
4 Paris, oi opéraient es deux colle-
gues. La presse & imprimer est fid@-
Jement représentée, avee son systtme
reir erry
ee ad
Pee eed
Frontspice dos nos do Cleéron
‘Ouvrage pubis par Josco Bade et
dean Pett & Pari
[Bibbothequ do Arsenal. Pais
Projetable on transparent
de chariot &tympan et frisquette qui
passait sous la platine. La frisquette,
cadre de bois ajouré, maintenait la
feuille de papier sure tympan,tandi
que la platine ‘abaissit pour presser
Ja feulle sur la forme contenant les
caractéres métalliques. Lieu et date
de publication n’apparaissent pas ici
‘mais 2 la fin d'un autre volume, sur
tuncolophon selon lequel Pouvrage a
&6 réalisé & Paris en 1521.
Pour connaitre le format de ce
dernier, il faudrait examiner ver-
eure filigranes et pontuseau, ces
marques apparaissant dans le papier
4qui disent comment la feuille a été
plige pour former des eahiers apres
fire passe sous la presse. Il s'agit
ici d'un in folio.
Le livre, on le voit, a acquis ala
Renaissance des caractéristiques gui
a conservées depuis.
1s et caractéres dimprimerie : un héritage du XV" siécleOPERA CICERONIS
Reread i& Forenfia,prahiffoindice,S vita ex aio Fi
Topicorum ad Bracam,Libt.
Se) De Particione Oratoria,Dialogus.l,
Lib IIL,
2
‘De Optimo genere Oratoram,fragmeneam.
Addita per Leonardum mAeinam
fi Aefchinis niet Demofthenis d¢découverte des Anciens
et nouvelle education
8 me IE A conv’ un mot humaniste, & lorigine, désigne e des thomas More et
8 déclin de "Europe de- les professeurs de lettres d"humani- Thomas Linacre,
puis la fin de empire romain devint tés),élaborérent non seulement des Enfin,"humanisme, qui se proc-
un lieu commun a partir de Pétrarque grammaireset des dictionnaires, mais cupait également de la formation de
(1307-1374). Ses disciples, tout au également une eritique philologique individu, encouragea une manigre
long du XV° sigcle, s'attachérent 4 leurpermettant de déterminerquelles_d’enseigner nouvelle que Rabelais
collectionner les manuscrits oubliéset étaient les versions les moins cor- _loue dans le programme d”éducation
A sauvegarder les nines et les statues rompues des aeuvres qu’ils voulaient de Pantagruel (1532). Dans cette
héritées de I’ Antiqy reconstituer. Appliquée 2 la pédagogie, la contrainte devait étre
Pour beaucoup dhumanistes, ouilapolitique, cette méthode intro- _remplacée par Iéveil du godt pour
étude des auteurs anciens permettait duisait les ferments de la subversion. le savoir. Tout passe d'abord par
‘aussi de retrouver le passé de Rome Quand il écrivit son Traité sur la l'étude des langues (grec, latin,
pour en écrire histoire. Ainsi, Pog- Donation de Constantin, en 1440, hébreu, chaldéen et arabe) et de la
gio Bracciolini (1380-1459), dit le Lorenzo Valla (1407-1457) servait _ rhétorique, puis par les disciplines du
Pogge, rédigea dans ses carnets de les intéréts de son protecteur, le roi quadrivium (géométrie,arithmétique,
voyage la Description des Ruines de de Naples Alphonse d’ Aragon, en astronomie, musique). S'y ajouter
Rome (1440) et les Inconstances de conflit avec le pape. Ildémontraiten les saintes écritures, le droit, les
Ta Fortune (1448) dans lesquelles il effet que le document qui prouvait aturelles et la médecine,
décrivait ce qui restait de ancienne que 'empereur romain avait octroyé ainsi que les exercices militaires
Rome. Au début du XVF siécle, les au IV" au pape Silvestre F* physiques. Aux disciplines médi¢-
fouilles se firent plus systématiques et un pouvoir temporel, était en réalité classiques, Rabelais juxtapose
on découvrit des euvres comme le un faux forgé au Moyen Age. Valla done I'enseignement des langues
Laocoon ou I'Apollon du Belvédere. arguait notamment du fait que le anciennes chéres aux humanistes, et
On exhuma également Ia Maison texte était écrit dans un latin dont la des disciplines scientifiques fondées
dorée de Néron, source inépuisable syntaxe et le vocabulaire étaient ceux sur l'apprentissage livresque certes
inspiration pour les artistes avec du VIF sitele. (les sciences naturelles), mais aussi
ses motifs décoratifs que l'on appela Le pouvoir des humanistes était sur l'observation (la médecine). La
“grotesques” en raison des cavités qui data pls grand que leur ésea le du programme est bien sila
lesavaientconservés intact. Léon X__ République des Letues, transcend (Ué)mesure du jeune géant et futur
demanda alors Raphaél de recons- les fronlires des Etats price & la Prince, et peutéte Mauteur de Pan-
ituer un plan de la capital impériale langue internationale: lelatin. Ainsi, _ tagruel \geérementironique
en seize fells. dans une lettre & Guillaume Budé, — vis-i-vis de ses maites, commer
‘Suivant la méme idée, la vue de Erasme peut-il le teniraucourantdes par Erasme.
Romeréalisée par unartiseanonyme — publications da Frangais Paul Emile
pour le palais ducal de Mantoue au
XVE sitele démontre la maitrise de
ia cartographi
lan des Antiquités romaines, palais ducal de Mantoue, XVI siécle
Tiarité avec les Antiquités décrites par
le Pogge. De nombreux édifices sont
reconnaissables : le Colisée, I"Are
de Constantin, la colonne Trajane,
Te Panthéon, la statue du dompteur
de chevaux du Quirinal (exhumé
8 ’époque de Paul IN), le temple de
Castor et Pollux, le Forum, ou encore
le mausolée d’Hadrien, devenu cha-
teau Saint-Ange.
Dans Ie domaine textuel, les
humanistes qui étaient avant tout
des experts en langue ancienne (lerere
Pe eno
Lorenzo Vala, La Donation do Constantin
tradicion J-B, Gian, Pars :Les Bolles
ates collection La Rove a Lives, 1998,
are
ere
Coed
Erasme, Correspondance, Pais: Robert
Lafont, collection Bouguns, 1992.
“Josse Bade, imprimeurfamand élab &
Pati vers 1500
rrr
Peay
Perrin)
Rabelais, Pantagrulchapite Vil
1522
+ Lart de Raymond Lule ost,
enoccuronce, Falehim.
lly a quelques siécles, (les pontifes romains] ne comprirent pas que la Donation
de Constantin était une invention, un faux ; ou ils la forgérent eux-mémes, et leurs
successeurs, marchant sur les traces de leurs devanciers, défendirent comme vrai
ce quils savaient faux, au déshonneur de la majesté pontificale, au déshonneur
de la mémoire des anciens pontites, au déshonneur de la religion chrétienne : ils
mélerent le tout de meurtres, de désastres et dignominies. Ils disent que la ville de
Fiome leur appartient, que le royaume de Sicile et de Naples leur appartient, que
Italie entiére, les Gauls, les Espagnes, les Germains, les Bretons leur appartien-
nent, que Occident enfin leur appartient : tout cela est, en effet, dans lacte de la
Donation. Tout cela t'appartient-il done, souverain pontife ? As-tu intention de tout
recouvrer, de dépouiller de leurs vlles rois et princes d'Occident, de forcer ceux-ci &
te verser des tributs annuels ? Est-ce ton ambition ? Pour ma part, j‘estime au con-
traire plus juste de laisser les princes te dépouiller de ton empire tout entier. Car,
comme je le montrerai, cette Donation dol! les souverains pontites veulent tirer leur
droit fut également inconnue de Sylvestre et de Constantin [...].Je montrerai, moi,
que Constantin jusqu’au dernier jour de sa vie et, aprés lui, tous les Césars & tour
de réle restérent en possession [de I'Empire romain] : ainsi n’aurez-vous plus rien &
répiiquer. [...] Voyons ! La fagon barbare de parler nindique-telle pas que ce gali-
matias remonte, non au temps de Constantin, mais & une époque plus récente ?
‘Anvers, le 21 février 1517,
Erasme de Rotterdam a son cher Budé, salut. (...]
La France m’a toujours été chére a plus d'un ttre mais rien ne lui donne plus de
prix 2 mes yeux que le fait qu'elle posséde Budé. ,..]
J'ai appris par votre ambassadeur que Paul Emile rédigeait enfin son His-
toire de France : elle ne peut manquer d’étre un ouvrage vraiment définitif, vu
que sa mise au point n’a pas demandé moins de vingt ans & un homme qui est
aussi savant que diligent. Si tu n’as pas encore eu la chance de lire ! Utopie
de Thomas More, fais-la acheter pour toi, et lis-la sans remords & loisir, tune
regretteras pas ta peine. Les travaux de Thomas Linacre vont incessamment
sortir de atelier de Bade" ; je ne puis dire combien je m'en réjouis : de la part
de cet homme, je ne m'attends a rien qui ne soit absolument parfait en tous
points. Dieu immortel ! Quel siécle je vois arriver sous peu & existence ! Fasse
le ciel que je puisse redevenir jeune !
Jeentends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues : premiérement le
‘grec, comme le veut Quintiien ; deuxiemement le latin ; puis "hébreu pour écriture
sainte, le chaldéen et arabe pour la méme raison ; et que tu formes ton style sur
‘celui de Platon pour le grec, sur celui de Cicéron pour le latin. Quin ait pas d'étude
scientifique que tu ne gardes présente en ta mémoire et pour cela tu taideras de
Tencyclopédie universelle des auteurs qui s'en sont occupés. Des arts libéraux, géo-
métrie, arthmeétique et musique, je ten ai donné le gotit quand tu étais encore jeune,
a cing ou six ans, continue ; de Fastronomie, apprends toutes les régles, mais laisse-
moi fastrologie et art de Lulius", comme autant dabus et de futilités.
Du droit civil, je veux que tu saches par cceur les beaux textes et que tu me les.
récites avec sagesse.
Et quant ala connaissance de la nature, je veux que tu ty donnes avec soin
quil n'y ait mer, riviére, ni source dont tu ignores les poisons ; tous les oiseaux du
Ciel, tous les arbres, arbustes, et les buissons des foréts, toutes les herbes de la
terre, tous les métaux cachés au ventre des abimes, les pierreries de tous les pays
de Orient et du Midi, que rien ne te soit inconnu.
Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans
mépriser les talmudistes et les cabalistes, et, par de fréquentes dissections, ac
{uiers une connaissance parraite de autre monde qu'est homme. Et quelques
heures par jour commence a lire 'écriture sainte : dabord le Nouveau Testament et
les Epitres des apétres, écrits en grec, puis Ancien Testament, éorit en hébreu.
En somme, que je voie en toi un ablme de science car, maintenant que tu de-
viens homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquilité et le repos de l'étude
pour apprendre la chevalerie et les armes [...
D'Utopie, ce dix-sept mars, Ton pére, Gargantua.naissance est 12 ma:
joritairement rural et il est Iégitime
@affirmer que les campagnes n'ont
pas conn
majeur, Mais entre campagne et ville
marchandises et hommes circulent
les villageois vont vendre au marché
Te patriciat vénitien ou élisabéthain
posstde des villas hors des vies,
Surtout, la culture populaire du monde
rural inspire les pratiques culturelles
des élites ut
alors de bouleversement
ines, pour les danse,
par exemple, et méme la littérature
‘on a bien du mal A dire si les danses
morisques du temps de Henry VIII
fu Ia volte en France sont issues des
milieux de cour ou des traditions
villageoises. On sait en revanche que
le Roland Furieux de I’ Arioste puise
dans les thémes des mu
rants du sud de MItalie
Brueghel ‘Ancien s'habillait pa
fois en paysan pour mieux observer
ses contemporains. Dans le Repas
de noces, il s'est peut-étre représenté
Iu-méme en marig, revétu de velours
noir, I'épée lansquenette au cBté, en
conversation avec un francisc
Construit sur une perspective oblique,
le tableau fait pénétrer le spei
dans une scéne peinte avec une certaine
cempathie pour ces vill
beaux habits de fete. On est loin ici de
Ia distance que élite de la Renaissance
tient conserverentre elle et “Tincons-
tant vulgaire”.
Brueghel peint unc société dans
quelle les traditions perdurent. La
sobme se passe dans une tavern, juste
apres le temps des moissons: es,
sont eroisées au mur, gage de bonheur
pour les mariés, Plusieurs personn:
boivent copieusement, d’autres man-
INenaissance dans
les campagnes ?
err roy
Ponca
‘rueghel Ancien, Le Repas de noces
Konatetonzcnes Musou, Vienne
Projtabie en transparent
it feroce,tandis que
les cheveux encore déno
(espouses portent lacoiffe) est assise
sous latraditionnelle couronne nuptiale
en papier et Sabandonne & la féicité
les paupitres baissées. Des
plats arrivent, au son des comemuses,
cependant que de nouveaux convives
affluent par Ia porte ouvert.
Les noces étaient toujours pré
cédées d'un charivari, survivance
médiévale au cours de laquelle les
confréries de jeunesse faisaient
payer aux futurs époux le prix de la
perte dun parti, II se peut que les
rubans accroe!