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focus
La Bancassurance
La Bancassurance
Oct.
2005
Vie
Vie
Analyse de la situation de la Bancassurance dans le monde
focus
La Bancassurance
Oct.
2005
Leader en réassurance de personnes sur un des marchés qui a vu naître la bancassurance, SCOR VIE a
rapidement constitué une équipe spécialisée dans ce secteur d’activité sur le marché français. Régulièrement
questionné par ses clients étrangers sur la faisabilité, les produits, les succès et les échecs de ce modèle,
trois responsables de marchés intervenant sur différents pays ont pris l’initiative d’analyser la situation de
la bancassurance dans le monde et de vous faire part de leurs réflexions.
Certains de nos clients bancassureurs les ont aidés en partageant leurs expériences, illustrant ainsi leurs
propos. Nous tenons à remercier tout particulièrement :
Sans oublier, bien sûr, notre Centre de Gestion de l’Information et l’ensemble des équipes au siège, dans
les filiales et les bureaux de SCOR VIE.
Marjorie Chevalier, diplômée de l’IAE de Nancy (Master en Administration des Entreprises) en 1994. Parallèlement
à la poursuite de ses études, elle a travaillé au Crédit Lyonnais. Elle a intégré SCOR, en 1995, en tant que tarificateur
de risques aggravés. Depuis 1999, elle est souscripteur sur les marchés étrangers, et a eu l’occasion d’intervenir,
à ce titre, sur différents pays comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Corée, le Japon ainsi que les pays du Proche Orient.
Carole Launay, diplômée de Reims Management School en 1998. Elle a rejoint SCOR VIE en 2000, après deux ans
passés dans le domaine pétrolier. Elle débute sa carrière en tant que souscripteur sur le marché français dans le
secteur de la bancassurance. En 2005, elle rejoint la Direction de la Stratégie et des Participations comme Responsable
Marketing.
Bérangère Mainguy, diplômée de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur (Paris) et de l’ESMA de Barcelone en
1996, a débuté, en 1997 comme souscripteur sur les pays d'Amérique Latine, l’Espagne et le Portugal. Après un pas-
sage chez SOREMA, elle réintègre SCOR VIE et intervient depuis 2002 sur la Grèce, la Corée du Sud, le Japon et
la Thaïlande.
Préambule p. 1
Historique et définitions p. 2
Les produits p. 19
Principales caractéristiques des produits distribués
par les bancassureurs. p. 19
Quels sont les produits d’assurance vie distribués par les bancassureurs ? p. 21
Une diversification en cours –
Actualité sur les nouveaux produits vendus par les réseaux bancaires p. 22
La convention Belorgey : une spécificité française p. 24
Conclusion p. 39
Préambule
I Pierre-Denis CHAMPVILLARD, Directeur général SCOR Non-Vie
Le succès fulgurant de la bancassurance dans certains pays d’Europe du Sud se confirme chaque année
davantage, puisqu’en 2004 la bancassurance en France a connu de nouveau une croissance de son chiffre
d’affaires supérieure à 10 %. Il en est de même en Espagne et au Portugal où ce réseau de distribution reste
prépondérant et devient un enjeu stratégique vital pour les acteurs de l’assurance ; les bancassureurs vie
continuent à grignoter des parts de marché et profitent pleinement de la reprise de l’assurance vie. Désormais
l’ensemble des participants s’accorde à dire que le mouvement engagé est irréversible et va continuer à
se développer.
Dans de nombreux pays, le sujet est devenu incontournable pour les banquiers et les assureurs qui cherchent
à reproduire les succès existants.
Ce constat solide et durable que la bancassurance est devenu un véritable mode de distribution méritait que
nous fassions un nouveau point sur ce thème.
En effet, ces dernières années ont vu apparaître un phénomène nouveau : la création par les assureurs de
leurs propres filiales de banques. C’est ce que l’on nomme l’assurbanque.
Deux modèles, deux siècles : La bancassurance a vu le jour au XXe siècle, l’assurbanque au XXIe. L’un
constitue une référence dans la plupart des pays développés, l’autre en est à ses balbutiements. C’est
pourquoi nous ne vous parlerons pas d’assurbanque dans ce focus mais de bancassurance, c’est-à-dire
essentiellement de la distribution des produits d’assurance vie par les réseaux bancaires.
Après quelques points de rappel sur l’historique de la bancassurance et sa définition, toujours source de
discussion, nous tenterons de répondre à certaines questions souvent soulevées : Pourquoi la bancassurance
s’est-elle développée dans certains pays et pourquoi d’autres pays cherchent-ils à reproduire ce modèle ?
Quels produits distribuent les bancassureurs et pourquoi ? Quelle est l’importance du réseau et comment
bien le gérer ? Quels pays ont vu la réussite/l’échec de la bancassurance et pour quelles raisons ? Quels
sont les développements encore possibles ?
Les premiers pays à se lancer dans l’aventure ont été Belgique : en 1989, AG, le 1er assureur belge, et
l’Espagne et la France. Générale de Banque créent la compagnie Alpha
Life. Un an après, AMEV N.V., une importante com-
Au début des années 70, les ACM (Assurances du pagnie d'assurances néerlandaise, et VSB, une
Crédit Mutuel) Vie et IARD obtiennent leur agrément, banque néerlandaise, réunissent leurs activités.
marquant ainsi l’histoire de l’assurance. L’idée leur est Cette même année, le Groupe AG se joint à eux
venue de se passer d’intermédiaire pour l’assurance réalisant ainsi la première fusion transfrontalière,
des crédits emprunteurs, et de devenir eux-mêmes créant le groupe Fortis.
assureur de leurs propres clients de banque. Ils sont
ainsi devenus les précurseurs de ce que l’on nom- En Europe, l’Allemagne et l’Italie s’y intéresseront
mera quinze ans plus tard "la bancassurance". beaucoup plus tard, comme en Asie d’ailleurs où la
bancassurance commence à attirer réellement les
De leur côté, les Espagnols se lancent dans l’aven- banques coréennes déjà en place sur le marché, du
ture au début des années 80, quand le groupe fait de l’autorisation donnée en 2003 par le gouver-
BANCO DE BILBAO acquiert une part majoritaire de nement.
EUROSEGUROS SA (dont la dénomination originelle
est LA VASCA ASEGURADORA SA, constituée en En 2004, en Thaïlande, Fortis a signé un contrat avec
1968). Mais le contrôle n’est dans un premier temps Muang Thai Group pour des affaires vie et non vie et
que financier, puisque la législation espagnole inter- par là-même a pris une participation de 25 % dans
dit aux banques de vendre de l’assurance vie. Cette Muang Thai Life Insurance. Fortis, qui cherchait à
barrière réglementaire disparaît en 1991. Aujourd’hui développer le modèle de bancassurance en Asie,
les cinq premiers bancassureurs espagnols détiennent avait déjà des partenariats en Malaisie et en Chine.
un tiers du marché (Vida Caixa, BBVA, SHC Seguros,
Aseval, Mapfre Vida). Sur les marchés où la bancassurance est suffisam-
ment développée, comme en France ou encore en
Cependant, d’un point de vue purement historique, Belgique, on constate que les entreprises passent à
les véritables pionniers furent les Britanniques avec une autre étape de l’évolution :
la création de Barclays Life en septembre 1965. Cette
filiale n’eut pas un franc succès outre Manche, tout l’implantation dans les pays où la bancas-
comme le concept de bancassurance d’ailleurs. surance commence seulement à voir le jour :
l’exemple de Fortis ci-dessus est probant, autant
En revanche, ce concept de bancassurance a séduit que celui de Cardif qui est aujourd’hui présent
plus d’une banque sur le continent et très rapidement dans 28 pays (dont 6 en Asie) ;
les grands acteurs du marché se sont lancés dans
la création de filiales ou de joint-ventures, introduisant le regroupement de grandes sociétés comme
ainsi le modèle dans leurs pays respectifs : le Crédit Agricole et le Crédit Lyonnais en France
qui place le nouveau bancassureur, au premier
France : en 1971, le Crédit Lyonnais acquiert le rang avec plus de 13 milliards d’Euros de chif-
groupe Médicale de France et signe en 1993 fre d’affaires (classement Hors Série Argus de
une convention qui réserve au groupe Union des l’Assurance 2004 et source Predica).
Assurances Fédérales l’exclusivité de la distri-
bution de l’assurance vie par le réseau du Crédit Ces phénomènes ne feront que s’amplifier au cours
Lyonnais ; du temps, les uns se servant du vécu des autres, pour
implanter le concept de bancassurance dans leur
Espagne : en 1981, le groupe Banco de Bilbao pays.
acquiert une part majoritaire de EUROSEGUROS SA, Mais exporter le concept de bancassurance n’est pas
une compagnie d’Assurance et de Réassurance ; chose aisée. S’implanter là où les marchés ont déjà
Aujourd’hui on ne compte plus les intervenants qui La création d’un bancassureur est rendue possible
ont essayé de définir de manière synthétique le terme grâce à une combinaison de facteurs et elle peut se
de "bancassurance". Elle est souvent assimilée à la faire sous différentes formes.
distribution de produits d’assurance par les guichets
bancaires, mais en réalité elle s’avère beaucoup plus Des composantes aussi diverses que la législation, les
que cela, surtout si on observe l’ensemble des habitudes de consommation, l’importance des
bancassureurs dans le monde et leur histoire. réseaux bancaires et/ou assurantiels font que le
concept de bancassurance s’intègre ou ne s’intègre
La bancassurance, c’est de l’assurance classique pas au marché préexistant de l’assurance.
avec un réseau plus puissant, possédant une forte
affinité avec ses clients particuliers et professionnels. Si certains facteurs sont absents, la bancassurance
En effet, au premier abord, on aurait pu croire que la tarde à se développer :
clientèle des bancassureurs serait exclusivement une
clientèle de particuliers mais elle se développe aussi l’absence d’adaptation des produits aux Etats-
sur le marché des PME-PMI. Unis freine son expansion ;
Des produits comme l’assurance "homme-clé", les la législation au Royaume-Uni (Financial
"couvertures investisseurs" ou encore les "couvert- Services Act en 1986) en a complètement
ures associés" rencontrent un vif succès. stoppé le développement.
Part des différents modèles de partenariat en assurance vie par pays européen à fin 2002
10
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15
Be Fra All Ita Pa Es Ro Mo
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Accord avec plusieurs compagnies ou courtiers Accord avec une seule société extérieure
Accord avec une seule société en compagnie conjointe Constitution interne
La relation privilégiée qui peut exister entre un Certaines autorités estiment au contraire qu’un excès
client et son banquier permet d’obtenir une de libéralisation des systèmes financiers d’un pays
meilleur adéquation entre les besoins du client peut engendrer une augmentation du risque systé-
et les réponses qui lui sont apportées. mique. C’est pourquoi, dans de nombreux pays
encore, les banques ne peuvent pas exercer d’activités
Pour résumer, nous dirons que le client profite de l’op- étrangères à leur métier de base, afin d’éviter de
portunité de se procurer des produits d’assurance nouvelles occasions de prendre des risques.
simples, souvent peu onéreux, avec un paiement des
primes adapté à ses besoins (la plupart du temps, Certains gouvernements ont décidé aussi de libéra-
par mensualités) et avec une accessibilité aisée liser le système financier, mais de façon graduelle,
puisque le réseau bancaire est généralement plus permettant une meilleure maîtrise de cette ouverture.
dense que celui des agences d’assurance.
La bancassurance peut donc être considérée par les
Les avantages pour le législateur : autorités de tutelle comme un atout ou au contraire,
comme un danger potentiel à la stabilité financière
Les autorités de contrôle ou le gouvernement lui-même d’un pays.
ont pour rôle de légiférer pour que les risques pris
par les établissements financiers de leur pays soient
maîtrisés et gérés activement, et ce de façon à
préserver la bonne santé du système financier d’un
Etat. Il peut cependant exister des chocs hors du
contrôle des gestionnaires individuels et collectifs et
qui peuvent affecter le système financier dans son
ensemble. Ces risques sont ce que l’on nomme le
"risque systémique".
Il est également difficile d’établir des priorités et des En ce qui concerne la réglementation, il est bien
facteurs absolument déterminants car les situations, évident qu’une législation favorable, ne limitant pas
les histoires et cultures de chaque pays entrent en les possibilités des banques à prendre des partici-
jeu et parfois en opposition avec les études réalisées pations dans des compagnies d’assurance ou à créer
sur cette question. leur propre assureur, et où il n’existe pas ou peu de
restrictions appliquées à la vente de produits
Pas de "recette miracle" donc, mais un certain nom- d’assurances par le réseau bancaire, va permettre à
bre de constats que nous avons pu faire, après la bancassurance de se développer plus facilement
l’analyse de plusieurs expériences de bancassurance et plus rapidement.
à travers le monde.
Quelques exemples :
En Corée du Sud : ce pays, 7è marché mondial par Dans des pays comme la France, l’Espagne, l’Italie
le volume de primes d’assurance vie, a été, jusqu’à ou la Belgique, les banques bénéficient d’une bonne
récemment, complètement écarté de tout dévelop- image : les clients ont une relation privilégiée et de
pement en bancassurance. La raison en est simple : confiance avec leur banque ou leur banquier. Les
le réseau de distribution bancaire pour les produits banques bénéficient également de l’impression, jus-
d’assurance n’a été autorisé qu’en 2003. Mais il tifiée ou non, d’être plus aptes à gérer les problèmes
s’agira d’une libéralisation progressive en plusieurs financiers que l’assureur. Cette relation de confiance
étapes, dont l’issue est initialement prévue pour avril existe d’autant plus que la marque est puissante et
2007. A ce jour, peu de produits sont proposés à la sa notoriété réelle.
vente et certains points de la loi entravent encore
largement un développement serein : les contrats Les clients des pays cités ci-dessus sont attachés à
d'exclusivité entre banques et assureurs sont inter- la rencontre physique avec leur banquier.
dits et plusieurs par tenariats, qui avaient été
pré-conclus entre banques et assureurs, se sont vus Les pays anglo-saxons n’ont pas cette habitude et
ainsi contrariés. réalisent la plupart de leurs transactions bancaires
via Internet ou téléphone. Et l’on constate justement
Le réseau de distribution que c’est dans ces pays que la bancassurance n’a
pas réussi à s’implanter de façon significative.
Une implantation géographique structurée et dense du
réseau bancaire est un élément de premier ordre pour Notons également l’exemple de l’Allemagne, où les
parvenir au succès. banques ont un réseau fragmenté. Elles sont souvent
De plus, cette intégration permet au réseau d’avoir Le management du réseau doit être pensé globale-
une vision globale du patrimoine et des besoins de ment afin que chacun connaisse clairement son rôle
ses clients. L’objectif d’une gestion commune est éga- dans l’organisation, et ait pleinement conscience de
lement de mutualiser les informations pour tous les ses responsabilités et de ses objectifs. Ces derniers
canaux de vente de la banque (guichet, ventes par doivent être définis également dans un "business plan"
téléphone,…), et de créer une base de données qui commun aux produits bancaires et d’assurance.
pourra être utilisée par le chargé de clientèle mais
aussi par d’autres départements de la banque pour Le réseau est à l’origine composé d’employés de
des besoins divers : études marketing, ou lancement banque dont le métier premier est d’offrir des services
de nouveaux produits. et des produits financiers. Afin de développer leur inté-
rêt et leur envie de proposer des produits d’assurance
Le succès de la bancassurance passe par une vente à leurs clients, il est tout à fait primordial de mettre en
rapide, parfois directement au guichet de l’Agence. place une formation adaptée et de motiver principa-
Pour cela, un système informatique et de recherche lement financièrement les vendeurs en place. La
d’informations efficace doit être à disposition des for- formation et la politique de rémunération sont souvent
ces de vente. Pouvoir répondre à un client au guichet propres à chaque bancassureur et s’intègrent dans le
en temps réel est un atout majeur dans la vente. modèle de culture et d’histoire de chaque entreprise.
L’intégration totale du traitement des données dans
le réseau bancaire leur permet de calculer sur place Les caractéristiques des produits
les primes d’assurance et d’émettre les contrats en développés par l’assureur sont essentielles.
direct. Car il faut être capable, si ce n’est immédiate-
ment, du moins sous quelques jours de donner une Nous reviendrons avec plus de détails sur les produits
réponse au client potentiel. bancassurance dans le chapitre consacré aux
produits, mais nous tenions à rappeler ici l’importance
Les réseaux bancaires réclament de plus en plus de cette question dans le succès de la bancassurance.
d’autonomie de décision au back-office de l’assureur
afin de pouvoir répondre immédiatement à son poten- Le bancassureur "débutant" sur un marché commence
tiel client. L’idée serait de développer des outils généralement par la distribution de produits simples,
Il est tout à fait possible de diversifier la gamme de pro- Que dire sur ce constat ? Qu’il est extrêmement dépen-
duits vendus par les bancassureurs mais cette étape dant de la culture du pays et des habitudes des
doit intervenir lorsque les réseaux bancaires sont déjà consommateurs. Comme nous l’avons vu précédem-
familiarisés avec le concept d’assurance vie et lorsque ment, certaines populations ont l’habitude et préfèrent
le marché est suffisamment mature pour accueillir se rendre chez leur banquier et de discuter en face à
des produits plus complexes. face de leurs besoins financiers. Dans d’autres pays,
les consommateurs préfèrent se donner le temps et
L’important est cependant de toujours proposer des les moyens de comparer les produits, par exemple sur
produits pour lesquels présentation et définition res- Internet ; leur choix de consommation est ainsi uni-
tent simples et pour lesquels les options de choix sont quement dicté par leurs recherches, et ce, en tout
limitées. anonymat. Cette habitude de consommation est tout
à fait en opposition avec le développement de la
Et le modèle retenu pour créer le bancassureur ? bancassurance sur un marché. Nous constatons
d’ailleurs une nouvelle fois que le taux de pénétration
Nous avons été interrogés à maintes reprises sur ce Internet dans les foyers des pays dits latins comme
point qui apparaît pour beaucoup une clé du succès l’Espagne, l’Italie ou la France est très nettement inférieur
ou du moins la première étape primordiale à franchir. aux pays plus nordiques comme la Grande-Bretagne,
les Pays-Bas, les pays scandinaves ou encore aux
Le modèle retenu dans la création d’un bancassureur Etats-Unis.
est-il un facteur déterminant de succès ? Il n’existe
pas, en réalité, de modèle à suivre pour trouver Taux de pénétration de l’assurance
l’alliance stratégique et assurer sa diversification car
chaque compagnie d’assurance et chaque banque Autre explication du succès fulgurant de la bancas-
doit chercher la formule adaptée à sa situation, à ses surance dans certains pays : de grandes banques ou
besoins mais aussi à son environnement culturel et assureurs internationaux ont cherché à s’implanter
réglementaire. Certains modèles, il est vrai, sont plus dans des pays où le taux de pénétration de l’assurance
présents dans certaines régions : en Europe les était encore restreint. Elles ont su créer des alliances ou
modèles d’activités sont généralement très intégrés, des partenariats avec des assureurs ayant une bonne
tandis qu’en Asie l’on retrouve principalement des connaissance des pratiques et besoins des consom-
accords de distribution et de coentreprise. Mais il n’en mateurs locaux, ou avec des banques locales dont le
est jamais un seul qui gouverne tout un marché. réseau était déjà dense et organisé. Par ces accords,
la bancassurance a pu s’implanter souvent à un coût
Dans un modèle d’intégration totalement ou partiel- réduit et avec une grande efficacité et rapidité. Le
lement intégré, la mise en place de structures uniques meilleur exemple est certainement l’Espagne mais
(système informatique, réseaux de ventes,…) également certains pays d’Amérique Latine où les
permettra souvent d’atteindre une efficacité accrue banques et assureurs étrangers ont un taux de
et de restreindre au point optimal les coûts de distri- pénétration très élevé. Beaucoup de pays d’Asie
bution. Mais certains acteurs peuvent préférer des prennent également cette voie de développement.
Réglementation/fiscalité
Loi bancaire de 1984
en France
Loi Amato de 1990 en Italie
N
I
Les réseaux Création/
Acquisition V
Présence des banques de filiale E
sur le marché vs présence
des agents d'assurance A
U
(mailage national et régional)
D'
Bancassurance Prise de contrôle/
I
Participation
Habitudes de consommation N
T
Concernant les services
financiers et assurances É
Relations avec les banques
G
et les assureurs Simple distribution R
(signatures A
d'accord T
commerciaux/ I
Gestion informatique courtier)
O
Internet N
CRM
Marketing direct
Les bancassureurs ont su mettre le client au centre de leurs réflexions et développements. Cela signifie :
Proposer un conseil de qualité par une capacité d’écoute et une bonne information ;
Répondre rapidement à ses attentes grâce à une gestion informatique intégrée à la banque
mais aussi une bonne accessibilité du service, parfois 7 j/7 et 24h sur 24, avec des standards
d’assistance téléphonique ou des plates-formes internet ;
Proposer un savoir-faire et un suivi (en particulier la gestion des sinistres) à la hauteur des
meilleurs assureurs traditionnels.
Ce thème est un des facteurs-clés de succès men- Comme le souligne Denis Wallerich, de BNP Paribas
tionné au chapitre précédent. Nous avons souhaité Assurance : "afin de bénéficier pleinement de la base
en développer ici certains points, en raison de ses client de la banque mais aussi de son image", les
caractéristiques propres mais aussi de l’importance bancassureurs s’appuient sur la marque et le ou les
de son rôle. réseaux de distribution de leur partenaire bancaire.
La bancassurance est un mode de distribution tout à
fait singulier, dont le succès est régi en premier lieu par Les forces de vente sont, la plupart du temps, centrées
le mode de fonctionnement et de gestion de son sur une formation ou une expérience issue du monde
réseau. financier. Par ailleurs, selon les pratiques de marché
et les réglementations, les conseillers en assurance au
Le réseau sein des agences bancaires peuvent aussi bien être
des employés de la banque, des employés de la com-
C’est parce que les banques ont des positions souvent pagnie d’assurance ou des agents d’assurance.
très fortes sur leurs marchés respectifs (réseau
d’agences bancaires, agents de vente indépendants, Si ces derniers sont plus occasionnellement les profils
internet, services téléphoniques, sans oublier leurs recherchés par les bancassureurs, c’est qu’une des
bases de données clientèle) qu’il est plus facile pour clés de la réussite de la bancassurance est l’appro-
elles d’étendre leurs gammes de services à l’assu- priation du concept et des produits d’assurance par
rance vie, que pour les assureurs de proposer des les vendeurs. Et il est plus facile d’atteindre cet objectif
services bancaires. avec un personnel issu de la banque (banquiers,
personnel des guichets ou encore gestionnaires de
Si l’on prend comme exemple l’Espagne, la Banque patrimoine).
Centrale du pays (Banco de España) dénombrait
mi-2003 quelques 34.000 agences pour une popu- Management
lation de 40 millions d’habitants. Avec une agence
pour 1.156 personnes, l’Espagne est un des pays où La question du management des équipes doit éga-
la densité bancaire est la plus élevée en Europe. lement être posée car les métiers de la banque de
réseau évoluent rapidement. Certains bancassureurs,
Bien entendu, il n’est pas exclu qu’un rapprochement tel que SOGECAP, filiale de la Société Générale, ont
entre un assureur et un établissement financier per- ainsi réorganisé nombre de leurs structures et créé
mette à chacun de distribuer les produits de son de nouveaux métiers, afin d’offrir à chaque point de
partenaire. Ainsi, début janvier 2005 Swiss Life France vente des responsables ou des animateurs de
et Caixa Bank, deux acteurs étrangers basés en proximité et à leur écoute.
France, ont décidé de conclure un partenariat com-
mercial croisé. Ce dernier est axé sur la vente d’une Formation
gamme complète d’assurance vie aux guichets de
Caixa Bank. Quant à Swiss Life France, les agents La formation apparaît également comme un sujet
généraux devraient être formés à la vente de solu- essentiel à la motivation du réseau dont le métier pre-
tions de financement immobilier. mier est la banque.
Plusieurs bancassureurs d’expérience interrogés ont complètement intégrée à l’offre de produits bancaires.
cité à maintes reprises le sujet des "produits" en A contrario, en Europe du Nord (Royaume-Uni,
bancassurance. Et ce n’est, bien sûr, pas par hasard. Allemagne), les produits d’assurance vie distribués
Il s’agit d’un thème central car déterminant dans le par les banques sont tout à fait similaires à ceux pro-
succès rencontré auprès de la clientèle mais aussi posés par les réseaux dits traditionnels (agents,
auprès des réseaux de vente. courtiers) et vendus au sein des banques par des
assureurs distincts des salariés de la banque.
Quelles sont les caractéristiques d’un "bon" produit
en bancassurance ? Y-a-t-il des produits propres à "Il faut que le vendeur soit à l’aise et que l’acte de
ce réseau ? Que peut-on vendre et ne pas vendre vente soit rapide" nous dit-on chez Cardif. "Selon la
lorsque l’on est bancassureur ? culture bancaire, un client qui n’est pas "accroché" la
première fois est perdu" renchérit-on chez Predica.
LA SÉLECTION EN BANCASSURANCE
A la question : "La sélection médicale vous semble t-elle être un frein au développement de la
bancassurance ?" posée à plusieurs bancassureurs (Cardif, SH&C, Predica, Altavida…), nous avons eu
invariablement la même réponse :
"Oui, sans aucun doute car la sélection augmente significativement le temps de vente d’un produit."
Et l’un des secrets de la réussite en bancassurance est certainement une vente rapide. Il n’en demeure pas
moins que, même si cette sélection est jugée comme une difficulté notable, elle est aussi indispensable sur
tous les produits de Prévoyance et ne peut que très rarement être totalement supprimée.
Voici trois catégories de produits de prévoyance présentant des méthodes de sélection différentes :
les garanties décès accidentel (ou invalidité par accident) annexées par exemple à des cartes
bancaires ou à comptes bancaires : pour ces produits, aucune sélection médicale n’est requise ;
les garanties décès, invalidité ou incapacité toutes causes, proposées de façon obligatoire ou
avec un taux de pénétration très élevé : c’est le cas des assurances emprunteurs dans certains
pays (France, Espagne…). Dans ce cas, la sélection médicale est nécessaire mais peut être
allégée car le risque d’anti-sélection est estimé très faible. La sélection est souvent limitée à un
simple questionnaire médical (si le capital assuré ne dépasse pas un certain plafond).
Cependant, en cas de réponse positive à une des questions, des examens complémentaires
peuvent être exigés. En cas de capital emprunté très important, des examens complets seront
également demandés dès la première étape. Dans les cas très particuliers de crédits à la
consommation aux capitaux réduits, la sélection médicale peut se limiter à une Déclaration d’Etat
de Santé ;
les garanties décès, invalidité ou incapacité toutes causes proposées sur des produits de
prévoyance individuels (Temporaire décès, Dépendance…) : la sélection médicale requise par les
bancassureurs est généralement la même que celle exigée par les réseaux traditionnels de
distribution. Cependant, afin de simplifier au maximum les procédures, les bancassureurs
proposent des capitaux assurés plus faibles que les assureurs traditionnels. D’autres méthodes
peuvent également permettre de limiter la sélection : introduction ou augmentation des délais de
carence et/ou exclusions au contrat plus nombreuses.
Il s’agit d’un produit en capital différé avec garantie en cas de décès ou d’invalidité, et avec
garantie de rachat ou de réduction ;
Possibilité de sortie en capital ou en rente dont les montant et durée peuvent être variables ;
Les primes sont uniques ou récurrentes, au choix ;
Les frais et chargements du produit sont très faibles ;
La durée du contrat est variable selon les produits mais la plupart des bancassureurs proposent
des durées supérieures à 8 ans, les avantages fiscaux étant notables après ce délai ;
Plusieurs types de contrats : bons de capitalisation, contrats "supports en Euros" (placement
sécurisé) dont le capital investi et le taux d’intérêt à l’année sont garantis (en 2003, taux d’intérêt
moyen 4.5 %) et les contrats "multisupports" (ou supports en Unités de Compte, placement à
risque) dont les performances peuvent être tout à fait variables et surtout aléatoires car fortement
liées aux marchés boursiers ;
Taux d’intérêt non garantis sur plusieurs années.
Les garanties couvertes sont souvent le décès accidentel Après un tour d’horizon de grands bancassureurs à
ou Invalidité Permanente et Totale par accident et le mon- travers le monde, nous constatons que la bancas-
tant assuré peut être calculé de différentes façons : surance "peut tout vendre", qu’elle n’est pas limitée
à une certaine catégorie de produits. Et les innova-
"x fois" le montant existant sur le compte bancaire tions ne sont pas en reste : les bancassureurs ont
au moment du décès ou de l’invalidité de l’assuré ; compris que pour continuer à être performants, ils
une moyenne des dépenses réalisées avec la doivent faire preuve d’une forte capacité d’innovation.
carte bancaire durant les 3 ou 6 derniers mois ; Cette étape devient primordiale pour continuer à
tout simplement, un montant prédéterminé au conquérir de nouveaux clients et conserver un
moment de la souscription. avantage concurrentiel certain.
Généralement, aucune sélection n’est exigée pour ce A noter aussi, la crise récente des marchés financiers
type de produits puisque les garanties couvertes sont qui a fait baisser le chiffre d’affaires des bancassureurs
purement accidentelles. qui s’étaient spécialisés, pour certains, dans les
contrats en Unités de Comptes. La diversification se
révélait parfois nécessaire.
Une diversification en cours -
Actualité sur les nouveaux produits Actualité sur quelques nouveaux produits
vendus par les bancassureurs :
vendus par les réseaux bancaires
Produit Dépendance : paiement d’une rente viagère
Les banques et les assureurs savent qu’une gamme (plus éventuellement un capital) en cas de perte d’auto-
complète de produits est nécessaire pour satisfaire et nomie de l’assuré. Cette perte d’autonomie se définit
fidéliser la clientèle. Les bancassureurs ont bien com- comme l’incapacité totale et définitive à accomplir cer-
pris qu’élargir leur offre induit une croissance de leurs tains actes de la vie quotidienne (se nourrir, se laver, se
parts de marché, ce qui signifie des revenus supplé- déplacer…). La dépendance peut être totale ou par-
mentaires, sans coût de distribution additionnel. tielle. Cette définition est celle utilisée pour les produits
vendus en France. D’autres produits, également dits de
Les bancassureurs, qui avaient commencé à séduire "dépendance", ont une approche tout à fait différente,
avec leur "one-stop-shop", ont dû aller jusqu’au bout puisqu’ils consistent à rembourser des frais médicaux
du concept et se lancent aujourd’hui dans une vraie suite à une perte d’autonomie qui s’avère parfois sim-
diversification… plement passagère.
Traditionnellement, les produits d’assurance non-vie sont largement moins distribués par le canal
bancassurance que les produits d’assurance vie. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce fait :
la principale pourrait être la nature complémentaire de l’assurance vie et des produits bancaires :
les employés de la banque sont déjà familiarisés avec les produits financiers et s’adaptent
rapidement à la vente des produits d’assurance vie d’épargne ou de retraite ;
Au contraire, le marché non-vie réclame des compétences spécifiques dans la gestion et la vente,
que les bancassureurs ne maîtrisent pas nécessairement. De telles compétences nécessitent, en
outre, des investissements lourds en ce qui concerne la formation et la motivation, donc des coûts
supplémentaires ;
les produits d’assurance vie sont généralement des produits de long terme, qui exigent donc des
clients une pleine confiance dans l’institution qui place l’argent. Et nous savons maintenant que,
dans de nombreux pays, les banques bénéficient d’une meilleure image et d’une confiance plus
grande que les assureurs ;
les conseillers bancaires peuvent utiliser la connaissance du patrimoine de leurs clients pour
adapter leurs conseils, en fonction de besoins déterminés. Cet avantage est prédominant en
assurance vie et ne revêt pas la même importance en assurance dommages ;
LA CONVENTION BELORGEY : Début 1999, les pouvoirs publics ont souhaité qu'une
une spécificité française nouvelle réflexion soit menée, à partir de cette conven-
tion, tenant compte de l’évolution de la situation des
L’accès à l’emprunt est difficile, pour les personnes personnes séropositives. Engagée par le Conseil
présentant un "risque aggravé" du fait de leur état National du Sida, les travaux ont été repris par la
de santé. L’assurance des emprunteurs est souvent commission confiée par le Premier Ministre à
une condition nécessaire à l’obtention du prêt (plus M. Bélorgey, Conseiller d’Etat. Ce dernier a souhaité
particulièrement en France). Un refus de cette que les travaux et les réflexions soient élargis à
assurance ou une très forte surprime pour des raisons l'assurabilité de l’ensemble des risques aggravés,
médicales peuvent mettre en cause l’opération. dans le cadre de l'assurance emprunteurs.
Cette situation préoccupe depuis longtemps les C’est ce que l’on nomme aujourd’hui communément
Pouvoirs Publics français et les associations de "la Convention Belorgey", véritable spécificité française.
malades qui ont saisi les professionnels de l’assurance
dès la fin des années 80 à propos des malades Les travaux du comité Belorgey ont porté sur :
séropositifs.
l'étatdes connaissances épidémiologiques et
Une convention a été élaborée en 1991, qui offrait médicales relatives au VIH ;
aux séropositifs une assurance décès couvrant les les mécanismes de l'assurance emprunteurs
emprunts contractés afin d’acquérir un logement. (rôles respectifs du banquier et de l'assureur) ;
Deux types de profils de clientèle se dégagent en France, entre les assurances vie et les assurances IARD.
Le « bancassuré » en vie a généralement plus de 50 ans, avec une forte proportion de personnes âgées
de plus de 70 ans (taux de 15 % contre 11 % dans les autres réseaux de distribution). Ils sont plus riches
que la moyenne nationale et ont un revenu compris entre 37.000 Euros et 46.000 Euros par an.
Par ailleurs, ils sont deux fois plus nombreux à disposer d’une épargne entre 31 000 Euros et 153 000
Euros. En moyenne, ils épargnent entre 8 000 Euros et 30 500 Euros par an, possèdent une maison
individuelle, et ont une volonté ferme de "transmettre un capital à leurs enfants".
En dommages, le "bancassuré" a le plus souvent moins de 29 ans. Il est locataire de son logement et a une
situation financière plus instable que le client vie : en raison de crédits en cours, il a peu d’argent disponible
pour constituer une épargne.
Nous avons eu l’occasion d’évoquer dans les chapi- rend difficile la comparaison avec les autres bancas-
tres précédents les différentes formes juridiques de la sureurs du marché français.
bancassurance, les facteurs de succès ainsi que les
principales caractéristiques des produits. Nous vous Ce que l’on peut souligner aujourd’hui, c’est que même
proposons également de réaliser un tour du monde en assurance dommages, où le Groupement français
récent de la bancassurance car nous le verrons, c’est des bancassureurs pèse pour 6 % dans l’automobile
un domaine à divers stades de développement et en et 11 % dans la MRH, les bancassureurs progressent :
pleine évolution. +12,1 % sur les cotisations 2004.
Aujourd’hui, les bancassureurs français font mieux L’Espagne souffrait d’un retard certain concernant le
que les assureurs sur le risque individuel. Le taux d’assurance vie par habitant, en comparaison
Groupement français des bancassureurs (présidé par avec les autres pays d’Europe de l’Ouest. Depuis les
Michel Villatte, Directeur Général de Predica) repré- années 90, ce marché a connu des taux de crois-
sente en 2003 60 % de la collecte en assurance vie, sance en assurance les plus forts d’Europe. Banques
avec un chiffre d’affaires de 55 milliards d’Euros. A et assureurs en ont bénéficié ensemble : aujourd’hui,
fin 2003, on trouve cinq bancassureurs dans le clas- ce sont 9 bancassureurs qui occupent le Top 10 des
sement des dix premières sociétés d’assurance vie assureurs en Espagne et les bancassureurs
(chiffre d’affaires) : Predica en tête (Crédit Agricole), détiennent 74 % des affaires nouvelles, dont 50 %
suivi de Ecureuil Vie (Caisses d’Epargne), Sogecap aux mains des caisses d’épargne locales.
(Société Générale) Natio Vie (BNP Paribas), les
Assurances Fédérales Vie (Crédit Lyonnais). Une des raisons principales de ce succès pourrait
être la bonne image de la banque dans ce pays. Un
La CNP se situe, bien évidemment, dans le trio de réseau bancaire dense a également donné un avan-
tête, mais son statut la différencie des autres. En effet, tage certain à la bancassurance. Ajoutées à cela,
sa stratégie de distribution fondée sur des partenariats quelques réformes, portant sur le système de retraite
avec des établissements tels que la Poste, les Caisses par exemple, ont permis de rendre attractifs certains
d’Epargne, mais aussi les Mutuelles, les établisse- produits d’assurance vie que distribuent en masse
ments financiers ou encore les collectivités locales, les réseaux bancaires.
Les réseaux traditionnels, en moyenne sur l’ensemble alors que certains assureurs quittent le créneau
de ces pays européens, distribuent aujourd’hui moins bancaire :
de 30 % des contrats. Quant aux réseaux de vente
directe, ils ne détiennent plus que 10 % des ventes de Swiss Life a abandonné sa participation dans
contrats. le CIC.
Norvège 2003
Grande-Bretagne 2002 Bancassurance 50 %
Bancassurance 18 % Traditionnel 50 %
Traditionnel 73 % Direct 0 %
Direct 9 %
Allemagne 2003
Bancassurance 23 %
Traditionnel 72 %
France 2003 Direct 5 %
Bancassurance 61 %
Traditionnel 33 %
Direct 6 %
Grèce 2004
Bancassurance 15 %
Traditionnel 85 %
Direct 0 %
Portugal 2002
Bancassurance 80 %
Traditionnel 17 % Espagne 2002 Italie 2002
Direct 3 %
Bancassurance 77 % Bancassurance 56 %
Traditionnel 20 % Traditionnel 35 %
Direct 3 % Direct 9 %
Les assureurs étrangers se sont largement appuyés La majorité des produits d’assurance vie vendue par
sur le réseau bancaire local déjà très présent sur le ter- les réseaux est constituée d’assurances collectives
ritoire pour créer des partenariats et parfois même (88,1 % en 2003). Néanmoins, si les polices vie indi-
racheter simplement la banque. viduelles ne représentent pour le moment que 11,9 %
des ventes totales, la croissance dans ce secteur a été
Ce transfert de propriété est certainement l’une des très soutenue depuis 4 ans : 53,8 % en moyenne,
raisons principales de la réussite de la bancassurance contre 25,9 % pour les polices groupe.
en Amérique Latine. C’est pourquoi aujourd’hui, malgré
son statut de "marché en développement" dans bien Parallèlement, le marché dommages continue à
des domaines, malgré la disparité observée d’un pays connaître une croissance importante principalement
à l’autre, et malgré la domination encore des réseaux liée au développement de la vente de polices incen-
traditionnels de courtiers et d’agents, l’Amérique Latine die dans les agences bancaires.
est une zone où la bancassurance est en passe de
devenir un système incontournable de distribution. Au Mexique, les banques ont joué un rôle important
dans l’établissement de fonds de pension, suite à la
Le secteur des services financiers de la plupart des réforme de 1997. Depuis, de nombreux assureurs étran-
pays du continent ayant été déréglementé, les gers ont réalisé des partenariats avec des banques
banques ont été autorisées à vendre des produits locales. En 2001, entre 10 et 15 % des primes totales vie
d’assurance directement. Contrairement à l’expé- et rente provenaient de la distribution par les banques.
rience européenne, les premiers à être commercialisés
furent des produits non-vie (assurance incendie ou Selon Luis Araya, Directeur Technique de la société
automobile). Mais depuis quelques années, ce sont Altavida Seguros de Vida au Chili, filiale locale du
les produits d’assurance vie qui ont le vent en poupe. Groupe Santander, le potentiel de croissance de la
bancassurance en Amérique Latine est encore énorme
Au Brésil, la législation rend obligatoire la participation car "le taux de pénétration dans ces pays est très faible.
d’un courtier habilité dans toute vente d’assurance. Ainsi De plus, le PIB étant bas, il est nécessaire de propo-
les assureurs et les banques possèdent parfois leurs ser des assurances à faibles capitaux assurés" qui sont
propres courtiers. Mais les banques ont su se montrer "attractifs, s’ils sont commercialisés de façon massive".
actives sur le marché de l’assurance depuis les années
1970. Cette expérience leur donne aujourd’hui une part Asie :
prépondérante dans la distribution des polices d’assu-
rance puisque près d’un quart des primes est généré Un début prometteur
par ce canal (dont plus de la moitié de primes vie).
La crise financière asiatique de 1997 a été un élément
En Argentine, de grandes banques internationales moteur dans la recherche de diversification pour les
(Citigroup, HSBC, BBVA et Banco Santander) ont banques. Depuis l’an 2000 principalement, la
acheté des participations dans des assureurs vie et bancassurance est donc au centre de bien des
des fonds de pension argentins, et les ventes de pro- discussions en Asie. La libéralisation financière a
duits d’assurance vie par les banques commencent facilité l’introduction de la bancassurance, en
à se développer significativement. Cependant, les particulier avec la pénétration de compagnies
canaux traditionnels de distribution continuent à domi- d’assurances étrangères qui ont cherché à trouver
ner le marché. des accords avec les banques locales.
Au Chili, la législation autorise depuis 1997 la vente C’est à Singapour qu’eut lieu la première grande expé-
de produits d’assurance via le réseau bancaire. Un rience de bancassurance en Asie, grâce à la vente
intermédiaire habilité doit cependant être présent au des opérations d’assurance de la "Development Bank
moment de toute vente d’assurances dans une banque. of Singapore" à Aviva. En contrepartie de la cession
totale de sa compagnie d’assurance, la DBS devint
le distributeur exclusif des polices d’assurance.
Pour Bajaj Allianz par exemple, joint venture entre Baja Ces accords croisés entre banques et assureurs
Auto Ltd, 2e constructeur de motos, et l’assureur alle- ont été possibles grâce une libéralisation récente
mand Allianz AG, la bancassurance représentait et très progressive du marché de l’assurance dans
environ 27 % de sa production totale fin octobre 2004, ce pays. Et c’est en 2001 seulement que les banques
contre 17-18 % en 2002, chiffre qui devrait continuer ont été autorisées à commercialiser des produits
à croître, grâce au lancement de produits spécifiques d’assurance vie.
à la Centurion Bank et à ses accords avec des
banques telles que Standard Chartered Bank et Mais pour qu’un vrai développement de la ban-
Syndicate Bank. Aviva a signé un nouveau partenariat cassurance s’amorce en Chine, cer taines
de bancassurance avec Punjab and Sind Bank, met- restrictions devront être assouplies : aujourd’hui,
tant ainsi en œuvre son ambition de se développer les autorités imposent un commissionnement
sur le marché indien. Aviva Life représente 73 % des maximum de 8 % entre les banques et les assu-
nouvelles affaires en 2003 via les réseaux bancaires. reurs ; les opérateurs étrangers ne peuvent pas
intervenir sur tout le territoire ni dans toutes les
Quand on demande au Directeur de l’International de branches de l‘assurance ; les prises de par tici-
BNP Paribas Assurance dans quels pays Cardif veut pation par des étrangers dans des compagnies
se développer, la Chine arrive au premier plan. chinoises sont limitées. Le proche avenir nous
indiquera la direction que souhaitent prendre les
Justement la Chine, pays devenu incontournable dans autorités chinoises dans le développement de son
les discussions sur le potentiel offert par de nombreux marché assurance et bancassurance.
La Scandinavie a également été rattrapée par la Pourquoi malgré un potentiel de croissance énorme,
bancassurance. En 2002, moins de 20 % du marché une proximité des agences bancaires avec la clientèle,
vie était géré par les banques, dont la présence restait le décollage de la bancassurance aux Etats-Unis
moins significative que dans d’autres pays. Mais est-il aussi lent ?
Que la réglementation américaine a longtemps limité les perspectives des banques et des compagnies d’as-
surance et a ralenti largement leur processus de rapprochement ; et qu’aujourd’hui les relations entre
assureurs et banques ne portant encore souvent que sur de simples accords de distribution, des différences
et des incompréhensions entre les deux parties subsistent de façon notable et nécessitent des mesures
concrètes afin de mettre en place des terrains d’entente. Chacun devra trouver son intérêt à la création d’un
modèle de bancassurance plus intégré ; c’est une étape essentielle.
Ce pont devra être bâti en gardant en tête que le but principal est la satisfaction de la clientèle, clef de voûte
du succès en bancassurance. Pour ce faire, les banquiers et assureurs américains devront :
repenser les produits, mais également les intégrer davantage dans les offres bancaires existantes
et dans les objectifs de vente des réseaux, les rendre plus simples ;
développer un système informatique et un mode de gestion commun entre banque et assureur, afin
que le réseau ait un accès facile et rapide à l’information et que les procédures soient harmonisées ;
les banques ont ciblé jusqu’à présent la population aisée, un marché difficile à conquérir, au détri-
ment du marché de masse (classes populaires) ; retravailler cette cible paraît primordial ;
limiter le nombre d’assureurs avec lesquels la banque travaille ; cette règle permet de développer
un réel partenariat entre deux acteurs et de créer davantage de liens entre eux.
Rédiger une conclusion commune à "la bancassurance dans le monde" est difficile car tous les pays, nous
l’avons vu, n’en sont pas au même stade de maturité et exigent, de ce fait, une réflexion différente et unique.
Après vous avoir fait part de constats et réflexions sur la naissance de la bancassurance et sa situation aujour-
d’hui, il semble légitime de se poser la question de savoir comment la bancassurance pourrait évoluer dans les
prochaines années.
Certains pays, où la bancassurance n’est pas à ce jour un modèle très présent, cherchent à analyser les raisons
de cet échec et souhaitent à présent évoluer sur de nouvelles bases. Cette phase de rapprochement entre les
banques et les assureurs a ainsi été tentée par les pays dits « anglo-saxons » comme les Etats-Unis, le Royaume-
Uni ou l’Allemagne qui ne sont jamais vraiment parvenus à imposer le modèle bancassurance. Grâce à une
déréglementation financière et/ou à une prise de conscience des raisons de ce développement limité, les deux
industries pourront peut-être parvenir à de vraies alliances.
La croissance économique importante récente de certaines zones du monde (Chine, Inde…) laisse à prévoir
également une émergence de la bancassurance dans de nouveaux pays. Ce démarrage pourra être envisagé
avec des démarches différentes : en modèle intégré, ou en simple coopération. Le niveau d’intégration dépen-
dra surtout du contexte local de chaque marché et de la stratégie des acteurs mais ne déterminera pas à lui
seul le succès de la bancassurance. Bien d’autres éléments et facteurs sont nécessaires à une convergence
réussie.
Concernant les pays où les bancassureurs sont le modèle dominant, principalement les pays européens dits
"latins", les activités de la banque et de l’assurance vie semblent aujourd’hui deux métiers intimement liés, dont
le but principal est de répondre à un besoin global de la part des clients. La bancassurance est donc un modèle
qui devrait continuer à gagner des parts de marché, même si les bancassureurs ont déjà commencé à penser
à une possible reconversion, ou du moins à une évolution vers de nouveaux objectifs produits et clientèles.
Ainsi, après des débuts axés vers une logique de distribution de masse, fortement concentrée sur la clientèle des
banques à savoir les particuliers, les bancassureurs font de plus en plus preuve d’une innovation certaine, ainsi
que d’une relation et d’une écoute clientèle parfaitement maîtrisée. Cela devrait leur permettre de maintenir leur
position, voire d’assurer leur approche vers de nouveaux objectifs que sont les segments haut de gamme, les entre-
prises, les professionnels, les jeunes …
Sur les produits également, les bancassureurs se diversifient, et entrent dans une nouvelle ère de vente des produits
d’assurance vie plus complexes, créneau jusqu’alors réservé aux réseaux traditionnels. L’objectif des bancas-
sureurs « matures » est de pouvoir désormais répondre à toutes les attentes d’un client, même les plus spécifiques.
Mais, on voit aussi clairement depuis quelques années, un nouveau mouvement se mettre en marche : les
bancassureurs se tournent vers les produits dommages aux particuliers. En France, le Cabinet Solving International
montre dans son enquête annuelle qu’entre 2001 et 2003, les banques et notamment le Crédit Agricole et le
Crédit Mutuel ont vu leurs parts de marchés augmenter de près d’un point par an sur cette gamme. De façon
identique aux produits vie, et pour connaître un franc succès, les produits dommages sont désormais davantage
pensés et proposés dans une logique d’intégration à l’offre bancaire.
L’avenir des bancassureurs n’est cependant pas tout tracé et ils devront faire face à une concurrence toujours plus
vive. Ainsi, pour résister à la montée de la bancassurance, les assureurs traditionnels ripostent et inventent
l’Assurbanque en lançant leur propre gamme de produits bancaires. Cette offensive est cependant encore trop
récente pour présager de son évolution.
En résumé, dans les pays où elle est déjà bien implantée, la bancassurance peut encore se développer sur
certains segments de marché tandis que dans d‘autres régions du monde, tout reste à construire. La bancassurance
n’a pas fini de faire parler d’elle !
Bérangère Mainguy
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N° ISSN : 1636-4767
Mise en page : Adeline Clère - Photo couverture : Michel Azous - Illustrations : Philippe Peseuxs