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Résumé
REB 40 1982 France p. 135-155
J. Darrouzes, Un décret d'Isaac II Angeles. — Le Mutinensis 240 contient un prostagma, dont il est l'unique témoin et que l'on a
supposé être une taxis des métropoles (notifia). Le décret concerne en réalité la préservation des biens patrimoniaux des
évêques après leur décès ; il adopte une forme assez insolite en reproduisant trois décrets antérieurs sur le même sujet. Après
une brève introduction le texte est édité et traduit.
Darrouzès Jean. Un décret d'Isaac II Angélos. In: Revue des études byzantines, tome 40, 1982. pp. 135-155.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1982_num_40_1_2134
UN DÉCRET D'ISAAC II ANGÉLOS
Jean DARROUZÈS
1. F. Dölger, Regesten, n° 1586 ; voir aussi le n° 1627, où est citée la même source,
avec renvoi au n° 1586, mais aussi aux n01 1613-1614. Edition par P. Lamma, Un pros-
tagma inedito attribuito a Isacco 11° Angelo, Atti e Memorie Accad... di Modena, s. V,
10, 1952, p. 230-249 {^Oriente e Occidente nell'alto medioevo, Padoue 1968, p. 395-
414 ; réimpression) ; compte rendu de F. Dölger, BZ 46, 1953, p. 426. Je n'ai pu prendre
connaissance de cette publication qu'après les premières épreuves du présent article.
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à l'Eglise au fisc
1) douze livres d'hyperpères6 six livres d'hyperpères
2) restitution simple amende au double
3) restitution au double amende au quadruple.
Dans le premier cas il ne s'agit pas à proprement parler de restitution, mais
d'une amende fixée arbitrairement et sans évaluation du dommage subi ;
c'est la partie lésée, l'Eglise, qui est favorisée plutôt que le fisc. Dans le
second cas, la proportion est inversée, mais la simple restitution suppose
une évaluation exacte du dommage et la justice semble plus stricte et plus
objective. Dans le dernier cas, il y a excès des deux côtés, car si les détourne
ments atteignaient un total élevé, la restitution multipliée par six apparaît
purement théorique. Ces variantes montrent en tout cas une évolution
très nette de la législation et la différence très marquée entre les auteurs
des décrets et leur administration.
Par rapport au décret de Manuel Comnène, qui remet au mystikos le
soin de recevoir les rapports sur les affaires de ce genre (lignes 113-114),
le rôle de ministre semble d'abord amoindri, puisque les rapports devront
être adressés maintenant au fils de l'empereur ; la suite montre cependant
que c'est là une simple formule, puisque le mystikos continuera à exercer
même seul cette responsabilité et surtout subira seul ou le premier les
sanctions. On n'a pas de définition très précise du rôle de ce fonctionnaire
dans le système administratif7, et son nom évoque plutôt une charge de
conseiller privé ; cependant un chrysobulle de 1181, dans la même ligne
que le prostagma de Manuel Comnène, confie au mystikos la charge de
corriger les abus de l'administration fiscale à l'égard des monastères. Le
personnage avait ainsi une certaine compétence judiciaire et financière,
comme un conseiller d'Etat ou un conseiller des comptes ; il faudrait des
actes émanés de son bureau pour définir son action et pour voir surtout
6. Selon une remarque que m'a faite Nicolas Oikonomidès, le montant de l'amende
en faveur de l'Eglise serait peut-être proportionné au rang de l'évêque dans la hiérarchie
nobiliaire. Au 10e siècle, le titre episcopal équivaut au rang des protospathaires : N.
Oikonomidès, Les listes de préséance byzantines des IXe et Xe siècles, Paris 1972, p. 2491-1°,
26917-23, D'après un document recueilli par Constantin Porphyrogénète {De Cer., II,
49), le protospathaire payait son titre de 12 à 18 livres : voir P. Lemerle, Roga et rente
d'Etat, REB 25, 1967, p. 80. Les équivalences avaient certainement évolué, mais l'estima
tion du dommage subi pouvait reposer sur un critère de ce genre.
7. R. Guilland, Etudes sur l'histoire administrative de l'Empire byzantin. Le mystique,
REB 26, 1968, p. 279-296 ; V. Laurent, Le Corpus des sceaux de l'empire byzantin, II,
Paris 1981, p. 50 ; sceaux nos 116-129 (à partir du 9e siècle). Dans son article R. Guilland
parle d'un fonctionnaire d'Eglise de même nom ; cette opinion n'est pas fondée, car
les références de l'auteur concernent toujours le mystikos impérial.
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Isaac Angélos
8. Les copies émises par le chartophylax n'avaient pas de titre, mais un certificat à la
suite de la conclusion de l'acte ; dans les copies libres et dérivées, des éléments de ce
certificat sont utilisés pour le titre. La répétition du nom de l'empereur doit provenir
d'une note marginale passée dans le texte.
9. Eglise s'emploie au sens d'éparchie (diocèse) selon la terminologie byzantine ; le
chef d'éparchie est métropolite, archevêque ou évêque : voir lignes 35, 44.
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10. L'attribution à Manuel Comnène est fausse ; des copies indépendantes restituent
le prostagma à Jean Comnène.
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1 1 . C'est un cas de ce genre qui fut soumis au patriarche Luc, en 1 1 69, par l'archevêque
de Thessalonique : acte cité à la n. S.
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36 τι om. HT 39 αύταϊς (cf αύτάς lin. 37) : αύτοϊς HST 39-40 άλλα-αύτοΐς
om. S 41 ol om. M 43 εις : προς HST 44-45 ύπερπύρων λίτρας transp.
HST I ύπέρπυρα in abreviatione scripsit Η νομισμάτων editio λίτρας om. S 50
της : έκ της HT τοϊς Μ 58 δημοσιακάς δουλείας έγκ. transp. HST 59 τοις2
om. M 62 άπό της επισκοπής : παρά της αρχιεπισκοπής HST 63 ύποχρεωστοΰται Μ
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12. Le kellion, opposé ici aux immeubles du diocèse, représente la résidence privée de
l'évêque ; s'il n'était pas nécessairement sa propriété, il abritait ses biens personnels,
comme l'indique un peu plus bas la mention du testament (ligne 93).
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même pas le pied dans les immeubles des Eglises vacantes et on n'en
retirera pas la moindre chose de quelque façon que ce soit, mais tout y sera
administré et traité par les responsables de ces Eglises, ainsi qu'il est spécifié
précisément à ce sujet dans les lois et les canons13, à savoir jusqu'à ce que
les évêques nommés pour ces Eglises à la place des défunts et rendus sur
place prennent en mains propres leur administration. Quiconque ira jusqu'à
enfreindre une des dispositions de la présente ordonnance doit le savoir :
même si Dieu pour le présent se tait devant son forfait en lui réservant
certainement pour le futur la peine méritée, ma majesté du moins le traitera
rudement aussi dans le présent en le soumettant à des châtiments corporels,
mutilation de ses propres membres, confiscation de biens et exil prolongé.
En effet, celui-là à partir de maintenant ne sera pas seulement obligé de
restituer à l'Eglise l'égal de ce qu'il lui aura dérobé de cette manière, mais
le fisc lui réclamera sans aucune rémission la même quantité au double ;
l'évêque en fonction ayant fourni à ce sujet au mystikos du jour une info
rmation très exacte, celui-ci doit veiller à ces deux points, et il n'aura absolu
mentaucune excuse en cas de faute, car ma majesté, selon le mot de
l'Evangile, est venue et leur a parlé14 par la présente ordonnance. Laquelle
sera enregistrée et déposée au chartophylakeion sacré, suffisant aux très
saintes Eglises, même si leurs représentants n'en exhibent que des copies
certifiées, car celles-ci auront également valeur d'original et serviront de
garantie perpétuelle à ceux qui en seront munis. »
13. L'acte du patriarche Luc (cité à la note 5) fait le relevé des principaux canons, mais
ne cite que deux passages des Basiliques en fait de lois. Selon Théodore Balsamon, on
aurait évité beaucoup de difficultés si les évêques avaient fait régulièrement un inventaire
de leurs biens à leur entrée en charge : sur le canon In Trullo 35, PG 137, 633 ; c'est le
canon 40 des Apôtres qui prescrivait cet inventaire.
14. Jean 15, 22 : « Si je n'étais pas venu et si je n'avais pas parlé, ils n'auraient pas
de péché. »
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επιβάλει τις των κατά χώραν δουκών ή* τίνων ετέρων, ώς εϊρηται, ουδέ τό
οίονουν εκείθεν όπωσοΰν άναλάβηται, άλλα πάντα παρά των μερών τών
100 τοιούτων εκκλησιών εν αύτοΐς οίκονομηθήσεται και διαπραχθήσεται, καθώς
άρα και περί τούτων νομίμως και κανονικώς διηγόρευται, μέχρις αν δηλαδή
οι μετά τους τεθνηκότας αρχιερείς ταΐς έκκλησίαις έπικηρυττόμενοι κατά
χώραν γεγονότες, αυτοί της τούτων οικονομίας άνθέξονται, ειδέναι όφεί-
λοντος του εις άθετησίν τίνος τών εν τη παρούση προστάξει της βασιλείας
105 μου διωρισμένων χωρήσοντος ώς, ει και Θεός έπί τω τοιούτω αύτοΰ
τολμήματι προς γε τδ παρδν παρασιωπήσεται, πάντως εις τδ μέλλον αύτω
τήν άξίαν δίκην ταμιευόμενος, άλλ' ή βασιλεία μου και εις τδ παρδν πικρό-
τερον αύτδν μετελεύσεται, σωματικαΐς ποιναΐς αύτδν καθυποβαλοΰσα,
μελών δέ οικείων άκροτηριασμώ και τών υπαρχόντων δημεύσει και ύπερορία
110 μακρά. Ού μόνον γαρ εις τδ άπλοΰν αποδώσει ό τοιούτος άπ' εντεύθεν
τη εκκλησία τδ εξ αύτης τοιουτοτρόπως παρ* αύτοΰ άφαιρεθησόμενον,
άλλα και πρδς του δημοσίου εις τδ διπλούν άσυμπαθώς άπαιτηθήσεται τήν
τοιαύτην ποσότητα, είδήσεως ακριβέστατης διδομένης περί τούτου παρά |
f. 106ν του τηνικαΰτα άρχιερέως τω κατά τήν ήμέραν μυστικώ, δς οφείλει και
115 άμφω οίκονομεΐν, πρόφασιν δέ πάντως ούχ Ιξει περί της αμαρτίας αύτοΰ*
ήλθε γαρ ή βασιλεία μου, εύαγγελικώς ειπείν, και έλάλησεν αύτοΐς δια της
παρούσης προστάξεως. "Ητις καταστρωθήσεται και τω ίερώ χαρτοφυλα-
κείω έναποτεθήσεται, άρκέσουσα ταΐς άγιωτάταις έκκλησίαις καν ίσότυπα
και μόνα ταύτης πεπιστωμένα παρά τών μερών τών εκκλησιών αυτών
120 έμφανίζωνται· έξουσι γαρ πρωτοτύπων Ίσχύν και ταΰτα και τοις πορισα-
μένοις προσέσονται εις άσφάλειαν αίωνίζουσαν. »
Ού μήν δη, άλλα και πρόσταγμα της βασιλείας μου έπεβραβεύθη δια-
λαμβάνον ώς·
« Έπεί ού κατά τα προσόντα ταΐς άπανταχη άγιωτάταις έκκλησίαις
125 του Θεού, μητροπόλεσιν, άρχιεπισκοπαΐς και έπισκοπαΐς, χρυσόβουλλά τε
και προστάγματα του έν βασιλεΰσιν άοιδίμου περιποθήτου θείου της βασι
λείας μου κυρίου Μανουήλ του Κομνηνού, τα παρά της βασιλείας μου
έπικυρωθέντα, οι οπουδήποτε τών χωρών της βασιλείας μου αναγραφόμενοι
ποιουσιν, άλλα και παρά τήν δύναμιν και περίληψιν τούτων ταύταις έπηρε-
130 άζουσιν, ή βασιλεία μου, μηδέν εις έπήρειαν τών εκκλησιών καινοτομηθήναι
παρά τών βουλομένων <θέλουσα> — πώς γάρ ; Ή και τα ίσως προεπινοη-
102 ταΐς έκκλησίαις : είς εκκλησίας editio 109 τών om. M 114 δς καΐ
editio 118 άρκέσουσα (cf. lin. 226) editio: άρκοΰσα M 118 ίσότυπα: Ισότητα M
119 τών εκκλησιών om. editio | αυτών : αύτοΐς Μ 122 προστάγματα Μ 131
<θέλουσα> suppl.
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.
très samt maître le patriarche et des très saints evêques
demeurant dans la capitale, d'après lequel les fonctionnaires de toutes les
régions de l'empire qui procèdent au recouvrement des impôts, au recens
ementet autres opérations fiscales, agissent contrairement au sens et aux
termes de ces décrets à l'égard des très saintes Eglises de Dieu, aussi bien
du vivant de leurs évêques qu'à leur décès, et montrent pour ces ordres
un complet mépris. Dans ces conditions, ma majesté, sans même supporter
de prêter le bout de l'oreille au récit d'une impiété aussi téméraire, veut
au contraire l'extirper radicalement et l'empêcher ; confirmant encore
davantage et faisant siens les décrets reproduits ci-dessus du glorieux
oncle de ma majesté, kyr Manuel Komnènos, et approuvant tout ce qu'ils
ordonnent, comme s'ils étaient émis pour la première fois par elle-même,
ma majesté, par son présent décret qui tient lieu de chrysobulle15, ordonne
de nouveau ce qui suit : non seulement les peines inscrites dans les susdits
décrets frapperont celui, quel qu'il soit, qui osera agir contre les termes
et le sens de ces décrets et sera traité comme coupable du crime de lèse-
majesté et soumis à l'excommunication irrémissible par le très saint
patriarche œcuménique du moment, mais ce qu'il aura dérobé de cette
manière à une Eglise vacante, il sera contraint d'en restituer le double
à cette Eglise et le quadruple au fisc. Le très saint patriarche du moment,
ou l'évêque local, adressera un rapport à ce sujet au très cher fils de ma
majesté, kyr Alexis Angélos16, par l'intermédiaire du mystikos en fonction
à ce moment.
Ce dernier doit aussi, sur les sommes apportées au trésor impérial gardé
de Dieu par les agents qui recouvrent périodiquement en chaque thème
les impôts et diverses contributions, retenir ce qu'ils auraient dérobé à
l'un des très saints métropolites et archevêques ou à leurs immeubles, après
le décès des prélats ou durant leur vie, et rendre satisfaction à la partie de
l'Eglise et à celle du fisc, selon la règle de ma majesté indiquée ci-dessus17,
l'information étant fournie au mystikos à l'aide d'un inventaire détaillé
des biens établi par les clercs de cette église ou même son évêque.
Le même mystikos, au cas où les archontes des thèmes, les clercs et autres
personnes ne s'abstiendraient pas totalement d'empiéter de quelque façon
sur ces très saintes Eglises et leurs dépendances et de se saisir de quoi que
ce soit qui leur appartienne, est tenu absolument de veiller de toute manière
à ce que ceux-là aussi tombent sans rémission sous les peines que leur
réservent les décrets cités.
Mais puisque le très cher fils de ma majesté doit accompagner naturell
ement ma majesté dans ses expéditions et qu'ainsi les évêques et les clercs
auront de la difficulté à lui faire parvenir un rapport sur une affaire de ce
genre, ma majesté, par le présent décret, ordonne que le mystikos en
fonction, même seul18, ayant reçu notification du très saint patriarche ou
de l'un des prélats, porte grand soin à la poursuite d'une telle affaire, à moins
qu'il ne veuille lui aussi, en se montrant tout à fait paresseux et négligent
dans la répression et la punition de ce forfait inhumain et détesté par Dieu,
non seulement subir la plus grave accusation pour avoir méprisé le décret
de ma majesté, mais encore tomber sous l'excommunication du saint patriar
che et des très saints évêques pour avoir négligé les revendications des
très saintes Eglises de Dieu et s'être associé à un pareil sacrilège.
Ainsi donc il ne sera permis à personne absolument, ni aux parents de
ma majesté par le sang, les très fortunés sébastocrators et césars, ni aux
proches selon la race ou la familiarité, ni aux fonctionnaires ni aux digni
taires, ni aux nobles ni aux roturiers, ni à personne d'autre sous quelque
forme ou quelque rapport que ce soit, ni à l'un de leurs subordonnés,
de porter tort et dommage ou d'enlever la moindre chose aux biens meubles
et immeubles des très saintes Eglises, de s'opposer en quelque chose au