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Athanassios Markopoulos

La Chronique de l'an 811 et le Scriptor incertus de Leone


Armenio : problèmes des relations entre l'hagiographie et
l'histoire
In: Revue des études byzantines, tome 57, 1999. pp. 255-262.

Abstract
REB 57 1999 France p. 255
Athanassios Markopoulos, La Chronique de l'an 811 et le Scriptor Incertus de Leone Armenio .· problèmes des relations entre
l'hagiographie et l'histoire. — A careful analysis shows clearly that the Scriptor Incertus de Armenio and the Chronicle of 811 are
completely independent of each other.

Résumé
Une analyse approfondie montre clairement que le Scriptor incertus de Leone Armenio et la Chronique de l'an 811 sont deux
œuvres complètement différentes.

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Markopoulos Athanassios. La Chronique de l'an 811 et le Scriptor incertus de Leone Armenio : problèmes des relations entre
l'hagiographie et l'histoire. In: Revue des études byzantines, tome 57, 1999. pp. 255-262.

doi : 10.3406/rebyz.1999.1975

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1999_num_57_1_1975
LA CHRONIQUE DE L'AN 811 ET LE
SCRIPTOR INCERTUS DE LEONE ARMENIO :
PROBLÈMES DES RELATIONS
ENTRE L'HAGIOGRAPHIE ET L'HISTOIRE

Athanasios MARKOPOULOS

Résumé : Une analyse approfondie montre clairement que le Scriptor incertus de Leone
Armenio et la Chronique de l'an 81 1 sont deux œuvres complètement différentes.

À la mémoire de Jacques Pruneddu.

Quand Ivan Dujcev donna, en 1936, Yeditio princeps de la chronique


de l'an 811 (ci-après : la Chronique) l, le nouveau texte suscita bien vite
un grand intérêt. Les jugements portés étaient unanimes : il s'agissait
d'un document d'une valeur exceptionnelle, le seul d'ailleurs qui nous
informât si précisément sur les événements de 811 et la tragique défaite
de Nicéphore Ier par les Bulgares2. Parmi les historiens qui l'ont étudié
de près, Henri Grégoire a fait un pas en avant. Il a en effet non seulement
réédité le texte3, suivi d'une traduction française4, mais a ouvert aussi
d'intéressantes perspectives : la Chronique, ainsi qu'un autre récit histo-

1. I. DujCev, Novi zitijni danni za pochoda na Nikifora Ι ν Bûlgarija prez 811 god.,
Spisanie na Bulg. Akad. na Naukitë 54, 1936, p. 147-188.
2. Une seconde édition de la Chronique, accompagnée d'une intéressante introduction,
a été aussitôt après publiée par V. BeSevliev, Novijat izvor za porazenieto na Nikifora Ι ν
Bûlgarija prez 811 godina, Godisnik na Sof. Univ. 1st. -fil. fak. 33, 1936, p. 3-8. Cf. aussi
les scholies de F. Dölger, SZ37, 1937, p. 184-185.
3. H. Grégoire, Un nouveau fragment du «Scriptor incertus de Leone Armenio», Byz.
11, 1936, p. 417-427, et plus spécialement p. 421-426.
4. H. Grégoire, Du nouveau sur la Chronographie byzantine : le «Scriptor incertus de
Leone Armenio» est le dernier continuateur de Malalas, Académie royale de Belgique,
Bulletins de la Classe des Lettres et des Se. Morales et Politiques 22, 1936, p. 420-436, et
plus spécialement p. 423-428.

Revue des Études Byzantines 57, 1999, p. 255-262.


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rique, scellé dans l'anonymat, mutilé au début et à la fin et assez énigma-


tique, le texte bien connu que l'on intitule Scriptor incertus de Leone
Armenio (ci-après : Scriptor inc.), sont en réalité deux fragments de la
fameuse continuation de Malalas, composée durant la première moitié du
9e siècle 5.
Très vite, la thèse de Grégoire a rencontré un large écho ; elle paraît
être plus ou moins acceptée aujourd'hui 6, en dépit des quelques réserves
qui ont été formulées. Ainsi, Lidija Tomic a signalé un passage de la
Chronique où figure une brève allusion à la conversion des Bulgares
(865), allusion qui, selon elle, devrait conduire à situer la composition de
l'œuvre après cette date7. En 1965, Robert Browning, dans une étude
méritoire sur laquelle nous reviendrons plus bas, considère ces deux
textes comme les deux parties non d'un Malalas continuatus mais d'une
compilation historique qui couvrait la période 811-820 8. Dans le riche
commentaire de la dernière édition de la Chronique, publiée de nouveau
par Dujcev9, l'éditeur, tout en admettant le caractère hagiographique du
texte, paraît assez réservé envers l'opinion exprimée par Grégoire 10 ; il
pense en outre qu'une analyse comparative plus poussée entre la
Chronique, le Scriptor inc. et Malalas reste à faire, afin de préciser les
liaisons possibles entre ces textes n.

5. Grégoire, Un nouveau fragment, p. 420 ; Idem, Du nouveau sur la Chronographie


byzantine, p. 434-436.
6. Parmi une bibliographie abondante nous ne retiendrons ici que certains titres
récents : H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur der Byzantiner, I, Munich
1978, p. 333-334 ; J. Wortley, Legends of the Byzantine Disaster of 81 1, Byz. 50, 1980,
p. 533-562, et plus spécialement p. 539 ; W. Treadoold, The Byzantine Revival, 780-842,
Stanford 1988, p. 376-378 (voir aussi plus bas, p. 259 et η. 25) ; A. Kazhdan, Oxford
Dictionary of Byzantium, III, 1991, col. 1855-1856, s.v. Scriptor incertus (avec quelques
hésitations) ; Ja. N. Ljubarskij, Man in Byzantine Historiography from John Malalas to
Michael Psellos, DOP 46, 1992, p. 177-186, et plus spécialement p. 183 ; I. Sevcenko,
The Search for the Past in Byzantium around the Year 800, DOP 46, 1992, p. 279-293, et
plus spécialement p. 289 ; Eu. Κ. Kyriakis, Βυζάντιο και Βούλγαροι (Historical
Monographs 13), Athènes 1993, p. 38-39. À noter que J. Karayannopulos, G. Weiss
{Quellenkunde zur Geschichte von Byzanz, Wiesbaden 1982, p. 342 [n° 206-207]) parais
sentréservés.
7. L. Tomio, Fragmenti jednog istoriskog spisa IX veka, ZRVI 1, 1952, p. 78-85 ; l'au-
teur formule l'hypothèse que la Chronique et le Scriptor inc. proviennent d'une histoire
contemporaine du 9e siècle.
8. R. Browning, Notes on the «Scriptor incertus de Leone Armenio», Byz. 35, 1965,
p. 389-41 1. Voir plus bas, p. 260.
9. I. DujCEV.La chronique byzantine de l'an 811, TM 1, 1965, p. 205-254 (=Medioevo
Bizantino-Slavo, II, Rome 1968, p. 425-489 et 618-621, avec quelques additions et correct
ions). En 1987 est parue à Messine, établie par les soins de Francesca Iadevaia, une autre
édition de la Chronique, suivie d'une nouvelle édition du Scriptor inc. Une réimpression
de cette édition, avec quelques petites améliorations, vient d'être publiée (EDAS/
Messine 1997). Je consacrerai prochainement une étude à cette dernière publication ita
lienne, qui pose un certain nombre de problèmes.
10. DujCev, La chronique byzantine, p. 249-250, 252.
U. Ibidem, p. 254.
LA CHRONIQUE DE L'AN 8 1 1 257

II convient d'ajouter que c'est Cyril Mango qui a le plus récemment


envisagé l'appartenance de la Chronique au Scriptor inc. 12 Mango a étu
dié le récit des deux rédactions connues de la Vie de Joannice en ce qui
concerne les événements de 811 et la bataille de Versinikia (813) ; les
deux versions de la Vie contiennent, selon lui, des détails transmis seule
ment par le Scriptor inc. et la Chronique, ce qui nous conduit à admettre
que les deux textes historiques proviennent de la même plume. Nous
serions ainsi, selon Mango, en face d'une assez vaste compilation qui
était en circulation vers le milieu du 9e siècle et dont le récit couvrait
également la bataille de Markellai (792) 13.
Il est bien séduisant d'avoir un texte nouveau dont le récit est si
proche, au moins du point de vue chronologique, d'un autre déjà connu.
Tel est le cas de Grégoire, qui avec l'enthousiasme scientifique qu'on lui
connaît par ailleurs 14, a examiné la Chronique en utilisant de nouveau la
théorie de la continuation de Malalas, théorie qui était déjà répandue vers
la fin du 19e siècle 15. Mais la Chronique est en principe un document li
ttéraire, qui pose donc, avant tout, des questions du même ordre, telles
que sa provenance, le milieu où il a vu le jour, son but, etc. À ces pro
blèmes, il faut donc apporter des réponses, trouver des solutions.
À la considérer dans son ensemble, la Chronique, écrite dans une
langue assez soignée 16, a pour principal intérêt de nous faire connaître la
défaite personnelle de Nicephore face aux Bulgares, mais dans un
contexte hagiographique. La fin de notre texte, où le jugement porté sur
cet empereur est nettement défavorable, indique une piste de recherche.
Nicephore n'avait pas les vertus qui devaient caractériser un monarque
spirituellement parfait : il était si arrogant que, pendant sa promenade à
la résidence de Krum à Pliska pillée par ses soldats, il disait que Dieu lui
avait offert toute cette fortune pour qu'il devienne célèbre parmi les
générations à venir (21221'24éd. Dujcev). De plus, homme très présompt
ueux, il n'adressait la parole à personne durant cette même expédition
en Bulgarie, et voulut même frapper son fils lorsque ce dernier vint lui
conseiller d'abandonner le territoire ennemi (2123034). Nicephore, dont
le somato-(psycho-)gramme17 figure vers la fin du récit (21688'92) , était

12. C. Mango, The Two Lives of St. Ioannikios and the Bulgarians, Harvard
Ukrainian Studies 7, 1983, p. 393-404.
13. Ibidem, p. 398-400. Voir plus bas, p. 261-262.
14. Je pense notamment à sa grande «entreprise» pour la restauration de l'image de
l'empereur Michel III.
15. Voir E. Patzig, Leo Grammaticus und seine Sippe, BZ 3, 1894, p. 480-497, et plus
spécialement p. 471 ; Idem, Johannes Antiochenus und Johannes Malalas, Leipzig 1892,
p. 3 sqq. ; Idem, Malalas und Tzetzes, BZ 10, 1901, p. 385-393. Cf. aussi Grégoire, Du
nouveau sur la Chronographie byzantine, p. 434, mais surtout B. Croke, Modem Study of
Malalas, dans E. Jeffreys, Β. Croke, R. Scott (éd.), Studies in John Malalas (Byzantina
Australiensia 6), Sydney 1990, p. 325 sqq., 331 sqq.
16. Opinion différente chez Treadgold, The Byzantine Revival, p. 376, mais qui ne
semble pas être fondée.
17. Terme proposé par Hunger, Profane Literatur, I, p. 322 ; voir aussi plus bas, p. 260-261.
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καθ'
aussi δίβουλος
ύπερβολήν(21687),
(21691~92),
πανούργος
et seul(21690),
responsable
μικρολόγος,
de la φιλάργυρος
défaite des
Romains ; il méritait donc la damnation de Dieu (21692). Le sort tragique
des quelques prisonniers byzantins qui, préférant rester fidèles à leur foi,
furent exécutés par les Bulgares, est mentionné (2168186). Juste avant de
conclure, l'auteur invite les fidèles à invoquer la «... mémoire de nos
frères et de nos pères défunts» et à supplier «notre Dieu juste et bon de
nous sauver d'une telle condamnation et de (nous faire) obtenir... les
biens qui ont été promis aux justes ...» (2169396 trad. Dujcev).
La Chronique est, très probablement, le plus connu parmi les textes
édifiants composés, comme le signale avec justesse Dujcev, pour valori
ser les chrétiens tombés au champ de bataille en 811 ou exécutés plus
tard dans les prisons bulgares 18. Il convient, à mon sens, de prendre le
contrepied de l'opinion exprimée par Grégoire qui regardait la
Chronique comme un texte historique qui aurait seulement un camouf
lagehagiographique 19. Si étrange que paraisse la structure de la
Chronique — au point qu'on a mis en doute son caractère hagiogra
phique— , on ne peut sous-estimer l'importance du vocabulaire utilisé
dans le texte, où tout rappelle d'un côté la foi chrétienne et de l'autre le
mépris de Dieu. Contrairement à la thèse soutenue notamment par
Grégoire, mais aussi par Dujcev, qui suppose l'existence d'une source
historique (aujourd'hui perdue) relatant les événements de 811 20, la
Chronique fait plutôt penser à un écho de quelque dossier documentaire
sur ce sujet ; aucun détail sur ce dossier ne peut être fourni, mais l'hypo
thèseselon laquelle il a été rédigé à partir des différents récits fournis par
les rescapés de la bataille paraît très proche de la vérité. De plus, nous
n'avons aucune indication qui pourrait nous conduire à accepter la pro
position de Grégoire selon laquelle la Chronique fut la source principale
de Théophane en ce qui concerne l'expédition de Nicéphore Ier en
Bulgarie 21 ; au contraire, il ne fait pas de doute que Théophane a puisé
dans une source analogue à celle utilisée par la Chronique22. Grâce,
donc, à ce dossier, notre auteur a composé un texte hagiographique bien

18. Dujcev, La chronique byzantine, p. 252. Sur ce sujet, on consultera notamment:


E. Follieri, I. DujCev, Un' acolutia inedita per i martiri di Bulgaria dell' anno 813, Byz-
33, 1963, p. 71-106; A. D. Kominis, 'Απηχήσεις Βυζαντινοβουλγαρικών συγκρού
σεων εις αγιολογικά κείμενα, EEBS 35, 1966-1967, ρ. 215-222; Wortley, Legends,
p. 533 sqq. Cf. aussi A. Kolia-Dermitzaki, Ό βυζαντινός «ιερός πόλεμος» (Historical
Monographs 10), Athènes 1991, p. 360-362 et Κ. Nikolaou, H εικόνα του Κρούμου :
Εικόνα των «κακοφρόνων» Βουλγάρων, Σύμμεικτα 10, 1996, ρ. 269-282, et plus spé
cialement p. 272-273.
19. Grégoire, Du nouveau sur la Chronographie byzantine, p. 431 sqq.
20. Ibidem, p. 433 ; Dujcev, La chronique byzantine, p. 253. Aussi I. Rochow, Byzanz
im 8. Jahrhundert in der Sicht des Theophanes (Berliner Byzantinistische Arbeiten 57),
Berlin 1991, p. 298.
21. Grégoire, Un nouveau fragment, p. 416.
22. Voir tout récemment C. Mango, R. Scott (with the assistance of G. Greatrex),
The Chronicle of Theophanes Confessor... translated with Introduction and Commentary
by -, Oxford 1997, p. LX.
LA CHRONIQUE DE L'AN 8 1 1 259

vivant, et d'une tonalité plutôt vétérotestamentaire. La Chronique, telle


qu'elle nous est parvenue, doit être datée de toute évidence après 865,
date de la conversion des Bulgares, à laquelle il est fait allusion (21683),
et il est fort douteux que ce passage soit une addition postérieure, comme
l'a suggéré Dujcev 23.
Si l'on considère maintenant la Chronique et le Scriptor inc., il n'est
pas inutile de citer d'abord les mots de Grégoire, qui voulait à tout prix
rapprocher ces deux documents historiques : «le style est pareil des deux
côtés», affirme-t-il, «et aussi l'esprit, la précision dans le détail, la
connaissance approfondie des hommes et des choses, notamment des
choses bulgares» 24. Certes, ces arguments peuvent être invoqués, mais
aucun d'eux ne me paraît convaincant, surtout en ce qui concerne la
similitude stylistique. Le Scriptor inc., qui mériterait à lui seul un exa
men approfondi, possède les traits d'une composition historique. Il est
fort probable que son auteur avait accès aux archives du palais, durant
une certaine période au moins (cf. 341 12"14 ; 34219-3432 ; 34818"22 éd.
Bonn), mais surtout aux archives patriarcales (cf. surtout 349sq. ; 35018-
3512710; 354sq. ; 361-362); de plus, il paraît avoir une connaissance
approfondie des questions iconoclastes (cf. 35 117"21 ; 35121-3521 ; 35217-
3538 ; 353 16~20 et ailleurs). Le texte est fort hostile à Léon V et, en même
temps, nettement favorable au patriarche Nicéphore et au clergé icono-
phile ; on pourrait considérer le Scriptor inc. comme une sorte de pamp
hlet contre cet empereur. Pour rendre compte de cette hostilité, il n'est
pas mutile de signaler qu'à l'exception de la qualification bien connue
χαμαιλέων (3417 ; 3568), qui vise Léon V, ψεύστης (3413 ; 35817),
άθλιος (3611), άλλος 'Αντίχριστος (3625) et, plus sévèrement,
τύραννος (35421) figurent parmi les épithètes utilisées par l'auteur du
Scriptor inc. dans son récit. Ainsi apparaît déjà le caractère de ce docu
ment fort précieux : il s'agit par excellence d'une œuvre du milieu icono-
phile25. L'analyse que l'on vient d'ébaucher nous conduit à souligner
que le Scriptor inc. est d'une autre encre que la Chronique, les deux
textes ayant été composés dans des milieux totalement différents et pour
d'autres raisons.

23. Dujcev, La chronique byzantine, p. 248, 253.


24. Grégoire, Un nouveau fragment, p. 419.
25. J'ai suggéré ailleurs (Ή χρονογραφία τοΰ Ψευδοσυμεών xal οι πηγές της,
Ioannina 1978, p. 155-157) que Serge le confesseur, le père de Photius, pourrait être l'au
teur du Scriptor inc. ; cette proposition fut reprise par Treadgold (The Byzantine Revival,
p. 378), mais provoqua une réaction de Sevcenko, The Search for the Past, p. 280 et n. 3.
La question reste cependant ouverte. On notera enfin que, d'après Georges Le moine (II,
p. 78015 sq., éd. de Boor), le patriarche Nicéphore est l'auteur d'une œuvre sur Léon V ;
sur le caractère de ce texte, perdu aujourd'hui, voir P. J. Alexander, The Patriarch
Nicephorus of Constantinople, Oxford 1958, p. 126 et n. 7, 179-180, 183, 188 ; aussi D.
Turner, The Origins and Accession of Leo V (813-820), JOB 40, 1990, p. 171-203, et
plus spécialement p. 172 et n. 5, 192, 199 et passim, et tout récemment J. M. Feather-
stone, Nicephori patriarchae Constantinopolitani Refutatio et Eversio definitionis syno-
dalis anni 815 (Corpus Christianorum 33), Louvain 1997, p. XXXV et n. 40, avec biblio
graphie.
260 ATHANASIOS MARKOPOULOS

Paradoxalement, c'est un texte du 10e siècle, la Chronographie du


Pseudo-Syméon, qui montre, à mon avis, que la Chronique et le Scriptor
inc. ne font pas partie d'une composition historique majeure et unique. Il
est bien connu que le Scriptor inc. fut la source principale du Pseudo-
Syméon pour la période 811-820, ce dernier ayant incorporé dans son
récit de longs extraits du Scriptor inc. soit verbatim, soit en résumé 26.
L'absence de toute trace de la Chronique dans le texte du Pseudo-
Syméon, alors même que ce dernier utilise si abondamment le Scriptor
inc., montre qu'au 10e siècle ces deux documents historiques existaient
déjà séparément, sans liaison manuscrite ou autre.
Reste à examiner ici l'apparition des différents «portraits» des emper
eurs byzantins (les somato- [psycho-] grammes suivant Hunger)27 dans
les textes en question. La description de Nicéphore Ier figure dans la
Chronique (2168792) et celle de Michel Ier Rhangabè dans le Scriptor inc.
(341 15"19) et dans la partie médite du Pseudo-Syméon (Parisinus
gr. 1712, f. 232) 28. En ce qui concerne Léon V, c'est de nouveau le
Pseudo-Syméon qui nous offre son portrait (60336 éd. Bonn). J. B. Bury,
dans une brève notice, rapprocha alors cette dernière description de celle
de Michel Rangabè et affirma que les deux portraits provenaient de la
partie perdue du Scriptor inc. 29, tandis que Grégoire, tout en considérant
que la description de Nicéphore a été rédigée «en style malalien», appuie
sa théorie du Malalas continuatus sur la présence même des descriptions
de ce genre chez Malalas, dans la Chronique et dans le Scriptor inc. 30 II
est pourtant bien connu qu'un grand nombre d'historiens byzantins
(citons à titre d'exemple Malalas, Syméon Logothète, le Pseudo-
Syméon, Léon le Diacre, Georges Akropolitès), nous donnent des port
raits de ce genre ; par ailleurs, la fameuse Épitomè, vaste compilation
historique attribuée au patrice Traïanos mais dont nous ne possédons que
quelques traces aujourd'hui, contenait elle aussi des descriptions qui
fournissaient les traits plutôt extérieurs des personnages décrits. Tous ces
portraits se ressemblent, au niveau stylistique, et il n'y a pas de style spé
cifiquement malalien, contrairement à ce qu'affirmait le savant belge31.
Si la thèse de Bury peut éventuellement être acceptée (mais non sans cer
taines réserves dues, essentiellement, au caractère fragmentaire du
Scriptor inc.), la présence des portraits chez Malalas, dans la Chronique
et le Scriptor inc. ne suffit pas à elle seule à prouver l'existence d'un
Malalas continuatus. De plus, Browning a examiné la dernière partie

26. Browning, Notes, p. 389 et passim; Markopoulos, Ψευδοσυμεών, p. 152 sqq.


27. Voir plus haut, p. 257 et n. 17.
28. Voir Markopoulos, Ψευδοσυμεών, ρ. 118, 154.
29. J. B. Bury, A source of Symeon Magister, BZ 1, 1892, p. 572-574.
30. Grégoire, Un nouveau fragment, p. 426 ; Idem, Du nouveau sur la Chronographie
byzantine, p. 432 sqq. Cf. aussi Dujcev, La chronique byzantine, p. 249-250.
31. Citons avant tout: Hunger, Profane Literatur, I, p. 322; Markopoulos,
Ψευδοσυμεών, p. 116-118 ; Ljubarskij, Man in Byzantine Historiography, p. 178 sqq. ;
Ε. Jeffreys, M. Jeffreys, Portraits, dans Ε. Jeffreys..., Studies in John Malalas, p. 231-
244.
LA CHRONIQUE DE L'AN 8 1 1 26 1

inédite du Pseudo-Syméon, qui couvre la période 714-811, et montré


qu'il n'y a pas de traces du Scriptor inc. dans cette section de la
Chronographie ; l'absence du Scriptor inc. dans le texte du Pseudo-
Syméon, qui le cite si abondamment, nous conduit à penser que le
Malalas continuatus de Grégoire ne tient pas d'aplomb 32. Est-ce à dire
qu'il faille abandonner cette théorie ? Sans pouvoir en apporter la preuve
décisive, je le pense, car je ne vois jusqu'à présent aucun argument qui
plaide en sa faveur.
Déjà Bury avait hésité à accepter une datation qui rapproche beaucoup
le Scriptor inc. des événements qu'il décrit, préférant situer le texte, sans
plus de précision, dans la première moitié du 9e siècle33. Une lecture
attentive du passage suivant montre du reste que le Scriptor inc. a été
composé après 820: ... καΐ σωρεύσας (= Léon V) τον... λαον...
έρόγευσεν αυτούς, ποιήσας αυτούς εύφημησαι Λέοντα και
Κωνσταντϊνον, μιμούμενος τους πρώην βασιλεύσαντας Λέοντα
και Κωνσταντϊνον τους Ίσαύρους, ων και την αιρεσιν
άνενεώσατο, βουλόμενος ζησαι ετη πολλά, ώς καΐ αυτοί, και
γενέσθαι περίφημον οΰτινος την βουλην Θεός κατήσχυνεν, κόφας
τους χρόνους αύτοϋ και του υίοΰ αύτοϋ (Scriptor inc. 3465"12). De la
dernière phrase, il ressort que notre document a été rédigé au plus tôt
durant le règne de Michel II (820-829) 34. Dans un autre passage, le
Scriptor inc. fait une brève allusion à Antoine Kassimatas, sans toutefois
mentionner qu'Antoine a été élu patriarche (35019-35110) ; je ne pense
pas, contrairement à Sevcenko, que l'absence de toute référence à la
future élection d'Antoine (janvier 821) constitue un élément majeur pour
situer le Scriptor inc. avant cette date 35. Ce serait oublier que nous ne
connaissons pas le texte entier de ce document, et il est bien difficile de
tirer des conclusions à partir d'un récit si mutilé. En ce qui concerne
enfin la théorie de Mango36, il faut absolument, si l'on doit l'admettre,
accepter l'idée que Sabas, l'auteur de la Vie de Joannice, a puisé dans
une seule source historique pour la composition de son œuvre 37 ; or rien
ne nous empêche d'affirmer le contraire et de soutenir par exemple que
Sabas, qui évite de mentionner ses sources 38, a pu employer toute une
série de textes tels que le dossier sur les événements de 811 ou le
Scriptor inc. lui-même. Si nous voulons aller encore plus loin, la date de
la composition de la Vie de Joannice par Sabas reste incertaine ;
V. Laurent propose, avec les plus grandes réserves, une fourchette chro
nologique (entre 847 et 860) et situe la composition de la Vie «aux envi-

32. Browning, Notes, p. 406-411.


33. Bury, A source, p. 572 et n. 2.
34. Cf. aussi Sevcenko, The Search for the Past, p. 280.
35. Ibidem, p. 280 et n. 3.
36. Voir plus haut, p. 257 et notes 12-13 ; §evCenko {ibidem) partage, dans une cer
taine mesure, cette opinion.
37. Mango, The Two Lives, p. 400.
38. Ibidem, p. 394.
262 ATHANASIOS MARKOPOULOS

rons de 855» 39. La distance qui sépare 860 de 864 (terminus post quern
de la composition de la Chronique), n'est pas grande et, si nous voulions
la franchir, nous pourrions aussi, malgré tout, soutenir que Sabas a copié
la Chronique pour son récit des événements de 8 1 1 .
Il n'est point nécessaire de pousser plus loin la démonstration. Tout ce
que l'on peut dire, c'est que le Scriptor inc. et la Chronique, sous la
forme dans laquelle ils nous sont parvenus, sont deux œuvres séparées et
sans rapport aussi bien quant au style qu'en ce qui regarde leur structure.
En ce qui concerne leur datation, le Scriptor inc. se situe à l'époque de
Michel II (820-829), tandis que la Chronique lui est bien postérieure
(après 864). La stricte approche critique des sources nous oblige à nous
arrêter ici, afin d'éviter d'en venir à des généralisations qui seraient peut-
être abusives.

Addendum : La rédaction du présent article était achevée lorsque est


parue la brève étude de A. Kazhdan (t) et L. Sherry, Some Notes on the
Scriptor incertus de Leone Armenio, Byzantinoslavica 58, 1997, p. 1 ΙΟΙ
12. Je constate non sans plaisir que les auteurs, examinant principal
ement le lexique des deux textes et, à titre secondaire, les portraits des
empereurs de l'époque, aboutissent à des conclusions semblables aux
miennes.

A. Markopoulos
Université de Crète

39. V. Laurent, La Vie merveilleuse de Saint Pierre d'Atroa (f 837) (Subsidia hagio-
graphica 29), Bruxelles 1956, p. 15-16.

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