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sociale classes
La stratification sociale correspond à la division d’une société en plusieurs groupes (ou strates ) hiérarchisées :
• Elle est universelle c’est à dire qu’elle est présente dans toutes les sociétés, aussi bien les plus primitives que les plus modernes,
les plus simples que les plus complexes.
• Elle est omniprésente, c’est à dire que la société est traversée de divisions verticales qui peuvent être fondées aussi bien sur
l’âge, que sur le sexe, la parenté, ou encore la richesse matérielle
La notion de stratification sociale est ambiguë car elle recouvre au moins deux notions en partie contradictoires :
• c’est à dire à des analyse qui interprètent le corps social comme un ensemble de strates hiérarchisées en fonction de critères
multiples (ex : le revenu, le prestige, etc.), dont la présence est nécessaire à la société (du fait de la spécialisation des
tâches) et qui n’entretiennent pas entre elles des relations dominées par le conflit
II. La stratification sociale dans les sociétés industrielles
• un constat : Comme l’indique l’analyse de E Goblot contrairement aux apparences la révolution française qui a
pourtant institué l’égalité civile n’a pas été jusqu’à imposer l’égalité sociale.
• La conséquence : la division de la société en classe ayant des intérêts opposés na pas disparu : « nous n’avons
plus de castes, nous avons encore des classes.
• La rupture essentielle : la société de castes ou d’ordres est figée et rigide, dans une société de classes les
possibilités de promotion et de mobilité sociales sont beaucoup plus nombreuses.
Remarque : Depuis 1931 les castes n’ont plus en Inde d’existence officielle, néanmoins elles continuent à exister , car elles
bénéficient d’une reconnaissance sociale. En effet grâce à son fondement religieux , la hiérarchie sociale découlant de ce système est
parfaitement acceptée par la très grande majorité de la société indienne : la hiérarchie apparaissant tout à fait naturelle il n’est pas
réaliste de considérer que l’on puisse changer la société par décret, comme l’a montré, au moins à court terme, l’échec relatif de la
révolution française à limiter l’influence de la religion.
- Les ordres
Comme l’a indiqué G Dumezil la hiérarchie des ordres présente de nombreux points communs avec celle des castes :
• elle repose sur une division fonctionnelle de la société entre prêtres, guerriers et producteurs
• Cette division est impérative elle est reconnue par la loi, elle s’impose aux individus qui n’ont pas d’autres choix que de
respecter les interdits : exemple :un noble ne peut travailler sous peine de déchoir. La définition juridique des ordres, assure
à certaines catégories (noblesse et clergé) un certain nombre de privilèges ( ex en matière d’impôt ou de justice) qui les
distinguent du reste de la population (le tiers-état), et ce quelque soit leur situation financière.
• Cette division de la société est héréditaire : mais elle ne vaut que pour la noblesse : on naît noble.
• La société est hiérarchisée : elle repose sur le critère de l’honneur social, contrairement à notre société ce n’est pas la
possession de richesses matérielles qui est source de reconnaissance, mais au contraire la reconnaissance sociale (la
proximité avec le roi) qui assure l’accès aux ressources matérielles.
Conclusion : Selon A De Tocqueville la disparition de la société d’ordre d’ancien régime en France après 1789 s’explique
principalement par la remise en cause des pouvoirs politiques de l’aristocratie opérée par la monarchie absolutiste qui a compensée
cette évolution par une distribution de privilèges, et une fermeture de la noblesse : « plus cette noblesse cesse d’être une aristocratie
plus elle semble devenir une caste ». Dés lors l’existence sociale de la noblesse ne paraît plus justifiée au peuple qui va se révolter
afin de remettre en cause les privilèges de la noblesse et va par-là même détruire la monarchie absolutiste.
1. Historique
Le concept de classe sociale est datée historiquement, il apparaît au 18 ème siècle dans un contexte bien déterminé :
- des bouleversements économiques : en particulier une série de révolutions agricoles,, industrielles, etc.
2. Définition
Attention il ne faut pas confondre les notions de classes sociales et de CSP ou PCS :
PCS CLASSES SOCIALES
(Professions et catégories socio-
professionnelles)
BUT - Classer les personnes pour que toutes - Saisir les évolutions de la société
le soient de façon univoque - Tous les individus ne sont pas classés
=> classement exhaustif
- Production de catégories homogènes
CARACTERISTIQUES DE - Définition absolue (on peut définir - Définition relationnelle (on définit au moins deux
LA DEFINITION isolément une catégorie) classes en opposition)
- Repose sur la réponse des individus - Repose sur l’analyse d’un processus d’ensemble
K Marx est le grand d théoricien de la définition réaliste de la classe il développe une sociologie :
- déterministe et holiste : c’est à dire qu’il pose que les individus ne sont pas les acteurs de leur
destin mais qu’ils sont le jouet de structures économiques et sociales qui leur échappent : « Dans la
production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires
indépendants de leur volonté (…). ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur
existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience »
Ce que Marx va résumer dans : « le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain, le moulin à
vapeur, la société avec le capitalisme industriel.
Relativisation : Engel après la mort de Marx relativisera cette conception ultra déterministe en
écrivant:
• « D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en
dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n’avons jamais
affirmé davantage. Si quelqu’un dénature cette position en ce sens que le facteur économique est
le seul déterminant, il la transforme ainsi en une phrase vide, abstraite, absurde ».
• Engel rajoute même dans une autre lettre : « Il y a action et réaction de tous les facteurs au sein
desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers
la foule infinie des hasards ».
Critiques de l’analyse marxiste : Il n’en reste pas moins qu’ une des principales critiques qui sera
faite à Marx, en particulier par Weber dans l’éthique protestante du capitalisme , sera :
• d’avoir surévalué l’importance du déterminisme technologique , de l’infrastructure ( cf. la
phrase de Marx : « l’ensemble des rapports de production constitue la structure de la société, la
base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle
correspondent des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production de la vie
matérielle conditionne le processus de vie sociale , politique et intellectuelle dans son ensemble »)
• et d’avoir sous-estimé le rôle de l’individu , les modes de pensée ,les valeurs en
particulier religieuses (la superstructure au sens marxiste).
• On peut alors en conclure que Marx a une vision matérialiste de l’histoire car
l’infrastructure matérielle conditionne la superstructure idéelle c’est à dire le
processus de la vie sociale, intellectuelle et politique ( par exemple les modes de pensées,
les valeurs religieuses, les idées artistiques.
Marx conteste ce point de vue : selon lui ouvriers et bourgeois ne sont que
formellement égaux :
# L’ouvrier qui ne dispose que de sa force de travail pour survivre doit
absolument travailler quelque soient les conditions qui lui sont
proposées .
Au contraire le bourgeois qui dispose d’un capital peut, grâce à son
épargne, vivre sans que ses usines tournent.
L’ouvrier est donc obligé d’accepter les conditions qui lui sont imposées
par le bourgeois,. Marx écrit : « le rapport officiel entre le capitaliste et le
salarié est d’un caractère purement mercantile. Si le premier joue le rôle
du maître et le dernier le rôle du serviteur. C’est grâce à un contrat par
lequel celui ci s’est non seulement mis au service, et partant, sous la
dépendance de celui là, mais par lequel il a renoncé à tout titre de
propriété sur son propre produit . Mais pourquoi le salarié accepte t’il ce
marché ? Parce qu’il ne possède rien que sa force personnelle »
CONCLUSION : Selon Marx si les capitalistes peuvent exploiter le prolétariat , bien que
bourgeois et ouvriers soient formellement égaux, c’est parce que les premiers ont le
monopole des moyens de production , alors que les seconds n’ont que leur force de travail
Grâce au monopole qu’il ont sur les moyens de production les capitalistes vont fixer selon leurs intérêt
les salaires :
- ils ont réduit le travail au statut de marchandise, et comme toute marchandise le travail a
un prix : le salaire (le prix du travail) va être fixé au minimum assurant la reproduction de
la force de travail c’est à dire qu’il doit permettre :
• à l’ouvrier d’entretenir sa force de travail (sinon il devient inefficace) et
• d’assurer sa descendance (ses enfants prenant sa place quand ils sont devenus adultes).
Pour l’analyse de Marx considérant qu’au XIX° siècle les paysans français ne sont pas une classe
- Marx commence par montrer qu’apparemment oui ils ont de nombreux critères qui conduisent à
penser qu’ils constituent une classe sociale :
D’où Marx peut écrire : « . Dans la mesure où des millions de familles paysannes vivent dans des
conditions économiques qui les séparent les unes des autres et opposent leur genre de vie, leurs intérêts
et leur culture à ceux des autres classes de la société, elles constituent une classe »
- Pourtant selon Marx ces conditions ne sont pas suffisantes et en réalité les paysans ne constituent
pas une classe sociale car :
• Leur mode de production les isole les uns des autres : ils vivent en autarcie
• Le mauvais état des moyens de communication ne leur permet pas d’entretenir des
relations suffisantes pour prendre conscience de leur communauté de situation
• L’insuffisance de la taille des parcelles ne leur permet pas de développer de nouvelles
méthodes de production, de diviser le travail, de s’ouvrir au monde (d’autant plus qu’ils ne
pourraient pas facilement envoyer leur production vers les villes faute de moyens de
transports adéquats)
CONCLUSION : Marx peut alors écrire : « ainsi la grande masse de la nation française est
constituée par une simple adition de grandeurs de même nom, à peu près de la même façon
qu’un sac rempli de pommes de terre forme un sac de pommes de terre(…) Mais elles ne constituent pas
une classe dans la mesure où il n’existe entre les paysans parcellaires qu’un lien local et où la
similitude de leurs intérêts ne crée entre eux aucune communauté, aucune liaison nationale,
ni aucune organisation politique. »
Dés lors, selon Marx, ils vont être l’objet de manipulation : Le futur Napoléon III va s’ériger
en défenseur des intérêts de la paysannerie, les paysans vont voter pour lui, mais il ne va
pas être leur porte-parole , il n’a fait que se servir d’eux.
Marx considère en effet que la lutte des classes est une caractéristique structurelle de toutes les
sociétés. : il écrit dans le manifeste du parti communiste : « l’histoire des sociétés n’a été que l’histoire
des luttes des classes : hommes libres et esclaves, patriciens et plébéiens, barons et serfs, maîtres de
jurandes et compagnons, en un mot, oppresseurs et opprimés, en opposition constante ont mené une
lutte ininterrompue, tantôt ouverte tantôt dissimulée ; une guerre qui toujours finissait par une
transformation révolutionnaire de la sociététout entière ou par la destruction des deux classes en lutte . »
La question est alors de savoir si :
• comme l’affirme les libéraux , avec la révolution française, avec la destruction du mode
de production féodale est apparue une nouvelle ère de prospérité, d’égalité dans laquelle
la lutte des classes ne serait plus nécessaire .
• Marx rétorque que « la société bourgeoise moderne élevée sur les ruines de la féodalité,
n’a pas aboli les antagonismes de classe. Elle n’a fait que substituer aux anciennes de
nouvelles classes, de nouvelles conditions d’oppression, de nouvelles formes de luttes »
• Par contre le mode de production capitaliste a introduit une simplification des
antagonismes de classe. En effet dans la société féodale il existait une pluralité de classes
(les serfs, les compagnons , les maîtres de jurandes , les seigneurs, etc.) alors que dans le
mode de production capitaliste on va vers une bipolarisation de la lutte : « « la
société se divise de plus en plus en deux grands camps opposés, en deux classes
ennemies, la bourgeoisie et le prolétariat ». Il poursuit « de toutes les classes actuellement
adversaires de la bourgeoisie, le prolétariat est la seule classe vraiment révolutionnaire, les
autres classes se désagrègent et disparaissent par le fait de la grande industrie : le
prolétariat au contraire est son produit particulier »
• Mais en renforçant l’exploitation du prolétariat, afin de compenser la chute des taux de
profit (tendance structurelle du mode de production capitaliste selon Marx), la bourgeoisie
accélère la prise de conscience de la classe ouvrière, renforce ses capacités de luttes et
ainsi : « la bourgeoisie produit avant tout ses propres fossoyeurs. Sa chute et le triomphe
du prolétariat sont inévitables ».
Max Weber à une vision de la stratification sociale très différente de celle de Marx :
III. Les analyses empiriques américaines : les classes vues comme strates
Méthode mise en œuvre : Warner est un sociologue américain qui a essayé de décrire la
stratification de la société américaine en s’installant dans différentes petites villes qu’il a
observé en adoptant une démarche d’ethnologue .
Conclusion : Warner après avoir longuement examiné la vie de ces cités en arrive à la
conclusion qu’ :
• il existe bien des classes sociales aux Etats-Unis.
• Mais il en donne une définition très différente de celle de Marx : « par classe, on
doit entendre deux ou plusieurs ordres de personnes qui sont supposés être et qui
sont effectivement rangés, d’un commun accord par les membres de la
communauté dans des positions socialement supérieurs ou inférieures »
Pour la relativisation de la démarche : Il n’en reste pas moins que la démarche adoptée par Warner a
été fortement critiquée et est aujourd’hui considérée comme contestable :
• Le principal objectif de Warner était de montrer que l’analyse de Marx était
inadapté au contexte américain pour cela il a opéré une démarche qui n’est pas
neutre :
• Ila sélectionné des petites villes américaines qui ne sont pas représentatives de la
structure sociale américaine : en particulier car elles n’ont pas de fortes
concentrations ouvrières.
• Il a ainsi pu en conclure qu’aux USA les luttes des classes et les conflits de pouvoir
étaient peu développés, ce qui n’était pas le cas dans les grandes villes .
• Enfin sa démarche subjectiviste l’ a conduit à sélectionner comme juge de la
position de chaque personne des membre de l’upper-middle-class dont la vision
n’est pas représentative de l’ensemble de la société , car ils : «ont une vision très
hiérarchisée propre aux membres de ce milieu »
Chapitre- Conflits et mobilisation
sociale Référentiel : lutte des classes
Le conflit social nécessite deux conditions apparemment opposées mais qui sont en réalité complémentaires :
• le conflit est une relation d’opposition entre au moins deux acteurs sociaux ( classes sociales, syndicats, classes d’âge,...).
Le conflit n’est donc jamais solitaire. Ces deux acteurs entrent en lutte, cherchent à l’emporter l’un sur l’autre afin de dominer
le champ social de leur rapport.
• mais en même temps, pour qu’il y ait conflit social, il faut que les acteurs sociaux soient interdépendants et
appartiennent au même système social. Ils ne luttent pas seulement l’un contre l’autre ; ils luttent parce qu’ils ont des
conceptions opposées sur le fonctionnement de la société. Quand ils luttent, ils entrent donc dans un jeu qui les lient.
Même dans les cas où le conflit semble répondre à des revendications purement économiques (hausse des salaires), cette dimension
n’est jamais suffisante pour comprendre le conflit. En effet, même dans ce cas-là, ce sont deux conceptions antagonistes du
développement économique et social qui s’opposent, donc deux visions du monde alternatives :
• Le conflit n’a pas seulement pour but de remettre en cause une forme de domination, de détruire une société que l’on refuse ;
• il se caractérise toujours une seconde dimension : proposer un autre modèle de développement.
• Le conflit n’est donc pas seulement destructeur et pathologique, il est à l’origine du changement social et donc de l’évolution
de la société.
Le conflit va créer du lien social entre les individus qui vont intégrer un des deux groupes en opposition.
Pour un exemple :
M.Robert a démontré à partir de l’étude d’un petit village côtier du Cotentin : Borsaline que l’existence locale naît du conflit :
• Au début de l’étude, le village est somnolent, il songe à se laisser absorber par un gros bourg voisin. Le village se meurt car il
n’a plus ni commerce, ni école, ni prêtre.
• Mais un retraité rachète la maison qui abritait le débit de tabac, cherche à réanimer le commerce pour s’occuper, veut installer
une terrasse, ce qui demande la suppression de la fontaine municipale qui ne fonctionne plus. C’était s’attaquer au dernier
symbole de l’existence de Borsaline ; il s’ensuivit une bagarre.
• La campagne électorale opposa les deux camps, réveilla le village.
le conflit a redonné son identité et son existence à la commune en ranimant des oppositions et en réinventant des enjeux
I. Les analyses interactionnistes du conflit : l’analyse de Max Weber : le conflit, agent de socialisation
Conclusion : Simmel a donc une vision très positive du conflit, le conflit est vital pour assurer un bon
fonctionnement de la société.
• ne considère pas que le conflit soit la preuve d’une pathologie sociale. Bien au contraire selon lui, le
conflit est, comme le crime, un phénomène normal dans la société.
• Il lui paraît donc illusoire d’espérer une disparition du conflit et l’avènement d’une société
consensuelle. En particulier, il ne croit pas que la croissance et le développement économique se
produisant dans une économie de marché assureront la suppression du conflit.
il préconise alors :
• une intervention de l’Etat
• ou l’apparition de corporations qui, en instaurant des réglementations, permettront de
prévenir un développement des conflits qui ne peut-être que déstabilisateur.
III. Le conflit au centre du changement social dans la pensée de Karl Marx
Introduction
Comme le notent H Mendras et M Forse, Marx est à l’origine de 4 idées fondamentales pour une
sociologie du conflit :
• le conflit de classe n’est pas un épiphénomène mais un trait structurel de la société, il est
inhérent à sa nature et à son fonctionnement. Toute société est donc caractérisée par la
permanence des conflits.
• le conflit ne met jamais en présence que deux groupes ; en effet, dans une société, tout
conflit d’intérêt se ramène toujours à l’opposition entre ceux qui désirent le changement et ceux qui
ont intérêt au maintien du statu quo
• Marx a vu dans les conflits le moteur principal des changements sociaux.
• Marx est un des premiers à s’être intéressé aux facteurs endogènes qui expliquent le
changement social. Il considère que toute société produit elle-même les éléments qui vont produire
sa propre transformation. Ainsi, l’analyse de la lutte des classes explique le changement par les
contradictions structurales des sociétés et non par l’intervention d’un quelconque deus ex machina.
On peut prendre à titre d’exemple les raisons qui sont à l’origine du développement de la classe ouvrière:
Marx distingue 3 temps :
• 1er temps : les ouvriers qui entrent en concurrence pour obtenir un emploi sont
rassemblés par les bourgeois pour combattre les ennemis de la bourgeoisie , c’est à dire
les restes du mode de production féodal. Les victoires qui sont alors remportées le sont
par la bourgeoisie elle seule.
• 2ème temps : à mesure que les forces productives s’accumulent , que l’industrie se
développe ( on retrouve le matérialisme historique) les ouvriers dont les conditions de vie,
les intérêts s’égalisent vont peu à peu prendre conscience de leur force , ils vont alors se
coaliser pour maintenir les salaires . C’est le stade de la classe en soi durant laquelle la
classe ouvrière se définit par rapport à la bourgeoisie , dans son opposition à la
bourgeoisie .
• 3ème temps : c’est celui de la conscience en soi ou classe en soi : la classe
ouvrière se définit non plus seulement dans son opposition avec la bourgeoisie, mais par le
projet de société qu’elle porte et qui va à terme conduire à la disparition du mode de
production capitaliste .
Déf ini ti ons : Chaque société peut se caractériser à un moment donné par son mode de
pr oduc ti on qui désigne la combinaison de deux éléments :
• le s forces pr oduc ti ves qui regroupent les instruments de production: la force de travail,
les sciences et les techniques en vigueur, l’organisation du travail .
• le s rappo r ts de pr oduct ion qui correspondent eux au rapport de propriété des moyens
de production (machines, usines) et permettent de donner une définition des classes
sociales selon la place qu’elles occupent par rapport à la propriété de ces moyens.
Pour les différents modes de production qui se sont succédés au cours de l’histoire
La succession des modes de production : Marx caractérise alors les modes de production qui se sont
succédés au cours de l’histoire par des rapports de production spécifiques qui sont des rapports entre
deux classes principales antagonistes :
• le mode de production asiatique se caractérise par des sociétés quasi esclavagistes dans
lesquelles la population est subordonnée à l’Etat qui est relativement développé, centralisé et fort.
Ce mode de production se définit par l’opposition entre des cultivateurs et des éleveurs asservis
d’une part et, une classe nobiliaire contrôlant la production et s’appropriant le produit par le moyen
d’appareil d’Etat d’autre part. Ce mode est caractéristique de l’Egypte de la Perse ou de la Chine
antique.
• Le mode de production antique est caractérisé par l’opposition entre les esclaves et les maîtres
propriétaires d’esclaves comme en Grèce ou dans l’Empire Romain.
• Le mode de production féodal ou servagiste se définit lui par l’opposition entre les serfs et les
seigneurs comme dans l’Europe occidentale et centrale du Moyen Age.
• Le mode de production capitaliste oppose les capitalistes ou bourgeois ( propriétaires des
moyens de production ) aux prolétaires qui sont contraints de vendre leur force de travail contre un
salaire et d’engendrer ainsi la plus-value du capital .
Selon Marx, le mouvement de l’histoire s’explique par les contradictions entre les forces productives et
les rapports de production :
• Dans chaque mode de production, les forces productives représentent un élément dynamique
comme le montre l’histoire des inventions, le progrès de la division du travail, etc.
• Par contre, les rapports de production sont en revanche relativement stables et immuables. Il
arrive alors un moment où ils entravent le développement des forces productives.
* Selon Marx seul le capital variable qui correspond au salaire que reçoit le travailleur crée de la
valeur, le capital constant (machines, matières premières) ne fait que transmettre sa valeur sans rien
ajouter. Or les capitalistes qui se livrent une concurrence effrénée sont obligés pour ne pas faire
faillite d’être compétitifs et de remplacer le capital variable par le capital constant . Ce qui correspond
à une augmentation de la composition organique du capital
pl pl / V Taux de plus-value
Taux de profit = --------- = -------------------- = ------------------------------------------------------
C+V C/V+V/V Composition organique + 1
Conclusion :
• constate à partir de ce rapport qu’en augmentant la composition organique du capital (le
dénominateur) le capitaliste ne peut maintenir le rapport (le taux de profit) qu’en élevant le taux
d’exploitation .
• Mais alors cela va être à l’origine selon Marx d’une deuxième forme de contradiction : les ouvriers
se rendant compte qu’ils sont exploités vont se constituer en classe sociale afin de prendre le
pouvoir.
Postulat : Marx considère que la disparition du mode de production capitaliste est inéluctable :
• Il est pris dans ses contradictions internes : principalement la baisse du taux de profit, qu’il essaye
de résorber en élevant le taux d’exploitation
• Mais alors il se heurte à une seconde limite historique : la constitution de la classe ouvrière dans la
lutte, sa prise de conscience qui va conduire à une révolution amenant la fin du mode de
production capitaliste .
Conséquences : La nouvelle société qui apparaîtra alors présentera deux caractéristiques essentielles :
L’aliénation par le travail est caractéristique de la société capitaliste. En effet comme le note R Aron
dans le mode de production capitaliste les hommes sont aliénés et la racine de l’aliénation est
économique (on retrouve le matérialisme historique) .Le travailleur est dépossédé du fruit de son travail
et n’en voit plus la finalité
• aliénation de l’ouvrier , qui selon Aron est imputable à la propriété privée des moyens de production,
peut-elle aussi se décomposez en deux types :
- ouvrier est d’abord aliéné par rapport à son produit qui lui échappe, dont-il est
dépossédé aussitôt qu’il l’a créé. Non seulement il perd le fruit de son travail, mais en sus le
produit se présente en face de lui comme une présence hostile: transformé en capital, il
devient l’instrument d’exploitation de sa force de travail.
- L’ouvrier est aussi aliéné dans l’acte même de la production. Son travail n’est pas
volontaire mais forcé, le travail est abaissé à un moyen permettant de survivre. L’ouvrier ne
considère plus alors que durant son travail il s’appartient, il appartient à celui à qui il a
vendu sa force de travail. Alors que le travail aurait du caractériser l’humanité de l’homme,
l’enrichir, il lui enlève une partie de ce qu’il est.
Conclusion : Aron en conclut, ce qui permet de relativiser le caractère scientifique de l’analyse de Marx,
que :
• critique de la réalité économique du capitalisme a été à l’origine dans la pensée de Marx , une
critique philosophique et morale ».
• Marx a rejeté le capitalisme pour des raisons morales, et s’est efforcé par la suite, car il considérait
le système mauvais, de démontrer scientifiquement que le système ne peut pas ne pas s ’effondrer
.
Selon Marx :
• La révolution prolétarienne amènera la fin du mode de production capitaliste sous l’égide de la
classe ouvrière, comme la révolution bourgeoise a entraîné la disparition du mode de production
féodal.
• Mais il existe une différence notable entre les deux, contrairement à la bourgeoisie, la classe
ouvrière ne va pas confisquer la révolution, elle va abolir les classes en général.
• Marx considère que le conflit de classes est nécessairement ouvert, aigu et violent . Or :
- Mendras et Forsé constatent que : « les données empiriques conduisent au contraire à
penser qu’il ne prend que rarement la forme d’une guerre civile.
- Les changements structuraux qui ont affecté les sociétés occidentales depuis le 19ème
siècle ont abouti à l’institutionnalisation du conflit de classes, si bien qu’une classe opprimée
peut obtenir par la discussion et la négociation des changements de structure ».
• il remarque que la société capitaliste du 20ème siècle ne correspond pas du tout aux prévisions de
Marx
• les changements structuraux qui ont eu lieu sans révolution au sein des sociétés industrielles ont
orienté les conflits de classe dans une direction bien différente de l’archétype de la lutte des classes
. ils appellent donc l’élaboration d’une théorie plus large des classes sociales et des conflits sociaux.
Une dernière différence notable entre la conception des conflits de Marx et celle de
Dahrendorf réside dans le fait que :
• les individus appartiennent à des structures différentes (Dahrendorf reprend ici une analyse de
Weber qui distingue la classe, le groupe statutaire et le parti , cf cours de première),
• et qu’ils peuvent donc être tantôt dominants, tantôt dominés.
Dahrendorf cherche à trouver aux conflits sociaux une autre origine que la seule propriété des moyens de
production . Pour cela il va faire appel à la sociologie de Weber en particulier à deux concepts qui occupe
une place importante chez Weber : le pouvoir et l’autorité :
• « Le pouvoir est la probabilité pour qu’un acteur engagé dans une relation sociale soit
en position d’imposer sa volonté, en dépit de toute résistance , et ceci indépendamment
des raisons qui fondent cette probabilité » (Weber). Le pouvoir s’attache donc à la personne
• L’autorité est « la probabilité pour qu’un ordre ayant un contenu spécifique soit suivi par
un groupe donné de personnes »(Weber). L’autorité contrairement au pouvoir n’est pas
attachée à la personne mais à un rôle ou à une position sociale.
Dahrendorf va donc redéfinir la notion marxiste de classe sociale en expliquant les conflits
de classe :
• non plus par la seule propriété des moyens de production,
• mais par le contrôle pour l’exercice de l’autorité.
• En d’autres termes la cause des conflits sociaux doit être recherchée dans cette distribution inégale
de l’autorité qui se traduit par des relations de domination-soumission.
Conséquences : Cette opposition crée à son tour un autre type de conflits : les conflits d’intérêts entre
ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui y sont soumis. Dahrendorf va distinguer deux types d’intérêts:
• les intérêts latents qui sont des intérêts communs mal explicités qui provoquent des conflits,
mais ne correspondent pas à un degré de conscience collective suffisante pour donner lieu à des
groupes d’intérêts. Ils ne constituent que des catégories sociales composées d’individus dont les
intérêts sont identiques, mais qui ne sont pas capables de les défendre de façon organisée.
• Les intérêts manifestes, eux, donnent naissance à des groupes d’intérêts organisés et capables
d’agir sur ces bases .
Conséquences : De la sorte :
• il existe une pluralité de conflits sociaux.
• Les conflits entre groupes étant de nature très variée, on ne peut plus les ordonner comme chez
Marx entre deux grandes classes sociales .
• C’est une des erreurs de l’analyse de Marx que de penser que la domination industrielle implique
nécessairement la domination dans les autres domaines de la société, Etat, Eglise, organisations,
etc.
Conséquences :
• On passerait ainsi d’une société de classes à une société caractérisée par une
stratification complexe. Il en découle une augmentation générale du niveau de compétence
politique et une demande accrue de participation au processus de décision .Les citoyens
n’accorderaient plus leur confiance aux organisations traditionnelles ( parti, syndicat )censées
assurer dans le modèle pluraliste une médiation efficace entre le pouvoir et eux.
• Dans le même temps , on assiste parmi les nouvelles générations de la classe moyenne
à l’apparition de nouveaux enjeux qui proviennent plus de différences dans le style de
vie que de besoins économiques. On peut citer par exemple la protection de l’environnement, le
rôle de la femme, la redéfinition des valeurs qui se substitueraient au conflit entre la bourgeoisie et
la classe ouvrière.
Il va s’efforcer de montrer que les conflits sociaux sont caractéristiques d’un type de société et donc, que
quand les sociétés se transforment, les conflits sociaux évoluent :
• Dans la société industrielle les conflits sociaux tournent autour de l’industrie comme chez
Marx.
Pour en savoir plus :
Mais contrairement à Marx, Touraine ne croit pas que la formation du monde ouvrier ait été déterminée
par des conditions économiques. Elle résulte selon lui d’un certain type de conscience ouvrière qui
dépend lui-même d’un certain type de relations et d’organisation du travail. Dés lors contrairement à
Marx, Touraine ne pense pas que la conscience ouvrière est homogène. Il distingue deux composantes :
- la conscience prolétarienne, qui est typiquement celle du manœuvre, se définit par
défaut, par la misère de sa condition. Toujours prête à se révolter elle manque d’envergure
politique et se cantonne dans la revendication salariale.
- Au contraire, la conscience fière des ouvriers de métiers les conduit à défendre des
intérêts positifs, un savoir-faire, une autonomie. Selon Touraine c’est-elle qui serait le
ferment du mouvement ouvrier.
Conséquences :Tout le problème est que pour que le syndicalisme se transforme en un mouvement
ouvrier, il faut que soient surmontées les tensions entre les deux pôles de son identité Ce qui n’est en
rien assuré.
Dans une société , les conflits sociaux sont très divers. Touraine distingue ainsi :
• les conflits d’intérêts qui cherchent à modifier la relation coûts-bénéfices en leur faveur.
• Les mouvements sociaux qui mettent en cause ,au-delà de l’organisation sociale et du
système de décision, les relations de domination au niveau de la société.
• Les mouvements révolutionnaires qui sont plus globaux encore puisqu’ils identifient une
domination sociale à un régime politique.
Remarque : Ces différents types de mouvements sont largement autonomes mais en même temps ils
portent la marque du conflit social central de la société
Exemple :T ouraine prend l’exemple du mouvement ouvrier qui occupe dans les sociétés industrielles
une place centrale :
• même quand les ouvriers revendiquent pour des augmentations de salaire, pour la reconnaissance
d’un droit syndical, pour une reconnaissance institutionnelle,
• derrière se trouve la marque du mouvement ouvrier basée sur la lutte des classes.
Conclusion : Il faut donc pour Touraine rechercher derrière tout conflit le conflit social central
caractéristique de la société dans laquelle il se déroule.
I. Depuis le XVIII° siècle, les conflits sociaux étaient essentiellement des conflits du travail repris
du manuel en ligne Brises)
Depuis que les sociétés sont entrées dans la modernité, depuis le 18ème siècle environ, l’essentiel des conflits sociaux s'est déroulé
sur le terrain du travail et de l’emploi. On peut essayer de comprendre pourquoi : le travail occupe, directement ou indirectement,
l’essentiel de la vie des individus, en temps d’abord (et bien plus au 19 ème siècle qu’aujourd’hui) et aussi parce qu’il est à l’origine
de certaines des inégalités dont nous avons parlé dans le dernier chapitre (revenus en particulier). C’est aussi dans le travail que se
noue une bonne partie des relations sociales qui entourent (et intègrent) l’individu. Pour toutes ces raisons, auxquelles il faut
ajouter la valeur hautement symbolique du travail, les conflits sociaux sont bien souvent nés dans le monde du travail
depuis la naissance du capitalisme.
C’est la première question qu’il faut se poser : pourquoi le travail est-il une source de conflit social ? Nous allons pour cela
réutiliser ce que nous avons vu dans les chapitres précédents, tant sur les inégalités que sur la division du travail - la division, c’est
déjà un peu le conflit ! Mais nous verrons qu’il y a un autre facteur de conflit social, c’est ce que l’on appelle la capacité de
mobilisation d’un groupe social, c’est-à-dire la capacité des individus qui le composent à agir en commun, de façon coordonnée et
au profit de buts communs.
1. - Les inégalités du monde du travail peuvent déboucher sur des conflits.
• Les inégalités suscitent le conflit quand elles ne sont pas acceptées.. Les inégalités font partie du fonctionnement de
l’économie, mais on a vu qu’il est très difficile de leur trouver une justification consensuelle. Les inégalités sont souvent
l’enjeu des conflits sociaux : on se bat pour accroître la part des salaires dans la valeur ajoutée au détriment des profits, ou
pour améliorer sa rémunération par rapport aux autres métiers de l’entreprise.
• Mais les inégalités ne suffisent pas à engendrer un conflit social, parce qu’elles peuvent susciter une compétition
entre les individus plutôt qu’entre les groupes. C’est une analyse somme toute assez classique et assez simple. Si un
individu n’est pas satisfait de sa situation sociale, il peut l’améliorer de deux façons : soit en changeant de position dans la
société en obtenant une promotion individuelle, soit en agissant pour améliorer le sort de tous ceux qui ont la même position
sociale que lui – c’est-à-dire de son groupe social. Dans ce dernier cas, il y a effectivement un conflit collectif. Mais dans le
premier cas, il n’y a qu’une compétition entre individus pour parvenir aux meilleures places offertes par l’entreprise ou la
société. On ne peut pas parler à ce moment-là de “ conflit social ”.
• La plus ou moins grande mobilité sociale entre les métiers joue aussi sur la capacité de mobilisation. S’il existe une
grande fluidité entre les positions dans l’entreprise, si l’on peut facilement obtenir une promotion individuelle, alors un
individu peut espérer améliorer sa situation personnelle par son seul mérite, sans agir au profit de l’ensemble de son groupe
social. Mais si la mobilité sociale est faible, si les métiers restent fermés les uns aux autres, alors les revendications
personnelles passeront d’autant plus par une revendication collective
• les inégalités ne sont pas à elles seules la cause des conflits sociaux.
2 - Ces inégalités et ces conflits finissent par constituer les individus en groupes rivaux.
Les différentes organisations du travail aboutissent toujours à différencier et hiérarchiser les tâches dans l’entreprise, mais cette
division horizontale et verticale du travail est aussi une division des travailleurs, donc une source de conflits potentiels. Comment
passe-t-on de la division au conflit social ? Ce n’est pas si simple qu’on peut le croire. Le point essentiel est que la division du
travail peut renforcer la conscience d'appartenir à un groupe social.
• La division du travail entraîne la différenciation des travailleurs et donc l’émergence d’identités professionnelles
distinctes. Construire son identité professionnelle, c’est revendiquer certaines appartenances, se reconnaître une certaine
position dans le groupe et dans sa hiérarchie, se sentir différent d’autres individus (n’appartenant pas au groupe, en général).
L’identité professionnelle, c’est aussi les valeurs partagées au sein du collectif de travail, au sein d’un métier. Ces valeurs
peuvent changer en fonction de ce que l’on fait dans l’entreprise (on peut penser à la solidarité des mineurs face à la
pénibilité et la dangerosité de leur métier), mais aussi en fonction de ce que l’on est (la féminisation d’un métier peut en
changer les valeurs).
• Les identités professionnelles deviennent facilement concurrentes dans l’entreprise. On veut dire par là que les valeurs
des groupes sociaux s’opposent sur toutes les questions qui concernent l’entreprise, et au-delà la société – un peu comme
une culture et une contre-culture, revoyez votre cours de première. Le premier point d’opposition est bien sûr les inégalités
de rémunérations. Chaque groupe a une idée différente de la valeur des métiers, et donc des inégalités “ justes ” ou
“ injustes ” L’affirmation d’une identité professionnelle fait donc non seulement apparaître un groupe social, mais elle
lui donne aussi un adversaire.
• L’organisation matérielle du travail est un autre déterminant de la construction de la conscience du groupe. Si les
individus sont dispersés et travaillent séparément, sans se rencontrer, il leur sera très difficile de se coordonner pour agir.
Marx expliquait ainsi au 19ème siècle que les paysans français étaient trop dispersés géographiquement pour agir, bien qu’ils
aient eu matière à se révolter. Inversement, le regroupement des ouvriers dans les ateliers puis dans les grandes usines, où
l’on travaille ensemble, fait la pause ensemble, mange ensemble, où l’on se rencontre en allant au travail et en repartant chez
soi, a incontestablement favorisé l’organisation de la classe ouvrière. Plus près de nous, la connexion des individus sur
Internet a facilité la réussite du mouvement des chercheurs, en permettant la circulation des informations, des mots d’ordre
et des pétitions.
• Pour qu’il y ait un conflit du travail, il faut donc qu’il y ait un conflit d’intérêt, autour des inégalités dans l’entreprise. Il
faut aussi qu’il y ait des identités collectives fortement affirmées pour que le conflit prenne une dimension sociale, et
oppose des groupes les uns aux autres. Enfin, il faut que ces groupes se mobilisent, c’est-à-dire que les individus qui les
composent acceptent d’agir ensemble avec des objectifs communs. Mais la relation entre conflit et identité
professionnelle fonctionne également dans l’autre sens. Ainsi, un conflit peut déboucher sur l’affirmation renouvelée et
vivante d’une solidarité retrouvée, et donc reconstituer un groupe social. Ainsi, le conflit des infirmières, au milieu des
années 90, permit à celles-ci d’affirmer et d’afficher une solidarité qui ne s’était jamais réellement exprimée jusque-là et de
s’éprouver elles-mêmes comme membres d’un collectif de travail.
3 - Les conflits portés par ces groupes finissent par déborder du cadre du travail proprement dit pour concerner
l'ensemble de la société
• L’opposition entre ouvriers et bourgeoisie a pris une valeur politique. Au début du 20ème siècle, le clivage entre la
gauche et la droite s’est progressivement confondu avec le clivage entre travailleurs et capitalistes. Au fur et à mesure que
les ouvriers devenaient numériquement plus importants (au détriment notamment des agriculteurs, qui avaient une toute
autre vision du monde), le conflit politique s’est cristallisé sur la question de la propriété, la gauche, représentant les
salariés, voulant “ nationaliser ” le capital, c’est-à-dire exproprier les capitalistes pour qu’ils ne contrôlent plus les
entreprises, et donc pour résoudre le conflit social par la disparition d’un des adversaires ! Symétriquement, la droite
défendait le droit de propriété comme principe, et donc le pouvoir des actionnaires dans l’entreprise. Moins radicalement,
l’enjeu politique entre la droite et la gauche était aussi l’adoption de lois et de règlements qui limitaient le pouvoir des
employeurs sur les salariés (Semaine de 40h, Congés payés, Droit du travail, protection contre les licenciements, mais aussi
indemnisation du chômage).
• L’opposition entre ouvriers et bourgeoisie a pris une valeur culturelle. Chaque groupe a affirmé ses valeurs, et son mode
de vie. La “ culture ouvrière ” était nourrie de la fierté du métier : essentiellement masculin, le travail ouvrier supposait
souvent la force physique, des connaissances et astuces, essentiellement pratiques, qui se transmettaient au sein de l’atelier.
La “ culture bourgeoise ” était ce qu’on appellerait aujourd’hui la culture savante, celle qu’on transmet à l’école et à
l’université (littérature, musique classique, sciences, beaux-arts, …). Les loisirs des deux groupes n’étaient pas non plus les
mêmes, d’ailleurs l’obtention d’un droit aux congés payés en 1936 avait une valeur conflictuelle symbolique : jusque-là les
vacances étaient l’apanage de la bourgeoisie.
• L’opposition entre ouvriers et bourgeois a engendré une véritable ségrégation sociale. Elle était visible dans la structure
des villes, où les “ quartiers ouvriers ” – généralement les banlieues où la périphérie des villes – s’opposaient aux “ beaux
quartiers ” – le centre-ville. Mais on la retrouvait aussi à l’école, puisque les enfants des classes populaires et supérieures ne
fréquentaient pas les mêmes cursus scolaires. Il a fallu attendre 1975 et la création du collège unique pour que tous les
écoliers suivent la même scolarité obligatoire.
• On voit donc que le conflit social, initialement circonscrit à l’entreprise, s’est étendu à toute la société, ce qui justifie que
l’on parle de classes sociales plutôt que de groupes sociaux, puisque les groupes ne rassemblent plus seulement, par
exemple, les ouvriers d’une entreprise, mais tous les ouvriers de la société. De même, le conflit social mérite l’appellation
de “ lutte des classes ” parce qu’il prend une valeur générale.
Rappel historique : Les corporations sont dissoutes par la loi d’Allarde , en 1791. La même année la loi Le Chapelier interdit toute
association en vue de défendre les intérêts communs car l’association des travailleurs est considérée comme une entrave au
fonctionnement du marché. Les syndicats demeurent interdits en France durant la majeure partie du 19ème siècle.
Le droit de grève n’est légalisé qu’en 1864. Et il faut attendre encore 20 ans (1895) avant que le droit syndical ne soit reconnu en
France .
Conséquences : Le syndicalisme s’est donc développé tardivement par rapport à la révolution industrielle. Il faut attendre 1906 pour
que la CGT fixe ses principes d’action dans la charte d’Amiens :
• le syndicat est l’outil des améliorations immédiates, arrachées au patronat dans les luttes quotidiennes (demandes
d’augmentation de salaires, journée de 8 heures, etc.)
• Le syndicat à néanmoins un objectif plus ambitieux (cf. le principe d’historicité de Touraine) : renverser la société
capitaliste, il dispose pour cela d’une arme : la grève générale .
• Le capitalisme disparu , le syndicat sera le groupement de base de production et de répartition.
Constat : Néanmoins le syndicalisme aura des difficultés à s’implanter en France : il connaîtra deux âges d’or :
• les grandes grèves de 36
• les années 50 durant lesquelles selon A Beuve-Mery : « le syndicalisme a le vent en poupe. Se syndiquer est alors la norme.
Dans une France à reconstruire, à l’échelon local dans une usine, ou une administration, les syndicats sont une structure
d’accueil, un lieu de formation et d’éducation ».
A. Les mutations de la classes ouvrière ( p 148 à 150) : repris du manuel en ligne Brises
Les transformations du travail et les mutations de la classe ouvrière remettent-elles en cause la division de la société française en
classes sociales antagonistes ? C’est ce que pensent certains sociologues, et nous allons présenter leurs principaux arguments.
Le recensement de mars 1999 en France met en évidence la poursuite du mouvement amorcé dès le milieu des années 1970 : les
ouvriers étaient encore plus de 7 millions en 1982, ils étaient 6.5 millions environ en 1990 et 5.9 millions seulement en 1999. Cela
représente une diminution de plus de 15% des effectifs ouvriers entre 1982 et 1999, alors que, dans le même temps, la population
active occupée augmentait. Résultat : la part de la P.C.S. “ ouvriers ” dans la population active occupée a encore plus nettement
diminué que ses effectifs : elle est passée de 32.8% de la population active occupée en 1982 à 25.6% en 1999 (Insee, recensements
de la population), soit une diminution de 22% environ. Aujourd’hui, la part des ouvriers dans la population active est inférieure à
celle des employés.
- La précarisation du travail et l’expérience du chômage (qui touche proportionnellement plus les ouvriers que les
autres P.C.S.) dévalorisent le travail ouvrier, tandis que le changement de la nature du travail ouvrier (moins
directement en contact avec la matière et la production) attaquent directement sa spécificité.
- De même, les conditions de vie des ouvriers se sont transformées, semblant rejoindre celles d’une vaste “ classe
moyenne ” : d’une part, les revenus, et donc la consommation, se sont élevés rapidement durant les années 1960 et
1970, permettant aux ouvriers d’accéder aux biens de consommation durables comme la télévision, la machine à
laver ou l’automobile ; d’autre part, les modes de vie des ménages ouvriers se sont également transformés par le
développement du travail des femmes d’ouvriers, l’allongement de la durée de scolarisation des enfants d’ouvriers
et le développement de l’accession à la propriété grâce au crédit.
- Au final, les conditions de vie semblent s’égaliser avec celles d’autres groupes sociaux et les éléments qui
contribuent à forger et à transmettre la culture ouvrière semblent peu à peu disparaître.
Reportage chez le géant de l'acier Arcelor, au sein d'un monde où le bleu de travail a
disparu tout comme le mot ouvrier.
Ouvriers déboulonnéspar Sonya FAURE: lundi 29 mai 2006
Le jeune contre-maître mesure 1,55 m. Il sourit patiemment quand son aîné s'agite en le
montrant d'un revers de main : «Vous parlez d'un moustique ! Au paradis des fondeurs, ils vont
lui dire : "Mais t'es qui toi ?" On n'aurait jamais vu un fondeur comme ça avant : c'est bien la
preuve que le monde ouvrier a changé.» Charles Vincent est un ancien. «Sourd», apporte-t-il
comme une preuve. Il est entré dans les hauts fourneaux de Dunkerque à 15 ans. Arcelor
s'appelait alors Usinor. Charles Vincent a aujourd'hui 56 ans. Quand il parle des collègues qui
bouchent et débouchent les hauts fourneaux de 30 mètres de haut ou surveillent la coulée de la
fonte, il hésite à parler d'ouvriers. Plus les mêmes rapports de subordination : «Les jeunes
n'accepteraient pas qu'on leur donne des ordres. Maintenant, il n'y a plus de chefs, il y a des
managers.» Plus la même dureté : «Avant, si le gars n'était pas brûlé, c'était pas un vrai
fondeur. Quand j'ai commencé, on ne se voyait pas à 10 mètres à cause de la poussière. Je n'ai
aucune nostalgie de ce temps-là. Même moi, je mets des bouchons d'oreille maintenant.»
Dans la salle de contrôle du haut fourneau 4, deux techniciens en blouse claire fixent des
écrans. «Il y a vingt ans, c'est le type qui réglait les débits de vent et gérait l'enfournement des
matières. Aujourd'hui, tout est automatique, c'est une histoire de surveillance, d'affinement des
réglages», explique Jean-Claude, derrière son pupitre informatique. «On est passé d'un métier
de manutention à un métier de clavier», résume Patrick Genu, chef du service développement
des ressources humaines d'Arcelor. Sur les écrans qui retransmettent les images des planchers
de coulée, où se déverse la fonte sortie du haut fourneau, on distingue pourtant quelques
ouvriers en tenue métallisée.
«Faire rêver». C'est une rengaine de la France qui «se désindustrialise» : il n'y a plus
d'ouvriers. «Et c'est faux, rétorque Naïri Nahapétian, auteure de l'Usine à 20 ans (1). Les
ouvriers sont encore 6 millions en France, même si ceux de l'industrie, qui portaient la lutte
ouvrière pendant les Trente Glorieuses, sont de moins en moins nombreux. En fait, c'est
l'identité de classe qui se délite. La classe ouvrière doute d'elle-même.» Chez Arcelor, on ne
parle plus d'ouvrier. Le mot serait vieillot, presque insultant. Le directeur de la communication
de Dunkerque ouvre des yeux horrifiés en entendant le thème du reportage : «Mais il n'est pas
question d'identité ouvrière chez nous ! Il est question d'un site où nous sommes passés d'une
industrie de main-d'oeuvre à une industrie de process !»
Le PDG d'Arcelor, Guy Dollé, parle, lui, de «nouveaux talents» : «On n'a presque plus d'ouvriers
dans nos usines.» A Dunkerque, les chiffres du fichier du personnel confirment : 3 960 salariés
inscrits, 230 à la case «ouvriers». Et 2 700 agents de maîtrise, techniciens ou agents
d'exploitation, la nouvelle terminologie pour les anciens fondeurs et surveillants des hauts
fourneaux, qui travaillent en 3/8. En mal de recrutement, Arcelor a organisé au début du mois le
forum Planète acier, à Reims. Un grand salon de l'emploi pour redorer les métiers du secteur. «Il
faut faire rêver, justifie Jacques Dham, président d'Arcelor Distribution. Nos métiers s'appellent
encore chaudronniers, alors qu'on ne fabrique plus de chaudron. Plombiers, alors qu'on n'a plus
les mains dans le plomb. On n'a même pas été capable de leur inventer de nouveaux noms.»
Faute d'apprentis, des centres de formation ferment : «On valorise beaucoup les métiers du
tertiaire, regrette Gérard Fabiani, secrétaire général du Syndicat de la chaudronnerie, tuyauterie
et maintenance industrielle. Nos conditions d'emploi ne sont pourtant pas pires que celles de
l'hôtellerie ou de la restauration...» Ce qui ne porte pas la barre très haut.
«Parler de techniciens, ça fait bien, c'est la sidérurgie de demain. L'ouvrier a peut-être disparu
du jargon d'Arcelor, mais pas chez nos sous-traitants, contredit Philippe Collet, militant CGT. On
compte en permanence 2 000 salariés en sous-traitance : les métiers plus pénibles, ceux qui
réclament de la force physique.» D'un côté «l'élite des techniciens», de l'autre côté les
précaires et sous-traitants. «J'ai fait des stages hydraulique, des stages pneumatique... Mais je
n'ai récolté que des promesses d'embauche, témoigne Michel (2), intérimaire pour Arcelor
depuis quinze ans. Travailler pour Arcelor Dunkerque, ça serait un honneur : je pourrais monter,
évoluer et toucher les primes. Je n'ai pas du tout le même salaire que les gars en interne.»
En interne, «tous les opérateurs ont leur boîte mail», explique la direction des ressources
humaines. Sur le site de Fos, ils ont même reçu des cours d'économie «pour mieux comprendre
la stratégie et l'environnement économique du groupe». Dans les ateliers, la figure du
contremaître patibulaire a disparu. Depuis une quinzaine d'années, les ouvriers ont été formés,
«responsabilisés». «Jusqu'à la fin des années 80, ils étaient majoritairement non qualifiés,
parfois analphabètes. Condamnés à faire le même boulot jusqu'à la retraite», explique Patrick
Genu, des ressources humaines.
Polyvalence. Sur les planchers de coulée, le premier fondeur assurait les taches les plus
nobles, le troisième exécutait les corvées. Et, pour monter en grade, pas d'autre moyen que
d'attendre la retraite du supérieur pour prendre sa place. Aujourd'hui, plus de premier fondeur,
mais des salariés polyvalents, qui décrochent alors souvent le fameux statut de technicien. «On
a organisé des groupes de travail, demandé aux gens de réfléchir à leur propre poste», poursuit
Patrick Genu. L'ouvrier est désormais comptable de l'entretien de sa machine. On lui demandait
de tenir des objectifs de production et des cadences, il doit maintenant considérer l'atelier qui
suit le sien comme un «client» et répondre à ses demandes, en fonction des variations de
production. «On leur demandait de faire du tonnage, et soudain, on leur a réclamé une valeur
ajoutée. Ça leur a ouvert des perspectives de carrières», rapporte Anne-Marie Baudoin, de la
CFDT. Une évolution typique de l'industrie, qui a effrité l'idée d'appartenance au monde ouvrier.
«Les nouvelles formes de management ont substitué le contrôle de la collectivité à la tyrannie
du chef, explique Naïri Nahapétian. Ce qui ne veut pas dire que le travail n'est plus parcellisé ni
répétitif.»
Ni l'évolution des métiers, ni les efforts pour changer le vocabulaire ne parviennent à séduire
les jeunes. A Dunkerque, la moyenne d'âge des salariés est de 52 ans. Une génération manque
: «Celle des 38-48 ans, rapporte Philippe Collet. Du coup, la transmission ne s'est pas faite.»
Arcelor s'est engagé à embaucher 500 personnes en France. 120 cadres mais essentiellement
des «techniciens» et du «personnel d'exécution». Bac pro minimum. «On a beau leur dire que,
pour des postes de pontonniers (qui conduisent les ponts, ndlr) un CAP suffit, la direction
refuse», regrette la CGT. «Le bac professionnel est le diplôme archétypique du nouveau monde
des techniciens et ouvriers, explique Henri Eckert, chercheur au Centre d'études et de
recherches sur les qualifications (Cereq) (3). Ce diplôme donne à beaucoup de jeunes l'illusion
qu'ils vont s'éloigner de la tâche, de la pénibilité. Or, arrivés dans le monde du travail, ils se
retrouvent souvent plongés dans la production pure et dure. Et deviennent de "simples
ouvriers", comme ils le disent souvent.»
«Usés». Les jeunes ne portent plus la fierté ouvrière. «Les plus de 55 ans pensent à leur
retraite, ils sont usés, souvent malades de l'amiante. Et ils voient arriver des jeunes qui ne
veulent plus appuyer sur un bouton, mais se former, progresser. Ça a souvent cassé les
solidarités», rapporte Philippe Collet, de la CGT Arcelor. Dans l'industrie, ce sont souvent les
anciens qui conseillent aux jeunes de fuir.
Sans doute, mais la signification est différente selon les générations. Les quinquagénaires, ça
leur colle à la peau. Ouvrier, ça évoque le rapport à la matière et à la machine. Mais ça
éveille aussi un sentiment de perte, une dévalorisation. Jusque dans les années 60, la classe
ouvrière, on aimait ou pas, mais on avait intérêt à la respecter. Elle existait dans les discours,
et pas seulement ceux du Parti communiste. L'ouvrier faisait partie de l'avenir. Aujourd'hui, le
message qu'on leur fait passer, c'est : «L'avenir peut se faire sans vous.» Il y avait les
«professionnels», ceux qui avaient le «métier», et ceux qui étaient «au statut» : les gaziers,
les cheminots... Ceux-là ont fait le mythe de l'ouvrier. Mais grâce à la croissance
économique, même les non-qualifiés pouvaient progresser. Il fallait être un peu manchot,
syndicaliste, femme ou immigré pour rester à sa place tout au long de sa carrière...
A l'usine, on est jeune de plus en plus tard. Qu'on ait 30 ou 35 ans, qu'on soit père de famille,
on vous appelle le «gosse». Généralement, vous êtes intérimaire. Les jeunes ont une
répulsion pour le mot ouvrier. J'ai rencontré de récents embauchés chez Peugeot. Ils étaient
contents de l'emploi à PSA des salaires plus élevés, un emploi relativement protégé , mais le
travail les ennuyait. La répulsion peut être plus violente : quand ils regardent les anciens, les
jeunes voient des hommes abîmés. Ils voient la résignation. Leur répulsion est aussi une
forme d'espoir : «Je ne veux pas être comme ça.» La société dans son ensemble construit
cette répulsion. Le PDG dit : «Je n'ai plus d'ouvriers, je n'ai que des techniciens.» Le qualifié
se considère lui-même sans état d'âme comme technicien, ce qui coupe la tête noble des
ouvriers. Les pères disent à leurs fils : «Si tu ne vas pas à l'école, tu tomberas ouvrier.»
Tout se grippe dans les années 70 et 80. Avec la crise industrielle, on réduit les effectifs, on
s'attaque aux garanties et aux statuts : les grosses entreprises fragmentent leur personnel
avec l'intérim et la sous-traitance, parfois même au coeur noble des métiers, là où le
syndicalisme était le plus fort. Avec le nouveau management des années 80, on raisonne en
«points» ou en «compétences». Mais les ouvriers ne sont pas dupes : les mots ont changé,
les étapes restent les mêmes. Idem pour le mythe de la polyvalence, qui serait apparue dans
les années 80. Dans les faits, la fabrication était tellement désorganisée qu'on demandait
déjà souvent à l'ouvrier de changer de poste ou de remplacer un collègue... Ces dernières
années, on a aussi embauché des jeunes femmes, souvent maghrébines, dans les secteurs
traditionnellement masculins. Manière de fragmenter le collectif.
Non, elle se déplace. Sur les postes du tertiaire où le travail est répétitif les filles de salle
dans la santé, les caissières, les magasiniers, etc. , on entend souvent : «On est comme des
ouvriers. C'est la chaîne.» L'identité ouvrière s'ouvre par le bas vers le tertiaire. Autour du
travail «nul», pénible, contraint.
«Un ouvrier, c'est un travailleur qui fait des richesses pour les patrons. Et un peu
pour subvenir à ses besoins. J'ai fait six ans de travail à la chaîne. Ils appellent ça
opérateur.»
«J'ai vu un documentaire à la télé : des hommes avec le poing levé et le béret. C'est plus du
tout ça. Il n'y a plus de solidarité. Moi, je ne suis pas syndiqué, je trouve que c'est utopique.
En revanche, j'ai bien aimé la grève de la faim du député (Lassalle, ndlr) contre la
délocalisation d'une usine. Au moins il le fait par la non-violence. Il y en a encore qui se
battent pour des gens comme nous.»
«J'emballe les biscuits. J'ai pas été beaucoup à l'école, alors, voilà : c'est la première
entreprise qui a voulu de moi. Maintenant, je fais partie des murs ! Je suis ouvrière, et
contente de l'être. C'est quand même mon entreprise qui me fait vivre depuis trente-cinq ans
! Il y a un côté familial. Faut dire qu'on n'est plus très nombreux. Pendant les pauses, on
mange, on parle des petits-enfants. Ou des sorties qu'on a faites avec l'entreprise : la
dernière fois, c'était la comédie musicale le Roi Soleil.
«Ouvrier, c'est un terme que j'essaie d'éviter avec mes apprentis. Ça a une connotation
négative. Je dis plutôt opérateur, régleur... Ouvriers, c'est les vieux de la vieille, nos parents,
quoi. D'ailleurs aujourd'hui, on dit "technicien d'usinage". L'Education nationale sait choisir
ses termes.»
«Au temps de mes parents, le travail, c'était une identité. Aujourd'hui, les gens préfèrent se
définir par leurs loisirs... Les chauffeurs de train, les conducteurs de camion, ça faisait rêver
les petits garçons. Maintenant vous dites que vous êtes conducteur routier, c'est assimilé à
manoeuvre.»
«Quand on m'envoie dépanner une chaudière, on dit au client : "On vous envoie un
technicien." Mais sur la fiche de paie, il y a marqué : "Statut : ouvrier." Bref, on ne sait pas
trop ce qu'on est. A part des pions.»
«Je désosse des volailles depuis trente-quatre ans. Je commence à avoir des douleurs aux
épaules. Quand une chaîne tourne à 2 000 pintades à l'heure, il n'y a pas droit à l'erreur.
"Ouvrière d'usine", c'est devenu dévalorisant. Ça veut dire qu'on n'est pas capable de faire
autre chose. Nous, aujourd'hui, on est qualifiées d'"agents de fabrication". Ça n'évoque rien
et le travail, c'est le même. Mais c'est plus joli et, dans une assemblée, les gens vous
montrent un peu plus d'intérêt.»
L’échec des grandes grèves de la fin des années 40, les répercussions de la guerre froide, le manque de cohérence de l’action
syndicale qui hésite entre l’action directe et la négociation par branche vont entraîner un tassement des effectifs qui seront divisés
par deux durant les années 50, avant de se stabiliser jusqu’à la crise actuelle.
• Une érosion de la participation aux élections professionnelles qui se traduit par une montée de l’abstention , un
accroissement du pourcentage des votes en faveur des non syndiqués .
• une hausse de la part des votes en faveur des non syndiqués lors des élection aux comités d’entreprise qui passe de
12% en 1966 à 30% en 1993 avant de redescendre à 25% en 1999.
• Une diminution des conflits du travail (1 à 4 p 164-165) après le record de mai 68 : 15 millions de journées perdus pour fait
de grève ; on observe dans les années 70 , une moyenne autour de 3,5 millions de journées , dans les années 80 la moyenne
passe à 1,5 millions , dans les années 90 elle passe à 500 000 , mais remonte légèrement lors de la reprise économique de
1998-2000 pour atteindre en 2000 : 800 000( p 188)
Pour en voir l’évolution :
La chute est encore plus spectaculaire si l’on ne retient pas les salariés de la fonction publique :
• On constate que les salariés sont certes majoritaire à considérer que les syndicats jouent un rôle irremplaçable dans la
représentation des salariés (63%des ouvriers, 54%des cadres). Mais un pourcentage fort de salariés considèrent que les
syndicats font passer leurs intérêts avant ceux des salariés (55% des ingénieurs,48 % des employés)
Pour les statistiques :
2. Les explications théoriques
Constat :Il montre que l’existence d’un groupe non organisé d’individus aux intérêts communs , dotés
de moyens d’action et conscients de leurs intérêts n’implique pas automatiquement , contrairement aux
intuitions de type marxiste , l’apparition d’une action collective .
Explications : En effet, quand le produit obtenu par une telle action est un bien ou un service collectif
( ex : une augmentation de salaire pour tous ) et lorsque le groupe est assez large pour que des pressions
ne s’exercent pas sur les individus afin de l’inciter à l’action , alors se produit le phénomène du passager
clandestin ( lson construit son analyse dans une perspective libéral puisqu’il adopte le modèle de l’homo-
oeconomicus égoiste et rationnel) :
• Chaque individu va se dire que puisqu’il peut profiter de l’action sans avoir à agir lui-même,
• il aura intérêt à laisser les autres dépenser de leur temps et de l’énergie pour se procurer les biens
publics.
conséquences : Ceci doit , selon Olson , permettre d’expliquer l’absence de mouvements collectifs : en
France et en Allemagne , les résultats de l’action de la grève s’appliquent à tout le monde ( syndiqués et
non syndiqués ) ; il est interdit de faire une discrimination , ce qui n’est pas une incitation à la
syndicalisation .
Conclusion : Pour que la syndicalisation se développe , il faut que les syndicats offrent à leurs membres
des incitations sélectives
• soit pénaliser le refus de participation à l’action ( ex : dans un petit groupe , rompre la solidarité
peut entraîner une mise à l’écart ) .
• soit accorder des avantages spécifiques : protection juridique du salarié , postes dans l’organisation
, ...
b ) le modèle d’OBERSHALL .
remarque : Son analyse se situe explicitement dans la perspective de celle d’Olson mais elle est
enrichie par une approche sociologique qui cherche à définir quelles sont les conditions sociales
susceptibles de favoriser l’émergence de mouvements sociaux au sein d’une collectivité.
Présentation de l’analyse : Obershall croise deux dimensions pour expliquer la probabilité d’une
organisation et d’une mobilisation d’un collectif :
• Première dimension : la dimension horizontale qui renvoie à la nature des lien sociaux
existant au sein de la collectivité , c’est-à-dire la cohésion sociale du groupe . Obershall
distingue 3 cas :
- relation de type communautaire : famille , village , clan , comme dans les sociétés
traditionnelles .
- relation de type associatif : groupe professionnel , religieux , économique comme dans
les sociétés industrielles .
- contrairement au troisième cas où les relations sociales sont peu développées .
Remarque : Dans ces 2 premiers cas , le sentiment de solidarité du groupe et son potentiel de
mobilisation sont élevés
Selon A.Pizzorno :
• le choix politique (ou syndical) est influencé par des sentiments de solidarité , de loyauté ,
• et non par le désir d’obtenir des avantages personnels . Il est déterminé par l’affiliation sociale de
l’individu et non par le calcul des utilités .
• Les solidarités sociales préexistent au choix politique , ce sont des expressions de la structure
sociale et elles renvoient donc à une identité ethnique ,linguistique , de classe , territoriale ou autre
. La décision de voter pou tel ou tel parti est un supplément symbolique qui vient renforcer les liens
sociaux préexistants .
Pizzorno conteste donc :
• la logique du calcul coût-bénéfice fondée sur la rationalité des individus développée par Olson .
• Il considère au contraire que l’action collective a pour but de resserrer les liens sociaux au sein du
groupe d’appartenance permettant ainsi de réaffirmer , de renforcer son identité sociale
Selon Hirschman , les sociétés disposent de 2 mécanismes fondamentaux pour résoudre leurs problèmes
économiques et sociaux :
• la défection : la liberté d’entrée et de sortie qui correspond au mécanisme du marché dans lequel
l’individu fait librement un choix qui lui permet d’améliorer son bien-être individuel en changeant de
produit , en quittant un emploi par exemple . Dans ce contexte , les syndicats sont considérés
comme une entrave au bon fonctionnement du marché .
• mais il existe un second modèle d’ajustement : la prise de parole : le mécanisme politique défini
par Hirschman comme la voix . Il nécessite le recours à la communication . Le parti politique est la
voix du citoyen , le syndicat la voix du salarié qui permet aux salariés de faire entendre leurs
revendications .
III. Ces conflits du travail restent présents mais sous une forme différente
• au contraire , à partir des années 30 mais surtout après 45 , avec la création de la Sécurité Sociale , des comités
d’entreprise, des ASSEDIC , enfin avec les lois d’Auroux en 82 , on va observer une évolution qui se caractérise :
- par une reconnaissance institutionnelle des syndicats qui ont contribué à les légitimer et à les intégrer à la société
civile , qui ont donné aux syndicats une audience plus large , des ressources financières en les liant étroitement à
toutes les institutions de la société .
- Une autre conception du syndicalisme s’est développé : le syndicalisme essaye d’économiser la grève ; il l’utilise
comme un moyen de pression , il la brandit comme une menace .
conséquences : Ceci traduit une évolution de la stratégie syndicale : conformément à l’analyse de Simmel :
• jusqu’aux années 30 les conflits sociaux opposaient patronat et syndicats qui chacun développaient une culture et c’était deux
modèles de société qui s’opposaient .
• A partir des accords de Matignon au contraire , on passe de la dyade à la triade : de l’affrontement binaire où chacune des 2
parties en présence pouvait avoir le sentiment qu’elle triompherait totalement et imposerait sa manière de voir à l’adversaire
terrassé , on passe à des rencontres tripartites où la grève n’est plus qu’un moment de la négociation .
• La grève n’est plus alors qu’un signal avertisseur qui demande une intervention des pouvoirs publics .
Conclusion : dès lors les syndicats recourent de moins en moins à la mobilisation sous forme de grève ou de manifestations :
la grève est vue comme pathologique , comme l’échec d’une négociation ( ex : le modèle allemand de référence ) .
Conséquence : Mais alors le syndicat a de moins en moins besoin de syndiqués . P.Rosanvallon pose même la question :
qu’arriverait-il si les syndicats n’avaient plus d’adhérents ?:
• « La légitimité syndicale serait-elle remise en cause ? Pas forcément : un taux marginal d’adhésion n’entraînerait pas de
basculement qualitatif par rapport à la situation actuelle , l’adhérent a en effet cesser de jouer un rôle déterminant dans le
phénomène syndical . »
• Dans la perspective d’une disparition des adhérents , la forme syndicale tendrait à se confondre avec la forme politique , seul
le domaine d’intervention de chacune d’elle les distinguant .
• La légitimité syndicale deviendrait , comme celle des partis d’essence purement électorale ( le parti politique n’a pas besoin
d’adhérents , le nombre d’adhérents n’est pas le critère de sa représentativité , seuls comptent les résultats électoraux )
Apparition d’un nouveau modèle :On assiste d’ailleurs selon P Rosanvallon à une nouvelle conception du syndiqué qui :
• n’est plus considéré comme un adhérent, partageant avec les autres membres du syndicat des valeurs, une culture,
• mais qui devient un client .
conséquences : dans ce contexte , étudier la crise du syndicalisme par rapport à la chute du taux de syndicalisation n’est pas
un bon choix , car l’indicateur n’est pas bon . Pour étudier la représentativité syndicale , il faut étudier les résultats des syndicats
aux différentes élections .
mais cela entraîne une nouvelle conception du syndiqué auquel le syndicalisme français n’est pas encore complètement préparé :
• On aurait d’un côté le délégué syndical qui siégerait dans de multiples commissions , le syndicalisme devenant un métier à
temps plein ;
• et de l’autre côté , le syndiqué qui ne serait plus qu’un client qui adhère pour obtenir des services .
• Ceci n’est pas sans danger car les délégués qui siègent dans les différentes commissions , ne sont plus sur le terrain avec les
salariés , ce qui engendre une coupure entre le mandant ( le syndiqué , l’adhérent ) et le mandataire ( le délégué) .
Conclusion : Dès lors plus que de disparition du syndicalisme ou de crise du syndicat , il faudrait parler d’une évolution structurelle
du syndicat qui s’adapte à une nouvelle forme de société plus complexe et c’est cette adaptation qui fait la crise .
Constat : «La structuration du phénomène syndical et sa reconnaissance légale en 1884 a également répondu à une contrainte de
régulation sociale » :
• En ce sens , pour une partie des acteurs ( patrons , hommes politiques ) la reconnaissance du syndicat était vue comme un
moindre mal qui permettait d’éloigner le spectre de la révolution et plus prosaïquement de faire disparaître les conflits
violents qui avaient vu le jour depuis la légalisation en 1864 de la grève sans que soit reconnu alors le droit de se syndiquer .
• La reconnaissance du syndicat a donc pour but en 1884 d’avoir un partenaire avec lequel on peut transiger , ce qui rend la
société plus facilement gouvernable .
Conséquence de la désyndicalisation : Or , comme le note J.Delors , on observe un déclin du syndicalisme qui présente de
nombreux inconvénients, en particulier :
• les syndicats ont forcé la société à changer , ont permis de faire apparaître des idées porteuses d’avenir ,ont constitué le
moteur des changements nécessaires . Or la désyndicalisation a affaibli cette capacité
• les syndicats ont servi de médiateur , exprimant les aspirations des citoyens, prenant en compte les différents points de vue
et transcendant les oppositions pour contribuer au bien commun ( ce qui n’est pas le cas des coordinations jusqu’au boutiste) .
Or aujourd’hui , avec la désyndicalisation , c’est le vide et ce vide est très inquiétant car il ne permet plus aux citoyens , aux
salariés de faire entendre leurs voix .
Constat : Depuis quelques années , on observe une montée des coordinations qui mettent en cause le monopole de défense des
droits des travailleurs dont disposaient jusqu’alors les syndicats . Les coordinations se sont multipliées dans les années 80 :
infirmières , cheminots , instituteurs , routiers , ...
Conséquences : Les salariés n’ayant plus de structures collectives qui le représentent, se constituent alors des mouvements puissants
mais éphémères qui sont corporatistes , c’est-à-dire qui ne mesurent pas les retombées de leurs revendications .
Selon Touraine les mouvements sociaux correspondent à une action collective organisée par
laquelle un acteur de classe lutte pour définir les grandes orientation culturelles de la société
(ce que Touraine appelle l’hi sto ri ci té ). Sa définition suppose donc la conjonction de trois
éléments :
• un acteur de classe (ex: la classe ouvrière): c’est le pr incipe d’ident it é.
• un adversaire de classe (ex: la bourgeoisie) : c’est le pr incipe d’opposi ti on .
• un enjeu : c’est le princ ipe de tot al it é.
• ils désignent les objets les plus divers , du moment qu’ils se distinguent de la figure classique du mouvement ouvrier :
mouvement noir , luttes étudiantes aux USA , et partout mouvements écologistes ,féministes , regroupements pacifistes .
• ils mettent en scène de nouveaux acteurs comme les femmes , les jeunes , les classes moyennes .
• ces mouvements ne concernent plus directement les problèmes de la production et de l’économie ; ils se situent dans le
champ de la culture , de la sociabilité , de la ville , des valeurs et paraissent bousculer les formes classiques de gestion du
conflit social et de la représentativité politique .Les NMS mettent l’accent sur l’autonomie, la résistance au contrôle social
• les NMS inventent de nouvelles formes d’organisation et d’actions. Ils sont très méfiantsà l’encontre des structures
traditionnelles auxquelles les individus devaient déléguer l’autorité à des états majors constitués de permanents très eloignés
des préoccupations de la base
• Les NMS n’ont pas pour objectif de prendre le pouvoir , ils visent au contraire à se protéger de l’influence de l’Etat (cf., les
mouvements régionnalistes) et à construire des espaces d’autonomie protégeant les individus.
Conclusion : la sociologie des nouveaux mouvement sociaux est associée à une critique des paradigmes jusque là dominants,
principalement le marxisme
A Touraine dans « la prophétie antinucléaire » s’est intéressé aux mouvements antinucléaires car :
• il recherchait « les luttes sociales d’aujourd’hui pour y découvrir le mouvement social et le conflit qui pourraient jouer
demain le rôle central qui a été celui du mouvement ouvrier et des conflits du travail dans la société industrielle. » .
• Il attendait « de la lutte antinucléaire qu’elle soit la plus chargée de mouvement social et de contestation, la plus directement
porteuse d’un contre-modèle de société ». Cela pour un certain nombre de raisons :
- Comme le mouvement ouvrier , elle lutte contre un appareil de production qui mobilise des ressources matérielles et
politiques considérables (on constate ici que TOURAINE reste encore marqué par le marxisme).
- dans la lutte antinucléaire , c’est l’image dominante de la modernité qui est mise en cause, c’est donc de tout notre
avenir qu’il est débattu : « notre organisation économique, notre manière de travailler et de vivre est mise en question »
- La lutte antinucléaire apparaît comme la pointe du combat écologique
Conséquence : Pour toutes ces raisons , Touraine pensait que la lutte antinucléaire allait devenir la « figure principale du nouveau
mouvement social », que les opposants au nucléaire allaient lui opposer « un autre modèle de développement « et allaient
combattre « la fausse modernisation qu’apporte l’industrie nucléaire au nom d’une modernisation plus profonde qui créerait les
conditions sociales et culturelles nécessaires pour passer d’une société forte consommatrice d’énergie à un société plus sobre mais
plus forte utilisatrice d’information ».
Conclusion : On constate que la lutte antinucléaire correspond bien aux caractéristiques définissant les nouveaux mouvements
sociaux selon Dubet (qui travailla avec Touraine, en particulier dans l’analyse des luttes antinucléaires).
Néanmoins , parler de mouvement étudiant au singulier semble discutable, il semble nécessaire de distinguer deux époques :
• la première serait celle de mai 1968 qui s’était cristallisée sur une revendication générale, qui était le changement de la
société, et ne pouvait donc être satisfaite par le pouvoir en place. Mai 68 avait donc un caractère global et idéologique .
• Au contraire les mouvements de jeunes aujourd’hui présentent des caractéristiques nouvelles : selon D Lapeyronnie :
- le mouvement étudiant à une forte dimension corporatiste, la production idéologique est réduite voire inexistante . Ce
qui mobilise les étudiants « c’est d’abord la menace ressentie sur la possibilité de faire des études, la peur d’une
sélection renforcée à l’entrée de l’université et la crainte de voir une augmentation des droits d’inscription ».
- On constate donc que les revendications des étudiants n’ont aucun caractère global, ils ne veulent pas changer la
société. Ce sera encore plus vrai dans le mouvement contre le CIP dans lequel les jeunes exprimeront non pas leur
volonté de transformer la société mais de s’y intégrer, d’y avoir une place. On le constate d’autant mieux que le
mouvement étudiant ne concerne qu’une minorité de la jeunesse . Les autres , ceux qui sont dans la galère n’ont que
la rage pour se protéger de la violence de la société.
- Les jeunes ont exprimé durant la crise de 1986 leur désir d’être reconnus comme des individus responsables
et autonomes, comme des adultes finalement . Il ont refusé toute récupération politique ou syndicale (cf. la faible
place des syndicats étudiants ) . Ils ont imposé un fonctionnement démocratique et indépendant.
Conclusion : Mais c’est justement cette « dualité de l’action étudiante (qui) explique l’incapacité du mouvement étudiant à négocier
et son extrême méfiance vis à vis à vis de la politique institutionnelle qui, par définition porte au compromis ». Comme l’indique A
Touraine : « ce sont des moments merveilleux pour les jeunes , et on comprend qu’ils cherchent à les faire durer. Dans ces conditions
, la volonté du pouvoir politique d’établir un dialogue avec eux sur un point précis est inopérante. A ce stade, toutes les concessions
sont jugées insuffisantes, toutes les promesses dilatoires. Il faut comprendre le sens de ce rituel existentiel pour les adolescents, qui
trouvent là une occasion de se poser en égaux des adultes et de les impressionner ».
O Fillieule a étudié les formes actuelles de l’action collective et il a constaté que certains caractéristiques ressortent qui
semblent relativiser l’intérêt d’une analyse en termes de nouveaux mouvements sociaux , il remarque certes que :
• l’activité manifestante se diffuse aujourd’hui très largement dans toutes les CSP,
• que les acteurs des conflits interpellent directement les politiques , faute de croyance en l’efficacité des
représentants. Ceci semble bien traduire une crise de la représentation (cf. coordination).
Mais, contrairement à ce qui s’écrit le plus souvent, la période n’est pas marquée par un changement de nature de la
participation politique :
• l’analyse des revendications portées par les manifestations actuelles ne vient pas corroborer l’hypothèse
d’une modification des valeurs défendues : les valeurs matérialistes sont très largement dominantes : Emploi,
hausse du revenu.
Voir les valeurs dévelopées aujourd’hui par les français