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Pour une Francophonie juridique*


“ Notre raison d’être procède, elle, de cette conviction qu’au XXIè
siècle, les grands espaces linguistiques seront des acteurs à part
entière du monde politique. C’est une idée neuve. C’est une idée
féconde ” Jacques Chirac

par Parvèz DOOKHY*

Le droit français et d’inspiration française, pour attractif qu’il soit dans sa substance,
rencontre depuis la décolonisation1 une certaine difficulté à circuler et d’être accueilli, non
seulement à l’étranger mais aussi dans des pays membres de la francophonie. On assiste
depuis la deuxième guerre mondiale à une entrée en concurrence sévère de la Common Law,
notamment en droit des affaires, dans l’espace juridique francophone.

Une réflexion sur la place du droit français et d’inspiration française, que nous qualifierons de
‘francophonie juridique’, dans le monde devient inévitable. Alors que la Francophonie, en tant
que communauté linguistique, s’élargit, il y a lieu de s’interroger sur les réels enjeux du rôle
du juridique dans le développement de cet espace. Considérant que l’autorité d’une langue
tient énormément à sa performance juridique, nous examinerons les éventuelles faiblesses du
droit français et d’inspiration française à s’exporter et à être, comme aux siècles précédents, le
fil des grandes évolutions du droit. Ensuite pourront être étudiées les solutions possibles et
mesures à adopter pour que la francophonie juridique retrouve un essor.

I. Les difficultés à l’exportation de la francophonie juridique

Il nous semble important, pour mieux apprécier ce qui fait aujourd’hui que la francophonie
juridique a perdu la place qu’elle occupait autrefois, de porter un rapide regard comparatif sur
le droit français et d’inspiration française et la Common Law, ce droit envahissant.

La Common Law est pragmatique et ses principes ont été essentiellement développés lors de
la recherche des solutions juridiques par le juge aux cas qui lui sont soumis.
Jurisprudentielle2, elle présente l’avantage d’être proche de la réalité, des litiges qui se
produisent dans les rapports entre les personnes. Ainsi, elle peut facilement être reprise par les
juridictions de la sphère Common Law et les juridictions étrangères. A l’opposé, le droit
français et d’inspiration française est puissamment rationnel et a une portée générale. Souvent
*
Article publié dans le Bulletin de l’Institut international de droit d’expression et d’inspiration françaises, 1999,
n° 59, pp. 19 à 24.
*
Docteur en Droit en Sorbonne et Secrétaire général de la Société des Juristes Francophones du Commonwealth
(Londres).
1
Généralement, le droit français a été imposé aux territoires conquis. V. Eric AGOSTINI, « Droit comparé »,
PUF, 1988, v. p. 247 et s.
2
René DAVID et Camille JAUFFRET-SPINOSI, « Les grands systèmes de droit contemporains », Dalloz, 1992,
10e édition, v.p. 271.

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codifié, il a été élaboré pour un système juridique donné. Son exportation devient difficile
surtout si les dirigeants politiques des pays étrangers sont peu enclins à s’en inspirer lors de
l’élaboration des lois ou sont hostiles à toute reproduction d’un modèle considéré comme
étant étranger.

Ces caractéristiques distinctifs des structures de la Common Law et du droit français


entraînent des conséquences fondamentales dans le mode de rédaction des décisions de
justice. Le style d’une décision des juridictions de Common Law est très vivant et fécond3. Le
juge explique longuement, parfois même dans un langage simplifié et clair, son raisonnement
juridique. Afin que celui-ci puisse être compris dans son contexte, le juge décrit dans le détail
les faits auxquels se réfère la décision alors même que ceux-ci n’aient pas donné lieu à un
différend entre les parties devant lui4. Aussi, en raison de l’importance de l’oralité des débats
devant les juridictions de Common Law, les juges font nécessairement référence dans leurs
décisions aux moyens de droit étayés par les conseils des parties. Ils passent en revue les
principaux arguments pour exposer les motifs, parfois surabondants, pour lesquels ils
admettent ou les rejettent5. Un arrêt des juridictions de Common Law ressemble fort bien aux
conclusions du commissaire du gouvernement devant le Conseil d’Etat, voire à un article de
doctrine.

Autant les lois sont, dans le système de droit français et d’inspiration française, claires et
généralement bien faites, autant la motivation des décisions de justice est elliptique sans doute
parce que les arrêts de règlements sont interdits6. Monsieur le Professeur Xavier BLANC-
JOUVAN constate à juste titre que « Il n’est guère contestable, en effet, que la baisse
d’influence de notre jurisprudence tient au moins en partie à l’absence de motivation explicite,
pour ne pas dire à l’hermétisme, de certains arrêts émanant notamment de la juridiction
suprême et aux difficultés qu’éprouvent les juristes étrangers à saisir la pensée des juges; et
l’on ne peut que constater, à cet égard, la supériorité du style judiciaire en vigueur dans les
pays de Common Law »7. En ce sens, la jurisprudence française et des pays francophones doit
être davantage élaborée8.

De nos jours, la jurisprudence occupe une place infiniment prépondérante dans le


développement du droit9. Avec la mise en place de l’Etat-Providence, les transformations
sociales, économiques et technologiques se produisent à un rythme précipité et les pouvoirs
législatif et exécutif accusent un retard dans la réglementation de nouvelles activités. Dans un
tel contexte, le juge se voit investi d’une mission supplémentaire que de dire le droit. Il lui

3
Jean-Louis GOUTAL, « Characteristics of judicial style in France, Britain and the USA », American Journal of
Comparative Law, 1976, pp. 43 à 72.
4
Camille JAUFFRET-SPINOSI, « Comment juge le juge anglais? », Droits, 1989, n° 9, pp. 57 à 67.
5
J. A. JOLOWICZ, « Les appels civils en Angleterre et au Pays de Galles », Revue Internationale de Droit
Comparé, 1992, pp. 355 à 379.
6
L’article 5 du Code Civil français dispose qu’il « est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition
générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».
7
Xavier BLANC-JOUVAN, « La circulation du modèle juridique français en Amérique du Nord et en Grande-
Bretagne, rapport introductif », pp. 579 à 593 in Travaux de l’Association Henri Capitant, « La circulation du
modèle juridique français », 1993, Tome XLVI, v. p. 590.
8
Adolphe TOUFFAIT et André TUNC, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice, notamment
celle de la Cour de Cassation », Revue Trimestrielle de Droit Civil, 1974, p. 487 et s.
9
Mauro CAPPELLETTI, « Le pouvoir des juges », Economica, 1990, 397 p.

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appartient de le créer. Les juges des pays de Common Law sont convaincus qu’ils ont pour
mission de combler les vides juridiques et, exécutant un service public, ils se mettent
nécessairement au service de l’homme10. En l’absence de texte précis, le juge est appelé à
porter sur la question du litige qui lui est soumis un jugement de valeur qui implique une
vision de la société de demain. L’activisme judiciaire est nécessaire à l’exportation du droit.
D’ailleurs, n’est-il pas symptomatique que le droit administratif français, de création
essentiellement prétorienne, soit la matière qui a été la mieux exportée en Angleterre11, le
berceau de la Common Law. Certains arrêts du Conseil d’Etat, surtout lorsqu’ils sont publiés
avec les conclusions du commissaire du gouvernement sont explicites12.

Il faut également signaler pour poursuivre la comparaison que le droit est, dans le système
Common Law, ouvert. Le juge cherche appui auprès des solutions retenues à l’étranger. Le
recours au droit comparé est pratiquement spontané dès lors que la norme litigieuse est plus
ou moins commune à plusieurs pays, tels les principes fondamentaux de la Common Law13.
Le juge a épousé une conception plutôt universaliste, voire naturaliste, du droit.

La référence aux décisions étrangères dans la motivation de l’arrêt permet un développement


accentué du droit interne14. En attribuant une forte autorité morale (persuasive authority) à des
décisions étrangères à l’égard du cas d’espèce qu’il a à résoudre, la perfection du droit peut se
faire à un rythme accéléré. Le juge fait bénéficier à son pays des progrès15 jurisprudentiels
réalisés dans d’autres pays. Le droit est amené à voyager et à s’échanger.

Face à cette ouverture dont fait preuve la Common Law, on est frappé par l’hermétisme du
droit français et d’inspiration française. Les juridictions francophones ne cherchent que de
manière officieuse et timide le soutien des précédents étrangers16. En ignorant les précédents
étrangers, notamment ceux de la même famille juridique, les juges francophones perdent et
rejettent un moyen formidable de transplantation indirecte mutuelle du droit. Le juge ne
participe pas à l’exportation du droit.

Cependant, voulant être une vision du monde, la Francophonie doit être capable de véhiculer
de grandes valeurs juridiques au monde entier. Le droit français et d’inspiration française
présente des possibilités réelles de jouer un rôle déterminant dans le monde de demain. Mais
le phénomène de la mondialisation impose désormais une concertation plus accrue entre les
différents systèmes de droit français et d’inspiration française de sorte à ériger une vraie

10
Beverly MCLACHLIN, « The role of judges in modern Commonwealth », Law Quarterly Review, 1994, pp.
260 à 269.
11
John BELL, « Le droit administratif comparé au Royaume-Uni », Revue Internationale de Droit Comparé,
1989, pp. 887 à 892 et The Right Honourable Lord WOOLF OF BARNES, « Droit public, English style »,
Public Law, 1995, pp. 57 à 71.
12
La Revue Public Law publie régulièrement une chronique sur la jurisprudence du Conseil d’Etat.
13
J. N. MATSON, « The Common Law abroad; English and indigenous law in the British Commonwealth »,
International and Comparative Law Quarterly, 1993, pp. 753 à 779.
14
Antony ALLOT, « L’influence du droit anglais dans les systèmes juridiques africains », pp. 3 à 13 in Gérard
CONAC (sd), « Dynamiques et finalités des droits africains », Economica, 1980.
15
David ANNOUSAMY, « Pour un droit comparé appliqué, réflexions à partir de l’interférence des lois dans
l’Inde », Revue Internationale de Droit Comparé, 1986, pp. 57 à 76.
16
Raymond LEGEAIS, « L’utilisation du droit comparé par les tribunaux », Revue Internationale de Droit
Comparé, 1994, pp. 347 à 358.

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communauté juridique francophone. Pour ce faire, il y a lieu de s’interroger sur la mise en


place d’un mécanisme qui permettrait à la francophonie juridique de mieux circuler, et par là
même, d’être consolidée.

II. Les propositions

Il nous apparaît que pour permettre au droit français et d’inspiration française de s’exporter, il
serait souhaitable, au-delà de la coopération qui peut et doit exister entre les juridictions
suprêmes nationales17, d’instituer un organisme transnational, peut-être simplement quasi-
juridictionnel, qui aurait pour mission de promouvoir une sorte de droit commun moderne
portant sur les valeurs fondamentales et futures du monde francophone. Il n’existe
actuellement aucun mécanisme ou instrument international de promotion de la francophonie
juridique.

Cette institution serait chargée d’appliquer et de sanctionner une charte énonçant les principes
essentiels et d’avenir du droit des pays membre de la Francophonie, les nouvelles valeurs
universelles victorieuses, tels notamment les droits linguistiques, ceux liés à la culture, la
bioéthique, au commerce, au sport, à l’enfant etc. Elle aurait pour mission d’assurer le respect
par les Etats membres de la charte les droits proclamés et deviendrait le pôle de
rapprochement de différents pays de la communauté juridique francophone.

La Francophonie étant une communauté qui se garde de « toute ingérence, de toute leçon
morale, de tout anathème »18, la charte ne devrait en aucun cas apparaître comme un droit de
subordination, mais seulement de coopération et coordination entre des Etats souverains. Il ne
s’agit pas non plus d’établir un texte déclaratoire dépourvu de toute force obligatoire. La
charte, pour être utile et efficace, devrait faire naître des droits au bénéfice des individus.
Cependant, il y a lieu d’élaborer un nouveau mécanisme de contrainte qui ne passe pas
nécessairement par une sanction pécuniaire, contrairement à celui prévu par la Convention
Européenne des Droits de l’Homme.

Cette nouvelle instance internationale doit faire des études, rapports et formuler des
recommandations pour la mise en oeuvre des droits de la charte. Elle devrait également
entreprendre toute action tendant à stimuler les peuples francophones et francophiles à prendre
conscience des nouveaux droits et enjeux. Bien entendu, elle pourrait également assumer une
fonction consultative à l’égard des gouvernements et législateurs des pays membres. Elle
conseillerait les autorités publiques qui le demandent quant aux mesures qu’elle considérerait
adéquates pour promouvoir la francophonie juridique et les droits modernes. Institution de
coopération, elle pourrait être itinérante et ainsi siéger dans plusieurs pays.

Le style de rédaction de décisions de cet organe devrait être tel que l’exportation et
l’application de sa jurisprudence soient facilitées. Autrement formulé, ses décisions devraient

17
La réunion des juridictions nationales, telle la Conférence des cours constitutionnelles francophones, est à
encourager.
18
Jacques Chirac, discours à Hanoi, le 14 novembre 1997.

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être longuement motivées et devraient comporter, autant que possible, une analyse comparée
de l’état du droit sur le point litigieux dans l’ensemble des pays francophones. Il faudrait que
sa jurisprudence constituent de belles littératures juridiques. En ce sens, ce nouvel organe
devrait être composé de personnalités jouissant la plus haute considération intellectuelles dans
la pratique du droit dans leur pays respectif.

Par ailleurs, il serait tout intéressant d’avoir une encyclopédie juridique de droit comparé des
pays de droit français et d’inspiration française un peu à la manière de ce qui existe pour
l’ensemble des pays du Commonwealth19. Une telle encyclopédie inciterait les juges et
praticiens du droit à avoir un regard comparatif dans la recherche d’une solution aux cas de
figure nouveaux.

Conclusion

Les grandes communautés existent principalement qu’à travers les institutions qui les
représentent. L’histoire nous a montré comment des institutions fortes et dynamiques peuvent
accélérer la consolidation des liens entre les peuples. Les organes chargés de la construction
européenne en est la meilleure preuve récente. La Francophonie ne pourra s’exonérer de cette
réalité.

Sur le plan juridique, la Francophonie doit être plus visible et concrète. Compte tenu des
nouvelles données sur la scène internationale, elle doit, plus que jamais, être plus forte et
ambitieuse.

19
En effet, il existe une encyclopédie juridique de cinquante volumes intitulée « The Digest » qui expose l’état du
droit en Angleterre, en Irlande et dans les pays du Commonwealth.

Parvèz DOOKHY, Pour une Francophonie Juridique 5

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