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"1,2 milliard de Martiens"

-Us et coûtumes de deux planètes -

1,2 milliard de Marxiens (légations du communisme)...

1.2 MILLIARD DE MARTIENS © Copyrights depuis 1998 Benoît SAINT


GIRONS
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.
Toute exploitation commerciale est prohibée. En recherche d'éditeur.
http://www.passplanet.com / ben@passplanet.com
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“Mon école”, “mon avion”,... “Notre école”, “notre avion”,...
Demander la permission de Se servir
Admirer les resquilleurs Pratiquer la délation
Dégoût des uniformes, de la police et de Prestige des uniformes, de la police et de
l'armée l'armée
Droits de l'individu / La société est faite pour Devoirs de l'individu / L'individu est fait pour la
l'individu. société
Droits de l'homme au niveau individuel Droits de la société, droits collectifs
Gouvernement démagogique Gouvernement autoritaire
Etat omniprésent “Gouverne le mieux qui gouverne le moins”
Police garantie le respect de la vie privée Police se mêle de la vie privée
Puiser dans la “Grande marmite” de l'état “Petite marmite” de la famille
“Chaque chose à sa place” “Chacun à sa place”

Le monde à l'envers...
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Adresse de l'expéditeur en haut de En bas de l'enveloppe
l'enveloppe
Adresse s'écrit : nom/rue/ville/pays De la communauté vers l'individu :
pays/ville/rue/nom
Dates s'écrivent : Jour/Mois/Année Année/Mois/Jour ex : 98/12/31
Prénom puis nom de famille Nom de famille avant le prénom
Noms propres n'ont pas de sens Noms propres ont un sens mais nombre limité
(1)
“Rez de chaussée” “Premier étage”
Noir = couleur du deuil Blanc = couleur du deuil
Magazine se feuillettent de gauche à droite Magazine se feuillettent (parfois) de droite à
gauche
France au milieu du planisphère Chine au milieu du planisphère : le “pays du
milieu”
“Tous les asiatiques se ressemblent” “Tous les occidentaux se ressemblent”
Médecine biologique, chimique / Pharmacie Médecine herbale, naturelle / Boutique
d'apothicaire
“Tournez à gauche” “Tournez au Nord”
Calendrier grégorien Calendrier lunaire (pour les fêtes)
Boire à la bouteille les lèvres à l'intérieur Boire à la bouteille les lèvres à l'extérieur
“Moi” en désignant sa poitrine “Moi” en désignant son nez, origine de
l'individu.
Coeur = siège des sentiments Reins = siège des sentiments / Coeur = de
l'intelligence
Parisiens contre Marseillais Pékinois contre Cantonais
Jardins ordonnés “à la française” Savant désordre des “jardins chinois”
Premier janvier Nouvel an chinois
L'or Le jade
Instruments de musique occidentaux Instruments de musique chinois
Calculatrice Boulier
Jeux d'échecs occidentaux Jeux d'échecs chinois
Bronzer Blanchir
Passagers attendent bus Bus attend passagers
Le coq Le Panda
Appeler un taxi : lever la main Baisser le bras
(1) Si la Chine possède environ 3100 noms de famille, ¼ de la population n'en partagent que
cinq : Li, Wang, Zhang, Liu et Chen. Les prénoms ne sont pas non plus très variés ce qui
conduit à quelques difficultés de localisation.

Je mange, donc je suis...

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Manger lentement, proprement et sans faire Manger rapidement et sans convenances
de bruit
Marcher dans les crottes de chien Manger les chiens
Couverts et pain Baguettes et riz
Thé anglais avec sucre, lait ou citron Thé chinois au naturel
Grand crus de vin Grands crus de thé
Apporter des fleurs au cimetière Apporter de la nourriture au cimetière
Finir son assiette Laisser un peu de nourriture pour signe
d'abondance
Les souris aiment le fromage Les souris aiment le poisson (avec de la
sauce de soja)
Petit déjeuner sucré Petit déjeuner salé
Soupe en début de repas Soupe en fin de repas
Restaurant calme, intimiste à lumière tamisée Restaurant bruyant et bien éclairé
Salé ou sucré Mélange des genres : “sauce aigre-douce”
Jeter la tête du poisson, les pattes de La tête de poisson = le plus savoureux et
poulet,... nutritionnel
Bière et boissons servis frais Bières et boissons servis tièdes
Obésité = signe de maladie Obésité = signe de prospérité
“Bonjour, comment vas-tu ?” “Bonjour, as-tu déjà mangé ?”
Invitation chez soi Invitation au restaurant
Assiettes individuelles Partage des plats disposés au milieu de la
table

La toilette des blanchisseurs...

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Toilette sous la douche à l'eau chaude Toilette à l'aide d'une bassine d'eau froide
Caca tabou (Freud) Caca naturel (engrais)
Hygiène corporelle Hygiène vestimentaire
Couches culottes Fesses à l'air
W.C. à l'occidentale W.C. à la turc ou à la chinoise
Cracher son chewing-gum Cracher tout court
L'impolitesse des rois...

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Rester à distance respectable Tripoter son vis à vis avec des mains pleines
de doigts
Respecter le silence Faire du bruit
Aller à la poubelle Balancer ses papiers gras
Expliquer calmement son point de vue S'énerver, gesticuler et hausser le ton
Comportement "civilisé" Comportement "naturel"
Respect des affaires d'autrui Utilisation des affaires d'autrui
Force de l'argument : constat à l'amiable Argument de la force : constat à coups de
bâton
Attendre son tour, faire la queue Passer devant tout le monde

La politesse des rois...

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Colère, énervement devant contrariété Patience devant contrariété
Exagérer la critique, insulter Exagérer les compliments, complimenter
Arrogance Modestie
Mépriser l'autorité Respect de l'autorité
Ne plus se contrôler Se calmer rapidement et retrouver le sourire
Rancunier, esprit de vengeance Pas rancunier, “l'incident est clos”
Faire perdre la face Ne pas perdre la face
Se vanter du prix de son cadeau Rabaisser la valeur de ce que l'on offre
S'esclaffer et ouvrir le cadeau Recevoir sobrement et ne pas ouvrir le
paquet
Mine défaite lors de la perte d'un être cher Visage réjoui pour ne pas déranger autrui
Méfiance vis à vis des inconnus Générosité et curiosité vis à vis des inconnus
“Ne parle pas à un inconnu” “Hello” des enfants
Touristes en short Touristes en costume-cravatte
Tendre un objet à une main Tendre un objet à deux mains

La monnaie du peuple...

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Cacher son argent sale Montrer son fric glorieux
“Je vous souhaite la bonne année” “Je vous souhaite la richesse”
Faire fortune en gagnant au loto Faire fortune en travaillant
Consommer et emprunter Epargner et investir (en moy. 40% de leurs
revenus)
Chômage Petits boulots
Assistanat Travail obligatoire
Marques de ses vêtements cachés à Marques de ses vêtements cousus à
l'intérieur l'extérieur
Arnaques discrètes Arnaques au grand jour
Business & Co...

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Laisser ses hôtes souffler à l'hôtel Occuper ses hôtes toute la journée et toute la
soirée
“Pas d'amis dans les affaires” Affaires entre amis
Aller voir sa banque Aller voir ses amis
Contrats pris au sérieux Poignée de mains / Contrats sujets à
interprétations
Confrontation, concurrence Entente, consensus
Art de la persuasion Art de la manipulation
Donner une impression de sérieux Ne pas se prendre trop au sérieux
Convaincre Prédisposer son partenaire
Recours à la loi Arbitrage et compromis
Egalitarisme et assistanat Lutte pour la vie
Devenir fonctionnaire Devenir dirigeant d'entreprise
Construction avec poutrelles métalliques Echafaudages en bambous
Vendeuses dans les magasins inexistantes Vendeuses trop présentes

Cultures et loisirs...

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Sur la même musique, danse rock en solitaire Danse classique à deux (dans les
campagnes)
Respect des lieux religieux Temples "parc d'attraction"
Voyages dans le calme Voyages commentés
Films d'action : Stallone, Schwartzenegger,... Films de Kung Fu : Jackie Chan, Bruce
Lee,...
Combats violence Combats ballets (Jackie Chan)
Soirée disco / Danser Soirée Karaoke / Chanter
Promener son chien Promener son oiseau
Chiens d'appartements Poissons d'appartement
Photo artistiques Photos souvenirs de personnes
Peinture formes féminines Peintures d'ambiance (paysages)
Peinture abstraite Calligraphie
Théâtre parlé Théâtre chanté (opéra chinois)
Bridge Mah-jong
Gymnastique pour se défouler Taijiquan pour se ressourcer
Sports collectifs Sports individuels
Collectionner Spéculer
Styles de vies...

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Se coucher tard et se lever tard Se coucher tôt et se lever tôt
Pas ou peu de sieste Droit à la sieste inscrit dans la Constitution
Voiture Vélo
Arrêter la climatisation Pousser la climatisation à fond (et
s'enrhumer)
S'asseoir S'accroupir
Vitesse, performance, stress Sérénité, tranquillité, lenteur
Lentilles de contact Grosses lunettes
Boucles d'oreilles pour les garçons Cigarette sur l'oreille
Amour immodéré des animaux Cruauté envers les animaux

Pensées & Comportements...

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Action / Agressivité Ordre / Accommodement
Urgence Patience
Klaxonner pour engueuler Klaxonner pour prévenir
Etre original, sortir du rang S'affirmer mais dans un cadre bien défini
Vie énergique Vie calme
Altruisme Désinvolture face aux problèmes des autres
Sourire de contentement, de joie ou de plaisir Sourire aussi pour cacher son embarras
Innover / Imagination “Je transmets, je n'invente rien” (Confucius) /
Imitation
Pessimisme / Etre défaitiste Optimisme / Avoir confiance
Raisonnement par induction et déduction Logique et bon sens
Valeurs cartésiennes Valeurs confucéennes
Logique de l'exclusion, des contradictions Logique de l'inclusion : “Un se divise en deux”
Le yin, le yang et la famille...

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Rapports sexuels avant le mariage Rapports sexuels après le mariage
Mariage = affaire individuelle et romantique Mariage = affaire de famille et raisonnable
“Prendre femme” “Prendre belle-fille”
Femmes fument Hommes fument
L'individu La famille
Aide de l'état Aide de la famille
Esprit aventureux “Les parents en vie, on ne s'éloigne pas”
(Confucius)
Allocations familiales Pénalités au 2ème ou 3ème enfant
Familles éclatées : une génération par toit Trois générations sous le même toit
“Bonjour cousin” “Bonjour le plus jeune fils du frère de mon
père” (1)
Dépendre financièrement de ses parents Obtenir très tôt son indépendance financière
Vivre séparé de ses parents Vivre chez ses parents
Verser de l'argent à ses enfants Verser de l'argent à ses parents
Relation mère-enfant Relation famille-enfant
Lors d'un naufrage, sauver sa fille Lors d'un naufrage, sauver sa mère
Erotisme au quotidien Interdiction de l'érotisme
Sex shops Grands magasins
Concubinages & divorces Mariages & stabilité du couple
Femmes = Sex appeal Femmes = Maternité

(1) En tout, le statut de cousin ou de cousine est exprimé de 16 manières différentes

Religions, superstitions et billevesées...

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12 signes du zodiaque 12 animaux (1)
Influence des planètes Influence du Fengshui (courant énergétique
“vent eau”)
N°13 N°4 (se prononce de la même manière que la
mort)
Bureau en face de la porte Bureau en retrait pour que l'argent ne se
sauve pas
Dons du sang et dons d'organes “Arrache-toi un cheveux et tout ton corps en
souffrira.”
Fleurs pour la maîtresse de maison Fleurs pour les malades
Dragon malveillant (St Michel le terrasse) Dragon bienveillant
Crainte de la mort / Mort sujet tabou Mort naturelle
“Faire une tête d'enterrement” Réjouissances, musiques et danses lors des
funérailles
Catholicisme Syncrétisme : Bouddha + Confucius + Laozi
(taoïsme)
Paradis Réincarnation

(1) Dans l'ordre : rat, boeuf, tigre, lapin, dragon, serpent, cheval, mouton, singe, coq, chien et
cochon. Le Dragon est bien sur l'animal le plus populaire puisque supposé attirer chance et
pouvoirs, à l'instar de Deng Xiaoping, né en 1904. Les prochains dragons sont attendus en
l'an 2000...
L'éducation...

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Ecriture banale facile à apprendre Ecriture-art fastidieuse à apprendre (60 000
signes)
Punitions verbales Châtiments corporels / Education au bâton
(1)
Manque de discipline Respect du professeur
Universités de masse Universités très sélectives
Questionner le professeur (ou le docteur) Ecouter le professeur (et le docteur)

(1) Le caractère enseigner (jiao) est formé du caractère vieux (pour le professeur), du
caractère enfant (pour l'élève) et du caractère battre (pour la méthode). L'ouvrage classique
les Trois Caractères affirme : “Les maîtres qui ne sont pas sévères dans l'accomplissement
de leurs devoirs sont des maîtres inutiles” et le proverbe renchérit : “Il vaut mieux être sévère
d'abord et compréhensif ensuite.”
"1,2 milliard de Martiens"

- Avant Propos -
Benoît SAINT GIRONS

Ce livre est le fruit de frustrations, d'amusements, d'énervements, d'incompréhensions,... de


tous les sentiments contradictoires et parfois violents qui guettent l'occidental en séjour en
Chine. Ce livre, tous les voyageurs ayant vécu au contact des "vrais" chinois (j'entends par là
faire la distinction entre les chinois des campagnes et les officiels des bureaux, Ministères et
autres ambassades) ont sans doute un jour rêvé de l'écrire... ou de le voir écrit. Ce livre est
direct, cynique, sarcastique, ironique toujours, exagéré souvent, méchant parfois. Ce livre
traite des chinois : de leurs coutumes, de leurs modes de vie mais surtout de leurs
différences. Qu'est-ce-qui fait de la Chine un monde à part assimilable à une autre planète ?

Bienvenu sur la planète rouge ! Que tous les voyageurs veuillent bien s'assurer qu'ils n'ont
pas oublié leur sens de l'humour avant de débarquer : la visite est placée sous le signe du
pamphlet. Du moins en première partie. N'ayant pas trouvé de pseudonyme satisfaisant et
désireux de retourner en Chine, j'ai en effet pris le parti de placer un garde fou en parallèle à
mes "provocations". Rédigés avec soin par mes soins, ces paragraphes intitulés "Plus
sérieusement” tentent, lorsque c'est possible, de "rendre justice" aux chinois, d'arrondir un
peu les angles des pavés lancés dans la mare voire de rectifier le tir. Bref : d'ajouter un peu
de perspectives à mes caricatures. Car, cela va de soi, nous sommes tous les martiens de
quelqu'un d'autre !

Le lecteur ne se méprendra donc pas sur mes intentions. Au delà d'un style volontairement
coloré, l'objet de cet ouvrage n'est ni de "casser" du chinois, ni de démontrer à nouveau à
quel point nous français nous estimons "supérieur". J'aime la Chine et j'aime les chinois...
même si je suis en général aussi content de la/les quitter que de la/les retrouver. J'ai
également beaucoup de respect pour la culture chinoise. Au passé : voilà un peuple qui a
quasiment tout inventé (1) : de l'imprimerie à la boussole en passant par les cerfs-volants, la
civilisation est ce qu'elle est grâce à la Chine. Au présent : des arts-martiaux à la médecine
douce en passant par les penjing (“paysage dans un pot”, plus connus sous le nom de
“bonsaï”), nous avons encore beaucoup à apprendre des chinois.

L'objet de ce livre n'est pas non plus d'engager un quelconque débat politique : s'il m'arrive
d'ironiser sur le régime de Pékin, il s'agit davantage d'une logique de "style" que d'une réelle
volonté polémiste. La critique est bien facile vue de l'extérieur. Mais si l'on se place du point
de vue chinois, si l'on garde à l'esprit que la Chine est un pays en développement vingt et une
fois plus peuplé que la France, alors on se rend vite compte qu'un régime "fort" reste
indispensable : il y a encore trop de problèmes (65 millions de chinois qualifiés de "pauvres"
ne gagneraient encore que 300 francs par an), trop de disparités entre les régions (les 900
millions de paysans ne gagneraient encore que 39% du salaire moyen des citadins) pour
permettre une réelle liberté d'expression c'est-à-dire une opposition politique structurée.

Le Premier ministre Li Peng déclarait en 1994 lors de sa visite en Allemagne “Si un homme
politique occidental se déclare capable de nourrir et de vêtir douze cents millions de chinois
avec des méthodes occidentales, c'est avec joie que la Chine le reconnaîtrait comme
président !” Personne ne s'étant porté volontaire, ce sont les méthodes chinoises qui
continuent de prévaloir. A ce titre, il est intéressant de noter que l'idéogramme qui désigne le
gouvernement (ZHENG) est formé de deux caractères : l'un signifie fermeté, l'autre battre,
frapper légèrement. (2) Explication culturelle mise à part, l'histoire récente a également
montré, en ex-URSS par exemple, que la "démocratie" du jour au lendemain provoquait le
chaos et le morcellement. C'est peut être triste à écrire mais le communisme à la chinoise
demeurera donc sans doute un mal nécessaire pour encore quelques dizaines d'années...

J'invite également le lecteur à se reporter à d'autres sources pour obtenir les dernières
statistiques de l'économie chinoise. En ce qui me concerne et sauf crise politique grave, je ne
vois pas très bien ce qui empêchera la Chine de se hisser rapidement (c'est-à-dire d'ici à une
vingtaine d'années) aux tous premiers rangs économiques. Le XXIème siècle sera
inévitablement chinois du fait de la conjonction de plusieurs facteurs :

• La Chine est le pays le plus peuplé au monde. Si en 2025 le revenu moyen par
chinois atteint le niveau actuel des taiwanais, la Chine sera de loin la première
puissance économique du monde : 1.5 fois la taille des Etats-Unis et de 75 à 80% de
la taille des économies des Etats-Unis , du Japon et des pays européens de l'ouest
combinées.
• La diaspora chinoise est disséminée dans tous les pays développés ou en
développement. Ces 55 millions de personnes, au delà de la nationalité de leur pays
d'accueil, restent sentimentalement attachés à la terre de leurs ancêtres et, s'ils en
ont les moyens, y investissent massivement, à l'instar de la famille "Thaïlandaise"
Chearavanant (du groupe "Charoen Pokphand") qui fût en 1994 le premier
investisseur en Chine avec 2 milliards de dollars.
• Le sens entrepreneurial et le goût de l'effort des chinois, légations de Confucius, ne
sont plus à démontrer. “Si vous voyez un entrepreneur chinois sauter par la fenêtre,
suivez-le, il y a sûrement de bonnes affaires à faire” dit la maxime... “Laissez un
chinois travailler, il fera un miracle” renchérit Max Weber. Dans toute l'Asie, Japon
mis à part, les grosses fortunes sont le fait de chinois et les économies sont souvent
à dominance chinoise : En Indonésie, les chinois représentent 3% seulement de la
population mais contrôlent 75% du capital (hors terres agricoles) du pays. Même
chose en Thaïlande : 12% seulement des thaïlandais sont d'origine chinoise mais ils
revendiquent 81% de l'économie. N'oublions pas non plus les Philippines, la Malaisie
ou Singapour ... (3)
• Toutes les nations industrialisées se pressent aux portes de la Chine pour y exporter,
qui leurs technologies, qui leurs produits. Les chinois prennent, assimilent et
rapidement produisent. La première centrale nucléaire à Daya Bay est française, la
seconde est déjà beaucoup plus teintée de rouge...
• Les chinois sont fiers, orgueilleux, pragmatiques, forts en gueule et conscients de
leur puissance. La diplomatie chinoise est celle d'un géant et la Chine, tout comme la
France, possède l'arme atomique et est membre permanent du Conseil de sécurité
des Nations unies. Rappelons-nous ce que disait Deng Xiaoping : “Aucun pays
étranger ne doit s’attendre à ce que la Chine devienne son vassal, ni à ce qu’elle
avale des couleuvres au détriment de ses intérêts. »

Je souhaite aussi par avance m'excuser auprès des lecteurs chinois : il est possible qu'ils ne
se reconnaissent pas tous dans mes portraits au vitriol. Ce livre traite en effet du général et
non du particulier : de la Chine à Hong Kong en passant par Taiwan, Singapour ou les pays
de la diaspora, de Pékin à Canton en passant par Shanghai ou Ürümqi, des villes aux
campagnes en passant par les autoroutes, des Han aux quelques 55 minorités nationales (80
millions de chinois s'opposent en fait plus ou moins ouvertement à la culture chinoise des
Han), il n'y a pas un mais des chinois. Beaucoup de chinois. Dans cet ouvrage et sauf
indication contraire, le terme chinois désignera donc un Han de la République Populaire de
Chine vivant, comme 80% de ses compatriotes, à la campagne. Mais, à l'inverse, de
nombreux "non-chinois" sont susceptibles (tant qu'ils ne sont pas rancuniers !) de rentrer
dans mon cahier de doléances : le bruit et les papiers gras sont par exemple le lot commun
de presque tous les pays en développement. La Chine a toujours été source d'inspiration...

Une dernière remarque avant d'entrer dans le vif du sujet : j'ai, cela va de soi, un respect
immodéré pour nos amis Martiens. S'ils existent, ils peuvent probablement nous enseigner
beaucoup de choses. Et s'ils n'existent pas, et bien disons alors que je viens, en toute
modestie, de les inventer !

_______________

(1) Toutes les inventions chinoises sont admirablement répertoriées dans l'ouvrage
de Robert K.G. Temple "Quand la Chine nous précédait" aux éditions Bordas.
(2) Les personnes intéressées par la formation des idéogrammes chinois pourront se référer
à l'ouvrage de Edoardo Fazzioli "Caractères Chinois" aux éditions Flammarion, 1987
(3) Etude de l'OECY de 1996 citée par Serge Bésanger dans son ouvrage "Le Défi Chinois"
aux éditions Alban, 1996.

- Chap 1 : La Civilisation du Bruit -


Benoît SAINT GIRONS

Si en Occident le silence est d'or ou de plomb il est, dans la stratosphère chinoises, de bien
moindre valeur. Car s'il était d'or, le chinois serait le plus calme et le plus silencieux des
hommes. Et s'il était de plomb, il aurait déjà trouvé le moyen de le transformer en or...

Le chinois est bruyant. Viscéralement. Naturellement. Gentiment. Le fait de vivre entassés les
uns sur les autres aurait pu les conduire à édicter des règles draconiennes de contrôle du
niveau sonore. Des camps de rééducation pour ronfleurs aux exécutions par Karaoke, les
moyens étaient vastes. Ils ont préféré une autre voix/voie : couvrir le vacarme du voisin en
faisant plus de boucan que lui ! Le premier chinois à faire du bruit n'est pas resté dans
l'histoire mais il n'a pas tardé à être copié !

Pris dans l'engrenage du "toujours plus fort", emporté par un puissant besoin d'émulation,
poussé par l'orgueil chinois à faire pire que son voisin, les chinois ont perfectionné et enrichi
leur panoplie de techniques, inventant au passage le pétard et la poudre à canons. Le calme
et le silence sont de toute évidence insupportables pour les oreilles chinoises. Un chinois
partira donc se promener dans la montagne avec un énorme transistor et il s'évertuera à
donner au lever du soleil plus d'éclat (de voix) en rajoutant une bande son en version
originale : “Aaah ! Oooh ! Khaan !” (hao kan, joli). Ce jour là, sur la montagne bouddhiste
Emeishan, à 3099 mètres d'altitude, le soleil eu tellement peur qu'il resta caché derrière les
nuages...

Le chinois n'a intrinsèquement besoin d'aucun accessoire pour faire du bruit : une paire de
cordes vocales suffit en général à satisfaire ses besoins vitaux. Son utilisation n'est toutefois
pas la même selon les régions : le chinois compte 6 dialectes majeurs en dehors du mandarin
et une multitude de variations locales. Parmi ces premiers, le cantonais du sud de la Chine et
de Hong Kong décroche facilement le Trophée Quies de la langue la plus assourdissante : on
ne parle pas le cantonais; on l'aboie ! De fait, dans les restaurants de Hong Kong, le
téléphone portable semble indispensable pour communiquer avec la personne assise en face
de soi et les annonces par haut parleur n'ont rien à envier aux messages des halls de gare
parisiens : “Le chien tatoué X347 à destination de la table 21 partira de la cuisine centrale à
12h03...”

Tous les chinois n'ont évidemment pas la chance d'habiter plein sud et de pouvoir pratiquer
ce genre de cannibalisme culturel. Le "parler-chien" est néanmoins utilisé à l'échelon national
pour signifier un certain agacement ou exprimer son mécontentement. Le responsable des
bains publics d'une des écoles de Kung Fu de Shaolin était, avec son épouse,
particulièrement doué pour ce genre de métamorphoses. Au lieu d'expliquer calmement son
point de vue, il montrait les dents et se lançait dans une série de jappements hargneux. -
“Excusez-moi mais je ne parle pas chien”. Logique redoublement des injonctions... Au bout
d'un moment, après avoir rongé son os, il finissait toutefois par retrouver figure humaine...
jusqu'à la prochaine crise. Compatissons : il a de toute évidence été lui aussi mordu par un
chien radioactif exposé à une trop forte dose de rayons gamma. Une vraie épidémie...
L'égalité devant le bruit, n'en déplaise à 50 années de régime communiste, n'est pas non plus
la même selon les revenus. Les plus riches chinois font égoïstement du bruit en famille ou
entre amis : la prospérité permet l'isolement. Les classes moyennes, plus généreuses, font
bénéficier leurs voisins de leur télévision ou de leur machine à Karaoke dès le soir venu.
Malheureusement, leurs revenus ne leur permettent pas encore de s'offrir des cours de
chants mais, comme on dit, c'est l'intention qui compte. La Chine ne sera économiquement
développée que lorsque tous les foyers seront équipés d'un Karaoke. Et lorsque la Chine
s'époumonera, le monde tremblera ! En attendant ce jour, les pauvres chinois participent
également, à leur faible échelle, au vacarme général : en ville, un marteau et un clou feront
l'affaire; à la campagne, un chien sera plus commode.

Mes voisins à Shaolin étaient des gens charmants. Leur chien n'était pas moins adorable. Ce
dernier, tous les soirs, s'évertuait à me rappeler que j'étais en Chine. Au bout de deux
semaines, n'y tenant plus, je décidais d'aller me présenter à ses soins. Surprise ! Il ne
s'agissait pas d'un chien errant comme je l'avais d'abord imaginé : c'est sur le toit d'une
maison qu'il faisait ses vocalises. Discussion avec les propriétaires, un couple de vieux
chinois : - “Peut-être pourriez-vous expliquer à votre chien qu'il est ridicule d'aboyer après
les étoiles ?” - “Mais, me répond tristement la vieille femme, c'est impossible, il ne parle pas
le chinois !” Encore heureux pensais-je : s'il aboyait du chinois, ce serait tout simplement
insupportable... Maintenant que faire ? Demander à ces braves gens de frapper leur bête
parce qu'il fait du bruit ? Et pourquoi pas appeler le réparateur parce que le Karaoke abuse
des décibels ! Ou encore lui demander d'inspecter les haut-parleurs sur le toit d'un autre
voisin : du bruit en sort dès que ce dernier branche sa chaîne "hi-fi" ! Soyons sérieux ! Faire
l'animation du village est le devoir sacré de tout chinois normalement constitué. De fait, le
chien n'est pas véritablement responsable : il ne fait que suivre la voix/voie de son maître, il
obéit aux directives... Je fis donc mes adieux et, stimulé par les aboiements, commençai la
rédaction de cet ouvrage.

Le bruit ne gêne que ceux qui n'en font pas et les chinois sont, de ce point de vue là, depuis
longtemps immunisés. Les bouchons d'oreilles les laissent perplexes. - “A quoi cela sert-il ?” -
“A rendre la Chine plus calme” - “Hein ?!?!” Il est vrai que nos accessoires d'occidentaux se
révèlent bien inefficaces face à l'expertise chinoise. Cette nuit là, je les avais pourtant mis et,
ma foi, avais trouvé rapidement le sommeil. Il faut dire que j'étais seul dans la cabine du
bateau assurant en trois jours la descente du Yangzi, depuis la ville de Chongqing, pour la
curiosité de 800 chinois et d'un français égaré. Les chinois étaient partis en excursion et,
sans les chinois, la Chine est calme. Tremblement de terre vers 1h du matin : mes 10
colocataires reprennent possession de notre placard à 8 lits (sur deux niveaux). La visite leur
a apparemment plu et les enfants ne sont pas les derniers à manifester leur enthousiasme.
Mais pour moi qui étais sous les cocotiers, le réveil est pénible. Bienvenu en Chine ! Je
décide alors moi aussi de participer à la fiesta et me mets à hurler le premier couplet de notre
bonne vieille Marseillaise. Miracle ! Notre hymne guerrier est efficace : les chinois se taisent,
tétanisés d'effroi. Ils voyagent en compagnie d'un fou furieux ! On leur avait dit que les
étrangers étaient bizarres mais à ce point ! Mieux vaut ne pas trop le déranger. Faîtes
attention les enfants...

Le bruit est, dans le dictionnaire chinois, associé à la voix (zaosheng, caozasheng). C'est tout
à fait logique. D'une part parce que la voix est effectivement souvent bruyante et, d'autre part,
parce qu'à l'époque de la formation des idéogrammes, les Klaxons de voiture n'existaient pas.
C'est apparemment un point commun à tous les pays d'Asie en développement : construire
la voiture autour du Klaxon. S'il fonctionne, tout fonctionne. Conduire, c'est en effet klaxonner
et apprendre à conduire, c'est apprendre à klaxonner à bon escient... c'est à dire n'importe
quand ! Les chinois ne klaxonnent pas comme en occident pour réveiller les chauffeurs
endormis ou insulter les chauffards mais plutôt pour prévenir de leur arrivée. Deux traductions
possibles : “Attention, poussez-vous, j'arrive !” (lorsqu'il y a quelqu'un sur la route) ou bien
“Regardez tous ma belle voiture !” (lorsque la route est déserte). Nul doute que dans
quelques années, lorsque la voiture ne sera plus réservée à une élite, les grammairiens se
pencheront à nouveau sur le dictionnaire...

Plus sérieusement...
Ce chapitre parle souvent de chien. Sans doute parce que je dois à un chien l'idée de cet
ouvrage. Loin de moi la volonté de renouveler l'insulte des anglais qui avaient, à l'époque
coloniale, interdit l'entrée d'un parc de Shanghai aux chiens et aux chinois. Les chinois sont
d'excellents acteurs et leurs colères généralement des mises en scène. Ce sont également
de grands observateurs du monde animal, comme en témoigne le Kung Fu dit des "animaux".
C'est dans ce contexte que la mimique canine doit être analysée : un habit que l'on enfile
pour impressionner l'interlocuteur et que l'on retire aussitôt le but atteint. Il n'est pas évident
que les occidentaux qui montrent les dents soient aussi bien au contrôle de leurs émotions...
Ne pas comprendre la langue de ses interlocuteurs amplifie aussi la tentation d'avoir recours
à l'analogie animale. Le cantonais, ses sept tons et la quasi obligation culturelle de le hurler
représente la cible idéale. A l'inverse, la plupart des visiteurs reconnaissent dans le mandarin
une langue relativement mélodieuse. Opéra traditionnel chinois mis à part, bien évidemment...

Il serait injuste de ne pas signaler que la Chine possède également ses zones de silence.
Histoire sans doute de justifier la présence dans le dictionnaire de trois mots différents. Le
silence, c'est d'abord la tranquillité en haut et en bas de la maison (jijing ). C'est aussi
l'absence de voix (wusheng ). C'est enfin une personne qui est réticente à
communiquer (chenmo ). Le silence n'existe donc pas véritablement en lui-même mais
se traduit plutôt par l'absence de quelque chose ou une volonté familiale d'être au calme chez
soi. Et pourtant, malgré tout, le calme surprend quelque fois : en mâtinée, dans les parcs, lors
des séances de Taijiquan ou à midi, lorsque les chinois font leur sieste. Une expérience
paranormale fut également développée par une municipalité : l'interdiction de klaxonner dans
les rues de Xiamen. Je ne sais pas ce qui est le plus surprenant : qu'un chinois ait eu une
telle idée ou bien que les chinois arrivent à respecter l'interdiction. Quoi qu'il en soit, cette ville
est, de fait, une véritable oasis ainsi qu'un espoir pour les 2.4 milliards oreilles chinoises...

Les villes chinoises finiront-elles par être calmes ? L'initiative de Xiamen semble avoir été
reprise par d'autres municipalités et il n'est plus rare de voir des panneaux représentant un
Klaxon barré de rouge à l'entrée des villes. S'ils sont encore malheureusement peu compris
des automobilistes, l'intention de limiter les décibels d'un nombre croissant de véhicules à
moteur finira bien par s'imposer. Dans le cas contraire, la nostalgie du "tout vélo" pourrait
alimenter des ressentiments chez les citadins. Car, cela va de soit, le chinois, en dehors de
son vacarme personnel et malgré une réelle tolérance au bruit, aspire lui aussi à la tranquillité.

Pour terminer, nous constaterons que les français respectent de moins en moins la quiétude
de leurs voisins, que nos transistors et animaux font autant de bruit que ceux chinois, qu'une
société en construction utilise davantage le marteau qu'une société développée, et que, de
toute façon, une société sans bruit est une société morte ! De ce point de vue là, pas de
doute : la Chine est bon vivant et bien vivante !

Survivre en Chine...

• Emporter des bouchons d'oreilles. Pas seulement utiles lorsque l'hôtel possède un
Karaoke mais également pour se protéger les tympans des coups de Klaxons lors
des longs trajets.
• Emporter son propre bruit. Après quinze jours de musique chinoise, cela fait du bien
de "s'isoler" avec son Walkman. Acheter une chaîne Hi-fi permettra à ceux résidant
sur place de couvrir le bruit par le bruit.
• Confronté à une mise en scène chinoise, jouer le jeu du spectateur. Monter sur scène
n'est recommandé qu'à ceux qui savent contrôler leurs émotions. Se moquer des
acteurs est également un jeu dangereux : à l'avenir, le théâtre risque de vous être
interdit. Aux hurlements, répondre par des chuchotements. Aux trépidations, par une
sérénité clairement affichée.
• Apprenez à vous couper du monde extérieur en faisant, par exemple, des exercices
de méditation. Dans une rue bruyante et polluée concentrez-vous sur vos pas, sur le
contact de vos pieds avec le sol. A éviter toutefois lorsque vous traversez une rue
chinoise...
• Soyez patients et philosophes ! Dîtes-vous que le bruit est souvent une manifestation
du caractère enjoué et joyeux des chinois...
- Chap 2 : La Fenêtre Poubelle -
Benoît SAINT GIRONS

“Pékin est plus propre que Paris” m'affirme un chinois tout en crachant par terre. Il est vrai en
effet que l'on ne risque pas de marcher dans une crotte de chien dans la capitale chinoise : à
quelques riches exceptions près, les chiens sont rares dans les villes. Il est vrai aussi que les
autorités soignent les lieux touristiques et que pas un étudiant ne traîne sur la place
Tiananmen. Mais Pékin reste peuplé de chinois et Pékin n'est pas la Chine.

Ne vous avisez surtout pas de vous promener le long d'une voie de chemin de fer. Ou alors,
munissez-vous d'un casque de chantier. Un coup d'oeil à vos pieds et vous comprendrez
pourquoi : chaque train déverse son lot de détritus et de bouteilles vides en verre qui
explosent dans la nature. Tout balancer par la fenêtre est en effet une habitude culturelle. A
tel point que des campagnes de sensibilisation étaient régulièrement lancées à la télévision
de Hong Kong. Du genre : “Si vous jetez une bouteille du 30ème étage de votre immeuble et
que quelqu'un se la prend sur la figure, ça peut lui faire mal et donc ce n'est pas bien !”
Transposition locale de la mésaventure du pot de fleur : l'insouciance chinoise contre
l'accident occidental; le danger culturel contre le risque de la ville...

Une canette de Jianlibao, une excellente boisson locale à l'orange et au miel. Deux
inscriptions en anglais rappellent qu'il ne faut pas jeter la bouteille sur la voie publique.
Aucune inscription en chinois. Logique. Interdire à un chinois de jeter ses papiers par terre
équivaut à lui interdire de respirer : il essayera un moment puis sera obligé de reprendre ses
habitudes.

Un groupe de jeunes chinois de Hong Kong descend en file indienne l'un des nombreux
sommets du Mac Lehose Trail, le sentier de randonnée de 100 kilomètres des Nouveaux
Territoires. Le dernier de la file est en train de se moucher dans un kleenex. “Tu vas voir qu'il
va le balancer” Je m'approche discrètement. Gagné ! Le mouchoir atterrît dans les herbes.
“Qu'est-ce que ça veut dire ?!?” Le garçon sursaute : ma grosse voix lui a fait peur. Il ne
comprend pas l'anglais mais mon intonation est suffisamment éloquente. Il a du faire quelque
chose de mal. Je lui montre du doigt. Il comprend aussitôt et, sans discuter, va aussitôt
ramasser son bien. Autre moment de gloire, cette fois à Shaolin : une touriste balance sa
bouteille en plastique au moment où je la dépasse en courant. Je lui lance sans m'arrêter et
en français : “Et les poubelles bordel !” Du coin de l'oeil, je la vois aussitôt se baisser. Grâce à
moi, la Chine est donc un peu plus propre. On distribue des médailles pour moins que ça !

Les chinois semblent donc bien conscients de leur mauvaise attitude, du moins à posteriori :
une remarque suffit à leur faire retrouver un sens civique minimum. Les campagnes
d'éducation lancées à la télévision n'y sont sans doute pas pour rien. On y voit tout d'abord
des chinois s'exerçant à leur activité favorite : décorer nonchalamment les trottoirs. Soudain,
une petite fille se baisse pour ramasser une peau de banane sous le regard horrifié de sa
maman. Mais elle comprend rapidement (elle avait du lire le scénario) : sa fille court la mettre
dans la poubelle la plus proche. La scène finale tient de la science fiction : tous les chinois
ramassent leurs détritus; la rue devient nickel; les passants sourient d'extase ! Le slogan
officiel : “The city is clean. The people are healthy” (La ville est propre. Les habitants sont en
bonne santé).

En attendant que le bourrage de crâne fasse son effet ou que Pékin décide d'appliquer une
politique plus coercitive, revenons à la réalité. Tout comme le petit poucet, le chinois laisse
systématiquement trace de son passage. Impossible de se perdre en montagne ou dans la
forêt : les détritus guident les promeneurs. Le chinois a besoin de garder un contact visuel
avec la société de consommation. Les poubelles chinoises sont donc souvent ouvertes ou
trouées : avec un peu de chance ou d'habilité, ce que l'on jette d'un côté ressort de l'autre. La
poubelle (souvent en forme d'animal) ne contient pas alors les détritus mais les signale : “Ci-
gisent les rebuts du peuple !”

Cela facilite en tout cas la tâche de toutes les personnes dont le métier consiste à fouiller
dans les poubelles pour en extraire les matières précieuses. Le recyclage en Chine se fait à
la source. Les canettes métalliques sont les plus recherchées : elles se revendent 10
centimes. S'il en faut donc 20 pour en acheter une pleine, 7 suffisent pour s'offrir un bol de riz.
La faim justifie les moyens...

Qui dit ordure dit à priori ramassage des ordures. A Hong Kong, cette tâche semble être
exclusivement dévolue au troisième âge désargenté. Voir les petites vieilles, courbées en
deux, pousser leurs chariots d'immondices relativise quelque peu l'idée que l'on se fait du
respect oriental des personnes âgées et aide à comprendre la saleté de la ville. Faute d'un
service de ramassage structuré, les ruelles mal éclairées sont laissées à l'abandon, pour le
plus grand bonheur des rats et autres bestioles qu'il vaut mieux ne pas définir. Qui oserait
encore prétendre que les chinois sont cruels envers les animaux ?

Dans les villages chinois, c'est encore mieux : chaque maison possède sa décharge. Ou
plutôt ses décharges; une par fenêtre ! Pas de jaloux ! De temps en temps, on ramasse pour
déverser chez le voisin, sur les voies communes ou, plus rare, dans de grands containers.
Dans ma première école de Kung Fu à Shaolin, la grande toilette avait lieu une fois par
semaine. Au mieux. Les jours ordinaires, les étudiants se contentaient de laver
superficiellement à coups de bassines d'eau la cour où avait lieu, en théorie, les repas. Le
reste du bâtiment était négligemment abandonné aux ordures des élèves-locataires. Pelures
de fruits, bouteilles vides ou morceaux de viande décoraient les escaliers et les terrasses.
Mais pour jouir du plus beau spectacle, il fallait se pencher au balcon : la petite allée qui
sépare l'école d'un autre bâtiment faisait office de dépotoir. Pratique : juste sous les fenêtres
des chambres mais en dehors de la juridiction de l'école. Pas besoin donc de la nettoyer et
encore 1m50 de marge avant de devoir condamner les fenêtres !

Le Kung Fu comporte des positions bizarres : tous les murs de ma chambre étaient couverts
de traces de pieds. Pensant y séjourner une année et constatant que mon professeur
refaisait sa chambre à neuf, je lui demandai de faire preuve de politesse à mon égard en
donnant un coup de balai. Même pour la Chine, ce n'était pas du luxe : mes pas s'imprimaient
dans la poussière et le dessous des meubles cachaient des trésors archéologiques : vieilles
chaussures, emballages plastiques, cartes à jouer,... Une expédition composée de quelques
valeureux étudiants fût aussitôt organisée. Premier objectif : repeindre les murs. Enfin,
repeindre est un bien grand mot. “Etaler en quelques endroits un liquide blanchâtre à l'aide
d'une sorte de rouleau à pâtisserie” serait plus approprié. Une heure plus tard, les murs
étaient toujours aussi sales mais le sol était joliment décoré de tâches blanches. L'étape
suivante n'eut jamais lieu : c'était l'heure du déjeuner et l'on avait apparemment servi des
aliments aux propriétés amnésiques. J'en fus donc quitte pour tester moi-même l'inefficacité
des balais chinois...

En République Populaire de Chine, la propreté des lieux publics et touristiques repose sur les
épaules de personnes relativement âgées. Armées d'un large balai, on les voit aux aurores
lustrer la surface polie de la Chine, les lieux où la propreté doit être vue, les endroits
d'apparence... Mais dès que l'on s'éloigne du troupeau des touristes, la crasse reprend vite
son droit de cité. Dans les lieux touristiques difficiles d'accès, en montagne par exemple, on
ne s'embarrasse pas outre mesure : le ticket d'entrée permet de voir la cascade et ses rebuts.
Nombreux les rebuts puisqu'il s'agit d'un lieu de picnic : je m'arrête, je bouffe, je balance mes
sacs plastiques, je me fais photographier au milieu de la décharge et je repars. Je suis un
touriste chinois.

Retour sur la montagne Emeishan. Le paysage au sommet est magnifique mais c'est surtout
pour le caractère religieux que les chinois font le pèlerinage en masse. Je m'approche du
rebord pour tenter de discerner la vallée au travers des nuages. Oh sublime vision ! Tout un
versant de la montagne est couvert de détritus ! Pas de doute : jeter ses papiers est ici un
rituel religieux et pour que l'offrande aux divinités soit visible jusqu'à l'an prochain, les chinois
prennent soin de les disposer dans des lieux impossibles d'accès ! Car à moins d'avoir des
notions d'alpinisme, l'équipe de nettoyage ne pourra que constater la dévotion de ses
concitoyens...

Plus sérieusement...

En 1937, Lin Yutang notait dans son ouvrage référence "La Chine et les chinois" (1)
l'absence de sens et de discipline sociaux de son peuple et reprochait à Confucius d'être à
l'origine de l'égoïsme chinois. C'est, selon l'auteur, parce que Confucius “omit d'inclure parmi
les rapports sociaux ceux de l'homme envers l'étranger”, "étranger" signifiant ici "hors du
cercle familial", que des voisins se balancent des ordures à la figure. En dehors de ma famille
et de mes proches amis, point de salut et chacun pour soi ! Le taoïsme, la doctrine de Laozi
qui prône le "non-agir" , la non intervention dans le cours naturel des choses (entre autre) a
sans doute aussi sa part de responsabilité : a quoi bon se plaindre si le voisin déverse ses
ordures devant ma porte... Laissons le faire et faisons pareil ! Suivons le cours des choses...
ne nous embarrassons pas d'aller jusqu'à la poubelle !

A chacun sa technique : le français fait l'effort d'aller jusqu'à la poubelle; le chinois fera l'effort,
périodiquement, de nettoyer son périmètre. Le français mâche le travail des balayeurs; le
chinois donne du travail aux balayeurs. Le français crache son chewing gum (on en trouve 15
au mètre carré dans les zones urbaines et jusqu'à 60 aux alentours des fast food des
Champs Elysées); le chinois crache tout court. Le français dit que ça porte chance; le chinois
que c'est interdit... Chacun ses moyens : la France dépense des sommes considérables et
les trottoirs conservent malgré tout par endroit les caractéristiques de patinoires. La Chine
dépense trois fois rien et les trottoirs conservent plus durablement leurs papiers gras. Le
rapport résultat/coût est sans doute à l'avantage des chinois... Chacun son époque : il n'y a
pas si longtemps, le gouvernement français tentait lui aussi d'éduquer ses administrés avec
des campagnes en forme de nez de cochon (“Oh le beurk !”). La Chine a peut être tout
simplement pris du retard... Chacun son modèle : orgueil oblige, le modèle français est... la
France ! Le modèle chinois est la ville-Etat de Monsieur Propre : Singapour. Chacun son
futur...

Singapour est en effet un contre exemple de taille à tout ce qui précède. Car Singapour, la
ville la plus propre du monde, est chinoise. Est-ce parce que les chewing gums sont interdits
et parce qu'un papier jeté par terre donne droit à une lourde amende ou l'obligation de
travailler une journée à ramasser les papiers gras ? Ou bien est-ce dû à un réel sens
communautaire ? Sans doute aux deux : amendes et corvées aident à acquérir rapidement
un sens communautaire, les chinois n'étant jamais aussi réceptifs que lorsqu'on leur parle
argent. A l'appui de cette théorie, le fait que Hong Kong soit beaucoup plus propre depuis
qu'une campagne télévisuelle menace les contrevenants de 16.000 francs d'amende et
jusqu'à 6 mois d'emprisonnement...

Et en Chine ? Pas encore d'amendes mais une tendance toutefois à se diriger de plus en
plus vers les poubelles, elles mêmes de plus en plus nombreuses. Certaines villes seraient
même devenu des modèles de propreté. C'est le cas par exemple de Zhanjiagang, dans la
province de Jiangsu à 3 heures de Shanghai. La “capitale de la civilisation spirituelle” est
également reconnue comme étant la ville chinoise la plus écologiquement correcte. Il est vrai
que cette ville de 830.000 habitants bénéficia d'un soutien majeur puisqu'elle fût adoptée en
1995 par le Président Jiang Zemin. Ville-modèle, elle fait désormais partie des lieux de
pèlerinage pour touristes chinois (en 1995, un million et demi de personnes l'ont visitée),
toujours avides d'informations sur ce qui les attend à plus ou moins brève échéance à
l'échelon national. La benne à ordure est en marche...
Survivre en Chine...

• N'imitez les chinois que lorsqu'ils utilisent les poubelles. Donnez l'exemple ! Grâce
aux campagnes d'éducation civique, les chinois sont conscients de leur "problème".
Dîtes leur que la Chine est plus belle propre que sale. Flattez leur nationalisme...
• Faites comprendre à vos amis chinois que vous entendez respecter des normes
hygiéniques minimales dans votre périmètre : pas question qu'ils crachent dans votre
chambre !
• Apprenez à détourner votre regard. Evitez les zones à risque (petites rues en dehors
des circuits touristiques) si vous êtes allergique aux rats.
• Soyez patients et philosophes ! En ville dîtes-vous que cela procure du travail aux
balayeurs. En montagne, que cela guide le promeneur...

_______________

(1) "La Chine et les chinois" de Lin Yutang. Petite bibliothèque Payot, 1937.

- Chap 3 : La Toilette des Blanchisseurs -


Benoît SAINT GIRONS

Des traces de pieds sur le rebord de la cuvette des toilettes ? Pas de doute : un chinois de la
campagne est passé par là ! Ne sachant comment utiliser cet objet barbare surélevé mais
ayant repéré la source d'eau chaude, il en a entrepris l'ascension et s'est accroupi dessus, en
équilibre instable. Après, il convient de bien viser. Mais à ce jeu là, les chinois ont de la
pratique : un trou dans le sol, c'est tout ce qu'ils demandent pour satisfaire leurs besoins
naturels.

Lorsque le trou est cimenté, de temps en temps alimenté en eau et cloisonné à mis hauteur,
vous venez de faire connaissance avec les toilettes publiques. Elles sont facilement
identifiables : à l'odeur d'abord, puis parce qu'un "homme-pipi" se charge de vous alléger de
quelques centimes. La visite est payante ! Des toilettes individuelles à la turc ? Le luxe de
quelques privilégiés. Des toilettes à l'occidentale ? Vous êtes sur la case hôtel ou riche
particulier. Mais pour un véritable choc culturel, le mieux est de se rendre dans les
campagnes chinoises et de suivre l'essaim de mouches. Pas de ticket d'entrée : aussitôt
entré, vous avez envie d'en sortir ! Mais dame nature étant souveraine, vous êtes bien obligé
de subir. Car à moins d'être aveugle, sourd et enrhumé, vous en prendrez plein vos sens. Il
ne fait vraiment pas bon être constipé en Chine !

L'apparence des toilettes fut donc le critère principal du choix de ma première école de Kung
Fu. Impossible d'étudier sérieusement si je dois faire mes ablutions en compagnie d'une
centaine de chinois. Je choisis donc des toilettes à taille plus humaine : six espaces avec
cloisons à mis hauteur , urinoir sur le côté, pas de toit afin de connaître la météo au
quotidien... Exactement ce que j'étais venu chercher en Chine ! Les chinois semblaient
également apprécier l'endroit et ils y menaient d'importantes conversations existentielles :
“Alors, la tienne est de quelle couleur aujourd'hui ?” Les habitués choisissaient le trou juste à
l'entrée : lorsque les bassines d'eau étaient amenées, le défilé avait lieu entre leurs jambes.
“Oh la belle verte ! Magnifique la jaune ! Dis donc qu'est ce que tu as mangé hier soir ?” Mais
le plus beau spectacle avait lieu aux heures de pointe : les étudiants s'accroupissaient alors à
deux en parallèle au dessus du même trou et s'encourageaient mutuellement. Un bel
exemple de solidarité ! Le bonheur en continu est malheureusement illusoire : sans même me
consulter, il fût décidé de rajouter un toit ! Mes toilettes à jamais dénaturées, je leur rendais
un dernier hommage et changeais d'école...
Les chinois ont la réputation d'être sales. S'ils le sont, c'est en tout cas sous des vêtements
propres. Sous chaque chinois sommeille en effet un blanchisseur en puissance et la vie
chinoise s'organise autour de la lessive. Qu'un vêtement ne soit porté ne serait-ce que deux
minutes, il est aussitôt lavé et mis à sécher. J'eus comme vous le savez le privilège de
participer à une croisière sur le Yangzi en compagnie de 800 chinois. Plus directement, je
partageais la cabine de 10 d'entre-eux. J'avais pris soin de choisir un lit en hauteur, près de la
fenêtre. Ainsi, pensais-je, je pourrai admirer le paysage de ma position favorite.
Malheureusement, entre le lit et la fenêtre se trouvait un lavabo. Ce dernier devint rapidement
le lieu de convergence des trois familles. Moins de deux heures après le départ, elles
commençaient déjà à faire leur lessive et une journée plus tard, la cabine s'était
métamorphosée en buanderie. J'en fut quitte pour admirer un paysage de sous-vêtements et
de petites culottes et, pour escalader mon lit, devais d'abord me frayer un passage au milieu
des serviettes et autres pantalons. Ce n'était plus la visite des trois gorges mais des trois
soutiens-gorge !

Les douches du bateau étaient dans la tradition chinoise : sales, peu pratiques et rarement
fréquentées. La salle de bain ne fait pas partie des inventions chinoises (il n'y a que 25
douches pour 100 foyers en ville !) Les chinois lui ont trouvé des palliatifs : les vêtements qui
permettent de "laver" en s'habillant, tout d'abord, la bassine d'eau, ensuite. La toilette
chinoise consiste en effet essentiellement en une serviette que l'on trempe dans de l'eau
avant de se l'essorer sur le corps. Notre gant de toilette à grande échelle en quelque sorte.
Avantage de la technique : pas de gouttes. Très pratique donc dans le train ou en espace
clos. Autre atout : pas la peine de se dévêtir; la serviette se faufile sous les vêtements. Très
pratique lorsque l'on a plus d'un milliard de compatriotes et de la pudeur. Par contre, se laver
le dos, les pieds ou les parties intimes est évidemment plus délicat. Les puristes noteront
également que le linge change de couleur au fur et à mesure de la toilette ce qui conduit l'eau
de la bassine à faire de même. Aucune importance ! Avec des vêtements propres,
l'apparence sera sauve !

C'est un fait reconnu : les chinois transpirent moins que les occidentaux. Il n'empêche : après
7 heures d'entraînement dans la poussière et le soleil, la toilette n'est pas un luxe. Les élèves
se lavaient donc tous les jours... superficiellement. avec un robinet d'eau froide pour une
cinquantaine d'élèves et de fréquentes coupures d'eau, il ne pouvait en être autrement. Il y
avait bien une salle de bain mais elle était hors d'accès des étudiants. Sans doute pour ne
pas déranger les araignées qui l'habitent. Une fois par semaine, un pèlerinage était organisé
vers des sources d'eau plus importantes : les fameux "bains publics".

J'étais tranquillement installé dans ma baignoire lorsqu'on frappa à la porte. - “C'est occupé !”
Ma baignoire certes, mais pas les deux autres de la pièce. Mon argument ne fût donc pas
retenu et je fis bientôt la connaissance d'un jeune chinois en uniforme de Kung Fu. Qui a osé
prétendre que les chinois ne sentaient pas ? Un camembert exposé au soleil durant une
semaine si vous sentez ce que je veux dire ! Presque entièrement dévêtu - pudeur oblige -
mon nouvel ami prit place dans son bain. Et le miracle se produisit : l'eau changea
instantanément de couleur ! La banale translucidité se transforma en un noir/gris du plus bel
effet. Encore une invention chinoise ! Très impressionné, je lui demandais combien de fois
par semaine il se livrait à cette expérience d'alchimie. - “Une fois par semaine” Etait-il le seul
à réaliser cette manipulation ? Non bien sûr. Les chinois ne vidant pas leur baignoire après
usage, je pus admirer fréquemment leurs oeuvres et dois dire que je fus toujours très peiné
d'avoir à y plonger la main pour retirer le bouchon...

Si tous les hommes normalement constitués expirent du gaz carbonique, les chinois,
perfectionnistes, y ajoutent la salive "usagée". A moins de vouloir humidifier ses chaussures
ou son bas de pantalon, il est donc dangereux de marcher à côté d'un chinois sans son
parapluie : les crachats fusent de toute part ! Heureusement, la nature est bien faite et
chaque crachat est précédé d'un élégant raclement de gorge. C'est le signal pour changer de
trottoir... et un élément important de l'hygiène des chinois, manifestement perturbés par la
déglutition.
A l'intérieur des bâtiments, cette habitude n'est pas sans poser quelques problèmes. Les
propriétaires délicats font parfois apposer un écriteau “Ne pas cracher”. A cet égard, la
traduction en anglais m'apparaît superflue : cette coutume n'est de toute évidence pas
exportable. Même chose pour le “Prière de ne pas uriner” aperçu dans un ascenseur. Nous
autres occidentaux avons trouvé un remède contre la myopie : nous portons des lunettes ! La
petite chinoise n'avait de toute évidence lu aucun ouvrage majeur sur la psychologie
occidentale : elle s'amusait, de la fenêtre, à cracher dans ma chambre. Aussitôt vue, aussitôt
prise. Je décidais d'expérimenter un nouveau type de chiffon. Pas terrible : sa jupe n'était pas
très absorbante ! Une fois relâchée, cette jeune diablesse aux yeux bridés inventa un
nouveau jeu : nettoyer ses chaussures dans ma bassine d'eau sur la terrasse puis les
essorer, toujours à travers la fenêtre, sur mon sol cimenté. Elle avait l'air d'aimer les jeux
d'eau. Elle n'apprécia pourtant pas le mien : se faire verser une bassine d'eau sale sur la tête
est apparemment humiliant, même lorsque l'on a 9/10 ans. Elle eut donc le dernier mot. Alors
que j'étais en cours en train de découvrir l'existence de nouveaux muscles, elle pénétra par
effraction dans ma chambre pour me dérober bananes et gâteaux secs...

Petite morveuse deviendra grande : elle apprendra à se moucher et à faire du vélo. Les
chinois ont en effet adopté la technique de nos coureurs cyclistes : tout expulser dans la
nature en expirant brutalement par le nez puis essuyer ce qui dépasse avec le revers de la
main. Le fait de ne pas trouver de kleenex dans les herbes chinoises ne tient donc pas à mon
intervention.

J'ai gardé le meilleur pour la fin : la purification du corps passe également par l'expulsion des
gaz. A cet égard, la règle est d'en faire profiter les autres. Fierté chinoise oblige, tous doivent
entendre combien je prends soin de mon corps. Je rentrais d'une promenade sur l'île de
Hong Kong. Cela faisait près d'une heure que je n'avais vu personne et, même sur un sentier
de randonnée, cela tenait du paranormal. Je fus donc soulagé d'apercevoir au loin un chinois
d'une cinquantaine d'années. Il marchait dans ma direction. La journée étant placée sous le
signe de l'inhabituel, je décidais de lui dire au passage quelques mots de civilités. Je n'en eu
pas l'occasion : il ouvrit la bouche plus rapidement que moi et s'exprima dans un dialecte
malheureusement bien trop familier que la décence m'interdit de reproduire ici. Un rot pareil, il
avait du le préparer sur des kilomètres ! Il avait de l'expérience le bougre ! -“Euh... Enchanté...
Moi c'est Benoît !” Je m'éloignais en pensant que la Chine était vraiment un pays de
mélomanes. Péter, roter, se moucher et cracher : la toilette chinoise est une symphonie à
quatre tons...

Plus sérieusement...

Ne nous attardons pas dans les toilettes : les toilettes publiques françaises ne sont pas non
plus toujours des modèles de propreté et nous avons un train de retard sur les japonais pour
ce qui est de leur confort : ni jet d'eau tiède ni parfum en France ! De même, on ne peut
vraiment reprocher à quiconque de ne pas avoir étudié Freud : nous laisserons donc les
chinois tranquilles avec leur engrais naturel (ils en répandent chaque année 300 millions de
tonnes dans leurs champs !)

Question occidentale : Est-ce parce que les chinois ne se lavent qu'une fois par semaine
qu'ils doivent laver tout vêtement porté deux minutes ? Question chinoise : Est-ce parce que
les vêtements des occidentaux sont sales qu'ils doivent se laver corporellement tous les
jours ? Rendons hommage à l'hygiène vestimentaire chinoise et reconnaissons qu'en matière
d'hygiène corporelle - tout au moins dans le cadre d'une utilisation du corps normale - nos
besoins sont différents : les chinois n'abusent pas de leurs glandes sudoripares. La nature l'a
sans doute souhaité ainsi pour éviter une pénurie d'eau. Quoi qu'il en soit, avec la vie
moderne, le passage par la case salle de bain devient à la mode et si l'année dernière on
voyait surtout à la télévision des publicités pour les lessives, on y voit cette année de
nombreux spots pour savons et autres shampooings...
Disons pour terminer que les sonorités que nous jugeons "déplacées" sont surtout localisées
dans les campagnes ou le sud de la Chine. A Pékin, ville-vitrine, les campagnes d'éducations
civiques rendent les habitants presque "présentables", notamment lorsque la Chine accueille
une délégation étrangère. Le "patrimoine" chinois disparaitrait-t-il sous la pression de
l'occident ? Rassurons-nous : selon certains médecins occidentaux, les chinois souffriraient
d'une infection chronique des bronches. Les raclements de gorge fabuleusement sonores ne
sont donc pas près de disparaître...

Survivre en Chine...

• Vérifiez toujours l'installation sanitaire et la présence de l'eau chaude de votre


chambre d'hôtel; surtout si votre hôtel appartient au gouvernement. Vous ne
souhaitez pas vous laver à la chinoise !
• Apprenez à vous couper du monde extérieur si vous avez à vous rendre dans des
toilettes publiques
• Prenez soin de votre apparence vestimentaire et de la propreté de vos vêtements si
vous souhaitez laisser une impression favorable. “L'homme est jugé par son
vêtement, le cheval par la selle” dit un proverbe. Les chinois visitent ainsi les lieux
touristiques en costume-cravate.
• Soyez patients et philosophes ! Confronté à l'un des tons de la symphonie chinoise,
dîtes-vous que la nature est souveraine et pensez rapidement à autre chose.

- Chap 4 : Dégoût et des Couleurs -


Benoît SAINT GIRONS

Du point de vue du mauvais goût, la Chine est un pays on ne peut plus égalitaire : riches ou
pauvres, citadins ou paysans, tous clament haut et fort leur préférence pour ce qui est cher et
laid. Dès qu'ils peuvent se le permettre, les chinois s'empressent d'enlaidir leurs
appartements. Des grappes de raisins en jade aux écrevisses en plastiques en passant par
les tableaux de voitures de sport autoéclairants, le chinois n'a que l'embarras du choix pour
récréer chez lui l'univers kitsch qu'il affectionne.

Les visites des lieux touristiques sont l'occasion de s'approvisionner à moindre frais. Les
vendeurs de "souvenirs" proposent toute sorte d'horreur à partir de quelques yuans. A
Shaolin, les sabres et autres épées de "samouraï" chinois sont les articles rois, juste devant
les... gratte-dos ! Le plus bel objet se trouve dans cette catégorie : un gratte-dos en plastique
blanc représentant une femme nue sous un énorme coeur. Les marteaux-à-faire-du-bruit,
théières-boussoles (pour la disposition des tasses ?) et autres boudha-qui-rient-quand-on-les-
touche sont ridiculisés ! Autres articles prisés des chinois : les boules de "Noël" couleur
locale : coeurs multicolores et pièces d'or US$ remplacent la neige et c'est Bouddha lui même
qui se les prend sur la figure lorsqu'on les retourne. Une variante intéressante : un Bouddha
femelle assis sur un lotus contemple sereinement une planche à voile voguant sur un liquide
bleuâtre... Le reste du stand est plus "classique" : bracelets et colliers de toutes les formes et
de toutes les matières et couleurs, figurines d'enfants ou de Bouddha, éventails, boules de
santé, presses papiers, portes photos et, bien sûr, les “quatre trésors du lettré” : encriers,
pinceaux, pierres à encre et papiers... Tout ce qu'un chinois normalement constitué se doit de
posséder chez lui.
Un chinois a eu le privilège de pouvoir faire profiter les autres de son mauvais goût : Aw Boon
Haw, devenu multimillionnaire grâce à son "Baume du Tigre" , s'est empressé de redistribuer
une partie de sa fortune sous la forme de jardins aussi bizarres que grotesques, à Hong Kong
et à Singapour. Le visiteur déambule dans un labyrinthe de rochers multi-kitch-colors où se
côtoient animaux et divinités. A chaque tournant, on s'attend à tomber sur un groupe de
hippies, cheveux longs et marguerite à la main. A chaque tournant, on retrouve un groupe de
chinois : cheveux courts et appareil photo en bandoulière. Le lieu mérite en effet d'être fixé
sur la pellicule... derrière un chinois, évidemment !

Leçon de photo à la chinoise. Première étape : sélectionner un lieu touristique, chinois de


préférence. Deuxième étape : observer ce que tout le monde "photographie", une porte, par
exemple. Troisième étape : demander à son conjoint ou conjointe de prendre la pose devant
la porte. Quatrième étape : cadrer de manière à ne plus voir la porte, plier les genoux pour
faire professionnel et déclencher. Cinquième étape : demander à son conjoint ou conjointe de
passer derrière l'appareil pour avoir également un souvenir de la porte cachée par soi-même.
Une variante à ce qui précède consiste à poser ou à faire poser devant ce qui présente le
moins d'intérêt possible, ce qu'il y a de plus laid aux alentours. Ainsi, en cachant ce qui n'est
de toute façon pas montrable, le chinois "photographe" arrive à donner une réelle utilité
esthétique à sa photo : moins par moins, cela fait plus...

Pour ceux qui n'ont pas d'appareils, pas de problème ! Des dizaines de photographes louent
leur service à grand renfort de catalogues de leurs chef d'oeuvres passés. Les trucages sont
très prisés et les chinois sont passés maître dans la technique de la surimpressions ou des
flous "artistiques". Quant aux plus pressés, ils s'adresseront, pour un prix supérieur et une
moindre qualité, aux professionnels équipés d'un Polaroïd.

Développement de la pellicule : autant de portraits "plein cadre" que de photos, autant de


portraits "à l'identique" par site que d'individus présents au sein du groupe. A se prendre
autant en photo, on serait en droit d'attendre à ce que les chinois soient les rois de la pose. Et
bien non. A part quelques originaux chez qui il doit manquer quelques gênes, la pose
chinoise de base consiste à se tenir debout, les bras le long du corps et à fixer l'appareil le
plus sérieusement du monde. Convenons que si j'avais moi aussi à me soumettre à ce rituel
trente fois par jour, je n'aurais pas non plus envie de rigoler. La photo à la chinoise n'est de
toute façon pas perçue comme un art mais plutôt comme un élément de preuve : “Regarde,
j'y étais. Mais si, tu vois bien, derrière moi...”

Choc culturel dans le train : les chinois du wagon regardent mes photos de vacances. Ils ont
le temps : le trajet Pékin-Canton dure 34 heures. Mais ils ne sont apparemment pas au
courant. Mes photos défilent donc à vitesse cinéma : 24 images/seconde ! Une quinzaine de
lieux touristiques chinois entr'aperçus en trois minutes. Cela tient des images subliminales ! Il
faut dire qu'ils ont une excuse : je n'apparais pas sur les photos; je me contente de les
prendre. Des photos sans sujet ? Mais quel intérêt ! De temps en temps, une photo capte
quand même leur attention - “Qui est-ce ?” - “Un chinois...” - “Tu ne le connais pas ?” -
“Non” Ils se regardent en rigolant : les étrangers ont vraiment de drôles de coutumes...

Il y a des sujets que les chinois ne photographient jamais mais qui, pourtant, de temps en
temps, attirent la foule : les mendiants. Avant toute chose, reconnaissons que l'on est moins
sollicité dans les villes chinoises que, par exemple, à Paris. Les chinois se rattrapent sur la
qualité. Trois catégories : 1/ Les mendiants "à l'occidentale" , assis par terre, pas encore trop
mal vêtus, un panneau relatant leur vie entre les jambes. Une telle littérature est appréciée
des citadins qui ne tardent pas à former un petit groupe autour de l'infortuné. 2/ Les "zombies
des villes" : noirs de crasse, pieds nus, les vêtements en haillon, ils déambulent dans les rues
sans apparemment se soucier de l'activité ambiante. Le désintérêt des passants est
réciproque. 3/ Les mutilés de la vie : souvent très jeunes, ils monnaient leurs infirmités et, de
fait, attirent une foule de badauds. Le nombre de "voyeurs" augmente en proportion de
l'horreur de la scène : l'enfant sans bras est plutôt "courant", l'enfant brûlé sur tout le corps
est déjà plus "original". Accident ou mutilation subie ? Les chinois, l'air grave, contemplent la
scène plusieurs minutes. Bien plus drôle : le nanisme ou les albinos. On se retourne, on
rigole, on les montre du doigt, on les suit... Tout comme les étrangers, ils constituent à eux
seuls un vrai spectacle de rues. Pour connaisseur uniquement...

Plus sérieusement...

Le mauvais goût est sans doute la chose la plus universellement partagée et les français ne
font pas exception à la règle. Un ami envisageait un moment de vendre en France des
tableaux de paysages peints à la main à la chaîne en Chine. Il avait réalisé une étude de
marché et constaté que les tableaux qui avaient le plus de succès étaient... les plus laids !
Comme quoi, il n'y a pas que les chinois pour acheter les horreurs chinoises... Au regard des
catalogues de VPC français, nos objets "décoratifs" valent d'ailleurs sans doute les leurs.
Seule différence : nous les achetons plus discrètement.

Peintures à l'encre de paysages, de fleurs ou d'animaux, calligraphie, architecture, opéras


chinois, danses ou acrobaties,... Il est bien évident que les chinois cultivent également le bon
goût. Et peu de chinois s'extasieront devant un tableau tout bleu ou tout noir. La visite de
certaines expositions d'art moderne occidental les laissera sans doute perplexes quant à nos
jugements artistiques. “Si encore la toile était toute rouge...”

Laissons les chinois tranquilles avec leurs photos : c'est une marque de fabrique asiatique et
c'est plus amusant que dérangeant. Les seuls à plaindre sont les personnes qui développent
les films mais ils connaissaient les risques du métier et... ils sont chinois ! Je suis également
obligé de reconnaître que certains chinois semblent avoir été réellement intéressés par mes
photos sans sujets.

Peut on en vouloir à quelqu'un d'être intrigué, voire amusé par ce qu'il n'a jamais vu ? C'est
évidemment cruel mais c'est un réflexe commun à tous les peuples que de se moquer des
différences. Ensuite, ceux qui ont la chance de recevoir une éducation apprennent à être plus
délicats, voir à détourner leurs regards des éléments "non conformes" ce qui n'est pas,
reconnaissons le, forcément mieux.

Si les mendiants chinois attirent l'attention, c'est peut être parce qu'ils restent inhabituels.
Leurs homologues français ne peuvent malheureusement plus en dire autant : ils font partie
du décor et, de fait, dérangent depuis longtemps plus qu'ils n'intriguent. "L'originalité" dans la
déchéance est également limitée par notre Sécu et notre système policier : les mendiants de
la quatrième puissance économique mondiale ont obligation d'afficher un certain standing.
C'est l'image de la France qui est en jeu ! Des goûts et des couleurs, ils ne discutent donc
pas...

Un an plus tard, me voila malheureusement obligé de revenir sur ce qui précède : les
mendiants chinois envahissent les villes. Une nouvelle catégorie a fait son apparition : les
femmes seules accompagnées d'enfants "pots de colle" qui n'hésitent pas à quémander une
pièce sur plusieurs centaines de mètres. Dans un autre registre, des dizaines d'hommes
attendent dans la rue un hypothétique travail, un panneau mentionnant leur spécialité
(souvent la plomberie ou l'électricité) entre les jambes. Ce sont les laissés pour compte de
l'exode massif des campagnes vers les villes, enclenchée depuis la libéralisation de
l'économie et la libre circulation des individus sur le territoire : 110 millions de vagabonds !

Survivre en Chine...

• Amusez-vous des différences culturelles et de l'originale laideur des objets chinois


• Pour vos souvenirs, n'attendez pas le dernier moment. Les objets qui plaisent ne se
trouvent pas facilement.
• Confrontés à un mendiant, ne jouez aux voyeurs que si vous savez contrôler vos
émotions ou souhaitez (et pouvez) aider cette personne. Pour ne pas être
malheureux inutilement, apprenez à “fermer votre coeur” devant les cas les plus
extrêmes et ne vous attardez pas.
• En règle générale, ne donnez pas. La mendicité ne fait pas partie des habitudes
chinoises et ne doit pas être encouragée.

- Chap 5 : L'Impolitesse des Rois -


Benoît SAINT GIRONS

- “Merci” dit le petit garçon à sa mère qui lui donne un bonbon.

- “Ne sois pas poli !” lui rétorque-t-elle en souriant.

Le "de rien" local signifie en effet en chinois “ne soit pas poli”, “pas la peine d'être poli” ou
encore “impoli” (biekeqi / bu yong keqi / bukeqi). Elevés avec ce genre de répliques, il n'est
pas étonnant qu'ils aient perdu le sens des civilités. “Ne sois pas poli ?” Pas de problème !
Les chinois suivent dorénavant le conseil à la lettre. Certains mots du dictionnaire chinois
semblent ainsi réservés à l'usage exclusifs des occidentaux : qui oserait remercier une
caissière dans un magasin à part un occidental ? Qui aurait l'outrecuidance de dire bonjour à
la vendeuse de billet de train à l'exception d'un étranger fraîchement débarqué ? “Bonjour”,
“Excusez-moi”, “S'il-vous-plaît”, “Merci”. Ces mots aident les aveugles chinois à repérer au
loin les non-compatriotes...

Les chinois disent d'un homme impoli qu'il ne “comprend pas les bonnes manières” (bu dong
limao). C'est un scoop ! Il y aurait donc de bonnes manières en Chine ! Quelles sont-elles ?
Je ne l'ai pas encore très bien compris... Tout au plus puis-je dresser la liste de ce que les
bonnes manières ne sauraient être sous peine de devoir dire que les chinois sont impolis :

Comme nous l'avons vu précédemment, ce n'est pas respecter le sommeil des autres ou le
silence ambiant (rare, il est vrai), remporter avec soi ses papiers gras ou les mettre dans une
poubelle (rare, il est vrai), respecter la différence physique chez les autres (rare, il est vrai) ou,
comme nous venons de le voir, être courtois envers ses concitoyens (nombreux, il faut
l'avouer). Ce n'est pas non plus se tenir "correctement" ou, comme nous le verrons, manger
proprement et calmement.

Les bonnes manières chinoises n'incluent pas non plus le fait d'attendre son tour pour monter
dans le bus ou acheter son billet de train. Si le rugby se jouait dans les autobus, les chinois
seraient à coup sûr les champions du Tournoi des Cinq Stations. Les places sont en effet
réservées en priorité à ceux qui piétinent le plus de monde ! Et il y a de la concurrence ! Les
hauts parleurs du métro de Hong Kong ont beau répéter à chaque station qu'il faut “laisser les
passagers descendre avant de monter dans le wagon”, rien n'y fait. Atteindre le quai suppose
toujours de prendre son élan et de foncer tête baissée dans le pack chinois qui arrive à contre
sens. Heureusement, les chinois n'ont pas la constitution des équipes occidentales...

La politesse chinoise ne passe pas, enfin, par la prise de conscience de l'autre. Si je regarde
une télé dans un magasin ou un spectacle de rue, il y aura toujours un chinois pour se planter
juste devant moi. Si je suis un programme télévisuel quelconque, il y aura nécessairement un
chinois pour changer de chaîne ou encore couper le son afin de pouvoir continuer à hurler
sans bruits parasites. Si je regarde quelque chose, un livre ou des photos, il y aura
naturellement un chinois pour me les prendre des mains. Si je laisse mon bâton de Kung Fu à
l'école, il y aura évidemment un élève pour se l'approprier. Et si je sors de ma chambre
d'hôtel, il y aura de toute évidence un chinois pour m'envoyer sa fumée de cigarette dans le
nez...

Devinette : vous êtes un chinois et vous faites votre pèlerinage hebdomadaire aux bains
publics. Deux salles de bain. La première inoccupée et ouverte. La seconde occupée par un
étranger et fermée. Laquelle choisissez-vous? Je vous donne un indice : vous allez entrer
sans frapper en passant par la fenêtre. Et oui ! “Demander la permission de” n'a pas encore
été traduit en chinois !
Alors que reste-t-il ? Posons la question directement aux intéressés : - “Qu'est-ce qu'être
poli ?” - “C'est dire bonjour, au revoir, veuillez entrer, veuillez-vous asseoir,...” - “Mais ces
expressions sont très rarement employées lorsque vous ne conversez pas avec des
étrangers. Il doit bien y avoir autre chose ?” - “Non, c'est à peu près tout : notre code de
conduite est assez limité ” Si c'est un chinois qui le dit...

Un détour par le dictionnaire peut néanmoins nous aider à comprendre. Les "bonnes
manières" (limao) sont formées de deux caractères : l'un désigne le rite, les étiquettes, les
manières; l'autre, l'apparence, le "look". Etre poli, c'est donc respecter en apparence les rites
chinois. L'un de ces rites veut, comme nous l'avons vu, que les vêtements soient propres. Il
serait donc impoli de se présenter à une séance de Kung Fu où l'on se roule par terre avec
une casquette sale. Et puis, il y a bien évidemment la fameuse notion de face : “ L'arbre a son
écorce, l'homme a sa face !” dit le proverbe. Faire perdre la face à quelqu'un est agréable
mais pas très courtois. La politesse passe donc par le respect de l'individualisme d'autrui,
dans tous ses excès. Aller dire à quelqu'un qu'il fait trop de bruit est ainsi une démarche
complètement farfelue qui souligne ce que l'on est : un barbare d'occidental. Empêcher
quelqu'un de fumer ou de jeter ses papiers est également ressenti comme une atteinte à la
vie privée. De même, dire à quelqu'un que l'on est pas satisfait, critiquer ouvertement, ne
résoudra pas le problème mais fera passer pour un rustre.

Il y a également des choses à ne pas dire ou à ne pas faire. Demander son chemin à
quelqu'un qui ne sait pas est doublement ennuyeux. Le chinois ne voulant pas perdre la face
retournera la carte dans tous les sens et donnera une direction au hasard. Dire que l'on ne
sait pas, c'est manquer de politesse envers soi-même. Lorsqu'un chinois propose une
cigarette, c'est à dire chaque fois qu'il rencontre quelqu'un, le refus poli se traduit par “je ne
sais pas fumer” (wo bu hui chou yan). Dire comme je le fais de temps en temps : “Je ne fume
pas, c'est mauvais pour la santé” est bien sûr insultant. Enfin, n'expérimentez pas comme moi
un “Madame, vous avez mal dormi, vous devriez changer de literie” : les chinois ne sont de
toute évidence pas familiers avec ce slogan publicitaire et n'apprécient guère que l'on pénètre
ainsi dans leur chambre à coucher sans uniforme de police.

Accident de vélo à Suzhou : je roulais à vitesse européenne et avais eu la mauvaise idée de


dépasser par la droite au moment où un chinois entamait une série de zigzags. Accrochage
sans gravité sinon un léger saignement au bras du chinois. Plus de peur que de mal. La lutte
pour ne pas perdre la face pouvait commencer. Côté chinois : cris, injures, trépidations,
mouvements d'intimidations,... Côté étranger : j'assiste au spectacle en rigolant. Côté chinois :
me voyant rigoler, redoublement des cris, injures et trépidations. Côté étranger : encore plus
drôle ! Mais voilà qu'il entreprend de s'essuyer le bras sur moi. La plaisanterie a assez durée :
s'il veut vraiment un constat à l'amiable, il va l'avoir ! Les spectateurs se réjouissent : il va y
avoir du sport ! Et bien finalement non : mon partenaire de scène reprend son vélo et
s'éloigne en zigzaguant. Il a suffisamment manifesté son mécontentement pour ne pas perdre
la face au yeux de ses compatriotes. Son honneur est sauf. Si j'avais été chinois, les choses
auraient sans douté été plus compliquées : il serait peut-être revenu à la charge plusieurs
minutes plus tard armé d'un bâton, à l'instar d'une scène de rue à Shanghai entre un
conducteur de camion et un conducteur de tricycle. Face contre face, l'escalade de la
violence est inéluctable. Mais c'est heureusement bien souvent du catch et les coups sont
plus spectaculaires que douloureux. Perdre la face n'est pas la même chose que détruire la
face à coups de poing...

S'il est déconseillé de faire perdre la face à un chinois, il est également grossier de ne pas
"donner de face" lorsque l'occasion se présente. Cela passe par les compliments - auxquels
les chinois répondront par un “mais non, ce n'est pas vrai” de principe, - les invitations au
restaurant ou encore le fait d'arriver à l'heure ou de raccompagner son hôte jusqu'à sa voiture,
son vélo ou son ascenseur. L'arrogance ou la vantardise sont très mal perçus : un chinois,
quelque soit ses mérites, dira toujours, par exemple, qu'il a encore “un long chemin à
parcourir”. Il ne se mettra pas en avant mais attendra de ses relations qu'elles lui témoignent
un respect discret en récompense de sa modestie. Par de douces paroles (les chinois
complimentent bien davantage qu'ils n'injurient), mais surtout par des actes. La face se
construit à coups d'invitations à déjeuner ou de soirées Karaoke. De manière plus insidieuse,
par l'indulgence des officiels devant la faute commise ou l'accélération des procédures
administratives.

Il n'y a pas de classes sociales en Chine mais des "faces" plus ou moins importantes avec
leurs cortèges de passes droits et de dérogations. Lin Yutang (1) cite l'exemple de deux
soldats voyageant sur le Yangzi qui s'autorisèrent à entrer dans une cabine "interdite d'accès"
car remplies de caisses de soufre. Ils s'installèrent sur ces caisses et commencèrent à fumer,
en dépit des remontrances d'un officiel. Le bateau explosa et, comme le dît l'auteur “les
soldats réussirent à sauver leurs faces mais non leurs carcasses carbonisées”. Lorsqu'un
chinois allume aujourd'hui une cigarette devant un panneau "interdiction de fumer", grille un
feu rouge ou passe devant tout le monde, il se donne de la face. S'il doit éteindre sa cigarette,
est verbalisé ou repoussé sans ménagement par un officiel, il en perd. Unique alternative
pour rétablir l'équilibre : rallumer la cigarette, griller un autre feu ou revenir à la charge une
fois l'officiel parti. Un chinois ne dira jamais qu'il est important mais il le démontrera peut être
à coups d'actes anti-civiques. L'individualisme chinois est donc la composante de deux
facteurs plus ou moins inconscients : un comportement "naturel" taoïste, d'une part, une
manifestation de la "face", d'autre part. D'un côté, le chinois agit selon ses instincts et les
règlements sont ressentis comme une atteinte à sa vie privée et son idéal anarchique. De
l'autre, il s'octroie des droits et les interdictions sont interprétées comme étant l'occasion de
faire preuve de politesse envers soi-même. Ignorer les codes ou se les approprier : les routes
en Chine ne sont pas prêtes d'être sures...

Plus sérieusement...

Si les chinois sont les premiers à reconnaître qu'ils ne sont pas "polis", je suis le premier à
admettre que nous sommes peut-être trop obnubilés par les "bonnes manières". La vie à la
chinoise, c'est à dire sans manières ni chichis, n'est en effet pas dénouée de charmes :
chacun s'habille comme il l'entend, mange aussi salement qu'il le peut, crache où il veut,
hurle au beau milieu de la nuit si l'envie lui prend, pète et rote selon ses dispositions, aborde
ses concitoyens directement et avec nonchalance,... Qui cela gêne-t-il à part les étrangers
accoutumés à leur politesse et élevés à la soupe de leurs "bonnes manières" tyranniques et
souvent hypocrites. Le peuple chinois ne suit pas de règles de conduite et ne s'en porte pas
plus mal ! Mettre les coudes sur la table ou les doigts dans le nez n'a après tout tué
personne ! Et vivre à fond son individualité ne perturbe que ceux qui ont le tort de ne pas le
faire c'est à dire pas grand monde. Les chinois ont fait le choix du naturel. C'est un choix
courageux...

Des gestes de civilité surprennent également de temps en temps. Après avoir bousculé tout
le monde pour avoir une place assise, le chinois fera tout son possible pour aider les
personnes debout à voyager plus confortablement. Ils prendront par exemple leurs paquets
sur leurs genoux, voire même leur bébé, jusqu'au terme du voyage. Plus extraordinaire : il
arrive parfois qu'une personne se lève pour laisser sa place à une personne âgée ou qu'une
personne âgée reste debout pour permettre à un enfant-petit-empereur de voyager à l'aise.
Les enfants bénéficient en effet d'un régime particulier et sont l'objet de la plus grande
attention de la part de leurs aînés, qu'ils soient ou non de la famille. En Chine, tout le monde -
chinois ou étranger- est "l'oncle" (shufu) des plus jeunes et se doit à ce titre d'assurer leur
bien être.

Les routes en France sont-elles sures ? Les 10.000 morts tous les ans ne témoignent-ils pas
du manque de sens civique des français ? Tout comme les chinois, les français ont horreur
de l'autorité et des règlements et ils ne se privent pas de le démontrer à coups d'excès de
vitesse ou d'insultes envers les forces de l'ordre lorsqu'elles ont le dos tourné. En Chine, les
officiels à défaut d'être toujours écoutés sont au moins respectés et il faudrait être bien
téméraire pour contester ouvertement leur autorité. Aussitôt appréhendé, le chinois éteint sa
cigarette ou ramasse ses papiers et ne manifeste aucune animosité à l'encontre de celui qui
l'a pris à la faute. Cela lui permettra d'oublier rapidement l'incident et de recommencer
quelques minutes plus tard.
Le français n'obéit pas aux lois de la "face" mais se placer au dessus des lois, se considérer
individuellement "intouchable" voire "supérieur" semble être inscrit dans ses gênes. Une
histoire "drôle" circule à propos des français : “Comment faire fortune avec un français ?”
Réponse : “L'acheter au prix qu'il vaut et le revendre au prix qu'il s'estime !” Resquiller est une
habitude française et voler dans les grands magasins un sport national. Notre système
répressif le reconnaît implicitement en faisant preuve d'une relative clémence. Combien en
coûte-t-il aux contrevenants du métro ? Rien à voir en tout cas avec les 2.000 FF d'amende
infligés à Londres. En Chine, voler dans un magasin peut à certaines périodes mal choisies
ou selon les circonstances entraîner la peine capitale... L'anti-civisme chinois se manifeste
donc essentiellement en troisième division, pour des actes bénins de la vie courante : je fume
peut-être dans le métro mais avec un ticket !

Tout cela nous amène à l'essentiel : les notions de "politesse" ou "d'impolitesse" sont
évidemment des notions toutes relatives qu'il est bien difficile de plaquer sur d'autres cultures.
Entrer dans la maison de son voisin et aller se chercher une bière au frigo est un geste
naturel aux USA mais qui sera fort mal perçu en France, même si l'on a dit à son voisin de
faire comme chez lui. Si les chinois sont "impolis", ils ne le sont qu'au regard des critères de
politesse français, eux même par ailleurs bien en dessous des normes japonaises : le chinois
est un rustre pour un français mais le français, qui se mouche en public, est un rustre pour un
japonais. Cela s'appelle différences culturelles et, s'il est intéressant de les étudier, il est
dangereux de les juger : “Rien ne serait plus trompeur que de juger la Chine selon nos
critères européens” disait Lord Macartney en 1794. Les chinois sont les rois de Chine !

Voici également ce qu'écrivait Marmontel en 1763 (2) : “Il est des goûts, des opinions, des
passions, des ridicules nationaux, qui ne sont en eux mêmes ni bien ni mal. La société qui les
adopte se les rend personnels, et il n'est pas raisonnable de vouloir qu'elle soit la fable d'elle-
même. Celui qui au milieu de Pékin irait à se moquer de l'architecture chinoise, et traiter
d'imbéciles tous ceux qui habitent sous ces toits sans symétrie et sans proportion, celui-là ne
serait pas sage : il aurait peut-être raison partout ailleurs; mais à Pékin il aurait tort.”

La notion de politesse n'a donc de sens qu'au sein même d'une localité, pour qualifier les
relations entre des individus partageant la même culture. Une personne n'est "polie" ou
"impolie" que par rapport à ses compatriotes. Il n'a de compte à rendre qu'aux règles établies
par sa société. Pour autant, un citadin a-t-il le droit de critiquer un paysan au nom de la
politesse ? S'ils sont, certes, du même pays, sont-ils bien du même monde ? Car au
régionalisme traditionnellement très marqué de la Chine (Tous les chinois ont désormais
conscience de faire partie d'une puissante nation mais chaque région a conservé son dialecte,
ses habitudes et ses affinités), s'ajoute aujourd'hui des disparités économiques très
importantes. “La courtoisie ne s'étend pas au commun du peuple” écrivait Confucius. Je
serais tenté de préciser : “ne s'étend pas encore au commun du peuple.” Car ne nous y
trompons pas : l'éducation aidant, l'impolitesse des champs finira bien un jour par être
minoritaire par rapport à la politesse des ministères...

Survivre en Chine...

• Attendez-vous au pire pour ne pas être choqué par le moindre "choc" culturel.
• Faites un stage de rugby pour ne pas perdre l'équilibre lorsque vous serez bousculé.
En tout état de cause, sachez vous imposer. Les chinois n'ont, dans les théoriques
files d'attente, aucun égard pour qui que ce soit.
• Ne confiez un objet à un chinois que si vous pouvez-vous permettre de le perdre. Un
ami eut par exemple la mauvaise idée de laisser un chinois tripoter son appareil
photo. Le chinois retourna l'objet dans tous les sens, tripota tous les boutons et finit
par... ouvrir la porte du film ! N'invitez un chinois à s'asseoir à votre bureau qu'après
avoir éloigné les objets personnels : les chinois sont curieux de nature et habitués à
se servir.
• Ne laissez pas la notion de "face" détruire le naturel de vos rapports. Un
comportement bienveillant et modeste sera le garant d'une bonne entente.
L'arrogance qui intrinsèquement "rabaisse " l'autre est absolument à proscrire, de
même que la moquerie ou la violence.
• Soyez sensibles à la politesse chinoise : si un chinois vous invite dans un restaurant,
invitez-le dans un restaurant de même standing en retour. S'il vous tend un objet à
deux mains, saisissez le à deux mains. S'il vous invite à passer le premier, refusez
dans un premier temps avant d'y aller à contre coeur. Mieux encore : poussez le
doucement vers la sortie. Bref : prouvez au chinois qu'il compte pour vous et que
vous ne vous estimez pas supérieur. Donnez lui de la face ! “Plus l'épi est riche de
grains, et plus il plie la tête” dit le dicton.
• Soyez patients et philosophes ! Dîtes-vous que ce n'est pas votre pays et essayez de
vous libérer de vos critères de politesse, seule façon d'apprécier votre séjour. Si cela
vous est difficile, préférez les bons hôtels et les grandes villes. Préférez également le
Nord au Sud : les Pékinois considèrent les cantonais comme étant des personnes
assez rustres et arrogantes. Les cantonais répondent en disant que les pékinois sont
conservateurs et peu enjoués.
• Faites un stage à Hong Kong avant la grande épreuve chinoise. Les hongkongais
n'ont pas la réputation d'être très accueillants ou courtois mais la ville possède un
caractère cosmopolite et des habitudes anglaises (comme faire la queue devant les
portes du métro) qui faciliteront la transition.

(1) "La Chine et les chinois" de Lin Yutang. Op. cit.


(2) Apologie du théâtre, in "Contes moraux" de Jean-François Marmontel, 1763

- Chap 6 : Le Yin et le Yang -


Benoît SAINT GIRONS

En Chine, le mot épouse (qi) est composé de deux caractères : l'un désigne la femme, l'autre
le balai ! Le caractère femme (nü) évoque une épouse dans une attitude de soumission, à
genoux, le dos et la tête inclinés. (1) Le yin, principe féminin, représente également la partie
de la colline qui est à l'ombre : le principe froid, lunaire, passif, nuageux, caché; la nuit,
l'obscurité et le nord. A l'inverse, le yang, principe masculin, désigne la partie de la colline qui
est au soleil, ce qui est chaud, solaire, actif, lumineux, ouvert; le jour et le sud. L'homme (nan)
est quant à lui représenté par la force travaillant aux champs. Nous voilà donc d'emblée
avertis : le rôle de la femme est historiquement d'ordre domestique; elle veille à la maisonnée
et élève les enfants tandis que son mari travaille. Pour leur éviter de sortir et de prendre froid,
les chinois leur avaient d'ailleurs longtemps bandé les pieds (la pratique fût interdite par Mao
en 1949) et celles qui s'aventuraient à l'extérieur, avaient le choix entre plusieurs métiers
prestigieux : prostituée, entremetteuse, devineresse, religieuse, sage-femme ou, bien sur,
fermière.

Le fait que la chinoise puisse, une fois mariée, conserver son nom ne change rien : l'enfant
mâle conserve la préférence et la politique de l'enfant unique conduit à la distorsion des lois
naturelles : s'il nait naturellement 95 filles pour 100 garçons, il n'en nait que 85 en Chine. Cela
représente tout de même 1 million de disparues tous les ans ! Avortements et infanticides
sont plus efficaces pour déterminer le sexe de la progéniture que les recettes de grand-mère !
97% des avortements seraient ainsi conduits à l'encontre de filles et si l'infanticide est
légalement interdit, la loi de 1981 ne précise pas la peine encourue... Une chanson populaire
du "Livres des poèmes" est éloquente : “ Lorsqu'un petit garçon naissait, on l'étendait sur un
lit et on lui donnait du jade pour se distraire, tandis que s'il s'agissait d'une petite fille, on la
couchait sur le sol et elle n'avait pour s'amuser qu'un morceau de tuile”. Cette chanson est
antérieure à Confucius de plusieurs siècles. Mais ce sont bien sûr les réflexions de ce dernier
qui influencèrent le plus - et continuent d'influencer - les rapports entre le yin et le yang au
sein de la famille. La lignée familiale, le respect des ancêtres, ne seraient possibles qu'avec
un petit prince. Le travail aux champs également : le gouvernement autorise donc les
paysans à avoir un second enfant si le premier se révèle par malheur être une fille. La
seconde tentative sera en général politiquement correcte...
Reléguée à la naissance au second plan par des coutumes d'un autre âge, la chinoise ne
tarde pourtant pas à s'imposer en égal de l'homme. Le proverbe “L'homme est à la tête de la
famille” était ainsi complété par “et la femme est le cou qui fait bouger la tête comme et quand
elle veut”. La chinoise est en effet forte en gueule et forte tout court : à densité égale, les
chinoises seraient plus robustes que les européennes (2). Devant tant de puissance, le
chinois, en dehors de ses heures de travail, ne peut que s'incliner et filer droit. L'ancien
Premier ministre Li Peng aurait ainsi déclaré lors d'un voyage officiel à Bucarest : “Je suis
entièrement soumis à mon épouse. J'écoute tout ce qu'elle me dit”. L'égalité devant les
tâches ménagères est un droit reconnu et il est très fréquent de voir les chinois prendre soin
de leurs enfants, garçons ou filles.

A l'inverse, la chinoise a depuis longtemps rejoint ou pris la place de son mari aux champs
(dans certaines région, du fait de l'exode des hommes vers les villes, 80% du travail serait
désormais assuré par des femmes), à l'usine, au magasin, au bureau ou même au
"Parlement" (21% des sièges leur sont attribués contre 6.4% en France !) Cette "égalité
pratique des sexes" se traduit fort logiquement par une absence de courtoisie envers la gent
féminine. “Les femmes et les enfants d'abord” se traduit en chinois par “Les enfants d'accord
mais les femmes avec les hommes, à bâbord !” S'il s'agit de la mère, c'est un autre problème :
selon un sondage réalisé à Taiwan, les chinois qui auraient à choisir entre le fait de sauver
leur enfant, leur femme ou leur mère choisiraient leur mère à une écrasante majorité...

Tout gouvernement totalitaire que l'on soit, on ne perturbe pas impunément les lois naturelles
et la préférence masculine de la naissance devrait bientôt offrir aux chinoises leur plus belle
revanche. Education sexuelle ou non, les chinois vont en effet se rendre rapidement compte
qu'il est difficile de se marier, et à plus forte raison de procréer, sans compagne. La pénurie
d'épouse est pour bientôt. En 2020, il est prévu que plus d'un million d'hommes sera, chaque
année, incapable de trouver une épouse. Les candidats au mariage ont donc tout intérêt à
correspondre au cahier des charges établi par leurs consoeurs : être riche, être citadin, être
ambitieux, être grand (les moins d'1m70 sont qualifiés de “sous-homme”, “d'invalides” ou
“d'handicapés”). On comprend mieux la frénésie des chinois à s'enrichir et à insulter les
chinoises attirées par les étrangers : bien plus que leur épanouissement sexuel, c'est leur
survie qui est menacée !

Ceux qui ne possèdent pas les qualités requises ont parfois recours à des pratiques que l'on
croyait à jamais disparues : pour moins de 3.000 yuans (2.100 francs), ils s'achètent une
femme préalablement kidnappée. “Les paysans achètent leurs femmes comme ils achètent
une mule. Ils les traitent de la même façon et leur concèdent les même droits” écrivait Marc
Boulet en 1988. (3)

Si un chinois avec une occidentale est considéré comme une personne nécessairement riche
et influente, une chinoise se "promenant" en compagnie d'un occidental sera encore parfois
traitée de “salope” ou de “prostituée”. Et comme la prostitution est interdite, la police se
chargera de faire respecter la loi : l'étranger surpris dans un espace clos en compagnie d'une
chinoise, même s'ils sont en train de faire une partie de go, en sera quitte pour négocier une
amende. La chinoise se verra peut être quant à elle offrir un séjour 5 étoiles dans un centre
de "rééducation"... Et cela marche aussi entre chinois : à Shaolin, les policiers ont un jour
débarqué à 23 heures pour arrêter un couple illégitime et, par la même occasion, contrôler
ma solitude. A Shanghai, plus de la moitié des détenus et 95% des détenues des centres de
rééducation par le travail seraient des auteurs de “délits sexuels” (4)

Qu'il est loin le temps où la médecine chinoise préconisait aux chinois qui pouvaient
financièrement se le permettre de renforcer leur force masculine yang au contact de multiples
partenaires yin en buvant à la “Fontaine de Jade” (5). Mao Zedong a bien essayé de rétablir
la tradition en couchant avec de nombreuses toutes jeunes filles mais son idéologie fut plus
forte que son exemple. Officiellement, tout ce qui est "pornographique", c'est à dire en
langage occidental, “érotique soft” est prohibé et avidement confisqué par les douanes
chinoises. Tant pis pour les chef d'oeuvres littéraires de l'antiquité chinoise ! Le communisme
n'est pas à un génocide culturel près !
En pratique, la Chine est toutefois bien moins frigide que son régime et les chinois bénéficient
de toute une panoplie d'accessoires érotiques. Côté masculin : le beeper et le téléphone
portable à la ceinture. Côté féminin : le mini-short et les vêtements transparents, voire peut
être aussi les collants qui ne montent qu'en bas des cuisses et que certaines paysannes
utilisent comme portefeuille. Lorsque les chinoises se mettront à porter de la lingerie fine, il y
aura enfin une érection nationale au fourrage universel ! Le shopping offre également
quelques "agréables" surprises : les cartes à jouer “vigorous and beautiful” (des fortes
poitrines en maillot de bain) ou les multiples aphrodisiaques en vente libre en grande surface
aux photos relativement explicites. Afin de rendre les produits efficaces, la représentation de
la nudité est pour une fois tolérée : à peine quelques mosaïques sur les parties génitales...
C'est une exception : les mannequins en plastique aux formes généreuses des magasins de
vêtements ont tous des faciès d'occidentales. Comme me l'expliquait un chinois, il serait en
effet impensable de dévêtir en plein jour des mannequins "chinois". La nudité reste une
spécialité à dominante étrangère...

“Un pays, deux systèmes”. Pourquoi tous les chinois rêvent-ils d'aller à Hong Kong ? Mais
pour se rincer l'oeil bien sûr ! Depuis son rattachement à la mère-patrie en juillet 1997, Hong
Kong est devenu en quelque sorte le sex-shop de la Chine. Difficile d'y rentrer : Pékin veille à
ce que les visiteurs soient financièrement majeurs. Ensuite, c'est une question de goûts :
spectacles de danses, Karaoke à "hôtesses", films érotiques dans quelques cinémas et
partout en vidéo, accessoires en tout genre sur les marchés ou magazines à chaque coin de
rue... Le choix est vaste mais respecte en principe l'interdit pornographique : les magazines
importés subissent une cure d'amincissement et si "Penthouse" publie une version HKgaise,
la cuvée locale est loin d'atteindre la crudité des versions occidentales. De même, les
mineurs et les âmes sensibles ou vertueuses sont officiellement protégées : lorsque la T.V.
diffuse "L'amant" de Jean-Jacques Annaud, c'est à dire une ou deux fois par an, les censeurs
prennent soin de faire de la place pour les coupures publicitaires, toutes les quinze minutes.
Le film prend tout de suite une autre dimension : l'héroïne décolle sur Cathay Pacific parce
que son amant est “so XO” (tellement XO) et qu'il porte au poignet une “Rolex of Geneva”...
Autant pour l'éducation sexuelle et/ou capitalistique des Hongkongais...

En Chine, l'éducation sexuelle est sensiblement plus compliquée : rares sont les chinois à
avoir vu des cigognes ! Il y a bien dans les programmes scolaires officiels, depuis 1985, un
créneau pour cette matière mais il conviendrait d'abord d'expliquer aux professeurs de quoi il
retourne afin d'éviter les accidents fâcheux. Le risque est d'autant plus grand que tout un
appareillage sexuel est en vente libre dans les grands magasins : lors d'une de mes visites,
un jeune chinois voulait à tout pris me vendre un "parapluie" rose fluo tout hérissé de
renflements en plastique. Il côtoyait des dizaines de vibro-masseurs de tailles et de formes
impressionnantes. Malgré cette concurrence, un sex-shop a ouvert ses portes à Pékin :
"Adam et Eve". Le nom est approprié : le sexe est certainement aussi familier des chinois
que ces personnages bibliques, sans parler de la répression qui frappe la religion catholique
non officielle...

Des journaux de Hong Kong relataient en 1994 quelques aventures de chinois dans la
chambre à coucher. Une chinoise avait sorti le couteau croyant apercevoir une... souris ! Un
chinois se plaignait de l'infécondité de sa femme mais portait un préservatif lors de chacun de
ses rapports... Un autre ne comprenait pas pourquoi sa femme était toujours vierge deux ans
après leur mariage et trouvait les rapports sexuels douloureux. Explication : il fréquentait le
mauvais orifice... Une autre pensait qu'elle n'avait aucun risque de tomber enceinte
puisqu'elle n'avait pas obtenu de certificat de mariage... Ces anecdotes, sans doute extrêmes,
démontrent que la "notice explicative" reste ambiguë pour de nombreux chinois. Magazines
et radios ont donc entrepris de clarifier un peu le mécanisme aux travers d'articles ou
d'émissions dans le style “Cher Docteur, j'ai un petit problème...” La sexologie serait-elle en
Chine un métier d'avenir ?

Deux chinois marchent en se tenant la main. Voilà qui est touchant. Vont-ils bientôt
s'embrasser ? Impossible en public ! L'homosexualité (il y aurait entre 1 et 5% de gay chinois)
est réprimandée en Chine ! Force est donc d'admettre qu'il doit s'agir de camarades. Les
garçons avec les garçons; les filles avec les filles. Voilà sommairement résumée la règle des
contacts physiques avant le mariage. Dans la discothèque de Shaolin, un chinois s'approche
de moi : “Veux-tu danser avec moi ?” - “Non merci, je ne danse qu'avec des filles” Autrement
dit je ne danse pas puisque les filles dansent aussi entre-elles...

C'est peut être mieux comme cela. Car Big Brother veille au grain et sa police est toujours
prête à aller regarder par le trou de la serrure lorsqu'elle a vent de relations illicites. Les
impétrants en sont quittes pour une forte amende/dessous de table ou un séjour de quelques
semaines à l'abri de leurs concitoyens vertueux. Pourtant, d'un autre côté, les chinois ont un
besoin naturel de se toucher, de se frotter les uns aux autres, de se caresser,... Dans un sens,
la nature est bien faite. Car des dortoirs d'écoles ou d'usines aux autobus bondés, les chinois
ont tout loisir d'assouvir ou de développer leurs goûts tactiles. Et du coup, il en redemandent :
un jeu dans ma première école de Kung Fu consistait à essayer de reconnaître, les yeux
bandés, se camarades de classe en leur palpant le visage. Une scène également du film "Le
dernier Empereur" de Bernardo Bertolucci où le jeune Pu Yi s'abandonne, protégé par un
mince drap, aux mains de ses eunuques...

Mais le plus drôle est encore d'aller palper les muscles, prendre le bras ou tirer les poils du
torse ou des bras des étrangers. - “Vous savez, dans mon pays, cela ne se fait pas” - “Ah non,
c'est vrai. Chez vous, vous vous embrassez n'est-ce pas ?” - “Non. Mis à part ses proches ou
s'il est homo, un homme n'embrasse que les femmes” - “Sur la bouche ?” - “Non, sur les
joues. Il n'y a que sa femme ou sa petite amie que l'on embrasse sur la bouche.” - “Et entre
hommes alors ?” - “On se sert la main. Mais on sert aussi la main des femmes que l'on ne
connaît pas” - “C'est bien compliqué !” En ce qui concerne les relations mixtes, difficile en
effet de faire plus simple que le système chinois : jusqu'à l'officialisation, une distance
minimale de sécurité se doit d'être observée. Malheur à celui qui ouvre par inadvertance la
porte des douches féminines. Même s'il n'a rien vu puisque la lumière était éteinte, il en est
quitte pour une demi heure de concert canin et l'étiquette de maniaque sexuel jusqu'à la fin
de son séjour ! Pour les amoureux, c'est un peu différent : s'ils ne peuvent toujours pas se
"voir", ils peuvent dorénavant se tenir de temps en temps la main. Les couples sont tout aussi
discrets en public : tout au plus autorise-t-on la femme à tenir le parapluie. Histoire sans
doute de ne pas éveiller la jalousie de leurs concitoyens, voire de leur donner des idées
obscènes. Il y aurait risque de révolution sexuelle !

“J'ai entendu dire qu'il y avait plein de prostituées en France” - “En nombre absolu, sans
doute bien moins qu'en Chine. Et en pourcentage de la population, sans doute autant” - “Ce
n'est pas possible : je n'en ai pas vu” - “C'est normal : elles sont plus discrètes qu'en occident
puisque c'est officiellement interdit. Elles sont surtout localisées dans les grandes villes ou
destinations balnéaires telles que l'île de Hainan. Mais elles sont là. En France, on va “voir
les putes” : certaines rues leurs sont quasiment réservées. En Chine, elles nous contactent
directement dans la chambre ou nous abordent discrètement dans la rue.” Evidemment, on a
plus de chance d'en apercevoir si l'on a une belle montre au poignet... Quant aux pseudo
prostituées prêtent à n'importe quel mariage pour obtenir une nationalité, elles sont
certainement autant légion que dans tous les autres pays en développement. Voire plus
nombreuses, la chinoise étant naturellement attirée par ce qui brille et suffisamment forte
psychologiquement pour ensuite entamer une procédure de divorce. La Chine n'est
heureusement vertueuse que dans ses statistiques officielles !

Plus sérieusement...

En matière de sexualité, la Chine se trouve un peu dans la même situation que la France
d'après-guerre, à la différence que la police française se rendait rarement dans les chambres
à coucher. Mais d'après un policier chinois, ces visites et arrestations - dont je fus un jour le
témoin - ne sont pas systématiques : “S'il y a des sentiments, il est possible de coucher avant
le mariage” - “Comment savez-vous s'il y a des sentiments ?” Pas de réponse. "Sentiment"
signifie-t-il "relation" ou "pot de vin" ? Quoi qu'il en soit, si les adolescents chinois ont la
langue bien pendue lorsqu'ils questionnent la sexualité des occidentaux, ils semblent vivre
leur abstinence sans grande difficulté. Il faut dire que pas grand chose ne vient encore
perturber leurs sens. Un chinois en France serait bien plus mal à l'aise : toute cette nudité
dans les média, tout ce commerce erotico-pornographique, toutes ces discussions à
caractère sexuel lui feraient rapidement prendre conscience de certains détails de son
anatomie...

Car le chinois n'est pas moins sensible à ce genre d'arguments que les autres. “Je n'ai pas
encore trouvé un homme qui soit autant amoureux de la vertu qu'il l'est de la beauté féminine”
notait Confucius. Comme en témoigne Robert Van Gulik (5), les chinois avaient en effet dans
l'antiquité une grande érudition pour la chose. Aujourd'hui, il suffit de voir le nombre de jolies
filles qui papillonnent autour des chinois fortunés ou la recrudescence des "concubines" dans
les villes proches de Hong Kong pour se rendre compte que le chinois aspire à nouveau à
son épanouissement sexuel. Dès qu'il peut financièrement se le permettre, il se hâte de
compenser, à l'aide si besoin d'aphrodisiaques, sa jeunesse sexuelle perdue...

Si les traditions familiales restent fortes, un nombre croissant de jeunes y désobéissent. On


les recrutera surtout dans les grandes villes et au sein des strates éduquées de la population.
A l'échelon national, 25% des étudiants universitaires auraient déjà eu un rapport sexuel.
“Beaucoup plus à Shanghai” selon une chinoise qui connaissait bien la question. A Hong
Kong, une technique expérimentée par un anglais a fait ses preuves : promettre le mariage et
emmener la chinoise sur une île tropicale... Dans tous les cas, le sexe pour le sexe le soir
même reste rare et, s'il existe, est surtout l'apanage des électrons libres. La norme consiste
toujours en une rencontre plus ou moins arrangée par la famille ou les amis suivie d'une
période de romance plus ou moins sexuelle (plutôt moins que plus) d'où découlera un
mariage et une union stable. Si le divorce est autorisé, il est psychologiquement et
politiquement découragé : la séparation est ressentie comme une perte de face et les
divorcés savent qu'ils auront des difficultés pour se reloger, les logements "publics" étant
réservées, tant en Chine qu'à Singapour, aux vertueuses familles confucéennes.

En France, pays de liberté sexuelle et de concubinage, un mariage sur trois débouche sur le
divorce voire même un sur deux à Paris et dans les grandes agglomérations (un sur dix en
Chine, le plus souvent à la demande des femmes), entraînant des familles de plus en plus
éclatées. Peut-être est-ce du au fait, comme le remarquait Lin Yutang à propos de l'image de
la femme que “les occidentaux pensent en terme de sex-appeal, alors que nous autres
chinois, pensons en terme de Maternité”. L'occidental se marie avec passion. Le chinois avec
raison. Or, comme le dit un dicton chinois “La passion ne durera que l'espace d'une ou deux
lunes. Par contre, le mariage se doit de durer toute une vie”. Devant une telle sagesse et au
vu de la réelle force et solidarité des familles chinoises, souvent composées de trois
générations vivant sous le même toit, il me semble que le français individualiste ne peut que
s'éclipser sur la pointe des pieds en s'excusant du dérangement...

Survivre en Chine...

• Si vous êtes allergiques aux contacts physiques, préférez le pôle Nord à la Chine. Si
la densité moyenne est légèrement supérieure à celle de la France (127 hab../km²
contre 107 hab./km²), 60% de la population s'entassent sur 12% du territoire, faisant
grimper la densité à 600 hab./ km² ! Ne vous laissez toutefois pas "examiner" sans
réagir : vous n'êtes pas à vendre ! Par contre, essayez de prendre l'initiative des
contacts physiques avec vos connaissances : serrez leur la main, prenez les par les
épaules, donnez leur une tape dans le dos. Les contacts sont bien plus tolérables si
c'est vous qui les initiez.
• Ce qui précède ne s'adresse évidemment pas aux femmes. Les relations avec le
sexe opposé seront en Chine à dominance verbale : beaucoup de choses peuvent
être échangées oralement, très peu tactilement sinon des ennuis.
• Méfiez-vous des prostituées. La source de leurs revenus n'est pas claire : l'argent du
sexe ou bien les commissions de la police lorsqu'elle débarque dans la chambre et
verbalise ? Interdite, la prostitution est encore souvent sous la protection de la police
locale et, si ce n'est pas le cas, la professionnelle qui débarque à l'hôtel est de toute
façon remarquée par le personnel...
• Sortir avec une chinoise est souvent très frustrant et toujours source d'ennuis si l'on
souhaite aller au delà de la gentille discussion dans le parc. Ce ne sera possible que
si la chinoise l'a déjà fait - ce qui n'est pas la norme - et si vous arrivez à être discret.
Vous multiplierez vos chances si vous sortez avec la jeunesse dorée que vous
sélectionnerez dans les discos payants à la mode : la police est peu enclin à
contrôler les enfants des généraux, des ministres ou des capitaines d'industrie. Quel
scandale si l'on apprenait que les enfants n'obéissent pas aux directives imposées à
l'échelon national par leurs parents ! C'est la Chine entière qui perdrait la face ! Pour
les occidentales désireuses de sortir avec un chinois, aucun problème ! Il y a comme
une injustice dans l'air...
• Pour le mariage, armez-vous de patience : les procédures seraient longues et les
officiels peu aimables. La famille de la chinoise n'acceptera, à contrecoeur (si elle
accepte !), qu'à la vue de votre situation sociale confortable voire de votre
"intégration" chinoise. Une trop grande différence d'âge (cela ne gêne pourtant pas
les chinois entre eux) ou des revenus trop limités seront cause de grandes tensions -
pertes de face - qui déboucheront parfois sur l'exclusion du cercle familial. Sentence
oh combien douloureuse pour un chinois !

_______________

(1) Edoardo Fazzioli "Caractères chinois" Op. cit.


(2) selon un article du magazine "Sports & vie", sept-oct 1995
(3) Marc Boulet "Dans la peau d'un chinois" Edition Barrault, 1988
(4) Bernard Degioanni "Des vélos plein la tête" Editions France-Empire, 1991
(5) Les personnes intéressées par ce vaste sujet pourront consulter le très sérieux ouvrage
de Robert Van Gulik, "La vie sexuelle dans la Chine ancienne" aux éditions TEL Gallimard,
1971

- Chap 7 : Je mange, donc je suis -


Benoît SAINT GIRONS

“Manger, c'est le ciel des chinois” a dit Sun Yatsen. En effet : un chinois n'est jamais autant
chinois qu'assis dans un restaurant, baguettes dans la main droite, bol de riz dans la main
gauche et nez dans la soupe (de poisson). Le chinois ne parle pas de population ou de
nombre de personnes dans une famille mais de “bouche à nourrir” (renkou) et l'oeil qui voit du
riz donne le... sourire ! (mi). Le "ventre" (du) est quant à lui la juxtaposition de la viande et de
la terre et est traditionnellement considéré comme le siège de la connaissance comme en
témoigne l'expression “un ventre plein d'érudition”.

Les français, pourtant connaisseurs, ont trouvé leurs maîtres : le chinois ne mange pas pour
vivre mais vit pour manger. Pour manger beaucoup. On a peine à croire que les chinois
soient les inventeurs du Qigong qui, entre autre prodiges, permet de se passer presque de
nourriture. Beaucoup plus logique: l'immense émotion qui secoua la population lorsque des
manifestants étudiants du mouvement de 1989 annoncèrent qu'ils entamaient une grève de
la faim. Des chinois avaient volontairement décidé de renoncer à manger ! Et pas seulement
en dehors des repas ! Cela ne s'était jamais vu ! Cela ne dura donc pas longtemps : quelques
jours à peine suffirent à marquer l'exploit.

Manger est pour un chinois synonyme de bonne santé physique et financière et l'obésité
légère un signe extérieur de richesse (il y aurait 70 millions d'obèses chinois soit plus de 5%
de la population). D'après le quotidien "The China Daily" , les habitants de Pékin
consommeraient jusqu'à trois fois plus de sel et deux fois plus de gras que ce qui est
habituellement recommandé (1). La nourriture est donc de toutes les conversations : le
chinois ne dira pas “Bonjour, est-ce que ça va ?” mais “Bonjour, as-tu déjà mangé ?” (chiguo
le meiyou) - “Quelle question ! Bien sûr que j'ai mangé : il est trois heures de l'après-midi ! Et
toi ?” - “Moi, pas encore.” Nous ne parlons évidemment pas du même repas. - “Est-ce que tu
aimes la cuisine chinoise?” - “Beaucoup. Tout comme la cuisine française, l'art culinaire
chinois est réputé dans le monde entier mais je préfère vos plats salés et pas trop épicés.” -
“Qu'est-ce que tu as mangé hier soir ?” - “Du boeuf” - “Combien ?” - “10 yuans (7 francs)” -
“C'est trop cher ! Combien est-ce que tu dépenses en moyenne par jour ?” - “Avec les
boissons, moins de 25 yuans (18 francs)” - “Ce n'est pas beaucoup...” En effet : le chinois du
sud y consacrerait 48% de son budget ! On l'aura compris : la mode basse calorie n'est pas
prête d'atteindre la Chine; le chinois mange n'importe quoi, n'importe où, n'importe quand et
n'importe comment...

• N'importe quoi : Les mangeurs de grenouilles sont ridiculisés ! Il serait en effet


presque plus rapide de dresser la liste de ce que les chinois ne mangent pas : si cela
a quatre pattes et que ce n'est pas une table, cela finira dans l'assiette d'un chinois !
Les tables du sud sont particulièrement riches en mets "exotiques" : du chien, bien
sûr, mais aussi du chat, du serpent, du rat, de l'oiseau, du scorpion, du singe, de la
tortue,... On s'excuse presque de demander du poulet ! Aucune chance par contre de
se voir servir du chien au lieu de boeuf : tout ce qui est rare est cher et les chiens bon
marché, rares, n'échappent pas à la règle. Manger n'importe quoi reste donc
généralement la prérogative des riches chinois.
• N'importe où : Dans la rue ou sous un toit, assis ou debout, l'important, pour le
commun des chinois n'est pas où l'on mange mais ce que l'on mange. Et
heureusement pour eux ! Car les restos du peuple brillent en général par leur
absence de confort, de décors et de propreté : quatre murs et un toit pour protéger
des intempéries, un sol cimenté pour essuyer plus facilement tout ce qui déborde des
chinois, des tables et des tabourets, une T.V. plus ou moins récente,... Il n'y a pas
beaucoup de restaurants de Chine qui survivraient aux normes de sécurité et
d'hygiène imposées en France. Par contre, ils auraient sans doute fait la joie de
Pasteur : en Chine, on mange parfois "plus" que ce que l'on a commandé...

• N'importe quand : La meilleure heure pour manger, c'est lorsqu'un chinois passe
devant quelque chose à manger. Et les occasions sont multiples : épis de maïs,
glaces, petits pains fourrés de viande (baozi), fritures diverses dans des huiles plus
que douteuses,... les snacks aident à assurer la transition entre les repas qui, eux
également, seront pris à heures variables mais en général assez tôt (déjeuner à 11
heures et dîner à 18 heures).

• N'importe comment : Surtout, ne jamais, jamais, inviter une jolie chinoise à manger
du poulet ! Elle se transformerait aussitôt en Fée carabosse ! Lorsqu'il s'agit de vider
leurs bols ou leurs assiettes, les chinois s'inspirent du chien pour l'élégance et de
l'aspirateur pour la rapidité ! Non, je suis méchant : les chiens, eux, ne recrachent
pas les os ! A peine commencé à manger, les chinois ont déjà terminé. Les années
de disette ont visiblement marqué leur subconscient : il faut faire vite, avant que
quelqu'un ne me pique mon bol ! Quant à ce que l'on ne mange habituellement pas,
la langue fera le tri et la bouche l'expulsera, sur la nappe ou par terre, au travers de
divines sonorités. Une fois le repas terminé, les rebuts permettront aux chinois de
faire l'inventaire de ce qu'ils ont mangé : “Tiens, regarde, il y avait du poulet !” Etait-il
bon ? Difficile à dire : leurs glandes gustatives n'ont pas encore eu le temps de
s'activer...

Le repas chinois a une fonction sociale évidente : montrer que l'on a du fric. La règle du jeu
pour celui qui invite consiste à commander bien plus de plats que ses invités ne peuvent en
manger : s'il n'y a pas gaspillage de nourriture, il y aura perte de face. Si l'Empereur se voyait
proposer 120 plats à chaque repas, en plus des plats de saison (2), les banquets actuels sont
en général composés uniquement de 12 à 18 plats. Les plats arrivent, régulièrement, et sont
disposés sur un plateau tournant au centre de la table. Les convives, assis en cercle, jouent
des baguettes avec dextérité. Il faut faire vite, avant que les "adversaires" n'aient tout
englouti ! Pas le temps, donc, de converser, de savourer les aliments ou de respecter une
"logique" culinaire : salé, sucré, pimenté,... l'estomac se chargera de faire le tri ! Le bol de riz
est consommé à part (ou pas consommé du tout) : aliment du pauvre, il ne fréquente pas les
plats et les sauces.

La trêve n'intervient qu'une fois les derniers plats servis et à moitié consommés (s'il n'y a pas
gaspillage, cela signifie que les hôtes n'ont pas commandé suffisamment). Le moment est
venu de prendre son temps et, pour parfaire son ébriété, de retomber en enfance. Une
variante du "jeu de la pierre, de la feuille et des ciseaux" commande la saoulerie. Jeux de vin,
jeux de vilains : celui qui perd, boit. L'alcool n'est visiblement pas interdit aux mineurs... Vient
le moment de payer l'addition. Celle-ci doit être réglée discrètement si l'invitation était claire,
de manière ostentatoire à l'opposée. A Hong Kong, les convives livrent batailles pour exposer
leurs cartes de crédit "Gold" ou "Platine". En Chine, celui qui paye doit d'abord repousser
physiquement et en rigolant, tous ceux qui font mine de se diriger vers la caisse. Dans tous
les cas, il serait bien inconvenant de discuter le montant du repas : on ne joue pas avec le
prix de la nourriture !

Plus sérieusement...

Il serait malhonnête d'exagérer les risques de maladies alimentaires en Chine : tous les
restaurants sont visés par un organisme qui délivrera une autorisation d'exercer et contrôlés
tous les ans, en théorie à l'improviste. Les critères de délivrance du sésame doivent
davantage concerner la manière de cuisiner que l'apparence de la cuisine mais n'est-ce pas
là l'essentiel ? Il y a quelques années, de jeunes américains sont morts chez eux pour avoir
ingurgité des hamburgers mal cuits dans une chaîne de fast food US : la cuisine était pourtant
nickel !

On ne peut pas non plus avoir le riz, l'argent du riz et le riziculteur : peu de chinois
survivraient aux additions des restaurants français ou chinois made in France. La simplicité
matérielle garantit des prix bas et permet à (presque) tous de “sortir au restaurant” deux à
trois fois par jour. Un plat typique de viande et un bol de riz coûtaient ainsi à Shaolin de 8 à
13 francs et un riz "cantonais" moins de 2 francs. Que reste-t-il au restaurateur une fois la
matière première décomptée ? Pas assez en tout cas pour se payer l'aquarium ou les
tableaux-cascades qui émerveillent les français lors de leur visite annuelle au restaurant
chinois de leur quartier...

Ce n'est pas seulement une histoire de couteaux et de fourchettes. Un repas à la française


tient du cauchemar pour le chinois lambda : le défilé des plats individuels, l'absence de choix,
l'obligation de tout manger pour être poli, tous les rituels de la table qui font que l'on fait moins
attention à ce que l'on mange qu'à la manière dont on mange, les discussions interminables
entre les convives, le changement permanent de vaisselles,... Tout cela est bien trop dirigiste,
rigoureux, aseptisé, organisé, long, froid, coûteux, superflu,... En un mot : immangeable ! Le
retour au pays sera un soulagement. En Chine, les rapports avec la nourriture sont bien plus
naturels et, une fois la surprise passée, finalement bien plus agréables : la variété est plus
importante, la convivialité plus grande, l'atmosphère plus décontractée et les baguettes bien
plus pratiques ! D'accord, il vaut mieux ne pas visiter les cuisines. Bien sûr, il vaut mieux ne
pas trop regarder ses partenaires de table. Evidemment, il vaut mieux oublier les conseils des
diététiciens. Cela va de soi, il vaut mieux parfois ne pas être trop curieux vis à vis de ce que
l'on mange. Mais les plats sont en général savoureux et les chinois à table bien sympathiques
et prévenants. Clamons donc le haut et fort : la cuisine chinoise est un art et manger chinois
et à la chinoise un réel plaisir !

Survivre en Chine...

• Le restaurant est en Chine le lieu où se font les amitiés. Si vous voulez vous faire des
ennemis, clamez haut et fort que vous trouvez la bouffe chinoise dégueulasse. La
réciproque marche également...
• Allez manger là où mangent les chinois. Un restaurant vide, c'est triste et c'est
suspect. Les plats déjà servis vous aideront davantage à commander que la carte en
chinois. Un impératif : toujours demander le prix et, au besoin, le mettre par écrit si
vous souhaitez éviter les additions "à la française".
• Mieux vaut être familier avec l'utilisation des baguettes avant d'arriver en Chine. Elles
sont beaucoup plus hygiéniques que les couverts que l'on pourrait vous dénicher et
vous serez jugé par les chinois sur votre dextérité à les manier. Pour l'anecdote, les
baguettes, créées en 200 av. J.-C. symbolisent la droiture mais aussi l'arrivée
prochaine d'un enfant mâle (la prononciation de kuaizi signifiant aussi “vite fils”).
• Comme dans tous les pays en développement, ne buvez pas l'eau du robinet. Les
chinois servent toujours du "thé" avec les plats. En fait, de l'eau chaude. Sans jouer
au parano, il n'est pas évident que l'eau servie ait été bouillie 5 minutes et elle peut
être à l'origine de légers troubles d'estomac. En Chine, chaque région possède sa
bière et à 1 ou 2 francs la bouteille de 640 ml, c'est la boisson la moins chère de
Chine ! Eaux plus ou moins "distillées" ou plus ou moins "minérales" et les classiques
sodas occidentaux sont également en vente.
• Si vous êtes en relation avec des chinois, vous serez nécessairement invités au
restaurant. Si les chinois ne s'attendent pas à ce que vous aimiez tous les plats (ils
ne les aiment pas tous non plus), surtout s'ils ont décidé d'investir dans l'option
"exotique", essayez de conserver une attitude sereine lorsque apparaîtront des
scorpions grillés, du concombre des mers ou des têtes de tortues. Le “Beurk, qu'est-
ce que c'est que cette horreur ?” est à éviter. Même chose pour le “Humm,
délicieux !” si vous ne souhaitez pas vous voir servi le même plat matin, midi et soir...
Il est de toute façon rare que vous ne trouviez pas de quoi vous régaler dans
l'abondance et la variété des plats chinois?
• Les alcools sont plus controversés. Le plus tristement célèbre est le Maotai. Goûtez-y
pour avoir une idée de ce que vous utilisez pour déboucher vos toilettes. Je n'ai
encore jamais rencontré aucun occidental aimant ce breuvage. Mais d'un autre côté,
personne de ma connaissance n'a jamais été malade pour en avoir bu (avec
modération). Ce n'est pas bon mais ça passe quand même. Les chinois seront
bourrés d'admiration si vous "tenez" leur alcool mais ne vous en voudront pas si vous
vous contentez d'un verre. Par contre, attention à ne pas vous laisser embarquer
dans des toasts à répétition avec des convives à chaque fois différents : si vous
buvez, que tous boivent, et la même chose que vous, et sans tricher ! Si vous ne
supportez pas l'alcool ou si c'est contre votre religion, dîtes le simplement et portez
les toasts avec du thé ou tout autre breuvage. Vous pouvez aussi faire référence à
l'ancien Premier ministre Zhou Enlai : il portait ses toasts en ne trempant que les
lèvres...
• Les banquets sont essentiels pour les affaires mais les affaires ne sont pas discutées
lors des banquets. Manger est une activité sérieuse qui demande une attention
exclusive !
• Les chinois classent les aliments en fonction de leurs qualités pour refroidir,
réchauffer, reconstituer ou ne rien faire à l'organisme. Les viandes de chien ou de
serpent sont par exemple des viandes d'hivers tandis que le mouton ou le poulet à
peau noire seraient des reconstituants d'énergie.

(1) Relevé par Fred Schneiter dans son ouvrage "Getting along with the Chinese", éditions
Asia 2000, 1992
(2) Yin Yi "Mémoire d'une dame de cour dans la cité interdite" Editions Philippe Picquier,
1993.

- Chap 8 : Une vie de chien -


Benoît SAINT GIRONS

Le lapin était toujours vivant. Mais il n'avait pas bonne mine: le boucher lui avait
délicieusement retiré sa fourrure. Ce n'était pas, bien sûr, pour le protéger de la chaleur du
marché de Canton mais afin de gagner du temps lorsque viendrait le client. Les cantonais
sont des gens pressés qui apprécient la viande fraîche. L'acheteur serait donc doublement
content : le lapin grelottait de douleur et de froid. De fait, il ne tarda pas à se manifester : la
mort libératrice était pour bientôt. Mais pas avant de subir une dernière torture : le boucher
prit son couteau et commença à lui ouvrir le ventre sur une bonne quinzaine de centimètres.
Satisfait de l'orifice, il y plongea la main pour en retirer intestins et autres boyaux. Ce n'est
que l'estomac vide que le lapin rendit son dernier râle, muscles tendus, yeux exorbités,... Une
vrai scène à cauchemar ! Un chinois m'aborde : -“Dans ton pays, vous ne pourriez pas faire
ça n'est-ce pas ?” - “Non, en effet. Nous essayons de ne pas faire souffrir les bêtes” - “Ici on
peut.” Je l'avais remarqué !

"Amis des bêtes, bienvenus en Chine ! Avant de commencer la visite, je vous annonce à tous
une bonne nouvelle: pour fêter votre arrivée, nous avons décidé de modifier vos repas sans
suppléments de prix. Ce midi, vous n'avez pas mangé du boeuf mais du chien et pour ce soir,
nous vous avons préparé du serpent. Mais avant cela, pour vous mettre en appétit, nous
allons aller visiter le marché de Canton...” On s'évanouit de bonheur pour moins que ça !

Retour donc sur le plus célèbre marché de Chine. La section fruits et légumes manquant un
peu de vie, nous ne nous y attarderons pas. La section pharmacopée est déjà plus couleur
locale : hippocampes, scorpions, serpents, mille-pattes, lézards, cafards, grenouilles,... Tous
séchés et tous à même de soigner un chinois mal en point : le serpent soignerait le mal de
dos (parce qu'ils n'ont pas de colonne vertébrale ?), les grenouilles le mal de gorge (pour
croasser d'allégresse ?) et le lézard les problèmes respiratoires. Pour les problèmes de virilité,
on se tournera vers le pénis de cerf ou - beaucoup plus rare et cher - de tigre. Le ginseng fera
également l'affaire, surtout les variétés sauvages qui atteignent parfois des fortunes et sont
fièrement exposées en vitrine des pharmacies.

Mais la section "vivante" est celle qui, en général, émeut le plus les visiteurs : tortues, chats,
poissons, cailles, faisans, poules, grenouilles, canards, crabes, ragondins, lombrics, rats,
hiboux, pigeons, ratons laveurs,... Ça saute, rampe et gigote dans tous les sens. Quelques
cartes postales à envoyer à Brigitte Bardot : les crabes ligotés qui asphyxient, les chats ou les
chiens suffoquant de chaleur dans leurs cages, le poisson-chat coupé en deux et embroché
qui continue à bouger la tête ou encore, plus artistique, le couteau ensanglanté des
poissonniers. Bons baisers de la S.P.A. (Sans Pitié pour les Animaux) locale !

Tous les routards ont entendu l'anecdote : dans certains restaurants de Chine, on servirait du
singe vivant. Le client découperait lui-même la boite crânienne avant d'attaquer le cerveau à
la petite cuillère. Un film serait même disponible sur le sujet. Mythe ou réalité ? Le deuxième
"Indiana Jones" contient une description de repas similaire mais la scène se passe en Inde...
Reste que l'idée véhiculée par cette histoire est rarement démentie par les faits : les chinois
sont cruels vis à vis des animaux.

Est-ce encore un héritage de l'ère Maoïste ? En 1956, ce dernier lançait son fameux mot
d'ordre des “Quatre Maux”. Accusés, non sans raison mais avec un drôle de cynisme, de
détruire les récoltes et d'empoisonner la vie, rats (et souris), mouches, moustiques et
moineaux devaient être exterminés à l'échelon national. La tradition semble avoir
profondément marqué le subconscient chinois. Encore aujourd'hui, des chinois passent des
journées entières, assis sur une chaise, un tue mouches à la main et, dans ma première
école de Kung Fu, les élèves avaient de temps en temps un quota d'insectes à remplir. Il n'y
a bien que les oiseaux qui bénéficient d'un cessez-le-feu officiel (ils furent remplacés par les
punaises lorsqu'on se rendit compte qu'ils consommaient plus d'insectes que de céréales) et
si les chinois les abattent encore à coups de pierres, c'est en général pour les mettre en cage
et les écouter chanter.

La violence à l'encontre du monde animal est à ce point ancrée dans les moeurs que l'on en
vient à tolérer la cruauté des autres vis à vis de ses propres animaux domestiques. Notre
école de Kung Fu possédait deux chiens bâtards : "Tout noir" et "Panthère". Leurs vies
oscillaient entre caresses et coups de bâton. "Tout noir" en particulier s'en prenait plein la
gueule : elle avait en effet le tord de s'endormir à proximité des 80 jeunes chinois qui
s'entraînaient. Elle était donc régulièrement la cible de leurs jeux : courir après avec une
flagelle, lui mettre un sac plastique sur la tête, la tracter sans ménagement, lui organiser un
combat avec une mante religieuse dont on aura au préalable arraché les pattes ou avec un
serpent, grimper dessus, tester avec elle l'efficacité de ses coups de pieds ou coups de
poing (avec gants),... Elle était presque surprise que l'on vienne la caresser (sans gants) ! Et
pourtant, malgré les apparences, elle restait relativement privilégiée : à l'extérieur, si les
adultes ne l'avaient pas déjà dégustée au repas du soir, des gamins se seraient peut être
amusés à lui couper la queue... Une vrai vie de chien (chinois) !

Les chinois adorent les animaux... derrière les barreaux d'un zoo. Pas une ville d'importance
qui n'ait sa prison ! Et peu importe que, faute d'un financement adéquat, les conditions
d'hébergement soient des plus précaires : un grand fauve qui perd sa fourrure dans une
cellule bétonnée de 9 m² n'émeut en rien les visiteurs. Tant que le panda, emblème national,
est bien traité ! Coût oblige, ce dernier n'est toutefois présent qu'en de rares endroits : Pékin
ou Chengdu par exemple. Le "Golden Monkey", autre exclusivité chinoise, est plus accessible
et, par la force des choses, moins prestigieux au regard des chinois. Le superbe zoo de
Singapour en avait pourtant loué un à grands frais : durant la présence de l'animal, le prix du
billet avait été majoré. Les chinois du continent, pour une fois indifférents à leur fortune, lui
préfèrent les chimpanzés : on leur balance de la nourriture devant le panneau “ne pas nourrir
les bêtes”, on leur offre des cigarettes allumées, on leur crie dessus,... Les singes se
regroupent pour jouir du spectacle : c'est fou ce que leurs grands cousins sont amusants !

Plus sérieusement...

La cruauté chinoise vis à vis des bêtes ne "s'excuse" que par la cruauté des bêtes entre-elles
et l'insensibilité acquise des chinois vis à vis des malheurs d'autrui. Les animaux restent à
leur place et ce n'est pas encore une place de choix, même pour les animaux de compagnie.
On est loin de la "Bardotisation" occidentale des esprits qui fait que les animaux bénéficient
parfois de plus d'attention que les hommes : pas de “gentil toutou à sa maman” en Chine (les
chinoises préfèrent s'occuper de leurs enfants), de conflits entre voisins pour cause de chien
de garde mal dressé (les chiens aboient mais les visiteurs passent), de viande pour chat plus
chère que sa version noble (les chinois n'achètent pas de viande pour chat mais de la viande
de chat) ou d'association de défense des criquets du métro en mal, parait-il, de nicotine (les
criquets sont des animaux de compagnie et les chinois fument suffisamment pour les
satisfaire). Et pas non plus de pitbull - arme canine phénomène de mode ! Il n'y a qu'au Tibet
que les chiens empoisonnent parfois la vie.

Reconnaissons aussi que tous les enfants ont un goût pour les expériences animalières :
nous avons tous brûlé des fourmis, arraché des pattes à des insectes ou joué un peu
brutalement avec chiens ou chats. Et cela ne nous a pas empêché de nous améliorer ! Les
chinois adultes sont, de fait, beaucoup plus attentionnés vis à vis du monde animal et le
spectacle de vieillards promenant aux aurores leurs oiseaux dans les allées des parcs est,
pour moi, la représentation type du parfait contentement, de la sérénité au quotidien, du
bonheur de vivre et de prendre le temps de vivre... Une image à rapprocher en tout cas de
nos personnes âgées tractées par leurs bruyants clebards dans les rues des grandes villes
françaises...

Quant aux zoos, les singes ne s'amusent sans doute pas moins en occident et, s'ils le font
dans de bien meilleures conditions, ils le doivent avant tout aux tarifs d'entrée plus élevés,
méthode que les chinois ne peuvent pas encore s'offrir... Quand tous les chinois vivront
correctement, il sera toujours temps de s'occuper de la condition animale. Il serait
inconvenant que les droits du singe viennent avant les droits de l'homme !

Survivre en Chine...

• Rendez votre carte de la S.P.A. ou de l'association des amis de BB avant de venir en


Chine !
• Ne visitez que les zoos des plus grandes villes. Les pandas de Pékin valent le détour
(et des frais d'admission séparés)
• Fréquentez les parcs chinois, de bonne heure de préférence.
• Ne soyez pas trop curieux vis à vis de ce que vous avez dans votre bol. Si cela vous
plaît, c'est le principal ! De toute façon, les "exotiques" ne sont servis que dans les
grandes occasions afin de témoigner de l'estime que l'on porte à une personne, à
une affaire ou à un événement. Beaucoup plus rarement entre amis : c'est cher et
pas apprécié de tous le monde !

- Chap 9 : La monnaie du peuple... -


Benoît SAINT GIRONS

Les chinois se vengeraient-ils de Mao à titre posthume ? A voir à quel point ils sont obnubilés
par leur enrichissement personnel, le Grand Timonier doit, dès les touristes sortis de son
mausolée, faire des sauts dans son cercueil en cristal. Le communisme est mort sur l'autel
des devises, des cours de la bourse et du cognac XO. Mais le communisme a-t-il jamais vécu
dans l'esprit des chinois ? Le chinois a-t-il un jour cessé dans son coeur d'être
matérialiste ? Ecoutons Deng Xiaoping en 1984 : “Le temps, c'est de l'argent; le rendement,
c'est la vie. Il faut se mettre en conformité avec la loi du développement. Nul besoin de
pratiquer l'égalitarisme.”

L'argent est dans tout les esprits et de toutes les conversations : “Combien gagnes-tu ?”,
“Combien as-tu payé?”, “Dans ton pays, combien cela coûte-t-il ?”,... Qui a dit qu'il fallait des
années pour parler chinois ? Savoir compter permet déjà de tenir bien des discussions ! C'est
bien connu : ce sont ceux qui en parlent le plus qui en ont le moins. Le salaire moyen chinois
reste donc encore faible, à environ 90 francs par mois dans les campagnes et 250 francs par
mois dans les villes, mais il augmente, inéluctablement : si un technicien chinois se payait 80
francs par mois en 1993, il en vaut actuellement 2.500 et il en vaudra 7.000 avant la fin du
siècle.

Les chinois tiennent les rennes de l'économie du sud-est asiatique. De la Malaisie à


l'Indonésie en passant par la Thaïlande ou les Philippines, les grosses fortunes sont
chinoises. Une telle réussite n'est pas sans susciter des jalousies et, de fait, les chinois
d'outre mer ont, tout comme les juifs en Europe, subit périodiquement l'animosité des
populations autochtones : en Malaisie en 1969 mais surtout en Indonésie dans les années
60 : les pogroms suscités par la politique du Président Sukarno coûtèrent la vie de 300.000
chinois ! On le vit encore récemment suite aux difficultés économiques que traversent la
région : de nombreuses boutiques chinoises furent saccagées et de nombreuses familles
poussées à quitter le pays. Cela n'aidera certainement pas le pays à retrouver ses forces.
Car si les chinois d'outre mer investissent en masse en RPC, les premiers bénéficiaires du
sens des affaires chinois sont évidemment les pays qui les ont accueillis. Serge Bésanger,
dans son chapitre fort documenté sur la "Chine d'outre-mer" va jusqu'à suggérer que les
problèmes économiques des Philippines seraient dus à l'insuffisante domination chinoise :
“Plus il y a de chinois au sein de la population, plus ils sont libres de développer leurs affaires,
et plus le pays s'enrichit” (1). Rappelons en effet que les chinois qui représentent 1,5% de la
population ne contrôlent que 51% de l'économie des philippines !

Lorsqu'il est "chez lui", le chinois n'a pas le succès modeste et l'argent gagné se doit d'être
étalé à la vue de tous. Montrer son fric est à la fois une obligation morale et un art de vivre. Si
tout ce qui brille n'est pas de l'or, tout ce qui coûte de l'or se doit de briller. Devinette : quel
est le comble du matérialisme ? Réponse : conserver l'autocollant sur l'écran de la T.V. que
l'on vient d'acheter afin de prouver qu'elle est de qualité. Et tant pis si elle masque 1/5ème de
l'image. Au moins, tout le monde saura qu'il est en train de regarder une “Super T.V. équipée
d'un génial woofer stéréo” ! Le chinois ne connaît pas encore le raffinement dans le luxe : sa
préférence ira toujours vers les grosses montres, les grosses bagues et les chaînes massives.
Autres outils indispensables : le beeper, le téléphone portable et le trousseau de cinquante
clés à la ceinture. Le voila fin prêt pour déguster le regard envieux de ses compatriotes. En
Chine, l'habit fait le moine et une telle panoplie vaut toutes les cartes de visite.
L'industrie de la copie aide heureusement à sauver les apparences. A Hong Kong, les
fausses Rolex permettent aux religieuses de sortir en toute quiétude, sans crainte des
regards méprisants. En Chine, eldorado de la contrefaçon, les jeunes arborent la fausse
casquette NIKE, le faux t-shirt ADIDAS ou le vrai survêtement ADIADS ou LE OCQ
SPORTIF ! De même, ils écoutent de la musique sur des baladeurs aux marques évocatrices :
PASONIC, SUNNY, AIWAI,... Ne pas avoir d'argent ne les empêchera donc pas, à distance
respectable tout au moins, de sauver la face...

Pas de copie par contre du cognac XO, boisson favorite (c'est la plus chère !) des chinois
fortunés : à plus de 800 francs la bouteille, le goût n'a aucune importance ! Il ne s'agit pas de
consommation mais de représentation : on consommera donc le précieux breuvage en
cocktail avec du coca... Qu'importe l'ivresse tant que l'on a le flacon ! Que les croquettes pour
chiens soient un jour vendues au prix du caviar, elles deviendraient aussitôt l'un des mets
préféré des chinois ! Le coût dicte le goût.

Hong Kong détient le record du nombre de voiture de luxe par habitant. Avec plus de 100%
de taxe, peu de parkings et un excellent réseau de transport en commun, la voiture est en
effet l'objet irraisonnable - et donc indispensable - par excellence. Porsche et Mercedes
s'époumonent dans des rues sordides où la vitesse de pointe dépasse rarement les 30 km/h.
Mais l'important n'est-il pas de montrer son carrosse ? A ce titre, les propriétaires de la Roll
Royce rose remportent facilement le Trophée de la cendrillon la plus criarde de la décennie.
Récompense oh combien méritée lorsque l'on sait que le couvercle de leur W-C est lui même
incrusté de pièces d'or ! Pourquoi diable faire sobre si l'on peut faire vulgaire ?

Le Dieu dollar est peut être en train de réussir là où la révolution culturelle du paysan Mao a
échoué : éradiquer les intellectuels de Chine ! Ce n'est plus qu'une question de temps, de
générations. Les intellectuels ont toujours été plus ou moins officiellement méprisés par le
régime central : pas assez "productifs", potentiellement contestataires et, un comble,
financièrement désintéressés. Or, comme nous l'avons vu, les futures épouses - en nombre
limité - marquent une préférence pour les portefeuilles bien garnis. L'extinction de la race est
donc pour bientôt. Déjà, 200.000 enseignants quitteraient leur poste chaque année. S'enrichir
ou périr : le capitalisme à la chinoise offre des alternatives dignes d'un régime communiste !

Les managers des monastères bouddhistes n'ont pas hésité longtemps : tickets à l'entrée,
magasins de souvenirs à l'intérieur... La religion est un business florissant et l'on va
désormais au temple comme l'on va au marché : “Donnez moi s'il vous plaît pour 20 yuans de
bouddhisme”. Un étranger aborde ainsi un moine : “Ma femme se fait opérer demain.
Pourriez-vous faire une prière pour elle ?” - “Pas de problème ! Je vais demander à ce que
l'on organise immédiatement une cérémonie. Cela vous coûtera 1750 francs” - “H.T. ou
T.T.C. ?...” Tout compris bien sûr ! Bouddha n'a de comptes à rendre à personne !

Plus sérieusement...

Pourquoi en France méprise-t-on à ce point ceux qui ont de l'argent ? Est-ce par jalousie ou
bien est-ce un vestige de notre tradition judéo-chrétienne ? L'argent (des autres) est sale et
se doit d'être caché. Quant aux entrepreneurs, ils subissent de plein fouet une bureaucratie et
une taxation de l'assistanat dignes d'un régime communiste et préfèrent de plus en plus
s'expatrier. Lorsqu'un pays décourage à ce point l'initiative personnelle et le travail, il n'est
pas étonnant qu'il se réveille un matin avec plus de 3 millions de chômeurs.

Point de "chômage professionnel" en Chine : ceux qui ont été licenciés ou n'ont pas de travail
(et il y en aura peut être 200 millions en l'an 2000) s'en inventent un ! Démarrer petit n'a
empêché aucun chinois de faire fortune ! Et l'ascenseur social fonctionne d'autant mieux que
tous ceux qui sont en bas rêvent et se donnent les moyens de monter au sommet pour
participer à la parade. Evidemment, la Chine bénéficie "d'avantages" : peu de sécurité sociale,
d'assurance chômage, de RMI ou de systèmes de retraites. Le slogan marxiste “A chacun
selon ses besoins” fût en effet judicieusement modifié par le gouvernement chinois en “A
chacun selon son travail”. Et l'on arrive ainsi au paradoxe suivant : une Chine communiste
économiquement bien plus libérale (et donc dynamique) qu'une France dirigée par un
Président prétendument de droite !

Pour s'entraider en cas de problèmes, les chinois disposent de la solidarité du cercle familial.
Et pour ne pas devenir un poids mort et perdre la face, les chinois ont obligation de se
prendre en charge ! Alors tant qu'à faire, autant être ambitieux ! L'exhibitionnisme du
portefeuille pousse à l'émulation : si d'autres l'ont fait, je dois pouvoir le faire ! Comme par
exemple Zhou Zhang Guang qui, simple ouvrier dans une usine de cosmétique, démissionna
en 1985 parce que son patron refuse de commercialiser une lotion de son invention contre la
chute des cheveux et pèse aujourd'hui plus de 60 millions de dollars. (2)

L'ambition et la réussite financière, c'est excellent pour la face ! Accessoirement, cela permet
aussi de se comporter en bon enfant confucéen en prenant financièrement en charge la
retraite de ses parents. L'article 15 de la Constitution chinoise stipule que les enfants doivent
participer financièrement aux besoins et au bien-être de leurs parents. C'est une obligation
légale en Corée, à Taiwan et à Singapour. Mais c'est avant tout une tradition culturelle : le
caractère chinois pour désigner la piété filiale (xiao ) représente la vieillesse ( )
soutenue par un enfant ( ). C'est tout aussi efficace que la retraite française par répartition
(prochainement en faillite), cela renforce les liens entre générations et cela ne coûte rien aux
entreprises ou à l'état.

Mais évidemment, il convient d'abord que les jeunes disposent d'un revenu suffisant ce qui
suppose - et oui - qu'ils puissent travailler et ensuite veuillent travailler ! Or à l'heure actuelle
en France, le flux financier irait plutôt en sens inverse, des retraités vers les enfants, qu'ils
soient chômeurs ou étudiants. Les jeunes français retardent de plus en plus leur "envol
financier" tandis que le texte d'un manuel de chinois déclare “J'ai bientôt 18 ans : je ne peux
pas éternellement dépendre de mes parents (...) Je vais dépendre de la force de mes deux
mains (...) Nous devrions tous devenir indépendants plus tôt” Et une jeune fille à sa mère
d'ajouter : “Je n'envisage pas de repasser l'examen l'année prochaine : je ne veux pas à
nouveau dépendre de vous financièrement. Je vais chercher un travail et travailler tout en
étudiant. Le succès ne vient qu'à force de travail”.

Peut-on déduire de ces textes que tous les chinois sont des bourreaux de travail prêts à tous
les sacrifices pour leur réussite financière ? Non bien sûr ! Il existe même une catégorie de
chinois chez qui travailler rime davantage avec "se prélasser" qu'avec "se défoncer" (du
moins dans leur créneau officiel de travail). Leur poste est garanti, de même que leur salaire
à la fin du mois et ce, quelque soit la qualité de leur travail ou leur amabilité vis à vis des
clients. Ils bénéficient également d'aides sociales et d'une retraite. Il s'agit bien sûr des
fonctionnaires chinois. Les industries publiques emploient et logent 100 millions de chinois et
leurs familles, aidant au total sans doute ¼ de la population. Voila pour le système social
made in China.

Ce système est aujourd'hui en faillite : la productivité est ridiculement basse (les industries
publiques représentent 43% de la production industrielle totale mais emploient 70% des
ouvriers !) et, de fait, plus de la moitié de ces entreprises perdent de l'argent et doivent
recourir aux subventions de l'état, à la monnaie du peuple, pour continuer à pouvoir perdre de
l'argent... Ce gaspillage durera-t-il éternellement ? Le gouvernement chinois tente depuis
1978 de réformer ces entreprises tout en évitant les licenciements massifs. C'est aujourd'hui
au tour du Premier Ministre Zhu Rongji de s'attaquer au dilemme et il semble prêt à sacrifier
des postes, de très nombreux postes (jusqu'à 50% des postes de fonctionnaires !), au profit
de la compétitivité et de l'économie de marché. Une décision courageuse mais néanmoins
dangereuse en terme de stabilité sociale. Comment des fonctionnaires habitués à en faire le
moins possible réagiront-ils aux contraintes du marché privé du travail ? Sans doute avec
courage et ambition puisqu'ils sont chinois : "libérés" de la serre-couveuse de l'état, renforcés
par les intempéries de l'extérieur, fertilisés par l'engrais de la croissance tout azimut du pays
et les success-stories de leurs congénères, hors d'atteinte des sécateurs de l'assurance
chômage et autres RMI, de nombreuses plantes deviendront des arbres puissants, lancés à
l'assaut du ciel et du soleil... Après tout, la majorité des jeunes chinois rêve de créer son
entreprise. Le jeune français, quant à lui, rêve encore de rentrer dans la fonction publique, de
devenir fonctionnaire, de bénéficier, à son profit de... la monnaie du peuple!

Survivre en Chine...

• Si vous souhaitez faire impression, faites comme tout le monde, surfez sur la vague
capitaliste : montrez que vous avez du fric ! Si, au contraire, vous souhaitez obtenir
des réductions sur le prix d'un service quelconque, cachez vos signes extérieurs de
richesse : le prix de mon séjour de Kung Fu a été divisé par deux le jour où j'ai enlevé
ma montre...
• Si vous êtes entreprenants, possédez un minimum de compétences linguistiques et
êtes désespérés par la situation du marché du travail français, venez faire un tour en
Asie. Vous ne ferez sans doute pas fortune mais serez confronté à un dynamisme
entrepreneurial qui ne laisse personne indifférent. De nombreux locaux essayerons
d'ailleurs sans doute de faire des affaires avec vous...
• Si vous êtes politicien français et ne savez plus quoi faire en dehors de promesses
démagogiques qui ne peuvent être tenues, venez faire un tour en Asie. Vous ne
serez sûrement pas élu mais serez confronté à une conception différente de l'état qui
vous aidera sans doute à mieux saisir le pourquoi de la crise française.
• Si vous êtes hippie ou fainéant ou fanatique religieux ou en quête d'expériences
spirituelles nouvelles, préférez l'Inde à la Chine !

_______________

(1) Serge Bésanger "Le Défi Chinois" op. cit.


(2) Article de Yann Layma "Chine : la révolution capitaliste" Le Figaro Magazine, 13 février
1993.

- Chap 10 : ... n'a pas d'odeur ! -


Benoît SAINT GIRONS

La religion de l'argent impose des sacrifices rituels. La morale et l'honnêteté en sont encore
souvent les innocentes victimes. Nous ne nous attarderons pas ici sur la criminalité dans les
villes en pleine croissance qui a augmenté en moyenne de 10% par an depuis les années
80. Il est évident que l'argent facile a de quoi séduire les esprits faibles qui, de toute façon,
n'ont rien à perdre : la moitié des crimes perpétués à Pékin (et jusqu'à 80% dans certaines
zones périphériques) serait ainsi le fait des travailleurs migrants. L'âge des délinquants est
également en chute libre : en 1991, 68% des cambriolages à main armée, 50% des meurtres
et 80% des agressions avec coups et blessures auraient été perpétués par des jeunes de 14
à 18 ans.

Le gouvernement le sait et organise à l'occasion des opérations policières de grande


envergure style "nettoyage de printemps" afin de “tuer le poulet pour effrayer les singes” : lors
de la “Campagne pour réprimer, écraser et combattre la criminalité selon les principes de
rapidité et de sévérité” démarrée en août 1983, le gouvernement reconnaît avoir exécuté 10
000 personnes et incarcéré 1 700 000. Re-belotte en avril 1996 avec la campagne “Frappons
durement les criminels !”. Pas de pitié pour la criminalité inorganisée : selon Amnesty
International, 17 chinois furent condamnés à mort tous les jours en 1996 et 4.367 furent
exécutés...

En 1993, le propriétaire d'une nouvelle Mercedes à Hong Kong avait une "chance" sur quatre
de se la faire voler dans l'année. Direction les hauts dignitaires de la RPC. Cela faisait un peu
désordre puisque l'on roule à gauche à Hong Kong et à droite en Chine. Depuis, le trafic a
cessé et la mafia chinoise s'est réorganisée en conséquence. De même que les Yakuza au
Japon, les Triades chinoises ont pignon sur rue et contrôlent les lieux de plaisirs et de
débauches et ses indispensables accessoires : drogue, jeu, prostitution. Une autre activité
lucrative consiste à faire le tour des chantiers et à proposer une "assurance" anti-casse aux
entrepreneurs et sous-traitants chinois. Ceux qui refusent constatent rapidement une
recrudescence des vols et autres "accidents" qui endommagent le matériel et retardent les
travaux. Les triades ont des arguments de choc. La plus célèbre à Hong Kong est connue
sous le nom de “Sun Yee On” (Nouvelle Rigueur et Paix), que le ministre chinois de la
Sécurité publique, Tao Siju, qualifia en 1993 de “patriote”. Patriotes également et donc
longtemps tolérées par le Kuomingtang, les triades de Taiwan : dans les années 30, le
nationaliste Chiang Kaishek leur demanda de l'aider à vaincre les communistes et c'est
ensemble, en 1949, qu'ils s'enfuirent vers Taiwan. Le continent n'eut toutefois aucun mal à
renouveler son "stock" et, aujourd'hui, plus de 150.000 gangs seraient présents sur le
territoire chinois...

En théorie, tous les chinois sont égaux devant le saint parti et ses organes administratifs,
policiers ou judiciaires. En fait, la réalité est souvent entachée de bleu, couleur des billets de
100 yuans à l'effigie, il est vrai, de Mao et de ses acolytes (le Premier ministre Zhou Enlai, le
président Liu Shaoqi et le maréchal Zhu De). Les billets discrètement échangés ouvrent les
portes, accélèrent les coups de tampons, règlent les contentieux, retournent les situations,
provoquent la bienveillance des officiels ou leur font perdre la mémoire. En 1994, les
"cadeaux" ont représenté jusqu'à 5% du coût d'exploitation des sociétés présentes en Chine.

Le responsable des bains publics commençait à m'énerver sérieusement : non content


d'augmenter tous les jours ses tarifs, il m'accueillait régulièrement avec une série
d'aboiements. J'exposais mon affaire à quelques étudiants : “S'il veut me mordre, pourrai-je
taper dessus ?” - “Oui, bien sûr !” - “Je n'aurai pas de problèmes avec la police?” - “Si, mais il
suffira que tu leur donnes de l'argent” - “Combien ?” - “100 yuans” 70 francs pour casser la
gueule à un chinois ? Le tarif est honnête...

Les revenus d'un officiel sont donc composés d'un fixe payé par le gouvernement (environ
400 francs par mois pour un policier) et d'un variable, proportionnel au zèle que le
fonctionnaire met à faire malhonnêtement son travail. Entre fermer les yeux ou devoir
augmenter les salaires de la fonction publique, le gouvernement a pour le moment tranché.
Tout juste se borne-t-il, périodiquement, lorsque la corruption est trop importante ou trop
visible, lorsque les média ont eu vent de l'affaire ou lorsque la personne impliquée est en
disgrâce politique, à frapper un grand coup sur la table. Arrestations et exécutions rappellent
au bon peuple la règle fondamentale de la corruption : la discrétion.

Grands seigneurs, les chinois négocient rarement les prix lorsqu'ils sont en voyage
touristique. Ils ont tort. Une vendeuse de glaces/boissons de Shaolin m'expliquait en souriant
comment elle arnaquait ses compatriotes : “Tu vois, la canette de coca, je l'achète 2.3 yuans
et je la revend de 3 à 5 yuans selon la bobine du client. Même chose pour la bouteille d'eau
ou les glaces : ceux qui ne connaissent pas le prix se font avoir”. Mais l'avidité des
commerçants peut également prendre une forme plus dramatique. En juillet 1994, une
chinoise de 32 ans fut victime en pleine rue de Hong Kong d'un malaise cardiaque. Elle
passa toute la nuit sur le trottoir avant que quelqu'un n'appelle enfin une ambulance, mais il
était trop tard. Les journalistes demandèrent à une marchande de journaux qui avait observée
la scène deux heures durant pourquoi elle n'était pas intervenue : “J'étais trop occupée.
J'avais trop de clients. Peut-être que s'il y avait eu moins de clients, je serais intervenue...”
Suite à cet incident, des journalistes décidèrent d'organiser des malaises fictifs : un chinois et
un occidental allaient feindre de tomber dans les pommes pour tester la réaction des
habitants. Résultats de l'enquête : le chinois tombe dans une indifférence presque générale.
L'occidental est, lui, rapidement secouru, notamment par des philippina dont la gentillesse
naturelle n'a d'égale que leur romantisme vis à vis des potentiels "princes charmants".
Occupés à compter leurs sous, les "vrais" hongkongais ralentissaient à peine leur course...

- “Parce que c'est toi, je te le fais à 14 yuans” Traduction : “Parce que tu as une gueule
d'occidental, je t'arnaque de 6 yuans” - “Mes amis chinois m'ont dit que cela coûtait de 8 à 9
yuans” - “Bon, d'accord : 10 yuans !” Traduction : “Zut alors, ce n'est pas un vrai touriste mais
je vais quand même essayer de lui vendre plus cher” - “Ecoutez, puisque je suis étudiant ici, il
me semble que je devrais payer le prix chinois” - (L'air navré) “OK, va pour 8 yuans...”
Traduction : “Tant pis, je n'ai pas réussi à être malhonnête cette fois-ci mais je me rattraperai
la prochaine fois”

A part dans les grands magasins où les prix sont affichés et en général peu négociables, faire
des achats en Chine relève de la loterie. Les prix sont à la tête du client et les faciès
d'étrangers comptent double ou triple. Durant une semaine, l'occidental fera donc la charité
aux chinois. Ensuite, une vingtaine d'arnaques plus tard, il sera familiarisé avec les tarifs et
pourra aborder la deuxième étape : la négociation pour obtenir le juste prix. Pour les objets
inconnus et onéreux, le touriste avisé se fera accompagner d'un chinois de confiance qui
feindra d'acheter lui même le produit : le vendeur ne sera pas dupe mais, devant une telle
organisation, se retrouvera quelque peu désarmé : la bataille sera menée sans réelle
conviction et l'article finalement cédé, un comble, à prix chinois. Victoire ? Pas encore ! Il
convient maintenant de s'assurer que l'article est conforme à ce que l'on a payé, neuf et que
tous les accessoires se trouvent bien dans une boite d'origine. Cette enquête approfondie
devra évidemment être menée en amont : dès que l'on a payé, on cesse d'être un client pour
devenir un enquiquineur. Les chinois n'ont pas encore très bien saisi le concept de service
après vente...

Les chinois seraient-ils doués pour la politique ? A voir avec quelle régularité ils manquent à
leurs promesses, on serait en droit d'y penser. Tout est possible avant d'avancer l'argent :
grands sourires et tapis rouge ! Ensuite, ce n'est plus leur problème : les promesses
n'engagent que ceux qui y croient; demain est un autre jour; ce que j'ai dit hier ne m'intéresse
pas... “Tout contrat signé l’est à perte pour les occidentaux. Au palmarès de la crédulité et de
la suffisance, les Français en poste en Chine raflent les premiers prix.” écrit Bernard
Degioanni. (1) Faire des affaires en Chine impose donc mille précautions et nombreux sont
les occidentaux à y avoir laissé des plumes. Comme le disait un homme d'affaires : “On peut
tout perdre en Chine, même la tête” . Pendant que vous avez encore la votre, méditez
également l'avertissement suivant : “Au début, les chinois possèdent une meilleure
compréhension du système et les entrepreneurs (étrangers) ont l'argent. A la fin, les chinois
ont l'argent et les entrepreneurs une meilleure compréhension du système.” (2)

Les chinois sont souvent réfractaires à l'idée du contrat. Normal ! Qui diable souhaiterait
signer un aveu d'escroquerie ! Un contrat signé ne signifie de toute façon pas grand chose: le
chinois trouvera maintes excuses pour justifier son comportement et sait que la justice
chinoise sera au mieux inefficace, au pire conciliante car patriote et xénophobe. Sont-ils
sensibles au fait qu'un tel comportement est préjudiciable pour leur image ? A peine : les
chinois sont conscients de leur attractivité et savent que nombreux sont les occidentaux à
attendre à la porte. De plus, il est bien plus rentable d'en rouler plusieurs que d'en satisfaire
un sur le long terme. Ils ont de toute façon un argument imparable : la Chine est encore un
pays en développement. On s'en doutait un peu...

Plus sérieusement...

La Chine serait-elle le pays des arrivistes ? Tous les moyens seraient-ils bons pour faire de
l'argent chinois ? Il est sûr que la Chine est désormais engagée dans un processus
d'enrichissement massif, rapide et encore mal contrôlé: lorsque 1.2 milliards de chinois rêvent
de faire fortune, il s'en trouve forcément pour essayer les raccourcis. Il serait toutefois injuste
de généraliser ou de limiter ce genre de désagréments à la Chine : la délinquance existe
dans tous les pays (même à Singapour !) et l'Asie dans son ensemble est toujours bien plus
sûre que la plupart des pays occidentaux. De même, il est évidemment possible de faire des
affaires en Chine : la Chine aura encore besoin durant quelques dizaines d'années des
capitaux et de la technologie étrangère pour alimenter son développement. Ensuite,
l'économie arrivée à maturité, la Chine, maître du jeu, abattra ses cartes et remportera la
mise. Faire des affaires en Chine devrait être, à terme, un jeu sino-chinois...

Il y a plus de 40 ans, Lin Yutang écrivait : “Il se peut que la corruption ou "squeeze", soit un
vice public, mais elle est certainement une vertu familiale.” Et d'expliquer que le concept
confucéen d'un gouvernement de “gentlemen” (auquel on peut faire confiance), à l'inverse de
la conception légaliste du gouvernement par la loi de Hanfeitse (auquel la loi demande des
comptes et condamne les abus), était à l'origine de la corruption quasi généralisée du
gouvernement chinois et de ses fonctionnaires de l'époque. Et cela en toute impunité.
Confucius, dans le "Livre des Rites" n'écrivait-il pas : “La courtoisie ne s'étend pas au
commun du peuple, et les châtiments ne sont pas prévus pour les seigneurs.” Quoi de plus
naturel, alors, que de favoriser sa famille ou les amis de sa famille en leur procurant du travail,
ou encore de travailler à ses intérêts privés du haut de son piédestal de haut dignitaire ? La
situation a heureusement quelque peu évolué et la corruption gouvernementale, si elle existe
toujours comme dans tous les pays, semble aujourd'hui en retrait par rapport aux personnes
véritablement dévouées à la cause publique. Le modèle chinois est Singapour et Singapour
est, sans doute, l'un des pays les moins corrompu au monde...

La corruption des fonctionnaires et des représentants politiques locaux est un autre problème.
Mais il y a eu, là aussi, et sans doute moins sous la pression de la loi que du fait de la
vindicte populaire, une évolution : le fonctionnaire ne se sert plus comme dans le passé dans
le panier des ressources de l'état en toute impunité. Lorsque les média découvrirent en 1995
qu'il manquait 2,2 milliards US$ dans les fonds municipaux de la ville de Pékin, le
responsable de la section locale du parti Chen Xitong fût limogé en même temps que 18
autres membres et son assistant, Wang Baosen, se suicida.

De toute façon, aujourd'hui, le panier est presque vide. L'état a ainsi demandé à l'armée de
s'autofinancer en se lançant dans le business et, à l'heure actuelle, la P.L.A. (People
Liberation Army) est le premier employeur de Chine (plus de 25 millions d'employés) au
travers de 20 000 à 30 000 entreprises "privées" dans des secteurs aussi différents que les
discothèques, l'hôtellerie, le textile, les transports aériens, les médicaments ou l'élevage des
cochons. La police n'est pas en reste et va parfois jusqu'à se rémunérer au travers des
activités, la prostitution ou le jeu par exemple, qu'elle est censée limiter.

S'il n'est pas devenu chef d'entreprise ou proxénète, le fonctionnaire sera peut être tenté
d'arrondir ses fins de mois en accordant ses faveurs aux chefs d'entreprise ou aux
proxénètes... Telle est la vraie face de la corruption aujourd'hui en Chine et le problème
auquel est confronté le gouvernement. Un mot court à Pékin : “Si vous luttez contre la
corruption, vous ruinez le Parti; si vous n'arrêtez pas la corruption, le peuple vous chassera.”
(3) La notion de "faveur" fait partie, avec les notions de "face" et de "fatalité" de ce que Lin
Yutang nomme “La Triade Femelle” et définie comme étant “les trois lois immuables de
l'univers chinois”. Elle a toujours existé et existera toujours : les "faibles" chercheront toujours
à bénéficier des largesses des "puissants". C'est un sentiment naturel et il en est de même
dans tous les pays du monde. En France, cela s'appelle “faire jouer ses relations” ou “être
pistonné”. Le système de Guanxi ("relation") chinois est un peu différent dans le sens où la
faveur a souvent une connotation plus financière qu'amicale ou sentimentale : elle est
accessible à tous ceux qui en ont les moyens et donc, dans un sens, plus "égalitaire".
Certains diront même qu'elle joue le rôle de soupape de sécurité ou de Robin des bois : ceux
qui se sont enrichis redistribuent une partie de leur argent à la base, évitant ainsi de trop
grandes disparités, sources de mécontentements et d'instabilité sociale. Certains ouvriers
des entreprises publiques ruinées reçoivent ainsi des allocations provenant de caisses noires
en lieu de salaire... L'attitude des marchands envers les touristes procède sans doute aussi
de la même logique : “Ils ont de l'argent. Il est donc normal que je les aide à en redistribuer
au profit de ma famille.”
Mais tout cela ne saurait masquer les aspects pervers du système : l'inégalité des citoyens
devant la loi bien sûr, mais aussi le faible standard et la lenteur des procédures
administratives "non subventionnées" ou encore le zèle des forces de l'ordre à verbaliser
pour augmenter sa cagnotte. Aux USA, ceux qui ont de l'argent encourent le risque d'un
procès. En Chine, de subir le zèle d'un fonctionnaire. Ce n'est évidemment pas une fatalité:
Hong Kong et Singapour sont là pour témoigner que la corruption, tentation finalement
naturelle, ne résiste pas à l'application de la loi et aux dénonciations téléphoniques. Le
problème de la Chine tient à sa relative pauvreté, aussi bien légale que salariale. Les chinois
ne reporteront la corruption dont ils font les frais qu'à partir du moment où ils seront sûrs de
ne pas s'attirer plus d'ennuis. En 1994, 30 000 d'entre-eux auraient tout de même tenté leur
chance en portant plainte contre des "officiels". Mais combien préférèrent toujours se
désintéresser de politique, en général, et de la vie de leur voisin aussi fonctionnaire et
corrompu soit-il, en particulier ? Et combien, à tout prendre, préférèrent encore inviter leur
voisin à déjeuner ?

Survivre en Chine...

• Evitez de trop fréquenter les postes de police, surtout dans les coins perdus où elle
s'estime "intouchable". D'après le guide touristique "Lonely Planet", un occidental
s'est vu un jour infliger une amende pour être rentré demander un renseignement.
D'un autre côté, une attitude fuyante à toute approche d'uniforme serait bien
suspecte... Les policiers sont avant tout des chinois comme les autres.
• Méfiance lors de vos achats, surtout importants. Il est indispensable d'avoir une idée
du prix et de bien connaître le produit. Si vous vous faites rouler, soyez philosophes
et pensez à la sagesse de Confucius : “C'est en enrichissant les autres que l'on
s'enrichit soi-même.”
• La règle de la "faveur" est écrite en chinois et vous n'avez pas forcément la clé pour
“passer par la porte de derrière” : difficile de dire si le billet glissé dans votre
passeport sera considéré comme un dû ou comme une insulte. Il n'est pas besoin de
recourir à de telles pratiques pour obtenir satisfaction et, pour ma part, je n'ai jamais
rien donné au delà du sourire et du remerciement.
• Avoir des amis chinois facilitent les démarches qui sortent de l'ordinaire (prolongation
du passeport au delà du droit théorique ou logement atypique par exemple). Vos
amis sauront qui contacter et s'il est nécessaire ou non de "remercier" le
fonctionnaire en question pour sa "sympathie" à votre égard.
• Si Pékin reste encore relativement sûre, des villes comme Shanghai, Canton ou
Shenzhen invitent à la vigilance. En règle générale, soyez aussi prudent la nuit dans
les grandes villes chinoises que vous le seriez en France. Soyez encore plus prudent
dans les gares ou les autobus : les pickpockets sont légions. Les violences physiques
à l'égard des étrangers sont rares... mais le vol d'un passeport peut vous gâcher
votre séjour ! Bannir la "banane" voyante, véritable provocation, au profit de la
pochette ventrale et préférez les Travellers cheques à l'argent liquide. Enfin, évitez
de suivre n'importe qui dans la rue, surtout les "étudiants en anglais", dans les
endroits les plus chers de la ville. Refusez également toute offre de boissons ou
d'aliments inconnus. Bref : en voyage, soyez un peu parano...

_______________

(1) Bernard Degioanni "Des vélos plein la tête" Op. cit.


(2) Fred Schneiter "Getting along with the Chinese" Op. cit.
(3) Cité par M. Alain Peyrefitte "La Chine s'est éveillée" op. cit.

- Chap 11 : L'ami de l'extérieur -


Benoît SAINT GIRONS

“Laowai !” “Laowai !” C'est porté par ces cris que l'étranger déambule dans les campagnes
chinoises où les villes non-touristiques. Les gens se retournent sur son passage. Les gamins
le montrent du doigt. Les paysans le scrutent, bouche grande ouverte, regard hébété. Un long
nez qui marche, c'est un spectacle de rue à ne pas manquer. Qu'il s'arrête un instant et le
voilà bientôt entouré d'une foule de curieux. Encore mieux que la télévision ! L'attitude est en
tout cas la même : regard fixe, corps immobile, cerveau liquéfié. Ou que le zoo : encore un
moment et ils vont lui balancer des cacahuètes. Mais la soif de connaissance reprend vite le
dessus : on lui touche le bras, on examine sa pilosité, ses cheveux,... Le voilà promu cobaye
de laboratoire. Est-ce qu'un être aussi étrangement constitué est doué de la parole ? On lui
pose des questions. Incroyable ! Il comprend et il répond ! Il est de la planète France et vient
en paix !

Peu d'étrangers visitent Datong, à une nuit de train à l'ouest de Pékin. C'est dommage car les
grottes bouddhistes y sont magnifiques. Pour le reste, Datong est l'archétype d'une ville
minière chinoise : noire et pauvre. Sur un terrain vague, une troupe de saltimbanques donne
un spectacle pour une centaine de curieux. Je m'approche. Changement de programme ! Je
deviens aussitôt la vedette d'un show bien plus amusant : le laowai en visite en Chine. C'est
foutu pour prendre des photos discrètement ! Après la période d'observation et d'analyses, la
conversation type démarre : - “De quel pays es-tu?” - “France” - “ Oh ! (d'admiration et
d'exagération) Tu parles vraiment très bien le chinois ! Depuis combien de temps es-tu en
Chine ?” - “Bientôt trois mois” - “ Oh ! (d'étonnement) cela fait seulement trois mois que tu
parles chinois ! (Aux autres) Il parle vraiment bien n'est-ce pas ?” - “Non, j'ai commencé à
étudier en France, cela fera un an en octobre” - “Comment es-tu venu en Chine ? Par
avion ?” - “Oui, en vélo c'est un peu loin” - “Combien cela t'a-t-il coûté ?” - “A peu près 5.000
yuans l'aller-retour” - “Combien de jours pour venir ?” - “14 heures” - “Quel pays est le mieux :
la Chine ou la France ?” - “Je suis français et donc je réponds la France mais il n'y a pas de
pays idéal” - “La Chine est idéale” - “Non, il y a encore pas mal de problèmes mais vous vous
développez très rapidement” - “Ah oui ! La France a beaucoup d'argent n'est-ce pas ?” - “La
France est la quatrième puissance économique” - “Je peux aller avec toi en France?” - “C'est
difficile : la France est un pays très cher et il y a le problème du passeport mais je pense que
dans une vingtaine d'années, beaucoup de chinois pourront voyager” - (Sourire patriote)
“C'est vrai, la Chine n'est pas chère” - “C'est logique : les salaires ne sont pas encore élevés”
- “Combien est-ce que tu gagnes en France ?” - “Je ne travaillais pas, j'étais étudiant. Mais le
salaire minimum est de 7.000 yuans environ” - “Par an ?” - “Non, par mois et si l'on ne
travaille pas, le gouvernement nous donne environ 5.000 yuans par mois” - “5.000 yuans par
mois sans travailler ? Ah vraiment, je veux aller vivre en France !” - “Le problème, c'est
qu'avec 5.000 yuans, on ne vit pas très bien en France” - “Quel est le taux de change?” - “1
yuan correspond à 7 centimes environ” - “Ici, combien est-ce que tu dépenses par jour ?” -
“En moyenne, 130 yuans par jour” - “C'est ton argent où celui de tes parents ?” - “Mon argent :
j'ai travaillé deux ans à Hong Kong” - “Tu gagnais combien?” - “Beaucoup” - “Combien ?” -
“30.000 yuans par mois” - “30.000 !?!?” - “Oui mais la vie à HK est très chère : mon logement
me coûtait déjà 10.000 yuans” - “Ton appareil photo, tu l'as acheté à HK ?” - “Oui” -
“Combien ?” - “1.500 yuans” - “Je te le rachète 300 yuans” - “Non merci, il n'est pas à vendre”
- “Tu as des frères et soeurs ?” - “Trois frères” - “Trois ?” - “Oui. En France, le gouvernement
favorise les familles nombreuses en donnant de l'argent. Ici, le gouvernement les décourage
en donnant des amendes” - “Oui, notre système est différent...”

Dans les lieux où les vaisseaux étrangers ont atterri depuis longtemps, le laowai excite
évidemment moins la curiosité. A Pékin ou dans les endroits touristiques, ils font désormais
parti du paysage et n'intéressent plus que les arnaqueurs de souvenirs et les gamins. Ces
deux catégories le gratifieront d'un “Hello !” de principe : les premiers par avidité, les seconds
par sociabilité. Les enfants ne sont en effet pas élevés dans la crainte de l'inconnu. A
Shanghai, on les pousse à aborder les "longs nez" : -“Excuse me. May I practice my english
with you ?” Le temps d'échanger quelques phrases apprises par coeur, le laowai sino-
analphabète communique enfin avec la population autochtone. Il avait effectivement entendu
de vagues rumeurs concernant les chinois anglophones mais, jusqu'à présent, les avait
accueillis avec scepticisme : “Des chinois qui parlent anglais ? A d'autres !” Et les voilà
devant lui, ces futurs interprètes ! D'accord, ils sont encore petits mais, comme on dit, il n'est
jamais trop tard pour bien faire...

Lorsque les chinois ne sont pas pétrifiés de curiosité ou d'amusement, lorsqu'ils restent à
distance acceptable (c'est à dire lorsqu'ils ne nous palpent pas avec leurs mains pleines de
doigts) et lorsqu'un vocabulaire commun est employé, alors les chinois deviennent des gens
charmants bourrés, mais vraiment bourrés, de qualités ! Il est très facile de se faire des amis
chinois : il suffit de marcher dans la rue et de leur faire comprendre que l'on parle leur langue.
Le chinois engagera la discussion (toujours la même) et offrira cigarettes et compliments. J'ai
un problème ? Mon ami chinois fera tout son possible pour le résoudre. Je veux acheter
quelque chose ? Il fera tout son possible pour le payer. J'ai envie d'être seul ? Il fera tout son
possible pour m'accompagner dans ma solitude. Et une fois séparé, il fera tout son possible
pour reprendre contact. Tant de sollicitudes de la part de quelqu'un que l'on vient à peine de
rencontrer intrigue : va-t-il me faire "payer" son amitié ? A-t-il une idée derrière la tête ? Et
bien pas toujours ! Il y a (si si) des chinois désintéressés. Enfin, si l'on entend par
"désintéressé" une recherche immédiate de profit. Les chinois sont patients et toute amitié,
tout contact est bon à prendre car susceptible de servir un jour ou l'autre. Un étranger pourra
peut être les aider à sortir du pays, les aider à trouver un travail ou, plus modestement, les
inviter au restaurant comme le font tous les vrais amis. Et si rien de tout cela n'aboutit, ils
auront de toute manière passé un moment bien distrayant en compagnie de ces curieux
personnages aux moeurs étranges. Gagnants à tous les coups ! Les laowai auraient donc
bien tort de se méfier des amitiés chinoises. Sauf, bien sûr, lorsque l'histoire est trop belle
pour être honnête...

Comme dans tout conte de fées chinois, la rencontre se fît dans les toilettes. Il tombait à
point : je cherchais à la fois une nouvelle chambre et une nouvelle école. La trentaine passée,
il se présenta comme un ancien moine et, de fait, avait une carte de visite impressionnante :
chef instructeur des moines du Temple, membre de l'équipe "Tour du monde", acteur dans
une dizaine de films,... Pas de doutes : j'avais trouvé la perle rare ! Son premier bienfait fût de
me trouver une chambre. Juste à côté de la sienne, chez les sympathiques tenanciers d'un
restaurant. 150 yuans par mois. - “Je n'aurai pas de problèmes avec la police ?” - “Non non”
-“J'imagine qu'une fois aménagée, elle fera l'affaire...” - “Pas de problème ! On va demain
faire des courses !” Direction donc l'un des "grands" magasins de la ville voisine. Je lui laisse
faire croire à la vendeuse qu'il achète pour lui et son épouse. Il ressort satisfait de ses
négociations : “Je t'ai fait économiser plus de 200 yuans” Le voilà donc qui louche vers les
Walkman : - “Qu'est-ce que tu en penses?” - “Je n'en pense rien du tout” et je file acheter un
ventilateur. A mon retour, les Walkman se sont métamorphosés en jeux électroniques - -
“Combien ça coûte ?” - “40 yuans” - “On peut couper le son ?” - “Oui” - “OK. Pour te remercier,
je t'en offre un. Mais c'est toi qui achètes les piles...” De retour à Shaolin, je fais mes
comptes : jeu électronique, piles, déjeuner, dîner. Les économies sont à la baisse mais le
service n'a pas de prix !

- “Pour ta nouvelle école, pas de problème : je suis le frère aîné (de Kung Fu) du professeur
des étrangers de l'école officielle. Je vais t'obtenir un prix.” - “Il vaudrait mieux car je n'ai
aucunement l'intention de débourser 20 US$ par jour !” - “Je vais lui demander de t'accepter
pour 7 $ par jour.” Pourparlers... - “C'est d'accord : 7$ par jour. Il t'enseignera directement
deux heures par jour et le reste du temps, tu t'entraîneras avec les autres étudiants.” -
“Fantastique. Allons fêter ça en déjeunant !” J'ai en effet de quoi me réjouir : me voilà élève
de l'école officielle pour une fraction du tarif (exorbitant) usuellement pratiqué. Rendez-vous
est pris pour remettre l'argent... - “Je crois que nous sommes d'accord : je paierai au début de
chaque mois” - “Absolument. Au fait, petit détail : tu ne t'entraîneras pas à l'école mais avec
mes étudiants privés, à l'extérieur. Tu seras en quelque sorte mon élève particulier. Ça va ?”
Difficile de refuser pareil honneur, surtout lorsqu'il est si habilement dévoilé - “Euh...
J'imagine que oui... Alors je commence demain ?” - “Demain 5h du matin” - “A demain...”

Me voila donc allégé de deux problèmes et de quelques billets. Mon ami profite de mon
euphorie : “Le propriétaire demande que je lui paye son loyer. Peux-tu me prêter 200
yuans ?” - “Nous sommes bien d'accord : il s'agit d'un prêt !” - “Absolument, je vais te rédiger
une reconnaissance de dettes” - “OK” Et quelques jours plus tard : “J'ai un problème : mon
frère a été arrêté par la police pour s'être battu. Je dois aller le chercher et j'ai besoin de 300
yuans.” Je venais de partager son déjeuner de fruits. Pouvais-je décemment refuser de
l'aider ? En tout cas j'aurais du ! Car j'attends toujours le remboursement. “Ami au prêteur,
ennemi au rendre” dit le proverbe. Mon ami a trouvé la parade pour ne pas développer
d'animosité : il ne rend pas et déménage ! Logique chinoise sans doute...

Reconnaissons à la Chine de réels progrès : barrage de la langue mise à part, les chinois
peuvent désormais converser avec des étrangers sans crainte de représailles et les laowai,
Tibet mis à part, sont à peu près libres de circuler partout. Mais il y a toujours des sujets qui
fâchent. Le premier concerne, nous l'avons vu, les rapports avec les chinoises. Autre motif
d'agacement : les "ghettos" pour étrangers. Afin sans doute d'aider les prostituées à repérer
les "riches" occidentaux (dans l'esprit chinois, il y a là redondance) seuls quelques hôtels sont
habilités, dans chaque ville, à accepter les laowai. A Canton, cela faisait 10 minutes que
j'étais dans ma chambre et déjà le deuxième coup de téléphone : “Bonsoir. Tu veux une
fille ?” - “C'est compris dans le prix de la chambre ?” Si les hôtels ne sont pas les plus
vétustes, ce ne sont pas non plus les moins chers : les deux lits avec T.V. et salle de bain se
négocient selon les régions entre 50 et 200 yuans. La Chine n'est pas le pays préféré des
routards...

- “Ouvrez ! Police !” On m'avait averti de ce genre de visites courtoises mais à 22h30 lorsque
l'on est couché, cela surprend quand même. - “Vous ne pouvez pas rester ici : vous devez
aller à l'hôtel !” Nous y voila : 150 yuans par mois, ce n'est pas assez pour un laowai. Il doit
au moins payer le triple ! L'argument financier est en tout cas plus flatteur que l'excuse
sexuelle également entendue : “Il va violer toutes les filles des autres chambres et doit donc
être tenu sous étroite surveillance”. J'explique ma situation : “D'abord, il y a des étrangers qui
n'ont pas beaucoup d'argent et ensuite, je ne tiens pas à séjourner avec les autres étrangers
car je souhaite améliorer mon chinois. Donc, si je suis obligé d'aller à l'hôtel, je quitte
Shaolin !” Les arguments portent : j'ai affaire à des fonctionnaires sympathiques. Test de ma
lampe torche, examen de mon couteau suisse, écoute de mon Walkman,... C'est gagné! Ce
ne sont plus des policiers mais des amis : ils vont me laisser tranquille ! Mais j'ai intérêt à ne
pas faire trop de vagues...

Plus sérieusement...

Ecrivons le bien lisiblement : les chinois sont bien plus accueillants que les français. Essayez
un peu de jouer au touriste non francophone à Paris ! Difficile après cela de reprocher aux
chinois de ne pas maîtriser l'anglais : eux, au moins, font un effort ! Faire de l'argent sur le
dos des étrangers n'est pas non plus une exclusivité chinoise : certains taxis parisiens en
savent quelque chose. Quant au “laowai” crié à tout va (littéralement “vieux de l'extérieur”
mais "vieux" étant une marque de respect, je le traduis librement par "ami") , c'est tout de
même plus chaleureux que nos “Vla les touristes” ou “Tiens, regarde le niaquoué”. A noter
que l'appellation cantonaise de “gwailo” est moins "sympathique" puisque signifiant “diable
blanc” (cette expression viendrait du fait que les occidentaux portent des vêtements serrés,
comme les diables de l'opéra chinois). Difficile aussi d'imaginer un français abordant un
chinois pour lui demander des renseignements sur son pays tout en le complimentant de la
qualité de son français désastreux ou l'accompagnant sur plusieurs centaines de mètres pour
lui montrer le chemin ou lui trouver un hôtel.

C'est d'ailleurs fort simple : la plupart des touristes asiatiques trouvent notre capitale fort belle
mais nos parisiens fort peu aimables ou serviables. Si Paris est la première destination
touristique au monde, elle ne le doit donc pas à ses habitants. La Chine, au contraire, aurait
fort peu d'intérêt sans les chinois : ce sont eux et non la "Grande Muraille" ou la Cité Interdite
qui rendent un séjour en Chine inoubliable. Enervants, irritants, souriants, sympathiques,
distants dans les grandes villes, "collants" dans les campagnes, chaleureux, affables, curieux
ou trop curieux : ils ne laissent personne indifférent.
En général, les chinois apparaissent également bien moins intéressés et quémandeurs que la
plupart des autres pays en développement d'Asie, Inde en tête : demander de l'argent ne fait
pas partie des traditions culturelles chinoises. Le gagner en travaillant, si. Par contre, faire
preuve de générosité à l'égard d'un inconnu "sympathique" puisque parlant chinois est chose
courante. En fin de compte, on "reçoit" au cours d'un séjour sans doute plus que ce que l'on
"donne", crachats et arnaques dans les magasins exceptés. Cela méritait d'être signalé.
Quant aux "amitiés financières", elles existent aussi en France mais coûtent en général bien
plus cher. J'en ai fait dernièrement l'amère expérience...

Survivre en Chine...

• Pour un séjour intéressant, apprenez des rudiments de chinois avant de venir.


Ecriture mise à part, ce n'est pas si difficile que cela et votre investissement temps
vous sera rendu avec profit sur place.
• Restez humble lorsque vous parlez de votre pays et courtois lorsque vous parlez du
leur. Dîtes “Il n'y a pas de pays idéal” et non “Par rapport à la France, la Chine n'est
pas un pays très développé”...
• Les discussions tournent toutes autour des même sujets : la nourriture, la famille, le
coût des choses et ce que l'on pense de la Chine. Dans cette dernière rubrique,
évitez de caser tout ce que vous avez lu ou vu dans les médias occidentaux : le
Tibet, Tiananmen, Taiwan, les Droits de l'homme,... Les chinois ne sont
certainement pas des anges mais nos médias manquent parfois cruellement de recul
et les "manipulations" d'images sont légions. Les journaux locaux n'ont évidemment
pas la même perspective (le Dalaï-lama est par exemple considéré comme un
dangereux maniaque aux mains de puissances étrangères) et vos propos seront
accueillis avec scepticisme. Ils peuvent également attirer des ennuis à vos
interlocuteurs car, en Chine, les murs ont des oreilles et de nombreux policiers sont
habillés en civils. A noter également que les chinois ne manquent pas d'arguments
pour défendre la position de leur pays, quelle qu'elle soit :

- Les chinois ont envahi le Tibet, massacré les tibétains et brûlé les Temples ? Non répondent
les chinois : ils ont libéré les Tibétains d'une société de servage où les propriétaires avaient
droit de vie ou de mort (sans oublier le droit de cuissage) sur leurs administrés. Et d'abord le
Tibet est chinois depuis le XIIIème siècle ! Et ensuite les temples ravagés le furent surtout
durant la Révolution Culturelle et nous les avons reconstruits ! Quant au Dalaï-lama, c'est une
marionnette aux mains de puissances étrangères qui a, je cite : “(...) commis de nombreuses
diableries qui trahissent aussi bien les objectifs religieux que les principes Bouddhistes (...) Le
Dalaï-lama est le principal obstacle à un Bouddhisme Tibétain harmonieux (...)” (1)

- Les tanks ont écrasé des milliers d'étudiants sur la place Tiananmen ? Non affirment les
chinois (et M. Alain Peyrefitte) : les 300 morts officiels ont eu lieu autour de barricades et
parce que certains étudiants ont lancé des cocktails molotov sur des chars, tuant plusieurs
soldats. Et d'abord la répression était nécessaire pour assurer la stabilité du pays ! Et
ensuite ‘‘En Chine, en cas d'émeute, un chef qui ne tue pas n'est pas un chef” (2)

- Taiwan ? S'il y a un sujet qui fâche, c'est bien celui là : les chinois ne supportent pas
l'ingérence de quiconque dans ce qu'ils considèrent être une affaire strictement interne.
Taiwan fait partie de la Chine et reviendra un jour à la mère patrie, point final ! Et si tensions
il y a, elles sont la conséquence de l'attitude irresponsable de quelques indépendantistes !

- Les atteintes aux droits de l'homme ? Voici la réponse que fît le Premier ministre Li Peng à
M. Peyrefitte : “ La conception qu’on se fait des droits de l’homme varie selon les régimes et
les sociétés. La Constitution chinoise définit les droits fondamentaux des citoyens. Les
prétendus droits de l’homme qui sont contraires aux lois ne sont plus des droits de l’homme.
Cela ne signifie pas que notre Constitution soit parfaite, ni que les droits fondamentaux
concernant nos concitoyens et la vie de notre peuple soient excellents, ni qu’il ne faille rien
améliorer dans ces textes. Mais ce sont les textes qui s’imposent à nous jusqu’à nouvel
ordre.” (3)

- L'absence de démocratie ? Saviez-vous que les élections locales se font depuis 15 ans au
suffrage universel ? Et d'abord qu'est-ce que vous appelez démocratie ? Vous dîtes que
l'Inde est une démocratie alors que tout le monde sait que le système est corrompu : les élus
achètent le vote des paysans !

• Répondez “xiao nei” (“jeune de l'intérieur”) lorsque vous entendez un jeune vous
appeler laowai ou “lao nei”(“vieux de l'intérieur”) lorsqu'il s'agit d'une personne plus
âgée. Ces expressions inventées vous attireront un succès immédiat.
• Acceptez de bon coeur les amitiés chinoises. “Un seul ennemi est de trop, cent amis
trop peu” dit un dicton chinois. Restez toutefois vigilants face à d'inhabituelles
demandes financières.
• Jouez le jeu chinois si vous voulez éviter les ennuis : dormez seul et dans les hôtels
homologués. Si vous voyagez en couple, mieux vaut prétendre que vous êtes mariés.

_______________

(1) Extraits d'un article du magazine "Beijing Review" (10-16 mars 1997) “Facts depicting a
real Dalai Lama”.
(2) Propos d'un romancier chinois vivant en France à l'intention de M. Peyrefitte "La Chine
s'est éveillée" Op. cit.
(3) "La tragédie Chinoise" de M. Peyrefitte. Editions Fayard, 1990.

- Chap 12 : Classe tourisme -


Benoît SAINT GIRONS

A entendre dire aussi souvent que la Chine, leur pays, était un grand et beau pays, les
chinois ont fini par vouloir le vérifier directement. Car durant des années, la propagande
officielle faisait saliver sans pour autant offrir les billets : le hukou, le fameux certificat
d'hébergement-passeport intérieur, limitait les déplacements. Ce genre de frustration ne
subsiste désormais que pour les "Zones Economiques Spéciales" et pour ceux qui n'ont pas
les moyens de se payer le billet de train, de bus ou, à fortiori, d'avion. Ils restent nombreux.
Car au lieu d'aligner les tarifs des étrangers sur les prix chinois, c'est tout le monde qui paye
désormais son billet de train au prix laowai. Tout bénéfice puisque les trains restent bondés.
Le métro (privé) de Hong Kong applique cette politique depuis des années : au lieu
d'améliorer le service pour désengorger le trafic, il augmente régulièrement les tarifs de
manière à, soit disant, orienter les usagers vers d'autres moyens de transport. Cela
évidemment ne décourage personne, les wagons ressemblent toujours à des boîtes de
conserve aux heures de pointe mais la rentabilité est à la hausse. En Chine, l'augmentation
du coût des transports visait sans doute également à éviter de trop grands mouvements de
population, notamment des campagnes "pauvres" vers les villes "riches". C'est raté ! La
Chine compte officiellement 110 millions de travailleurs migrants "journaliers" (da gong) ou
"aveugles" (mangliu) puisque venus sans contrat de travail. Ces SDF made in China se
concentrent surtout aux abords des gares et rendent l'approche de celle-ci aléatoire (se munir
d'une machette pour se frayer un passage jusqu'à l'intérieur).
Le premier challenge du voyage consiste à acheter son billet de train. Celui-ci doit être à
point : acheté ni trop tôt (les billets ne sont pas disponibles), ni trop tard (il n'y a plus de place).
Le choix de la classe n'est pas compliqué mais toujours source d'une légère appréhension :
soit devoir payer une fortune (chinoise) pour le "coucher-mou", soit se retrouver dans l'enfer
de "l'assis-dur". Mais avant d'aboyer sa destination à la préposée et attendre fébrilement sa
réponse (“Il y a” : Alléluia, c'est gagné ou “Il n'y a pas” : Les ennuis commencent), il convient
de passer toute une série d'épreuves. Prendre le train se mérite et la gare est une école de
patience. Première épreuve : repérer le guichet correspondant à sa destination. Deuxième
épreuve : prendre la file d'attente, si possible autre part que dans la figure. Troisième
épreuve : repousser les assauts des chinois qui, inévitablement, essaieront de passer devant.
Quatrième épreuve : une fois devant le guichet, camper solidement sur sa position et faire
comprendre aux mains chinoises qui dépassent qu'elles devront attendre leur tour ! Arrivé à
ce point, bien échauffé, le concurrent est prêt à affronter la suavité légendaire des
fonctionnaires. Sourire doit être un motif de licenciement et cela se comprend : voir toute la
journée des compatriotes hurler et se marcher les uns sur les autres pour obtenir un morceau
de papier est un bien affligeant spectacle qui ne saurait inspirer la jovialité. La vitrine de plus
de 4.000 ans de civilisation n'est pas reluisante...

Afin d'échapper à cette démonstration de guérilla urbaine, certains chinois se tournent, pour
certaines destinations, vers les gares routières et leurs bus-couchettes. Acheter son billet
n'est jamais un problème. Plus problématique est le fait d'arriver à dormir. Plus ennuyeux est
le fait de ne pas arriver tout court : de jour comme de nuit, les routes chinoises réservent
maintes surprises aux conducteurs et, par voie de conséquence, à ses passagers. L'aviation
chinoise avait également la réputation d'être riche en sensations et son acronyme CAAC
s'était au fil des ans transformé en “China Airline Always Crash”. Cette technique de suicide
appartient désormais au passé : prendre l'avion en Chine est aujourd'hui plus "sûr" que de
traverser une route chinoise... les yeux bandés ! De plus, le chinois fortuné a la satisfaction
de risquer sa vie pour 1/3 moins cher que l'étranger, tout en dégustant exactement les même
cacahuètes ! Si avec tout ça il n'est pas aux anges, c'est qu'il n'est pas croyant ou que l'avion
a atterri sans encombres.

Retour sur la terre ferme, donc. Plus précisément à Nanchang, capitale de la province du
Jiangxi. Objectif de la journée : acheter un billet coucher-dur pour Fuzhou, à 17 heures de là.
Les conditions semblent idéales : 9h du matin et peu de monde dans la gare. - “Mei you” (il
n'y a pas). Devant ce cas de figure, toujours aller voir à un autre guichet. - “Mei you” - “Et des
assis-mou ?” - “ye mei you” (il n'y en a pas non plus) - “Bon et bien donnez moi un assis-dur
et priez pour moi”. J'ai une journée pour me préparer psychologiquement. Je n'en suis pas
moins mécontent : c'est la première fois cette année que je n'obtiens pas satisfaction. Je
discute de mes malheurs avec deux chinois en uniforme : “C'est parce que tu t'es trompé de
guichet. Il faut aller au n°8.” Re file d'attente et même réponse à la clé : “Mei you”. Je sors
m'aérer les neurones. Si ça se trouve, il y a des bus-couchettes. Gagné! Il y en a ! - “Je
retourne à la gare me faire rembourser et je reviens vous prendre une place” Evidemment, le
guichet des remboursements est le plus encombré puisque la préposée est en ballade.
J'attends ¼ d'heure avant de décider de tenter ma chance ailleurs. - “Vous voulez vous faire
rembourser ?” - “Oui, il n'y a pas de couchettes-dur et j'ai trouvé des bus qui font le trajet” -
“Mais si il y a des couchettes-dur ! Il faut aller au guichet n°12.” Or il se trouve que le guichet
12 est en attente de visiteurs. - “Bonjour, je souhaiterais un coucher-dur” La préposée
m'examine un instant puis griffonne un mot sur un bout de papier : “Guichet n°8 !”. Au total, il
m'aura donc fallu visiter 6 guichets différents, attendre plus de deux heures et obtenir une
dérogation avant de pouvoir acheter mon billet. La victoire est belle ! J'exhibe fièrement mon
sésame aux uniformes. - “Bravo ! Tu es vraiment intelligent” - “Je ne savais pas que c'était à
ce point indispensable pour prendre le train. Je souhaite en tout cas bon courage à ceux qui
ne parlent pas chinois...”

La bataille fut rude mais le billet coucher-dur est finalement dans la poche. Joie, allégresse et
félicité ! Il y a un dieu pour les étrangers en Chine ! Bien sur, quelques interrogations
subsistent : le train sera-t-il préhistorique ou début du siècle ? Y aura-t-il la place de caser ses
bagages ? Ma couchette sera-t-elle suffisamment éloignée des hauts parleurs ? Les vis à vis
respecteront-ils l'interdiction de fumer plus de cinq minutes ? Qu'importe ! Voyager en
couchette reste, pour la Chine, relativement plaisant : les hôtesses sont relativement
charmantes et serviables (contraste avec les fonctionnaires des gares), les wagons
relativement propres (contraste avec les toilettes des mêmes wagons), les couchettes
relativement confortables (contraste avec la classe assise) et les compagnons de voyage
relativement éduqués pour permettre des conversations relativement intéressantes. A noter
que les chinois préfèrent la couchette du bas. Parce que c'est la plus chère ? Parce que la
place est chauffée toute la soirée par ceux qui l'utilisent comme banquette ? Parce qu'il est
plus facile de balancer ses ordures par le fenêtre ? Parce que les chinois ont le vertige ?
Parce que l'on peut compter le nombre de personnes qui vont aux toilettes la nuit ? Cela fait
en tout cas mon affaire : l'isolement en altitude près de ses bagages et la satisfaction de
payer moins cher que les chinois tout en voyageant aussi lentement qu'eux... Le bonheur en
Chine tient à peu de choses !

Les trains chinois sont des modèles de ponctualité : ils partent à la minute près et arrivent
exactement à l'heure d'arrivée que l'on nous communique à l'arrivée. Aussitôt arrêté, les lois
de la jungle reprennent leur droit : il faut être le premier à descendre du train , le premier à
sortir de la gare, le premier à monter dans le bus,... Destination : un lieu touristique
quelconque, le temple Shaolin, par exemple. Combien de temps pour y aller ? - “Deux
heures” répond le détrousseur du bus. Traduction : “deux heures si tu y vas avec un autre
bus que le notre espèce de laowai !” Tomber dans le piège du circuit organisé signifie en effet
une multitude d'escales dans tout plein d'endroits en général chers et sans intérêt mais dont
une jeune chinoise armée d'un haut parleur nous aura au préalable vanté, sans conviction
aucune, les mérites. Mais pour l'heure, changement de bus ! Notre carrosse se transforme
en citrouille : le beau bus sert à appâter le touriste et reste en ville; le moche fait le trajet. Les
chinois, habitués et résignés à ce genre d'entourloupettes transvasent en silence. Au moins,
le bus est plein : il va pouvoir partir ! Direction les attrapes touristes...

Une fois que tous les temples et magasins de souvenirs "associés" ont été visités, c'est
l'heure du déjeuner ! Qu'il ne soit que 10h30 importe peu : les preneurs d'otages ont un
contrat avec les restaurateurs et mangent à l'oeil. En contrepartie de quoi, des plats souvent
insipides seront surfacturés aux prisonniers désireux de parfaire leur petit-déjeuner. Cette fois
ça y est : la prochaine escale est bien le lieu en question. Il nous aura fallu 5 heures pour
l'atteindre mais ce n'est pas grave : on rattrapera le temps perdu en visitant le monastère au
pas de course ou en sautant des attractions. Et oui ! Le chauffeur du bus est pressé de
rentrer !

L'alternative aux circuits organisés s'appelle "Bus réguliers". Deux catégories selon les villes :
ceux qui quittent les gares routières à heure fixe puis font du surplace jusqu'à être
pleins; ceux qui ne partent qu'une fois pleins. En Chine, un bus n'est jamais parti pour de
bon : quand ce ne sont pas des passagers supplémentaires sur le bord de la route, ce sont
des passagers qui veulent descendre, des escales dans les stations de bus des villes ou des
arrêts "réparation". Le bus s'arrête n'importe quand et n'importe où, à certains moments tous
les 20 mètres, en haut d'une colline ou en plein milieu de la route... Du vrai porte à porte !
Difficile avec tout cela de prévoir un horaire d'arrivée mais cela n'a encore aucune
importance : l'objectif est moins de faire gagner du temps au passager que de faire gagner
des sous au chauffeur. La concurrence que ces derniers se livrent entre eux joue toutefois en
faveur des voyageurs : à trop attendre, le bus risque de se faire dépasser par un bus
concurrent qui engrangera tous les passagers du bord de la route. Mieux vaut donc y aller
maintenant avec seulement ½ heure de retard...

Plus sérieusement...

“Ce n'est pas la destination mais la route qui compte” dit un proverbe gitan. Si peu de gitans
ont du visiter la Chine, reconnaissons à ce pays des circonstances atténuantes : c'est grand,
c'est peuplé et c'est encore pauvre. Voyager en Chine est donc une aventure et, à défaut
d'être des plus reposantes, voyager en compagnie des chinois est une expérience culturelle
des plus intéressantes que l'on pourra ensuite raconter à ses petits enfants durant les
longues soirées d'hivers... Mais mieux vaut avoir le temps... ou les moyens ! Comme le
résume un texte d'une méthode de chinois : “Tu veux à la fois économiser ton argent et ne
pas gaspiller ton temps : tu plaisantes ou quoi ?” Pour ma part, et à l'exception des halls de
gare, je n'ai jamais eu le sentiment de perdre mon temps, grâce notamment aux couchettes
qui permettent de “voyager en rêvant que l'on voyage”...

La Chine se modernise rapidement. En attendant la mise en circulation des T.G.V. achetés à


la France, nous limiterons nos observations aux connections entre la ville de Canton et la ville
de Shenzhen, à la frontière avec Hong Kong. Bus coréens derniers modèles avec - attention !
- ceintures de sécurité, hôtesses en uniforme qui distribuent journaux et bouteilles d'eau,
service on ne peut plus ponctuel (il m'est arrivé d'être l'unique passager), vidéo de bord et
bonne vitesse de croisière sur une autoroute neuve... Un régal! Devant cette concurrence
quelque peu déloyale, les cheminots ont réagis : un nouvel express digne des trains français
couvre désormais la distance en un peu plus d'une heure. Evidemment, les tarifs ont été
revus à la hausse... mais cela n'a aucune importance : les hommes d'affaires chinois ont les
moyens de gagner du temps !

Survivre en Chine...

• Sauf lorsqu'un guichet pour occidentaux existe ou que la gare s'est modernisée,
évitez d'acheter vous même vos billets de train. Préférez débourser quelques yuans
supplémentaires en passant par votre hôtel ou une agence. Vos nerfs n'ont pas de
prix...
• Arrivez à la gare au moins ½ heure avant le départ : vous avez encore quelques
contrôles à franchir (dont un "facultatif" détecteur à infrarouge pour vos bagages), les
trains sont loin des salles d'attentes et les convois sont relativement longs. De l'eau
bouillante est disponible dans chaque wagon pour votre thé ou vos nouilles
instantanées. Des plats de riz, snacks et boissons diverses sont également proposés
à intervalles réguliers mais les chinois préfèrent se ravitailler à moindre frais sur les
quais des gares d'escales.
• Sauf si vous êtes pressés d'arriver localement quelque part - auquel cas le taxi est
préférable - le circuit organisé est une expérience à tenter : les prix sont très
raisonnables voire inférieurs au tarif aller-retour des bus réguliers (après négociation)
et vous êtes sûrs de faire le tour de toutes les horreurs de la région, magasins inclus.
• Si vous êtes plusieurs et avez peu de temps, la location d'une voiture avec chauffeur
est une option à considérer, notamment à Pékin. Vous pouvez également négocier
un tarif avec un chauffeur de taxi mais n'espérez pas obtenir un prix dérisoire : les
chauffeurs de taxi gagnent très bien leur vie et pas seulement parce qu'ils sont
malhonnêtes (formule occidentale) ou ont l'esprit de famille (formule confucéenne).
Toujours négocier le prix de la course avant de monter (ce qui suppose d'avoir une
idée du coût) ou faire confiance au compteur (ce qui suppose de connaître le trajet
approximatif).
• Prenez l'option petite taille, notamment si vous voyagez en bus...

- Chap 13 : Shaolin : un mauvais Disneyland ? -


Benoît SAINT GIRONS

Shaolin, le "Temple" Shaolin, est célèbre dans le monde entier pour son art du Kung Fu et
ses moines guerriers. Tous les pratiquants en arts martiaux ont un jour ou l'autre fantasmé
sur le mythe Shaolin : apprendre des techniques secrètes de combat dans le cadre paisible
d'un monastère millénaire, partager la sagesse et la méditation des moines bouddhistes,
vivre simplement, à l'abri des contingences du monde, hors du temps, le temps d'endurcir son
corps et son esprit au travers d'exercices traditionnels...

Déception à l'arrivée : ni Mickey ni Dingo n'accueillent les visiteurs à la descente du bus !


Picsou, par contre est au rendez-vous : 40 yuans l'entrée c'est à dire 1/10ème du salaire
mensuel moyen d'un chinois ! On l'aura compris: le Kung Fu "art" s'est transformé en Kung
Fu "business" et les moines en singes savants domptés par Pékin à coups de cartes de crédit.
Plusieurs fois dans le passé, le temple a été détruit, les moines ayant eu le mauvais goût de
se mêler de politique et de prendre partie pour les causes qui leur semblaient justes.
Aujourd'hui, le temple est debout mais la morale est au tapis et le gouvernement,
organisateur du combat, compte ses sous : Shaolin est un pôle touristique majeur, un lieu de
pèlerinage pour fidèles ayant perdu la foi et, pour la plupart des visiteurs étrangers, un
“mauvais Disneyland”

Le jugement est sans doute sévère : Shaolin n'a rien a envier aux parcs Disney du point de
vue de l'aseptisation : pas une pensée spirituelle n'émerge. Les GM ("Gentils Moines"), en
particulier, font bien attention à ne pas rompre l'atmosphère capitalistique du lieu. Le
règlement du parc est strict et leur emploi obéit à un rituel et à un code de conduite précis :
fumer, boire, manger de la viande, conduire une moto avec une fille à l'arrière et, une fois que
l'on a bien bu, s'exercer au Kung Fu contre des civils à la piscine !

Les attractions sont également de grande qualité : le cinéma panoramique 360° et son film
sur les "effets spéciaux" du Kung Fu (comment porter une table avec ses dents ou fracasser
une brique à coup de tête), le temple Shaolin lui même avec ses escaliers toboggans et ses
statues à escalader, le Monastère Shifang, juste en face, véritable galerie kitsch des
sentiments humains, une volière ou encore le “Shaolin Scientific Illusion Club” c'est à dire un
cinéma "dynamique" déconseillé, comme le signale l'affiche en mauvais anglais aux “bébés
non accompagnés”. Voilà ce que promet le ticket d'entrée. Mais, de même que dans les
parcs occidentaux, de nombreuses autres surprises attendent le visiteur : la forêt des
pagodes (l'attraction la plus réussie), ou encore la montagne russo-chinoise à gravir pour
accéder aux pieds d'un Bouddha pâlichon. Le visiteur en a donc pour son argent et, s'il lui en
reste, les vendeurs de souvenirs et de snacks se chargeront, tous les deux mètres, de le lui
rappeler. Il pourra également s'orienter vers les attractions payantes du parc : l'avion de Mao
Zedong, un énorme Bouddha, le téléphérique pour admirer le paysage à la chinoise c'est à
dire sans se fatiguer et enfin, si l'on a le temps, les détritus du Mont Shaoshi...

Si les chinois ont fait du bon travail du côté du produit, l'approche marketing laisse sans doute
encore un peu à désirer : "Shaolin" a encore une trop grande connotation spirituelle. De fait,
lorsqu'un visiteur d'importance décide de visiter Shaolin, les autorités locales se doivent
d'organiser un toilettage de circonstance bien peu commode : tous les vendeurs "à la
sauvette" sont priés de se cacher plusieurs jours... "Moneyland" serait donc à la fois plus
approprié et plus pratique mais les responsables de chez Disney risquent de crier au plagiat.
Je suggérerai donc plutôt "Kung Fu Land", histoire de rappeler que, derrière les magasins,
plus de 70 écoles forment près de 14.000 étudiants.

Côté pile : un parc d'attractions bien rentable. Côté face : un centre de formation pour futurs
policiers, militaires, professeurs de Kung Fu, movie-stars ou... handicapés. L'entraînement
relève en effet plus du stage commando que de la partie de cache-cache et il faut une sacrée
motivation pour résister à 7 heures (en moyenne) d'exercices par jour sur plusieurs années
ainsi qu'aux coups de bâtons des entraîneurs. Les gamins de 6 ans ne sont pas les moins
enthousiastes : c'est plus amusant qu'aller à l'école et le Kung Fu est une bien meilleure carte
de visite que l'instruction. Après une école (de Kung Fu) maternelle quelconque, les enfants
les plus doués (ou ceux qui ont le plus de relations) auront peut être le privilège d'être admis
dans le saint des saints, le Monastère, afin de recevoir une formation physique et
capitalistique plus pointue. Après une dizaine d'années de sacrifices, parvenus à l'âge adulte,
la plupart décideront de quitter l'habit qui fait le moine afin de faire fructifier en toute liberté
leurs connaissances. D'autres, par commodité marketing, préféreront rester au temple et
diriger leurs affaires de l'intérieur. La vie monacale style Shaolin n'est de toute façon pas bien
contraignante.
Une équipe de T.V. vient faire un film sur Shaolin. Les chinois ont décidément beaucoup de
chances : les média étrangers s'intéressent toujours autant à leur Kung Fu. Pendant une
semaine, la petite équipe de reporters va donc collecter de précieuses informations et de
précieux documents sur ce que Shaolin n'est absolument pas au quotidien, sur ce que les
chinois ont voulu leur faire voir, sur ce que les interviewés ont été psychologiquement obligés
de dire... Autant pour le mythe Shaolin. Après avoir visionné le joli et politiquement correct
reportage, les étrangers débarquent. Souvent jeunes et naïfs, ne connaissant pas le prix des
choses, ils sont, dès leur descente du bus (et parfois même avant) la cible privilégiée des
rabatteurs : “Tu viens étudier le Kung Fu ? Non non, pas cette école là ! Eux, leur Kung Fu
n'est pas bon !” Ensuite, la question n'est pas de savoir si l'on va se faire arnaquer mais de
savoir de combien et comment l'on va se faire arnaquer. Les escrocs jouent sur deux
registres : ce qu'ils demandent financièrement, d'une part, et ce qu'ils promettent moralement,
d'autre part.

Le jeune allemand est tout content : il a négocié le prix de son mois de Kung Fu de 16.000 à
9.000 yuans. Manque de chance, c'est ce que les chinois de son école payent pour 6 ans !
Pour ma part, tous les “pas de problème, c'est possible !” se transformèrent, dès que l'argent
fût donné en “ce n'est pas possible, il n'y a pas !”. Un professeur particulier ? “D'accord, on
peut te donner un professeur, mais son Kung Fu ne sera pas très bon.” - “Il était convenu que
j'étudie avec untel !” - “Ça, ce n'est pas possible !” Une salle de bain et de l'eau
chaude ? “Demain , tu pourras te laver” - “Ça fait une semaine que vous me dîtes ça !” -
“C'est que la salle de bain ne nous appartient pas !” - “Et vous ne le saviez pas avant ?” Un
logement au sein de l'école ? Au bout d'un mois, ils me demandaient de quitter les lieux : “Il
n'y a pas assez de place pour les autres étudiants” Un entraînement satisfaisant ? Les cours
n'avaient jamais lieu à la même heure, le professeur était absent une fois sur deux et la
course et autres exercices de cardio-training constituaient l'essentiel des leçons. Pour
arranger les choses, le "moine" directeur avait la chaleur d'un glaçon dans un freezer. Malgré
la véritable sympathie de mon professeur et de ses étudiants et leur offre de rester étudier
gratuitement (je n'avais encore payé que le premier mois), je décidais de changer d'école.

Cela s'annonçait fort bien : mon "ami" chinois m'avait obtenu d'étudier avec le professeur
officiel des étrangers. Ce dernier devait m'enseigner deux heures par jour. Le reste du temps,
je m'entraînerais avec ses étudiants particuliers dans les montagnes. Les premières leçons
furent excellentes : j'appris plus de Kung Fu en trois jours que lors du mois précédent. Mais,
très vite, l'intérêt retomba : les deux heures par jour se transformèrent rapidement en 10
minutes et “entraînement avec mes étudiants” en répétition des mêmes mouvements en
solitaire. Prétextant d'un réel mal de tête, j'interrompis mon mois au bout de 17 jours,
demandai et obtins le remboursement des jours non courus.

La troisième tentative sembla être la bonne : une école de taille moyenne isolée sur les
hauteurs, une équipe dirigeante et des professeurs plus intéressés par l'enseignement du
Kung Fu et les relations humaines que par leur enrichissement personnel, une excellente
réputation et sans doute également moins d'exigences et d'attentes de mon côté. L'école
idéale telle que se le figurent les occidentaux n'existe pas en effet (du moins pas encore) :
lorsqu'on s'entraîne de 6 à 9 heures par jour, l'entraînement à la chinoise devient très vite
rébarbatif. Car si les armes et les figures sont très variées, l'échauffement et les étirements
sont bien monotones, voire décourageants lorsque l'on compare leur souplesse à la nôtre...

La plupart des étrangers sont toutefois des touristes du Kung Fu : ils pratiquent déjà dans leur
pays et ont réservé, de leur école, un séjour "perfectionnement" de quelques semaines à
Shaolin. Direction "Wushuguan", l'école officielle des étrangers. Cela coûte très cher, de
20$ à 60$ par jour, logement en hôtel compris mais les laowai sont à l'abri des intempéries et
du soleil (entraînement en salle), des chinois (entraînement entre touristes), de la fatigue
excessive (deux fois deux heures seulement par jour) et, théoriquement, des mauvais
professeurs. Il est toutefois difficile de parler de cours particuliers : durant les mois d'été, les
coups de pieds finissent souvent dans l'oeil de son voisin et les professeurs sont débordés. A
l'inverse, en saison creuse, lorsqu'on est l'unique étudiant, les professeurs ne semblent se
déplacer que s'il y a pourboire à la clé. Et si le pourboire est conséquent, alors l'élève fortuné
aura peut-être la chance de devenir le "disciple" du professeur. Une cérémonie sera
organisée au sein même du temple en présence des "moines" pour officialiser l'intronisation.
Que le laowai ne soit en rien bouddhiste n'est pas gênant. Qu'il reparte le lendemain dans
son pays importe peu. Ce qui compte est de créer un lien affectif qui assurera en cas de
retour de l'élève le lien financier. “La relation du disciple envers son maître est la même que
celle d'un enfant envers son père” J'eus envie d'ajouter : “à la différence que l'argent de
poche va dans l'autre sens !” Je m'abstins. On ne blasphème pas avec le Bouddhisme made
in Shaolin !

Même problème avec les hôtels du gouvernement : l'eau chaude ne fonctionne qu'au delà
d'un certain seuil de laowai. Outre qu'il était arrivé à la mauvaise saison, un ami avait la
malchance d'être affligé de plusieurs tares : il avait négocié le prix de son pays, avait payé
d'avance, s'entraînait dans une autre école, ne parlait pas chinois et, surtout, était bien trop
bonne pâte. Il se retrouvait donc à payer 250 yuans par jour (rappelons que je payais 150
yuans par mois) pour une chambre sans chauffage et sans eau chaude. Frileux de nature, il
en était arrivé à allumer la T.V. pour essayer de se réchauffer. Quant à sa toilette, il avait une
fois demandé au Directeur de l'hôtel de lui donner les 4 yuans nécessaires pour aller se laver
dans les bains publics. Il les avait obtenus ! Mais j'ai sans doute tord de critiquer l'hospitalité
des fonctionnaires chinois : mon ami profitait tous les soirs de 20 à 23 heures, sans quitter sa
chambre et sans supplément de prix, du Karaoke de l'hôtel !

Plus sérieusement...

Sans doute plus encore que les autres chapitres, ce qui précède est l'extrapolation
pessimiste d'une certaine réalité. Il est bien évident que des moines ne se battent pas tous
les jours à la piscine (elle est fermée en hiver), que tous ne sont pas télécommandés par
l'argent de Pékin (ils en gagnent suffisamment eux même) et que certains respectent même
les enseignements bouddhistes. De même, comme nous l'avons vu, toutes les écoles ne
cherchent pas à détrousser les occidentaux : certaines affichent clairement les tarifs et les
prestations qu'il faudra ensuite négocier, d'autres acceptent des sommes plus proches des
réalités chinoises sans promettre la lune. Enfin, des professeurs sont heureusement guidés
par leur passion du Kung Fu, en dehors de toute considération financière. Ils tendent
cependant à se faire rare, les meilleurs "fuyant" à l'étranger. De mon point de vue d'élève
débutant, c'est pourtant grâce à eux que Shaolin a encore quelque chose à offrir : allié à un
rythme intensif, leur enseignement est gage de progrès bien plus rapide qu'en occident. Plus
tard, Shaolin est également intéressant : plusieurs vies ne suffisent pas à maîtriser toutes les
techniques et Shaolin est le lieu de résidence de toutes ces vies. Le perfectionnement en
Kung Fu passe donc encore souvent par la case Shaolin... Ajoutons, pour terminer ce
paragraphe, que le lieu, une fois la surprise passée et les touristes partis, n'est pas dénoué
de charme. Shaolin n'est pas un “mauvais Disneyland” !

Il n'empêche : la plupart des étrangers repartent déçus. Cela, les chinois n'y peuvent rien : les
fautifs sont surtout les occidentaux ayant eu un contact direct ou indirect avec le lieu et qui,
par commodité marketing, s'empressent de diffuser de fausses informations. Un exemple
entre autre est celui de David, ce jeune allemand de 11 ans qui passa près d'un an à Shaolin.
Un documentaire allemand de 1996 diffusé par Arte relate son expérience. Sa mère aurait
même écrit un livre sur l'extraordinaire aventure de son rejeton. Inutile de dire que la réalité
fût bien plus cruelle que l'histoire "officielle". Au dire des étrangers qui l'ont côtoyé, il ne se
plaisait pas dans son école et vivait dans un état tellement misérable que certains de ses
compatriotes durent lui offrir à manger et lui payer des douches ! Tout cela prêterait à sourire
si sa mère ne continuait pas à recommander l'école en question. Touche-t-elle une
commission ? Son fils lui a-t-il menti (En regardant le documentaire une seconde fois, après
mon séjour, j'ai pourtant l'impression que David est sur le point de sangloter) ? Ou bien est-ce
dans la logique de son histoire et de la "célébrité" de son fils ? Quoi qu'il en soit, la plupart
des allemands se dirigent dès leur arrivée vers cette école et la quittent mécontents au bout
de quelques semaines. Car si l'entraînement des chinois y semble correct, les professeurs et
dirigeants ne savent visiblement pas comment traiter les occidentaux sinon en les allégeant
de leur argent...
Les professeurs de Kung Fu ayant appris leur art à Shaolin ne sont pas en reste. Mettons-
nous à leur place : ils cherchent à attirer des élèves, vont-ils cracher dans la soupe ?
Evidemment pas. Ils vont plutôt inventer des légumes imaginaires et même y rajouter de la
viande ! Là aussi, ce sont des histoires d'allemands qui illustreront mes propos (le Kung Fu
est un business florissant en Allemagne). Alors qu'il étudiait à Shaolin, mon ami eu vent de la
concurrence déloyale d'un de ses compatriotes rentré à Berlin. Ce dernier lui piquait des
élèves en faisant courir le bruit que lui seul avait étudié au Temple. C'était exact : il avait
effectivement étudié dans l'école située à l'intérieur du Temple. Mais de là à prétendre avoir
étudié en compagnie de moines des techniques secrètes du Kung Fu, il n'y a qu'un pas...
aisément franchi dans l'esprit des naïfs étudiants. Ecrivons le bien lisiblement : les techniques
"spéciales" sont hors d'accès des étrangers (et de la plupart des chinois); les étrangers qui
prétendent avoir été moines ne mentent pas forcément mais exagèrent sans doute (ou
laissent les autres fantasmer sur) la signification réelle de leur situation; les faux moines
(chinois ou occidentaux) sont légions et les vrais moines ne sont pas forcément tous
recommandables. Bref : l'important n'est donc pas d'étudier au Temple ou avec des moines
hypothétiques mais ce que l'on étudie, comment on l'étudie et, le plus important, la
satisfaction que l'on en tire. La qualité d'une école ne repose pas sur un "titre" mais sur une
méthode, une atmosphère et un enthousiasme. Avant d'être un business, le Kung Fu est une
passion !

Survivre à Shaolin...

• Le mythe Shaolin : ce que l'on vous dit, ce que vous avez vu à la T.V. ou ce que vous
avez lu n'est sans doute pas la réalité mais plutôt l'interprétation par un individu de sa
réalité. Cette partie ne fait pas exception à la règle : vous seul êtes capable de juger
véritablement Shaolin.
• Le coût Shaolin : Pour un étranger, il devra être compris entre 300 et 1.500 francs par
mois, nourriture incluse ou en supplément (compter alors de 10 à 15 francs par jour).
Pour les "touristes" du Kung Fu, c'est évidemment bien plus cher et donc plus
rentable pour les organisateurs.
• Les moines Shaolin : L'une des écoles à faire le plus de "dégâts" est dirigée par un
moine et possède des rabatteurs au sein même du temple. A l'inverse, le professeur
star de l'école officielle n'aurait de moine que le nom... Encore une fois, le titre n'a
aucune importance : c'est la personnalité du professeur qui compte !
• Le Kung Fu Shaolin : Le Kung Fu du nord de la Chine est extrêmement frustrant dans
le sens où il est bien trop riche et demande énormément de souplesse. Mieux vaut
donc savoir ce que l'on veut étudier avant d'aller frapper à la porte d'une école (ou
suivre un rabatteur). Les formes ? Le combat ? Il n'y a pas pour l'instant de cours
réguliers et performants de Qigong, de Taijiquan ou de méditation à Shaolin.
• La méthode Shaolin : Lever la jambe toute la journée, répéter les même figures sur
plusieurs mois,... Shaolin abuse de la patience des occidentaux mais c'est la
méthode chinoise : ces derniers ont quatre ans pour progresser! C'est donc lent. Très
lent. En tant qu'occidental ,vous êtes habitués à plus d'originalité dans les leçons, à
moins de routine, à plus d'attention et de suivi de la part du professeur. Les chinois
ne comprennent pas que l'on veuille apprendre quelque chose de nouveau tous les
jours. Pour eux, ce n'est qu'une fois la perfection atteinte que l'on passe à autre
chose et seuls les bons élèves méritent de progresser !
• Les professeurs Shaolin : En tant qu'occidental , vous échapperez sans doute aux
coups de bâtons. Mais il vaudrait mieux également que vous échappiez à la torture
de l'assouplissement qui consiste pour le professeur à grimper sur les jambes de
l'élève pour le forcer à faire le grand écart. Peu de professeurs de Shaolin auraient le
droit d'enseigner le sport en France...
• Les touristes de Shaolin : Si vous ne souhaitez pas être observés toute la journée,
isolez-vous sur les hauteurs !
• Le logement à Shaolin : La police locale semble avoir accepté l'idée que des
étudiants occidentaux puissent vivre dans des logements à la chinoise pour quelques
centaines de yuans par mois. C'est une bonne nouvelle en terme d'économie (pas en
terme de confort!) mais cette tolérance peut être remise en cause du jour au
lendemain...
• Le séjour à Shaolin : Au printemps, il pleut. En été, il fait chaud. En automne, il fait
bon. En hiver, il fait froid et la plupart des étudiants rentrent chez eux, notamment
pour le nouvel an chinois. La période "acceptable" d'entraînement s'étale donc de mi-
avril à mi-novembre. A moins que vous étudiiez dans l'école officielle, vous ne
pourrez pas obtenir de visa "étudiant". Si certains occidentaux bien connectés ont
réussi à faire prolonger leur visa touristique bien au delà de la normale, la majorité
doivent se rendre à Hong Kong tous les 4 mois (visa touristique) ou tous les 6 mois
(visa "business").
• L'optimisme à Shaolin : Y aura-t-il un jour une école vraiment adaptée aux besoins
des occidentaux ? Une école avec des grades et des examens ? Une école où il sera
possible d'apprendre le meilleur de tous les arts martiaux chinois et non plus
seulement le style du Nord ? Une école alliant la spiritualité et la méditation à un
enseignement sportif de haut niveau ? Une école dont l'un des directeurs serait un
occidental ? Une école à l'abri des touristes et au coeur des montagnes ? C'est en
tout cas le projet dont j'ai abondamment discuté avec l'actuel directeur de mon école.
Le projet se heurte encore à un problème de financement. Mais pour ceux qui
peuvent attendre quelques années, leur patience pourrait être récompée...

Conclusion : Des terriens bien sympathiques


Benoît SAINT GIRONS

Faut-il donc vraiment être masochiste pour séjourner en Chine en dehors d'un voyage
asceptico-organisé ? Oui et non. Oui si l'on s'appelle Brigitte Bardot ou Nadine de Rothschild.
Les personnes sensibles à la fumée de cigarette feraient également mieux de demander
l'avis de leur médecin ou psychologue. Certes, les chinois sont, à bien des égards,
exaspérants et déroutants. Certes, tout séjour en République Populaire de Chine provoque
des variations brusques de températures du côté de ses émotions. Certes, il y aura toujours
quelque chose pour aller de travers; rien ne sera jamais acquis. Si un voyage sans histoires
est un voyage ennuyeux, alors la Chine est la plus passionnant des pays ! Mais il serait
malhonnête d'exagérer les désagréments rencontrés. Si la Chine n'est pas le pays d'Asie le
plus facile à visiter (la langue chinoise perturbe la communication), c'est sans doute, par
contre, l'un des plus intéressant : pour les sites chargés d'histoire et la diversité des paysages,
pour la culture du passé, le capitalisme du présent et la puissance économique de l'avenir,
pour le communisme de la théorie et l'individualisme de la pratique mais, surtout, pour le
peuple chinois, si éloigné mais aussi, par bien des aspects, si proche de nous.

Si les chinois sont des martiens, ce sont des martiens qui nous ressemblent. Comme nous,
ils manquent de sens civique et s'estiment au dessus des règlements et interdictions. Comme
nous, ils sont indisciplinés et bagarreurs. Comme nous, ils sont fiers, orgueilleux et chauvins.
Comme nous, ils aiment bien boire et bien manger. Comme nous, ils aiment rigoler et faire la
fête. S'ils avaient également peur que le ciel leur tombe sur la tête, nos amis chinois seraient
de vrais gaulois ! Mais ils pourraient aussi être de vrais juifs puisqu'ils partagent avec eux de
nombreuses valeur (1) : la famille, la communauté, l'éducation, la communion autour d'un bon
repas et, surtout, le sens des affaires ! Ou encore de vrais américains : la bonhomie, la
convivialité, le patriotisme, le libéralisme dans les affaires,... Comme quoi, malgré les
apparences, nous parlons presque la même langue ! Les vrais martiens seraient sans doute
à rechercher plutôt du côté du Japon...

J'aimerais à ce stade de mon essai rendre un hommage à Marc Boulet et à son ouvrage
"Dans la peau d'un chinois" (2) Même si son témoignage date un peu, M. Boulet a le mérite
de nous faire découvrir la Chine de l'intérieur : il a en effet réussi à se faire passer pour un
chinois kazakh, l'une des minorités du Xinjiang. Voici ce qu'il écrit en introduction : “(...) J'ai
simplement voulu montrer que l'image officielle donnée par la propagande et, plus
curieusement, par les visiteurs occidentaux, est tout à fait orientée et fausse. La Chine
continue d'être présentée comme un pays mythique, auréolé d'un romantisme historique ou
révolutionnaire qui le place à l'écart de l'orbite des autres pays. On pourrait croire en lisant
l'abondante littérature qui leur est consacrée que les Chinois sont des extra-terrestres qui ne
fonctionnent pas comme les humains ordinaires, ne vivent pas dans le même temps que
nous, ne sont pas agités par les même désirs, les mêmes pulsions, les même faiblesses et
les mêmes audaces. C'est faux. (...)”

Nous voila donc revenus sur terre : les paysans chinois ont bien des points communs avec
les paysans français et les citadins chinois vivent de plus en plus à l'occidentale. “Aujourd'hui,
il y a moins de différence de mode de vie entre un jeune chinois instruit et un occidental,
qu'entre ce jeune chinois et un ouvrier pauvre” déclare un chinois de Shenzhen, la plus
célèbre des zones économiques spéciales, à M. Alain Peyrefitte (3) En effet : un intellectuel
français aura plus d'atomes crochus avec un confrère chinois qu'avec un paysan de son
pays ! Car s'ils ne parlent pas la même langue, ils appartiennent au moins au même
monde. Les différences culturelles ne font pas le poids face aux milieux socio-professionnels
et aux affinités et modes de vie qui en découlent...

Il conviendrait également de faire la distinction entre ce qui relève du "caractère" chinois et ce


qui découle des données socio-démographo-economico-politique de la Chine. Tous les
enfants crient à la naissance et le nouveau-né chinois n'est pas plus bruyant que les autres !
De même, les chinois de Singapour sont quelque peu différents des chinois de Hong Kong ou
de Pékin. Ils partagent pourtant la même culture confucéenne ! Mais voilà, la Chine a encore
des circonstances atténuantes : c'est un pays en développement !

Qui dit “développement” dit “pas encore satisfaisant” et les chinois sont les premiers à
reconnaître qu'ils ont encore un long chemin à parcourir. Une vingtaine d'années et beaucoup
d'efforts seront nécessaire avant que la Chine ne commence à ressembler à sa société
modèle : Singapour. “Regardez Singapour” disait Deng Xiaoping. Cela laisse le temps au
gouvernement de peaufiner ses campagnes d'éducation civique, aux chinois de s'instruire et
de s'enrichir et aux nations occidentales de trouver une politique moralo-économique
cohérente et pas trop ruineuse pour l'avenir. La puissance chinoise est en marche !

Ce livre se voulait en partie pamphlétaire : j'ai donc volontairement insisté sur les "défauts",
du point de vue français, des chinois. Ils en ont car nous en avons tous. C'est assez triste à
écrire mais les défauts des autres masquent également bien souvent leurs qualités. Bas les
masques ! Voici, afin de terminer sur une note positive, une liste non exhaustive des qualités
chinoises :

• Les chinois sont travailleurs, ambitieux, curieux, toujours prêts à apprendre et à se


développer. “Quand le sage s’arrête-t-il d’étudier ? Quand on ferme son cercueil”
disait Confucius. Une amie de Suzhou travaillait dans un grand magasin durant les
vacances scolaires. Le soir et durant son jour de congé hebdomadaire, elle préparait
un examen informatique. Et en parallèle à tout cela, elle étudiait la possibilité de se
lancer dans les affaires en vendant des produits ménagers à domicile ! Si tous les
chinois sont aussi entreprenants, nous avons vraiment, au “pays des 35 heures”, du
souci à nous faire !
• A défaut de posséder la courtoisie des pays développés, et peut être grâce à cela,
les chinois sont simples et directs dans leurs rapports. Aucune fioriture : ils disent ce
qu'ils ont à dire, peu importe leur interlocuteur et engagent ainsi très facilement des
discussions avec des inconnus. La convivialité a des allures de communisme : tous
égaux, tous présumés amis, tous à même de partager un bon repas ou une bonne
plaisanterie. Le temps des “camarades” n'est, après tout, pas si loin. A titre
d'illustration, cette "hôtesse de train" qui, après avoir balayé le wagon, s'assoit sur le
lit des voyageurs pour participer à leur conversation...
• L'oeuvre de Sartre n'étant pas étudiée en Chine, les chinois ont la chance de ne pas
craindre le regard des autres, le “qu'en dira-t-on ? ”. La notion du ridicule et les
complexes n'existent pas ou peu, comme en témoigne l'essor du Karaoke. Chacun a
le droit de s'exprimer, de s'amuser, de vivre sa vie sans crainte des moqueries. Les
chinois sont très bon public : les applaudissements sont la norme après une chanson
massacrée, le “Tu parles très bien chinois” arrive au premier mot prononcé et le
“Terrible ! Super !”,joint au geste du pouce dressé, accompagnait régulièrement mes
figures de Kung Fu. C'est tout dire !
• Les chinois sont foncièrement optimistes, philosophes et courageux face à l'adversité.
Les chinois sont “confucianistes dans le succès et taoïstes dans l'échec”. C'est J.F.
Kennedy qui remarquait : “En chinois, le mot crise est formé de deux caractères. L’un
représente le danger. L’autre l’opportunité.” C'est peut être l'explication de leur
désinvolture face aux malheurs des autres : il n'y a point d'aide à attendre, chacun
doit se prendre en charge, le soleil finira bien par faire sa réapparition... Et puisque
les crises doivent être abordées avec sérénité, elles n'offrent pas de terreau pour la
rancune : une serveuse de restaurant que j'avais royalement engueulé me fit ainsi de
grands sourires dès le lendemain, comme s'il ne s'était rien passé. Essayez de faire
la même chose en France ! Il faut reconnaître que les chinois ont un atout : une
moindre susceptibilité émanant de ce qui semble être une totale absence d'amour
propre; les chinois ont choisi de ne pas se prendre trop au sérieux. Si ce trait de
caractère nuit quelque fois à la qualité des services, elle limite aussi grandement
l'animosité à l'égard d'autrui. Il est, de fait, si l'on évite de blesser leur orgueil
nationaliste ou culturel (ce qui me semble être la moindre des choses lorsque l'on
voyage à l'étranger), assez difficile de se faire des ennemis chinois : le professeur de
Kung Fu que j'ai quitté au bout d'un mois en claquant la porte me propose, quand je
le rencontre quelques semaines plus tard, tout sourire et gentillesse, de m'aider
gratuitement dans mon apprentissage : “Si tu as l'occasion, n'hésite pas à passer à
l'école.”
• Comme nous l'avons vu, les chinois aiment s'amuser, se distraire, faire la fête, bien
boire et bien manger. Les chinois forment donc globalement un peuple gai, souriant
et, je crois, foncièrement heureux dans leur développement. Complément
indispensable : les chinois sont chaleureux, hospitaliers et généreux : deux chinois
qui se rencontrent échangeront toujours quelques cigarettes et partager son repas
fait partie du mode de vie. Encore plus fort : une chinoise mère de famille rencontrée
dans le train fera tout son possible pour m'aider à trouver un bon professeur à
Shaolin, allant jusqu'à payer le billet d'entrée et, faute de temps, à ne pas pouvoir
profiter des attractions. Et si je n'avais pas été plus rapide qu'elle, ticket de bus et
déjeuner auraient également été payés de sa poche ! Et que penser de ce
restaurateur de Nanchang chez qui j'avais décidé de camper trois heures pour
regarder les J.O. sur sa Télévision ? Au moment de payer mon plat de nouille, refus
poli de ce dernier : “Je ne veux pas de ton argent. Tu es mon invité !”
• Enfin, les chinois aiment leur pays, leur culture, leurs enfants et leurs ancêtres. Les
chinois sont un peuple fier, soudé, nationaliste : ils n'ont aucun complexe d'infériorité
vis à vis des occidentaux; ce serait même plutôt le contraire ! Ils sont également très
pragmatiques : si aucun chinois ne m'a jamais dit spontanément aimer leurs
dirigeants (les chinois s'intéressent culturellement peu à la politique puisque, comme
dit le proverbe, “Le ciel est très haut et l'Empereur est très loin”. Il est vrai aussi que
le gouvernement n'encourage pas vraiment la culture politique de la population...), on
sent rapidement qu'ils les comprennent, les respectent et les supportent dans leur
énorme tâche de modernisation. Même chose pour Mao : avec l'aide de la
propagande et l'accusation officielle de la "bande des quatre", ses erreurs sont
pardonnées et l'on retiendra surtout de lui son statut de leader charismatique qui
enfin unifia la Chine et lui fit prendre conscience de son potentiel. Slogan officiel:
“30% d'erreurs, 70% de bonnes choses”. Inventons-en un autre : “30% de problèmes
résolus, 70% encore à résoudre”. Avec le soutien massif des chinois, ce n'est qu'une
question de temps...
• Mais la plus grande qualité des chinois reste encore de m'avoir accueilli et supporté,
moi et mes principes de laowai durant plusieurs années. Je ne sais pas si ce livre est
un cadeau de remerciement bien approprié : montrer du doigt, mettre l'accent sur les
différences des autres alors que nous avons tant en commun, utiliser l'ironie pour
traiter d'un sujet aussi sensible que les caractéristiques d'un peuple est sans doute
une manière bien particulière de marquer son appréciation. Et pourtant ! Partant du
principe que l'on ne craint que ce que l'on ne connaît pas, l'objet de ce livre a d'abord
été d'aider le français à faire connaissance avec le peuple chinois. Et l'idée de base
que j'ai voulu faire passer est que, au delà de nos différences, il est facile de nous
entendre ! Il suffit d'un peu de patience, de tolérance et, sans doute aussi, d'étude
linguistique de part et d'autre. Pour ma part, la phrase qui revenait finalement le plus
souvent dans mon esprit à propos des chinois, la phrase qui m'a fait et me fait aimer
la Chine, la phrase que je vous livre maintenant et vous invite à répandre est que, au
delà de nos différences, les chinois sont quand même bien sympas !

_______________

(1) "To Shanghai with thanks" Henryka Manès raconte pour le magazine Newsweek (23
septembre 1996), son arrivée à Shanghai et l'accueil et générosité des chinois à l'encontre
des réfugiés. Lorsqu'elle leur dit qu'elle était juive, ils répondirent “Oh, vous êtes juste comme
nous, juste comme nous.” Shanghai fût l'une des rares villes au monde à accepter des
réfugiés juifs d'Europe durant la seconde guerre mondiale.
(2) Marc Boulet "Dans la peau d'un chinois" Edition Barrault, 1988
(3) M. Alain Peyrefitte "La Chine s'est éveillée" Op. cit.

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