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QUEL DESIGN ORGANISATIONNEL

POUR QUELLE PERENNITE ? UNE


IDENTIFICATION DES RISQUES DU
CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
ET STRATEGIQUE

Pascal KOEBERLE
Ecole de Management Strasbourg
Université de Strasbourg
pascal.koeberle@em-strasbourg.eu

Résumé

La littérature en management stratégique met fortement l’accent sur


la nécessité de l’innovation et du changement dans les organisations.
Cette contribution souligne que le changement n’est qu’une des fa-
cettes de la pérennité organisationnelle, laquelle implique une certaine
stabilité. Un cadre d’analyse configurationnel est utilisé pour suggé-
rer que la continuité d’une configuration comme cadre de changement
peut être un moyen d’accès à la pérennité organisationnelle. Les risques
associés à chaque configuration, menaçant sa stabilité, sont envisagés.

Mots-clés : configurations organisationnelles, pérennité des activi-


tés, pérennité de l’identité, risques, continuité, changement.

Working Paper 2009/1 1


Pascal KOEBERLE

INTRODUCTION
Nombre de dirigeants d’entreprises (et d’organisations au sens large), asso-
cient à leur rôle la mission de « faire vivre dans la durée un projet » (Mignon
2009). Pour cette auteure, cette pérennité de projet se décompose en une
pérennité de l’organisation et une pérennité des activités. Cette dernière ne
recherche la préservation que des seuls activités, produits et marques. Plus
englobante, la pérennité organisationnelle « se définit comme la capacité pour
une entreprise d’initier ou de faire face au cours de son histoire à des boulever-
sements externes ou internes tout en préservant l’essentiel de son identité »
(2009, p.75). De cette définition ressort le dilemme managérial consistant à
associer continuité et changement.
Ce dilemme est présent, également, dans la notion d’organisation am-
bidextre (O’Reilly III et Tushman 2004). L’ambidextrie désigne l’habileté
d’une organisation à, simultanément, poursuivre des activités reposant sur
l’exploitation (March 1991) des connaissances organisationnelles existantes
d’une part, et assurer une démarche d’exploration (March 1991) des produits,
marchés et technologies émergents menant à l’acquisition des connaissances
sources d’évolution de la trajectoire stratégique (Lewkowicz 1992) d’autre
part.
Cet apprentissage organisationnel, impulsé par les savoirs tacites détenus
par les individus (par exemple, Brown et Duguid 1991), se poursuit par une
explicitation des savoirs créés, facilitant leur transfert au-delà de la commu-
nauté de pratiques qui les a fait naı̂tre (Winter 1987 ; Nonaka 1994). L’ap-
plication pratique de ces connaissances aboutit à l’apparition de routines or-
ganisationnelles significatives d’une internalisation des savoirs, lesquels à ce
stade, redeviennent tacites. Cette internalisation fournit le sens de l’action
collective (Spender 1996). En ce sens, elle contribue à la construction d’une
identité organisationnelle, en forgeant les valeurs, les croyances, la culture
d’entreprise. Cette identité peut être considérée comme une source de stabi-
lité constituant « le socle d’une vision stratégique de long terme » (Mignon
2001, p.19). Mais cette stabilité génère une dépendance de sentier (Nelson
et Winter 1982) pouvant mener au déclin (Miller 1990). Paradoxalement, la
perte de l’identité et des connaissances implicites débouche généralement sur
une période de crise stratégique (Spender 1996, pp.73-74).
L’identité est ambivalente : stable, elle risque d’asphyxier l’organisation ;
déstabilisée, elle est source de crise. Elle doit, ainsi, être comprise de façon
dialectique. Tout en constituant un fil conducteur évitant à l’entreprise de
se « fourvoyer dans voies irréalistes » (Mignon 2009), elle peut également
paralyser l’organisation en limitant sa capacité à innover. L’identité est donc

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Quel design organisationnel pour quelle pérennité ?

porteuse d’un risque engageant le pronostic vital - la pérennité de projet. Il


apparaı̂t nécessaire d’intégrer la perspective de la pérennité organisationnelle
(des activités et de l’identité) d’une part, et celle de la capacité d’innovation
d’autre part, au sein d’un cadre d’analyse unique. L’objectif de cette contri-
bution est d’identifier des ponts vers cette unification.
Un cadre d’analyse de la capacité d’innovation embrassant aussi bien la
nature des connaissances organisationnelles que les manuvres stratégiques à
base d’exploitation et d’exploration, nous semble nécessaire. Or, comme le
montre Nooteboom (2006) à travers les difficultés de coordination introduites
par la distance cognitive nécessaire à l’exploration, les formes organisation-
nelles ne sont pas toutes également adaptées aux différentes postures straté-
giques. De même, une réflexion sur l’identité ne peut pas ignorer les politiques
d’accès aux compétences (recrutement), celles-ci étant étroitement liées aux
activités stratégiques envisagées.
L’association des dimensions cognitive, stratégique, humaine et organisa-
tionnelle présente la difficulté de juxtaposer un nombre important de concepts.
Une manière de rendre intelligible de vastes ensembles conceptuels, consiste
à adopter une perspective configurationnelle. Lam (2000) puis Lewkowicz
(2006) ont retenu cette option. Ils ont élaboré un cadre d’analyse de la capa-
cité d’innovation, réunissant les perspectives de l’apprentissage organisation-
nel et du design organisationnel. Nous présentons ce cadre dans une première
partie.
L’identité, comme nous l’avons suggéré, découle de la dimension cognitive
à travers le sens de l’action collective. Parallèlement, les activités sont au cur
de la dimension stratégique. La pérennité de l’identité et celle des activités
nous semblent donc pouvoir être rapprochées du cadre de la capacité à chan-
ger. Dans la seconde partie, nous proposons un rapprochement, dont nous
analysons la cohérence.
Nous pourrons alors identifier différentes postures de pérennité, chacune
correspondant à une capacité à changer particulière affichant un risque stra-
tégique spécifique. Les perspectives pour de futures recherches sont suggérées
en conclusion.

CAPACITE D’INNOVATION : UN CADRE


D’ANALYSE MULTI-NIVEAUX
Lam (2000) et Lewkowicz (2006) ont contribué à l’intégration des com-
posantes cognitive, organisationnelle, sociétale et stratégique à l’intérieur

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Pascal KOEBERLE

d’un cadre duquel ressortent quatre configurations idéaltypiques, qui se dis-


tinguent par leur type d’apprentissage et leur capacité d’innovation. Ces
auteurs ont mis l’accent sur les configurations qui résultent de leur effort
d’intégration. Nous insistons plutôt, ici, sur les articulations entre les confi-
gurations. Ces dernières sont définies selon un ensemble de dilemmes mana-
gériaux, qui sont autant de débats académiques.

Connaissances
La perspective de l’apprentissage organisationnel pose une ressource stratégique-
clé : les connaissances. Deux débats sont, ici, caractéristiques. Polanyi (1962)
distinguent les connaissances tacites et explicites. Les premières sont por-
teuses d’une inimitabilité relative ; les secondes, transférables, sont centrales
à l’axiome de transparence de l’information de la concurrence pure et par-
faite. Ce débat en comporte d’autres, tel que celui de la réplication ou au
contraire de la protection des connaissances (Kaplan et al. 2001). De nom-
breuses entreprises sont tout à la fois soucieuses de rédiger méticuleusement
leur procédé de fabrication et de préserver sa confidentialité.
En outre, les connaissances peuvent ainsi être individuelles ou collectives
(Spender 1996). Dans le premier cas, leurs propriétaires peuvent hésiter à
communiquer ce savoir s’ils escomptent en tirer une rente, ce qui peut abou-
tir à la mise en place d’incitations et au renforcement des jeux d’acteurs. Dans
le second, le stockage des connaissances au moyen de systèmes d’information
peut rigidifier et complexifier les interactions au sein de l’organisation, dans
un contexte où l’informatisation paraı̂t souvent incontournable.

Organisation
Il est presque trivial d’opposer une conception taylorienne de l’organisation
à une conception humaniste. Au demeurant, ce troisième débat compose les
pôles du dilemme de la division du travail : quel degré de standardisation et
quel espace d’originalité ? Dans la pratique, le dilemme prend la forme d’un
équilibre à trouver entre les dispositifs de pilotage tels que les objectifs et les
moyens alloués (qui, une fois fixés, peuvent laisser une grande flexibilité aux
individus ou aux communautés de pratiques [Brown et Duguid 1991] chargés
de la mise en uvre) et les dispositifs de contrôle tels que les procédures rigides
ou une supervision trop directive de la part des managers de proximité.
Une fois le travail divisé, se pose la question de sa coordination, laquelle
débouche sur un quatrième débat. Si la division du travail met l’accent sur la
standardisation, celle-ci peut revêtir un caractère individuel (standardisation

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Quel design organisationnel pour quelle pérennité ?

des compétences) ou collectif (standardisation des processus, des produits,


des normes). De même, si l’organisation du travail insiste sur les relations
humaines, celles-ci se distinguent par leur nature individuelle (coordination
par ajustement mutuel) ou collective (coordination par supervision directe
au sein d’équipes-projet non hiérarchisées). En somme, le débat porte sur
l’autonomie accordée tantôt à l’individu, tantôt au groupe. Les mécanismes
de coordination de Mintzberg (1980) sont, ici, repris en les situant sur deux
plans différents.

Contexte sociétal
L’organisation est imprégnée dans un contexte institutionnel, qui influence
ses décisions, en particulier en matière de recrutement. D’une part, le recru-
tement peut être élitiste, recherchant une qualification ou s’effectuer sur une
base élargie, recherchant une compétence. Mais les règles du jeu institution-
nelles s’immiscent, souvent, dans la décision (fonction publique en France,
professions libérales réglementées, etc.). Le dilemme consiste à faire coexister
ces deux profils de salariés, qui peuvent être séparés d’une distance cognitive
contraignante (Nooteboom 2006).
D’autre part, l’organisation peut privilégier un recrutement tantôt in-
terne, tantôt externe, selon que les critères de compétence sont fixés, respec-
tivement, par l’entreprise ou par le marché. Une entreprise qui se referme
sur elle-même favorise l’absorption des connaissances individuelles (Cohen
et Levinthal 1990), mais risque d’oublier la nécessité d’intégrer de nouveaux
savoirs (Kaplan et al. 2001) et celle d’assurer la pérennité de son savoir-faire.

Stratégie
Un débat stratégique fondamental est celui de l’organisation ambidextre, ca-
pable d’associer des activités d’exploitation et d’exploration (March 1991).
Du bref exemple cité plus haut, il faut retenir que le métier hérité de l’en-
treprise la contraint à l’exploitation, autant sinon davantage que le besoin
de rentabilisation de ses investissements. L’exploration d’un métier recherché
(Lewkowicz 1992) demeure malgré tout indispensable dans un environnement
dynamique (O’Reilly et Tushman 2004).
Enfin, l’ultime débat oppose deux finalités extrêmes de l’entreprise : va-
lorisation actionnariale (création de valeur financière à court terme) ou par-
tenariale (élargissement des critères d’évaluation de la performance, partage
rééquilibré de la valeur ajoutée, etc.). Les travaux de Mignon (2000) se situent
dans cette veine.

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Hypothèse de configuration
Par hypothèse, la structure organisationnelle efficiente requiert une cohérence
interne parmi les paramètres du design (Mintzberg 1980, p.328). Nous repre-
nons cette hypothèse à notre compte, appliquée aux concepts présentés. Les
débats retenus sont liés, manifestement, par une correspondance déductive.
Nous proposons quatre ensembles de concepts, articulés selon deux axes, dont
le croisement révèle quatre modèles de structures idéaltypiques (Figure 1).

Figure 1 – L’organisation, configuration de dilemmes


Connaissances explicites
Standardisation forte
Recrutement élitiste
Exploitation du métier hérité

Bureaucratie Bureaucratie
professionnelle mécaniste

Connaissances individuelles Connaissances collectives


Autonomie individuelle Autonomie de groupe
Recrutement externe Recrutement interne
Valorisation actionnariale Valorisation partenariale

Adhocratie Firme J

Connaissances tacites
Standardisation faible
Recrutement à base élargie
Exploration d’un métier recherché

Cette hypothèse de configuration ne nous est pas originale, mais provient


de notre adoption du cadre d’analyse développé par Lam (2000) et Lewkowicz
(2006). Pour ces auteurs, chaque configuration se caractérise par une capacité
d’innovation qui lui est particulière, résultant d’un rythme d’apprentissage
spécifique. La bureaucratie professionnelle est marquée par un apprentissage
étroit inhibant l’innovation. Dans la bureaucratie mécaniste, l’apprentissage
demeure superficiel, d’où une innovation limitée. La dynamique de l’appren-
tissage, dans l’adhocratie, génère des innovations radicales. Enfin, la firme
J privilégiant l’apprentissage cumulatif, soutient des innovations incrémen-
tales.
Bien entendu, ces associations sont tendanciellement valides (Koeberlé
et Lewkowicz 2009) : l’observation empirique révèle des réalités toujours

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contrastées - toujours ambidextres dans une certaine mesure. Ainsi, toute


configuration réelle est une hybridation de configurations idéaltypiques de la
figure, sans que ceci soit de nature à mettre en cause la validité des construits
idéaltypiques.
Ces configurations étant décrites, elles peuvent constituer un outil de diag-
nostic d’entreprise (voir par exemple Lewkowicz et Koeberlé 2008b ; 2008a) :
quel est l’état des huit dilemmes pour l’organisation examinée ? Mais ce diag-
nostic a peu d’intérêt s’il n’est pas mis en relation avec un ensemble de pa-
thologies. Nous pensons que la perspective de la pérennité peut offrir un tel
ensemble, à rapprocher des configurations présentées.

POSTURES DE PERENNITE ET PATHOLOGIES :


UN CADRE DU RISQUE STRATEGIQUE
La perspective de la pérennité de projet (Mignon 2001) distingue la péren-
nité des activités, de la pérennité organisationnelle. Cependant, la pérennité
organisationnelle est définie comme la pérennité simultanée des activités et
de l’identité. Afin de manipuler des réalités indépendantes, il faut donc bien
raisonner en termes de pérennité des activités d’une part, et de pérennité
de l’identité d’autre part. Il est alors possible de les croiser selon deux axes
orthogonaux. Ce croisement permet d’identifier quatre postures de pérennité,
correspondant à quatre pathologies et quatre risques.

Postures de pérennité des activités


D’une part, l’organisation peut manifester la volonté de préserver ses activi-
tés. Cette posture doit être, à notre avis, rapprochée des formes bureaucra-
tiques d’organisation. Celles-ci se caractérisent, en effet, par un métier hérité
et une prédilection pour l’exploitation des connaissances organisationnelles
existantes. Une bureaucratie mécaniste de service public, telle que l’agence
nationale pour l’emploi en France, défend son activité d’aide à la recherche
d’emploi. Il est difficile d’imaginer que l’ANPE puisse abandonner cette ac-
tivité, et même simplement que cette mission ne constitue plus son activité
principale. De même, une entreprise de transport urbain peut, certes, investir
dans un nouveau mode de déplacement (tramway en complément du réseau
de bus, par exemple). Mais ceci n’est pas de nature à modifier son métier de
transporteur, en particulier lorsque la manuvre diversifie les services offerts.
A l’inverse, la préservation des activités est secondaire pour les struc-
tures organiques. Une adhocratie de haute technologie peut définir son mé-

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Figure 2 – Les postures de pérennité de projet

tier comme étant celui de développer des produits innovants à un rythme


soutenu. Le corollaire est que ses produits et ses marques peuvent être rapi-
dement substitués par d’autres. Le cycle de vie de ces produits est tel que
l’innovation est une condition essentielle du maintien sur un métier recher-
ché en constante redéfinition. La firme J se caractérise par l’efficacité de ses
communautés de pratique (Brown et Duguid 1991) à mobiliser les savoirs
tacites dans l’effort de résolution de problèmes. Ceci permet l’amélioration
continue, incrémentale, des produits et des technologies. Dans ce type d’or-
ganisation, les activités peuvent être conservées sans que ceci constitue une
priorité pour l’entreprise. Cette posture évite ainsi l’enfermement dans un
domaine d’activités donné.

Postures de pérennité de l’identité


D’autre part, l’organisation peut valoriser fortement son identité. Tel nous
semble être le cas, plus particulièrement, de la bureaucratie mécaniste et
de la firme J. Ces configurations sont marquées par des connaissances col-
lectives, constitutives de valeurs communes et d’une culture partagée. Les
bureaucraties mécanistes peuvent être fortement attachées à un territoire,
lequel est partie intégrante de son identité. Ainsi, la dissociation de Michelin
et Clermont-Ferrand serait susceptible de briser l’identité de l’entreprise et
de la ville. Certes, l’accent mis sur les savoirs explicites permet un transfert

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Quel design organisationnel pour quelle pérennité ?

nécessaire à une éventuelle délocalisation. Mais dans ce cas, pour les nou-
veaux salariés du site d’accueil, la vie est façonnée par des règles dénuées
de sens (Spender 1996, p.74). L’identité est à reconstruire. Les bureaucraties
mécanistes de service public sont souvent, par ailleurs, le reflet d’un modèle
de société. La fermeture de bureaux de poste de proximité, dans une logique
de rentabilité, rompt avec l’identité de l’entreprise. Cette rupture, que l’on
peut qualifier de désalignement ou de dissonance par rapport à la tradition
et à l’histoire de l’entreprise, malmène l’identité. Dans le cas des firmes J, la
prépondérance des connaissances tacites rend toute délocalisation complexe.
La perte de ces connaissances peut causer l’effondrement du sens et la perte
d’identité. Or, celle-ci se trouve souvent au cur de la coordination du travail,
ce qui se concrétise par l’adoption de chartes de bonne conduite, une com-
munication omniprésente dans l’établissement relative aux valeurs de l’entre-
prise, ou encore l’engagement dans des actions de responsabilité sociale et
environnementale, permettant une mise en uvre des discours. Ces pratiques
sont également observables dans le comportement des bureaucraties méca-
nistes, telles qu’EDF ou Total. L’engagement de ces entreprises contribue à
maintenir et développer une identité fédératrice. L’identité semble donc bien
valorisée par des types d’organisation.
Il nous semble important, ici, de préciser que dans notre perspective, les
structures hospitalières et universitaires françaises correspondent au modèle
de la bureaucratie mécaniste (ces structures sont plus classiquement rappro-
chées de la bureaucratie professionnelles). Si les médecins et les enseignants-
chercheurs sont, bien entendu, des parties prenantes stratégiques en raison
de leur pouvoir de pression et de leur capacité de mobilisation, il demeure
qu’à l’évidence ces structures sont pilotées par un pouvoir largement cen-
tralisé - l’Etat - lequel est relayé par une technostructure (Mintzberg 1980)
établissant des normes, promulguant des lois (Hôpitaux Patients Santé Ter-
ritoire, LRU). Ces lois semblent, par ailleurs, en dissonance avec l’identité
de ces organisations, que les acteurs de terrain cherchent à préserver. Elles
impliquent une rupture importante avec le modèle historique de la société
française en matière d’éducation et de santé. La comparaison de ce modèle
avec des modèles alternatifs existants, tels que le modèle des Etats-Unis, ré-
vèle l’existence d’un risque majeur que ces organisations peuvent faire courir
(parfois malgré elles) à certaines de leurs parties prenantes.
L’intérêt pour l’identité organisationnelle paraı̂t moins prégnant dans le
cas des bureaucraties professionnelles et des adhocraties. Les professions li-
bérales réglementées, qui convergent vers le modèle de la bureaucratie profes-
sionnelle, bénéficient d’une légitimité à la fois traditionnelle et légale. Cepen-
dant, le maintien de cette légitimité dépend, outre de leur monopole légal, de

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Pascal KOEBERLE

leur capacité à apporter satisfaction dans l’exercice de leurs missions. Il s’agit


bien, ici, d’une légitimité concurrentielle (Marchesnay 1998). Si cette fonction
fondamentale consistant à être performant n’est pas atteinte, le monopole lé-
gal serait contestable et pourrait disparaı̂tre à son tour. La légitimité territo-
riale, identitaire, apparaı̂t bien secondaire. Ceci explique peut-être pourquoi
certains cabinets d’avocats font signer aux avocats-stagiaires un engagement
choisi à renoncer à leurs indemnités de stage prévues par le décret faisant
suite à la Loi sur l’Egalité des Chances. La responsabilité sociale - mais aussi
l’intérêt immédiat - de ces cabinets consistent à assurer une véritable for-
mation professionnelle aux jeunes avocats, en vue d’assurer la pérennité de
leurs activités. Cette formation représente un risque potentiel et la rémuné-
ration du stagiaire est perçue comme un risque additionnel. Bien entendu,
nous n’entendons pas légitimer, ici, un modèle de précarité. Mais l’approche
par les postures de pérennité semble en mesure de fournir des hypothèses
descriptives des risques, des hypothèses explicatives des liens entre risque
et configuration d’entreprise et des hypothèses prescriptives des actions de
changements et/ou de continuité à envisager pour maı̂triser le risque.
Enfin, dans le cas des adhocraties, les innovations radicales qui sont re-
cherchées sont peu compatibles avec le cycle de création de connaissance de
Nonaka (1994). Les connaissances restent largement individuelles, spécifiques
aux domaines de connaissance de chaque expert. La diversité (cognitive,
culturelle,) nécessaire à la créativité et à l’innovation, dans ces entreprises,
fait naı̂tre une difficulté de coordination (Nooteboom 2006) correspondant,
en fait, à l’indésirabilité de la construction d’une identité organisationnelle.
Celle-ci aboutirait à museler les réinterprétations originales, sources de créa-
tivité.

Synthèse des postures de pérennité : les risques associés


aux configurations
La figure 2 propose, à l’intersection des postures de pérennité, une typologie
des risques associés à chaque configuration « pure ».
La bureaucratie mécaniste affiche un risque de déracinement. Nous avons
montré comment cette configuration, à travers sa posture de pérennité, est
liée à un territoire et à un modèle de société.
La bureaucratie professionnelle se caractérise par un risque de légitimité.
Bien qu’ancrée par la tradition et le cadre légal, les entreprises correspondant
à ce modèle configurationnel se doivent d’établir leur légitimité concurren-
tielle pour soutenir les activités liées aux compétences explicites détenues.

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L’adhocratie puise sa valeur dans la diversité de ses membres. Cette di-


versité génère des difficultés de coordination. Le risque de la coordination est
un basculement dans une autre configuration, moins dynamique en termes de
capacité à innover. La raison d’être et la source de l’avantage concurrentiel
de ce type d’entreprise sont donc menacées par les tentatives de coordination
inadaptées.
La firme J présente un risque de périmètre du métier. Si la priorité donnée
à l’exploration laisse la place, malgré tout, aux produits et marchés existants
(cas de la diversification), l’identité peut être préservée moyennant un élar-
gissement de l’expression du métier. Par exemple, le métier initial « nous
fabriquons des biscuits artisanaux » peut devenir « nous fabriquons des pro-
duits artisanaux », lorsque l’entreprise envisage de développer une ligne de
chocolats fins. En revanche, dans le cas d’un recentrage, il peut être plus dé-
licat de légitimer l’abandon d’une activité, d’un produit ou d’une marque. La
pérennité de l’identité est alors compromise. L’évolution du périmètre d’ac-
tivité de la firme J est donc susceptible du provoquer un basculement dans
une autre configuration, éventuellement non désirée.
Il faut noter que ces risques sont liés aux configurations « pures ». Les réa-
lités hybrides peuvent faire ressortir d’autres menaces. De même, il pourrait
être intéressant - dans une démarche de conduite du changement de configu-
ration - d’identifier des hybridations assurant un équilibre entre continuité et
changement, gage de pérennité. Cette réflexion est au-delà des ambitions de
cette contribution.

CONCLUSION
Dans cette contribution, nous avons voulu établir le lien entre les configura-
tions structurelles et les postures de pérennité de projet. Les configurations
se distinguent par leur capacité d’innovation. En conséquence, les modèles
organiques, conçus pour innover, peuvent paraı̂tre séduisants dans un envi-
ronnement en rapide mutation, nécessitant un renouvellement fréquent des
sources de l’avantage concurrentiel. Pourtant, une approche par les postures
de pérennité révèle que les configurations plus mécaniques (au sens de Burns
Stalker 1961) présentent des intérêts en termes de pérennité. La bureaucra-
tie mécaniste est un refuge de sens, protectrice des modèles sociaux issus
du passé. La bureaucratie professionnelle souhaitant préserver ses activités,
adopte une démarche de pérennité fondée sur l’excellence de la reproduction
de son savoir-faire.
Il ne faut donc pas dénoncer hâtivement les résistances au changement,

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caractéristiques des structures bureaucratiques. Par ailleurs, les entités orga-


niques ne sont pas exemptes de risques relatifs à la pérennité organisation-
nelle. Si la littérature en management stratégique met fortement l’accent sur
la nécessité de l’innovation et du changement dans les organisations, l’intérêt
d’une préservation de l’identité et des activités ne doit pas être négligé.
En somme, l’équilibre entre changement et continuité doit faire l’objet
d’un pilotage habile. Comment, par exemple, moderniser une clinique tout
en préservant les intérêts identitaires ? Les perspectives pour les futures re-
cherches dans ce sens, passent par l’identification de pratiques de structura-
tion d’entreprise équilibrant les postures de pérennité. Il peut être intéres-
sant de réaliser des diagnostics d’entreprise, pour révéler les pratiques des
managers, les problèmes posés par ces pratiques. La conduite du changement
devient, ici, la gestion de l’hybridation configurationnelle. Quelles sont les
opportunités et les risques associés aux différentes hybridations ? Plus large-
ment, l’hybridation est-elle pertinente ou, dans le cas contraire, s’agit-il d’un
manque de cohérence interne finalement préjudiciable à la pérennité ? Le
maintien d’une configuration organisationnelle peut-elle constituer un cadre
de continuité, dans lequel des changements peuvent être mis en uvre ? Cette
continuité configurationnelle jouerait ce rôle de filtre des initiatives straté-
giques « permettant à la firme de changer dans une optique de pérennité »
(Mignon 2001).

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Working Paper 2009/1 13

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