Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 249–254

http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/

Article original

Rachianesthésie hypobare unilatérale chez le sujet âgé

pour la chirurgie traumatique de la hanche : étude pilote
Unilateral spinal anaesthesia in elderly
patient for hip trauma: a pilot study
M. Khatouf a, FJ. Loughnane a, S. Boini b, M. Heck a, P. Meuret a, D. Macalou a,
P-M. Mertes a, H. Bouaziz a,*
a
Service d’anesthésie–réanimation chirurgicale, hôpital central, 29, avenue du Maréchal de Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France
b
Service d’épidémiologie et d’évaluation clinique, hôpital Marin, 54000, Nancy, France

Reçu le 10 février 2004 ; accepté le 6 décembre 2004

Résumé

Introduction. – La fracture du col du fémur est une pathologie de plus en plus fréquente à mesure que l’espérance de vie augmente. Un des
objectifs recherchés chez ces patients âgés est d’éviter l’hypotension au cours ou au décours de l’anesthésie.
Objectif. – Évaluer le retentissement hémodynamique de la rachianesthésie unilatérale chez des patients âgés de plus de 80 ans, opérés
d’une fracture du col du fémur.
Type d’étude. – Étude prospective.
Patients et méthodes. – Vingt-cinq patients ont donné leur accord pour participer à l’étude prospective. Après avoir bénéficié d’un rem-
plissage vasculaire avec un hydroxyéthylamidon (Hestéril®) (5 ml/kg) et d’un bloc antalgique iliofascial, les patients ont été positionnés en
décubitus latéral sur le côté sain ; 3,5 ml d’une solution hypobare de bupivacaïne à 0,12 % (soit 7,5 mg de bupivacaïne) associée à 5 µg de
sufentanil, ont été administrés par voie intrathécale à raison de 0,25 ml/secondes. Le décubitus latéral a été maintenu 15 minutes avant que les
patients soient confiés au chirurgien. Les paramètres hémodynamiques (PAS, PAD, PAM, FC) ainsi que la consommation d’éphédrine et la
SaO2 ont été relevés toutes les cinq minutes pendant deux heures. Par ailleurs, les paramètres d’installation et de durée des blocs sensitif et
moteur ainsi que leur éventuelle extension au côté controlatéral ont été enregistrés. Enfin, la satisfaction des patients et des chirurgiens a été
recueillie à la fin de l’intervention.
Résultats. – Aucun changement significatif des paramètres hémodynamique et respiratoire n’a été observé. Le délai moyen d’installation
des blocs sensitif et moteur était de 8 ± 5 et 16 ± 7 minutes du côté opéré et de 30 ± 15 et 36 ± 14 minutes du côté controlatéral pour ceux chez
qui le bloc était devenu bilatéral. La hauteur maximale du niveau sensitif atteignait T6 chez sept patients, T8 chez huit et T8–T10 chez les dix
restants. La durée moyenne des blocs sensitif et moteur était de 134 ± 26 et 119 ± 24 minutes du côté opéré, alors qu’il était de 100 ± 26 et
98 ± 25 minutes du côté controlatéral. Une bilatéralisation du bloc a été observée chez 12 patients soit 48 %. Les patients comme les chirur-
giens ont semblé très satisfaits de la technique.
Conclusion. – La rachianesthésie unilatérale réalisée avec une solution hypobare est une technique simple qui procure des conditions
opératoires satisfaisantes sans induire de modifications hémodynamiques majeures chez les sujets très âgés.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Introduction. – Fractured neck of femur is encountered more frequently as life expectancy increases. All anaesthetic techniques aim to
avoid deleterious fall in arterial blood pressure. The haemodynamic effects of hypobaric unilateral spinal anaesthesia have been rarely assessed
in patients over 80 year’s old. This study aims to do that in a prospective manner.

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : h.bouaziz@chu-nancy.fr (H. Bouaziz).

0750-7658/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.annfar.2004.12.027
250 M. Khatouf et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 249–254

Patients and methods. – Twenty-five patients were enrolled. Following a preload with HES 240/0.576 % (Hesteril®) (5 ml/kg) and the
administration of an iliofascial block, patients were placed in the lateral decubitus position, operative side uppermost. 3.5 ml of 0.12%
hypobaric bupivacaine was administered intrathecally at a rate of 0.25 ml/secondes. Patients were kept in position for 15 minutes. Systolic,
mean and diastolic arterial pressures, heart rate, SaO2 % and ephedrine consumption were recorded at five minutes intervals as was the rate of
onset, height and duration of sensory and motor block and extent of bilateralization. Patient and surgeon satisfaction scores were also recor-
ded.
Results. – No significant changes in systolic, mean and diastolic pressures, or SaO2 % occurred. Median onset times of sensory and motor
block were 8 ± 5 and 16 ± 7 minutes on the operative side and 30 ± 15 and 36 ± 15 minutes on the contralateral side in those with bilaterali-
zation, respectively. The maximum height of sensory block was T6 for sept patients, T8 for huit patients and T8–T10 for the remainder. Mean
duration of sensory and motor block was 134 ± 26 and 119 ± 24 minutes on the operative side and 100 ± 26 and 98 ± 25 minutes on the
contralateral side, respectively. In 12 patients (48%) bilateralization of their block occurred. Patients and surgeons rated the technique highly.
Conclusion. – Hypobaric unilateral spinal anaesthesia is a simple technique, produces satisfactory operative conditions and induces very
little haemodynamic change in the elderly population.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Rachianesthésie ; Patients âgés ; Variations hémodynamiques

Keywords: Spinal anaesthesia; Elderly patients; Haemodynamic modifications

1. Introduction bénéficié d’un remplissage vasculaire préalablement à la réa-

La fracture du col fémoral représente un problème de santé
publique, elle intéresse une population de plus en plus âgée
du fait de l’augmentation de l’espérance de vie, et prédomine
chez la femme du fait de la ménopause [1]. L’âge avancé des
patients et les pathologies fréquemment associées augmen-
tent le risque anesthésique parmi cette population.
Le débat sur le choix de la technique anesthésique (anes-
thésie générale vs anesthésie locorégionale) est toujours
d’actualité et aucune technique n’a montré sa supériorité en
termes de mortalité ou de morbidité [2,3]. Toutes les techni-
ques d’anesthésie générale y compris celles à objectif de
concentration peuvent être responsables de chutes importan-
tes de la pression artérielle pouvant se révéler délétères [4].
Parmi les techniques d’anesthésie locorégionale, la rachi-
anesthésie standard expose le sujet âgé à des chutes brutales
et importantes de pression artérielle dont l’incidence varie
entre 25 et 69 % [5,6]. La rachianesthésie continue repré-
sente dans ce contexte, la technique de référence puisqu’elle
permet de préserver l’état hémodynamique grâce à une ins-
tallation progressive du bloc sympathique [7–9]. Pour autant,
cette technique expose à un risque infectieux et sa réalisation
chez des patients sous aspirine n’est pas recommandée
[10,11].
Au cours de ces dernières années, plusieurs auteurs se sont
intéressés à la rachianesthésie unilatérale chez l’adulte tous
âges confondus. La technique est simple avec un retentisse-
ment hémodynamique modéré et en tous cas moindre que
celui observé pour la même dose d’anesthésique local, avec
une rachianesthésie standard [12–14]. Les modifications
hémodynamiques pourraient néanmoins être plus marquées
chez le sujet âgé de plus de 65 ans si l’on se réfère à un récent
travail [15].
L’objectif principal de cette étude était d’apprécier les
répercussions hémodynamiques de la rachianesthésie hypo-
bare unilatérale chez les sujets âgés de 80 ans et plus ayant
lisation de la rachianesthésie unilatérale.
2. Patients et méthodes
Il s’est agit d’une étude de cohorte prospective, ouverte et
non randomisée, réalisée sur une période de six mois (février
à juillet 2002) dans les deux services de chirurgie orthopédi-
que et traumatologique de l’hôpital central de Nancy. Elle a
concerné toutes les personnes âgées de 80 ans et plus, quels
que soient leur sexe et la classification ASA, hospitalisées
pour une intervention chirurgicale sur l’extrémité supérieure
du fémur, et ayant donné par écrit leur consentement éclairé.
Étaient exclus de l’étude les patients bénéficiant d’un trai-
tement anticoagulant ou antiplaquettaire de type ticlopidine
ou clopidogrel, ceux ayant une allergie prouvée aux anesthé-
siques locaux, ceux présentant une altération de l’état neuro-
logique rendant impossible l’évaluation clinique, ainsi que
ceux présentant une malformation ou une cicatrice chirurgi-
cale rachidienne. Aucune prémédication n’était administrée
avant l’intervention.
Après mise en place d’un monitorage comprenant la
mesure de la pression artérielle non invasive, de la saturation
en O2 et un électrocardioscope, de l’hydroxyéthylamidon
240 000 (Hesteril® 6 %) était administrée par une veine péri-
phérique à raison de 5 ml/kg en 15 minutes.
Un bloc iliofascial était réalisé du côté fracturé avec de la
xylocaïne 2 % (20 ml) adrénalinée au 1:200 000, afin d’obte-
nir une analgésie permettant au patient de tolérer le change-
ment de position. La rachianesthésie était ensuite réalisée en
décubitus latéral (membre à opérer en position proclive)
10 minutes après le bloc iliofascial. La solution anesthésique
consistait en un mélange de bupivacaïne 0,5 % isobare, ren-
due hypobare par l’adjonction de 1 ml d’eau distillée et 5 µg
de sufentanil (soit un mélange contenant 0,12 % de bupiva-
caïne).
 M. Khatouf et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 249–254
Après franchissement de la dure-mère, l’orifice de l’aiguille
de rachianesthésie (type Quincke, 25G, Vygon®) était orienté
vers le côté fracturé et la solution d’anesthésique local hypo-
bare était injectée lentement sur 14 secondes (0,25 ml/
seconde) sans aspiration du liquide céphalorachidien pour évi-
ter le phénomène de barbotage, source de bilatéralisation. Le
décubitus latéral était maintenu pendant 15 minutes puis le
patient était remis en décubitus dorsal lors de son transfert du
brancard, sur la table d’opération.
Une hypotension artérielle, définie par une chute de la pres-
sion artérielle systolique de plus de 25 % par rapport à la
pression artérielle prise dix minutes après la réalisation du
bloc iliofascial (pression artérielle de référence), était traitée
par des injections intraveineuses d’éphédrine à raison de 3 mg
toutes les deux minutes jusqu’à normalisation de la pression
artérielle. Une bradycardie, définie par une fréquence cardia-
que < 45 b/min, était traitée par l’injection intraveineuse lente
de 0,75 mg d’atropine en intraveineux.
La pression artérielle systolique (PAS), la pression arté-
rielle diastolique (PAD), la pression artérielle moyenne
(PAM), la fréquence cardiaque (FC), la saturation artérielle
en oxygène (SaO2) et la consommation d’éphédrine étaient
relevées avant le bloc iliofascial, 10 minutes après le bloc
iliofascial, puis toutes les cinq minutes à partir du moment du
retrait de l’aiguille de rachianesthésie, jusqu’à la levée du bloc
sensitif. Celui-ci était évalué par le test du toucher léger à
l’aide d’une compresse selon la cotation suivante :
• 0 : sensation normale ;
• 1 : sensation diminuée ;
• 2 : absence de sensation. Le bloc moteur était évalué selon
le score de Bromage :
C 0 : absence de bloc moteur (flexion complète du genou
et de la cheville) ;
C 1 : bloc partiel (flexion partielle du genou et complète
de la cheville) ;
C 2 : bloc presque total (flexion nulle du genou et partielle
de la cheville) ;
C 3 : bloc complet (flexion impossible du genou et de la
cheville).
Les blocs sensitif et moteur étaient évalués toutes les cinq
minutes pendant toute la durée de l’anesthésie, de même que
le niveau d’extension du bloc sensitif.
La satisfaction du chirurgien était appréciée en fin d’inter-
vention selon les critères suivants :
• degré de relâchement musculaire : excellent, bon, passa-
ble, médiocre ;
• conditions opératoires globales : habituelles, meilleures,
pires qu’avant l’introduction de la rachianesthésie unilaté-
rale.
La satisfaction du patient était quant à elle évaluée de la
façon suivante : conditions excellentes, bonnes ou mauvai-
ses.
Les données démographiques ont été exprimées en
moyenne ± déviation standard [valeurs extrêmes] pour les
variables quantitatives, et en valeur absolue et pourcentage
pour les variables qualitatives. Les variations hémodynami-
251
ques ont été exprimées en médiane, interquartiles et [valeurs
extrêmes]. Les délais d’installation et les durées des blocs
sensitif et moteur ont été exprimés en moyenne ± déviation
standard. Un test t de Student a été utilisé pour comparer les
délais d’installation et les durées des blocs du côté opéré par
rapport au côté controlatéral. Pour comparer l’évolution de la
PAS en fonction du caractère uni- ou bilatéral du bloc anes-
thésique, on a utilisé une analyse de variances pour mesures
répétées avec p < 0,05 considéré comme significatif.
3. Résultats
Vingt-cinq patients ont été inclus dans l’étude (19 femmes
et six hommes) ; 15 patients ont bénéficié d’une ostéosyn-
thèse de l’extrémité supérieure du fémur par clou plaque, dix
patients d’un remplacement prothétique de la tête du fémur.
Les données démographiques sont reportées dans le
Tableau 1 ; 12 patients (48 %) avaient des antécédents
d’hypertension artérielle et dix (40 %) étaient considérés
comme coronariens.
La réalisation du bloc iliofascial n’a pas modifié de façon
significative la pression artérielle systolique qui a baissé de
5,7 % (p = 0,0647).
Le délai d’installation du bloc sensitif du côté opéré était
de 8 ± 5 minutes, celui du bloc moteur était de 16 ± 7 minu-
tes. Le bloc anesthésique a permis à tous les patients d’être
opérés dans de bonnes conditions, et aucun patient n’a signalé
de douleur et/ou présenté de mouvement au moment de l’inci-
sion cutanée. Chez 12 patients (48 %), le bloc anesthésique
sensitif et moteur était bilatéral. Le délai moyen d’installa-
tion du bloc anesthésique du côté controlatéral était de
30 ± 15 minutes pour le bloc sensitif et de 36 ± 15 minutes
pour le bloc moteur pour les patients (n = 16 et n = 11, res-
pectivement) chez qui était observée une extension bilaté-
rale. La durée moyenne du bloc sensitif du côté opéré était de
134 ± 26 minutes alors qu’elle était de 100 ± 26 minutes pour
le côté controlatéral (n = 16). La durée moyenne du bloc
moteur du côté opéré était de 118,6 ± 24,1 minutes alors
qu’elle était de 97,7 ± 24,9 minutes du côté controlatéral
(n = 11) (Tableau 2). L’extension maximale du bloc sensitif
était à T6 chez sept patients, T8 chez huit patients et entre T8
et T10 chez les dix patients restants.
Bien que cinq patients (20 %) aient reçu de l’éphédrine à
une dose moyenne de 6 mg [3–9 mg], les chutes de pression
artérielle n’ont pas été significatives au plan statistique aux
différents temps de mesure (Fig. 1). Il n’a pas été observé de
bradycardie (FC < 45 b/min). Les variations de fréquence car-
diaque au cours du temps apparaissent sur la Fig. 2. Il n’a pas
été mis en évidence de différence dans la baisse de la pres-
Tableau 1
Données biométriques et classe ASA des 25 patients
Âge(années) Sexe(F/H) ASA(I/II/III/IV) Poids(kg) Taille(cm)
87 ± 6 19/6 1/10/12/2 60 ± 15 161 ± 9,6
[80–100] [36–103] [145–185]
Les données sont exprimées en moyenne ± écart-type et [extrêmes]
252 M. Khatouf et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 249–254

Tableau 2
Délais d’installation et durées des blocs sensitif et moteur
Bloc sensitif Bloc moteur
Délai d’installation Durée du bloc Délai d’installation Durée du bloc
(minute) (minute) (minute) (minute)
Côté opéré 8 ± 5* 134 ± 26* 16 ± 7** 119 ± 24***
[5–20] [80–180] [5–35] [80–160]
Côté controlatérala 30 ± 15* 100 ± 26* 36 ± 14** 98 ± 25***
[5–60] [30–130] [15–60] [60–140]
Les résultats sont exprimés en moyenne ± déviations standard et [valeurs extrêmes]. * p < 0,0001, ** p = 0,0002, *** p = 0,0034.
a
n = 16 pour le bloc sensitif, n = 11 pour le bloc moteur.

Fig. 1. Changement de pression artérielle systolique (%) après la rachianesthésie unilatérale.

Variation relative de la pression artérielle systolique (pourcentage de la PAS de base) en fonction du temps : les valeurs sont exprimées en médiane, interquar-
tiles et valeurs extrêmes.

sion artérielle entre les patients ayant une rachianesthésie uni- Tous les patients ont bénéficié d’un bloc iliofascial pour
ou bilatérale et entre les patients hypertendus ou non. atténuer la douleur provoquée lors de la mise en décubitus
Le degré de relâchement musculaire était jugé bon à excel- latéral. Le bloc iliofascial a été testé chez tous les patients par
lent dans 96 % des cas, et les conditions opératoires globales
Tableau 3
étaient considérées comme habituelles dans tous les cas. Tous
Évaluation de la satisfaction du patient et du chirurgien
les patients étaient satisfaits du déroulement de l’interven-
Qualité de l’anesthésie
tion et ont jugé les conditions opératoires bonnes à excellen-
Satisfaction du patient
tes (Tableau 3). Aucun patient n’a présenté de rétention d’urine Conditions excellentes 14 56
ou d’œdème pulmonaire en période postopératoire. Conditions bonnes 11 44
Conditions mauvaises 0 0
Satisfaction du chirurgien
4. Discussion Degré de relâchement musculaire
Excellent 18 72
La rachianesthésie unilatérale qui a été évaluée ces derniè- Bon 6 24
res années, a un retentissement hémodynamique limité. Notre Passable 1 4
objectif était donc d’évaluer cette technique chez le sujet âgé Mauvais 0 0
de plus de 80 ans. Pour refléter au mieux notre pratique quo- Conditions opératoires globales
tidienne, nous n’avons volontairement fait aucune sélection Habituelles 25 100
de patients concernant la classe ASA et/ou les pathologies Meilleures 0 0
associées. Pires 0 0
 M. Khatouf et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 249–254
Fig. 2. Variation relative de la fréquence cardiaque après rachianesthésie unilatérale (pourcentage de la FC de base) en fonction du temps.
Les valeurs sont exprimées en moyennes, quartiles et valeurs extrêmes. La baisse de fréquence cardiaque sur les 120 minutes d’observation est statistiquement
significative (p < 0,001).
évaluation de la sensibilité de la face antérieure de la cuisse.
Certains patients ont pourtant exprimé une douleur à la mobi-
lisation, possiblement en rapport avec la sollicitation de ter-
ritoires partiellement ou non analgésiés.
Le remplissage vasculaire par des colloïdes permet de pré-
venir les chutes de pression artérielle après anesthésie rachi-
dienne même si cette efficacité est limitée dans le temps [16].
En outre, le sujet âgé est souvent hypovolémique du fait de la
déshydratation préexistante et de l’hématome lié à la frac-
ture. Cependant, la dose administrée était faible pour éviter
la survenue d’une surcharge hydrique, source de décompen-
sation cardiaque à la levée du bloc sympathique ou de cons-
titution de globe vésical avec rétention d’urine.
Bien que l’obtention d’une rachianesthésie unilatérale
stricte semble plus fréquente avec l’utilisation de solutions
hyperbares, nous avons opté pour une solution hypobare
[12,17]. Ce choix se justifie par la mise en décubitus latéral
avec le membre fracturé en position proclive permettant ainsi
de réaliser la rachianesthésie dans des conditions conforta-
bles pour le patient.
La dose de bupivacaïne administrée par voie intrathécale
(7,5 mg) a été choisie en sachant qu’une dose de 5 mg aurait
probablement été insuffisante et que 0,05 mg/cm aurait été
associée à une plus grande incidence d’extension bilatérale
[18,19]. Enfin, des doses supérieures ou égales à 10 mg de
bupivacaïne s’accompagnent d’hypotension significative dans
27 à 69 % des cas selon les études [8,16]. L’adjonction de
sufentanil permet d’améliorer la qualité du bloc anesthésique
sans pour autant modifier le bloc sympathique secondaire à
l’administration d’anesthésiques locaux [20].
253
Dans cette étude, la rachianesthésie était strictement uni-
latérale dans 52 % des cas, résultat retrouvé par d’autres
auteurs [13].
La baisse moyenne de la PAS observée dans notre étude
n’a pas dépassé 13 % durant toute la période opératoire. Cette
baisse de la PAS était plus importante à la 25e minute ce qui
s’explique par l’extension du bloc anesthésique qui est maxi-
mal au cours des 30 premières minutes suivant la réalisation
de la rachianesthésie. À la 75e minute, la baisse moyenne de
la PAS était de 12,6 % et pourrait s’expliquer en partie par le
saignement peropératoire qui est estimé pour ce type d’inter-
vention en moyenne à 400 ml [21]. La stabilité hémodyna-
mique a été bonne comme l’atteste le recours au sympatho-
mimétiques qui n’a été nécessaire que chez cinq patients
(20 %) avec de faibles doses d’éphédrine (6 mg ± 3). Aucun
patient n’a présenté de bradycardie, et aucune complication
cardiaque postopératoire n’a été observée. La fréquence avec
laquelle une hypotension a été observée dans notre étude se
compare favorablement à celle rapportée chez 15 patients âgés
de plus de 65 ans, sept d’entres eux ont eu une baisse de PAS
de plus de 20 %. Quant au recours à l’éphédrine il a été néces-
saire chez trois patients, les autres réagissant bien au remplis-
sage modéré (250 ml de Ringer lactate). Cette différence pour-
rait être expliquée en partie par le choix du soluté de
remplissage. De même, le retentissement hémodynamique
observé après rachianesthésie continue pourrait être plus mar-
qué qu’après rachianesthésie unilatérale, avec une baisse de
20 % de la PAM et une administration d’éphédrine chez 40 %
des patients [8].
254 M. Khatouf et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 249–254
Le caractère unilatéral fixé d’emblée ou l’extension bila-
térale secondaire du bloc anesthésique ne semble pas jouer
sur le retentissement hémodynamique chez ces patients de
classe ASA élevée, ce qui a déjà été retrouvé [22]. Plusieurs
hypothèses peuvent être avancées pour expliciter cette parti-
cularité. Tout d’abord, il semble que le pourcentage de blocs
strictement unilatéraux varie selon qu’on s’intéresse aux blocs
sensitifs, sympathique ou moteur. Ainsi, il a été montré une
plus grande incidence de blocs sympathiques strictement uni-
latéraux [23]. De plus, à l’image de ce qu’on observe pour le
bloc sensitif, il est probable que l’extension bilatérale du bloc
sympathique soit un phénomène lent et progressif qui per-
mette aux mécanismes de lutte contre l’hypotension de se
mettre en action. Enfin, le niveau sensitif supérieur est tou-
jours moins haut du côté controlatéral au côté opéré, ce qui
limite probablement l’extension du bloc sympathique.
Tous les patients ont eu du côté opéré un niveau de bloc
sensitif au moins égal à T10 d’une durée moyenne de 130 mi-
nutes, ce qui a rendu possible le geste chirurgical. Les condi-
tions opératoires étaient bonnes comme en atteste les résul-
tats de satisfaction des patients et du chirurgien. L’absence
de rétention urinaire a été retrouvée par d’autres auteurs qui
avancent l’hypothèse d’une vessie partiellement anesthésiée,
facilitant ainsi le retour précoce à une fonction normale [12].
Malgré le faible retentissement hémodynamique de cette
technique, la rachianesthésie unilatérale a quelques inconvé-
nients. Ainsi, la présence de troubles des fonctions supérieu-
res ou d’arthrose rachidienne peut gêner considérablement
sa réalisation. De plus, la diffusion préférentielle de la solu-
tion anesthésique sur une partie ciblée du névraxe pourrait
exposer à la survenue de troubles irritatifs transitoires comme
cela a été récemment rapporté [24].
5. Conclusion
La rachianesthésie hypobare unilatérale associant de fai-
bles doses de bupivacaïne à du sufentanil est une technique
simple, qui permet d’obtenir des conditions opératoires satis-
faisantes tout en induisant des modifications hémodynami-
ques modestes chez le patient très âgé qui présente une frac-
ture du col fémoral.
Références
[1] Toneti J, Couturier P, Remy A, Nicolas L, Merloz P, Franco A.
Fracture de l’extrémité supérieure du fémur après 75 ans. Rev Chir
Orthop Reparatrice Appar Mot 1997;83:636–44.
[2] Sutcliffe AJ, Parker M. Mortality after spinal and general anesthesia
for surgical fixation of hip fractures. Anaesthesia 1994;49:237–40.
[3] Sorenson RM, Pace NL. Anesthetic techniques during surgical repair
of femoral neck fractures: a meta analysis. Anesthesiology 1992;77:
1095–104.
[4] Heck M, Ababou A, Meuret P, Bouaziz H, Laxenaire MC. Anesthésie
à objectif de concentration au propofol avec monitorage de l’index
bispectral pour la chirurgie de la hanche chez le vieillard. Cah Anes-
thesiol 2001;49:165–9.
[5] Coe AJ, Revanas B. Is cristalloid preloading useful in spinal anaesthe-
sia in the elderly? Anaesthesia 1990;45:241–3.
[6] Critchley LA, Stuart JC, Short TG, Gin T. The haemodynamic effects
of subarachnoid block in elderly patients: measurement by transtho-
racic bioimpedance. Br J Anaesth 1994;72:464–70.
[7] Klimscha W, Weinstabl C, Ilias W, Mayer N, Kashanipour A,
Schneider B, et al. Continuous spinal anesthesia with a microcatheter
and low-dose bupivacaine decreases the hemodynamic effects of
centroneuraxis blocks in elderly patients. Anesth Analg 1993;77:275–
80.
[8] Favarel-Garrigues JF, Sztark F, Petitjean ME, Thicoïpé M, Lassie P,
Dabadie P. Hemodynamic effects of spinal anesthesia in the elderly:
single dose vs titration through a catheter. Anesth Analg 1996;82:
312–6.
[9] Labaille T, Benhamou D, Westermann J. Hemodynamic effects of
continuous spinal anesthesia: a comparative study between low and
high doses of bupivacaine. Reg Anesth 1992;17:193–6.
[10] Peyton PJ. Complications of continuous spinal anesthesia. Anaesth
Intensive Care 1992;20:417–38.
[11] Sfar et Société française d’hématologie. Agents antiplaquettaires en
période périopératoire. Conférence d’experts 2001. Ann Fr Anesth
Réanim 2001;20:fi188–fi195.
[12] Kuusniemi KS, Pihlajamäki KK, Pitkänen MT. A low-dose of plain or
hyperbaric bupivacaine for unilateral spinal anesthesia. Reg Anesth
Pain Med 2000;25:605–10.
[13] Casati A, Fanelli G, Aldegheri G, Colnaghi E, Casaletti E, Cedrati V,
et al. Frequency of hypotension during conventional or asymetric
hyperbaric spinal block. Reg Anesth Pain Med 1999;24:214–9.
[14] Kuusniemi KS, Pihlajamaki KK, Pikänen MT, Korkeila JE. A low-
dose hypobaric bupivacaine spinal anesthesia for knee arthroscopies.
Reg Anesth 1997;22:534–8.
[15] Casati A, Aldegheri G, Vinciguerra F, Marsan A, Fraschini G, Torri G.
Randomized comparison between sevoflurane anaesthesia and unilat-
eral spinal anaesthesia in elderly patients undergoing orthopaedic
surgery. Eur J Anaesthesiol 2003;20:640–6.
[16] Buggy D, Higgins P, Moran C, O’Brien D, O’Donovan F,
McCaroll M. Prevention of spinal anesthesia-induced hypotension in
the elderly: comparison between preanesthetic administration of cris-
talloids, colloids, and no prehydration. Anesth Analg 1997;84:106–
10.
[17] Kaya M, Oguz S, Aslan K, Kadiogullari N. A low-dose bupivacaine: a
comparison of hyperbaric and hypobaric solutions for unilateral spi-
nal anesthesia. Reg Anesth Pain Med 2004;29:17–22.
[18] Biboulet P, Deschodt J, Aubas P, Vacher E, Chauvet P, D’Athis F.
Continuous spinal anesthesia: does low-dose plain or hyperbaric bupi-
vacaine allow the performance of hip surgery in the elderly? Reg
Anesth 1993;18:170–5.
[19] Pittoni G, Toffoletto F, Calcarella G, Zanette G, Giron GP. Spinal
anesthesia in outpatient knee surgery: 22-Gauge vs 25-Gauge Sprotte
needle. Anesth Analg 1995;81:73–9.
[20] Riley ET, Walker D, Hamilton CL, Cohen SE. Intrathecal sufentanil
for labor analgesia does not cause a sympathectomy. Anesthesiology
1997;87:874–8.
[21] Eiskjaer S, Ostgard SE. Risk factors influencing mortality after bipo-
lar hemiarthroplasty in the treatment of fracture of the femoral neck.
Clin Orthop 1991;270:295–300.
[22] Tanasichuk MA, Schultz EA, Matthews JH, Van Bergen FH. Spinal
hemianalgesia: an evaluation of a method, its applicability, and influ-
ence on the incidence of hypotension. Anesthesiology 1961;22:74–
85.
[23] Enk D, Prien T, Van Aken H, Mertes N, Meyer J, Brussel T. Success
rate of unilateral spinal anesthesia is dependent on injection flow. Reg
Anesth Pain Med 2001;26:420–7.
[24] Casati A, Fanelli G, Aldegheri G, Berti M, Leoni A, Torri G. A
transient neurological deficit following intrathecal injection of 1%
hyperbaric bupivacaine for unilateral spinal anaesthesia. Eur J Anaes-
thesiol 1998;15:112–3.