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ÉSOTÉRISME XXIe SIÈCLE.

Autour de René Guénon


Suivi de René Guénon ou la Voie métaphysique ( plus bas )

ÉSOTÉRISME XXIe SIÈCLE


Autour de René Guénon
Federico González

PROLOGUE

J’avais l’intention d’écrire un livre intitulé comme celui-ci, lorsque je constatai qu’il était déjà
écrit. En effet, le panorama que je tentais d’y décrire pour ce XXIème siècle en rapport avec la
Métaphysique, englobait tout à la fois les quelques rares groupes et individualités sérieux et de
type initiatique qui travaillent en Occident, et l’énorme masse de personnalités, cellules, et enfin
sectes, qui pullulent autour de la Science Sacrée en la dénaturant, et qui ont apporté la
confusion, le chaos et les errements propres à l’obscurité de tout éon qui s’achève; ce qui rend
indispensable un redressement, au moins doctrinal, au nom de la préservation des valeurs
traditionnelles, des Idées Universelles sans restriction de temps ni de lieu, directement en
rapport avec l’essence du Cosmos et sa constante recréation et, par conséquent avec la
conservation de la Vie, la Liberté, et la Connaissance qui rendent possible la régénération.

Je constatai alors que décrire ce temps présent dans l’Esotérisme revenait à ôter la paille du
grain (Cf Saint Matthieu 13, 24-31). En effet, l’ambiance régnant en ce commencement du
XXIème siècle, dont témoignent aussi sur la scène ésotérique le mensonge et la tromperie, la
falsification et le vol, l’ignorance et la trahison, n’échappe pas aux grandes lignes de la loi qui
caractérise les temps modernes. Ainsi, un spécialiste de ces questions devait inclure des
informations de première main des sujets traités, ainsi que des rôles joués par les acteurs sur la
scène réduite des idées ésotériques contemporaines. Une œuvre de ce genre devait alors réunir
une abondante documentation qui enrichisse n’importe quelle investigation dans ce sens et qui
ordonne le chemin d’une façon générale.
C’est alors que je compris que le livre était déjà écrit et qu’il l’était de ma main.

Ceci vient du fait de diriger la revue SYMBOLOS, dans laquelle j’ai pu rendre compte du
panorama ésotérique général des onze années antérieures à la fin du millénaire, ce qui revient
au même que de mettre en valeur les éléments qui furent la semence du XXIème siècle, et
distinguer entre eux les appartenances à différents ordres, témoignant ainsi de l’existence d’une
Science Sacrée, c’est-à-dire d’une Tradition Unanime, si vivante de nos jours, et aussi vraie que
ses origines non-créées.

Nous sommes nombreux à croire que la plus haute autorité de la Science Sacrée en Occident
de notre temps (bien qu’il en existe également d’autres auteurs authentiques) est René Guénon;
et son œuvre, qui touche plusieurs disciplines, est le témoignage synthétique et global de cette
Science en ces temps que traverse la Civilisation Occidentale que beaucoup d’ésotéristes
comparent à une Fin de Cycle.

Mais ce n’est pas seulement l’aspect doctrinal ou ordonnateur de son Travail qui ressort, mais
aussi son influence dans les milieux ésotériques, et dans l’Histoire de l’Esotérisme en général, à
travers l’autorité qu’il a exercée sur divers groupes, écrivains et lecteurs qui ont considéré sa
figure providentielle, morts et vivants qui ont bu à sa source malgré que beaucoup d’entre eux
ne le mentionnent qu’à peine, ou bien se soient par la suite retourné contre lui, se joignant au
collectif qui ne peut que nier les idées ésotériques, de par leur propre nature qui les rend
incompréhensibles pour ceux qui –avec raison– les voient comme contraires à toute logique ou
science.

Et c’est au travers de cette masse de lecteurs qui l’adulent ou le détestent –puisque sa pensée
critique eut d’innombrables ennemis depuis le début jusqu’à sa mort– avec toutes les nuances
intermédiaires, que la pensée de Guénon s’est diffusée dans le milieu ésotérique, autant pour
ses références à la Maçonnerie et à l’Hermétisme, ou aux Religions du Livre, ou à l’Hindouisme,
Lamaïsme, Taoïsme ou encore les aborigènes américains, que pour l’esprit irradiant son travail et
les aveuglantes analogies qu’il réalise, aliment pour l’intelligence et véhicule pour la
compréhension. Et c’est aujourd’hui, cinquante ans après sa mort, ce que l’on peut vérifier en
observant combien son œuvre reste vivante, peut-être plus encore que durant sa propre
existence temporelle; célébrations, symposiums, numéros de revues, livres, articles, témoignent
des divers hommages qui lui sont rendus.

Ainsi, de façon naturelle, la figure de Guénon devint l’axe de ce livre sur l’ésotérisme au
XXIème siècle.

Pour les mêmes motifs, il s’était institué comme le guide spirituel de la revue SYMBOLOS et du
groupe de rédacteurs qui la forment. C’est pour celà qu’il est absolument normal que je publie ici
ce que j’ai écrit sur Guénon lui-même, la Maçonnerie et la Tradition Hermétique, ce qui forme de
par ses propres caractéristiques un regard sur l’ésotérisme contemporain, puisque en tant que
directeur de SYMBOLOS je me devais d’être en contact avec les principales idées et milieux
ésotériques de ces derniers onze ans, aussi bien en Europe qu’en Amérique, ainsi qu’avec les
auteurs actuels.

Depuis les débuts de sa publication, cette revue, que nous distribuons parmi les principaux
milieux ésotériques, reçut un accueil favorable, spécialement auprès de ceux qui connaissaient
ou étaient au courant de l’œuvre de Guénon, avec lesquels nous échangions des exemplaires de
nos publications et articles en diverses langues que nous publions dans SYMBOLOS, tout comme
plusieurs de nos collaborations furent traduites et diffusées dans ces milieux. A ceci il faut
ajouter l’envoi d’une abondante correspondance de Guénon, qui n’avait pas encore été publiée,
et d’études de l’auteur qui, ayant été publiées dans des revues de son époque, n’avaient pas été
recueillies dans ses livres et que quelques correspondants me firent parvenir aimablement. Il
faut également mentionner que, étant donné la qualité des articles initiaux, nous avons reçu de
nombreux travaux d’auteurs qui désiraient spontanément se joindre à SYMBOLOS et publier
dans ses pages, ce qui se fit vu la valeur de beaucoup des textes envoyés bien que ces auteurs ne
participent pas de tout ce qui est manifeste dans ce milieu et n’appartiennent pas au noyau
d’écrivains qui forment la rédaction de notre revue.

Ce qui fit que SYMBOLOS s’institua ainsi, et sans l’avoir prétendu, comme une sorte
d’éminence d’où observer le panorama de l’ambiance ésotérique de son époque; un point de
vue privilégié puisqu’étant intervenu directement dans les questions dont traite le thème, y
compris de forme polémique, tout en rendant compte au moyen de commentaires, recensions,
ou encore la reproduction photographique de sommaires –que nous avons conservé ici– du
mouvement ésotérique en général; pendant que Guénon, la Tradition Hermétique et la Franc-
Maçonnerie, comme moyens d’accès à la Connaissance en particulier, c’est-à-dire comme guides
et chemins de réalisation, constituaient le programme sur lequel insistait tout particulièrement
notre revue.

De fait, SYMBOLOS a déjà publié jusqu’à présent plus de 4.000 pages sur des thèmes
ésotériques de toutes les grandes traditions, y compris la Tradition Précolombienne, que Guénon
n’a presque pas approchée, à laquelle SYMBOLOS consacra plusieurs travaux; ce dernier
programme a été éliminé en vue de cette collection qui comprend seulement ceux qui sont
consacrés aux voies citées précédemment et à leur vigueur, documentée par les publications et
les auteurs qui en témoignent dans un sens ou dans l’autre, car la polémique n’est exclue
d’aucune manière, tout en signalant concepts et chemins, symboles et pensées ou points de vue
également valides, en rejetant beaucoup d’erreurs dans l’interprétation, presque toujours
intéressée, de concepts en rapport avec la doctrine traditionnelle et émanant de sources qui, de
nos jours plus que jamais, sont opposées à cette doctrine qu’elles prétendent pourtant
manipuler et utiliser à leur profit, qui est le même que celui de l’Adversaire. Dans ce sens, l’on
insiste tout particulièrement sur les différences entre religion et métaphysique, exotérisme-
ésotérisme et Etre et Non-Etre, qui ont si souvent prêté à des confusions encore aggravées par
les personnes et les groupes qui, ou bien par ignorance –qui mène à la haine– ou bien par désir
d’hégémonie et pouvoir, ont adultéré la pensée de Guénon déjà de son vivant. Comme par
exemple ceux qui s’approprient sa figure et son œuvre à des fins religieuses qui frôlent le
fanatisme ou à des fins politiques, dans ce dernier cas des groupes fascistes et traditionalistes du
type dur, ralliés aujourd’hui au drapeau de l’“innocente” Nouvelle Droite.

CHAPITRE I

RELIGION ET MÉTAPHYSIQUE À LA FIN DU CYCLE *

De fait, non seulement notre Revue n’est compromise avec aucune religion –en
précisant que nous appelons religions les trois branches: judaïsme, christianisme,
islamisme, dérivées du monothéisme abrahamique– mais elle est areligieuse, c’est-à-
dire qu’elle a un support et un but métaphysique et n’adore pas de divinités
personnifiées ni possède de vision anthropomorphique, ou individualisée, de l’Identité
Suprême.1 La Tradition Hermétique, comme Enoch-Hermès dont elle tire son nom, est
évidemment préchrétienne mais surtout antédiluvienne, c’est-à-dire qu’elle survit aux
catastrophes de divers mondes. C’est pour cela que l’étude des cycles est extrêmement
productive dans le travail de la Connaissance, puisqu’elle nous oblige à nous passer
d’une vision religieuse, c’est-à-dire exotérique donc historique, rattachée à n’importe
quel cycle, pour nous placer après d’épuisantes épreuves et travaux dans une position
beaucoup plus ample, de type polaire, où les différences entre les religions et les
religions mêmes sont réduites à néant face à la Majesté de l’Être Universel et ses divers
états, à la lumière duquel toute querelle s’amoindrit voire disparaît dès que ces passions
(nées de la dualité, donc d’un dualisme qui doit recourir à un monisme radical pour
résoudre son conflit) se dissolvent à cause de leur genre religieux dans le
fondamentalisme, l’intégrisme, ou le sionisme,2 et sont un véritable obstacle pour la
Connaissance, c’est-à-dire la Gnose, comme l’indique l’un des sous-titres de SYMBOLOS.
Nous tenons pour acquis que cette attitude nous a déjà causé des problèmes avec les
religions émanant du Livre. Nous nous référons notamment à quelques escarmouches
que nous avons dû essuyer avec des juifs et des islamiques radicaux peu disposés à
respecter la Tradition Hermétique, leurs dieux et déesses, ceux qu’ils ont eu
l’opportunité de connaître ou même assimiler dans leur corps exotérique en tant que
Noms de Pouvoir, Archanges, Anges, etc.; les hébreux ont à la base des problèmes avec
Guénon –notre référence intellectuelle– parce qu’il est mort en Islam, sans remarquer
que ce dernier cite à plusieurs reprises leur Kabbale, c’est-à-dire leur Tradition.

Paradoxalement nous en avons trouvé d’autres, très irrités, pour nous accuser –nous-
mêmes et Guénon– d’être hébraïsants. Il y a également des groupes islamiques
traditionnels, de ceux qui prient, qui croient à leur façon à la guerre sainte et se
consacrent systématiquement à la provocation (aussi puérile que d’aller prier à la
manière islamique dans la cathédrale de Cordoue ou aussi sérieuse que d’émettre leur
propre monnaie à Grenade), accaparent des groupes d’études, spécialement de jeunes
ou de faibles ayant besoin de secours religieux, et autres broutilles réalisées par des
individus n’ayant en réalité aucun niveau de Connaissance en dépit de leur
appartenance à des groupements traditionnels, donc dérivant directement du prophète,
ce qui est, dit-on, différent de l’irrégularité de Schuon et sa secte qui depuis des années
nous molestent de toutes les manières possibles, essayant concrètement de nous
assimiler au satanisme et utilisant même le mensonge et les moyens les plus vils pour
nous détruire. Précisons que pratiquement tous les martyrs soufis ont trouvé la mort
aux mains d’autorités fanatiques religieuses ou légalistes littérales, toutes convaincues
d’avoir raison et de représenter officiellement l’Islam; de fait celui-ci répète
constamment cette fragmentation et regroupement de structures particulières,
s’opposant parfois les unes aux autres, –ce qui rend difficile savoir laquelle est
intégriste, fondamentaliste, ou traditionnelle– et font que de sa propre dynamique leur
réseau continue de s’étendre vers les quatre points de l’espace.

Nous avons gardé pour la fin la religion dans laquelle sont nés la totalité des
rédacteurs de SYMBOLOS, la religion catholique, qui nous disqualifie pour notre
appartenance à l’Ordre Maçonnique. Ceci est particulièrement outrageant du fait que
ces officiaux, qui depuis des siècles ont trahi leur fondateur et son héritage, son
Évangile, dans lequel se consignent ses enseignements, se consacrent en revanche
aujourd’hui à des questions "sociales" à l’abri de la science, qu’ils bénissent, s’efforçant
ainsi d’assurer leur part de pouvoir et d’influence dans la grande escroquerie
institutionnalisée, de laquelle ils ont été –et prétendent continuer d’être– l’un des
piliers. Inutile de préciser que ces gens ne croient à aucune sorte d’ésotérisme, voire
même ne semblent pas donner crédit à leurs propres dogmes, comme l’on a pu le
vérifier auprès de quelques fonctionnaires du Vatican avec lesquels nous avons
conversé il y a quelques années à Rome.

Quoi qu’il en soit, nous pensons que ces mouvements radicalisés ne montrent que la
crispation et la rigueur qu’ils annoncent, ne survivent que brièvement à la mort d’un
être vivant, et ne sont rien de plus, bien que leurs membres intégrants se sentent bien
supérieurs (saints héroïques qui défendent la cause de Dieu), ce qui est souvent ainsi
d’un point de vue dissolvant, au contraire de ce qu’ils imaginent et prétendent... Dans
ce sens il faut souligner l’attitude opposée de la Tradition Hermétique, qui accueillit à
Alexandrie toutes les gnoses, et intégra hébreux et chrétiens sous son égide païenne et
polythéiste, qui a tellement enrichi l’Occident et aussi cette humanité adamique, de
laquelle elle est en fait l’esprit aussi bien que l’âme, malgré que son cheminement
subisse les constantes interférences de prétentions religieuses fondées sur le monisme
d’une croyance qui dénie à son Dieu la possibilité de Non-Être.

En dernier recours et en appliquant cet exposé général au cas de SYMBOLOS avec une
perspective vraiment Universelle, c’est-à-dire depuis le pôle, où les mouvements
passionnés du cœur-soleil ne sont plus seuls à être perçus et où l’on voit clairement la
porte ouverte sur d’autres États de l’Être Universel, nous dirons que ceux-là ne sont pas
exclusivement affirmatifs ou ontologiques, mais aussi complètement différents de ce
que signe n’importe quelle détermination. Nouvelle réalité dans laquelle on vit
seulement par la Grâce de Dieu, qui nous limite par le numéro, et nous donne ainsi la
possibilité de transcender le cosmos au moyen d’un véhicule à notre portée.

Autrement dit, dans l’humanité où nous devons vivre, c’est-à-dire dans le segment de
l’Être Universel que constituent cette Création et son Grand Faiseur (et non pas son
assistant, le Démiurge, seigneur du feu et du souffle, pris comme le Dieu des religions).
La possibilité nous est alors offerte de nous identifier à lui, tout comme lui-même
s’identifie à l’éon, ou Manu, et à son tour ce dernier s’identifie avec le Manu des Manu
qui englobe la totalité des créations, des mondes et des humanités dans ses possibilités
et développements indéfinis, et, encore plus stupéfiant, dans une parfaite simultanéité,
dans l’instant. C’est alors que survient la question: si nous ne savons rien, et même il n’y
a rien à savoir, qui sait véritablement pour qui il travaille?

Nous ne sommes antireligieux d’aucune façon, mais il convient de savoir où sont


tombées les traditions dégénérées par leurs tendances exotériques et les agissements
d’individus, depuis des siècles usurpateurs du pouvoir, et s’étant institués officiers
dogmatiques de ces religions qu’ils utilisent à leur profit, ce qui est évident dans le
catholicisme et sa pompe.

Dans le catholicisme, l’étymologie même du mot religion perd son sens puisque les
voies sont brisées, et le pont (pontifex) qui unissait l’être individuel à l’Être Universel par
le biais de la Connaissance n’existe pas, cette dernière ayant été abandonnée et
remplacée par une Foi aveugle –dont le contenu changeant peut être une chose ou
l’autre–, c’est-à-dire en complète contradiction avec la Science Sacrée.

L’on pense parfois, erronément, que cette fin de cycle voit des forces obscures
s’attaquer aux religions, lorsque c’est précisément le contraire qui se passe: celles-ci
sont tellement corrompues et adultérées qu’elles ont de ce fait pratiquement perdu
toute connexion avec le Principe; elles doivent donc être considérées dans toute leur
imposture, et dépassées une fois pour toutes par tous ceux qui aspirent à la Sagesse. En
réalité les monothéismes tels qu’ils se présentent actuellement demeurent des
systèmes incomplets, de type unidirectionnel fondé sur la dévotion, qui n’apportent pas
de solution au problème du mal, et sont incapables de dépasser la sphère du démiurge.

Nous voudrions apporter ici quelque argument plus favorable aux religions, puisque
nous sommes loin de vouloir leur faire mal ou de les nier en quelque sorte –comme le
rite exotérique– bien que nous ne voulions pas non plus être complices par notre
silence d’une chose qui nous préoccupe. De plus, n’oublions pas que la perspective d’un
hermétiste est de voir les credo nier sa Tradition, aussi authentique qu’une autre, qui
est même présente parmi les religions du Livre, bien que ces dernières n’admettent pas
de chemin ou voie de réalisation qui ne passe par leur intermédiaire; dans quelques cas,
les esprits religieux les moins étriqués "acceptent" officiellement quatre autres
traditions orientales considérées à tort comme des religions. Tout ceci sans mentionner
l’importance nulle qu’ils attribuent à la Tradition précolombienne, et aux traditions
archaïques en général, dont les vestiges culturels et spirituels n’ont pas encore
complètement disparu.

La raison en est que, bien qu’en relation étroite, la métaphysique et la religion


appartiennent à deux milieux distincts. Et même en considérant, comme le prétend
l’Islam, qu’il existe un ésotérisme dans la religion, dans le meilleur des cas il s’agit
toujours d’un ésotérisme solaire (bien que l’Islam soit rattaché au lunaire, ce que met
en évidence son emblème du Croissant et de l’étoile), alors qu’elle doit obligatoirement
contenir des dogmes exotériques pour assumer sa fonction en opposition avec la
réalisation polaire, strictement métaphysique.

Tant que notre groupe fut fermé, c’est-à-dire lorsque nous travaillions seulement en
nous-mêmes au moyen des méthodes hermétiques, Tarot, Kabbale, Alchimie,
Arithmosophie, etc., ou même avec la Cyclologie, nous n’eûmes pas de plus graves
problèmes, bien qu’il soit connu que ne manquent pas les malheureux dont l’œuvre soi-
disant pour le bien public est l’un des travestissements, par le biais d’une supposée
vertu inventée pour justifier leur ignorance et leur désir de contrôle et pouvoir.
Néanmoins, nos ennemis ne faisaient encore que montrer une part infime de ce qui
s’est déchaîné par la suite mettant en évidence le degré élémentaire des ces "initiés" et
leurs qualités inexistantes, voire une profonde ignorance devant être occultée derrière
le fanatisme religieux, sujets qui n’ont rien à voir avec la Connaissance –et le Jnâni yoga-
et la rapidité du mercure et la malléabilité de l’or présents dans la Tradition Hermético-
Alchimique, dans laquelle un grand dieu, celui qui a fabriqué la lire d’Apollon, le grec
Hermès descendant de l’égyptien Thot, est à la fois messager, psychopompe et héros
culturel; le dieu des diplomates et des commerçants. Signalons en outre que, notre
pensée étant métaphysique, c’est-à-dire propre aux "Grands Mystères" et d’incarnation
ontologique au travers de la cosmogonie et du symbole, donc du plan intermédiaire,
elle fut immédiatement repoussée par les fausses hiérarchies abrahamiques, ignares en
ce qui concerne la Science Sacrée, comme l’attestent leur petitesse et l’extrême
limitation de leur vision. Ces violentes dissensions sont illustrées par les guerres qui
opposent ces religions, ou de leurs noyaux, qui se produisent même dans les soi-disant
sociétés initiatiques, ou ésotériques, comme certains les nomment bien que, au lieu de
s’occuper de la Connaissance implicite dans leur Tradition, elles ne traitent que de leur
expansion quantitative, c’est-à-dire leur nombre de fidèles ou la mesure du pouvoir
qu’ils possèdent, quand ce n’est pas des revers infligés aux adversaires osant discuter
leur hégémonie, ou l’autorité absolue destinée à imposer leurs vues. Y a-t-il plus grande
imposture que de laisser la religion supplanter l’initiation?
Cette engeance est de fait totalement périmée et si certains croient en la "pauvreté"
et le "sacrifice" comme un bien en soi, c’est-à-dire que leur croyance trouve sa source
dans les œuvres humaines et non dans la grâce du Seigneur, nous trouvons surprenant
qu’il subsiste encore une ignorance aussi cristallisée que les orthodoxies, tant
religieuses que politiques; les gens sont las de ces alternatives aussi fausses
qu’arbitraires où se trouve plongé l’homme moderne, et malgré une certaine relation
superstitieuse avec la religion, le peuple semble s’en être oublié et se révèle agnostique,
sauf lors de grandes catastrophes ou de certaines "apparitions" mariales et de saints
niées par l’Église; les juifs, repliés sur eux-mêmes, attendant la ronde du rabbin
collecteur d’impôts... Ceci n’est pas complètement valable dans le cas de l’Islam, en
plein essor religieux contemporain, bien que son fondamentalisme même, y compris le
terrorisme, trahit sa faiblesse et rencontre un fort rejet parmi les fidèles, ce qui est très
clair en Afrique du Nord.3

La vie du Prophète et l’Histoire de l’Islam sont pleines d’exemples d’intervention


divine directe, ce qui illustre qu’il n’est nul besoin des obscures manœuvres et des
manigances, ni des "poussées" et "coups de coude" de ceux qui ne constituent, au
mieux, que l’un de ses groupements, sans compter les diverses Traditions, qui
affronteront plus ou moins consciemment la Fin des Temps. De notre côté nous ne
cherchons pas à gagner quoi que ce soit, et encore moins une guerre, puisqu’il y a des
années que nous avons accepté notre défaite la plus complète devant les inévitables
circonstances cycliques.

L’on pourra comprendre l’étonnement ressenti cependant lorsque l’on entend dire
que l’Islam n’est pas seulement une religion, ni signifie uniquement soumission, mais
que ce nom indique la pureté essentielle de toute religion ou connaissance, antérieure
ou postérieure. C’est-à-dire qu’il rend islamique par décret n’importe quel penseur, de
n’importe quelle époque. Ce fait devient parfaitement clair en lisant dans S. H. Nasr
(Vida y pensamiento en el Islam, Herder, Barcelone 1985, p.9) que l’Islam n’est pas
seulement le Coran et le Hadith, donc l’héritage reçu il y a quatorze siècles, sinon que
"L’Islam comporte, en plus de cette essence, son déploiement dans le temps et dans
l’espace et tout ce qu’il a absorbé selon son génie propre et a fait sien par son pouvoir
de transformation et synthèse." Le choc est d’autant plus fort que, au chapitre IX de
cette œuvre, l’on parle d’Hermès et des écrits hermétiques dans l’Islam, et que l’on y
commente l’influence exercée sur ce credo par Hermès Trismégiste (le prophète
islamique Idris) par l’intermédiaire des hermétistes sabéens (héritiers de Balkis, reine de
Saba, en rapport étroit avec Salomon et son temple), certains d’entre eux ayant été
islamisés par la suite ou ayant dû cohabiter par la force avec cette religion et loi, comme
ce fut le cas de nombreux sages et martyrs parfois revendiqués à posteriori. Il semble en
tout cas pour le moins curieux qu’une tradition comme la Tradition Hermétique, qui est
demeurée vivante en Occident jusqu’à nos jours, et qui fut connue des islamiques eux-
mêmes (Mohamed c.571-631) plusieurs siècles après son avant-dernière irradiation
importante, à Alexandrie (nous gardons la dernière pour Florence et son postérieur
développement rose-croix et franc-maçon), fasse aujourd’hui partie de la doctrine
islamique, ce avec quoi ne peuvent être d’accord ni les hermétistes ni aucune personne
sérieuse, sans compter que ceux-ci ne veulent se soumettre à aucune obligation
religieuse puisqu’il n’y en a aucune nécessité, selon les impératifs de leur propre
Tradition, dont le patron est le dieu Hermès Trismégiste et le Livre est le Corpus
Hermeticum.4

Il demeure que l’intérêt envers les institutions religieuses, voire même pour les
"grandes" religions, s’est affaibli5 et c’est précisément ce qu’elles savent et se refusent à
accepter, motif pour lequel elles tentent de se rendre plus attirantes (de la façon la plus
élémentaire et grossière, à la ressemblance des sectes) afin d’essayer de canaliser les
fortes tendances qui existent envers la Connaissance. Car il existe une véritable soif de
savoir et un esprit "religieux" –une fureur que connurent les païens– plus en rapport
avec la Cosmogonie, le Symbole et la Métaphysique et de nombreuses autres
alternatives opposées à toute forme d’orthodoxie religieuse, de dictature intérieure, de
menace, censure ou fanatisme, soit tout leur entourage ordinaire, au sein duquel leurs
us et coutumes, leurs tabous, phobies et obligations devant être imposés à autrui, ne les
rendent bien entendu pas très attirantes aux yeux des habitants de cette fin de cycle. A
tout ce qui précède –et qui est rejeté des nouvelles générations– il faut ajouter que cela
se trouve être représenté par des individualités aux visées limitées: historiques,
idéologiques, sans aucun doute passionnelles, régies par la haine qu’engendre l’envie de
ce que l’on n’a pas et que l’on devine qu’on ne le possédera jamais.

Dans l’Islam, ce qui est nommé loi islamique correspond évidemment à l’exotérisme;
ce que l’on appelle ésotérisme –disons-le une bonne fois– est en propre un point de vue
religieux, généralement rattaché à la piété-dévotion-sentimentalisme ou même à des
doctrines philosophiques, ou plus exactement théologiques, à l’instar du christianisme,
quoique celui-ci nie toute possibilité d’ésotérisme et conforme avec sa doctrine la solide
orthodoxie d’une force armée, soit une loi religieuse définie par un groupe possédant le
contrôle, ou par des mafias possédant une force de pression suffisante pour l’exercer de
différentes positions.6

Dans les deux cas la masse des fidèles, ou la presque totalité de ses affiliés, demeure
dans la plus profonde ignorance comme c’est le cas du judaïsme, bien que personne ne
puisse nier le rôle éducateur et ordonnateur des religions, les consolations qu’elles
apportent, les morales qu’elles propagent, c’est-à-dire les règles de leurs us et
coutumes; il faut également préciser qu’elles furent en d’autres temps le siège de sages
et de mages, véritables hommes de Connaissance, et paradoxalement comptent encore
aujourd’hui de nombreux initiés.

*
* *

Nombreux sont ceux qui ont essayé et essayent depuis des années d’intervenir de
bonne foi au sein même des religions abrahamiques, pour que celles-ci comprennent
leurs desseins et origines authentiques, et puissent ainsi remplir les fonctions pour
lesquelles elles ont réellement été créées. Au moins depuis l’époque où Guénon publiait
son œuvre, les tentatives ont été totalement infructueuses, et en particulier beaucoup
d’entre nous ont recherché le dialogue avec prêtres et fidèles catholiques de toute
tendance durant plus de deux décennies, avec les résultats les plus aberrants et
toujours négatifs. D’autre part, des personnages de responsabilité marquée ont essayé
et essayent que les autorités religieuses mondiales comprennent qu’elles se trouvent au
bord de la fin des temps, donc qu’elles nous expliquent, malgré leur impuissance, ce qui
est réellement en train de se passer, ce qui arrivera et à quoi devons-nous nous
attendre; en définitive, qu’elles répondent à présent aux questions éternelles de l’être
humain, comme le font leurs livres sacrés et le firent leurs prophètes et sages
herméneutiques. Car dans l’essence, à l’origine même des religions, se trouve le
message révélé par la voix de leurs envoyés, mais aujourd’hui il est inutile de le
rechercher dans le temple "réel", dans celui du quartier ou auprès des autorités
ecclésiastiques. Il semblerait que personne ne veuille se rendre compte que, si une
pierre est lancée du haut d’une tour sa vitesse augmente de façon géométriquement
proportionnelle à la distance parcourue, et c’est ce qui est en train de se passer
temporairement de nos jours, alors que nous atteignons le millénaire. L’homme pourra
ajouter une nouvelle illusion à un monde qui s’efface (de par la logique des cycles) et
peut-être songer dans ce cas à la projection historique et quantitative d’une guerre –
sainte ou non– qui mettra dans sa main tous les atouts, et régnera puérilement sur les
autres. Pour combien de temps? C’est la question que nous nous posons étant donné la
situation cosmique. De plus, cette querelle même nous place spécifiquement en
Méditerranée, c’est-à-dire dans une zone géographique réduite qui –si l’on nous passe
l’expression– est un cadre plutôt local, presque une bagarre de rues pour ces religions
qui prétendent posséder toute Universalité et se limitent à des chicanes à Jérusalem,
même s’ils en arrivent peut-être à utiliser des armes atomiques. Et s’il est vrai, comme
nous le remarquions, qu’à l’origine elles émanent de la Divinité, le processus cyclique
les en a tellement éloignées qu’un futur Homme de Connaissance devra vraiment s’y
opposer –même au sein de son propre credo– pour la corruption et le poison moral
implicites qu’elles portent, pour avoir renié leurs origines sacrées afin de nous offrir leur
version détachée du Principe et liée à des opinions personnelles, parfois basées sur des
thèmes traditionnels, mais forgées avec la complicité du groupe et imposées avec la
ferveur et le fanatisme de crânes rasés, héros communistes ou "fachos", ou
fondamentalistes religieux.7 C’est un symbole que ces extrémismes –et surtout la
"spiritualité" qui les motive– se traduisent par le terrorisme, quoique d’idéologies
opposées. Seuls les ennemis de Dieu sont capables d’échanger son Éternité contre
l’appui prétendu à une guerre régionale ou mondiale, simple escarmouche comparée à
elle. Ni arbitraire ni casuel, c’est seulement ce qui découle du niveau où l’on place la
déité: si le degré est métaphysique un tel problème n’existe pas; étant religieux,
l’adéquation est toujours insuffisante, puisqu’il s’agit d’une déité personnelle, donc
individuelle, ou d’un dieu personnalisé, deux formes analogues inhérentes à ce point de
vue toujours rattaché à la possession, ou la matérialisation de ce qui est spirituel
comme une chose pouvant être acquise, reniant la grâce, à base de génuflexions ou
commerce de faveurs et rémunérations avec de soi-disant esprits, dénaturant ainsi
l’idée de sacrifice. Dans ce cas, l’on peut arriver à justifier certaines critiques gnostiques
envers le judaïsme où l’on assimile Jéhovah, non pas avec la figure de l’Être suprême,
mais avec son second, le Démiurge.

Quant aux collaborateurs de SYMBOLOS, nous dirons que nous sommes entraînés à la
concentration, où la coexistence de différents points de vue, même opposés (mais aussi
complémentaires dans leurs multiples –et étranges– relations, donc pouvant se
conjuguer indéfiniment), n’est jamais le fruit d’une fixation a priori sur une seule voie de
l’esprit, sur laquelle se plaque toute la volonté forgée par des raisons prises comme
credo, à l’exclusion de toute forme de conciliation des opposés ou d’exercice du libre
arbitre, refusant ou compromettant la reddition à l’intelligence, déesse aussi fuyante
que réelle. C’est par l’angoisse du doute, par la vérification de notre rien qui est à
chaque fois encore moins, donc grâce aux instruments du cabinet alchimique de l’âme,
que l’on perçoit la simultanéité des éons et la perpétuelle naissance de la création.

Pour nous –et pour bien d’autres– la déité ou la conception que nous en avons, ne se
forme pas à différents niveaux et n’adopte aucune couleur, religieuse ou non; donc il
importe peu quel intérêt quantitatif ou historique, lié à des notions de compétition et
de triomphe (un point de vue presque sportif), est soutenu par ces groupes
antagoniques et extrêmement limités. Et aussi parce que, même dans le meilleur des
cas, si nous devions incarner une entité destinée à vaincre l’Antéchrist à Jérusalem, cela
nous laisserait complètement froids vu que cela nous semble mineur, quand bien même
cette situation surviendrait-elle de façon symbolique, ou serait déjà évidente.

Tout ceci est minime, notre déité est à présent, maintenant même, comme elle a
toujours été, jamais conditionnée par aucune détermination; hors de la Réalité il n’y a
rien. Le signe que nous attendons est non-humain, et ce n’est pas l’intervention d’une
religion, malgré que l’on nous dise que celle-ci ou celle-là n’est pas une religion de plus,
sinon La Religion, ou bien que l’on nous rappelle que l’humain révèle le non-humain, ou
que l’on nous demande de quelle façon ce dernier pourrait-il s’exprimer si ce n’est au
travers de l’homme ou du groupe. Une supercherie dangereuse puisque mettant
l’accent sur l’aspect le plus lointain de la déité : l’être individuel déplacé, inversé, jouant
le rôle de l’Être Universel avec lequel on le confond.

*
* *

Qu’attend-on encore, que désire-t-on, quelle pourrait être la récompense, quelle


serait la gloire ! Devant quel autre serait-ce quelque chose sinon devant soi, face à face
maintenant –et toujours– avec Soi-Même ? Il est difficile en vérité de comprendre
quelle serait la "satisfaction" de l’élu, quel sceptre, quelle couronne, quel pouvoir, par
rapport à quoi ou à qui ? Et quelle serait la relation de tout ceci avec l’Identité Suprême,
avec le Principe indifférent, étranger au schisme sur quel sera le vainqueur de cette
guerre sainte ou de l’autre ?

La Volonté du Ciel ne partage pas les vicissitudes cycliques et le Manu de chaque


manvântara fait tourner la Roue de l’Existence Universelle, et précisément sans
participer à ce mouvement dont cependant il est involontairement à l’origine. Il n’y a
donc pas besoin de s’efforcer, ni rien conquérir sur personne, mais réintégrer la Grande
Paix, l’immobilité du Pôle, la totale renonciation de l’Homme Universel tandis que
s’accomplissent toutes les prophéties, dont énormément sont étrangères au flux des
religions abrahamiques, aujourd’hui franchement décadentes. Il faudrait ajouter à tout
ce qui précède l’inaptitude à reconnaître la déité lorsqu’elle se manifeste
d’innombrables manières éloignées de la pompe religieuse actuelle (par ailleurs
adultérée), tout comme le savaient les peuples "primitifs" et les sages de l’antiquité, à
commencer par les taoïstes et tantristes orientaux et les païens occidentaux.

La religion est pour beaucoup, ou peut-être a été, une forme adaptée du sacré, une
forme simplifiée afin d’être comprise par la majorité, qu’elle commande par une loi
morale qui devient en définitive un ensemble d’us et coutumes, et ainsi se perpétue
dans un groupe considérable suivant les préceptes d’un dirigeant pour le bien de la
société. Il suffit d’obéir à l’instar de braves bœufs patients –et castrés– et d’avoir la foi ;
cette attitude est préférable à toute tentative de Connaissance, qui pourrait même
arriver à mettre en conflit ou tourner en ridicule n’importe quelle autorité religieuse.

La supériorité de niveau de la métaphysique vient de sa propre nature, c’est-à-dire de


son Origine et son Objectif, tout comme la limitation exotérique de la religion, ses
dogmes et ses transports, ne peut dépasser un certain degré. Ces deux formes sont
apparentées au Sacré, malgré que par les temps qui courent la religion pourrait bien
être qualifiée de profane, puisqu’elle refuse la véritable intellectualité, son authentique
spiritualité confondue avec les adhésions d’intensité variable –d’une piété incertaine au
fanatisme exclusif, descendants directs de l’émotionnel, qui va et qui vient.

Mais ce n’est pas tout car, comme nous le remarquions, ces deux formes du sacré se
trouvent sur des plans distincts, et la méconnaissance de la métaphysique et sa
substitution par la religion, qui la supplante, équivaut à une négation. Ce pour quoi l’on
peut confondre aujourd’hui –de bonne ou de mauvaise foi– la métaphysique avec le
profane, (notez l’inversion) à force de toujours associer la religion et le sacré. Les
différents credo abrahamiques tels qu’ils sont exprimés actuellement doivent être
plutôt pris comme des entraves aux nombreuses formes de Connaissance, ou Science
Sacrée, en accord avec leurs limitations. Surtout en ce qui concerne le plus haut stade,
paradoxalement le seul à donner un sens à l’échafaudage religieux, étant donné que sa
révélation dénaturée et ses conceptions sont des erreurs nées de l’ignorance de ce qui
est intimement sacré –ou métaphysique– et de sa substitution par les valeurs morales,
pieuses et sentimentalistes auxquelles nous nous référions qui se réduisent à des
questions minuscules, qui se manifestent à leur tour par des comportements étriqués
qui, bien qu’allégoriques, ne dépassent pas le niveau des tabous comme celui
concernant l’ingestion de viande de porc. En définitive, la religion prise comme l’une des
expressions de la métaphysique a perdu sa signification par sa plongée jour après jour
dans la corruption, fait inévitable par ses propres caractéristiques dans un monde en
train de succomber. Le Messie, Le Christ Intérieur, Le Mahdi, vient pour restaurer la
Connaissance, le Règne de la Métaphysique, et non pour promouvoir ni consacrer une
aucune religion en particulier dont la description de la réalité n’est pas de nos jours
différente de celle de la science profane, et ce traduit en obnubilations sportives plutôt
propres de "hooligans". La religion, liée dans le meilleur des cas avec le salut, est
l’obéissance à une méthode déterminée pour obtenir la "libération", tandis que la
métaphysique est la Liberté même, en lettres majuscules ; ainsi donc, c’est la Libération
du concept de "libération". De nos jours, la Connaissance et la Métaphysique ne passent
pas par la Religion, qui s’identifie au monde moderne dans tous ses aspects, pour le
simple motif, déjà mentionné, que cette dernière n’appartient même plus au domaine
sacré, sinon plutôt au social, encore qu’il existe bien sûr quelques exceptions
individuelles, presque aussi rares que celles d’initiés solitaires rattachés à nul appareil
religieux, bénéficiaires donc de plus amples points de vue et d’une conception plus
universelle, souvent liée à la sacralisation de la Nature incarnée entre autres par Éros et
Dionysos qui n’ont jamais été oubliés dans les cosmogonies traditionnelles ni par les
peuples archaïques. Quoi qu’il en soit nous ne voulons pas terminer cette note sans
revenir sur ceux qui se disent traditionnels et qui, de façon contre-initiatique,
prétendent parer de caractéristiques suprêmes leur vague religiosité (qu’ils élèvent à la
catégorie de vérité transcendante officielle et qu’ils nomment ésotérisme ou même
religion perpétuelle), constituant une scandaleuse dénaturation, aussi bien de la
Métaphysique que de la Racine de toute religion monothéiste.

C’est justement en cette fin de cycle qu’il faut exposer toute la vérité, à commencer
par la révélation de l’authentique cosmogonie, le modèle de l’Univers, les Secrets
connus des sages de tous les temps, et démasquer les desseins de l’imposture
"religieuse", ses fausses théologies et ses "saints" maîtres dont les exposés littéraux
sont éminemment inspirés du profane et arrivent à l’extrême de renier leurs propres
livres sacrés en détournant leurs contenus ou même les utilisent en leur propre
bénéfice. Si le moment n’est pas venu de remettre à leur place ces tentatives contre-
traditionnelles, apparemment acceptées au sein des religions abrahamiques et par des
groupes mystico-ésotériques dont le trait est l’hypocrisie face aux authentiques valeurs
morales, jusqu’à quand attendrons-nous ?

L’initiation est la subtile nourriture des dieux et exige autosacrifice et stoïcisme,


tandis que la religion est comme une boisson light, dans le fond un bouillon aussi
conventionnel que non-transcendental, en dépit de prendre des formes guerrières,
mystiques ou miraculeuses.

Il est évident que l’initiation est une action à contre-courant déterminée par
l’étrangeté de certaines terribles épreuves avec lesquelles se certifie la qualité de
l’Amour. La religion actuelle, en revanche, n’est que complaisance envers la bonté d’un
système qui se considère valide et l’égotisme satisfait de se distinguer en
l’accomplissant. La première se rapporte à la magie et à la grâce, la seconde au travail,
au devoir, à la routine et la rigueur de la loi.

Confondre religion et métaphysique –ou religion et sacré– revient à prendre la santé


pour le moral, ou la bienfaisance pour de l’amour. Il se passe la même chose lorsque
l’on substitue la loi à la justice, l’érudition à la Connaissance, ou que l’on prend les
polyglottes pour la culture, bien que l’on n’aille généralement pas jusqu’à confondre
"sainteté" et sagesse.

Pour terminer nous mentionnerons une nouvelle catégorie : celle du ressac pseudo-
ésotérique, les inséparables de ceux que nous avons déjà nommés au point de pouvoir
les identifier. Il s’agit encore de fanatiques obsédés par leurs devises en dehors
desquelles rien n’a de valeur, ou même pire: est mauvais ou suspect tout ce qui dépasse
leurs étroites limites. En réalité ces personnages résiduels ne se sont jamais intéressés à
la Connaissance, sinon que leur position est liée au pouvoir et à la politique,8 donc à des
commerces douteux. Le paradoxe est que ces individus se dénomment "traditionnels",
alors qu’ils sont en réalité "traditionalistes" et que leur domaine est l’action et la
violence –l’action et la violence per se– et ignorent tout de ce que sont la cosmogonie et
la métaphysique qui leur importent peu, nonobstant leurs tentatives d’utiliser à Guénon
lui-même à leurs fins, bien qu’ils ne sachent ni d’où ils viennent, ni qui ils sont, ni où ils
vont, et encore moins que le mot tradition tel qu’ils l’emploient n’a rien à voir avec la
Tradition à laquelle se réfère le métaphysicien français. Ils sont encore plus loin
d’imaginer qu’ils sont dirigés politiquement par des meneurs occultes et concrets,
partisans de la confusion et de l’erreur –qu’ils ne peuvent bien entendu pas déceler par
eux-mêmes en raison de leur manque de préparation– leur rayon d’action visant les
milieux ésotériques au travers de critères religieux voire même comme guerre
religieuse. Ces gens n’ont seulement jamais entendu parler de la plus haute forme de
Connaissance, et ne pourront donc jamais rêver l’atteindre, et entretiendront leur
frénésie dans les aspects les plus positifs et "populaires" de la déité, qu’on leur présente
de façon exclusivement affirmative ou même grossière, presque matérielle. Certains
d’entre eux adhèrent au catholicisme ou à l’islamisme en rêvant à un Moyen-Âge
imaginaire dans lequel ils seraient de nobles chevaliers –en dépit de leurs actions
délictueuses– encore que leur adhésion se limite à se signer à l’entrée d’une église, ou à
roter clairement après manger, et l’on dit que d’aucuns sont à l’aise dans l’Islam pour
rosser les Juifs (qui à leur tour cognent sur les Palestiniens) ou battre ceux qui ne
partagent pas leur propre médiocrité. L’origine de cette engeance se trouve dans la
massification et la perversion instaurées en Europe et Amérique par des régimes
totalitaires s’abritant derrière un vague messianisme et portant pareillement la haine et
l’envie ; ou alors, ce qui revient au même, le manque de générosité et charité les pousse
au métier de terroriste et à des agissements aussi abjects qu’intéressés, donc tout le
contraire de la pureté du geste gracieux. Inutile de souligner que ces disciples de Léo
Taxil ne connaissent rien de la Tradition Hermétique qu’ils pourraient découvrir, s’ils s’y
intéressaient, comme étant la plus ancienne Tradition subsistant encore et par-là la plus
traditionnelle selon leurs critères étroits.

NOTES
*
Ce texte ne fait pas référence à la religion telle que la définit l’Histoire des Religions, ou
lorsque le terme est pris au sens générique (“ce qui est religieux”), sinon aux religions
abrahamiques dans leur état actuel, et concrètement à leur ton pieux-moral-dogmatique,
sceau du fanatisme promoteur de la dissolution.
1
En Occident, même les adeptes de traditions orientales les interprètent aussi de façon
religieuse.
2
Dans l’État d’Israël actuellement, les sionistes ont été remplacés par les ultra-orthodoxes,
totalement politisés. Nous venons de lire, dans les mémoires de Y. Rabin, se référant à un
groupe de fanatiques ultra-nationalistes : "... groupe sauvage, un cancer à l’intérieur de la
démocratie israélienne, qui se réclame d’un mandat divin et impose la terreur dans les rues."
Il s’agit d’une nouvelle orthodoxie ultra-religieuse de type radical qui a pris à divers degrés
chez les jeunes –et pas tant que cela– ou dans d’autres parties du monde, et qui peut même
être terroriste et s’identifier à l’assassinat, comme le cas bien connu d’Yitzac Rabin –un
homme de paix– ayant trouvé la mort des mains des plus fanatiques. Ce sont les mêmes qui
sont les auteurs des crimes commis envers le peuple palestinien.
3
Certains jetteraient les hauts cris si on leur disait que la religion n’est pas à la mode
actuellement. C’est cependant l’Éternité qui est toujours à la mode, tandis que les religions
passent.
4
D’autre part, au sujet de la citation de Nasr sur l’annexion de toute chose à l’Islam, elle peut
avoir plusieurs lectures parmi lesquelles celle de l’appropriation des biens privés, c’est-à-dire
la confiscation de toutes les possessions et la négation de tous les droits, à commencer par
les droits de l’homme. L’on peut y ajouter l’accent mis exclusivement sur des phénomènes
d’ordre quantitatif, comme le milliard d’islamiques qu’il y a dans le monde et leur progression
invincible –et celle de leur loi (la shariyah)– dans tout l’univers, comme si cela était
réellement de nature spirituelle (et ce sont là les arguments décisifs de l’œuvre de Hossein S.
Nasr) et non pas exactement marqué du sceau de la quantité, c’est-à-dire d’une fausse
spiritualité ou, pour reprendre les mots de Guénon, d’une spiritualité à l’envers.
5
L’on peut cependant observer parallèlement à ce rejet de la religion, un courant inverse qui
s’est fait remarquer ces dernières années, en particulier dans l’islam, mais aussi parmi de
jeunes juifs qui reviennent à leurs croyances et cérémonies, spécialement au Talmud, et de
nombreux jeunes qui sont attirés par le catholicisme, dans ses variantes fraterno-chrétienne,
social-léniniste, opus-déiste, ou fanatisme religieux rattaché à tout autoritarisme fasciste et
inquisitorial.
6
Il semblerait cependant aujourd’hui que ce qui était contrôlé par ces maffias est en train de
leur échapper, et que les hiérarchies ne paraissent pas au courant de ce qu’il se passe. Ainsi,
dans un journal du 10 juin 1997, l’on apprend que le cardinal J. Ratzinger, l’un des plus
proches collaborateurs du Pape, révéla que les églises protestantes ont financé dans les
années 60-70 des mouvements subversifs latino-américains. En vérité, cette accusation
rétrospective nous semble incroyable aux habitants d’Amérique du Sud, où beaucoup des
délinquants ayant pris les armes sont ou ont été prêtres, tout comme les agitateurs qui
encouragent les invasions de la propriété privée, le vol et la mise à sac “pacifiques” selon eux,
tout ceci sous les auspices de l’Église et le consentement des évêques qui nient
hypocritement tout contact avec la Théologie de la Libération. En Amérique du Sud,
n’importe qui peut le constater et cela paraît quotidiennement dans les journaux. D’autre
part, il n’y a pas de village, pour éloigné qu’il soit, qui ne subisse le samedi durant toute la
nuit, les lamentations assourdissantes des prières protestantes et des chants dissonants au
maximum de volume, afin que les voisins soient forcés de les entendre et ne puissent dormir,
pour des motifs confessionnels, de pouvoir, et d’agression à la communauté tout entière. Ces
nuits représentent de véritables tortures pour le voisinage, surtout lorsque les catholiques
ripostent avec la même méthode. Dans le journal d’aujourd’hui aussi, l’on informe que le
patriarche orthodoxe Alexis II ne se réunira pas avec le pape. Motif: la prétendue influence
souhaitée par le catholicisme dans les pays de l’ex-U.R.S.S. Pendant ce temps, la Tchétchénie
a imposé la shariyah, ou loi islamique, dans laquelle comme on le sait, la femme est mutilée
dans sa plus intime essence de fille de Dieu et le voleur se voit couper la main.
7
“Les ‘ennemis’ de l’Islam devraient être égorgés sans merci, ‘depuis le nouveau-né jusqu’au
vieux au bord du tombeau’, déclare un chef du Groupe Islamique Armé (G.I.A.) dans le
bulletin clandestin de l’organisation diffusé en Europe, en justifiant les tueries en Algérie”.
“Nous ne faisons ici qu’appliquer les préceptes de Dieu et son prophète”. “Lorsque vous
entendez parler d’assassinats et de gens égorgés dans une ville ou un village, sachez qu’il
s’agit de partisans du pouvoir ou que l’on exécute les ordres (des chefs du G.I.A.) de faire le
bien et combattre le mal” (de la section internationale du journal ABC, Madrid, début octobre
1997, à partir d’un interview intitulé “Notre position” publié dans le numéro 13, de juin 1997,
de “Al Yamaa”, qui “se présente comme ‘l’organe officiel du G.I.A. en Occident’.”).
8
Qu’ils nomment cyniquement méta-politique.

CHAPITRE II

ÉSOTÉRISME ET FIN DE CYCLE

Un fait courant chez les lecteurs de René Guénon est que, sous l’influence directe de
la vérité et la beauté de ses textes, ils désirent à un moment donné rendre effectif tout
ce qui est en train de se produire en eux et, à l’exemple de leur guide intellectuel, qui
leur dit que lui-même n’est pas un maître et qu’il y a besoin d’un lien avec une tradition,
qu’ils veuillent formaliser ce qui est encore virtuel dans le long cheminement vers la
Connaissance. Il est reconnu que le métaphysicien français désigne les grandes
Traditions de l’humanité –y compris les trois religions monothéistes– comme de
possibles vecteurs de la réalisation intellectuelle. De fait, cette possibilité conduit des
personnes mal informées à croire que ces voies religieuses sont les seules disponibles
pour l’accès et postérieure incarnation de la Sagesse; la cause en est l’amalgame
vulgaire entre religieux et sacré et la confusion –pour qui entame un chemin aussi
nouveau que surprenant– entre religion et métaphysique. C’est-à-dire entre ésotérisme
et exotérisme, équivoque diffusée par plus d’un semeur de désordre par ignorance ou
mauvaise foi, toutes deux nuancées d’un certain fanatisme propre à cette fin de cycle.
Quoi qu’il en soit, comme nous le savons bien et avons déjà mentionné, la confession
officielle catholique renie tout type d’ésotérisme ; d’autre part, il n’existe dans aucune
autre religion que l’Islam une aussi grande différence entre exotérisme et
ésotérisme.9Quant au judaïsme actuel, ce qu’il entend par Kabbale –qui signifie
Tradition comme nous le savons– est en gros un ensemble d’us et coutumes
cérémoniels, marqués par les préjugés et l’intolérance, attributs que partagent les deux
autres confessions déjà citées. Il ne faut bien entendu pas oublier la valeur et le bien
qu’ont apportés à l’ensemble de l’humanité ces religions civilisatrices, particulièrement
dans le passé.

De nos jours cependant elles constituent presque une entrave à toute initiation, ce
qui ne veut pas dire qu’il ne s’agisse pas d’authentiques révélations et que leur message
le plus pur, concrètement leurs livres sacrés où se trouve l’héritage premier de leurs
envoyés, ne constitue pas un guide, au moyen de la Parole, sacrée et symbolique,
expression d’un Logos Archétypique et donc support de la Connaissance. Mais, fruit de
l’ignorance et signe des temps, le fait est que le rite et l’enseignement ont dû être
"arrangés" par l’appareil théologique ou légal et par les mauvaises intentions de soi-
disant prêtres et prétendues autorités qui ont dénaturé à leur gré l’essence de ces
théophanies. Malgré cela, l’on peut encore y découvrir une voie de réalisation
spirituelle, à la condition qu’elle puisse s’accomplir en accord avec les principes énoncés
ici, avec une vocation transparente, libre de toute intention ou manipulation
intéressées ; comme c’est le cas de ces livres de sagesse qui constituent la Bible, en
particulier ceux de Moïse pour les juifs et les chrétiens et surtout les Évangiles pour ces
derniers. D’autre part les islamiques possèdent le Coran et d’autres textes sacrés
complémentaires, tout comme les deux autres monothéismes. Il est clair en tout cas
que toute la Connaissance se trouve là, pour qui pourrait la dévoiler, et cette source
vive existe pour ceux qui pourraient l’incarner, et ce serait erroné, voire monstrueux de
nier cette évidence. Quant aux rites et cérémonies exotériques, ils peuvent parfois nous
accompagner avec profit dans notre voyage vers l’Unité Centrale et nous signalerons
comme méthode le travail avec l’Arbre Séphirotique de Vie de la Kabbale hébraïque,
mais celui-ci n’est pratiquement pas connu dans l’exotérisme juif ; or, il serait tout aussi
erroné de penser que la Connaissance serait exclusivement patrimoine des religions
abrahamiques, et encore davantage par les temps qui courent, inévitablement marqués
par la chute et la corruption de toutes les institutions.10

Ceci dit, il s’agit de respecter plusieurs autres alternatives ou voies d’accès au Centre
où l’on sait que se conjuguent les contraires et d’où la Volonté du Ciel se répand aux
quatre coins de la planète, embrassant dans leur totalité tous les êtres humains se
trouvant disposés à s’éveiller conduits par un appel de cette nature. Dans ce cas, il faut
compter non seulement les traditions d’Orient ou d’Extrême-Orient, encore vivantes de
nos jours, mais aussi de nombreuses autres, certaines d’entre elles archaïques qui, étant
donné le moment cyclique crucial que nous devons vivre, ressurgissent avec toute leur
puissance vitale.11

De toute manière, pour les habitants des villes d’Occident, rares sont les chemins
initiatiques ouverts à la réalisation qui soient en accord avec les possibilités qui nous
sont données par les limitations du milieu où nous devons vivre. L’on sait que le
processus de la Connaissance est un sentier inversé par rapport à la vision du monde
que nous octroient nos sens et se décrit comme une ascension de l’âme allant dans un
premier temps de la multiplicité vers l’Unité, et dans un second de l’Être au Non-Être,
ou Suprême Identité (En Soph de la Kabbale) ; ce qui fait que se retourne la conception
ordinaire, puisque ce qui n’Est Pas est l’origine aussi de l’Être Universel, dès lors que
celui-ci est une affirmation du précédent. Sans aucun doute, le monde actuel ignore et
nie cette possibilité qu’est la Métaphysique et n’accepte que la Religion dans le meilleur
des cas, et il va de soi que ces deux modalités ne sont pas incompatibles, sauf si
l’exotérisme coupe ses attaches avec "les racines des plantes", ce qui malheureusement
se passe si souvent dans la culture européenne comme dans l’américaine et sa zone
d’influence qui s’étend de nos jours dans le monde entier. Pour l’Occident, René
Guénon a signalé tout spécialement deux institutions où l’on pourrait trouver des
vestiges pour faciliter cette Initiation à la Connaissance : la Franc-Maçonnerie, qui est
comme nous le savons une association ésotérique qui, malgré la dégradation des
institutions contemporaines, conserve encore vivante l’Initiation dans certaines Loges,
et –à contrecœur– l’Église Catholique –comme emblème du christianisme en général–,
bien que cette dernière ait souffert de grandes modifications depuis la mort de Guénon,
en particulier dans sa liturgie, malgré que l’on puisse encore y déceler quelques noyaux
ésotériques, spécialement dans les ordres monastiques bénédictins et cisterciens (pas
uniquement, en fait) ; ceci doit s’étendre aux églises orthodoxes grecque et russe tout
comme à d’autres ramifications du christianisme ; il ne faudrait pas non plus oublier
certains kabbalistes, encore que ceci ne soit pas valable pour la grande majorité des
rabbins, à l’instar de ce qui se passe avec les prélats chrétiens. La pauvreté des religions,
en général, est actuellement évidente, et ici doit se joindre l’exotérisme islamique, soit
la troisième branche des traditions du Livre, qui de la même manière nient dans leur
doctrine, ou en pratique, toute possibilité d’initiation. C’est là un triste panorama offert
à l’homme et la femme moyens dans l’aire d’influence de la culture Occidentale, sauf
s’ils adhèrent à quelque Tradition de l’Orient, comme l’Hindouisme, le Bouddhisme, le
Zen, le Taoïsme, ou même celle d’une rarissime Tarîqah authentique.

Étant donné que –soit pour la difficulté de connexion avec ces vrais centres
traditionnels, soit pour l’impossibilité de s’attacher effectivement à des cultures, us et
coutumes parfois diamétralement opposés aux siennes– cette sombre situation est la
réalité présente, il convient de se demander quelles sont les autres possibilités qu’a
l’homme actuel de trouver sa véritable identité et de rendre effective sa réalisation
intellectuelle-spirituelle par les temps qui courent.

Dans ces circonstances et au vu des écueils qui les jalonnent –qui pourraient bien être
pris pour les premières épreuves de l’apprenti– il n’est pas surprenant qu’il se produise
aujourd’hui des initiations solitaires, c’est-à-dire sans l’appui d’un maître vivant, même
dans des traditions archaïques ou apparemment mortes, et l’on doit tenir compte que
ces cas, rares jadis, doivent être de plus en plus fréquents par l’impossibilité de pouvoir
s’unir à ceux qui seraient capables de nous guider dans notre cheminement, ou celle
d’avoir accès à des groupes ésotériques traditionnels comme certaines loges
maçonniques.

Dans un article paru dans la revue Vers la Tradition et remanié pour le numéro 9-10
de SYMBOLOS, Roland Goffin expose dans ce sens la possibilité de l’initiation
individuelle dans le monde actuel (pour sa propre irrégularité) en écrivant :
« L’importance reconnue par René Guénon à la connaissance ‘théorique’ des principes
métaphysiques et cela en dehors de tout rattachement initiatique, semble trop souvent
être perdue de vue par bon nombre de guénoniens ». D’autre part, Guénon a aussi
traité dans ses études le sujet des afrâd : « Une autre question, qui se rapporte aussi au
rattachement initiatique, a encore été soulevée en ces derniers temps ; il faut d’ailleurs
dire tout d’abord, pour qu’on en comprenne exactement la portée, qu’elle concerne
plus particulièrement les cas où l’initiation est obtenue en dehors des moyens
ordinaires et normaux. Il doit être bien entendu, avant tout, que de tels cas ne sont
jamais qu’exceptionnels, et qu’ils ne se produisent que quand certaines circonstances
rendent la transmission normale impossible, puisque leur raison d’être est précisément
de suppléer dans une certaine mesure à cette transmission. Nous disons seulement
dans une certaine mesure, parce que, d’une part, une telle chose ne peut se produire
que pour des individualités possédant des qualifications qui dépassent beaucoup
l’ordinaire et ayant des aspirations assez fortes pour attirer en quelque sorte à elles
l’influence spirituelle qu’ils ne peuvent rechercher par leurs propres moyens, et aussi
parce que, d’autre part, même pour de telles individualités, il est encore plus rare, l’aide
fournie par le contact constant avec une organisation traditionnelle faisant défaut, que
les résultats obtenus comme conséquence de cette initiation n’aient pas un caractère
plus ou moins fragmentaire et incomplet. »12

Néanmoins, ce n’est pas la peine d’aller si loin et de chercher des cas spéciaux,
puisque Guénon lui-même reconnaît la validité de la Tradition Hermétique.

En effet, à diverses occasions au cours de son œuvre et dans sa correspondance, le


métaphysicien français traite de la Tradition Hermétique comme d’une Initiation liée
aux Petits Mystères, c’est-à-dire à la restitution de l’être adamique : donc la naissance
du véritable état humain.

Il n’explique cependant pas de quelle manière peut s’obtenir cette initiation, placée
sous l’invocation du dieu Hermès (Hermès Trismégiste), à laquelle se rattache cette
transmission qui n’inclut aucun rite autre que le sentier de la Connaissance, l’étude, la
méditation et la transmutation qui s’effectuent par cette voie –appelée en Inde Jnânî-
Yoga–, où se produit l’illumination en vertu de l’identité entre sujet et objet de la
connaissance. Quoi qu’il en soit ce fait n’est absolument pas surprenant, car il ne
mentionne pas non plus dans ses écrits ne serait-ce qu’une insinuation au sujet d’une
autre "méthode" ou obtention de "résultats" dans le parcours initiatique, à part
désigner comme vecteurs le symbole ou des pratiques universellement reconnues,
comme peuvent l’être la respiration, le chant et la danse, la prière, le silence et la
solitude, etc.

Nous sommes chrétiens, spécifiquement catholiques, nous avons été baptisés et


confirmés ; nous connaissons les sacrements de la confession et la communion et même
l’un d’entre nous a eu la vocation religieuse. Nous avons également baptisé nos enfants
–parfois d’une façon personnelle– et nous ne leur avons pas refusé l’instruction de
caractère religieux. Mais en fait nous ne pouvons nous identifier ni avec la Théologie
officielle, ni avec l’Église de Rome, et encore moins avec l’ignorance, l’hypocrisie, la
corruption voire la délinquance du clergé de nos jours. D’un autre côté, le milieu dans
lequel nous sommes nés, la culture qui nous a nourris, sont chrétiens et par-là
contenant un arrière-fond juif et païen, bien que vus sous l’angle de la programmation
et le conditionnement historique octroyés gracieusement par l’Église romaine, nuancés
de nationalisme, intolérance et dictature, exercés dans ce siècle même dans les pays de
langue castillane. L’on peut observer comment nous avons dû nous dépouiller peu à peu
de nos entraves et tabous, beaucoup sur le plan religieux et moral, ce qu’a dû faire
l’Église elle-même, pour ses besoins et ceux des fidèles qui sont malgré cela un peu
moins nombreux chaque jour. Dans ce siècle-ci, le catholicisme a en fait totalement
modifié les rites, la théologie, la conduite et la piété de ses ouailles et de leurs pasteurs.
En honneur à la vérité, il nous faut répéter que, pour des raisons de rythme touchant la
fin de cycle, toutes les institutions sont également corrompues. En dépit de quoi nous,
rédacteurs de SYMBOLOS, sommes demeurés totalement fidèles aux enseignements
évangéliques, ainsi qu’à ceux de l’Ancien Testament. A la doctrine de l’Église aussi, si
elle ne s’écarte pas de la pensée traditionnelle, énoncée en Grèce par Pythagore et
Platon, postérieurement exprimée par les néoplatoniciens et les gnostiques (chrétiens
ou pas), le Corpus Hermeticum, ou encore Proclus, et manifestée plus tard par Denys
l’Aréopagite, cristallisant ainsi les structures du Moyen-Âge, et ce qui en suivit (Scot
Erigène, l’école de Chartres, les Saint-Victor, Albert le Grand, aussi plusieurs aspects de
l’aristotélicien Thomas d’Aquin, Eckhart, Suso, et encore tant d’autres) jusqu’à la
Renaissance: Gémiste Pléthon, le Cardinal Bessarion, Marsile Ficin, Pic de la Mirandole,
Nicolas de Cuse, Guillaume Postel, etc., etc. et leurs prolongations jusque dans le
monde moderne. Telle est la doctrine qui nous intéresse car elle est identique à la base
métaphysique de l’authentique christianisme originel. Et nous devons reconnaître que
cette conception nous est parvenue au travers de l’Occident, et donc de la chrétienté, et
bien sûr de son mode de vie et ses us et coutumes, qui sont les nôtres, pour une grande
part, nous le répétons, d’origines juives et païennes.

Nous devons y ajouter que la Bible est jusqu’à présent le Livre Sacré de notre Loge –
ouverte au commencement de l’Évangile selon saint Jean–, en dépit de
l’excommunication dont nous a frappé l’Église Catholique, ce qui nous importe guère,
vu le parcours pour le moins accidenté de cette institution, au long des cycles de son
existence, donc de la civilisation occidentale, et l’état de corruption dans lequel elle se
trouve à ce jour.

Mais si la proximité de la Fin de Cycle s’observe particulièrement au sein des religions


et dans les groupes ésotériques, elle se constate aussi dans d’authentiques
organisations ésotériques, comme la Franc-Maçonnerie ; il nous faut cependant
remarquer que le fait est des plus flagrants chez les "adeptes" de Guénon, et plus
spécialement chez trois de ses "héritiers" : F. Schuon, M. Pallis et J. Reyor. A ces derniers
se joignent les "traditionalistes guénonniens de stricte observance" qui sont pour la
plupart plus royalistes que le roi, et sont tenus par une sorte de rigueur qu’ils associent
à la vision religieuse, la morale, la politique inquisitoriale et une présomption
inversement proportionnelle à leur Connaissance. Et la logique veut qu’il en soit ainsi ;
de quelle meilleure façon la contre-tradition pourrait-elle remplir sa fonction qu’en
dénaturant la pensée et l’œuvre du plus grand interprète de la Science Sacrée de ce
siècle ? Guénon a entamé le combat contre les imposteurs et cela n’a pas cessé de
dégénérer depuis ; où pourrait-on mieux le remarquer si ce n’est précisément dans les
milieux soi-disant en relation avec cette Science Sacrée ?

NOTES
9
René Guénon écrit dans ses Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le taoïsme :
“L’ésotérisme islamique” : « De toutes les doctrines traditionnelles, la doctrine
islamique est peut-être celle où est marquée le plus nettement la distinction de
deux parties complémentaires l’une de l’autre, que l’on peut désigner comme
l’exotérisme et l’ésotérisme. » Le texte original fut publié dans Cahiers du Sud,
1947, p.153-154, et il est intéressant de noter qu’il fut écrit après plus de vingt ans
passés au Caire, sans compter le précédent séjour de Guénon en Algérie.
10
La vision religieuse n’arrive que jusqu’à la ligne d’horizon, incapable d’aller plus
loin ou de pouvoir embrasser quelque chose de différent.
11
Nous ne nous référons pas seulement, en Orient, à l’hindouisme ou au
bouddhisme, mais aussi à leurs innombrables variantes (zen, djaïnisme, etc.). En
tout état de cause, les “églises dispersées” du monde entier peuvent littéralement
comptabiliser des millions de fidèles.
12
Initiation et réalisation spirituelle. Ed. Traditionnelles, Paris 1986, p.55. Et il
continue plus loin disant : « Un autre point très important est celui-ci : même en
pareil cas, il s’agit bien du rattachement à une ‘chaîne’ initiatique et de la
transmission d’une influence spirituelle, quelles que soient d’ailleurs les moyens
et les modalités, qui peuvent sans doute différer grandement de ce qu’ils sont
dans les cas normaux et impliquer, par exemple, une action s’exerçant en dehors
des conditions normales de temps et de lieu ; mais, de toute façon, il y a
nécessairement là un contact réel, ce qui n’a assurément rien de commun avec
des ‘visions’ ou des rêveries qui ne relèvent guère que de l’imagination. » (cf.
p.56-57). Et il ajoute, dans les pages 271-272 : « Nous dirons, au point de vue du
taçawwuf islamique, que ce dont il s’agit relève de la voie des Afrâd, dont le
maître est Seyidna El Khidr, et qui est en dehors de ce qu’on pourrait appeler la
juridiction du ‘Pôle’ (El-Qutb), qui comprend seulement les voies régulières et
habituelles de l’initiation. On ne saurait trop insister d’ailleurs sur le fait que ce ne
sont là que de cas très exceptionnels, ainsi qu’il est déclaré expressément dans le
texte que nous venons de citer, et qu’ils ne se produisent que dans de
circonstances rendant la transmission normale impossible, par exemple en
l’absence de toute organisation initiatique régulièrement constituée. Sur ce sujet,
cf. aussi Orient et Occident, p. 230-231. »

CHAPITRE III

QU’EST-CE QUE LA TRADITION ?

Tout comme l’on peut dire que l’existence du désordre est nécessaire pour que se
crée un ordre, un cadre, l’on pourrait affirmer que l’instauration de ces limites est ce qui
peut nous conduire à la pensée de l’illimité.

La société contemporaine est donc le cadre, la limitation, où peuvent se voir des


événements d’un autre ordre qui ont existé et existeront à jamais.

L’homme contemporain a cru que grâce au simple expédient qui consiste à fermer les
yeux et nier ce qui a été unanimement appelé Connaissance et Réalité, par toutes les
civilisations traditionnelles et par tous les sages dignes d’être considérés comme tels, la
Connaissance et la Réalité n’existent pas.

C’est là exactement ce qui est arrivé avec l’Esprit qui, puisqu’on le nie, est estimé
insignifiant et ainsi se réduit pratiquement à rien ; cependant, du point de vue
hermétique, le moindre est le plus puissant.

L’Esprit, tout juste virtuel dans chaque homme, est la plus forte énergie et l’unique
qui aie réellement le pouvoir de transmuter.

C’est vers cette transmutation que se dirige tout le travail hermétique et cette œuvre
ne peut se réaliser si ce n’est dans le milieu où nous sommes placés, avec la "matière"
que nous avons entre les mains.

Comme l’on sait, cette "transformation de la matière" n’est rien d’autre que notre
propre transformation, dans le milieu où nous avons été appelés à vivre et duquel nous
ne sommes pas indépendants, qui englobe aussi bien l’Europe que l’Amérique, car dans
chaque segment du cycle existe la possibilité latente de la libération.

C’est en voyant ce que nous sommes vraiment, et non en supposant ou imaginant ce


que nous voudrions être, que nous allons pouvoir réaliser notre tâche.

Ce milieu est aussi dans ce sens un reflet de nous-mêmes dans lequel nous pouvons
voir sans cesse notre propre image ; nous ne sommes pas étrangers à lui sinon, au
contraire, semblables puisque la vie étant un ensemble de relations en mouvement,
nous sommes étroitement liés à la société actuelle, vu que nous sommes nés en son
sein, ce par quoi notre relation est mutuelle, tout comme ce qu’il se passe entre le
microcosme et le macrocosme.

La différence établie par le fait que notre vie individuelle se soit produite dans la
matrice, dans le moule de la société contemporaine n’est pas essentielle, mais juste
secondaire, entre nous et un homme né sous le signe de n’importe quelle autre société,
soit dans un milieu différent, et à une autre époque, sous d’autres étoiles.

Le cosmos tout entier est un ensemble immense de relations harmoniques en


mouvement et la terre constitue une part de cet ensemble. Il est reconnu que
l’harmonie s’obtient au travers de la dysharmonie, puisque ce premier concept ne
pourrait exister sans le second. Ainsi donc les apparentes dysharmonies partielles ne
sont que l’expression dans un monde, un plan ou un ordre, de ce qu’est l’harmonie de
l’ensemble.

De même l’histoire des civilisations et les différentes étapes qu’elles ont traversées
sont également le reflet de ce qu’il leur est inhérent ; il est important de faire ressortir
dans ce sens que l’homme actuel se visualise comme historique. Il ne peut en fait
imaginer son existence sans l’histoire : les détails anecdotiques de sa personnalité se
prolongeant sur le ruban de la succession temporelle constituent ce qu’il appelle son
être, ce avec quoi il s’identifie. Il ressent la même chose au sujet du corps social qu’il
doit doter d’une histoire, ou d’un credo, pour qu’il soit "effectif", "réel".

En revanche, pour les civilisations traditionnelles ou les cultures archaïques, c’est-à-


dire pour celles qui vivaient la Connaissance et qui nous l’ont léguée comme
l’expression suprême de leur propre essence, –par-dessus toute chose ou détails–
l’histoire était secondaire.
A vivre l’Éternel Présent, les deux faces de la succession –passé et futur– s’annulaient
totalement. Sans l’illusoire anxiété de venir de quelque part et d’aller autre part, ces
cultures étaient, tout simplement; elles réalisaient en soi ce pour quoi elles avaient été
conçues, leur modèle social répondant ainsi à leur structure interne, en intime relation
avec le cosmos. Chacun des individus formant part de cet ordre, étaient aussi inclus
dans l’inspiration même de cet ordre, sa raison d’être. Ainsi le schéma social n’était ni
arbitraire ni fortuit, et l’appareil culturel, leur Tradition, n’était pas une simple somme
de conventions quelconques. Mais ceux-ci symbolisaient d’autres réalités qui se
manifestaient par leur intermédiaire afin d’établir un encadrement adéquat pour
expérimenter différents niveaux de connaissance et pour concrétiser diverses manières
d’existence ; pour cette raison l’on déclare que les origines de toute culture sont
sacrées. Il est inutile de souligner que cette phrase ne se réfère en rien à la conception
du sacré que possède en général l’homme contemporain. Ce dernier n’est pas pour
autant entièrement responsable, ni coupable, de ses propres conceptions. Héritier
d’une Tradition dégénérée, habitant d’une ville profane qui a perdu toute la mémoire
des choses, devant s’identifier à elle pour pouvoir subsister, il est inévitable qu’il porte
au front le sceau de l’ignorance –et donc de la souffrance. Et il est intéressant de
remarquer que celui qui porte cette marque indélébile, par laquelle il est constamment
et en toute occasion conditionné, n’est autre que chacun de nous, s’exprimant en
termes de conception de type historique –et même géographique.

Nous apprenons à manger, à marcher, à parler. Nous apprenons à symboliser et à


avoir de la mémoire. Et cependant nous oublions que, chez l’homme ordinaire,
absolument tout est appris. Nous tenons toutes ces choses pour naturelles. Et, comme
tout le monde fait de même, d’un côté nous assistons au spectacle de la plus
inconcevable confusion de langues et d’incommunicabilité ; de l’autre à l’explosion de la
violence sous toutes ses formes et manifestations, dérivant directement de ces
préjugés, de ces valorisations que nous jugeons opportunes ou inopportunes, de
l’accord de personnes, d’idées, de choses que nous acceptons sans discussion, nous
identifiant à elles pour ainsi les faire "nôtres".

Il n’est donc pas étonnant que, dans une société comme celle qui nous est échue, les
concepts soit clairement dénaturés au point de sembler inversés par rapport à une
civilisation authentique ou à une culture "primitive", ce qui revient à dire par rapport à
la Connaissance et la Sagesse. Les images liées au sacré qui s’associent inévitablement à
la religion ne pouvaient subir d’autre destin. Cette puérile conception est apparentée à
quiconque s’arroge la possession d’une déité ou d’une autre. La Vérité est une, et c’est
seulement dans ses strates les plus basses qu’elle se divise pour donner place dans
notre ordre au fait de la multiplicité institutionnelle. Comme il est évident, la Vérité n’a
en soi rien à voir avec aucune institution,

D’un autre côté, les différentes églises, pseudo-églises et sectes d’aujourd’hui –qui
seront de plus en plus nombreuses, comme on peut le voir– n’ont pas de point de vue,
de vision différente de la société où elles sont insérées (beaucoup d’entre elles en sont
le produit), et modifient plutôt leur optique –qui avait à l’origine un environnement
sacré– afin de survivre dans le milieu actuel. C’en est arrivé à de tels extrêmes qu’il est
difficile de les distinguer de certaines fraternités ou associations de secours mutuels
d’une part, de sociétés commerciales se partageant l’utilité de plusieurs bilans d’autre
part, et dernièrement, de simples bandes de brigands.
L’institution visible porte en elle le germe de sa propre décadence et de l’humanité à
laquelle elle appartient. Quand les temples et les cultures sont achevés de construire,
de se solidifier, à cet instant commence leur lente dégradation. Telle est la loi du cycle ;
lorsque s’est enfin pu constituer la culture ou la cité, –créée par ses constructeurs–
lorsque finalement l’immense effort de quelques-uns a donné lieu à une codification, à
un ordre, approprié à la manifestation de la vie humaine, cet ordre commence à
décliner. Son époque la plus brillante correspond à l’apogée de son fonctionnement.
Mais ce "fonctionnement" même est la cause de sa "chute". L’organisation vivante se
convertit en un modèle mécanique. Avec le temps, les hommes éloignés de leurs
origines prendront littéralement le modèle mécanique pour la "réalité". Ou, pour
s’exprimer autrement, ils confondront leurs propres conceptions culturelles avec la vie
même. Le fait est particulièrement douloureux lorsque ces conceptions ont vu leur
vérité s’amoindrir en vertu de l’usure inhérente à tout cycle.

C’est dans ce sens que l’on dit que, dans le cycle solaire, le soleil est lui-même le
protagoniste et la victime de son rituel symbolique quotidien. En effet, enfermé dans sa
propre prison, il ne peut outrepasser les limites de l’aurore, midi, crépuscule et minuit,
soit de sa "chute". Il ne peut non plus transcender celles que lui imposent solstices et
équinoxes. Au cours de cette danse rituelle, parvenu à l’été et à midi dans son
ascension, il ne peut que descendre vers l’automne et le crépuscule.

Si nous tenons compte du fait que le cycle solaire se lève à l’Orient et se couche à
l’Occident, et que ce point cardinal correspond à l’automne, symbole de
l’affaiblissement que vit la nature en cette période, et au crépuscule, ce moment du
cycle quotidien où la nuit tombe et se génèrent les ombres qui rendent la vision plus
difficile, nous pouvons en déduire quelques choses intéressantes.

Et non seulement celles qui sont en rapport avec l’actuel milieu social, qui se définit
lui-même comme occidental, mais aussi avec le fait que ce cycle même que nous vivons
est précédé d’un autre –dans lequel la société et l’être humain individualisé peuvent
avoir été différents– et qu’un autre doit le suivre, c’est-à-dire une autre humanité ; nous
ignorons pratiquement tout de l’un comme de l’autre.

Mais ce que nous ne pouvons nous permettre, c’est de ne rien savoir au sujet des
circonstances qui nous sont données de vivre. Nous devons les connaître parce qu’elles
sont les formes, les symboles, les manifestations de la vie dont elles sont parties
intégrantes. Si nous ne connaissons pas notre milieu et n’en sommes pas les
participants à un degré plus ou moins grand, nous ne pourrons en sortir. Et alors il ne
nous restera qu’à tenter une fuite imaginaire, ce que par ailleurs nous avons coutume
de faire chaque jour. Au contraire, la première tâche de l’aspirant à la Connaissance est
d’affronter le monde qui lui est échu. C’est-à-dire le voir et l’entendre, bien que nous
soyons dans la phase finale du Kali-Yuga.

Afin de pouvoir atteindre cet objectif, il est paradoxalement nécessaire de nous


écarter du monde, car étant mêlés à son avenir et en ayant extrait toutes les valeurs
constituant notre être, il nous faut nous arrêter et l’observer sans passion.

C’est bien évidemment un travail très ardu, puisque notre propre programmation –
avec laquelle il ne nous viendrait jamais à l’idée de cesser de nous identifier–, n’est rien
d’autre qu’un sentiment adopté et caressé par le milieu même que nous essayons
d’observer. En effet, en nous disant que nos conceptions sont extraites de
l’environnement, l’on ne nous dit pas que le fait ne concerne que l’intellect, sinon la
totalité de l’être humain ; les croyances les plus chères, les convictions les plus
enracinées, les sentiments les plus purs, soit l’identité de l’homme ordinaire, qui est une
alternative de ce que lui offre le système socio-culturel en vigueur dans un temps
cyclique et cosmique déterminé. Ses différents rôles seront joués en fonction de cela.

Il va de soi, donc, que ce que nous entendons par Culture ne sont pas les "arts" et les
"lettres" régnant dans une période donnée, ni ce que nous concevons par Tradition est
représenté par les us et coutumes d’un temps historique. Ce n’est pas même le
catalogage des détails de ces différents peuples. Une Culture est la conception
intériorisée d’une façon d’être cohérente, qu’expérimentent tous ceux qui s’y intègrent.
C’est un organisme vivant qui, pour se manifester, a pris une structure déterminée le
rendant apte à l’interaction de ses différents composants, dont les canaux
communiquent dans le but de satisfaire toutes leurs nécessités.

Cette forme particulière de voir l’organisation, culturelle ou sociale, prend un intérêt


spécial dès que l’on songe que toutes les cités ou civilisations ont, comme nous l’avons
déjà souligné, une Origine Mythique, ce qui revient à dire sacrée. Dans un milieu de
cette nature, la Tradition en soi n’est que l’image du Monde Archétypal, Intemporel qui
s’exprime cycliquement sur le ruban du temps.

Et l’attention est fortement attirée par le fait que tous les instruments culturels où
s’exprime sa fonction civilisatrice, c’est-à-dire l’Œuvre de ses dieux, demi-dieux, sages
ou héros, sont attribués unanimement à des révélations supra-cosmiques, donc
surhumaines.

Il n’est pas non plus correct de supposer qu’existent plusieurs cosmos. Le cosmos est
un seul, comme se charge de fort bien de l’expliquer Platon dans Timeo. La succession
de mondes ou de cycles de taille ou de durée indéfinies est le sens conceptuel donné au
mot Cosmos. Le cycle de l’électron vivant, le cycle atomique inséré dans le cycle
moléculaire, le moléculaire naviguant dans le cellulaire, le cellulaire présent dans le
cycle humain, l’humain se déplaçant dans le cycle de la nature, le cycle de la nature
coexistant avec celui de la Terre, celui de la Terre dépendant totalement du cycle
solaire, le cycle solaire circonscrit à l’ordre de son centre galactique, le centre de la
galaxie déterminé par un autre centre galactique, et ainsi successivement, indéfiniment,
est constitué le concept de Cosmos. Rien n’est possible au-dehors, puisqu’il ne peut rien
exister d’extérieur au Cosmos. Est exclue toute possibilité, de n’importe quel type,
puisque le Cosmos est un et l’idée d’une pluralité de Cosmos ou de différentes
métaphysiques, est une pure contradiction envers ce que signifient les concepts de
Cosmos et de Science Sacrée.

Le Cosmos n’est pas la somme de ses parties, tout comme la Tradition n’est pas
l’ensemble de coutumes, morales et orthodoxies d’un temps donné, puisque leur
Origine est au-delà de toute époque ou détermination.

Ainsi donc, lorsque l’on nous dit que quelque chose est supra-cosmique, ou constitue
la Tradition, nous devons comprendre que l’on traite d’un concept qui se trouve au-delà
de la compréhension ordinaire de l’homme. De quelque chose d’invisible que ne
peuvent appréhender les sens de l’homme moyen. De quelque chose qui est cependant
si authentique et si réel que l’on peut dire qu’il s’agit de la vie même.

Ce niveau de perception (pour lui donner un nom) est intimement lié à la


connaissance directe d’autres modalités du temps et de l’espace commun. Car cet
homme se trouve emprisonné entre les murs de son propre cosmos. C’est-à-dire de tout
ce qu’il a été capable de concevoir, puisqu’il n’y a rien hors du cosmos de notre
conscience. Ces conceptions se transmettent dans l’organisme humain –aller et retour–
au travers des conduits du système nerveux, analogues à ceux qui révèlent la
civilisation, les rues, voies de communication d’une ville.

Il est facile de comprendre que cette dernière n’est pas la somme de ses habitants,
des briques formant maisons, non plus que de quelque accident géographique ou
particulier, bien que tout ceci en soit partie intégrante.

Mais que la Culture transmise par la Tradition –il n’y a pas de Tradition sans Culture ni
de Culture sans Tradition– est fondamentalement un concept, une idée, un espace
autre, pour le définir ainsi.

L’image se fait plus claire si l’on prend une part constitutive du modèle de la cité ou
bien une tradition particulière. Le temple ou la maison-foyer est une réplique à l’échelle
du modèle social et de la révélation qui l’a engendré. Autant la ville, que le temple ou la
maison-foyer, sont des espaces construits, significatifs par rapport à l’aridité de l’espace
amorphe et désertique qui les entoure.

Ces espaces significatifs, ces héritages traditionnels, furent créés à partir de matières
préexistantes, indivises, invisibles et chaotiques –au plus haut degré de cette dernière
acception–, comme il est dit dans toutes les genèses ; l’œuvre de la création est réalisée
par le Démiurge et ses aides.

Aussi bien dans la cité que dans le cosmos, le créateur (ou les créateurs) sont toujours
présents mais n’en forment pas partie. Toute construction est le produit d’une idée
primitive, d’une conception intelligente se développant à partir d’un centre, d’une
synthèse conceptuelle, par intuition directe.

Et, de la même façon que nous ne sommes pas notre cœur ou nos poumons, ni notre
foie ou nos pieds et mains sinon que les relations du tout constituent un organisme
vivant, les diverses relations révélées conforment la Tradition, le Cosmos, et leurs
cycles. Cependant, cette limitation imposée par le cosmos même, duquel nous
dépendons en tout pour vivre, duquel nous sommes les enfants, donc faits à son image
et ressemblance, peut être transcendée par son propre milieu et celui de la Tradition
qu’il a faite sienne.

En effet, les "vibrations" du créateur sont toujours présentes dans son œuvre bien
que de façon immanente.13 Autrement dit, occultées sous la forme de l’idée ou de
l’intelligence créatrice. Cette idée ou intelligence est d’un autre ordre que la
construction matérielle à laquelle elle donne lieu. Elle est "antérieure", en temps
successif, à la construction manifestée mais coexiste parfaitement avec. De cette autre
dimension du temps linéaire, l’on peut dire qu’elle est au-delà de celui-ci ; qu’elle le
transcende et lui donne son sens véritable.
Cela se passe ainsi avec le monde, car l’idée que nous en avons est relativisée par les
parts qui le constituent ; mais de même que tout espace, par exemple une chambre,
n’est pas la somme de ses constituants14 sinon qu’il réalise une idée "antérieure" que la
chambre ou l’espace symbolisent et qui y est implicite, ainsi la Tradition ne peut être
assujettie à des normes...

Ce qu’il s’agit de dire en définitive, c’est qu’autant le cosmos que la culture sont
limités. Et que c’est cette limitation qui marque notre conditionnement. Ce sont par
ailleurs ces mêmes structures qui nous permettent d’en sortir et c’est là exactement ce
pour quoi elles ont été conçues ; tel est le cas de la Tradition, car tout comme le
mouvement cosmique nous donne une idée de l’immobilité, ainsi la limite est ce qui
nous donne l’idée de l’illimité.

La Culture devient alors une absence n’ayant rien à voir avec l’information ou
l’histoire, quelque chose qui n’est pas la statistique de l’acte culturel mais plutôt sa
négation.15 Il se passe quelque chose d’analogue avec l’émanation cosmique. L’intérêt
n’est pas telle ou telle autre part du cosmos ou son énergie, mais vérifier que cette
réalité est inexistante comme telle, au-delà de ses propres limites.

Le symbole en est la pierre qui couronne l’œuvre constructive et qui est aussi l’origine
et l’issue du cosmos, ce qui établit un contact avec "d’autres mondes", c’est-à-dire
d’autres relations spatio-temporelles qui ne se perçoivent, à l’instar de toute chose, que
dans l’intériorité de la conscience.

Tout ceci est strictement en rapport avec ce qu’est la Tradition, Unanime et Pérenne,
toujours présente et verticale, aussi valable aujourd’hui qu’elle l’a toujours été et le sera
pour tout autre manvântara, ou toute autre humanité, puisqu’elle est Éternelle et
simultanée, symbolisée par le Pôle comme porte d’entrée et de sortie vers le
supracosmique, origine et fin de toute manifestation, à l’encontre de la vision
perpétuellement historique et sociale de ceux que leurs limitations traditionalistes ne
laissent qu’imaginer des sociétés et des églises idéales, aussi confuses dans leur vague
imagination que les projections de leurs aspirations frustrées.

NOTES
13
Ces vibrations harmoniques relient en permanence l’immanence et la
transcendance divines, tout comme le microcosme et le macrocosme sont une
même chose dans l’Éternel Présent, en raison de quoi l’être humain peut accéder
à l’Être universel en tout segment du temps chronologique, ce qui revient à
incarner la Tradition Primordiale.
14
La résistance des murs aux impacts, la capacité en mètres carrés ou mètres cubes,
le poids des matériaux de construction, le sujet de l’acoustique, etc., ou toute
autre “mesure”, qui pourraient remplir des rapports entiers, d’innombrables
codes qui ne nous diraient rien de cette chambre en soi et avec lesquels nous ne
pourrions pas la connaître.
15
L’histoire a son importance, mais pas autant lorsqu’il s’agit de ce qui est
intemporel, ce qu’a parfaitement compris Mircea Eliade. Une autre des erreurs
historicistes occidentales est l’assimilation pure et simple de la Tradition, polaire
et toujours actuelle, aux religions du Livre au détriment de toutes ses autres
expressions historico-sociales, et surtout en regard de sa manifestation au-delà de
tout cadre espace-temps.

CHAPITRE IV

BRÈVE SUR LA NÉCESSITÉ DE L’EXOTÉRISME

En 1925 Guénon écrivait dans L’homme et son devenir selon le Vêdânta :

« L’exotérisme et l’ésotérisme, envisagés, non pas comme deux doctrines distinctes et


plus ou moins opposées, ce qui serait une conception tout à fait erronée, mais comme
les deux faces d’une même doctrine, ont existé dans certaines écoles de l’antiquité
grecque. On les retrouve aussi très nettement dans l’Islamisme mais il n’en est pas de
même dans les doctrines plus orientales. Pour celles-ci, on ne pourrait parler que d’une
sorte ‘d’ésotérisme naturel’, qui existe inévitablement en toute doctrine, et surtout
dans l’ordre métaphysique, où il importe de faire toujours la part de l’inexprimable, qui
est même ce qu’il y a de plus essentiel, puisque les mots et les symboles n’ont en
somme pour raison d’être que d’aider à le concevoir, en fournissant des ‘supports’ pour
un travail qui ne peut être que strictement personnel. A ce point de vue, la distinction
de l’exotérisme et de l’ésotérisme ne serait pas autre chose que celle de la ‘lettre’ et
de ‘l’esprit’ ; et l’on pourrait aussi l’appliquer à la pluralité de sens plus ou moins
profonds que présentent les textes traditionnels ou, si l’on préfère, les Écritures sacrées
de tous les peuples. » La même année, il affirmait dans L’ésotérisme de Dante :

« ... l’ésotérisme véritable est tout autre chose que la religion extérieure, et, s’il a
quelques rapports avec celle-ci, ce ne peut être qu’en tant qu’il trouve dans les formes
religieuses un mode d’expression symbolique ; peu importe, d’ailleurs, que ces formes
soient celles de telle ou telle religion, puisque ce dont il s’agit est l’unité doctrinale
essentielle qui se dissimule derrière leur apparente diversité. C’est pourquoi les anciens
initiés participaient indistinctement à tous les cultes extérieurs, suivant les coutumes
établies dans les divers pays où ils se trouvaient ; ... »

Les citations de ce genre se multiplient dans l’œuvre de Guénon et peuvent se trouver


dans différents ouvrages, parmi lesquels Aperçus sur l’initiation (1947) :

« La religion considère l’être uniquement dans l’état individuel humain et ne vise


aucunement à l’en faire sortir, mais au contraire à lui assurer les conditions les plus
favorables dans cet état même, tandis que l’initiation a essentiellement pour but de
dépasser les possibilités de cet état et de rendre effectivement possible le passage aux
états supérieurs, et même, finalement, de conduire l’être au-delà de tout état
conditionné quel qu’il soit. » Et dans Symboles fondamentaux de la Science Sacrée, dans
les deux volumes de ses Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, etc., et
en particulier dans l’étude appelée "Christianisme et Initiation" de Aperçus sur
l’Ésotérisme Chrétien, duquel nous citerons : « Pour conclure enfin, nous pouvons dire
ceci : en dépit des origines initiatiques du Christianisme, celui-ci, dans son état actuel,
n’est certainement rien d’autre qu’une religion, c’est-à-dire une tradition d’ordre
exclusivement exotérique, et il n’a pas en lui-même d’autres possibilités que celles de
tout exotérisme ; il ne le prétend d’ailleurs aucunement, puisqu’il n’y est jamais
question d’autre chose que d’obtenir le ‘salut’. » Ces citations d’introduction sont
importantes car nous voulons nous référer au chapitre de Guénon sur la "Nécessité de
l’exotérisme" dans son œuvre Initiation et Réalisation Spirituelle (qui a prêté à tant de
confusion et qui en effet prend le contrepoint des près de vingt-sept volumes de ses
œuvres complètes, et se réduit d’ailleurs à quelques rares phrases dissonantes dans le
contexte habituel de son discours), paru dans Études Traditionnelles à la fin des années
quarante. Nous pensons que c’est peut-être dû à une situation de circonstance
temporaire, de moment historique ; de nombreux écrits de Guénon en sont l’exemple,
publiés à diverses époques, dans divers média (beaucoup parmi eux se trouvant être
même opposés entre eux, antagoniques), revues et publications de styles très
différents, et donc destinés à des auditoires différents. Cependant l’essence de sa
doctrine est la même et nombre de ces études ont formé part des livres qui constituent
son œuvre complète, comme c’est le cas ici; dans une forte proportion, la doctrine de
l’auteur en est la cause, partant d’une Tradition Primordiale qui se fragmente et donne
place à de nombreuses formes traditionnelles parmi lesquelles se trouvent les religions
connues, la Maçonnerie (il mentionne même les amérindiens), etc., et il n’hésite pas à
voir en elles essentiellement la même chose, c’est-à-dire les Principes Universels
émanant d’une unique Origine.

Pour nous, cette adéquation aux formes nie précisément que n’importe laquelle
d’entre elles soit infaillible ou unique, comme l’affirment les catholiques ou les
fondamentalistes de toute religion ou mouvement –y compris les francs-tireurs qui
tentent d’utiliser l’œuvre de Guénon pour leurs discours égotistes personnels– en
raison de la possibilité de leur donner diverses interprétations ; de même pour
l’infaillibilité de quiconque traite ou exprime les thèmes de la Connaissance, par
exemple Guénon. En effet, la Doctrine (verticale) est une, mais les modalités qu’elle
adopte (horizontales) et la façon de se manifester en accord avec des circonstances de
temps et de lieu, invalident cette extrême prétention de précision dogmatique, par
ailleurs propre à l’Occident et d’origines aristotéliciennes, rationnelles, logiques et soi-
disant systématiques, complètement étrangères aux textes sacrés de tous les peuples et
même absentes dans Platon et le néoplatonisme.16 C’est dans ce sens que nous faisons
nôtres les mots de René Alleau, prononcés au cours du colloque de Cerissy-La-Salle en
1973, intitulé «René Guénon et l’actualité de la pensée traditionnelle», dont il fut
l’organisateur avec Marine Scriabine, l’un des plus importants colloques donnés en
hommage au métaphysicien français, guide spirituel d’un fort courant de pensée : « La
notion d’orthodoxie guénonienne me semble être des plus étrangères à l’œuvre et la
pensée de René Guénon, tout comme à la pensée de tout véritable philosophe
traditionnel. »

En tout cas, le fait que la pensée de Guénon soit vivante pour tous ceux qui peuvent y
accéder, prouve l’impossibilité de lui assigner une étiquette et de la rendre assimilable à
un niveau qui y soit intéressé. Mais, pour revenir sur le sujet de l’ésotérisme et de
l’exotérisme ou, si l’on préfère, de la métaphysique et de la religion, cela ne veut pas
dire que l’horizontal ne soit pas un reflet du vertical, et qu’il n’existe donc pas dans
l’horizontalité les moyens d’appréhender le vertical, question que connaissent toutes
les gnoses. C’est là la raison de ce que les rites exotériques soient un moyen puissant de
vivifier l’ésotérisme, encore que nous le connaissions, par la nécessité même de
l’actualiser en permanence. Il s’agit, dans ce cas, de rituels religieux (horizontaux), mais
il faut tenir compte que ces rites forment part d’un autre, plus large, qui est le rite de
notre engagement envers la Connaissance (verticale) qui marque tous les actes et
instants sacrés de notre vie, à l’instar des sociétés traditionnelles. C’est ainsi que le rite
exotérique est sûrement à conseiller et sera efficace s’il est compris dans la Gnose. Nous
rappellerons à cet effet une citation de Guénon au sujet de Thomas d’Aquin qui disait :
« Une chose peut être nécessaire à telle fin, de deux façons. D’abord, comme ce sans
quoi il est absolument impossible d’atteindre ce but ; ainsi la nourriture est nécessaire
pour conserver la vie. D’une autre manière, comme ce par quoi on atteint mieux et plus
convenablement cette fin : ainsi le cheval est nécessaire pour faire la route ».

Le schéma est le même dans ce cas : le véhicule n’est pas indispensable, mais il est
utile et nous aurions tort de ne pas le prendre si nous en avons la possibilité. Certains
possesseurs de rites ésotériques, par exemple les maçons, ont considéré cela comme
une indication de s’en tenir à un exotérisme religieux, en particulier le Catholicisme, ce
qui donna lieu à ce que l’on nomme la double appartenance. Nous, en réalité, nous
pensons que l’article de Guénon sur l’exotérisme religieux est adressé, précisément
dans cette circonstance, à Schuon, avec qui Guénon entretenait de graves dissensions
du fait de en pas s’en tenir à la Tradition islamique, c’est-à-dire qu’il prétendait diriger
une tarîqah soufie sans même être musulman.

Ce qui possède une véritable importance dans l’exotérisme catholique, c’est la


revitalisation de la vie, la passion et la mort du Christ dans toute sa magnificence
symbolique et transcendante, et la lecture des évangiles, y compris les apocryphes et le
reste du Nouveau Testament, et les textes de l’Ancien Testament auxquels ils font
référence et même sur lesquels ils sont fondés, pleins de signification ésotérique et qui
n’ont forcément rien à voir avec la lecture qu’en font les autorités ecclésiastiques et le
clergé en général, de nos jours ; cela n’est pas un obstacle pour que cet exotérisme
religieux soit valable pour la foule de ceux auxquels leurs propres caractéristiques
d’âme et d’intellect ne permettent pas de comprendre les grands mystères de la
cosmogonie, l’ontologie et la métaphysique, et ces exotérismes sont parfaitement
valables dans le sens qu’ils établissent en quelque sorte un ordre dans le constant
devenir du temps, dans les passions et dans les comportements des hommes, tout en
ouvrant de nouvelles perspectives de Connaissance dès que l’interprétation littérale, le
sentimentalisme, la piété, la stricte «religion » et l’autocompassion peuvent être
dépassés.

L’exotérisme a été nécessaire et, comme le signale Guénon lui-même, c’est là


précisément la fonction de l’Église catholique, mais la nécessité pour un initié de
pratiquer les rites exotériques est tout autre chose.17 En fait, il existe ici une
contradiction, car en rendant l’exotérisme nécessaire, l’ésotérisme apparaît comme
accessoire, alors qu’il est la réalisation primordiale, l’identité du sujet de la
Connaissance.18

Mais qu’entend-on exactement par exotérisme ? Assister aux cérémonies religieuses


les jours où la participation aux sacrements est une forme de vie sociale ? Ou accepter
une fois pour toutes les dogmes, du concile de Nicée jusqu’à nos jours, ou les us et
coutumes d’une religion ? Si nous prenons le catholicisme comme référence,
l’acceptation du dogme consiste, entre autres, à reconnaître que Jésus est Dieu, et non
une manifestation de la Divinité. Un Dieu absolu, incarné dans l’histoire et hors duquel il
n’y a pas de salut. L’acceptation de cet exotérisme serait totalement contraire à la
pensée ésotérique dans toutes les traditions, et en serait même une forme de négation,
puisque l’affirmation exotérique se passe de la pérenne manifestation divine, du Logos
éternel, matière qui est l’essence de tout ésotérisme et cherche à réaliser l’union avec
le Principe, possibilité indissociable de l’existence même de l’homme. L’inverse
reviendrait à admettre que le verbe est plus que l’esprit ou que la religion est
supérieure à la métaphysique. Dans ce sens, il semblerait que Guénon contredise toute
son œuvre dans quelques phrases de l’article auquel nous nous référons ; et il prend en
effet le contrepoint, il nous semble, de cette citation extraite de son Introduction
Générale à l’étude des Doctrines Hindoues :

« Pour revenir à la question même qui nous occupe présentement, nous rappellerons
que nous avons déjà indiqué ce qui distingue, de la façon la plus essentielle, une
doctrine métaphysique et un dogme religieux : c’est que, tandis que le point de vue
métaphysique est purement intellectuel, le point de vue religieux implique, comme
caractéristique fondamentale, la présence d’un élément sentimental qui influe sur la
doctrine elle-même, et qui ne lui permet pas de conserver l’attitude d’une spéculation
purement désintéressée ; c’est bien là, en effet, ce qui a lieu pour la théologie, quoique
d’une façon plus ou moins marquée suivant que l’on envisage l’une ou l’autre des
différentes branches en lesquelles elle peut être divisée. » Guénon a cependant parfois
signalé dans ses lettres l’opportunité de suivre le rite exotérique, s’adressant
spécialement à de nombreux islamiques et chrétiens et, à ces derniers en particulier, en
soulignant à chaque fois le caractère uniquement exotérique du catholicisme de nos
jours. Voir la correspondance avec Goffredo Pistoni, publiée dans SYMBOLOS (Nº 9-10,
p.309-325). Ainsi, dans une lettre à Rodolfo Martinez Espinosa, issu d’une famille
argentine catholique pratiquante :

« Quant aux questions que vous soulevez dans votre lettre, permettez-moi de vous
dire très franchement que ces difficultés me paraissent venir surtout de ce que vous ne
faites pas une distinction assez nette entre le point de vue religieux, d’une part, et le
point de vue métaphysique et initiatique, d’autre part ; ... Tout ce qui est religieux, y
compris le mysticisme, concerne les possibilités individuelles dans l’extension indéfinie
dont elles sont susceptibles, et ne les dépasse pas ; c’est d’ailleurs sa raison d’être,
comme celle de la réalisation métaphysique est au contraire d’aller au-delà ; ... »

« Je dois aussi appeler votre attention sur le fait que le point de vue religieux est
nécessairement lié à certaines contingences historiques, tandis que le point de vue
métaphysique se réfère exclusivement à l’ordre principiel. »

Nous pensons que cette apparente contradiction qu’introduit dans son œuvre le
guide intellectuel de tant de monde, où il n’est pas aussi précis et itératif que de
coutume, pourrait être une épreuve, un obstacle à franchir –comme Guénon le fait
souvent dans d’autres parties de son œuvre– et représenterait une contradiction à
surmonter, livrée à ses lecteurs qui –comme tant d’autres– ne peuvent interpréter sa
pensée sur le mode livresque sinon la vivre, et résoudre leur problématique individuelle
dans laquelle ils devraient se voir reflétés comme dans un miroir.

Au sujet de l’exotérisme correspondant aux « Petits Mystères » et l’ésotérisme aux


« Grands Mystères », à l’évidence il n’en est rien et Guénon le précise toujours, car ce
sont deux mondes absolument distincts, voire opposés, ce qui n’enlève rien au fait que
les pratiques religieuses et l’exotérisme en général soient largement recommandés à
tous ceux qui ne possèdent pas de références directes sur l’ésotérisme.

Il est par ailleurs évident que, dans ses écrits, Guénon n’utilise pas le mot Dieu –sinon
occasionnellement– comme l’ont fait avec abus ses ‘successeurs’ et c’est clairement
intentionnel : à quel dieu ceux qui le nomment ce réfèrent-ils, comme désirant affirmer
un sentiment personnel, individualisé, et contraire au concept de l’Identité Suprême, du
Soi-Même, de la Non-Dualité ?

Il semblerait en effet, nous l’avons dit, que les maçons n’ont pas besoin d’un
exotérisme et, au contraire, l’Église de Rome nie la possibilité d’un ésotérisme.19

L’Homme Véritable, vivant au Jardin du Paradis, a-t-il le moindre besoin de fonctions


religieuses ? Et nous ne parlons là que des « Petits Mystères ». La vérité en elle-même
n’a pas à être « consolatrice », affirme Guénon, et nous nous posons la question : la
consolation est-elle nécessaire à la sagesse ?

Nous sommes quelques-uns à croire que le grand rite exotérique de Guénon est la
réalisation de son œuvre, écrite et personnelle, reflet de sa pensée par sa concentration
intérieure, c’est-à-dire celui d’une vie entièrement consacrée à cela.

AUTRE ‘MAIS’ : Guénon a traité le sujet ésotérisme-exotérisme dans diverses parties


de son œuvre, bien qu’il ne soit fait mention de « nécessité » que dans l’article auquel
nous faisons référence. Au chapitre IX de Introduction à l’étude générale des Doctrines
Hindoues, les livres alchimistes sont cités comme l’exotérisme de l’alchimie ; plus
encore, tout texte sacré est appelé exotérique en regard de ce qu’il exprime (voir note
Nº 17), puisque la conception est l’origine de l’écriture. De fait, toute expression n’est
pas seulement symbolique, mais aussi l’extériorisation de quelque chose, et « l’on
pourrait dire que l’ ‘esprit’ d’une doctrine quelconque est de nature ésotérique, tandis
que sa ‘lettre’ est de nature exotérique. ».

Malheureusement, cette vision si large est limitée jusqu’à la distorsion par ceux qui
assimilent exclusivement l’exotérisme aux cérémonies religieuses de quelque
confession et, inversant l’ordre des choses, s’approprient la phrase qui dit que « où il n’y
a pas d’exotérisme il n’y a pas de raison de parler d’ésotérisme », subordonnant ce
dernier au précédent.

Il faut également savoir, ce que l’on omet souvent, que la Franc-Maçonnerie possède
de multiples rites spécifiques qui, sans rapport avec les rites proprement religieux,
revêtent aussi un aspect ‘exotérique’, car ce qui se ‘joue’ dans l’Atelier peut aussi être
pris au sens littéral, donc exotérique, au lieu de sa pleine signification symbolique. Les
sacrements chrétiens, ainsi que le manifeste clairement l’Église catholique, sont des
rites religieux n’ayant rien à voir avec quelque Initiation que ce soit, ce qui rend
incompatible la fusion des deux niveaux car leurs origines et leurs objectifs sont
différents. Ceci étant pris du point de vue initiatique ; du point de vue strictement
religieux, l’Initiation n’existe pas.

Le besoin de savoir, le rite de l’étude et la lecture des livres sacrés, la concentration


qu’ils favorisent, la méditation qu’ils éveillent, en somme, ce qui est au-delà de leur
contenu linéaire, est ce qui constitue l’ésotérisme de ce qu’expriment ces textes.
NOTES
16
‘L’infaillibilité’ papale est aussi un dogme récent, imposé par Pie IX à la fin du
siècle dernier.
17
« On pourrait sans doute, mais dans une acception beaucoup plus large, envisager
un ésotérisme et un exotérisme dans une doctrine quelconque, en tant qu’on y
distingue la conception et l’expression, la première étant tout intérieure, tandis
que la seconde n’en est que l’extériorisation » (Introduction Générale à l’étude des
doctrines hindoues, 2e partie, ch. IX : “Exotérisme et ésotérisme”.
18
Ceux qui, ayant le plus, ont l’absurdité de croire qu’ils ont besoin du moins ; le
moindre a la nécessité du plus et, lorsqu’il est authentique, en découle
directement ; le contraire reviendrait à dire que le plus dépend du moindre, et
finir ainsi par le nier ouvertement –comme dans le cas de Jean Reyor. Si
l’exotérique dépend de l’ésotérique, et l’initiation est effective ou en voie de
l’être, l’exotérisme n’est pas indispensable, encore qu’il soit nécessaire à quelques
âmes pieuses.
19
L’on ignore généralement, ou l’on dissimule, que la Maçonnerie possède des rites
et qu’ils ne sont pas exotériques mais initiatiques, outre que l’on n’y accepte pas,
sauf duperie ou simulation, ceux qui ne sont pas libres et hommes de bien.

CHAPITRE V

QUELQUES EXPRESSIONS DE L’ÉSOTÉRISME ACTUEL

Actuellement, toute personne à la recherche d’une voie spirituelle se retrouve face à


un panorama pour le moins chaotique, ce qui est peu dire.

En effet, la première chose qu’elle rencontre d’ordinaire sur son chemin est ce qui se
fait appeler le ‘New Age’, le plus nombreux et le plus hétérogène regroupement de
différents mouvements parmi lesquels les sectes jouent un rôle primordial et peuvent
arriver à posséder plusieurs millions de membres affiliés. S’y unissent de nombreux
groupes d’origine orientale, bien qu’il soit important de préciser que beaucoup de
sectes ont également cette origine ; en général, ces groupes se rapprochent plus ou
moins de l’hindouisme et de sa tradition comme il arrive en Inde même, ou en
rejoignent des formes dégradées ainsi que l’on peut le constater chez une indéfinité de
gourous qui, se basant sur une certaine terminologie et des pratiques de méditation,
ont fondé leurs propres ashrams. Ils sont en cela semblables à diverses
personnalités ‘affranchies’ qui soutiennent des idées de type psychologique ou sexuel,
incluant des ‘canaux’ ou des pratiques soi-disant fondées sur le tantra yoga. La totalité
de ces dirigeants sont profanes, pour ne pas dire absolument ignorants de la Science
Sacrée et croient, à l’instar de la science profane, que le monde est en train d’évoluer,
de progresser, vers la culmination de ses prétentions spiritualistes. S’y ajoutent ‘psys’,
‘manciens’, guérisseurs et spirites aux diverses dénominations. Tous ont en commun
une chose fondamentale qui les rend immédiatement identifiables : la croyance -
consciente ou non en un spiritualisme matériel, c’est-à-dire en la nécessité de relier
leurs pratiques à leurs situations personnelles et à leurs besoins au niveau le plus bas et
le plus individuel.20 L’on peut placer dans ce schéma de nombreux mouvements pseudo-
religieux, ou religieux, avec la différence que ces derniers ne prétendent à nul
ésotérisme, sinon au salut de leurs fidèles dans un autre monde.

Nous ne souhaitons pas énumérer ici les diverses modalités de ‘l’ésotérisme’ actuel,
ce qui pourrait remplir plus d’un volume, mais souligner quelques caractéristiques de
ces mouvements, parmi lesquels il faut englober non seulement les sectes déjà
mentionnées, mais aussi les ‘chasseurs’ de sectes. En Occident, cohabitent avec eux de
véritables traditions comme le bouddhisme Mahayana, la Franc-Maçonnerie, la
tradition hermétique, le bouddhisme zen, quelques traditions archaïques, certains
auteurs fiables comme René Guénon, Ananda K. Coomaraswamy, Mircea Eliade, Walter
Otto et Alan Watts parmi bien d’autres, et l’ésotérisme des traditions abrahamiques¸ il
faudrait faire ici une importante distinction entre l’ésotérisme chrétien et le
‘christianisme ésotérique’ valable aussi pour l’ésotérisme juif et l’islamique qui prend la
religion comme base indispensable de la métaphysique, dénaturant ainsi l’authentique
Science Sacrée, la Connaissance traditionnelle, la ramenant à un niveau dévot et
dogmatique qui, nous l’avons vu, débouche nécessairement sur un fanatisme d’un
genre différent, ce qui les rend parfois encore plus dangereux que les précédents, car ils
cherchent le salut ou la conversion de l’humanité par n’importe quel moyen, alors que
la plupart du temps les premiers ne dépassent pas la sphère individuelle et n’exercent
aucun type d’apostolat, qu’il soit protestant, catholique ou islamique ; cela ne vaut pas
pour le judaïsme, refermé sur lui-même.

Nous voulons, d’autre part, remarquer que ceux qui s’approchent avec ingénuité et
objectivité des rares milieux ésotériques traditionnels existant en Europe et en
Amérique pourront observer l’animosité existant entre eux, le copinage et les questions
personnelles qui les distinguent, quand il ne s’agit pas de différences de niveau quant à
leurs expériences de la réalité, ne possédant parfois que des idées venant de simples
références livresques et historiques ; sans parler de la conviction qu’ont les religions que
leur Dieu privé représente l’unique vérité, de laquelle elles excluent toute croyance,
tous usages et coutumes différents, y compris l’existence de divers dieux, ou noms de
pouvoir, anges et archanges, qui curieusement existent dans leur doctrine, comme nous
l’avons déjà signalé, bien qu’elles semblent l’ignorer ou ne les considèrent que comme
des allégories.

Il est logique que celui qui s’engage dans un chemin inconnu puisse s’y égarer ; c’est
ainsi que les uns se perdent en prenant certains concepts au sens littéral, ou croient
indispensable de suivre certains régimes, parmi lesquels le végétarisme21 occupe une
place prépondérante, en les associant aussi à des conceptions déterminées au sujet de
la santé et de l’entretien corporel, subordonnant l’âme pour ne pas dire l’Esprit a la
forme la plus grossière de la manifestation.

Nous ferons remarquer que même le passage par une ou plusieurs organisations New
Age et l’exécution de pratiques déterminées peut avoir de la valeur, en tant que moyen
négatif pour les abandonner, pour apprendre avec le temps qu’elles ne correspondaient
pas aux besoins spirituels. Ceci peut être relié aux dangers qui accompagne tout
cheminement et peut être en rapport avec le précepte évangélique qui dit qu’il faut se
perdre pour se trouver.22

Mais celui qui accepte a priori certaines orthodoxies, de quelque type que ce soit,
sans s’y attacher, ne se donne pas même la possibilité de se perdre sur le sentier de ce
que l’on suppose être la Connaissance. Cela se voit dès le début par la manière
d’affronter le fait de Connaître : comme une quête et une aventure de l’âme, assoiffée
d’elle-même, ou comme la soumission à une structure se trouvant généralement
dénaturée par la croyance, donc une sorte de somme d’axiomes, absorbés quasiment
selon des critères administratifs, acceptés de façon passive et linéaire, sans clairs-
obscurs,23 et sans la Passion, que l’antiquité nomma Fureur ; quant aux pèlerinages,
pour n’en donner qu’un exemple, la confusion avec des marches sportives, du tourisme
ou d’autres exercices plus ou moins profanes est parfois évidente. L’on ne peut sortir
d’un labyrinthe qui n’existe seulement pas, et cela est typique de milieux sclérosés qui
confondent le psychopompe avec la pompe.

Dans ce sens, nous nous sommes plus d’une fois questionnés sur l’intérêt que
peuvent trouver certaines personnes dans un soi-disant ésotérisme, si ce n’est à titre de
hobby, ou parce qu’elles n’ont rien d’autre à faire, ou pire encore, pour se faire
remarquer.

Il faudrait également faire référence ici au fanatisme pris comme une croyance en soi,
propre, entre autres, à ceux qui se donnent le nom de traditionalistes et qui, par le biais
d’un autoritarisme essentiel, prétendent juger les autres, suivant une hypothétique loi
divine et humaine qui non seulement est de leur côté, mais exigeant aussi qu’on
l’observe, toujours, évidemment, selon leurs critères et les circonstances aléatoires
qu’ils peuvent inventer à leur gré dans le même esprit belliqueux. Car il s’agit pour eux
d’avoir un ennemi et de se battre pour pouvoir se sentir eux-mêmes unifiés, pour
penser qu’ils ‘sont’ ou pour ‘être’ quelque chose, encore que ce soit l’ombre d’une
ombre.

De cela naît généralement la fausse idée d’une élite à laquelle aspirer. Celui qui
réellement appartient à une élite ne s’en rend pratiquement pas compte et n’a aucune
prétention à ce sujet, de la même façon qu’un être noble n’aspire pas à l’être sinon qu’il
l’est par nature.24 Vouloir faire partie d’une élite, comme nous l’entendons, ressemble
assez à vouloir entrer dans la ‘haute société’ ou voir son nom dans les journaux
mondains, soit des ambitions simplement profanes ; ou, ce qui revient au même,
souhaiter devenir l’illustre membre d’un milieu où l’on est non seulement ‘brillant’ ou
‘respectable’, mais où l’on acquiert aussi la ‘notoriété’, bien sûr égotiste, oubliant que
‘mon règne n’est pas de ce monde’ ; couronnant le tout d’une morale bigote et
scrupuleuse qu’envierait n’importe quel puritain, et qui s’avère beaucoup plus hypocrite
lorsqu’on observe leurs agissements délinquants qu’ils s’imaginent sans doute être une
guerre sainte. Il est clair, pour nous, que si quelqu’un se sent appelé vers l’Identité
Suprême et ne s’identifie avec aucun autre conditionnement, il doit avoir effectivement
une solide base morale (le courage, la générosité, le détachement, etc., soit la virtus
romaine) pour affronter une telle aventure, et ne pas aspirer à être un bon citoyen ou
au perfectionnement éthique, car ce serait l’indice qu’il ne le possède pas.25 Il n’y a pas
de meilleure garantie pour lutter contre les passions que se consacrer à la Beauté et à la
Vérité, donc à la Connaissance. Il nous faut cependant signaler que, dans les états
inférieurs de cette voie, l’on acquiert un certain pouvoir et bien nombreux sont ceux qui
demeurent pris dans ce monde obscur, dû le plus souvent au ressentiment de ne pas
avancer vers la source lumineuse qui nous donne l’être, c’est-à-dire l’assimilation avec
l’Être Universel qui ne nous est accordée que par la Grâce et non par les actions.
« Nombreux sont les appelés, et rares sont les élus ». (Saint Matthieu, 22, 14).26

Remarquons en passant que le thème de la trahison apparaît dans diverses traditions,


mais se trouve particulièrement marqué dans le christianisme, dans le cas évident de
Judas (et dans la Maçonnerie également, avec la mort d’Hiram rappelons-nous aussi que
Dante place les traîtres dans le cercle le plus profond de l’Enfer), et dans l’Islam, aux
racines mêmes de la constitution du califat, transparent dans l’assassinat d’Ali, survenu
quelques années après celui de ‘Utman, le troisième calife, et suivi de celui de son fils Al
Hussein, qui assurait la descendance du Prophète puisque Ali n’était que l’époux de
Fatima, c’est-à-dire son gendre. Le problème du mal se trouve ainsi entremêlé à
l’histoire du bien, sans être nié, ou mieux, est assimilé à l’histoire du sacrifice, donnant
ainsi lieu au mythe du traître-héros.27

Revenant sur le sujet des sectes, l’on peut observer que le christianisme en
particulier, au vu de la popularité de certaines d’entre elles, spécialement chez les
jeunes, prit la décision d’une part de poursuivre et de jeter l’anathème sur ces
alternatives, et d’autre part de prendre nombre de caractéristiques du New Age, de se
moderniser, dans le but d’attirer un public qui s’en éloigne irrémissiblement.

Dans le cas de l’Islam, où même la doctrine d’Ibn Arabi est, dans certains noyaux, non
seulement sanctionnée mais aussi prohibée, la forme que prennent cette subversion et
ce rejet de tout ce que l’on n’imagine pas approprié, et le besoin d’imposer sa férule au
reste, arrivent à l’extrême de nous faire croire que la shariyah est le taçawwuf, et des
organisations religieuses dénaturent le sens de la Paix, la Soumission et l’Amour, c’est-à-
dire la voie de Soufi et l’Islamisme authentique, en l’identifiant avec des intérêts
particuliers, liés à l’historique et au relatif. L’on pense généralement, en Occident, qu’il
existe un monobloc appelé Islam, alors que celui-ci se trouve au contraire divisé depuis
son commencement entre chiites et sunnites et aussi les khâwarij, également
orthodoxesdivision qui existe encore et qui a donné lieu à de multiples
fragmentations,28 qui tirent elles aussi l’épée les unes contre les autres, chacune
imaginant détenir la vérité, avec une telle haine que les rixes chrétiennes en pâlissent ;
cependant, cette haine commune engendre en Occident l’unification de quelques
secteurs de ces religions, dans un fanatisme partagé, intellectuel et moral, qu’ils tentent
de vendre sous le nom de traditionalisme.

Il est effectivement vrai que l’on ne peut être soufi sans être musulman, et il est clair
que l’étude du Coran sacré et des hadith, et l’approfondissement de la langue arabe ce
dernier aspect étant également quasi indispensable dans d’autres traditions comme le
taoïsme, le bouddhisme mahayana, etc. en sont les caractéristiques propres, mais ces
possibilités ne sont cependant pas même offertes à ceux que trompent des groupes -
avec aujourd’hui malheureusement de nombreux membres en Europe et en Amérique
qui, se présentant en tant que tarîqah (véritable ésotérisme) ne se consacrent en fait
qu’à la loi, ou shariyah, et insistent que son respect, à la façon qu’ils l’entendent ils ont
même des prétentions politiques, le plus souvent arbitrairement, est le taçawwuf
(initiation), et que le respect de ses normes et exigences sont des conditions
indispensables pour obtenir les bénédictions d’une connaissance qui ne va pas au-delà
de la religion.

Bien entendu, il n’en est pas toujours ainsi, mais dans la plupart des cas ces
mouvements qui, comme dans le cas du christianisme et du New Age, tentent de
trouver leur profit au sein de la confusion et des nécessités spirituelles qui caractérisent
la Fin de Cycle, sont une imposture. Nous devons ajouter que certaines personnes
croient qu’être descendant direct du Prophète est une garantie sur le plan de la
Connaissance, raison pour laquelle il faut souligner qu’il y a, et il y a eu, toutes sortes de
cas dans sa descendance, et l’on connaît à notre époque des alternatives de dirigeants
politiques sans aucun doute musulmans qui n’ont eu aucun lien avec la métaphysique,
comme le roi Hussein de Jordanie et le roi Hassan du Maroc, récemment disparus, ou
bien des play-boys notoires comme le furent, il y a quelques années, l’Aga Khan et son
fils Ali Khan, sans compter des fanatiques religieux, voire des assassins connus, ou
certaines personnalités que l’on aurait du mal à reconnaître comme étant islamiques,
dont elles ne portent que le nom et n’ont rien de traditionnelles. Il y a aussi ceux qui se
disputent et s’invalident mutuellement leurs lignées généalogiques qui, après tant de
siècles et tant d’épouses, ne seront pas toujours suffisamment limpides.

Nous avons fait remarquer à plusieurs occasions l’existence d’un authentique


ésotérisme chrétien, islamique et juif, mais nous avons également constaté la difficulté
d’y parvenir au moyen des organisations qui prennent ces religions et leurs apparats
comme base indispensable de la réalisation métaphysique. Et qui prient un Dieu
externe, étranger à eux-mêmes. Nous avons également donné ici des avertissements
sur d’autres groupes en rapport avec le New Age et sur les fantasmagories à ce sujet.
Quant à la Maçonnerie, institution initiatique occidentale par excellence, le panorama
n’est pas plus clair, bien que ces dernières années ait pu s’observer un intérêt croissant
des loges pour faire des recherches dans leurs origines et leurs contenus authentiques.
Il n’est pas non plus toujours facile de se lier avec des ateliers qui pratiquent leurs rites
dans un réel esprit Traditionnel et où l’on pourvoit l’apprenti initié virtuel des éléments
qui lui permettraient d’accéder correctement à l’Enseignement. Dans la majeure partie
des loges, le rite initiatique s’est cependant maintenu, reflet du rite cosmique, et tout
frère peut, par sa propre méditation sur les symboles qui lui sont offerts et les rites qu’il
pratique, arriver à comprendre le modèle de l’Univers, premier pas pour trouver là son
issue vers d’autres plans ou niveaux de conscience, c’est-à-dire vers d’autres mondes
qui, bien qu’invisibles ou informels sont tout aussi réels que ce qui se perçoit avec les
sens. Comme dans toute initiation, cela suppose l’ascension d’une échelle, au moyen de
degrés, sur laquelle chacun pourra arriver à destination, selon ses besoins ou ses
capacités, comme tout dans la vie. De plus, nous avons déjà mentionné la Tradition
Hermétique comme Voie d’accès à la Connaissance, donc nous ne répéterons pas ici ces
concepts.29 Nous ajouterons que cette Tradition fut à une époque Hermético-
Chrétienne dans sa façon de se manifester, mais jamais un ‘Christianisme Hermétique’,
ce qui saute aux yeux avec l’ancienneté respective de ces deux Traditions, sans nommer
d’autres motifs d’un autre ordre, ou niveau.

Il ne nous reste qu’à signaler quelques autres dangers que peut rencontrer celui qui
s’intéresse à la voie de la réalisation intellectuelle et spirituelle.

Nous venons en effet d’employer les mots intellectuel et spirituel comme des
équivalents, selon l’interprétation qu’en donne Guénon, puisque la sagesse en soi est
une forme de sainteté, et l’inverse n’est pas forcément vrai, lorsque l’on suppose que le
‘miraculeux’ ou le ‘légal’ sur le plan naturel est le surnaturel. Pour des raisons de
terminologie, la Sagesse et la Connaissance pourraient néanmoins se confondre avec
une fausse intellectualité et souvent, encore pire, avec l’érudition et des listes de
citations, noms, dates, références, à savoir avec d’immenses vétilles.

Dans ce sens, il nous faut apporter notre critique aux universités et à leurs travaux
profanes, qui sont gouvernées par des gens du commun, qui posent au savant et
considèrent l’université plus importante que la Connaissance en prenant leur petite
érudition pour de la sagesse, c’est-à-dire ce que l’on entend par références livresques30
comme le plus important, et jugent les autodidactes ainsi notre guide intellectuel René
Guénon comme une chose mineure. Que les aspirants ne se fassent pas d’illusions : sur
le sentier de la Connaissance, nous sommes tous des autodidactes à la recherche du
Maître Intérieur et il n’y a pas d’Université qui nous conduise à l’Identité Suprême.

L’attitude que nous venons de décrire est due, à de nombreuses occasions, à une
sorte de conservatisme auquel nous nous accrochons et qui nous empêche de nous
détacher de ce qui est notre trésor. De fait, la phrase évangélique qui dit que ‘il est plus
facile qu’un chameau passe par le chas d’une aiguille qu’un riche entre au Royaume des
Cieux’ (Saint Matthieu 19, 24), ne fait pas seulement référence à ceux qui accumulent
de l’argent, mais à tous ceux qui sont ou se considèrent riches de quelque chose, que ce
soit l’intelligence, la vertu, la science, l’art, la beauté ou quoi que ce soit d’autre. L’on a
souvent pris pour exemple que si la coupe de l’ego est pleine, il est impossible qu’elle
puisse recevoir les effluves célestes, les émanations divines.31 L’acquisition de la
Connaissance, la Bonne Nouvelle, est incompatible avec un esprit économe qui garde
quelques bouts de chandelles ‘au cas où’. Sur le sentier de l’Initiation cela est
impossible, car l’on ne peut servir deux maîtres à la fois.32 En définitive, ce en quoi l’on
est le plus riche, c’est en préjugés et illusions, auxquels l’on assigne une valeur
seulement par les mécanismes de notre esprit dual qui conditionne quand il ne
programme pas nos règles de comportement.

Quant à nous, nous avons été sauvagement attaqués pour des affaires personnelles,
bien que la plus grande part soit due à ce que nous avons soutenu dans ce chapitre et
dans d’autres analogues, à savoir : par notre opposition à ceux qui confondent tout et
tentent de faire passer la religion pour de la métaphysique, à leur tête des adeptes de
Schuon et de Rey qui n’ont pas hésité à employer le complot, la trahison le mensonge,
les injures, la diffamation, les insultes et autres grossièretés, dans le but de nous
discréditer, sans comprendre qu’ils ne sont parvenus par ce moyen qu’à se discréditer
eux-mêmes.33 Comment ces gens peuvent-ils prétendre avoir quelque chose à voir avec
le sacré malgré leur volonté de suivre la Voie du Sacristain, ou un monisme radical (qui
pour cela rend la dualité implicite) à l’idéologie totalitaire, c’est une chose que nous ne
comprendrons jamais. Mais si nous sommes convaincus que c’est dans le cadre de
l’œuvre de Guénon, le plus grand métaphysicien d’Occident, qui a soutenu en de
nombreuses occasions ce que nous disons34 ou plutôt, nous disons la même chose que
lui car, selon ses propres mots, il ne fait que manifester la Tradition Unanime, que se
produit ce qu’il a appelé la contretradition, commencée par ceux qui ont profité de sa
personnalité pour ensuite la trahir ou la dénaturer, et là se produit à notre échelle le
plus triste signe des temps.35

NOTES
20
« Laissez-les ; ce sont des guides aveugles ; si un aveugle guide un autre aveugle,
ils tomberont tous deux dans la fosse. » (Saint Matthieu 15, 14).
21
« Ce n’est pas ce qui lui entre dans la bouche qui fait l’homme impur ; mais ce qui
lui sort de la bouche, cela est ce qui rend l’homme impur. » (Saint Matthieu 15,
11).
22
« Car celui qui veut sauver sa vie la perdra. » (Saint Matthieu 8, 35).
23
Si l’on est pas et pour être il faut être libre l’on ne peut s’identifier avec l’Être
Universel. La communication ne s’établit pas, car l’Être Universel est la Liberté, car
il n’a aucune sorte de conditionnement, à commencer par le spatio-temporel. « La
vérité vous rendra libres ». (Saint Jean 8, 32).
24
La même chose se passe avec l’humilité acquise par rapport à un Univers, ou une
déité, bien plus grande. L’humilité se donne sans raison ; c’est une vaine tentative
que de désirer être humble, lorsque ce n’est pas une démarche égotiste qui veut
secrètement nous rendre meilleurs que les autres.
25
« Qui de vous, à force de soucis, pourrait ajouter une seule coudée à la longueur
de sa vie ?» (Saint Matthieu 6, 27).
26
« Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous fermez au nez
des hommes le royaume des cieux ! Vous-mêmes en effet n’entrez pas, et vous ne
laissez pas (entrer) ceux qui sont pour entrer. » (Saint Matthieu 23, 13).
27
Le traître crée le héros. Son existence est pour lui indispensable, tandis que pour
le héros sa présence est une ombre de lui-même. C’est pour cela que ces deux
composants mythiques ne peuvent jamais être mis sur le même niveau. D’autre
part, la trahison est comprise dans la cérémonie.
28
En Argentine, il y a au moins sept ou huit groupuscules qui, invoquant le prophète
Ali, se sont constitués en ‘tariqas’ libres. Cela est facilité par la constitution même
de l’Islam, religion du désert, où chaque fidèle est indépendant du reste de la
Uma, et où d’innombrables soufis sont morts des mains du califat ; précisions que
de nos jours il existe dans cette tradition, en Orient, encore beaucoup d’entre eux
complètement éloignés de toute soi-disant institutionnalisation à la mode
occidentale, plus en rapport avec les firâq, ou sectes, profitant du fait que les
aleyas, ou versets des sûras du Coran sont sujets à l’interprétation, raison pour
laquelle certains sages islamiques ont même nié la possibilité de traduire ce livre
sacré.
29
« On doit donc, comme nous le disions déjà précédemment, parler de quelque
chose qui est caché plutôt que véritablement perdu, puisqu'il n'est pas perdu pour
tous et que certains le possèdent encore intégralement; et, s'il en est ainsi,
d'autres ont toujours la possibilité de le retrouver, pourvu qu'ils le cherchent
comme il convient, c'est-à-dire que leur intention soit dirigée de telle sorte que,
par les vibrations harmoniques qu'elle éveille selon la loi des ‘actions et réactions
concordantes’, elle puisse les mettre en communication spirituelle effective avec
le centre suprême. » (René Guénon: Le Roi du Monde, ch. « Le centre suprême
caché pendant le ‘Kali-Yuga’ »). (Voir article de Monsieur A. Bachelet :
« Autour de la Parole Perdue des maîtres maçons », SYMBOLOS Nº 19-20, p. 214,
note 9).
30
« Conducteurs aveugles, qui filtrez le moustique, et avalez le chameau ! » (Saint
Matthieu 23, 24).
31
« On ne met pas non plus du vin nouveau dans des outres vieilles : autrement, les
outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues; mais on met le vin
nouveau dans des outres neuves, et les deux se conservent.» (Saint Matthieu 9,
17).
32
« Nul ne peut servir deux maîtres : car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il
s’attachera à l’un et méprisera l’autre. » (Saint Matthieu 6, 24).
33
« Heureux serez-vous, lorsque les hommes vous haïront, lorsqu’ils vous
excommunieront et insulteront, et proscriront votre nom comme mauvais à cause
du Fils de l’homme. » (Saint Luc 6, 22).
34
Voir addenda.
35
Il serait intéressant de se demander s’il n’est pas en train de se passer la même
chose avec la religion. En effet, en ce qui concerne les chrétiens de ces
mouvements à la mode néo-fasciste ou fondamentaliste nous préférons nous
abstenir de parler actuellement des islamiques, nous savons, au travers de leurs
propres écrits, qu’ils refusent l’autorité religieuse, qu’ils considèrent que ses rites
ont été dénaturés, qu’ils ne connaissent pas non plus l’orthodoxie catholique,
ayant lu peut-être, avec de la chance, deux ou trois pages de la Somme
théologique, ou Contre les Gentils, de Saint Thomas d’Aquin, et ne se soumettent
pas aux commandements. Quelles intentions ont-ils à s’abriter derrière le bouclier
de la religion ? Quel est ‘l’esprit’ qui les anime ? Ne serait-ce pas judicieux de
mentionner ici le cagastrum alchimique et ‘paracelsien’ en tant que manifestation
de la corruption et de la putréfaction ?

CHAPITRE VI

GUÉNON DANS LE CŒUR

Pour ceux dont Guénon a été le guide intellectuel qui les a introduits dans le monde
de la Connaissance, son œuvre et la personnalité qui la produisit sont réellement
providentielles. La rencontre avec Guénon leur a permis d’échapper à la voie obscure -
comme Dante le raconte au début de La Divine Comédie et de s’attacher une lumière
durable dans la course de leur destin, et la conséquente reconnaissance est de rigueur
parmi ceux qui ont vécu l’expérience de sa pensée. Cependant, en dépit de cela et
malgré les diverses monographies, numéros spéciaux et études qui y ont été consacrés,
Guénon est encore très peu connu et ne figure pas dans la littérature officielle d’un pays
comme la France, où il est né et dans la langue duquel il écrivit la presque totalité de ses
textes. Le fait peut toutefois s’expliquer par la "solidification" de notre temps et le
manque d’intérêt pour les sujets traités par notre auteur, pratiquement laissés pour
compte comme il le souligne si souvent par le monde moderne dont l’engourdissement
en cette phase finale arrive presque aujourd’hui au total obscurcissement de la
compréhension et à l’extermination du symbole en tant que messager du plan
intermédiaire. Quelque chose de beaucoup plus grave s’y ajoute : la déformation
infligée à sa pensée par des individualités qui, guidées par des intérêts personnels et
influencées par on ne sait quelles forces obscures, ont dénaturé et adultéré son œuvre,
l’utilisant même à leur profit comme l’ont fait certains personnages prétendant être ses
successeurs, rognant sur les aspects les plus importants et celant les éléments
principaux au détriment de sa summa. Je pense que l’acceptation de ces circonstances
nous place dans la réalité du message de Guénon, projeté sur la société actuelle et, plus
précisément, sur l’ésotérisme ayant cours depuis sa mort jusqu’à nos jours.

Il est parfois difficile d’être objectifs lorsqu’il s’agit de faits ou de phénomènes, ou


encore en traitant d’un auteur qui, par le biais de son œuvre, nous a fait participer à une
pensée inconnue et à un monde merveilleux dont les échos résonnent néanmoins aux
tréfonds de l’intimité, au point de changer radicalement nos valeurs et de canaliser ainsi
notre vie d’une façon totalement inattendue. Quoi qu’il en soit, l’on me pardonnera
d’employer le pluriel, car je me permets de parler non seulement au nom des
rédacteurs de la revue SYMBOLOS, dont je partage le point de vue, mais aussi au nom
de nombreux lecteurs de René Guénon (non de certains d’entre eux soi-disant ‘maîtres’
de sa pensée, qui nous ont peu ou rien appris) ; je nomme ceux qui ont été touchés par
l’œuvre de Guénon à la fois simple et complexe, complexité provoquée autant par la
difficulté d’expression propre à la Science Sacrée que par celle que connaît le profane
pour comprendre les vérités d’un autre ordre, empêchement qui les déforme ou les
réduit à leur expression littérale et nous communiquent depuis des années leurs
inquiétudes, tout comme ils ont manifesté leur reconnaissance pour ce que ces textes
ont apporté à leurs vies, tout en ayant, pour différentes raisons, trouvé difficile
d’approfondir sa pensée, ce qui nous amènerait aussi à parler des diverses lectures que
l’on peut avoir de l’œuvre de Guénon, propres aux limitations de chacun et, en
définitive, omniprésentes.

Ainsi, assumant la responsabilité de parler au pluriel, je me permets d’exprimer un


certain genre d’expériences, partagées probablement par beaucoup de lecteurs de
Guénon, bien que leurs formes puissent avoir été et être encore différentes.

Comme trait distinctif de son œuvre, nous ferons ressortir tout d’abord cette
exactitude dans l’expression, cette clarté conceptuelle, explicite malgré la longueur de
la phrase, les phrases subordonnées, les notes, ce qui nous oblige à faire attention à ce
qui est dit, à relire, à essayer de comprendre car nous avons eu au préalable une suite
de petites ‘révélations’ nous obligeant à insister sur le texte et bien sûr sur les renvois
en bas de page. Il y a d’autre part les rapports constants qu’il offre au lecteur en
permanence et qui, d’une façon ou d’une autre, éveillent en ce dernier une sorte de
‘réminiscence’ d’une foule d’images oubliées, mais formant part de son bagage culturel
et personnel ; ce qui, sans aucun doute, provoque à son tour chez l’intéressé une
multitude d’analogies.

Observons que, dans de nombreux cas, cette exactitude peut provoquer un sérieux
rigorisme intellectuel dans les recherches de ses lecteurs ; quant à la ‘réminiscence’ et
l’analogie, le champ incroyablement riche qui s’ouvre à nous est certainement le plus
véritablement Universel que nous ayons connu.

Guénon crée également une terminologie parfaitement adaptée à sa façon de dire les
choses et la répète tout au long de son œuvre. Ce n’est pas là le résultat d’une simple
convention, sinon que l’utilisation précise des termes restitue leur valeur, remontant
même souvent aux racines étymologiques des mots. Son discours ne s’éloigne pas non
plus, au moyen d’obscures rhétoriques et déclamations, du langage philosophique et
culturel d’une éducation moyenne, et est suffisamment compréhensible pour son
époque et les années qui suivirent. Sauf l’acception prise par quelques termes ces
dernières années, comme le mot ‘personne’ dont l’emploi est lié aujourd’hui au simple
ego et à la ‘personnalité’ (que Guénon appellerait peut-être individualité), son œuvre un
enseignement permanent est extrêmement claire et lisible pour ceux qui se concentrent
dans leur lecture. Elle est également tout à fait appropriée à ceux qui ont effectué des
recherches dans la religion catholique, concrètement dans le thomisme, et contient
même certains traits de rationalisme encore que niant la raison qui sont bien utiles pour
que des gens de notre formation puissent les comprendre ; cela est également valable
en ce qui concerne ses divers aspects logiques, voire positivistes, si je puis dire.

Il est aussi remarquable qu’en lisant ses textes des années plus tard (en ce
cinquantième anniversaire de sa disparition), demeurent actuels non seulement les
idées, mais aussi les mots qui les forment, et il suffit d’une relecture pour percevoir
l’extraordinaire cadence du discours, qui répond à la structuration de son œuvre et qui
se prolonge d’étude en étude, de chapitre en chapitre, de livre en livre.

Mais ce qui fut fondamental pour beaucoup d’entre nous est constitué par l’idée de
ce que représente réellement le symbole et la valeur découlant de cette conception, ce
qui par ailleurs légitime son rôle de transmission et lui octroie sa fonction authentique.
De même, la relation entre les différents symboles constitue des codes complets de
connaissance et des ouvertures qui se révèlent à mesure que l’on progresse dans les
travaux et on les étudie et comprend en se confrontant aux manifestations distinctes de
l’Être universel, à travers des cultures diverses, ou des expériences que l’on peut
déduire par analogie et sont accessibles car elles forment l’environnement de tout être
humain contemporain.

Ces correspondances entre culture et culture, mythe et mythe, langues distinctes,


etc., sont caractéristiques de Guénon, qui manie et développe diverses symboliques,
même éloignées dans le temps et l’espace, entrelaçant des images qui finissent par
transformer en langage propre le vecteur des idées de ce qu’il a nommé la Science
Sacrée. Ainsi qu’il a été dit : l’intelligence brille par ce qui la reflète.

Dans un précédent travail (‘L’Initiation Hermétique et René Guénon’, SYMBOLOS, Nº


11-12, 1996, page 221), nous avons souligné que l’ordre de lecture de la vaste et
complexe œuvre de Guénon peut faire des différences entre une forme ou une autre
d’approcher sa pensée et l’ésotérisme en général. Ceci est en parfait accord avec le
niveau culturel, l’universalité des images, les préjugés de ses lecteurs et les convictions
d’un vieil homme. Car s’il est utile, voire nécessaire, que l’on jette un pont entre l’état
profane où se trouve, en termes généraux, l’immense majorité de ceux qui approchent
ses travaux pour la première fois, il est aussi indispensable que, face au développement
postérieur de cette œuvre, messagère de la Bonne Nouvelle, se maintienne l’ouverture
vers la métaphysique, sans la rabaisser au niveau d’intérêts personnels, ou de groupe,
pour ne pas empêcher d’entrevoir ainsi son immense pouvoir intellectuel, donc
transformateur, que tout le monde n’est malheureusement pas capable d’assimiler.
C’est là le cas typique de ceux qui, ayant la sensation d’appartenir à une religion comme
si ce n’était pas, d’une façon ou d’une autre, notre cas à tous, placent leurs ‘croyances’
au-dessus de toute nouvelle possibilité, et voient en Guénon un auteur qui les incite à
approfondir leur dévotion. Malgré tout, et en dépit du métaphysicien français qui ne
cesse d’établir les différences entre Science Sacrée et religion36 (concrètement, les
abrahamiques), ils ne peuvent éviter de les identifier entre elles et de croire même que
les termes religion et Tradition sont synonymes absolus.
Inutile de préciser que ces religions sont des supports également valables pour la
réalisation intellectuelle/spirituelle, c’est-à-dire pour la Connaissance, comme l’ont
prouvé de nombreux exemples dans le passé, et elles peuvent encore aujourd’hui être
considérées comme des voies valides à condition de dépasser le plan de l’individualité,
dont elles sont les extensions plus ou moins sublimées, ce qui les force à avoir de la
déité des conceptions anthropomorphiques et historiques et à s’en considérer
propriétaires, au détriment de toute autre forme de réalisation, y compris envers
d’autres branches abrahamiques, ce qui, nous l’avons souvent répété, débouche
fatalement, l’on peut le constater, sur de confus et contradictoires mouvements
intégristes et fondamentalistes, sans le moindre amour pour la vérité ni le moindre désir
de savoir, et qui ont même tenté d’utiliser l’œuvre et la figure de Guénon au profit de
leurs petits intérêts de chapelle, limités et personnels. Ces attitudes, incongrues en
regard du discours de Guénon, sont sans nul doute étroitement liées à l’obscurantisme
et l’ignorance propres aux dernières étapes de cette fin de cycle, qui affecte toutes les
institutions, et les religieuses les premières, en raison de leurs rigides structures
dogmatiques.37

Nous faisons spécialement référence à F. Schuon et ses épigones, à la confusion entre


religion et métaphysique, et surtout à la comparaison entre les sacrements chrétiens et
l’Initiation, qui suppose que le processus de la Connaissance se trouve implicitement
dans le christianisme et dans ses rites, ce qui est nier d’une part la véritable réalité de
l’Initiation concept que Guénon souligne à plusieurs reprises dans son œuvre étendue
et auquel il attribue une importance radicale, un caractère inévitable et propre au
processus de transmutation, et d’autre part, le comparer à n’importe quel rite religieux,
donc exotérique, de cette manifestation née historiquement, avec deux autres, des
évolutions de l’émanation abrahamique qui débouchent sur le judaïsme, le
christianisme et l’Islam, c’est-à-dire sous ces formes engendrées par la loi qu’ils
déploient au travers de dogmatismes supposés, faisant passer ainsi la lettre avant
l’esprit, l’exotérique avant l’ésotérique, comme nous le savons, et excluant de cette
manière la possibilité de surmonter cette loi, propre au message implicite de ces
religions.

Niant ainsi, ou contournant, les innombrables traditions à part celles ‘du Livre’ ; nous
faisons référence rien de moins qu’à l’hindouisme, au taoïsme, à la Tradition mahayana,
ou lamaïste, au shintô zen, à la Franc-Maçonnerie, prototype de société initiatique, à la
Tradition Hermétique, à laquelle le métaphysicien français accorde la Connaissance des
Petits Mystères, à des dizaines de cultures pratiquant le chamanisme en Asie, Afrique,
Océanie et Amérique, ou à des groupes traditionnels que l’on croyait morts et
renaissent aujourd’hui avec une vitalité renouvelée, et qui sont tout simplement niés,
laissés de côté, seulement pour accepter les limitations des dites manifestations
émanant du tronc abrahamique qui, nous le savons, sont selon Guénon les uniques à
correspondre au terme religion, particulièrement au sens moderne du mot.38

NOTES
36
« Or, par là même qu'il s'agit d'ésotérisme et d'initiation, il ne s'agit aucunement
de religion, mais bien de connaissance pure et de «science sacrée », qui, pour
avoir ce caractère sacré (lequel n'est certes point le monopole de la religion
comme certains paraissent le croire à tort), n'en est pas moins essentiellement
science, ... » (Aperçus sur l'Initiation, ch. XI: « Organisations initiatiques et sectes
religieuses »). Voir l’addenda au chapitre V ‘Quelques expressions de
l’ésotérisme actuel’ où se trouve une sélection de citations de Guénon au sujet de
la différence entre Religion et Métaphysique.
37
« ... et l'unité elle-même, à son tour, n'est pas un principe absolu et se suffisant à
soi-même, mais c'est du Zéro métaphysique qu'elle tire sa propre réalité."
« L'Être, n'étant que la première affirmation, la détermination la plus primordiale,
n'est pas le principe suprême de toutes choses ; il n'est, nous le répétons, que le
principe de la manifestation, et on voit par là combien le point de vue
métaphysique est restreint par ceux qui prétendent le réduire exclusivement à la
seule ‘ontologie’ ; faire ainsi abstraction du Non-Être, c'est même proprement
exclure tout ce qui est le plus vraiment et le plus purement métaphysique. » (R.
Guénon, Les États Multiples de l’Être, ch. V: « Rapports de l'unité et de la
multiplicité »). Certains des auteurs écrivant sur la Kabbale confondent Kether
avec En Soph, ou l’y assimile en raison de son monothéisme excluant toute
éventualité qui ne soit pas comprise dans l’Être Universel, comme c’est le cas de
Léo Schaya. Cette confusion existe quasiment depuis la naissance de la doctrine
des sephiroth. Ainsi, Yosef Ghikatilla faisait également cette assimilation au XIIIe
siècle. Selon G. Scholem, ce serait dû au fait que « Le Zohar fait clairement la
distinction entre deux mondes représentant Dieu. En premier lieu, un monde
primaire, qui est le plus profondément caché de tous, imperceptible et
inintelligible pour tous sauf pour Dieu : c’est le monde du En Soph. En second lieu,
un autre monde, relié au premier, qui permet la connaissance de Dieu et duquel la
Bible dit : « Ouvre les portes pour que je puisse entrer ». C’est le monde des
attributs. En réalité, les deux mondes n’en forment qu’un, tout comme pour
reprendre une métaphore du Zohar le charbon et la flamme : le charbon existe
aussi sans la flamme, mais son pouvoir latent ne se manifeste qu’à la lumière de
celle-ci. Les attributs mystiques de Dieu sont comme des mondes de lumière dans
lesquels se manifeste la nature obscure du En Soph. » (Las grandes tendencias de
la mística judía, - Major Trends in Jewish Mysticism - Ed. Siruela, Madrid 1996, p.
230).

En tout cas, l’on compare l’Unité, première détermination, au Zéro métaphysique,


c’est-à-dire l’ontologie à la véritable matière de la Science Sacrée. Cette attitude,
qu’il n’y a rien d’autre que l’Unité, élimine aussi bien la pluralité des noms divins
que la Possibilité Suprême, qu’elle détermine en se transformant en monisme
radical.

Néanmoins, Kether, la Couronne, est sur la tête de l’Homme Universel, puisqu’elle


appartient à la fois au plan cosmique le plus élevé qu’à ce qui est au-delà de lui.

Il faut également souligner que, pour les Occidentaux d’aujourd’hui, la seule façon
de connaître En Soph passe par Kether, l’Unité, le plus grand des Symboles qui se
polarise en faisant place à la triade, c’est-à-dire aux trois Principes suprêmes,
ayant le pouvoir de déchaîner n’importe quelle manifestation dans tous les plans
ou mondes, ce qui dépasse définitivement le religieux.

Nous ajouterons que, pour l’hindouisme, cela se traduit par la différence entre
Îshwara et Brahma (voir R. Guénon, L’Homme et son devenir selon le Vêdânta,
Éditions Traditionnelles, Paris 1997) ; dans le cas du taoïsme, voir, à la fin de
l’addenda à ce chapitre, les différences entre le Tao avec nom et le Tao sans nom.
Dans la Tradition Précolombienne, cette instance de la Déité était appelée le Dieu
inconnu. (voir F. González, Le Symbolisme Precolombien : Cosmovision des
Cultures Archaïques, Ed. Kier, Buenos Aires 2003).

Pour d’autres citations analogues et non exhaustives de R. Guénon, voir


d’addenda après ces notes. Voir aussi Paul Vuillaud, La Kabbale juive, Tome I, IX.I:
« L'Infini (En-Soph)", Editions d'Aujourd' Hui, Plan de la Tour (Var) 1976.
38
Rappelons en passant que pour ceux qui ne le connaissaient pas personnellement,
Guénon était à un certain moment de sa carrière un auteur hindouiste, comme ce
fut le cas de René Daumal, entre autres, qui vivait à Paris à la même époque que
notre auteur. Gardons également à l’esprit les références de Guénon au sujet de
la Tradition hindoue et sa pureté par rapport aux autres, et sa mention qu’elle
était vivante et qu’on la considérait généralement morte comme le Taoïsme.
Actuellement, quelque critique a glissé son avis en affirmant, généralisant, qu’il
voit chez les personnes ayant été influencées par l’œuvre de Guénon des
caractéristiques propres d’origines hindoues, dont Guénon lui-même était le
porte-parole. (Nelly Emont, revue ARIES Nº 8, décembre 1988, commenté dans
SYMBOLOS Nº 1, page 185). Cet auteur a raison, sauf que l’on ignore que la même
essence est présente dans la totalité des traditions y compris les religions (jusqu’à
l’Islam, où Ibn Arabi l’exprime clairement : il établit qu’il existe entre l’Être et le
Non-Être, c’est-à-dire le Néant, un Sublime Intermédiaire qui regarde à la fois vers
l’Être et vers le Néant, ou Non-Être), bien que ce ne soit pas toujours explicite, et
dans les formes initiatiques qui ne constituent pas une religion, comme la Franc-
Maçonnerie et tant d’autres lorsqu’on les approfondit, et que l’on dépasse le
niveau de la déité créatrice prise comme dernière instance de la possibilité de
Connaître.

Le Non-Être, le véritable Infini (pour la Kabbale hébraïque : En Soph [ ], ou


Ayn [ ] = ‘Néant’, c’est-à-dire rien de ce qui pourrait être quelque chose,
l’atteste pleinement.

ÉSOTÉRISME XXIe SIÈCLE


Autour de René Guénon

CONCLUSION

Il faut en définitive considérer que cette Fin de Cycle et l’Histoire (le temps), sont
constamment modelées par le Démiurge qui produit l’Œuvre d’Art permanente, le
dessein créateur. La fin de l’Histoire est donc, sans aucun doute, la fin du temps et la
mort de ce Démiurge.

L’Histoire du monde (celle de la Création) est le développement du potentiel de la


semence, genèse qui comprend une ascension (enfance, jeunesse) et une descente
(maturité, vieillesse) et se voit couronner par une apocalypse.

Si l’on considère cette apocalypse comme le voyage post mortem de l’âme, c’est-à-
dire comme la description du processus initiatique qui transmute et donne un sens à la
Création, à l’Histoire du Monde, mais aussi à celle de l’homme, celles-ci seraient une
révélation et prendraient une nouvelle dimension, à savoir un sens ultime, qui
permettrait l'origine d'un nouveau développement.

La Tradition, c’est-à-dire l’Archétype en action, est identique à la permanente


actualisation de l’être –qui n’est jamais sorti de soi– et sa réabsorption en Lui-Même
lorsque cette Tradition s’achève et que cesse de tourner le mouvement de la Roue. Cet
instant, analogue au solstice dans l’année, moment d’arrêt et donc de simultanéité, est
la conjoncture grâce à laquelle le temps devient Éternité, le cosmique est le support du
supracosmique, et se réalisent d’autres états de l’Être Universel, et une fois ce temps
absorbé par l’espace, donne lieu à un nouveau monde, à une nouvelle humanité, conçus
par un nouveau Démiurge, grâce à sa perpétuelle réadaptation aux lois des cycles.

Le mystère de l'ensemble, qui est pour certains la culmination et le sens de leur vie, ne
doit pas ôter aux autres l’Espoir et la Foi authentique en un monde futur, virginal et
neuf, possédant la fraîcheur d’une nouvelle aurore, que nous devons atteindre au
moyen du sacrifice, voire de la souffrance qui caractérise toute recréation, après quoi la
douleur, la maladie, l’ignorance et la mort sont abolies une fois pour toutes, en même
temps que l’entrée au Paradis d’un Nouvel Âge d’Or, pour nous et pour nos semblables.

SECONDE PARTIE

QUELQUES COURANTS, AUTEURS ET ŒUVRES

Cette seconde partie présente des notes et des articles, parus dans SYMBOLOS et écrits
par moi-même, sur René Guénon, la Tradition Hermétique et la Maçonnerie –à savoir,
les voies de réalisation d'Occident– qui témoignent tout ensemble de l'orientation de la
revue et renseignent sur l'environnement ésotérique de la période 1990-2000. J'ai
préféré éditer ces notes telles quelles : les reproductions de sommaires entiers les
rendent peut-être un peu ennuyeuses mais attestent cependant chronologiquement des
thèmes, textes et idées y afférentes que publiait SYMBOLOS. (La note au sujet de la
revue Villard de Honnecourt a été réalisée conjointement avec Francisco Ariza).

CHAPITRE VII

AU SUJET DE RENÉ GUÉNON

ÉTUDES TRADITIONNELLES. Numéro spécial consacré à René Guénon, 1951. 11, Quai St-
Michel. 75005 Paris.

Sommaire: Paul Chacornac, Jean Reyor: Présentation. A. K. Coomaraswamy: Sagesse


orientale et savoir occidental. Léopold Ziegler: René Guénon et le dépassement du
monde moderne. M. Vâlsan: La fonction de René Guénon et le sort de l'Occident. Frithjof
Schuon: L'œuvre. Luc Benoist: Perspectives générales. André Préau: René Guénon et
l'idée métaphysique. Jean Thamar: Comment situer René Guénon. J. C.: Quelques
remarques sur l'œuvre de René Guénon. Marco Pallis: René Guénon et le Bouddhisme.
Paul Chacornac: La vie simple de René Guénon. Gonzague Truc: Souvenirs et
perspectives sur René Guénon. F. Vreede: In memoriam René Guénon. Mario Meunier:
René Guénon précurseur. Jean Reyor: La dernière veille de la nuit.

Nous voulons souligner que la revue Études Traditionnelles –qui s'est appelée Le Voile
d'Isis jusqu'en 1937– a été pendant plus de trente ans la tribune de Guénon et de ceux
qui rejoignaient sa pensée, bien qu'il ne l'ait jamais dirigée directement. C'est pour quoi
nous devons reconnaître à Études Traditionnelles sa valeur et son importance en tant
que moyen de diffusion de la pensée de Guénon durant cette longue période. Ce
numéro de 160 pages a été le premier hommage rendu à Guénon, car il fut publié six
mois après sa mort, ce qui nous permet de croire que certaines idées s'y sont définies,
créant ainsi de l'homme et de son œuvre une “image” qui a en quelque sorte
conditionné pendant un certain temps ce que l'on nomme le mouvement “guénonien”.
Nous nous référons notamment à toutes ces idées concernant le Catholicisme, le
Christianisme, la Franc-Maçonnerie, et plus particulièrement l'Islam. Pour certains des
intervenants (par exemple Schuon, Pallis, Reyor, Chacornac), il semblerait plutôt que cet
hommage posthume leur ait donné une inestimable opportunité de “parler pour eux”,
et de s'ériger en quelque sorte en références quasi obligatoires pour comprendre
l'œuvre du grand métaphysicien. Cela s'est avéré, un cas récent en est la preuve, être
une illusion pure et simple. Suivent nos commentaires sur certains articles.

Perspectives Générales. Luc Benoist.


Luc Benoist, auteur entre autres des livres Art du Monde et La Cuisine des Anges,
signale dans son article que toute l'œuvre de Guénon part du point de vue central et
synthétique, c'est-à-dire métaphysique, « celui qui comprend tout sans rien supprimer,
qui permet l'économie de la mémoire et de l'effort, qui aide l'invention et la
découverte, qui facilite la liaison entre les disciplines les plus étrangères, le point de vue
des principes qui unissent les idées et les hommes ».. Et plus loin : « A cette idée de
centre est intimement lié l'idée de germe [donc du plus petit]... celui qui contient déjà
dans sa mystérieuse complexité tous ses développements ultérieurs. L'idée de germe
emporte avec elle l'idée de liaison avec son origine, donc celle de tradition ». Cela fait
que la possibilité d'accéder à la Tradition, au centre, soit plus proche que ce que nous
pensons en réalité, car elle est contemporaine de la vie et de l'homme lui-même ou, ce
qui revient au même, du temps et de l'histoire, bien que la Connaissance que soutient
et révèle la Tradition, essentiellement verticale, échappe aux conditionnements propres
à la vie, à l'homme (individuel ), au temps et à l'histoire, qui ne sont que ses reflets
horizontaux et qu'elle englobe néanmoins, car l'Infini ne nie pas le fini. Mais la
métaphysique n'est pas un point de vue parmi d'autres, sinon ce qui, bien que se
rapportant au véritablement inexprimable et mystérieux, est cependant ce qui donne
réalité à toutes choses, quelles qu'elles soient, ce qui permet en effet l'éclosion de ce
germe dans l'être et le complet développement de toutes ses possibilités. S'il n'en avait
pas été ainsi, Guénon n'aurait jamais écrit son œuvre, et la Tradition n'aurait aucun
sens, car ce qu'elle transmet est précisément l'Idée (l'Être) de l'Inconditionné et, à partir
de là, grâce aux supports symboliques véhiculés par cette Idée, le “chaos” de ces
possibilités commencera à s'ordonner, premier pas nécessaire pour accéder à l'état
réellement Inconditionné et à l'Identité Suprême, ce qui, comme le dit Guénon dans La
Métaphysique Orientale, « bien loin d'être une sorte d'anéantissement comme le
croient quelques Occidentaux, cet état final est au contraire l'absolue plénitude, la
réalité suprême vis-à-vis de laquelle tout le reste n'est qu'illusion. »
Nous pensons que toute l'œuvre de Guénon est intimement mêlée à cette idée, bien
qu'en quelques occasions, par ailleurs nécessaires à des fins d'éclaircissement, il ait fallu
qu'elle traite de thèmes appartenant davantage au domaine de l'éventuel et du relatif,
comme dans le cas de ses travaux dénonçant les déviations et les erreurs du monde
moderne, de l'occultisme, de la théosophie et du spiritisme, dans lesquels il a cependant
toujours introduit des connaissances de la doctrine, car dans le cas contraire ils
n'auraient pas dépassé la simple critique, plaçant donc ces déviations à la place exacte
qui leur correspond au sein de l'ensemble de l'ordre total et universel.

Benoist divise l'œuvre de Guénon en quatre parties principales. Dans la première, il


place précisément La Théosophie, histoire d'une pseudo-religion et L'Erreur Spirite, ainsi
que ses divers articles sur le néospiritualisme moderne. En rapport avec ce que nous
avons noté précédemment, Benoist signale que « en dehors de leurs valeurs négatives,
ces ouvrages contiennent en contre-partie des enseignements très positifs. L'Erreur
Spirite surtout possède des chapitres et des pages sur les états posthumes, les
différences existant entre réincarnation, transmigration et métempsychose, des
définitions capitales, qu'il serait impossible de trouver ailleurs. ». Dans ses livres
“critiques”, Benoist place également Principes du Calcul Infinitésimal, « puisqu'en
somme, le point de vue y reste le même. L'erreur spirite et le pseudo-infini
mathématique dérivent l'une et l'autre de la même incapacité de conception à l'égard
du véritable infini et de la possibilité universelle. »

La deuxième partie comprend les œuvres dans lesquelles il expose « les raisons du
désordre actuel et les conditions purement spirituelles d'un redressement. » Il s'agit de
Orient et Occident, La Crise du Monde moderne, Autorité spirituelle et pouvoir temporel,,
et enfin Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps. De toutes ces œuvres, Benoist
se centre spécialement sur la dernière, car elle ferme en quelque sorte les travaux
consacrés au « domaine des applications historiques. » En effet, Le Règne de la Quantité
est un livre extrêmement important et indispensable à la compréhension de la
symbolique de l'histoire (c'est-à-dire l'histoire sacrée) et des cycles cosmiques,
considérés comme l'expression des principes d'ordre universel, les premiers desquels,
en ce qui concerne l'origine même de la manifestation cosmique, sont Purusha et
Prakriti, que Guénon assimile à l'Essence et la Substance primordiales, les deux pôles,
spirituel et réflexif, entre lesquels se situe l'ensemble de tous les degrés d'Existence
universelle. Dans l'ordre humain et de notre monde, ces deux principes s'appliquent
respectivement à la qualité et à la quantité. À l'origine de l'actuel cycle humain (le
Manvântara), c'est-à-dire au “Paradis Terrestre”, l'essence et la qualité régnaient
partout, car tout était sous l'influence directe du pôle spirituel, et c'est le
développement cyclique et historique à partir de cette origine qui s'en est lentement
éloigné, ce qui est pris comme une progressive “solidification” ou une “chute” graduelle
en direction du pôle substantiel et quantitatif qui est placé à l'extrême opposé de toute
spiritualité, et c'est précisément là que nous nous trouvons actuellement. Benoist nous
dit cependant que, pour Guénon « la solidification du monde se présente, nous dit René
Guénon, sous un double sens : considérée en elle-même, dans un fragment de cycle,
elle a évidemment une signification 'défavorable' et même 'sinistre', opposée à la
spiritualité. Mails d'un autre côté elle n'en est pas moins nécessaire pour préparer les
résultats du cycle sous la forme de la 'Jérusalem céleste', [résultats qui représentent la
“cristallisation” positive et transmutée du meilleur du cycle] où ces résultats
deviendront les germes du cycle futur. Seulement pour que cette fixation devienne une
restauration de 'l'état primordial', il faut l'intervention d'un principe transcendant [qui
s'appelle le Kalki Avatâra dans la tradition hindoue et “le second avènement du Christ
ou du Messie” dans le judéo-christianisme] Cette intervention produit le retournement
final et amène la réapparition du 'Paradis terrestre' », réapparition, ajouterons-nous,
qui n'appartient déjà plus à notre actuel Manvântara sinon au suivant, dans lequel il y
aura, selon l'Apocalypse, « de nouveaux cieux et une nouvelle terre ».

La troisième division de Benoist contient surtout les nombreux articles que Guénon a
consacrés aux traditions occidentales, spécialement celles dérivées de l'ésotérisme
chrétien (comme les ordres de chevalerie, le Temple, les légendes sur le Saint Graal, la
Fede Santa ou les Fidèles de l'Amour, etc.). L'Ésotérisme de Dante et Le Roi du Monde
appartiennent également à cette dernière catégorie, bien que nous soyons d'avis que ce
serait plutôt la première de ces œuvres qui se rapporte le plus directement à la tradition
occidentale. Naturellement, sont aussi inclus les articles sur le Compagnonnage, et
surtout sur la Franc-Maçonnerie, qui formèrent par la suite deux épais volumes : Études
sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage.

La quatrième et dernière division, toujours selon Benoist, comprend « la partie la plus


positive et la plus riche, qui expose avec une clarté inattendue la véritable
métaphysique orientale. » Il s'agit de l'Introduction Générale à l'Étude des Doctrines
Hindoues (son premier livre publié), L'Homme et son Devenir selon le Vêdânta, Le
Symbolisme de la Croix, Les États Multiples de l'Être, et La Grande Triade, cette dernière
œuvre se centrant plus précisément sur la métaphysique et la cosmogonie taoïste bien
qu'elle fasse de nombreuses références au symbolisme alchimiste, hermétique et
maçonnique. Après une brève révision du contenu de tous ces livres, Benoist considère
que Les États Multiples de l'Être est le plus original de toute l'œuvre de Guénon,
affirmant qu'il « se place davantage au-dessus de toutes les traditions ». Les États
multiples « constituent la pièce maîtresse, la clef de voûte de l'œuvre guénonienne,
celle dont aucune autre ne. peut donner l'équivalent, et qui au contraire est nécessaire
à la parfaite compréhension de tous les autres. Il s'agit de l'élucidation la plus complète
qui ait jamais été donnée de la géographie de l'invisible, de l'Infini, du Non-Être et du
Possible, de toute la complexité des hiérarchies spirituelles. »

Enfin, Benoist parle de l'importance du symbolisme dans l'œuvre “guénonienne”, qui


« constitue en fait la base même de l'édifice. » Il ne le dit pas, mais l'on pourrait prendre
en compte ici les nombreux articles écrits par Guénon sur les symboles universels,
presque tous recueillis par la suite dans Symboles Fondamentaux de la Science Sacrée,
livre qui est devenu indispensable pour comprendre non seulement Guénon mais aussi
la nature et le message de la Tradition.

Pour notre part, nous voudrions ajouter que, à toutes les divisions établies par
Benoist, manquent les études consacrées à l'initiation, qui occupent selon nous une
place capitale dans la pensée de Guénon, et sont en outre directement liés à l'idée de
réalisation, à laquelle conduit nécessairement l'étude de son œuvre. Rappelons, par
exemple, les Aperçus sur l'Initiation, et les articles écrits au cours de plusieurs années
qui ont été regroupés sous le titre de Initiation et Réalisation Spirituelle.

La dernière veille de la nuit. J. Reyor.


Un hommage à la mémoire de Guénon où la chaleur humaine n'est pas absente –au
contraire de la note de Schuon–, et certaines considérations importantes, mais où Jean
Reyor a-t-il pris que la “nécessité” de l'exotérisme joue un rôle si important dans
l'œuvre de Guénon ? Cette observation extraordinaire fondée seulement sur un article
de Guénon (voir chapitre IV) en quelque sorte indépendant du reste de son œuvre, a
marqué néanmoins une grande partie des écrits et de la vie de Reyor, directeur à ce
moment de Études Traditionnelles, et a même révélé une attitude propre à certains
“guénoniens” attirés par ce qui est “officiel” et un besoin littéral d'une sécurité
fallacieuse, c'est-à-dire par une crainte profonde de la métaphysique et de l'éventualité
du non-humain. Un refus de l'inconnu mis en évidence par un attachement égotiste au
connu, ce qui nie purement et simplement le symbole, son pouvoir médiateur et de
transmutation.

*
* *

RENÉ GUENON. Éditions de l'HERNE. Paris 1985. 459 pp. Dirigé par Jean-Pierre Laurant
avec la collaboration de Paul Barba-Negra.

SOMMAIRE: Jean-Pierre Laurant: Avant-propos: "Nous ne sommes pas au monde...";


Jean-Pierre Laurant: Repères biographique et bibliographiques; René Guénon: Poèmes
de jeunesse; LA CRISE DU MONDE MODERNE: Jean Biès: René Guénon, héraut de la
dernière chance; Michel Michel: Sciences et tradition, la place de la pensée traditionnelle
au sein de la crise épistémologique des sciences profanes; Victor Nguyen: Guénon,
l'ésotérisme et la modernité; Daniel Cologne: Puissance et spiritualité dans le
traditionalisme intégral; Jean Robin: Le problème du mal dans l'œuvre de René Guénon;
René Guénon: Extraits de lettres à Hillel; DES SOURCES POUR SAVOIR?: Nicolas Séd: Les
notes de Palingénius pour "l'Archéomètre"; Jean Reyor: De quelques énigmes dans
l'œuvre de René Guénon; Pierre Grison: L'Extrême-Asie dans l'œuvre de René Guénon;
L'AXE DOCTRINAL: Giovanni Ponte: Réflexions à la lumière de l'œuvre de Guénon
concernant l'unité principielle, l'ésotérisme, l'exotérisme et les risques de la voie
initiatique; Alain Dumazet: Métaphysique et réalisation; Alain Gouhier: La réponse à
Henri Massis, une aventure inachevée; André Conrad: L'indifférence et l'instant, lecture
d'un chapitre des "États multiples de l'Être"; Yves Millet: René Guénon contre les
Messieurs de Port Royal; René Guénon: Lettre à A. K. Coomaraswamy; Olivier de
Frémond: Une lettre à René Guénon; LE SYMBOLISME TRADITIONNEL: Jean Borella: Du
symbole selon René Guénon; Roger Payot: Réflexions philosophiques sur le symbolisme
selon Guénon; René Guénon: Extrait d'une lettre à Jean Reyor; LIEUX DE RENCONTRE ET
POINTS D'AFFRONTEMENTS: Mircea Éliade: Un autre regard sur l'ésotérisme: René
Guénon; François Chenique: A propos des "États multiples de l'être" et des degrés du
savoir: quaestiones disputatae; Jean Hani: René Guénon et le christianisme. A propos du
"Symbolisme de la croix"; Portarius: Sur la possibilité d'un ésotérisme dans le
christianisme; Christophe Andruzac: Note sur la diversification des voies spirituelles;
Denys Roman: Les cinq "rencontres" de Pierre et de Jean; Denys Roman: Note
additionnelle sur le Saint-Empire; Édouard Rivet: René Guénon franc-maçon; René
Guénon: Extraits de deux lettres à R.P.; Jean Pierre Schnetzler: René Guénon et le
bouddhisme; René Guénon: Une lettre à A. K. Coomaraswamy; Marco Pallis: Une lettre à
J.-P. Laurant; Catherine Conrad: Guénon et la philosophie; Frithjof Schuon: Note sur
René Guénon; René Guénon: Lettre à F. Schuon; René Guénon: Trois lettres à propos de
l'initiation féminine; UNE LENTE IMPRÉGNATION: Eddy Batache: René Guénon et le
surréalisme; Pierre Alibert: Albert Gleizes-René Guénon: Frédérick Tristan: Extraits du
Journal; Luc Benoist: Lettre à Jean Paulhan; René Guénon: Deux lettres au peintre René
Burlet; Jean Borella: Georges Vallin, 1921-1983; François Chenique: La vie simple d'un
prêtre guénonien: l'abbé Henri Stéphane; Gaston Georgel: Ce que je dois à René Guénon;
ENTRETIENS: Entretien avec Jean Tourniac; Entretien avec Emilie Poulat; COMMENTAIRE
DES ILLUSTRATIONS: René Guénon: Lettres à Hillel; Lettres à F. G. Galvao; Lettre à Julius
Evola

Science et tradition. Michel Michel.


Du point de vue concret où il est placé, cet écrit est très intéressant et précise dans
une large mesure la pensée de Guénon sur les sciences profanes en général et en
particulier les connexions ou ponts qui peuvent exister entre sa pensée et les concepts
des sciences et techniques actuelles, qui ont tellement changé depuis le temps où
Guénon écrivait son œuvre. Dans la première partie, il décrit les critiques, évidentes
aujourd’hui encore que la vulgarisation scientifique, et pas seulement la vulgarisation,
continue d’insister à ce sujet sur les méthodes scientifiques basées fondamentalement
sur l’expérimentation, l’empirisme, la spécialisation et les statistiques des sciences
"naturelles" et appliquées, et la confusion de chercheurs récents qui refusent la propre
instrumentation scientifique, comme c’est le cas de l’épistémologiste Karl popper. L’on
a souligné auparavant le rôle octroyé par Guénon à l’arithmétique et à la géométrie,
sciences traditionnelles et véhicules de connaissance, et l’erreur des scientifiques qui,
croyant traiter directement de la réalité des phénomènes observés, ne se réfèrent en
fait qu’à la description de ces phénomènes au moyen d’une traduction, par ailleurs
marquée historiquement, c’est-à-dire soumise aux circonstances de temps, et même de
lieu ; c’est un fait notoire à l’époque de Guénon et en Europe en général, en raison de
l’influence de la mécanique, qui a son origine chez Descartes et de laquelle découle un
type de pensée trouvant son accomplissement social dans la révolution industrielle, et
s’infiltre et marque toutes les sciences, y compris les "sciences humaines", que l’auteur
prend aussi en compte, comme la sociologie, la psychologie, l’histoire, etc. Nous
partageons également avec lui la critique qu’il fait au grand métaphysicien français de
ne pas avoir prêté davantage d’attention à l’anthropologie, et spécialement aux peuples
primitifs ou archaïques comme sociétés traditionnelles encore vivantes aujourd’hui, et
que Guénon décrit dans certains cas comme des dégénérescences d’une connaissance
ancestrale. Sur ce sujet, entre autres, l’auteur pense que cela serait dû au
conditionnement propre à l’époque où Guénon vécut et travailla, à son cadre de
référence.

Il fait également remarquer que l’attitude de Guénon et de beaucoup de "guénoniens"


au sujet du plan intermédiaire, en cela qu’il le nie puisqu’il ne s’agit pas du monde
réellement spirituel, est une tentative d’affirmer le caractère primordial de l’origine non
humaine de la manifestation, au détriment de la psychologie profonde et de la réalité
du plan imaginaire. Il va de soi qu’un travail comme celui-ci, en soi extrêmement
condensé, ne peut être synthétisé en quelques lignes, car il contient de nombreuses
allusions et suggestions et que l’on y traite, d’une manière directe ou plus voilée, de
bien des choses devant être des motifs de réflexion et de méditation pour l’homme
contemporain, dont nous sommes aussi. Nous considérons en tout cas plus enrichissant
un travail de ce type que les controverses théologiques et de philosophie religieuses sur
lesquelles ont débouché nombre de "guénoniens".

Du symbole selon René Guénon. Jean Borella.


Cette étude débute par une intéressante analyse de l’œuvre de Guénon, qu’il divise en
cinq parties : critique du monde moderne, tradition, métaphysique, symbolique et
réalisation spirituelle. Tradition, métaphysique et symbolique constituent le triangle
d’assise des pyramides, dont le pôle le plus bas correspond à la critique du monde
moderne et aux réformes de la pensée profane, et le pôle le plus haut, logiquement, à la
réalisation.

Il poursuit en traitant du symbole en tant qu’intermédiaire entre différents plans de


l’Être universel et comme unité manifeste et synthétique du connaissable, et aborde
quelques théories modernes sur le symbole, en particulier le structuralisme qui,
décomposant analytiquement le symbole en des unités différenciées qui ne
s’interprètent pas mais se constatent, ainsi que les "mythologies", nient la raison d’être
du symbole, qui est le trait d’union entre les parties d’un tout. Les considérations qui
suivent, se fondant sur l’œuvre de Guénon, éclairent certains concepts comme
correspondance et analogie, mettant l’accent sur l’analogie inverse.

Réflexions philosophiques sur le symbolisme selon Guénon. Roger Payot.


Dans cet article intéressant et évocateur, l’auteur tente de rapprocher le point de vue
philosophique et scientifique sur la fonction du symbole (citant divers auteurs comme
André Leroi-Gourhan, Ernst Cassirer, Husserl, et même Kant), de la position sur ce sujet
soutenue tout au long de son œuvre par Guénon. Néanmoins, Roger Payot parvient
rapidement à la conclusion que ce rapprochement n’est possible qu’à un certain niveau
(celui des analogies qu’établissent les possibilités du langage et de la raison), au-delà
duquel se trouve le domaine proprement dit ontologique et métaphysique où nous
projette le symbole grâce au pouvoir de synthèse qu’il génère, et qui échappe
évidemment à l’analyse discursive. C’est la différence qu’il y a entre l’horizontale et la
verticale : elles coexistent ensemble, mais la première n’est que le reflet de la seconde.
Rappelons ces mots de Guénon, cités par l’auteur : « Le rôle des symboles est d'être le
support de conceptions dont les possibilités d'extension sont véritablement illimitées, et
toute expression n'est elle-même qu'un symbole; il faut donc toujours réserver la part
de l'inexprimable qui est même, dans l'ordre de la métaphysique pure, ce qui importe le
plus. »

***

Il faut par ailleurs faire l’éloge de la réalisation d’une publication aussi complète que
celle des Cahiers de l’Herne au sujet de Guénon, en particulier en ce qui concerne les
documents, lettres et même poèmes de jeunesse.

*
* *

RENÉ GUÉNON. Les Dossiers H. L’Âge d’Homme, Lausanne. 1984. 324 pp. Dirigé par
Pierre-Marie Sigaud.

SOMMAIRE: Pierre-Marie Sigaud: Prologue; OUVERTURE: Jean Tourniac: Nouvelles


réflexions sur l'œuvre de René Guénon; André Coyné: L'œuvre de Guénon dans la seule
perspective qui l'explique; Frithjof Schuon: Quelques critiques; ETUDES: Gérard de
Sorval: Jalons pour situer la tradition catholique face à l'œuvre de René Guénon; Jean
Borella: Gnose et gnosticisme chez René Guénon; Marie-Madeleine Davy: Remarques
sur les notions d'ésotérisme, de métaphysique et de tradition envisagées dans leur
rapport avec le christianisme; Jean Hani: La contribution de René Guénon à l'intelligence
de l'Art Sacré: l'exemple de l'Icône de la Nativité; Alain Daniélou: René Guénon et la
tradition hindoue; Françoise Le Roux et Christian-J. Guyonvarc'h: René Guénon et les
études celtiques; Marco Pallis: "Le Roi du Monde" et le problème des sources
d'Ossendowski; CONTRE CULTURE: Walter Heinrich: Guénon et la Méthode
Traditionnelle; Francisco García Bazán: Champ d'application de la doctrine
métaphysique; Victor Nguyen: Maistre, Maurras, Guénon: contre-révolution et contre-
culture; René Alleau: De Marx à Guénon: d'une critique "radicale" à une critique
"principielle" des sociétés modernes; LECTURES: Frédérick Tristan: Réflexions sur René
Guénon (Extraits inédits du Journal de Frédérick Tristan). Michel Le Bris: Pour en finir
avec les guerres de religion (notes); Eric Ollivier: La porte du rêve; F. J. Ossang: Via
Guénon, sous le signe du feu; Philippe Trainar: Eloge; Bruno de Panafieu: René Guénon,
in memoriam; Aldo Ciccolini: Entretien; RECEPTIONS CRITIQUES: León Daudet: Compte-
rendu d'Orient et Occident (1924); Roger Gilbert-Lecomte: Compte-rendu de La Crise du
Monde Moderne (1928); René Daumal: Encore sur les livres de René Guénon (1929);
André Bretón: René Guénon jugé par le Surréalisme (1953); André Gide: Extrait du
Journal (1943); Henri Bosco: Entretiens en pays d'Islâm (1951); Michel Deguy: Guénon
et la "Science Sacrée" (1963); CORRESPONDANCE: René Guénon: Lettres a Pierre
Germain, Nöelle Maurice-Denis, R. Martínez Espinosa, F. G. Galvao, Eric Ollivier;
CHRONOLOGIE; BIBLIOGRAPHIE: Aymon de Lestrange; NOTES SUR LES AUTEURS.

L’édition de ce volume (de 322 pages grand format) représente sans aucun doute un
effort, bien qu’elle n’aie pas été bien accueillie par divers groupes "guénoniens" car,
selon certains, elle semblerait davantage une critique de la pensée de Guénon qu’un
hommage. Nous ne partageons pas ce critère. Nous indiquerons plus bas quelques
collaborations. Ce dossier a été conçu par Pierre-Marie Sigaud.

Gnose et gnosticisme chez René Guénon. Jean Borella.


L’auteur croit que jusqu’à 1912, année de son entrée dans l’Islam, rien de ce que
Guénon a écrit dans la publication La Gnose et autres media n’est digne de valeur, y
compris son magistral travail sur le Démiurge, et pour le prouver, il s’étend dans une
interminable discussion théologique et philosophique, étalant une inutile érudition
spéculative qui prétend démontrer ce qui est clair dans le reste de l’œuvre de Guénon,
en particulier dans Les États Multiples de l’Être et L’Homme et son devenir selon le
Vêdânta, et narre certaines "anecdotes" de sa vie et de son œuvre, auxquelles
pourraient d’ailleurs en être opposées d’autres tout aussi effectives et ne conduisant à
rien. Quelles sont les intentions de Borella dans cet article et d’autres du même genre
où, faisant étalage de ses connaissances de professeur et basochien, il ne fait que jeter
de la poudre aux yeux pour n’arriver à rien ? D’un autre côté, sa terminologie donne
l’impression qu’il ne croit pas que les états les plus élevés de l’être puissent être
appréhendés et expérimentés par les humains, sinon qu’il ne s’agit que de catégories
logiques d’un système philosophique fermé, de simples abstractions.

Nous ressentons pour Borella un peu la même chose que pour Schuon : nous
admirons l’intelligence, et par moments, la profondeur de pensée, et nous avons même
parfois savouré ses expressions heureuses, il faut le reconnaître, mais il s’y trouve
finalement quelque chose d’artificiel, de trop élaboré et trop habile, comme une chose
déjà connue, non seulement pour nous être abreuvés à la même source sinon pour une
situation qui nous est familière depuis notre jeunesse, un goût de léger orgueil
intellectuel consenti, admit et exercé, fréquent chez certains esprits religieux et
universitaires que nous avons bien connus, et totalement absent chez Guénon, car son
œuvre possède la beauté et la grandeur accablantes d’un poète rebelle, d’un
mathématicien réformateur, bien plus proche de la contre-culture que du vernis
culturel, ce qui a été remarqué par des auteurs aussi différents qu’André Gide, René
Daumal, André Breton et Antonin Artaud.

Remarques sur les notions d'ésotérisme, de métaphysique et de tradition envisagées


dans leur rapport avec le christianisme. M. M. Davy.
Un excellent travail de cet important écrivain chrétien, qui fait de son point de vue
une version équilibrée et objective de l’œuvre et de la pensée de Guénon. Elle conclut
son étude par ses mots : « René Guénon a tracé une voie dont on ne saurait
mésestimer la valeur. Elle conserve son essentialité à l'égard d'une époque donnée.
Aujourd'hui, l'homme moderne tend à se libérer du poids non seulement des
institutions, mais de certaines manières de voir et de vivre les traditions. (...)
Aujourd'hui, l'homme est invité à s'adresser à son propre maître intérieur dans le
mystère de sa propre dimension de profondeur. »

"Le Roi du Monde" et le problème des sources d'Ossendowski. Marco Pallis.


Au bout de près de quarante ans à publier la même chose, l’auteur continue d’insister
sur la question des termes Agartha et Shambala, dans le but de diminuer l’autorité de
Guénon.

De Marx à Guénon: d'une critique "radicale" à une critique "principielle" des sociétés
modernes. René Alleau.
C’est un exposé inhabituel et très intéressant que celui de cet article qui compare la
pensée de Guénon et celle de Marx, comme deux façons de voir l’Histoire et la vie en
général, y compris la critique du travail dans la société moderne.

Nous voulons aussi attirer l’attention, dans ces "Dossiers", sur la bibliographie de
toutes les œuvres en français de Guénon, ainsi que sur les traductions en plusieurs
langues de quelques-unes d’entre elles anglais, allemand, portugais, espagnol, italien et
suédois. L’on y trouve également le détail de toutes les œuvres écrites par différents
auteurs sur Guénon, ou qui ont d’une façon ou d’une autre fait référence à son œuvre
et à sa vie, ce qui nous donne un total de cinquante-cinq, jusqu’à l’année de publication
de ces Dossiers (1984). Idem pour les numéros spéciaux de revues et, enfin, les
multiples articles parus au long des années et consacrés au grand métaphysicien
français. Et, pour finir, nous signalerons des notes sur les auteurs ayant participé à ce
volume monographique.

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L'ÂGE D'OR: Spiritualité et Tradition. Revue trimestrielle. Editions Pardès, B.P. 47,
45390 Puiseaux. France. 1986-87. 151 pp. Rédacteur en chef: Georges Godinet.
Numéro spécial, René Guénon.

SOMMAIRE: Avertissement; Julius Evola: René Guénon et la «scolastique» guénonienne;


J. E.: Le «don des langues»; J. E.: Sous prétexte de conquérir la Terre, l'homme a rompu
tout contact avec la réalité métaphysique; Un entretien avec Henry Montaigu, pour son
livre "René Guénon ou la mise en demeure": «René Guénon n'est pas venu pour
conserver le vieux-vieux monde en décomposition, mais pour nous rendre les principes
intangibles en vue du renouvellement total de tout», (Entretien réalisé par David
Gattegno); Pierre et Jean-Louis Grison: Deux aspects de l'œuvre de René Guénon;
Claudio Mutti: René Guénon et le «préjugé classique»; Chantal Étienne: René Guénon:
étude astrologique; Une lettre de René Guénon à Noèlle-Maurice Denis-Boulet, du 19
décembre 1918 (extraits); Daniel Frot: René Guénon, «témoin à charge» de la crise du
monde moderne (recension de: Charles-André Gilis, "Introduction à l'enseignement et
au mystère de René Guénon"); D. F.: Une vision «hiératique» de René Guénon
(recension de: Jean Robin, "René Guénon, Témoin de la Tradition"); Jean-Marie Balcet:
Pour rendre hommage à René Guénon (Recension de: Cahier de l'Herne sur René
Guénon); Roberto Bigliardo: Tradition et Civilisation (recension de: Piero Di Vona, "Evola
e Guénon, Tradizione e civiltà"); Jean Bernachot: René Guénon et la renaissance du
sacré; Patrick Jauffrineau: Les journées traditionnelles de Reims.

Dans son propre éditorial, la direction de la revue explique que la publication de ce


numéro extraordinaire consacré à Guénon en raison du centième anniversaire de sa
naissance, poursuit fondamentalement deux objectifs : offrir aux lecteurs intéressés
par l’œuvre de Guénon des informations complémentaires, et résumer et rendre
témoignage de l’un des principaux colloques développés en commémoration du
centenaire de l’auteur.

De ce numéro spécial, nous soulignerons les trois collaborations présentées par J.


Evola, ésotériste italien qui diffère de Guénon sur quelques points, en particulier en ce
qui concerne la Franc-Maçonnerie ; il commence son premier article en disant :
« Indéniablement, René Guénon doit être considéré comme un Maître de notre temps.
Ses contributions à la critique du monde moderne, à la compréhension du ‘monde de la
Tradition’, des symboles et des enseignements métaphysiques ont une valeur
exceptionnelle. » Si nous ne pouvons être d’accord sur certains points de vue d’Evola,
nous devons reconnaître la qualité générale de son œuvre, sa contribution à
l’ésotérisme occidental et le sérieux que l’auteur apporte à son travail. Pour terminer
cette mention sur J. Evola, nous citerons un autre fragment de son article «René
Guénon et la «scolastique» guénonienne» : « Il convient enfin de faire justice de ce
qu'écrivit un jour Guénon dans un article malheureux intitulé ‘Nécessité d'un
exotérisme traditionnel’, où il offrait sur un plateau de dangereux encouragements et
alibis à un conformisme frileux et petit-bourgeois. Ils feraient bien, nos ‘premiers de la
classe’, d'approfondir la véritable signification de ce qu'on a appelé la Voie de la Main
Gauche, voie qui possède un caractère non moins traditionnel que celle de la Main
Droite, mais présente, en outre, l'avantage de mettre parfaitement en relief la
transcendance propre à toute réalisation et à toute aspiration vraiment initiatiques. Le
‘guénonisme’ abstrait et intellectualisé, celui de simples ‘centres d'études’, peut certes
l'ignorer ; mais la fracture entre les formes de la vie extérieure et les résidus du
traditionalisme exotérique, d'une part, et, d'autre part, toute possibilité d'orientation
transcendante cette fracture est désormais, selon nous, trop profonde et
irréversible. »

Remarquable aussi l’interview faite à Henry Montaigu, disparu il y a deux ans.


Montaigu, éditeur et directeur de la revue La Place Royale émet dans cette interview,
avec son habituel lyrisme passionné, d’intéressantes considérations sur l’œuvre de
Guénon.

À souligner également le texte des frères Grison, intitulé « Deux aspects de l’œuvre
de René Guénon ».L’article est long, et les deux aspects pris en compte sont Le
Message de l’Asie et Pour un christianisme traditionnel.

Dans la première partie du Message de l’Asie, les frères Grison reprennent un bon
nombre de citations du livre Orient et Occident pour identifier les aspects occidentaux
qui se sont détachés de l’idée de Principe à partir du XIVe siècle, constatant que cette
déviation "moderne" vers la périphérie a défiguré l’être individuel au nom d’une
hallucination collective qui, comme le dit Guénon, prend les plus vaines chimères pour
d’incontestables réalités. Ils poursuivent en portant clairement sur les relations entre
Non-Être et Être, et font une brève et fluide introduction à la métaphysique orientale et
à l’idée intégrale de la connaissance en tant que science des sciences.

La deuxième partie, Pour un christianisme traditionnel s’avère extraordinaire et pleine


de considérations sur l’ésotérisme médiéval, avec de très intéressantes références à
Pythagore, Dante, Ibn Arabi, Saint Bernard et tous les ordres de chevalerie de l’époque.
Nous voulons rapporter une phrase qui le résume en partie : « l'ésotérisme véritable
est tout autre chose que la religion extérieure, et, s'il a quelques rapports avec celle-ci,
ce ne peut être qu'en tant qu'il trouve dans les formes religieuses un mode
d'expression symbolique ». Ils constatent également la déviation qui se produisit à la
fondation de la Grande Loge d’Angleterre, créée en 1717 par les pasteurs protestants
Anderson et Desaguliers dont le grade maçonnique était celui de compagnon et qui
instaurèrent une maçonnerie dont les auteurs se demandent si elle ne naquit pas
incomplète, par la propre vérité des grades initiatiques.

A souligner aussi, la clarté de l’exposition sur le OM et la source de méditation


ésotérique qu’il constitue et l’universalité réellement implicite dans le christianisme
traditionnel.

Les frères Grison, importants collaborateurs de la revue Études Traditionnelles et du


Dictionnaire des Symboles Chevalier-Gheerbrant, nous amènent à travers cet
extraordinaire article à toute une réflexion sur l’histoire sacrée d’Occident.

*
* *

RENE GUENON ET L'ACTUALITE DE LA PENSEE TRADITIONNELLE. Actes du Colloque


International de Cerisy-La Salle: 13-20 Juillet 1973. Editions du Baucens, Belgique 1977. 333
pp. Dirigés par René Alleau et Marina Scriabine.
SOMMAIRE: Nadjmoud-Dine Bammate: Discours inaugural; René Alleau: Introduction;
Discussion; Jean Pierre Laurant: Sources historiques de la pensée de Guénon, Discussion
(avec la lecture d'un texte de Gabriel Asfar: Guénon et l'Introduction générale à l'étude des
doctrines hindoues Héresies et vérités; 1re Table ronde: Témoignages sur René Guénon;
Jean Tourniac: Réflexions sur l'œuvre de René Guénon, Discussion; Philippe Lavastine: Tri-
Varga (Les Trois Valeurs); Nadjmoud-Dine Bammate: René Guénon et L'Islam, Discussion; 2e
Table ronde: Le Soufisme; Robert Amadou: René Guénon et le Soufisme; Max Lejbowicz:
Essai d'une approche astrologique de René Guénon, Discussion; Jean Baylot: René Guénon
et la Franc-maçonnerie, Discussion; Bernard Guillemain: René Guénon et le symbolisme
maçonnique, Discussion; 3e Table ronde: L'Initiation (avec lecture d'un texte de Gaston
Georgel); Maurice de Gandillac: L'homme et le monde dans le Corpus hermeticum,
Discussion; 4e Table ronde: Le Symbolisme (avec un communication de Pierre Narcollier:
Réflexions sur la voie symbolique selon René Guénon); 5e Table ronde: Les Sciences
traditionnelles (avec lecture d'un texte de Frans Vreede: Science moderne et initiation
actuelle); 6e Table ronde: René Guénon et le Catholicisme (avec lecture de textes de Gaston
Georgel et de François Chenique); Marina Scriabine: Contre-initiation et contre-tradition,
Discussion; René-Marie Burlet: Art et tradition (débat avec projections); 7e Table ronde: Le
Roi du monde (avec des exposés de René Alleau et Philippe Lavastine); Jean Hani: René
Guénon et la politique, Discussion; Antoine Faivre: Démystification et remythisation,
Discussion; Gilles Ferrand: Du rôle et de quelques aspects de la jeunesse (résumé de
l'auteur), Discussion; Séance de clôture; Notes; Table des illustrations; Table des matières.

Ces colloques, ayant eu lieu du 13 au 20 juillet 1973, furent édités quatre ans plus tard
grâce à l’initiative de Marina Scriabine et Nadjmoud-Dine Bammate, le premier colloque
étant consacré à l’œuvre et à la personnalité de Guénon. Nous indiquerons quelques uns
des travaux présentés, non sans signaler auparavant la richesse des dialogues tenus après
chaque conférence qui dénotèrent l’intérêt du public pour tout ce que nous appellerons,
respectueusement, le "phénomène guénonien".

L'homme et le monde dans le Corpus Hermeticum. Maurice de Gandillac.


Cette conférence durant laquelle Guénon n’est pas même nommé est éditée sous forme
d’un texte de dix pages, commentant brièvement certains aspects des Hermética que le
Père Festugière, suivi en partie, développa en quatre épais volumes sans en terminer avec
le sujet, ce qui est courant dans ce type de travaux. De notre point de vue, nous ne voulons
pas commenter la conversation en soi, mais indiquer l’importance de l’intervention de
Monsieur Gandillac à faveur de l’incorporation des livres du Corpus Hermeticum dans un
symposium consacré à Guénon, lequel, tout en ne précisant jamais de quels "livres
hermétiques" il s’agit à l’exception du livre d’Hénoch, s’y réfère à deux reprises dans
Formes Traditionnelles et Cycles Cosmiques, dans son étude "Le Tombeau d’Hermès", où « il
est dit qu'Idris ou Hénoch écrivit de nombreux livres inspirés, après qu'Adam lui-même et
Seth en avaient déjà écrit d'autres; ces livres furent les prototypes des livres sacrés des
Égyptiens, et les Livres hermétiques plus récents n'en représentent en quelque sorte qu'une
‘réadaptation’, de même aussi que les divers Livres d'Hénoch qui sont parvenus sous ce
nom jusqu'à nous. » Et dans une note de l’étude appelée "Hermès" « Ne faudrait-il pas
conclure ... que le Livre d'Hénoch, ou du moins ce qui est connu sous ce titre, doit être
considéré comme faisant partie intégrante de l'ensemble des ‘livres hermétiques’ ? » Ces
brèves références de Guénon suffiraient pour croire que s’y insinue une voie de recherche,
puisqu’il s’agit de textes sacrés et donc réellement traditionnels dérivés de l’Égypte
hellénistique, et même de certains livres gnostiques, en dépit de la méfiance de Guénon
envers le gnosticisme.
Durant le débat qui suivit apparurent néanmoins divers interlocuteurs qui énoncèrent de
curieuses opinions sur ce sujet, parmi lesquels René Alleau se fit remarquer en manifestant
qu’il fallait faire la différence entre l’hermétisme du Corpus Hermeticum et l’hermétisme de
la Renaissance, et dit par la suite que le Corpus Hermeticum était une sorte de mélange,
une théosophie syncrétique à la Madame Blavatsky.

La découverte des textes de la Hermética eut une importance évidente à la Renaissance


(la croyance existait alors qu’ils avaient été écrits par le dieu Hermès lui-même) et les
siècles suivants, comme cela a été démontré dans l’œuvre de Frances Yates ; cela est
également incontestable pour l’Alchimie ou, mieux, la Tradition hermético-alchimique ainsi
que l’a appelée Évola ; d’autre part, les manuscrits égyptiens de l’époque grecque du
Corpus sont indubitablement en rapport avec la Gnose, ainsi que l’a démontré une version
de l’Asclepios trouvée chez Nag Hammadi.

Il faudrait donc aussi préciser qu’il existe une Tradition antérieure que nous pourrions
appeler hermétique/gnostique, et qui engendre par ailleurs l’Alchimie et l’actuel
ésotérisme hermétique en général, pour lequel la Table d’Émeraude es un texte sacré et
qui s’organise sous l’égide d’un dieu, Hermès Trismégiste, produisant des formes qui ne
sont que des adaptations à des temps et des lieux différents de la révélation Hermétique.

Pourquoi tant de préjugés autour du Corpus Hermeticum, véritable ensemble de sagesse


révélée qui, à l’instar de tous les textes sacrés à commencer par les Évangiles chrétiens est
totalement ésotérique et susceptible d’avoir quatre niveaux de lecture pouvant même
s’opposer les uns aux autres ?

L'initiation. Gaston Georgel.


N’ayant pu assister au colloque, Gaston Georgel envoie une brève communication sur ce
sujet, ce qui donna lieu à la troisième table ronde, qui traitait précisément de l’initiation. Y
interviennent des auteurs distingués et des membres du tableau des participants, comme
les deux efficaces organisateurs de ces réunions, et S. Hutin, B. Guillemain, J. P. Laurant, Dr.
Schnetzler, P. Lavastine, J. P. Teste, P. Warecollier, etc., qui tentent d’élucider le sujet et ce
qu’en pensait Guénon, en traitant non seulement de la Franc-Maçonnerie et du
Catholicisme, mais aussi du Bouddhisme et des traditions archaïques australiennes. Notre
attention a été fortement attirée par une attitude qui nous semble généralisée chez les
personnalités qui ont traité ces sujets : elles se réfèrent exclusivement à la possibilité d’une
Initiation en la rattachant uniquement à cérémonies et rituels, ou à des activités
religieuses. En fait, l’Initiation est une initiation à la Connaissance, et c’est là ce que
manifeste Guénon tout au long de son œuvre ; l’on sait également qu’il souligne, sur les
traces d’Aristote, l’identité entre Être et Connaissance, raison pour laquelle l’on est ce que
l’on connaît. L’initiation sans l’être est une absurdité, qu’il s’agisse de Grands ou de Petits
Mystères, et les récipiendaires d’une influence spirituelle de transmission verticale,
quoique reçue dans l’horizontal, sont porteurs de cette Connaissance qui est surtout une
expérience concrète, un acquis absolu et ineffaçable, ce pour quoi l’on parle précisément
de la Connaissance comme une obtention graduelle, par le biais de toutes sortes
d’épreuves englobant le physique, la psychologie et la spiritualité, et qui s’incarne dans
l’être individuel en l’identifiant à l’Être Universel, expression affirmée du Non-Être (En
Soph), qui n’a qu’un rapport indirect et réflexif avec cérémonies, sacrements et attitudes
solennelles. Le rite véritable est le Rite de la Connaissance, produit de l’Intuition Directe
née du Cœur, édifié par un Enseignement qui n’a pas grand-chose à voir avec attributions
bureaucratiques et formalités institutionnelles.
Seul René Alleau, presque à la fin de la table ronde, identifie la Connaissance avec l’Être
et assimile ainsi l’initiation aux degrés de Connaissance de l’Être Universel, mais il le fait
comme en passant et sans paraître y accorder l’importance capitale qu’elle implique
vraiment.

Démistification et remythisation. A. Faivre.


L’auteur commence par faire une distinction entre les termes ésotérisme, mot
relativement récent, et théosophie en tant que science des analogies et des
correspondances, qui a eu cours tout au long de l’histoire des idées et qui exclue
l’occultisme, sujet qu’il n’est pas intéressant de traiter dans son exposé. Il pense ainsi que
l’œuvre de Guénon est, par sa propre envergure, le meilleur prétexte pour parler de la
situation et la signification actuelle de notre tradition occidentale.

Il poursuit par une révision synthétique de la culture d’Occident, dans un développement


aussi plein de bon sens que d’intéressantes trouvailles que nous sommes nombreux à
partager avec l’auteur, soulignant bien entendu le type de pensée qu’il nomme
théosophique et qui comprend tout ensemble Marsilio Ficino et les kabbalistes chrétiens, la
philosophie de la nature, l’école de Chartres, les mancies et spécialement le Tarot,
l’iconographie alchimiste, Jung, et même Bachelard, Gilbert Durand, etc., de manière à
éclairer progressivement la pensée théosophique qu’il ne rapporte pas, c’est vrai, à
Madame Blavatsky, ni ne tente d’enfermer dans des modules rigides. Le discours d’Antoine
Faivre, d’où ressort l’imagination créatrice et le plan de l’imaginaire, est plus qu’intéressant
et se trouve être impossible à résumer, car il représente en soi une magnifique synthèse, ce
pour quoi nous ne pouvons qu’en recommander à nos lecteurs une lecture attentive et la
méditation conséquente.

Il conclut son excellent travail en mettant sur la table diverses idées de la culture
contemporaines, orpheline de principes transcendants, puisque la pensée de Guénon, qui
n’est pas, il est vrai, celle d’un "homme moderne", est, paradoxalement, constamment
actuelle.

Il est à remarquer que l’on peut, tout au long de cette étude, constater l’importance que
peut avoir une recherche, ou mieux, une attitude historique, pour enrichir et contribuer à
se situer par rapport au programme et surtout à l’Enseignement directement consacré à la
Connaissance et, par voie de conséquence, à l’Initiation. Distinguons à ce sujet que la
fonction de Guénon, éminemment verticale, et aussi évidemment historique.

CHAPITRE VIII

AU SUJET DE L’HERMÉTISME

ARIES, 23 avenue de Bretteville, 92200 Neuilly-sur-Seine, France.

Aries est une revue française semestrielle, dirigée par Antoine Faivre, Pierre Deghaye et
Roland Edighoffer. Son comité de rédaction compte avec des noms aussi prestigieux
que, entre autres, Marie-Madeleine Davy, Gilbert Durand, Joscelyn Godwin, Jean-Pierre
Laurent, Jean Tourniac, Gerhard Wehr, tous écrivains et ésotéristes contemporains
reconnus, certains déjà disparus (Mircea Eliade, etc.). Dans le Nº 11, édité par la Table
d’Émeraude et correspondant au Nº 1 de 1990, trois articles se regroupant autour d’un
thème, la Philosophie Pérenne, avaient constitué en 1989 des allocutions de la
Conférence de l’Académie Américaine de Religions, à Anaheim en Californie. Les auteurs
en sont Len Bowman, Sheldon R. Isenberg et Tyson Anderson, et leurs apports sont très
intéressants à plusieurs aspects, entre autres parce qu’ils permettent d’observer les
formes et les voies que prend aux États-Unis la Tradition, ou Philosophie Pérenne. La
revue appelle ces auteurs « néo-guénoniens » et les rattache à un « certain ésotérisme
guénonien », qualification issue d’un article, dont c’était le titre, paru dans le Nº 8 de
ARIES et signé Nelly Emont. Cette participation, aux intentions polémiques, tourne
autour de commentaires sur des œuvres et des revues d’auteurs étant précisément
qualifiés de membres d’un « ésotérisme guénonien » ; nous ne signalerons pas les livres
et ouvrages cités, vu que N. Emont déclare, en généralisant, qu’ils ont tous reçu
l’influence de l’œuvre de René Guénon, au point de voir chez eux des caractéristiques
propres aux sources hindoues, desquelles Guénon était lui-même le porte-parole. La
curiosité de cet article, c’est qu’il oppose la magistrale synthèse guénonienne et des
auteurs comme Henry Corbin dont la ligne de pensée comme tout ésotérisme valable
s’articule parfaitement avec l’œuvre de Guénon. Encore pires sont les exemples de
Jacob Boheme, Louis-Claude de Saint-Martin et Mircea Eliade (ce dernier étant
clairement sous influence guénonienne). Contrairement à ce que suggère l’auteur, il n’y
a pas plusieurs ésotérismes, mais un seul, car tous partent du supracosmique, ou
métaphysique, et y retournent ; les exemples sont vraiment innombrables, à
commencer par toutes les grandes religions, et cette recherche au plus profond et au
plus secret de l’être et du cosmos est précisément la matière dont traite tout
ésotérisme et à laquelle se rapporte toute initiation. Mais il ne peut y avoir aucun doute
sur le fait que, dans la réalisation spirituelle du XXe siècle, l’œuvre de Guénon joue un
rôle ordonnateur de premier ordre, au point que sa synthèse est la contribution la plus
importante, directement et indirectement, à cette période cyclique de la littérature
d’Occident. Tout autres sont certaines attitudes "orthodoxes" de quelques personnes
persuadées a priori d’appartenir à "l’élite" intellectuelle. Ces individus, certes
antipathiques, se limitent à répéter sentencieusement les énoncés de Guénon, et
tendent à confondre celui-ci avec n’importe quel ésotérisme sans rien ajouter à son
œuvre (qu’ils ne tonifient pas), quand ils ne tentent pas d’apparenter sa pensée à telle
ou telle "politique" ; ces personnages sont bien sûr en minorité et remplissent
certainement une fonction dans le vaste champ fécondé par le maître de Blois, qui a
déclaré n’être que le porte-voix d’idées ne lui étant pas personnelles et présentes tout
au long de l’histoire de l’humanité, qu’elles incarnent de façons très différentes, parfois
surprenantes, et d’une infinité de formes apparemment contradictoires se rapportant
aussi bien au passé qu’au présent, ce qui constitue en définitive l’héritage traditionnel.
Guénon n’est pas tout l’ésotérisme, et il a affirmé lui-même que « la vérité ne saurait
être la propriété d’un seul homme », mais son œuvre est réellement ésotérique en ce
sens qu’elle est l’expression accomplie de la pensée de la Philosophie Pérenne des
derniers temps. La revue offre de nombreux commentaires sur livres actuels et courants
modernes et anciens de la Tradition, ce qui lui confère une grande versatilité et la
stimule, surtout si l’on prend en considération l’époque mouvementée, difficile et
paradoxale qui est la sienne ; les notes de Joscelyn Godwin et de Giselle Marie ont attiré
notre attention pour leur richesse et amplitude d’intérêt, parmi un ensemble abondant
et bigarré d’écrivains issus de deux générations de ce siècle (1940-1990), presque tous
français, logiquement, quoique la caractéristique d’ARIES soit précisément de s’ouvrir
aussi bien à tout ésotérisme authentique, qu’à des auteurs ou des événements
intellectuels étrangers, des États-Unis, d’Allemagne, d’Angleterre, d’Italie, etc., ce qui
n’est pas le trait principal des revues ésotériques parues en France.

COLLOQUE. Organisé par la revue ARIES, le Colloque Magie du Livre, Livres de Magie eut
lieu les 22 et 23 mai 1992, à la Nouvelle Sorbonne. Y participèrent les professeurs
Umberto Eco, Roland Edighoffer, Pierre Deghaye, Antoine Faivre, Massimo Introvigne,
Michel Kauffmann, Pierre Lory, Frédérick Tristan, et Monsieur Ladislaus Toth, des
Éditions Archè. Les réunions furent suivies avec intérêt par un public nombreux. L’on
annonce, pour les 4 et 5 juin 1993, un nouveau Colloque intitulé Gnose et Science. Les
actes du colloque de 1992 figurent dans le numéro 15 d’ARIES, avec le sommaire
suivant : Préface: Jean-Pierre BRACH et Jean-Paul CORSETTI; Ladislaus TOTH: Savoir et
pouvoir par les livres de magie; Frédérick TRISTAN: Bibliothèque, mère du personnage;
Pierre DEGHAYE: Le livre merveilleux de l'ermite dans "Henri d'Ofterdingen" de Novalis;
Antoine FAIVRE: La théosophie par l'image; Pierre LORY: Le livre comme corps de Dieu;
Roland EDIGHOFFER: Le "Liber M"; Umberto ECO: Pourquoi Lulle n'était pas un
kabbaliste; Massimo INTROVIGNE: Livres magiques révélés et livres révélés religieux
(d'Aleister Crowley aux nouvelles religions); Michel KAUFFMANN: Hypertexte et livre
virtuel; Nicolas PETIT: Les livres de magie à la Bibliothèque Sainte-Geneviève; Catalogue
de l'exposition organisée à la Bibliothèque Sainte-Geneviève.

ARIES. Le numéro de cette revue, publiée par La Table d’Émeraude, consacré au


« Colloque de la Sorbonne : Magie du Livre, Livres de Magie » et annoncé dans notre
précédent numéro, est paru. Les actes de ce Colloque ont bénéficié d’une magnifique
édition, à l’échelle de leur contenu, qui fait de ce numéro de la revue un exemplaire de
collection. Les conférences ont toutes été intéressantes, en particulier pour les amants
des livres, aimant donc les livres de Magie et la Magie qu’ils contiennent. Si nous
voulions souligner l’une de ces études de cet ouvrage d’ARIES, ce serait faire preuve
d’injustice, car toutes le mériteraient. S’adjoint le catalogue des livres de l’exposition,
organisée à la Bibliothèque de Sainte Geneviève, beaucoup desquels appartiennent à sa
propre collection, mais aussi à d’autres, comme celle de l’écrivain Antoine Faivre, qui
publie lui-même une belle iconographie à laquelle il fait référence dans un texte
préliminaire.

ARIES. Directeurs : † Jean-Paul Corsetti, Roland Eighoffer, Jacques Fabry, Antoine Faivre.
Nº 19, 1995. « Paracelse et les siens » Colloque des 15 et 16 décembre 1994 à la
Sorbonne. 152 p. SOMMAIRE: Roland Edighoffer: Préface; Lucien Braun: Paracelse
aujourd'hui. Le lire encore?; Jean-Pierre Brach: Quelques aspects de la doctrine de la
prédestination chez Paracelse; Wolf-Dieter Muller-Jahncke: Paracelse et la démonologie
de son temps; Joachim Telle: Paracelsus in Deutschland. Bemerkungen zum
Paracelsusbild des 16. und 17. Jahrhunderts. Suivi d' un résumé en français, par Roland
Edighoffer; Pierre Deghaye: La Révélation selon Paracelse et Jacob Boehme; Roland
Edighoffer: Les Rose-Croix et Paracelse; Didier Kahn: Le paracelsisme de Jacques Gohory;
Roland Edighoffer, Antoine Faivre et Martine Lefèvre: "Paracelse et les siens": Catalogue
de l'exposition réalisée à la Bibliothèque de l'Arsenal (décembre 1994).
*
* *

L’HERMÉTISME. Françoise Bonardel. P.U.F. Collection Que Sais-je ? Paris 1985. 127
pages.

Depuis quelque temps, spécialement en anglais, s’est établi une distinction entre les
termes Hermétique, Hermétisme et Herméticisme, adoptée par certains auteurs
français, comme A. Faivre. Pour F. Bonardel, Hermétique serait ce qui concerne le
Corpus Hermeticum, Hermétisme tout ce qui se place sous l’égide d’Hermès
Trismégiste, la Table d’Émeraude, l’Alchimie, la Magie naturelle, la Kabbale chrétienne
et certains textes gnostiques (la Pistis Sophia, par exemple) du Moyen Âge, de la
Renaissance ou même postérieurs, et finalement, Herméticisme désignerait
l’herméticiste qui partage le Verbe et la compréhension gnostique révélée par ces
textes.

De notre point de vue, ces distinctions sont valables et nous les acceptons. Cependant,
faire référence à ces questions implique de s’adresser à un public capable de les
comprendre et de les soupeser, ce qui n’est pas le cas du public de langue espagnole
qui souffre d’une grande carence d’information sur l’Hermétisme et la Tradition
Hermétique, sauf peut-être quelque référence perçant à travers les brumes de
l’occultisme, mais ce sont des thèmes quasiment inconnus, y compris dans le milieu
universitaire qui devrait pourtant les étudier, vu l’importance philosophique, religieuse,
artistique et scientifique de ces idées qui ont été présentes en Occident depuis leurs
origines égyptiennes, en passant par la culture grecque (suivie de la romaine), celle des
aventures de leurs Dieux et leurs mythes, ainsi que les apports de sages de l’envergure
de Pythagore, Socrate et Platon. Elles ont également été en contact permanent avec
d’autres cultures, d’autres formes de pensée et de religions, avec lesquelles elles
coïncident en matière de savoir ésotérique, bien que les formes les séparent souvent,
jusqu’à les rendre ennemies. La Sophia a toujours été vénérée, en particulier par les
adeptes qui, du Phare d’Alexandrie, ont illuminé la Culture d’Occident, car c’est la
Tradition Hermétique qui parcourt en permanence l’épine dorsale d’une structure
culturelle qui, sans elle, se serait écroulée il y a des siècles, encore que l’homme
moderne ne s’en rende pas compte. Malgré cela, que ce courant d’idées ait une
trajectoire claire et vérifiable, c’est-à-dire une histoire de transmission ininterrompue
exprimée dans divers documents, par différents groupes ou individus se trouvant
étroitement liés à la moelle de la pensée contemporaine, est un fait généralement
ignoré.

C’est la raison de notre joie qu’il existe un travail sur l’Hermétisme aussi extrêmement
bref et condensé ainsi que l’exige la collection dans laquelle il est édité de la main de
Françoise Bonardel, qui synthétise avec maestria un thème aussi ardu et difficile,
mettant beaucoup de sa part pour clarifier les sujets traités, vus à la lumière des Idées
Universelles ainsi que dans leur projection historique. L’ouvrage se divise en deux
parties distinctes : la première traite de la Tradition Hermétique en soi, éclaircissant les
termes et surtout les concepts de sa doctrine, en se basant fondamentalement sur le
Corpus Hermeticum, établissant ses liens avec d’autres gnoses apparemment
différentes et ses projections sur la pensée européenne ultérieure jusqu’à nos jours.
C’est, à notre avis, la partie du livre qui a le plus de valeur, et un grand travail
d’herméneutique et de synthèse. Nous voulons en tirer quelques citations, peut-être
un peu longues, mais qui seront utiles au lecteur s’intéressant à la question :

Au sujet de Hermès Thot (page 16) : « Hermès-Thoth-Trismégiste fut avant tout le


médiateur de l'invisible, le prophète et le sage qui, prolongeant la filiation mythique
d'Adam, engage tout homme à retrouver en soi l'Adam primordial en entamant le cycle
de cette régénération spirituelle qu'enseigna la révélation hermétique et que la
tradition alchimique occidentale assimila à la quête de la Pierre philosophale »; au sujet
de Hermès Mercure (page 17) : « Hermès-Mercure demeure (comme Thoth et le
Trismégiste) l'initiateur, le médiateur, celui qui assure les diverses formes de passage :
qu'il s'agisse de faire transiter les messages entre les dieux et les hommes, de guider les
âmes (psychopompe), d'orienter ou de dérouter les voyageurs... Présent aux
carrefours, Hermès négocie les changements d'état, les transitions et les liens ; qu'il soit
aussi bien capable de pétrifier que de changer en oiseau rappelle qu'il est le maître des
extrêmes et des limites : pétrification et volatilisation seraient ainsi deux formes
dissociées de ce que la fameuse formule alchimique « Solve et coagula » (dissous et
coagule) invitera à réunifier. Néanmoins la question de la régénération spirituelle n'est
pas la préoccupation essentielle d'Hermès-Mercure, qui exerce ses fonctions sur un
mode souvent ludique, et demeure avant tout un conducteur » ; et de la cosmogonie
du Poimandres (page 28) : « Après qu'eut été créée l'obscurité, spiralée comme un
serpent et occupant les régions basses, en sort une vapeur humide, gémissante,
proférant un appel inarticulé. Le Verbe saint, issu de la lumière, vient alors couvrir la
Nature : la vapeur humide se change en feu, lequel donne naissance à l'air; celui-ci
rejoint l'élément lumineux igné et divin et tous deux ne cessent d'animer la terre et
l'eau, intimement mêlées. »

« La seconde phase de cette Genèse est l'engendrement par le Noûs-Dieu d'un Noûs-
démiurge : dieu du feu et du souffle, celui-ci engendre à son tour les Gouverneurs,
‘lesquels enveloppent dans leurs cercles le monde sensible; et leur gouvernement se
nomme la Destinée’ (1, 9). Suit un épisode assez confus où il est dit que le Verbe de
Dieu, s'unissant au Noûs-démiurge de même nature que lui, abandonne la création à
son statut de ‘simple matière’ ; par cette union tournent cependant les cercles du
monde tandis que les différentes espèces d'animaux sans raison naissent de chaque
élément (Air, Eau, Terre) ainsi animé. »

« Parallèlement, le Noûs-Dieu engendre l'Homme à son image et lui livre la Création.


Or, séduit par l’œuvre du démiurge, l'Homme voulut lui aussi créer, et ‘connaître la
puissance de celui qui règne par le feu’ (1, 13) ».

La projection historique sera le thème de la seconde partie. Là aussi. L’auteur fait


étalage d’une interprétation très précise des thèmes de la Tradition Hermétique et de
son importance à la Renaissance. Le lecteur pourra y trouver de multiples noms
d’hermétistes et de sages, leurs œuvres et leur pensée, proposant un itinéraire culturel
et historique qu’il devra approfondir lui-même avec le guide qui lui est offert. Nous
avons trouvé très intéressant le fait d’inclure Mircea Eliade dans cet ensemble (ainsi
que Henry Corbin), car c’est un auteur qui a intégré à son œuvre la Tradition
Hermétique et l’Alchimie (à laquelle il a consacré des livres). D’un autre côté, cela
amène la continuité de cette gnose jusqu’à nos jours, puisque cela correspond à une
réalité que le lecteur doit connaître. Pour cette raison, au sein du volume immense de
l’œuvre de l’écrivain roumain, certains fragments de ses livres sont particulièrement
indiqués. Nous en reproduirons deux : « A la différence des associations fermées
comportant une organisation hiérarchique, des rites initiatiques et la révélation
progressive d'une doctrine secrète, l'hermétisme, tout comme l'alchimie, implique
uniquement un certain nombre de textes révélés, transmis et interprétés par un maître
à quelques disciples soigneusement préparés ( ... ). Il ne faut pas perdre de vue que la
révélation contenue dans les grands traités du CH constitue une gnose suprême,
notamment la science ésotérique assurant le salut. »

« Je comparais mon immersion. dans les documents à une fusion avec la matière -
jusqu'à la limite de ma résistance physique ( ... ), descente au centre de la matière
morte, comparable à un descensus ad inferos. Quand je me retrouve, quand je reviens
à la vie, je les comprends » .

Cette œuvre est remarquable pour le sérieux de ses exposés et de ses investigations,
tout en constituant l’une des meilleures introductions à la Tradition Hermétique.

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COLLECTION « LES CAHIERS DE L’HERMÉTISME ». Ed. Albin Michel, 22 rue Huyghens,


75014 Paris.

Cette collection présente des études singulières et chacune trouve sa juste place dans
l’ensemble, assurant des critères solides joints à un esprit ouvert et à un travail de
recherche de catégorie.

Ces différents angles d’approche du programme de la Tradition Hermétique, c’est-à-


dire du monde intermédiaire, nous donne une perspective pluridimensionnelle qui se
déploie comme un éventail de possibilités de recherche et de voies à découvrir.

Cela fait plus de quinze ans que les CAHIERS DE L’HERMÉTISME éditent des livres
monographiques, ayant pratiquement épuisé (si cela était possible) les sujets de la
Tradition Hermétique ou ayant quelque rapport avec elle. Voici la liste des livres
publiés : Faust, Jacob Böhme, L'Ange et l'Homme, Alchimie, Kabbalistes chrétiens,
Paracelse, Goethe, Lumière et Cosmos, Sophia et l'Âme du monde, L'Astrologie,
L'Androgyne I, Le Mythe et le Mythique, Présence d'Hermès Trismégiste, Magie et
littérature, L'Androgyne dans la littérature, La Littérature fantastique, Les Vampires, La
Bible: images, mythes et traditions.

Les travaux publiés vont depuis des études de doctrine et d’histoire, jusqu’à des
bibliographies, des catalogues, des revues, et des documents en tous genres, y compris
iconographiques.

Il est évident que nous ne pouvons commenter les près de cent études et presque
quarante auteurs qui continuent d’écrire cette sorte d’encyclopédie de l’Hermétisme
qui, comme un fait historique, ne cesse de paraître pour influencer la culture
d’Occident. La collection est dirigée par Antoine Faivre et Frédérick Tristan.

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ESSAIS D’HERMÉNEUTIQUE. Luc-Olivier d’Algange, C.R.E.T., 1991, France.

Celui qui, dans sa quête de la Connaissance, aura dû se frayer un chemin à travers la


philosophie et la religion officielles, comprendra immédiatement le sens et la vérité
contenus dans ces courageux, francs et "durs" essais, qui ne font que refléter d’une
manière solide et critique la section du devenir que nous devons vivre, concrètement,
l’inversion des valeurs de toutes sortes et dans tous les domaines, qui est propre à
l’entité dénommée monde moderne. En effet, la mauvaise foi et le manque de
préoccupation en tous genres sont quelques-unes des caractéristiques des
"philosophes" actuels, véritables bureaucrates vivant aux dépens des universités ou ce
qui est pire, de leurs chaînes mentales où ils font "carrière", à condition de ne pas se
découvrir le pot aux roses de l’ignorance totale. Mais la même réflexion peut
s’appliquer à l’art et s’étend à tous les secteurs actuels de la recherche et de l’existence
humaine. L’Église Catholique offre par ailleurs un spectacle pauvre à bien des aspects,
qui a par exemple exilé Saint-Christophe des autels pour ne pas être un "personnage"
historique, mais une figure mythique, comme si le véritable objet de sa piété religieuse
était la personnalité, l’ego des "saints", et non pas leur témoignage direct d’autres
mondes (qui les rend archétypaux) ; de là le courroux de beaucoup face à ce genre de
substitutions, bien que ce ne soit sûrement pas là le cas du point de vue des adeptes de
J. M. Escrivà de Balaguer.

Mais la critique du médiocre monde officiel, qui remplit les conditions et les aspirations
de la classe moyenne, n’est autre que la possibilité de consolider les autres sujets de
ces ouvrages dont l’importance réside aussi bien dans l’amplitude de leur forme
véritablement intellectuelle qui témoigne de l’existence chez l’auteur d’une pensée
recréant les énoncés de la Philosophie Pérenne, que dans la vitalité qu’ils transcrivent,
absolument nécessaire de nos jours.
Parmi les valeurs qui caractérisent ces textes, signalons la reconnaissance de la Poésie
comme Modèle d’Audition Métaphysique, et la mention d’un grand nombre d’auteurs -
que nous ne pouvons pas tous nommer liés à la Connaissance d’une façon ou d’une
autre, qui ne sont généralement pas cités dans les études traditionnelles.

Luc-Olivier d’Algange offre en permanence de nombreuses ouvertures et compte bien


des cordes à son arc, comme en témoigne la publication que nous commentons et les
travaux qu’il signe dans diverses revues françaises.

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BIBLIOTHÈQUE PHILOSOPHIQUE HERMÉTIQUE. J. R. Ritman, Amsterdam.

« Bibliothèque Philosophique Hermétique » est le nom de la bibliothèque fondée par


Joseph R. Ritman en 1957. Le fondateur prévoyait de réunir dans cette collection des
manuscrits et des œuvres écrites du domaine de la Tradition Hermétique. L’ensemble
de ces œuvres forme une collection de sources pour l’étude de la pensée spirituelle, et
reflètent son influence sur la civilisation occidentale. Cette tradition ésotérique, qui
tente de réunir la philosophie chrétienne et la non-chrétienne, a exercé une influence
considérable au cours de l’histoire ; par exemple, dans l’Alexandrie du IIe siècle de
notre ère (les mouvements Gnostiques), au XIIIe siècle (le mysticisme occidental), dans
la seconde moitié du XVe siècle en Italie (la philosophie Hermétique) et dans la
première moitié du XVIIe siècle en Allemagne (le mouvement Rose-Croix et les courants
théosophiques).

L’ouverture au public de la Bibliothèque eut lieu en 1984, enrichissant ainsi le


patrimoine culturel des Pays-Bas d’une source fertile de pensée spirituelle.

Le lieu appelé « bibliothèque de travail » s’ouvrit à Amsterdam en 1984, dans la


Bloemstraat. Les publications en hollandais ainsi que l’ensemble des moyens
publicitaires étrangers amena des contrats en nombre croissant. Il en a résulté le
développement d’une chaîne nationale et internationale de relations avec divers
instituts, bibliothèques et hommes de lettres spécialisés dans le domaine de la culture
et de l’étude. La Bibliothèque s’est également gagné une réputation internationale
grâce à sa participation à des conférences, de fréquentes expositions et la publication
de leurs catalogues, en plus de la collaboration apportée à d’autres expositions dans
diverses parties du monde.

En vertu du principe ad fontes, la Bibliothèque tente de réunir les exemplaires les plus
anciens d’œuvres d’intérêt, comme par exemple : un manuscrit, la première ou la plus
ancienne édition. Aujourd’hui (1996), elle contient environ 16.000 volumes, beaucoup
desquels sont des livres d’une importance spirituelle inestimable, pour leur ancienneté,
leur rareté, leur valeur philosophique ou religieuse, ou leurs qualités artistiques. L’on
peut y trouver approximativement 450 manuscrits (200 d’entre eux antérieurs à 1550),
environ 4.000 livres imprimés avant 1800 (400 desquels sont des incunables : des livres
imprimés entre 1450 et 1500) et 11.000 livres imprimés après 1800.

La Bibliothèque Philosophique Hermétique s’est imposé une vaste tâche historico-


culturelle : rendre accessibles les sources, par la publication de catalogues
d’expositions et d’éditions de textes, et en dirigeant les recherches pour pouvoir
documenter et exposer l’hermétisme comme part de notre culture Occidentale.

Les objectifs de la Bibliothèque sont menés à terme par le biais de ses propres activités
et des activités éditoriales.

S’y tiennent de fréquentes expositions, accompagnées de leurs catalogues


correspondants ; elle accepte aussi régulièrement de prêter ses œuvres pour d’autres
expositions. Parmi les œuvres publiées par la maison d’édition de la Bibliothèque, In de
Pelikaan, l’on peut mentionner le catalogue de la collection d’incunables : Christ, Plato,
Hermes Trismegistus (1990), et la collection hollandaise du Corpus Hermeticum (1990,
plusieurs éditions).

Il existe aussi le projet d’un volume bibliographique multiple d’œuvres rosicruciennes


jusqu’à 1650 et d’un catalogue des manuscrits antérieurs à 1550.

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THE ROSICRUCIAN ENLIGHTENMENT REVISITED : a Conference in Honor of Frances


Yates. (The Western Mystery Tradition in Bohemia) Du 8 au 13 septembre 1995, ville
historique de Cesky Krumlov, Bohème du Sud (République Tchèque).

C’est sous ce titre que s’est tenu à Cesky Krumlov (République Tchèque) un symposium
consacré à ces matières, avec la participation d’auteurs importants de la Tradition
Hermétique actuelle. Le programme a été le suivant : "Plenary Addresses": The
Rosicrucian Prelude: John Dee's Mission in Central Europe, Nicholas Goodrick-Clarke;
Fire in the Hearth, Temple of Wisdom, House of the Spirit: The Meaning of the Rosy
Cross, Christopher Bamford; Magical Gardens & Chambers of Marvels, Joscelyn
Godwin; Kabbalah in Bohemia, Z'ev ben Shimon Halevi; The Imagery of Alchemy &
Rosicrucianism, Adam McLean; The Grail & the Rose, John Matthews; The Rosicrucian
Ideal of Good Work, Robert Sardello; Renewal & Revelation through Number, Harmony
& Proportion, John Michell; The Rosicrucian Afterglow: The Life and Influence of
Comenius, Clare Goodrick-Clarke; The Rosicrucian Legacy, Christopher McIntosh.
"Afternoon Workshops": 'Michel Maier, the deepest of the Rosicrucians', J. Godwin; The
Angel of the Western Window, N. G.-Clarke; The Labyrinth of the World & the Paradise
of the Hearth, C. G.-Clarke; Rosicrucianism & Alchemy, C. McIntosh; Rosicrucian
pretenders at the dawn of the New Age, C. Bamford; Allegory & Symbolism, A. McLean;
The Rosicrucian Impulse in Anthroposophy, R. Sardello; Healing the Wounded King, J.
Matthews; Symbolic Geometry & the Process of Creation, J. Michell; Kabbalah as a Path
to Wisdom, Z. Halevi. "Evening Presentations": Frances Yates & the Poetry of the Divine,
Robert Bly; The Folklore of the Rose, R. J. Stewart; An Evening of 16th & 17th Century
Czech Music.

THE ROSICRUCIAN ENLIGHTENMENT REVISITED :

Introduction et édition de Ralph White. Lindisfarne Books, Hudson New-York, 1999. 268
pages.

Dans le double numéro de la revue SYMBOLOS consacré à la Tradition Hermétique (11-


12, 1996), nous informons du symposium s’étant tenu du 8 au 13 septembre 1995, à
Cesky Krumlov, Bohème du Sud, (République Tchèque), « En l’honneur de Frances
Yates ». Une sélection de ces conférences, parmi lesquelles ressort celle de notre
collaborateur Joscelyn Godwin, ont été réunies en un seul volume portant le titre cité
plus haut. Le contenu en est : John Matthews: The Grail & the Rose, Christopher
Bamford: The Meaning of the Rosy Cross, Nicholas Goodrick-Clarke: The Rosicrucian
Prelude: John Dee's Mission in Central Europe, Joscelyn Godwin: The deepest of the
Rosicrucians: Michel Maier, Robert Powell: Tycho Brahe, Johannes Kepler, Rudolf II and
the Prague Hermetic Renaissance, Rafal Prinke: The Twelfth Adept: Michael Sendivogius
in Rodolfine Prague, Clare Goodrick-Clarke: The Rosicrucian after Glow: The Life and
Influence of Comenius, Paul Bembridge: The Rosicrucianism Resurgence at the Court of
Cromwell, Christopher McIntosh: The Rosicrucian Legacy.

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LE FIL D´ARIANE Ecriture & Tradition. Rue des Combattants, 11. B-1457 Walhain-St-
Paul, BELGIQUE.

Dirigée par J.-M. d’Ansembourg. Nº 48-49 (Printemps-Eté 1993): SOMMAIRE: E.H.:


Histoire Juive; R. Van Loo: Le Symbolisme de la Rose; P. Sánchez, Ch. d'Hooghvorst: Une
lecture du Lazarillo de Tormes; R. de Valle, C. Froidebise: La Gloire du Monde ou la
Table du Paradis; J. M. d'Ansembourg: Entre deux Vins ou la Coupe Electrique; C. de
Laveleye: L´Exile ou l´Odyssée de l´Ame au Pays des Sens; C. Rosereau: La Lumière; J. M.
d'Ansembourg: Un bon mot du Fils de l´Homme; R. de Valle, S. Feye: La Verité et
l'Ancienneté de l´Art Chimique; S. Caillet: La Sainte Parole des Illuminés d´Avignon (IV);
E. H.: Florilège Cattesien; A. Allard: Lire sans delire; Librairies et Revues amies. Dans ce
numéro double, cette publication paraît beaucoup mieux présentée, bien qu’elle n’ait
pas encore tout à fait terminé de mettre au point sa typographie, ce qui sera fait dans
son prochain numéro. Elle est vraiment d’un abord vif et enjoué ; toujours
agréablement savante, et maintenant plus facile à lire après plus de dix ans de
parution.

Nº 63-64, 1998-1999. 178 pages. Revue sporadique à partir de ce numéro (2 numéros


par an minimum). L’on y communique le décès de l’un de ses principaux collaborateurs,
« diffuseur pendant des décennies de l’œuvre de son instructeur et ami Louis
Cattiaux » , le baron de Hoogvorst, à qui la revue dédie un regret In Memoriam.

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SIRUELA

Nous avons reçu le catalogue soigné 1982-1992 des éditions Siruela, dirigées par
Jacobo F. J. Stuart, également responsable de EL PASEANTE (le promeneur),
intéressante revue que nous examinerons prochainement. Elle a réalisé pendant ces dix
ans un travail excellent et cohérent. Les éditions sont un modèle de bon goût et de
qualité à plus titre, ce qui plaira à ceux qui aiment aussi le livre en tant que bel objet
artisanal. Mais ce n’est pas tout : les textes choisis, dont beaucoup possèdent un
caractère visuel et symbolique, c’est-à-dire artistique, expriment des idées qui
intéresseraient à l’extrême nos lecteurs. Nous citerons certains titres de La
Bibliothèque Submergée : Athanasius Kircher: Itinerario del Extasis o las Imágenes de
un Saber Universal, El Juego Aureo, América, El Templo de Salomón, Arquitectura y
Magia, et Monstruos y Prodigios, tous d’une grande qualité, bien que nous ne puissions
pas, par manque de place, nommer les auteurs, les caractéristiques, les commentaires,
les études et les traductions à charge de spécialistes éprouvés. Nous signalerons, de la
collection Sélection de Lectures Médiévales : Sir Gauvain et le Chevalier Vert, Le Voyage
de Saint Brandon, Le Chevalier du Lion, Vie de Merlin, Le Chevalier à l’Épée et La
Damoiselle de la Mule, La Nouvelle Vie, La Mort d’Arthur (3 volumes), Bestiaire
Médiéval, Percival ou le Haut Livre du Graal, Decameron (2 volumes) et aussi Les
Aventures du Roi Singe, histoire de style initiatique taoïste écrite au Moyen Âge chinois,
pièce essentielle de la "littérature" de ce pays, à présent publiée au complet en trois
tomes (2.000 pages), dont nous connaissions des sélections dans Contes Chinois
(Editions Miraguano), ou dans Dragons, Dieux et Esprits de la Mythologie Chinoise
(Anaya) et, surtout, les fragments superbement illustrés de gravures traditionnelles
d’une édition faite à Pékin sous le nom de Le Roi Singe contre le Démon à l’Os Blanc.
Mais il y a beaucoup plus, lié directement ou indirectement à l’ésotérisme et à
l’hermétisme (la Bibliothèque de Babel, Borgès à sa tête, par exemple), de la littérature
fantastique ancienne et moderne, aux livres rares et curieux pas encore édités en
espagnol.

SIRUELA

Nous avons souligné le travail de cette excellente maison d’édition dont les collections,
qui embrassent un large éventail de littérature, études iconographiques, textes
ésotériques et hermétiques, et la culture en général dans des traductions très soignées,
ce à quoi il faut ajouter le luxe de la présentation et de l’iconographie, ont représenté
une véritable contribution aux éditions en espagnol. Nous n’indiquerons ici que
quelques-unes de ses nombreuses publications :

Parzival. Wolfram Von Eschenbach. Ed. Siruela, Biblioteca Medieval. Madrid 1999. 430
p.

BESTIARIO MEDIEVAL (Bestiaire Médiéval). Préparation de Ignacio Malaxeverría.


Siruela, Biblioteca Medieval. Madrid 1999. 278 pages.

Tous deux sont des échantillons achevés de l’excellente Bibliothèque Médiévale.

DIONISOS, MITO Y CULTO (Dionysos, Mythe et Culte). Walter F. Otto. Éditions Siruela.
Madrid 1997. 185 pages.

Ce livre extraordinaire, publié dans la collection El Arbol del Paraíso (L’Arbre du Paradis)
et écrit par Walter Frédérick Otto (1871-1958) il y a plus de 50 ans, est l’un des travaux
essentiels pour qui est intéressé par la Mythologie et la Métaphysique. La figure du
dieu Dionýsos, abordée sous différents angles (symbolique, historique, doctrinal), est
considérée d’une manière difficile à trouver dans d’autres études de ce genre et qui est
un parfait exemple de l’essence authentique de l’esprit grec. L’œuvre est écrite dans un
style à la fois clair et lumineux, et nous montre les valeurs véritables de la pensée
classique tout en les rapprochant de l’homme actuel, souvent aveuglé par des
informations seulement érudites ou matérielles ; l’ivresse divine, et sa maestria dans
les rituels d’initiation, nous amènent à comprendre la complexité de la Science Sacrée
et l’ambivalence des symboles, des rites et des mythes. Un travail magistral, que nous
recommandons chaudement à nos lecteurs.

EL FRUTO DE LA NADA (Le Fruit du Néant). Maître Eckhart. Éditions Siruela. El Arbol del
Paraíso. Madrid 1998. 234 pages.

Cette sélection de sermons et d’écrits du Maître Eckhart, avec l’ajout de quelques


textes sages qui lui sont attribués, non sans raison, est un précis fondamental pour tous
ceux qui s’intéressent à la naissance de Dieu dans l’âme, et par conséquent à la
déification de l’être humain, tel que le signalent le Corpus Hermeticum et d’autres
écrits analogues. Il est important de souligner que Maître Eckhart fut persécuté par des
membres de son propre ordre dominicain (et bien que cela semble absurde, ils firent
de même à l’époque avec Albert le Grand et Saint Thomas d’Aquin) avec la complicité
de la Papauté, c’est-à-dire les "officiels" d’alors, qui prohibèrent son œuvre, donnant
lieu par la suite aux abus inquisitoriaux dont les protagonistes furent les membres
mêmes de l’ordre prédicateur, persécution qui a perduré jusqu’à nos jours.
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TEMENOS ACADEMY. 14 Gloucester Gate, London NW1 4HG.

Cette entité a été fondée en 1990 par Kathleen Raine. Nous relevons, dans son
Programme d’Été 1996 : "Afternoon Seminars. Reading Essential Texts:" Plotinus: Ennead
VI - On the kinds of Being, leader: Joseph Milne (24th April-5th June); The Supreme Word,
id.: prof. Arabinda Bassu (3rd-31st May). "Lectures and Special Events": Poetry and
Magic, Peter Redgrove (14th May); Universal Elements in Musical Cosmology, Peter
Westbrook (20th May); Yeats the Initiate, Dr Kathleen Raine (29th May); The Angel in
Poetry, Jeremy Reed (3rd June); The Arts - a superstition of our time?, Stephen Cross (4th
June).

Dans son Programme for Michelmas Term 1996 (du 24 septembre au 10 décembre) :
Being & Cosmos, Joseph Milne; Thomas Taylor the Platonist, Dr Kathleen Raine;
Hermeneutics and the Unity of Truth, Todd Mei; Is Nature Alive or Inanimate? The
Organismic Versus the Mechanistic Paradigm, Dr. Rupert Sheldrake; Hindu Temples &
Gotic Cathedrals: Form & Transformation, Dr Adam Hardy.

Dans son programme du dernier trimestre 1997, les conférences suivantes : ANCIENT
EGYPT & THE HERMETIC TRADITION: The Divine Origin of the World: Creation Myth as
Imaginative Metaphysics: Jeremy Naydler, 21st October. Levels of Reality: Gods, Spirits &
the Garments of Soul: Id., 28th October. Initiation & Return: How the Soul Becomes a
Star: Id., 4th November. Hermes Trismegistus & the Creation of the Cosmos: Clement
Salaman, 11th November. Hermes on God, Gods & Spirits: Id., 18th November. Hermes &
the Transformation of Man: Id., 25th November.

CHAPITRE IX

FRANC-MAÇONNERIE

VERS LA TRADITION: "Répandre la lumière et rassembler ce qui est épars". 14, avenue
de Général de Gaulle; B. P. Nº 193. 51009 Châlons-en-Champagne. Cedex, FRANCE.
Trimestrielle. 64 pp.

Au sujet de la maçonnerie, cette revue a publié dans ses derniers numéros [1997] les
articles suivants :
- Roland Goffin: Entour de la Tradition et de la Parole perdue (Numéros 51-52).
- Jean Tourniac(†): Destin eschatologique de la Franc-Maçonnerie. Id.: Juifs et Chrétiens
dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique (1992) et dans le rituel de Maître Ecossais du
Rite Ecossais Rectifié de la Franc-Maçonnerie (51-52).
- 'Umar: Nouvelle liturgie catholique et nouveaux rituels maçonniques (54).
- Denys Roman(†): Remarques sur quelques symboles maçonniques (55 y 56).
- John Deyme de Villedieu: "Outils" et textes symboliques (56 y 57).
- Caloier des Isles Hieres: Entre l'Ebal et le Garizim (57).
- 'Umar: Petits et Grands Mystères, ou à propos des Hauts-Grades (57).
- André Bachelet: Des Hautes Grades? Pour quoi faire? (58).
- 'Umar: La Pierre cubique à pointe (60).
- Yannick Bénard: La notion de sacrifice. Un point de vue maçonnique (62).
- 'Umar: Introduction générale à l'étude du fil à plomb (63).
- 'Umar: Les symboles géométriques de l'initiation de métier (64).
- André Bachelet: Opérativité et Maçonnerie spéculative; (66).
- J. M. V.: Le Delta rayonnant de la loge au R. E. R., et la notion de lumière en
Maçonnerie (65, 66 y 67).

Dans trois de ses numéros de 1997, l’on peut trouver des articles qui peuvent être
considérés comme maçonniques, bien qu’ils ne le soient pas au sens strict du terme, car
ils abordent des sujets aussi intimement liés à l’Ordre que la Géométrie,
l’Arithmosophie, Pythagore, etc. (Nº 65) : Dr. R. Perotto-André: Sur une représentation
du Triangle de Pythagore, 'Umar: Divine proportion et trisection de l'angle; (Nº 66) : Jean
Duprat: Quelques remarques sur 888 et 666, auxquels il faut ajouter les articles de ce
dernier et de Yves Dangers au sommaire du numéro 67 ; dans ce dernier numéro, il faut
signaler la quatrième partie de "Déroulement et enroulement de la Manifestation", de
John Deyme de Villedieu, qui se poursuivra dans les numéros suivants. Voir également
la Mise au point de André Bachelet (plus loin).

Le travail réalisé au cours des ans par cette revue, sous la direction de Roland Goffin, est
digne d’être souligné, maintenant toujours son niveau intellectuel et la variété de ses
thèmes.

Signalons aussi, dans le numéro 66, l’article intitulé « Les deux pêches miraculeuses » de
Patrick Zanzi (qui est également l’auteur de « Quelques remarques sur l’Incarnation »,
Nº 62) que nous aimerions publier dans un prochain numéro de notre revue.

Remarquons tout spécialement le numéro 36, dans lequel figure un texte écrit par Jonas
que nous publierons également en réponse à l’hommage à Guénon engendré par F.
Schuon, édité en 1985 par les Cahiers de l’Herne.

Autres textes, publiés par la suite, en rapport direct ou indirect avec la Maçonnerie :

Nº 76. Juin - Juillet - Août 1999. John Deyme de Villedieu: Déroulement et enroulement
de la Manifestation (V); 'Umar: Sagesse - Force - Beauté.

Nº 75. Mars - Avril - Mai 1999. 'Umar: Le Collier de perles et la Chaîne d'Union.

Nº 74. Décembre 1998 - Janvier - Février 1999. "A Propos de Frithjof Schuon, Sidi Aïssa
Noreddine". Umar: Le Compagnon fini, Homme primordial; Federico González: Bref sur
la confusion entre l'oeuvre de Guénon et celle de Schuon; André Bachelet: Autour de la
"Parole perdue" des maîtres maçons.

Nº 73. Septembre - Octobre - Novembre 1998. Jean Le-Petit: Initiation et Franc-


Maçonnerie.

Nº 71. Mars - Avril - Mai 1998. 'Umar: A propos de l'infallibilité traditionnelle; Francisco
Ariza: Aspects symboliques de quelques rituels maçonniques opératifs.

Nº 70. Décembre 1997 - Janvier - Février 1998. 'Umar: Anatomie de la quête ou l'esprit
d'escalier.

Nº 68. Juin - Juillet - Août 1997. André Bachelet: Opérativité et Maçonnerie spéculative,
John Deyme de Villedieu: Denys Roman, Guénonien et Maçon, y 'Umar: Réflexions sur le
Tétragramme.

André Bachelet: Maçonnerie, Maçons et fin de cycle (en: Colloque "Fin du 2e Millénaire
du cycle Chrétien... et Fin de l'âge sombre?", Octobre 1999).

[Voir aussi Chapitre VII : "AU SUJET DE RENÉ GUÉNON"]

AUTOUR D’UNE POLÉMIQUE


Comme le lecteur se souviendra, dans la rubrique "Revista de revistas" (Revue de
Revues) de notre édition sur la Tradition Hermétique, lors de nos commentaires sur
l’exemplaire 43-44 de Connaissance des Religions comprenant l’article de André Amalric
"La Franc-Maçonnerie est-elle traditionnelle ? (à propos d’un ouvrage de Denys
Roman)", nous signalions que nous en laisserions la critique pour notre numéro
"Masonería" (13-14 de 1997). Dans l’intervalle, Vers la TRADITION a publié, dans son
numéro 67, un article de André Bachelet rapportant cette collaboration de A. Almaric,
et notre avis est qu’il a traité le sujet avec bien plus d’élégance et de hauteur que nous
ne nous en sentons capables, relevant avec justesse les rectifications aux affirmations
les plus lourdes (aux intentions douteuses) proférées par ce dernier. Rappelons que la
revue Connaissance des Religions est à tendance schuonienne, et que le suisse lui-
même se demande dans ce numéro comment peut-on concevoir Dieu
géométriquement « circulaire ou sphérique » avec tout ce que cela signifie. Les
affirmations du sieur Almaric concernent autant la Maçonnerie que Denys Roman,
auteur de deux ouvrages utilisés comme prétexte pour attaquer l’Ordre, dénaturant
jusqu’à la pensée de René Guénon. Nous reproduisons la plus grande partie de la Mise
au Point de Monsieur André Bachelet et quelques-unes de ses notes (nous sommes
responsables des crochets). Voici donc un autre échantillon de la mauvaise foi des
milieux « suisses » et de leur animosité envers la Franc-Maçonnerie :

« En effet, lorsque M. Amalric aborde le domaine maçonnique, il le fait selon une


perspective répandue dans le milieu du Catholicisme "intégral", bien proche de
l'intégrisme généralement réfractaire à l’œuvre de René Guénon; il illustre ainsi
l'opinion de cette catégorie de traditionalistes pour qui la Maçonnerie, dans sa nature
profonde, est toujours la "Synagogue de Satan" abhorrée de l'Église romaine. »
« Que M. A. prenne prétexte de la parution des deux ouvrages de D. Roman pour
aborder certains points de l'histoire de la Maçonnerie, est intéressant à plus d'un titre ;
ce faisant, il tire des conclusions qui, à quelques exceptions près, ne nous paraissent pas
sortir des habituels lieux communs rebattus par les historiens à mentalité profane. En
effet, n'a-t-il pas recours, "pour éclairer le lecteur", à la méthode historique "critique",
dont on sait que son application, limitée dans son point de vue à l'exotérisme le plus
étroit, désacralise tout ce qu'elle touche ?. L'acceptation de ce dernier point par un
catholique intransigeant, semble-t-il, comme l'auteur, surprend par son illogisme. Ainsi,
sa démonstration ne contribue, par la façon de traiter le sujet, qu'à égarer un peu plus
le lecteur. Faut-il redire que la Maçonnerie, de par sa nature initiatique, ne se prête en
aucune façon à une investigation par cette méthode, et que celle-ci ne constituera
jamais qu'un pis-aller pour quelques spécialistes en mal de "documents" qui, de ce fait,
en sont réduits à formuler sans cesse de nouvelles hypothèses. Sa connaissance
effective, c'est-à-dire la prise en considération des dépôts qu'elle véhicule et sa
véritable raison d'être, demeurera toujours hors de portée de ceux qui se placent sur ce
terrain. A titre d'exemple du parti-pris de l'auteur, on constate qu'il avance la facile et
confortable thèse sur l'origine chrétienne (sous-entendu : Catholique) de la Maçonnerie,
née "spontanément" à l'époque des grandes cathédrales, ce qui est absurde mais bien
commode pour éviter de prendre en compte son "origine" pré-chrétienne et son
caractère universel dont, de ce fait, il préfère ignorer les incidences notables. Faut-il
insister également sur les extravagances verbales et prétentieuses portant sur la
nécessité de "l'influence de Maîtres authentiques formés par la tradition purement orale
et l' ‘Art de mémoire’ ", et le "retour au ‘Septénaire Sacré’ ", dont on peut regretter la
formulation quelque peu... lapidaire compte tenu de leur contenu. Tout au long de son
texte, l'auteur nous accable d'expressions qui définissent les limites de son analyse ; on
découvre ainsi que la formule de D. Roman, "L'Arche Vivante des Symboles",
concernerait en fait: "tout un héritage de ‘dépôts’ plus ou moins hétéroclites... " que ceci
"ne pourrait que relever d'un intérêt archéologique très relatif...", pour ajouter ensuite
"que l'on peut s'interroger sur le caractère effectif (efficace) de l'initiation maçonnique
aujourd'hui (...). Du fait de son ‘détournement’ spéculatif par des individus étrangers au
métier de constructeur (...)", celle-ci "aurait été ainsi réduite à ne plus transmettre
qu'une ‘influence psychique’ (...) ", "le problème de la rupture de la continuité
traditionnelle [étant posé] ", etc.... Mais nous ne pouvons achever cette "anthologie"
anti-maçonnique sans parier de la surprenante assurance avec laquelle l'auteur règle,
en le réduisant à une "affirmation téméraire", le problème de l'ésotérisme chrétien tel
que l'aborda D. Roman dans son oeuvre. Nous nous permettons de lui poser la question
suivante: de quel côté se trouve donc la "témérité"? Bien entendu, le refrain habituel
sur la nécessité, pour une éventuelle et supposée reconnaissance et réconciliation, "que
les liens rompus avec l'Église soient renoués", ne nous est pas épargné. Que l'auteur ne
soit pas conscient de l'irréalisme de cette dernière "proposition" est proprement
étonnant1. Relevons également une phrase relative à la signification de la "Parole
perdue", particulièrement significative par le fait qu'elle illustre sa méconnaissance de
l'Art Royal et de toute démarche initiatique général: "[ ... ] les travaux de Denys Roman [
... ] présentent-ils un autre intérêt ne théorique quand on sait qu'ils s'appliquent à une
Franc-Maçonnerie qui se veut purement spéculative et s'interroge elle-même sur la
"Parole perdue ", reconnaissant ainsi qu'elle a rompu tout lien avec son origine
opérative u lointaine ?". Nous aimerions croire, notamment dans ce cas précis, à une
rédaction fautive... En ce qui concerne ce dernier point, nous constatons, en de
multiples endroits procédé ou simple négligence ?, l'étrange confusion qui résulte de
l'amalgame entre les bribes de citations de D. Roman et les considérations de l'auteur ;
seules, les prises de position de ce dernier permettent de rétablir une attribution
correcte. »

« Rétablissons maintenant dans son intégrité la citation de R. Guénon, soigneusement


choisie, amputée et extraite de son contexte, utilisée dans le but de laisser entendre
que celui-ci méprisait les hauts grades de l'Ecossisme, ce qui était manifestement le
contraire, ce dont on peut se convaincre en lisant son oeuvre avec l'attention qu'elle
mérite. Pour permettre à nos lecteurs de comparer, nous reproduisons au préalable la
citation telle que rapportée par M. Amalric: "Il semble résulter de là que tous les
systèmes de hauts grades sont complètement inutiles, du moins théoriquement, puisque
les rituels des trois grades symboliques décrivent, dans leur ensemble, le cycle complet
de l'initiation". Et voici celle de R. Guénon: "Nous avons vu, dans un précédent article,
que, l'initiation maçonnique comportant trois phases successives, il ne peut y avoir que
trois grades, qui représentent ces trois phases; il semble résulter de là que tous les
systèmes de hauts grades sont complètement inutiles, du moins théoriquement, puisque
les rituels des trois grades symboliques décrivent, dans leur ensemble, le cycle complet
de l'initiation. Cependant, en fait, l'initiation maçonnique étant symbolique, forme des
Maçons qui ne sont que le symbole des véritables Maçons, et elle leur trace simplement
le programme des opérations qu'ils auront à effectuer pour parvenir à l'initiation réelle.
C'est à ce dernier but que tendaient, du moins originairement, les divers systèmes de
hauts grades, qui semblent avoir été précisément institués pour réaliser en pratique le
grand Œuvre dont la Maçonnerie enseignait la théorie".2 Pour en terminer sur ce point,
nous reproduisons deux courtes citations tirées de la conclusion du même chapitre;
dans ce texte qui fait partie de ses premiers écrits sur le sujet, R. Guénon fait déjà
preuve de son information et de son discernement : "(...) Nous avons simplement voulu
dire ici ce que nous pensons de l'institution des hauts grades et de leur raison d'être ;
nous les considérons comme ayant une utilité pratique incontestable, mais à la
condition, malheureusement trop peu souvent réalisée, surtout aujourd'hui, qu'ils
remplissent vraiment le but pour lequel ils ont été créés. Pour cela, il faudrait que les
Ateliers de ces hauts grades fussent réservés aux études philosophiques [R. Guénon
donne évidemment à ce mot son sens étymologique et non celui qu'on lui attribue
habituellement et qui illustre un mode de pensée individuel] et méta physiques, trop
souvent négligées dans les Loges symboliques; on ne devrait jamais oublier le caractère
initiatique de la Maçonnerie, qui n'est et ne peut être, quoi qu'on en ait dit, ni un club
politique ni une association de secours mutuels", et il termine son propos ainsi: "Nous ne
nous étendrons pas davantage sur ce sujet, pensant en avoir dit assez pour faire
entrevoir ce que pour raient être les hauts grades maçonniques, si, au lieu de vouloir les
supprimer purement et simplement, on en faisait des centres initiatiques véritables,
chargés de transmettre la science ésotérique et de conserver intégralement le dépôt
sacré de la Tradition orthodoxe, une et universelle". Est-il nécessaire d'en dire plus ? »

« Au crédit de l'auteur, reconnaissons la justesse de son analyse lorsqu'il dénonce, par


exemple, le caractère anti-traditionnel de la plupart des agissements d'Anderson et
Désaguliers, et des "Modernes" en général. Mais il aurait fallu à cette occasion, insister
sur les rectifications qui, en réponse, furent à plusieurs reprises, l’œuvre des "Anciens"
(elles ne se limitèrent pas à l'Union de 1813), et permirent pour le moins la restauration
de nombreux usages rituels et symboliques de grande importance, sauvant ainsi une
partie non négligeable de l'héritage provenant de la Maçonnerie opérative. Bien que cet
argument lui soit utile pour "dénoncer" le bien fondé des hauts grades, l'auteur
reconnaît la place éminente du complément de la Maîtrise qu'est l'Arche Royale dont
l'origine opérative est certaine. Egalement, sachons lui gré d'avoir mis l'accent à la suite
de R. Guénon sur la nécessité d'un "travail initiatique et opératif réel", même si une telle
entreprise peut paraître aujourd'hui et à vue humaine, bien problématique à ceux qui
sont soucieux des conditions dans lesquelles la pérennité de l'Ordre devrait
s'accomplir. »

« Mais nous nous posons une question : ces éléments positifs sont-ils conciliables avec
l'essentiel du propos de l'auteur puisqu'il met en cause la réalité de la transmission
d'une influence spirituelle dans l'Ordre maçonnique ? »

« Ce qui retient surtout l'attention dans ce texte, c'est la prétention du propos qui se
manifeste par une désinvolture pour l’œuvre de R. Guénon et celle de D. Roman,
doublée d'un mépris pour l'Ordre. Ainsi, si l'on comprend bien l'auteur, R. Guénon et D.
Roman (et ceux qui s'efforcent de les suivre fidèlement), se seraient, semble-t-il,
intéressés à la Maçonnerie uniquement pour en dénoncer sévèrement, tout au long de
leurs oeuvres, la dégénérescence et les lacunes graves et irrémédiables qui en
découlent, les déviations, les tares et le laxisme institutionnels, les compromissions avec
le siècle, les infiltrations de la "contre-initiation", etc.... Fort bien. Mais ils auraient ainsi
fait preuve d'une surprenante cécité en négligeant le fait que la Maçonnerie véhicule
depuis son origine, et par voie ininterrompue de transmission, une influence spirituelle
qui perdure aujourd'hui. C'eût été, de leur part, mépriser les incidences considérables
qui procèdent de cette situation unique en Occident. Rappelons à ce propos la note très
ferme et sans appel de R. Guénon : "Des investigations que nous avons dû faire à ce
sujet, en un temps déjà lointain, nous ont conduit à une conclusion formelle et
indubitable que nous devons exprimer ici nettement, sans nous préoccuper des fureurs
qu'elle peut risquer de susciter de divers côtés : si l'on met à part le cas de la survivance
possible de quelques rares groupements d'hermétisme chrétien du moyen âge, d'ailleurs
extrêmement restreints en tout état de cause, c'est un fait que, de toutes les
organisations à prétentions initiatiques qui sont répandues actuellement dans le monde
occidental, il n'en est que deux qui, si déchues qu'elles soient l'une et l'autre par suite de
l'ignorance et de l'incompréhension de l'immense majorité de leurs membres, peuvent
revendiquer une origine traditionnelle authentique et une transmission initiatique réelle ;
ces deux organisations, qui d'ailleurs, à vrai dire, n'en furent primitivement qu'une seule,
bien qu'à branches multiples, sont le Compagnonnage et la Maçonnerie. Tout le reste
n'est que fantaisie ou charlatanisme, même quand il ne sert pas à dissimuler quelque
chose de pire ; (...)"3 »

« Pour revenir succinctement à la question des hauts grades que l'auteur prétend sans
sourciller avoir "étudiée d'assez près", son "analyse" englobant, en fait, toute la
Maçonnerie qu'il qualifie au passage de "labyrinthe et de musée", l'amène à constater
que leur pratique se résume à "jongler brillamment avec les symboles, les nombres et
jouer au ‘mécano’ avec les débris des traditions défuntes éparses dans les différents
grades (...)". Peut-on aller plus loin dans le mépris ? Mais l'intérêt de son examen réside
pour nous dans le rapprochement significatif qu'il fait entre ceux-ci et l'héritage
Templier. Ainsi, il est assez cocasse de voir utilisée l’"autorité" d'un J. de Maistre
("pourtant ‘Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte’", nous dit l'auteur avec un
contentement et une naïveté certains) pour dénier tout crédit à la "soi disant" "filiation
Templière" au sein de l'Ordre, lorsqu'on sait que le Régime Ecossais Rectifié auquel il a,
un temps, appartenu, y était hostile et l'avait répudiée officiellement ! La simple lecture
du chapitre XV du Tome 2 de Denys Roman ayant pour titre : "Willermoz ou les dangers
des innovations en matière maçonnique", eut évité à M. Amalric cette singulière
maladresse. »

« Mais il nous faut mettre un terme à l'examen des propos de l'auteur; mériteraient-ils
d'ailleurs d'être relevés s'ils ne manifestaient une tendance bien propre à satisfaire les
visées du "Prince de la confusion" ? »

Notes
1
« Il conviendrait d'inverser la proposition, car ce n'est pas la Maçonnerie qui a
"rompu les liens avec l'Église'' [romaine] ; une telle démarche de la part de
l’Ordre n'aurait aucune raison d'être. (...) »
2
« Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, Tome 2, chapitre: "Les
hauts grades maçonniques", p. 268 à 272. (...) »
3
« (Aperçus sur l'initiation, édition 1953, p. 41, note 1). Les adversaires de la
Maçonnerie confondent généralement les Obédiences (et les Maçons) avec
l'ordre maçonnique, celui-ci étant le principe initiatique, de nature intemporelle
et inaffectée. Il en résulte des équivoques dont la portée n'est pas toujours
perçue par les Maçons eux-mêmes. (...) »

TRAVAUX DE LA LOGE NATIONALE DE RECHERCHES VILLARD DE HONNECOURT. 12, rue


Christine de Pisan, 75017 Paris.

Les Travaux de la Loge Villard de Honnecourt forment la revue semestrielle de la Loge


de Recherches Villard de Honnecourt, appartenant à la Grande Loge Nationale
Française. Elle est principalement axée sur l’étude et la recherche de la symbolique de
la Maçonnerie, bien qu’elle traite aussi de thèmes se rapportant à l’art et à la culture
d’autres voies traditionnelles, différentes de l’Ordre Maçonnique. Elle comprend ainsi
une partie extrêmement intéressante consacrée à la recherche et à l’élucidation de la
véritable histoire de cette organisation initiatique, à l’instar des travaux réalisés à ce
sujet par la revue anglaise Ars Quatuor Coronatorum.

L’ensemble est considéré dans une optique strictement traditionnelle, sans la moindre
concession aux préoccupations sociales et transitoires dont font preuve la plus grande
part des loges et obédiences maçonniques actuelles. C’est ainsi qu’un effort d’une
réelle importance est fait pour récupérer (surtout grâce aux traductions inédites des
manuscrits et documents ayant appartenus aux diverses familles et groupements
maçonniques) l’héritage symbolique, rituel et mythique de l’ancienne Franc-
Maçonnerie opérante, antérieur aux Constitutions d’Anderson et à la naissance de la
Maçonnerie spéculative ; et de celle-ci, les premiers textes où se trouve enregistré
l’héritage de la Maçonnerie opérante. C’est une tentative de retour aux sources
originelles de la tradition maçonnique, d’où la Maçonnerie actuelle tire son identité et
la raison même de son existence. Villard de Honnecourt (de qui tiennent leur nom la
revue et la Loge de Recherches) fut précisément un maître d’œuvre du XIIIe siècle à qui
l’on doit un album de dessins de géométrie et d’architecture, document d’une valeur
extraordinaire pour connaître les procédés de création suivis par les constructeurs
médiévaux dans l’élaboration des plans et des idées qui seraient ensuite transcrites
dans la pierre.

Le code symbolique de la Maçonnerie (également tributaire de l’héritage


cosmogonique et métaphysique de la tradition hermétique, pythagoricienne et judéo-
chrétienne) traduit l’idée de la construction archétypale, conçue dans la pensée de
l’Artisan divin le Grand Architecte de l’Univers, construction révélée aussi bien dans la
structure sacrée du temple que dans le propre processus de réalisation spirituelle,
puisque cette idée se réfère à une réalité essentiellement métahistorique et
métaphysique toujours présente dans le cœur de l’homme. La réadaptation de cet
héritage (tout comme dans le passage de la Maçonnerie opérante à la spéculative)
n’affecte absolument pas l’essence de ce qu’il transmet, et l’homme contemporain
continue d’avoir le même besoin de se connaître lui-même qu’avait l’homme médiéval.

La Loge Villard de Honnecourt fut fondée au début des années soixante par un groupe
de francs-maçons (entre autres Jean Tourniac et Jean Baylot) intégrés dans le courant
de pensée traditionnelle sous l’égide de l’œuvre de René Guénon, et c’est une des
loges qui travaillent sérieusement dans le but de restaurer le versant ésotérique et
initiatique de l’Ordre maçonnique. La revue se convertit ainsi en organe de diffusion de
ce travail de restauration, ce qui sera sans aucun doute bien accueilli par tous ceux
dont l’intérêt pour la Franc-Maçonnerie réside précisément dans les possibilités qu’elle
offre en tant que voie d’accès symbolique vers la Connaissance.

Nº 30 (2e série): 1er semestre 1995, 253 pp. SOMMAIRE: T. R. Grand Maître Claude
Charbonniaud: Avant-Propos; Prof. Jean E. Murat: Introduction; I TRAVAUX ET
CONFERENCES: Paul Amaury: Métier et renaissance spirituelle; Jean-Pierre Félix:
Aspects initiatiques de l'œuvre de Rabelais; Michel Constant: La nouvelle naissance
spirituelle à partir de la tradition de l'Égypte ancienne; Jean-François Blondel: La
légende des Quatre couronnés; II ETUDES: Jacques-Noèl Pérès: La dédicace du temple;
Pierre Paillère: Nécessité de l'angélologie; Michel Viot: Sources bibliques du rituel de
consécration; Jean-Pierre Schnetzler: A la Gloire du Grand Architecte de l'Univers;
Witold Zaniewicki: Les cagots; Notes et comptes rendus de Jean E. Murat.

Nº 31: 2º semestre 1995, 254 pp. SOMMAIRE: T. R. G. Maître C. Charbonniaud: Avant-


propos; I TRAVAUX ET CONFERENCES: Alain Mercier: L'art pictural et ses expressions
initiatiques; Jean-François Var: Renaissance spirituelle et Franc-Maçonnerie; Marc
Maillet: Expression musicale et renaissance spirituelle; Roland Edighoffer: Le Temple
d'Ezechiel et la Cité des Rose-Croix; Gérard Jarlan: L'aurore naissante de Jacob Böhme; II
ETUDES: Pierre Warcollier: Le Feu, l'Eau, la Terre dans l'instruction aux Grands Profès;
Id.: Commentaires de l'Instruction aux Grands Profès; Jean-François Var: L'Ésotérisme
chrétien et le Régime Écossais Rectifié; Notes et comptes rendus de Jean E. Murat.

Nº 32: 1er semestre 1996, 272 pp. SOMMAIRE: T. R. F. Yves Trestournel: Allocution; I
TRAVAUX ET CONFERENCES: Prof. Jean E. Murat: Être et temps; Simone Vierne: Les
romans de Jules Verne, une œuvre initiatique; Jean-Bernard Lévy: La tolérance; Dov
Bezman: Aperçus sur les traditions celtiques; II ETUDES: Jean-François Blondel: Les
compagnons passants tailleurs de pierre d'Avignon; Claude Tresmontant: Qui était
Jean?; Jean-François Faugère: La pensée de Teilhard de Chardin, avatar de la tradition
celtique; Jacques Lutfalla: Dieu créateur, G.A.D.L.U. et physique mathématique; Jean-
Yves Legouas: Les statuts de la société des philosophes inconnus; III COMPTES RENDUS
(Jean E. Murat); IV LECTURES D'INSTRUCTION.

*
* *

EL TEMPLO DE SALOMON. Isaac Newton. Introd. de J. M. Sánchez Ron. Traducción y


estudio filológico C. Morano. Ed. Debate/CSIC, Madrid 1996. CV+140 pp.

J.M.S.R. signale fort opportunément dans son prologue que l’économiste Lord Keynes
appelait Newton le dernier des mages. L’illustre savant qui énonça la célèbre loi de la
gravité universelle fut en effet un ésotériste qui voyait la nature comme le Temple du
Grand Architecte de l’Univers et le scientifique, par conséquent, comme un prêtre qui
pouvait intervenir dans les processus du monde et mener à la Connaissance et à
l’Origine grâce aux pistes laissées par le Créateur et au temps recelé dans son discours
cryptographique. Là se trouve la raison de ce que Newton aborde des thèmes bibliques,
car il considérait le Livre comme un précis de sagesse révélée, malgré les altérations
subies par son texte, souvent perpétrées par la hiérarchie religieuse romaine ; il en est
de même de ses investigations alchimiques auxquelles il consacra des travaux et des
efforts importants. Il n’était pas en cela très différent des autres savants de son
époque, car il est bien connu que la génération des scientifiques qui fondèrent la
science moderne (Locke, Kepler, F. Bacon, Robert Boyle, etc. etc.) effectuait des
recherches dans ce sens et donnait peut-être plus d’importance aux études biblico-
théologiques, voire même à l’Histoire Sacrée, comme dans ce cas, qu’aux sujets
exclusivement scientifiques ou mécaniques (physique, chimie, mathématiques,
optique, etc.), quoique la vérité oblige à reconnaître que ces thèmes n’ont jamais été
séparés, puisqu’ils étaient traités sans la moindre différence entre eux, aussi bien le
sacré que le profane, ce qui est facile à vérifier d’après le contenu de la propre
bibliothèque de Newton (John Harrison, The Library of Isaac Newton, Cambridge Univ.
Press 1978) ou de quelque autre qu’il ait utilisée (la privée de Isaac Barrow, les
publiques de Cambridge).

« Pourquoi je l’appelle mage ? », questionne Keynes « Parce qu’il contemplait l’Univers


et tout ce qu’il contient comme une énigme, comme un secret qui pouvait se déchiffrer
en appliquant la pensée pure à certaine évidence, à certain indices mystiques que Dieu
avait disséminés de par le monde afin de permettre une sorte de chasse au trésor
philosophique à la fraternité ésotérique. » (p. XI et XII, intr.).

C’est ainsi que le savant anglais, nous l’avons déjà signalé, prêtait une attention
spéciale aux histoires bibliques, auxquelles il se référa à plusieurs reprises et qu’il
jugeait plus anciennes que les histoires grecques voir même que les chaldéennes avec
une incontestable érudition et abondance d’informations en tout genre, issues des plus
illustres études du lieu et de l’époque. Précisons qu’il n’a pas utilisé l’Histoire Biblique
(y compris l’Apocalypse) comme source unique de ses études historiques, mais
également Flavius Josèphe, Philon d’Alexandrie, les mythes grecs, etc., et qu’il
considérait que la position des étoiles dans les constellations du zodiaque, donnée, par
exemple, dans des descriptions de la guerre de Troie ou de la mission de Jason et les
Argonautes en quête de la Toison d’Or (qu’il situait en 937 avant Jésus Christ), réglait
l’espace et le temps, anticipant ainsi les archéologues qui découvrirent plus tard
d’antiques cités dont existaient des descriptions « mythiques », tout comme la science
moderne de l’archéo-astronomie qui détermine les dates de lieux y compris de grands
ensembles d’après l’étude du ciel de l’époque où ils furent édifiés. L’on peut lire, dans
le manuscrit intitulé The original of religions : « De manière que le but de la première
institution de la vraie religion en Égypte était de proposer à l’humanité, au moyen de la
structure des anciens temples, l’étude de la structure du monde comme le véritable
Temple du grand Dieu qu’ils adoraient. »

Et c’est là le but des recherches de Newton sur le Temple de Salomon, que nous dévoile
ce fascinant et surprenant travail, édité fort opportunément et avec une érudition
réconfortante par Ciriaca Morano, et que nous recommandons à nos lecteurs.

*
* *

TEXTES FONDATEURS DE LA TRADITION MAÇONNIQUE 1390-1760, Introduction à la


pensée de la franc-maçonnerie primitive. Traduits et présentés par Patrick Négrier.
Préface de Henri Tort-Nouguès. Ed. Grasset, Paris 1995. 384 pages.

L’auteur définit cette publication comme une anthologie et il n’a pas tort, dans la
mesure où son travail ne se compare pas à une simple compilation. En effet, aussi bien
la sélection des textes que les introductions, les commentaires et les notes,
démontrent non seulement la démarche investigatrice de l’auteur et sa réussite, mais
aussi son ample culture dans le domaine de la symbolique, de la Bible et de
l’ésotérisme, qui lui permet de donner une orientation doctrinale et une organisation
didactique à ces anciens textes maçonniques, connus comme « Fondateurs » (1390-
1760). L’auteur commence son exposé en nous replaçant dans le contexte historique,
en nous signalant trois périodes correspondant à trois types de documents, qui
correspondent à leur tour à trois époques différentes de l’Ordre :

« une première période dite opérative (1356-1598), où la maçonnerie était une


corporation professionnelle chrétienne, et où les loges se composaient uniquement
d'ouvriers du bâtiment: c'est à cette époque (1390) qu'apparaissent les Old Charges
dites Anciens Devoirs; »

« une seconde période dite de transition (1599-1722), où ces loges opératives


commencèrent à admettre en leur sein des hommes étrangers au métier du bâtiment:
c'est à cette époque qu'apparaissent la référence à l'art de mémoire (Statuts Schaw de
1599), l'initiation maçonnique primitivement appelée Mason Word (1637), et les
premiers catéchismes symboliques (Edimbourg, 1696); »

« et enfin une troisième période dite spéculative (de 1723 à nos jours), où la
maçonnerie est devenue une initiation non confessionnelle (laïque), et où les loges se
composent principalement d'hommes étrangers au métier du bâtiment: c'est à cette
époque qu'apparaissent les deux chartes de la francmaçonnerie moderne, les
Constitutions dAnderson (1723 et 1738) et les deux versions du Discours de Ramsay
(1736-1737). »

Ce livre, écrit à la demande des éditeurs, développe pour le milieu maçonnique de la


langue française une fonction extrêmement importante, analogue à celle du Cahier de
l’Herne dont il est complémentaire, et consacré également à ces textes fondateurs de
la Franc-Maçonnerie (voir Cahier de l'Herne Nº 62, La Franc-Maçonnerie: Documents
Fondateurs dans SYMBOLOS Nº 13-14, 1997, p. 389). Cependant, certains textes
manquent dans l’un ou l’autre ; dans l’anthologie de Négrier, il faudrait peut-être
remarquer la publication des discours de Ramsay, ainsi que les Constitutions
d’Anderson, également publiées par D. Ligou (voir compte-rendu suivant), documents
possédant une grande valeur pour tout franc-maçon, et qui démontrent aussi le
passage, ou, si l’on préfère, l’adaptation, de la maçonnerie opérante à la spéculative,
expression de la Science Sacrée correspondant aux nouvelles formes de pensée
individuelle et sociale du XVIIIe siècle, qui s’établissaient depuis le milieu du siècle
précédent, voire plus tôt (maçonnerie de transition) et qui se prolongeront jusqu’à nos
jours.

Dans les contributions de Négrier à l’étude de la Maçonnerie, le rapport établi entre les
Constitutions d’Anderson et les Old Charges (Anciens Devoirs) nous semble
particulièrement intéressant. Cette observation ne laisse pas d’être exacte, dans la
mesure où Anderson a consciencieusement étudié les Old Charges, comme le constate
Négrier lui-même. Le fait est également mis en évidence par la comparaison objective
des documents, en particulier avec le manuscrit Regius et d’autres textes, ainsi que le
démontre aussi Daniel Ligou dans son introduction, traduction et notes sur les
Constitutions d’Anderson dont, nous l’avons dit, P. Négrier publie sa propre version
dans les chapitres 10, 11 et 12 de cette Anthologie.

Pour terminer ce bref commentaire, rappelons que les versions de l’anglais des
documents publiés dans cet ouvrage sont aussi de P. Négrier (également auteur de La
Lettre "G", suivi de Le Mot Sacré de Maître et les Cinq Points du Compagnonnage, Ed.
Détrad, Paris 1990), et ses notes éclairent beaucoup. Voici le contenu de cette
anthologie : "Les Anciens Devoirs": 1. Le manuscrit Halliwell dit Regius (1390), 2. Le
manuscrit Cooke (1410), 3. L'ancêtre reconstitué de la branche Grand Lodge (avant
1583). "Les catechismes symboliques": 4. Dix témoignages du XVIIe siècle sur le Mason
Word (1637-1699), 5. Le manuscrit d'Edimbourg (1696), 6. Le manuscrit Dumfries nº 4
(1710), 7. L'Institution des francs-maçons (1725), 8. Le manuscrit Graham (1726), 9. Le
Grand mystère à découvert (1726). "Les Constitutions d'Anderson": 10. L'Edition de
1723, 11. Les Devoirs enjoints aux maçons libres (1735), 12. Les versions ultérieurs du
chapitre I des 'Devoirs d'un franc-maçon'. "Le Discours de Ramsay": 13. La version de
1736, 14. La version de 1737. "Extraits d'un catechisme symbolique tardif": 15. Les Trois
coups distincts (1760). "Annexe": 16. La Maçonnerie d'après l'Ecriture, de John Tillotson.

*
* *

ANDERSON'S CONSTITUTIONS. CONSTITUTIONS D'ANDERSON. Introduction, traduction


et notes de Daniel Ligou. Edimaf, Paris 1992. 288 pp.

Ce livre sera bien accueilli par les maçons qui ont eu des difficultés à connaître
certaines des constitutions de leur Ordre, y compris celles de James Anderson qui
donnèrent lieu à la Maçonnerie spéculative forme actuelle d’expression de cet Ordre
Initiatique car la seule édition en espagnol que nous connaissions date de 1936
(Barcelone, traduction de Federico Climent) et n’existe plus sur le marché depuis
plusieurs années, encore que nous ayons entendu parler d’une version mexicaine et
qu’il en existe probablement une autre en Amérique du Sud, bien que J. Benimelli n’en
parle pas dans sa Bibliographie de la Maçonnerie (Fondation Universitaire Espagnole,
Madrid, 1978). C’est également le cas des versions françaises ou encore des anglaises,
presque toutes éditées avant le milieu du siècle la plupart datant du XVIIIe. Cette
édition est donc la bienvenue, avec ses notes et commentaires d’un spécialiste de la
Maçonnerie, Daniel Ligou, qui étudie le sujet depuis de nombreuses années (voir
Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie, dans SYMBOLOS Nº 13-14, page 377). D’autre
part, l’édition est bilingue anglais-français, ce qui permet d’en vérifier la traduction.

Le livre des Constitutions de 1723, support du travail, fut imprimé à Londres par
William Hunter, il comptait 92 pages et se composait de quatre parties : histoire ;
obligations d’un maçon (« tirées des anciennes archives des loges d’outre-mer, et de
celles d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande ») ; règlements généraux (« réunis par G.
Payne en 1720 ») avec un post-scriptum sur la façon de constituer une nouvelle Loge ;
et des chants maçonniques avec leurs partitions. L’étude de ces Constitutions que nous
publierons dans notre collection « Papeles de la Masoneria » nous semble très
importante, pour évaluer non seulement l’étude qu’Anderson a faite des Old Charges,
sur lesquelles se basent ses Constitutions, mais aussi ses tentatives d’adaptation, dont
beaucoup furent rejetées par la plupart des Loges anglaises jusqu’à ce qu’il ait modifié
nombre de ses innovations en les adaptant à la Tradition et qu’il publie finalement des
Constitutions corrigées (1738) dont la plus importante rectification portait sur la
division par trois effectuée avec les grades maçonniques, qu’il avait inexplicablement
réduits à deux ; comme l’on sait, cette influence des « Anciennes » Loges continua de
s’exercer sur les Loges « Modernes », à un tel point qu’elles ne s’unifièrent qu’en 1813,
après que la nouvelle Franç-Maçonnerie, appelée Spéculative, ait été dotée des idées
et rituels traditionnels des « Anciens » et que l’Ordre revienne ainsi à la fonction
initiatique.

Vues par delà plus de deux siècles, les constitutions d’Anderson apparaissent
nettement chrétiennes, malgré le fond mythologique et païen où se déroule l’histoire
maçonnique. Aux regards post-conciliaires, il ne semble pas que les différences entre
protestants et catholiques, et particulièrement en ce qui concerne l’invocation de la
déité, soient plus que de légères nuances d’un même aspect. Ces Constitutions
marquent cependant la séparation de la Franc-Maçonnerie et de l’Église car à partir de
là, l’Ordre ne s’identifiera plus avec la seule confession chrétienne, ni se soumettra au
pouvoir de Rome provoquée par la force des événements et le conséquent
aggiornamento qui permit l’Initiation d’un grand nombre de chrétiens réformés, et par
la suite ouvrit la porte à l’admission de juifs, islamiques, etc., dans diverses loges de
différents lieux géographiques, y compris en Orient, en particulier en Inde et en Chine,
et même dans les pays islamiques, construisant ainsi une Franc-Maçonnerie réellement
universelle, c’est-à-dire authentiquement catholique, en dépit du paradoxe.

Cette publication est remarquable, et l’introduction et les notes de la traduction de D.


Ligou sont très utiles et intéressantes.

TEMENOS ACADEMY REVIEW. Dirigée par Kathleen Raine. Central Books. 99 Wallis Road.
Londres E9 5LN.

Nº 2, printemps 1999. 208 pages. Nº 1, printemps 1998. 214 pages. Temenos : a Review
of the Arts of the Imagination, a publié 13 numéros de 1981 à 1992, date à laquelle qui vit
sa transformation en organisation d’enseignement, la Temenos Academy (14, Gloucester
Gate, London NW1 4HG) qui a donné des conférences et des séminaires tout au long de
cette période. C’est le premier numéro de la nouvelle série.

CHAPITRE X

AUTRES COURANTS, PENSÉES ET ŒUVRES

AVALOKA. A Journal of Traditional Religion and Culture, 249 Maynard N. W., Grand
Rapids, MI 49504, U.S.A.

L’éloignement qui existe entre l’ésotérisme anglais et l’ésotérisme français est


proverbial, comme celui qui les sépare tous deux de l’allemand et qui a affecté, en
général, les diverses langues européennes durant ces derniers siècles ce qui n’était pas
arrivé au Moyen Âge et à la Renaissance au point que de nombreux ouvrages d’auteurs
français ne sont pas connus en anglais et vice versa. Il y a eu, évidemment, bien des
raisons, historiques ou autres, pour que se donne cet état de fait, parmi lesquelles il faut
souligner l’abandon du latin comme langue culte et « franche » qui fut, durant des
siècles, le langage de transmission des secrets et des vérités de la Philosophie et de la
Cosmogonie Pérenne. Cette situation a perduré jusqu’à nos jours, et ce n’est qu’assez
récemment que s’est établi un courant de flux d’énergies entre les différents pays
d’Occident (et principalement entre ce dernier et l’Orient), par le biais de traductions,
publications, conférences, et autres, de divers auteurs, inspirés par l’ésotérisme de tous
temps et initiés dans différentes formes traditionnelles vivantes et authentiques. La
revue américaine AVALOKA s’inscrit dans cette perspective de diffusion du message et
des enseignements traditionnels, à un fort bon niveau, aussi bien en ce qui concerne ses
propres collaborateurs que les traductions de Guénon ou de Burckhardt jusqu’alors
inédites en anglais, ou encore les articles de Coomaraswamy et autres auteurs ne se
trouvant pas encore regroupés en volumes. Les remises d’AVALOKA offrent le volume V
est paru un matériel de grande valeur ; l’on peut remarquer parmi les collaborations
celles du directeur lui-même, Arthur Versluis, ainsi que celles de James Cowan, Eido
Shimano, Robert Aitken, Masao Abe, David Fideler ou autres, étant toutes de haut
niveau et faisant preuve d’une grande érudition. Dans les prochains numéros, nous
reviendrons sur cette revue qui sort aux solstices, et se publie aux États-Unis, en anglais.

AVALOKA. Année 1992. Réimpression de textes d’auteurs traditionnels. Livres et


Informations.

Dans les grandes lignes, le directeur Arthur Versluis regroupe dans ce numéro des
travaux qui traitent d’une voie de réalisation de type religieux, concrètement le
christianisme, et signe un écho sur la Chevalerie. Remarquons également l’artcile de
Hugh Urban sur l’imaginaire, chapeauté par une citation de William Blake.

*
* *

LA PLACE ROYAL: Histoire, Culture & Tradition. Mensuel, No. 27. Adresse: La Reynerie
47230, LAVARDAC, FRANCE. Sommaire: Editorial; Luc-Olivier d’Algange: Critique Du
Regne De Demos; Hervé Boitel: Le Portugal Reviste; Philippe Barthelet: De la
Superstition; Jean-Pierre Hausermann: Nouvelles D’Alsace; Henry Montaigu: Journal de
Galére; Frédéric Luz: La Gazette De Cyrano.

Dans le numéro 28-29 de juin-juillet 1992, se trouve une information sur le numéro 3
de SYMBOLOS que signe le directeur de la publication, Monsieur Frédéric Luz, qui
n’hésite pas à qualifier notre revue « d’excellente ». Nous sommes reconnaissants de
cet adjectif car nous considérons très important à plus d’un titre le travail de cette
entité nommée « La Place Royal », que préside Monsieur Henry Montaigu et dont des
collaborateurs de valeur constituent le corps, malgré notre éloignement de toute
« politique ». Nous y reviendrons.

Nº 31 de septembre-octobre 1992. Dans notre précédent numéro, nous examinions ce


media que dirige Frédéric Luz en étroite collaboration avec Henry Montaigu dont les
chroniques, notes, poèmes (et aussi gravures, croyons-nous) occupaient une grande
part de la revue. Dans le nº 31, Monsieur Luz nous annonce le décès de Monsieur
Montaigu, qui laisse cependant une œuvre derrière lui. Nous présentons à LA PLACE
ROYAL nos plus sincères condoléances pour la douloureuse perte de son collaborateur.

Nº 32. Janvier-février-mars 1994. Nouvelle adresse: B.P. 88, 81603 GAILLAC. Cedex.
France. Nous nous réjouissons de la réapparition de cette revue qui, depuis la mort de
son fondateur, Monsieur Henry Montaigu, il y a un an et demi, reprend la bataille sur le
champ culturel et littéraire ésotérique, ainsi que sur l’œuvre de René Guénon. Elle est à
présent dirigée par Frédéric Luz, son ancien rédacteur en chef, et ce numéro 32 porte
en toute logique sur l’œuvre et les idées d’Henry Montaigu. Rien que cela constitue une
étude intéressante, car le point de vue du directeur disparu, qui comprend une critique
de la vaste littérature française et de l’histoire du pays et de ses institutions, ainsi que
de la culture en général, est la raison d’être de cette revue qui porte déjà un titre
significatif. Il s’agit d’un lieu, d’un espace analogue à la cité céleste (Christianopolis, par
exemple), dont la projection devrait être la cité des hommes. Mais ce n’est pas là une
utopie comme l’on pourrait le croire, selon le sens donné aujourd’hui à ce terme. Il
s’agit au contraire d’un espace, une ville, un archétypique château d’images, un
véritable règne, et la preuve en est que la structure de cette entité n’a pas disparu avec
la mort physique de celui qui l’a conçue dans l’imaginaire, sinon qu’elle se projette
encore dans notre milieu, et demeure vive et polémique, comme en témoigne un
article de Frédéric Luz qui donne quelques détails sur la conduite intellectuelle et les
manigances du « théologien » Jean Borella dans la revue Connaissance des Religions,
qui s’ajoute à d’autres critiques sur cet écrivain. Y ont également collaboré Luc-Oliver
d'Algange, Philippe Barthelet, Hervé Boitel, Christophe Levalois, Philippe de Saint
Robert y Eric Vatré.

*
* *

DEUX GROUPES ÉSOTÉRIQUES CHRÉTIENS

Nos lecteurs pourront connaître, au travers de leurs publications, deux groupes


ésotériques chrétiens et qui se reconnaissent comme tels sans aucun rapport l’un avec
l’autre, pour autant que nous sachions, à l’exception, bien sûr, de leur concordance
dans l’ésotérisme chrétien. Voici leurs dernières publications :

***

LA PLACE ROYAL Nº 37: "LA GNOSE CHRETIENNE". B. P. 88 - 81603 GAILLAC cedex.


FRANCE. Octobre 1996. Dirigée par Frédéric Luz. 176 pages. Il faut souligner l’excellente
présentation, rénovée, de ce media qui a entamé une nouvelle étape.

Editorial: Frédéric Luz; Notes sur la Gnose chrétienne: Luc-Olivier d'Algange; Les
gnosimaques: extrait du Dictionnaire de Théologie de M. l'Abbé Bergier, 1829; Gnose
chrétienne et gnose anti-chrétienne: Prof. Jean Borella; Jean et Marie: Mr. Ollier (1608-
1657); Les Clefs de la Gnose: Jérôme Rousse-Lacordaire o. p.; Sermon sur la résignation
intérieure: Jean Tauler; L'Homme intérieur ou la nostalgie du Haut-Pays: Luc-Olivier
d'Algange; Le Gnostique de saint Clément d'Alexandrie, de Fénelon; Mise au point sur la
confrérie du Paraclet: De la fraternité del Chevaliers du Divin Paraclet (Statuts du xvi
siècle), Réformation de la Règle des Chevaliers du Paraclet du Maistre Jean de
Thionville, 1668; La confrérie de l'Ordre du Très Saint Paraclet et de la Mère de Dieu;
L'Eternité s'éveille, préface à "Opéra doré" de Henry Montaigu: Luc-Olivier d'Algange;
Opéra Doré, Oratorio sur la fin des temps: Henry Montaigu.

***

SOL NEGRO (Soleil Noir) Revista de principios y fines. Apartado 171 de Alhama de
Murcia, España. Directeur : Emilio Saura.

Nº 3. 1996. Paraît tous les quatre mois. Sommaire : Editorial. Buzón del lector. Guía de
Perplejos: Consideraciones sobre el qué, el por qué y el para qué de la enfermedad, M. J.
Martínez Albarracín; Homeopatía y filosofía, J. Antonio Antón Pacheco; ¿Tú o usted?, I.
Garrido; La bóveda celeste, un mito que perdura, J. López Monje. Comentarios de
nuestro tiempo: Rebuscando en la historia, E. Ruiz Castillo; Red de redes, J. Sevilla
García; Sobre el éxito de "El mundo de Sofía", A. Martínez Belchí. Archetypica:
Simbología; Aspectos qabalísticos de Éxodo 3,1-14, Emilio Saura; Notas sobre el Yi-king,
Janus; Notas astrológicas sobre el Concilio Vaticano II, Janus. Literatura, música y artes:
Poemas, F. Martínes Albarracín, J. R. Barat; Hombre que mira el mar, J. V. Sánchez;
Consideraciones líricas sobre nuestro Siglo de Oro, J. R. Barat; Doce coplillas de intenso
amor, J. Cánovas Martínez. Biblioteca del Sol Negro.

Nº 4. 1996. Sommaire : Editorial. Buzón del lector. Guía de Perplejos: La mujer como
persona en los Evangelios, M. Moreno Villa; ¿Todo es uno?, F. Martínez Albarracín.
Comentarios de nuestro tiempo: Nuevas perspectivas sobre el fenómeno "ovni", E.
Saura; Comentarios de Marta; Y los sueños sueños son, M. Garrido; Astrología y
Libertad, A. Martínez Belchí. Archetypica: Simbolismo de la Cruz; Notas qabalisticas,
Emilio Saura; Geografía Sagrada, Janus. Literatura, música y artes: El silencio de Dios, P.
Ballesta; En el cementerio de Bruckner, J. P. Sánchez. Psicología y formas de vida: Lejos
del mundanal, José Fuentes Blanc; A propósito de "violencia y ternura" de Rof Carballo,
E. Ruiz Castillo. Biblioteca del Sol Negro.

Textes brefs et précis, fruits d’un travail de synthèse. Porte sur des sujets divers, plus
ou moins bons, mais tendant tous vers la connaissance, exprimée de manière fraîche et
franche.

***

LA PLACE ROYAL. Mas de Combes, 81120 SIEURAC, France. Fondée en 1982 par Henry
Montaigu. Directeur depuis 1991 : Frédéric Luz. Nº 38. Noël 1998. 60 pages.

Un bel article de Luc Olivier d’Algange, sur Ernst Jünger, ouvre ce numéro dans lequel le
directeur, Frédéric Luz, annonce avec son épouse son entrée dans l’Église Orthodoxe
(Patriarcat de Kiev) où il a reçu les ordres et communique que LA PLACE ROYAL sera
une revue de plus en plus chrétienne. Ce numéro comporte également un article
intéressant, de Dominique Devie, sur l’œuvre de Guénon sur Internet, où il parle de
notre revue. Et toujours, les contributions centrales de Henry Montaigu.
*
* *

RENE DAUMAL Y LA "ENSEÑANZA" DE GURDJIEFF: Emilio Saura.

A signaler, cette remise d’Émilio Saura (voir dans les numéros 3 et 4 de SYMBOLOS,
1992, son « Approche de la Signature Astrale de la Philosophie »), professeur de
philosophie à Murcia (Espagne), sur René Daumal, personnage phare de l’ésotérisme
du XXe siècle, en relations non seulement avec Gurdjieff, mais aussi avec notre guide
intellectuel, René Guénon, surtout en ce qui concerne l’intérêt de l’auteur de La
Montagne Analogue pour la métaphysique hindoue.

*
* *

PAIDOS. Nous remercions la maison d’édition Editorial Paidós pour les livres remis à
notre rédaction, qui appartiennent tous à sa collection « Paidós Orientalia ».

Comme son nom l’indique, cette collection est consacrée presque exclusivement à la
pensée orientale, quoique suivant une ligne quelque peu hétérogène, car les titres et
les auteurs publiés ne reflètent pas toujours fidèlement cette pensée dans ce qu’elle
possède de métaphysique et de traditionnel. Cependant, les textes et les études sont
en général de bonne qualité, certains pouvant être considérés comme de véritables
« classiques » pour leurs rééditions successives dans plusieurs langues, et ayant été par
conséquent lus par plusieurs vagues de lecteurs intéressés par la Philosophie Pérenne.
C’est là le cas de Bouddha et l’évangile du bouddhisme de A. K. Coomasraswamy,
Patânjali et le yoga de M. Eliade, Méthodologie de l’histoire des religions de M. Eliade
et J. M. Kitagawa, 150 contes sûfis de Yalal Al Din-Rumi, et L’hindouisme de L. Renou.
Remarquons surtout, parmi les exemplaires que nous avons reçus, Alchimie asiatique
de M. Eliade, Dictionnaire des religions, de M. Eliade et I. P. Couliano, et Le chemin du
zen de E. Herrigel.

DICTIONNAIRE DES RELIGIONS. Cet ouvrage, commencé par Eliade et achevé par
I. P. Couliano, son élève et collaborateur, est une révision générale des principales
religions, englobant les divers aspects mythiques, symboliques, rituels et
anthropologiques des différentes ethnies et des époques se rapportant à chacune
d’entre elles. Malgré son approche dans une perspective universitaire et sa
terminologie particulière, qui suit la méthode historique, il s’agit d’un livre de grand
intérêt pour l’historien des religions et des traditions en général.

ALCHIMIE ASIATIQUE . L’auteur expose, sous forme résumée, les principales


caractéristiques de l’alchimie orientale (chinoise et hindoue) à l’exception de l’arabe,
qui prolonge l’alchimie alexandrine d’origine hermétique, c’est-à-dire égyptienne et
grecque, qu’Eliade avait déjà développée dans son livre Forgerons et alchimistes.
« L’alchimie, signale l’auteur, a été et est encore une technique spirituelle au moyen de
laquelle l’homme assimile les vertus normatives de la vie et s’acharne à gagner
l’immortalité. »

LE CHEMIN DU ZEN. Cet ouvrage est le fruit de la propre expérience de l’auteur, qui a
su pénétrer et assimiler la réalité essentielle de cette voie traditionnelle de
connaissance, née de la synthèse du taoïsme et du bouddhisme mahayana. C’est un
livre très instructif, écrit dans un langage accessible à l’homme occidental, mais qui
approfondit les différentes méthodes et techniques utilisées dans les écoles zen en les
illustrant par des exemples, et incitant le lecteur à les pratiquer presque sans s’en
rendre compte.

***

COSMOLOGIE ET ALCHIMIE BABYLONIENNES. Mircea Eliade. Paidós Iberica. Barcelone.


1993. 116 pages. ALCHIMIE ASIATIQUE. Idem. 1992. 113 pages.

Dans la collection Orientalia ont paru ces deux petits volumes qui, avec Forgerons et
Alchimistes (Alianza Ed. Barcelone. 1986. 208 pages) et autres, expriment ce qu’est
l’Alchimie en tant que science et art hermétique pour ce grand spécialiste de l’histoire
des Religions, ainsi que ses correspondances avec la quasi totalité des Traditions
connues. En effet, « L’histoire de l’alchimie européenne (et alexandrine, iranienne,
arabe, médiévale) débute avec les influences qu’exerça probablement l’alchimie
babylonienne en Égypte. » (Alchimie Asiatique, préface). Et il poursuit : « Pour replacer
correctement l’alchimie dans son contexte original, il ne faut pas perdre de vue ce qui
suit : dans toutes les cultures où l’alchimie fait acte de présence, elle apparaît toujours
intimement liée à une tradition ésotérique ou « mystique » : en Chine, au taoïsme ; en
Inde, au yoga et au tantrisme ; dans l’Égypte hellénistique, à la gnose ; dans les pays
islamiques, aux écoles mystiques de l’hermétisme et de l’ésotérisme ; en Occident au
Moyen Âge et à la Renaissance, à l’hermétisme, au mysticisme chrétien et à la kabbale.
Au bout du compte, tous les alchimistes déclarent que leur art est une technique
ésotérique, poursuivant des buts semblables ou comparables à ceux des grandes
traditions ésotériques et « mystiques ». » (page 79).

Un fait curieux est que ce livre soit paru en roumain en 1935 et que l’auteur ait été si
clair sur le sujet qu’il allait développer par la suite, toujours en petits volumes en raison
de problèmes d’édition.

Dans la préface de Cosmologie et Alchimie Babyloniennes, Eliade déclare qu’il se


propose de : « Démontrer comme je l’ai moi-même tenté dans L’Alchimie asiatique que
les alchimies indienne et chinoise n’étaient ni des sciences empiriques ni pré-
chimiques, sinon des techniques mystiques, soteriologiques , ne signifie pas faire
preuve d’érudition, sinon appliquer une méthode qui, bien qu’elle ne soit pas
révolutionnaire dans l’étude des cultures orientales, peut s’avérer énormément fertile
dans la philosophie de la culture. Le caractère « révolutionnaire » de notre
interprétation nous a obligé, il est vrai, à offrir un abondant appareil critique, justement
pour prouver jusqu’à la satiété la validité de nos affirmations. » (page 10). Puis
commence la première partie de son traité, avec le programme suivant : 1. Cosmos et
Magie, 2. Méthodes, 3. Homologie, 4. Le Temple, 5. Cité Sacrée - Centre du Monde, 6.
L’Axe du Monde - l’Arbre de la Vie, 7. Correspondances.

C’est-à-dire que la Cosmogonie et ses lois se placent pleinement comme les fondations
des Sciences et des arts en général, et de l’Alchimie en particulier. La raison se trouve
sans aucun doute dans les lois de l’analogie qui établissent des correspondances entre
divers ordres de la réalité et qui rendent les métaux assimilables aux astres, comme la
terre au ciel, bien que leurs polarités se trouvent inversées : « Tout ce qui est connu,
tout ce qui est concret, participe à cette loi magique de la correspondance. Le cosmos
apparaît divisé en régions gouvernées par les dieux, dirigées par les planètes. Entre une
zone céleste déterminée et la planète qui la domine ou le dieu qui la représente, il
existe des relations magiques, de « correspondance » et « d’influence ». Tout ce qui
arrive dans une zone céleste sera également présent, d’une façon ou d’une autre, dans
la vie qui, sur terre, se trouve sous son « influence ». Évidemment, ces influences ne
s’exercent pas toujours de manière directe. Il y a d’innombrables relations,
d’innombrables niveaux entre la terre et le ciel. Ce n’est qu’en son centre, et seulement
dans certaines conditions, que la terre peut être directement reliée au ciel. » (page 40).
Ces lignes passionnantes se complètent de plusieurs autres, prolongeant la pensée de
l’auteur ; ainsi, dans Forgerons et Alchimistes, nous lisons que : « Collaborer avec la
Nature, l’aider à produire dans un tempo de plus en plus accéléré, modifier les
modalités de la matière : dans tout cela nous croyons avoir découvert l’une des sources
de l’idéologie alchimique. » (page 10). Et ailleurs : « L’alchimiste, comme le forgeron, et
le potier avant eux, est un « seigneur du feu », puisque c’est au moyen du feu que
s’opère le passage d’une substance à une autre. Le premier potier qui parvint, grâce
aux braises, à faire durcir considérablement les « formes » qu’il avait données à l’argile
dut ressentir l’ivresse du démiurge : il venait de découvrir un agent de transmutation.
Ce que la chaleur « naturelle » celle du soleil ou du ventre de la terre faisait mûrir
lentement, le feu le faisait dans un tempo insoupçonné. » (page 71). Et tout cela était
possible, pour les alchimistes du passé, grâce à ce que : « ...les plantes, les pierres et les
métaux, de même que les corps des hommes, leur biologie et leur vie psychomentale,
n’étaient rien d’autre que divers instants d’un même processus cosmique. Il était donc
possible de passer d’un état à un autre, de transmuer une forme en une autre. » (page
123).

Nous avons essayé de souligner quelques-unes des idées de M. Eliade, mais ces trois
ouvrages en contiennent bien davantage, qu’il s’agisse de documentation ou de
soteriologie, toujours unies au but spirituel par l’intermédiaire des sciences de la
Nature.

***

PAIDOS (1999) : Les titres que nous avons reçu de cet éditeur sont les suivants :

HISTORIA DE LAS CREENCIAS Y DE LAS IDEAS RELIGIOSAS (3 vol.). Mircea Eliade. I: De la


Edad de Piedra a los Misterios de Eleusis, 663 p. II: De Gautama Buda al triunfo del
Cristianismo, 678 p. III: De Mahoma a la era de las reformas, 456 p. Ed. Paidós Ibérica,
col. Orientalia, Barcelone. 1999.

Cette œuvre en trois tomes de plus de 1.500 pages, avec des index onomastiques et
analytiques, s’avère indispensable pour qui s’intéresse à l’Histoire des Religions, ou
simplement à l’Histoire de la Culture, outre les investigateurs en thèmes ésotériques.
C’est un véritable héritage de Mircea Eliade qui, né en Roumanie en 1907, a travaillé
inlassablement sur ces sujets, jusqu’à sa mort survenue en 1986, alors qu’il était
professeur à l’Université de Chicago. Son œuvre immense, qui est aujourd’hui
pratiquement incontournable, a été plusieurs fois remarquée par SYMBOLOS et se
trouve présente dans les apports de ses rédacteurs.

EL REY Y EL CADAVER. Cuentos, mitos y leyendas sobre la recuperación de la integridad


humana. Ed. Paidós Ibérica, col. Orientalia, Barcelone 1999. 351 pages

Compilation de Joseph Campbell, l’un des plus grands auteurs d’Amérique du Nord se
consacrant aux mythes et à la « philosophia perennis ».

SOBRE ADIVINACION Y SINCRONICIDAD. La psicología de las casualidades significativas.


Marie-Louise von Franz. Ed. Paidós Ibérica, col. Jungiana. Barcelone 1999. 184 pages.

Un livre court, mais clair et précis sur le sujet, composé de cinq conférences données
par l’auteur, à Zurich. Marie-Louise von Franz peut être considérée comme l’une des
plus éminentes disciples de Carl G. Jung, et cet ouvrage représente un petit classique
sur tout ce qui concerne les différents oracles ; depuis les chinois jusqu’aux grecs, en
passant par les mayas-quichés. Elle marie la vertu de l’érudition à une simplicité de
style qui rend son œuvre accessible à un vaste public.

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* *

THE ONLY TRADITION. William W. Quinn Jr. Suny: State University of New York Press,
Albany 1997. 384 pages

L’auteur, élève de Mircea Eliade à l’Université de Chicago, fut chargé par son
professeur de l’étude des œuvres de René Guénon et de A. K. Coomaraswamy. Quinn
definit un panorama appréciable au sujet de ces deux grands auteurs, tout en incluant
la Théosophie et Madame Blavatsky dans une grande partie de son étude. Cela lui valut
les critiques des « schuonniens », malgré son insistance à déclarer que F. Schuon a
recueilli le flambeau de ces deux auteurs, objets de son étude, et de le proclamer
« autorité » en la matière. Il critique aussi en particulier Antoine Faivre et
« l’historicisme » du courant qu’il conduit, bien qu’il se dise comme lui élève de Mircea
Eliade.

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ORIENTE Y OCCIDENTE. Luis Racionero. Ed. Anagrama, Barcelone, 1993. 220 pages

Le titre de cet ouvrage est particulièrement significatif pour nous, puisque c’est celui
d’une œuvre homonyme de René Guénon, ayant paru en 1924 ; le sujet est cependant
tout aussi actuel, et la conclusion de Racionero est en somme la même que celle de
Guénon : il existe une suprématie intellectuelle (entre le monde de l’Orient et l’homme
occidental et son milieu culturel).

Cet ouvrage offre un panorama des idées et de la culture contemporaines par rapport
aux valeurs pérennes généralement propres aux civilisations orientales, et qui se
trouvent aux racines de toute culture, à commencer par celle que nous avons héritée
des grecs, des alexandrins, des romains, des hébreux, des arabes, etc., c’est-à-dire dans
notre héritage occidental, constituant la trame la plus profonde de l’être humain.

La capacité d’expliquer des concepts ardus pour l’esprit qui n’y est pas encore entraîné,
d’une façon simple et claire, recherchant l’exemple facile, parfois évident, pour
exprimer des pensées philosophiques, comme souvent l’ont fait les sages,
particulièrement dans le Taoïsme, est le premier message de ce livre où le privilège de
la lucidité se joint à la clarté de l’exposé même si l’on n’y adhère pas totalement, et
même si l’on n’est pas d’accord avec toutes les assertions de Luis Racionero et que l’on
ne parvienne donc pas aux mêmes conclusions.

Il nous faut souligner l’optique ample et universelle des observations et du discours,


échantillons d’un style d’analyse qui, sans tomber dans la futurologie, ouvre de
nouvelles perspectives au point de vue de l’individu et du groupe, et offre la possibilité
de réveiller des images et des concepts plutôt malmenés par le mauvais usage que l’on
en fait.

Mais en même temps, nous nous demandons si cet exposé de la pensée orientale est
encore valable pour les peuples qui lui ont donné naissance, et l’on pourrait en douter
rien que d’après l’exemple de l’invasion japonaise du continent (Chine, Corée,
Mongolie, etc.), fait très récent dont on n’oublie ni la cruauté exercée sur d’autres
supposés « frères » orientaux, ni le manque de symétrie caractérisant certains groupes
de l’Inde et de l’Extrême-Orient, en quelque sorte analogue à celle qui dresse l’une
contre l’autre certaines factions de l’Islam.

La tragédie est ce genre littéraire caractérisé par un dilemme dont le discours, qui se
multiplie et va crescendo, en une progression vertigineuse et surtout inéluctable, et
fatalement, cours vers sa propre fin ; c’est ce qui advient à la pierre lâchée du haut
d’une tour et qui augmente sa vitesse de façon géométriquement proportionnelle.
C’est ce qui arrive aux temps modernes, comme c’est arrivé à d’autres cultures au
cours des temps, sujets bien connus des civilisations orientales qui, elles, contemplent
comment se reproduisent les mystérieux détours et cycles de la Roue de la Vie et ses
desseins ; personnellement, nous croyons en la libération de l’individu et même du
groupe, et nous nous y efforçons, mais à ce stade de la compétition, nous pensons que
la reconversion sociale est impossible, à l’instar des personnages de la tragédie qui ne
peuvent échapper à leur Destin.

Quoi qu’il en soit, ces textes brillants et intelligents sont les bienvenus, ainsi que la
synthèse qu’ils renferment et leur forme d’expression, et bien que nous ne soyons pas
totalement d’accord avec toutes leurs assertions et conclusions, l’envergure de
l’analyse est évidente en regard de la spéculation littérale et « officielle », soi-disant
philosophique, à laquelle nous sommes habitués.
Pour terminer, nous signalerons l’exposé extrêmement intéressant sur la physique
quantique le monde de l’infiniment petit comprise d’une façon exemplaire, ce qui n’a
pas forcément de rapport avec toutes les conclusions qu’en tirent d’autres auteurs,
comme F. Capra ; quoique la participation de « l’observateur » qui se transforme en
sujet de l’acte créatif est une réalité, pas une hypothèse.

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* *

PARABOLA The Magazine of Myth and Tradition. 656 Broadway, New York, NY 10012.
U.S.A.

Founder: D. M. Dooling. VOLUME XVIII, Number 1, "HEALING" (Spring 1993): Interview


with Lawrence E. Sullivan: Images of Wholeness; Richard S. Sandor: On Death and
Coding; Bill Moyers: Wounded Healers; Joel Monture: Saving Mother Earth to Save
Ourselves; Kat Duff: The Alchemy of Illnes; Thich Nhat Hanh: Transforming our
Suffering; Richard Wentz: The Powwow Doctor; Gray Henry: Even at Night, the Sun is
There; ARCS: The Dance of Healing; Joe Louis Lopez: It´s Up to You; Richard Katz: The
Kung Approach to Healing; Milton H. Erickson: Word Salad; The Country of the
Gadarenes; Marvin Barrett: An Encounter; Tangents; Epicycles; Focus; Currents &
Comments; Book Reviews; Full Circle.

VOLUME XVIII, Number 2, "PLACE AND SPACE" (Summer 1993): Scott Russell Sanders:
Telling the Holy; William Maxwell: Home; An interview with Robert Lawlor: Dreaming
the Beginning; Janet Heyneman: Nostalgia for the Present; Czeslaw Miloz: On Exile;
Shritvatsa Goswami and Margaret Case: The Birth of a Shrine; Martin Lev: The Gate of
Mercy; Sara Rossbach: Feng Shui; David Ulrich: Hawai´i, Landscape of Transformation;
Wayne Teasdale: A Glimpse of Paradise; William Shelton: Free Space; Ron Matous:
Among These Mountains; Tangent; Epicycles; Poems; Book Reviews; Currents &
Comments.

Cette revue qui paraît tous les quatre mois, fondée il y a dix-huit ans par D. M. Dooling
et dans laquelle l’on a pu lire des signatures aussi respectables que celles de Mircea
Eliade, du Dalaï-lama, de Joseph Campbell, de Joseph Epes Brown, etc., offre un vaste
panorama à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, ont approché ou s’intéressent
à la recherche de l’être, au-delà des opportunités qu’offre une vie calquée sur les
normes du système et son adhésion à quelque partie du monde moderne. En effet,
dans cette revue se succèdent des notes sur des traditions « religieuses » parfaitement
vivantes, comme l’islam, le judaïsme, l’hindouisme, le bouddhisme, le bouddhisme zen,
etc., en alternance avec la Tradition Hermétique et la Gnose Occidentale en général, et
surtout, et c’est là son grand apport concernant diverses études sur la culture des
différents peuples archaïques et « primitifs ». Elle possède aussi un aspect tourné vers
la psychologie que nous ne partageons pas complètement, tout en considérant la
psyché comme une voie de passage, apte à être transcendée et non pas niée en bloc,
justement une expérience à surmonter afin de pouvoir reconnaître les différences sur
le chemin de la réalisation individuelle, tout comme les sciences de la nature le font par
d’autres moyens : faire face au surnaturel.

En outre, cette excellente publication, joliment présentée, bien que se rapprochant


parfois du « New Age », ne sombre jamais dans le sensationnalisme ni dans la
superstition et privilégie les valeurs culturelles et académiques les plus élevées, ce qui
mérite d’être souligné chez une publication tirant à 100.000 exemplaires et
représentant une porte d’accès à un programme des plus intéressants grâce auquel les
lecteurs pourront donner à leurs inquiétudes pistes et orientations. La partie
bibliographique est d’un grand intérêt, tout comme les annonces de livres qui
comprennent les publications des plus importantes universités des États-Unis
concernant l’ésotérisme, les mythes, l’anthropologie et les religions. Il faut également
souligner l’intérêt constamment porté à l’art et au documentaire, auquel il faut ajouter
ses propres publications dont certaines sont dédiées aux enfants et réalisées avec des
moyens audio (cassettes) et vidéo. Nous préciserons que cette revue s’inscrit dans le
cadre de « l’American Way », ce qui peut être quelque peu déconcertant pour qui est
strictement accoutumé aux modules de la « culture européenne » ; mais il ne peut en
être autrement, puisque cette publication est un échantillon du plus pur et du plus
sophistiqué « style new-yorkais ».

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REVISTA DE SORIA. Revue culturelle et informative de la Députation Provinciale.


Directeur : Angel Almazán de Gracia. C./ Caballeros, 17. Soria. Espagne.

Nº 25. Seconde époque. Été 1999. 120 pages. 120 p., "Celtíberos. Homenaje a José Luis
Argente": Un día en Tiermes, 25 años después: Carlos de la Casa, Religión y ritual
funerario celtibéricos: Alfredo Jiménez, El origen de la cultura celtibérica: J. Arenas y J.
P. Martínez, Los arevacos y sus ciudades: Francisco Burillo, Soria y la herencia
numantina: José I. de la Torre, El vaso de los guerreros de Numancia: Fernando
Romero, Cosmogonía védica del numantismo, vaso de los toros: Angel Almazán, Los
celtíberos: poblamiento y formas de vida: Gonzalo Ruiz.

Nº 24. Printemps 1999. 120 pages ; Nº 22. Automne 1998. « Cîteaux et le


Symbolisme ». 112 pages ; Nº 6. 1993. « Numance et Montségur ». 116 pages. Nous
remarquerons spécialement, parmi d’autres, l’article du directeur « Notes symboliques
sur le chrisme » (Nº 24), dans cette revue qui a aussi publié, dans ses numéros
précédents, des articles sur la géométrie, la kabbale, etc. Il faut également souligner sa
qualité graphique et sa présentation formelle. L’on peut remarquer, chez tous ses
collaborateurs, un louable intérêt pour leur ville natale et ses connections universelles.

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REVISTA DE ESTUDIOS BUDISTAS. 2741 Sunset Boulevard. Los Angeles, California


90026. U.S.A. Semestrielle : avril et octobre. 88 pages. Directeurs : Carmen Dragonetti y
Fernando Tola.

Nº 11 : d’avril a septembre 1996. Sommaire : Nueva etapa del proyecto REB; Artículos:
G. P. Malalasekera y K.N. Jayatilleke: El Budismo y la cuestión racial; Fernando Tola y
Carmen Dragonetti: Eternidad del Dharma en el Sûtra del Loto; Historia: Jan Hendrik
Kern: El Budismo en Java, Bali y Sumatra; Términos y conceptos budistas: Vijñanavada:
Idealismo; Giuseppe Tucci: La Escuela Idealista del Budismo; Abstracts; Texto: Maestra
Dzau Dzan, F. Tola y C. Dragonetti: Pa ta jen kiao king: El Sûtra de los ocho
conocimientos de los grandes seres predicado por Buda; Notas Breves: Luciano Petech:
Giuseppe Tucci (1894-1984). Noticias: Actividades de la Asociación Latinoamericana de
Estudios Budistas (ALEB), Actividades de FIEB en 1995; Reseñas: Dhammapada, Edited
by O. von Hinüber and K. R. Norman, with a complete World Index complied by Shoko
Tabata and Tetsuya Tabata, Oxford, The Pali Text Society, 1994; Colaboradores.

C’est le début d’une nouvelle étape de cette revue, qui maintiendra les critères
exprimés dans la présentation du premier numéro, ainsi que le communiquent ses
directeurs qui annoncent également deux importantes modifications apportées à leur
édition : un nouveau format de 88 pages contre 176 auparavant, mais avec des
changements destinés à ne pas réduire le matériel dans les même proportions ; et la
publication d’une collection parallèle de textes basiques du bouddhisme en version
espagnole, au rythme de deux par an, avec une introduction et de courtes notes, et le
même nombre de pages que la revue, en complément de cette dernière.

Ils nous informent également que la revue a accompli le projet sur cinq ans qu’elle
s’était donné lors de sa fondation par l’Association Latino-Américaine d’Études
Bouddhistes, de Mexico ; elle a été éditée, et continuera de l’être, avec le support de
l’Institut International d’Études Bouddhistes de Tokyo et la collaboration technique de
Reiyukai de Mexico ; dans ce laps de temps, elle a publié dix numéros, pour un total de
1934 pages et 14500 exemplaires.

Les directeurs considèrent que leur revue a atteint les objectifs qu’ils s’étaient
proposés pour cette étape, en divulguant ce qu’est réellement le Bouddhisme auprès
de gens qui ne le connaissaient pas ou qui n’en avaient qu’une idée erronée ou
déformée, et en permettant à d’autres de comprendre plus en profondeur les
pratiques qu’ils réalisent.

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HETERODOXIA Trimestral de Pensamiento Crítico y Extravagante. Apartado 42.082.


28080 Madrid.

1993 : Voilà déjà six ans que HETERODOXIA a commencé à sortir, ce qui a représenté
pour beaucoup la possibilité de s’exprimer sans faux-semblants sur des sujets
marginalisés par la pseudo-intellectualité et la science du terne et médiocre petit
monde universitaire et culturel. Sa parution nous disait que l’Espagne d’Unamuno,
d’Ortega y Gasset et d’Eugenio d’Ors, pour n’en nommer que trois (et en omettant
complètement l’extraordinaire tradition littéraire et culturelle espagnole cristallisée par
le Siècle d’Or), n’était pas morte, et que contre l’avalanche commerciale des Albertos,
Mario Conde, Banesto, el Banco Popular et Cambio 16, les structures de l’homme
espagnol étaient encore indemnes, en dépit des circonstances vécues par son ego, qui
était le spectateur d’équivoques aussi pathétiques que tragi-comiques qui sont encore
très loin d’être dissipées.

Heterodoxia s’est caractérisée par les qualifications des auteurs présentés, beaucoup
d’entre eux étant déjà des écrivains connus comme José Luis Aranguren, Raimundo
Panikkar, José Montserrat Torrents, etc., et d’autres qui le deviendront. Malgré tout,
plusieurs des articles se perdent généralement en digressions et, à une certaine
époque, beaucoup d’abonnés jugeaient excessif le traitement donné à des problèmes
théologiques, donc religieux, abordant certaines attitudes personnelles sans but précis,
bien que se rapportant à l’état civil de Maître Jésus, qui a parfois été dit marié avec
Marie-Madeleine, Jean, l’évangéliste et le prophète apocalyptique, ayant été le fruit
charnel de cette union. Ses rédacteurs se sont par ailleurs plus d’une fois référés à la
vision ésotérique présente dans la Tradition Unanime et dans la Philosophie Pérenne
en tant que « occultisme », sans posséder de la Science Sacrée, semble-t-il, plus qu’un
savoir superficiel et profane, alimenté par des revues comme « Más Allá » ou similaires,
bien que, curieusement, ils semblent vraiment croire qu’ils savent de quoi ils parlent.

Sous la direction de l’écrivain Manuel García Viño, le conseil de rédaction


d’HETERODOXIA est formé par : José Antonio Antón, M. Asensio Moreno, A. Fernández
Helidoro, Rafael Hereza, Juan Francisco Lerena, Manuel Mantero, José Mora Galiana y
Victoria Sendón, qui en signent également de nombreux articles. Elle sort quatre fois
par an, et nous remarquons, parmi les notes publiées récemment, celles de Victoria
Sendón et d’Emilio Saura.

Pour terminer, nous mettrons l’accent sur un article sur SYMBOLOS, que signe un
membre du conseil de rédaction, également collaborateur de notre revue, José Antonio
Antón qui, après avoir présenté SYMBOLOS et s’être référé au sous-titre Art, Culture,
Gnose et en particulier aux symboles, déclare : « C’est tellement ainsi que la propre
histoire de la culture est impensable sans la considération d’éléments comme ceux
fournis par le symbolisme traditionnel, en dépit de l’intérêt de certains milieux
« intellectuels » pour occulter ou éviter le sujet. Pour tout cela, le champs d’action des
symboles auxquels se réfère le titre de la revue en question est suffisamment éclairci. »
Et il poursuit : « Mais si nous voulons définir davantage la direction de SYMBOLOS, nous
pouvons préciser qu’elle répond aux critères de la philosophie de René Guénon, et il ne
pouvait en aller autrement d’un contenu qui se veut traditionnel. » Et ensuite, après
avoir rendu éloge au fait qu’il ne voit dans notre publication aucun indice de
« chapelle » ou de « secte » de quelque type que ce soit, et d’avoir vanté notre
présentation et notre iconographie, il termine en disant : «En définitive, nous nous
trouvons devant une revue qui, sans aucun doute, sera à partir de maintenant un point
de référence pour qui désirera connaître le développement et le traitement de la
pensée traditionnelle parmi nous. »

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HELENA TARASIDO In Memoriam

Nous avons reçu un bel ouvrage sur l’œuvre plastique d’Helena Tarasido qui englobe
près de quarante ans d’un travail fécond. Ce livre, fort bien construit par Editart à
Genève, en Suisse, comprend une étude critique de Rafael F. Squirru et une exposition
graphique bien documentée sur les différentes phases de production de l’artiste et les
diverses techniques utilisées, avec de très bonnes reproductions en couleurs ou en noir
et blanc.

A la vue de ce document, l’œuvre de ce peintre est prise à sa juste valeur et l’on admire
l’effort, le nerf, la persévérance d’un précurseur qui, sans fléchir et à l’encontre des
courants de la mode, se battit à l’avant-garde picturale d’Argentine pour fixer l’image
de la beauté, toujours changeante et révélatrice, dans une recherche permanente où
se recrée l’atmosphère magique, parfois au moyen de paradoxes de forme, de tracé ou
de couleur, ou par le biais de visions instantanées patiemment élaborées ou emportées
dans des accès déchaînés par de subtiles énergies. Connaissant la Tradition Hindoue,
influencée par les symboles amérindiens et les symboles ésotériques en général,
éternelle voyageuse aux inquiétudes intellectuelles et amante naturelle du Mystère, ce
n’est pas pour autant que la peinture de ce précurseur se soumet aux préceptes, mais
au contraire, exprime de façon personnelle les idées et les intuitions que l’homme
porte en lui en permanence. Elle tente ainsi de percer les limites pour rechercher un
champs plus vaste, à un point tel que, suivant cette direction spatiale, non seulement
les ego pourraient se transposer, sinon que l’être pourrait affronter le Non-Être, la non-
dualité, et l’idée d’une déité non personnalisée, ou d’une personnalité qui se
dépersonnalise.

René Guénon ou la voie métaphysique

par Arnaud Rouvières

L’un des phénomènes majeurs de ces dernières décennies — et désormais, pas


seulement en France et en Europe —, est celui de l’influence, souvent «souterraine» ou
au second degré, mais «vivifiante», de “l’œuvre” de René Guénon (1886-1951) —
référence majeure, et le plus souvent incontestée, de la «pensée traditionnelle». Mais
Guénon reste souvent encore méconnu, peu ou mal lu, voire incompris et critiqué pour
ce qu’il n’est pas, y compris dans les milieux religieux ou «traditionnels». Cet ensemble
“Autour de René Guénon” n’a certes pas la prétention de constituer un dossier de
référence, ni même une introduction digne de ce nom à l’étude de Guénon, mais
simplement de donner quelques aperçus, qui inciteront peut-être certains lecteurs à
aborder plus sérieusement l’“œuvre” du métaphysicien…

René Guénon vers 1925.


A ce propos, il faut d’ailleurs rappeler d’emblée, ici, que Guénon refusa toujours avec
force l’idée d’avoir fait “œuvre” originale (au sens littéraire ou philosophique d’une
création individuelle), soulignant au contraire qu’il n’avait jamais été que l’humble
transmetteur de la Tradition Une et universelle. Guénon est né en 1886 à Blois. Après
des études de mathématiques, il fréquenta divers mouvements occultistes et néo-
spiritualistes — dont il dressera une critique implacable dans Le théosophisme, histoire
d’une pseudo religion (1921) et L’erreur spirite (1923) — tout en assimilant les grandes
doctrines métaphysiques, notamment l’hindouisme, le taoïsme et l’islam. Très tôt initié
à l’ésotérisme musulman et installé au Caire à partir de 1930, il y mènera, dans l’islam,
une existence retirée, entre l'Université El-Azhar et la revue El-Marifaah —
poursuivant, jusqu’à sa mort en 1951, une œuvre entièrement consacrée à la Tradition
universelle, à la perspective métaphysique et au symbolisme (1).

Science sacrée

La vocation essentielle de l’homme, rappelle Guénon, est de parvenir à la «réalisation


spirituelle» ou «métaphysique», qui consiste à s’identifier à sa propre essence (le Soi).
Les religions exotériques s’adressent à tous les hommes pour conduire le plus grand
nombre au «Salut», c’est-à-dire à la perfection de l’état individuel humain. Mais le but
ultime de la réalisation spirituelle, c’est-à-dire la «délivrance» ou la «divinisation», ne
peut être atteint — au moins virtuellement — que par l’initiation, c’est-à-dire la
transmission d’une influence spirituelle d’origine «non humaine», à travers la mise en
œuvre d’un certain nombre de rites à caractère ésotérique. Il s’agit d’une voie de
connaissance, tout à la fois purgative et illuminative, d’approfondissement ou
d’intériorisation de l’exotérisme, qui ne peut être que réservée à une élite
spirituellement «qualifiée». Les chemins qui conduisent à cette réalisation passent par
l’acquisition d’une métaphysique ou d’une Science sacrée, qui n’a rien à voir avec un
corpus philosophique et qui ne passe pas par la raison mais par l’intellect incréé en
l’homme (ce que l’islam appelle «l’œil du cœur»). «La connaissance véritable, que nous
avons exclusivement en vue, n’a que fort peu de rapports, si même elle en a, avec le
savoir “profane”, écrit René Guénon ; les études qui constituent ce dernier ne sont à
aucun degré ni à aucun titre une préparation, même lointaine, pour aborder la “Science
sacrée”, et parfois même elles sont au contraire un obstacle, en raison de la
déformation mentale souvent irrémédiable qui est la conséquence la plus ordinaire
d’une certaine éducation. Pour des doctrines (métaphysiques) comme celles que nous
exposons, une étude entreprise “de l’extérieur” ne serait d’aucun profit ; il ne s’agit pas
d’histoire (…), pas davantage de philologie ou de littérature (…) pas non plus de
philosophie. Toutes ces choses, en effet, font également partie de ce savoir que nous
qualifions de “profane” ou “d’extérieur”, non par mépris, mais parce qu’il n’est que
cela en réalité.»(2) La Science sacrée ne peut donc être mise à la portée de tous et, par
nature, ne se prête pas à la «vulgarisation». Sur cette voie “opérative” de la réalisation
spirituelle par la connaissance, où il s’agit de devenir ce que l’on connaît, le langage
métaphysique est avant tout celui du symbole, qui ouvre les sens intérieurs et met
l’homme en relation avec les états supérieurs de l’être.

La modernité : une contre-civilisation

Un tel cheminement implique toutefois une véritable metanoïa : une rupture avec le
monde profane et les idoles de la modernité (l’illusion du «progrès» matériel, le «règne
de la Quantité», l’imposture d’une «science» qui nie toute réalité surnaturelle et toute
connaissance métaphysique, l’obsession de la production matérielle, de la
consommation etc.) — mais aussi avec toutes les formes pseudo-religieuses,
hétérodoxes ou parodiques (occultisme, spiritisme, théosophisme, sectes, satanisme…)
nées de l'ignorance et du déchaînement des forces ténébreuses. En cette fin du Kali-
Yuga («l’âge sombre» ou «l’âge de fer» de l’Hindouisme) où l’obscurcissement spirituel
atteint un degré inégalé et où la modernité s’affirme de plus en plus comme une
contre-civilisation, l’homme spirituel — a fortiori celui qui est engagé dans un
cheminement initiatique —, ne peut être, au contraire, qu’un humble témoin de la
Tradition Une et universelle. Celle-ci, qui trouve son “point de départ” dans la Lumière
omniforme incréée, est d’origine supra-humaine ; c’est elle qui vivifie toutes les
grandes traditions spirituelles «orthodoxes» de l’humanité et fonde ce que F. Schuon a
appelé «l’unité transcendante des religions». Pour Guénon, la manifestation obéit à
une “loi” d’involution spirituelle — d’éloignement cyclique du Principe, depuis l’état «
paradisiaque » jusqu’à la décomposition finale et la résorption dans le Principe : «Le
développement de toute manifestation implique nécessairement un éloignement de
plus en plus grand du principe dont elle procède ; partant du point le plus haut, elle
tend forcément vers le bas, et, comme les corps pesants, elle y tend avec une vitesse
sans cesse croissante.»(3) On comprend mieux alors, l’importance de “l’œuvre” de
Guénon : en ces temps d’obscurcissement spirituel, elle a ouvert l’accès —
providentiellement ?— à la métaphysique orientale (hindouisme, taoïsme), permettant
ainsi à l’Occident de retrouver ses propres principes et de mieux comprendre son
patrimoine spirituel. C’est ce que souligne Frédérick Tristan lorsqu’il écrit que Guénon
fut un des ouvriers d’une «restructuration spirituelle» qui aura permis de «remettre en
place» ce qui avait été «égaré»(4) — perspective absolument essentielle, sur laquelle
Xavier Accart conclut aussi son entretien dans le présent numéro de la Lettre de
Symbole : «Ses écrits tentèrent d’éveiller ses contemporains à cette “puissance de
l’âme” où, pour reprendre les termes de Maître Eckhart, “Dieu verdoie et fleurit
totalement, dans toute la joie et tout l’honneur qu’il est en lui-même”…»

Le mausolée de la famille de sa femme au cimetière de Darassa, au Caire, où son corps


fut déposé le 8 janvier 1951.
A.R.

1. Voir ci-dessous la bibliographie complète des œuvres de R. Guénon.


2. René Guénon, L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, Éditions Traditionnelles.
3. René Guénon, La Crise du monde moderne, Gallimard, “Folio”, 1994.
4. Frédérick Tristan, « Extraits de Journal », Sigaud, René Guénon, 1984 p. 206.

Bibliographie :

Livres parus du vivant de R. Guénon :


Introduction générale à l'étude des Doctrines Hindoues (1921) , éd. de La Maisnie, 1987,
320 p.
- Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion (1921), Éditions Traditionnelles, 1978,
478 p.
- L'Erreur Spirite (1923) , Éditions Traditionnelles, 1984, 408 p.
- Orient et Occident (1924), éd. Guy Trédaniel, 1987 p., 231 p.
- L'Homme et son Devenir selon le Vêdânta (1925), Éditions Traditionnelles, 1947, 198
p.
- L'Ésotérisme de Dante (1925) , Gallimard, coll. Tradition, 1957.
- Saint-Bernard (1926), Editions Traditionnelles, 1959, 20 p.
- Le Roi du monde (1927), Gallimard, Coll. Tradition, 1991.
- La Crise du monde moderne (1927), Gallimard, Coll. Tradition, 1983.
- Autorité spirituelle et pouvoir temporel (1929), Guy Trédaniel, 1984, 121 p.
- Le Symbolisme de la Croix (1931), Guy Trédaniel, 1984, 158 p.
- Les Etats multiples de l'Etre (1931), Guy Trédaniel, 1984, 107 p.
- La Métaphysique Orientale (1939).
- Le Règne de la quantité et le signe des temps (1945), Gallimard, Coll. Tradition, 1972,
274 p.
- Aperçus sur l'initiation (1946), Editions Traditionnelles, 1985, 303 p.
- Les Principes du calcul infinitésimal (1946), Gallimard, Coll. Tradition, 1997, 146 p.
- La Grande Triade (1946), Gallimard, Coll. Tradition, 1974, 214 p.
Recueils d’articles posthumes :
- Initiation et réalisation spirituelle (1952), Editions Traditionnelles, 1967, 278 p.
- Aperçus sur l'Esotérisme Chrétien (1954), Editions Traditionnelles, 1977, 112 p.
- Symboles fondamentaux de la Science Sacrée (1962), Gallimard, Collection Tradition et
1997, Gallimard, amputé de l’avant propos et des annexes de Michel Vâlsan, sous le
titre Symboles de la science sacrée, 437 p.
- Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage (1964), Editions Traditionnelles,
316 p.
- Etudes sur l'Hindouisme (1968), Editions Traditionnelles, 1976, 286 p.
- Formes traditionnelles et cycles cosmiques (1970).
- Comptes rendus (1973).
- Aperçus sur l'ésotérisme islamique et le taoïsme (1973), Gallimard.
- Mélanges (1978), Gallimard.
- Écrits pour Regnabit, Éditions Archè, 1999, 200 p.
- Articles et compte rendus, tome I, Editions Traditionnelles, 2002, 268 p.

Autres articles sur René Guénon :


Les hiérarchies spirituelles par René Guénon
Entretien de Xavier Accart sur René Guénon
L'oeuvre de René Guénon
L'empreinte de René Guénon
Guénon, douzième homme

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