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PROLOGUE
J’avais l’intention d’écrire un livre intitulé comme celui-ci, lorsque je constatai qu’il était déjà
écrit. En effet, le panorama que je tentais d’y décrire pour ce XXIème siècle en rapport avec la
Métaphysique, englobait tout à la fois les quelques rares groupes et individualités sérieux et de
type initiatique qui travaillent en Occident, et l’énorme masse de personnalités, cellules, et enfin
sectes, qui pullulent autour de la Science Sacrée en la dénaturant, et qui ont apporté la
confusion, le chaos et les errements propres à l’obscurité de tout éon qui s’achève; ce qui rend
indispensable un redressement, au moins doctrinal, au nom de la préservation des valeurs
traditionnelles, des Idées Universelles sans restriction de temps ni de lieu, directement en
rapport avec l’essence du Cosmos et sa constante recréation et, par conséquent avec la
conservation de la Vie, la Liberté, et la Connaissance qui rendent possible la régénération.
Je constatai alors que décrire ce temps présent dans l’Esotérisme revenait à ôter la paille du
grain (Cf Saint Matthieu 13, 24-31). En effet, l’ambiance régnant en ce commencement du
XXIème siècle, dont témoignent aussi sur la scène ésotérique le mensonge et la tromperie, la
falsification et le vol, l’ignorance et la trahison, n’échappe pas aux grandes lignes de la loi qui
caractérise les temps modernes. Ainsi, un spécialiste de ces questions devait inclure des
informations de première main des sujets traités, ainsi que des rôles joués par les acteurs sur la
scène réduite des idées ésotériques contemporaines. Une œuvre de ce genre devait alors réunir
une abondante documentation qui enrichisse n’importe quelle investigation dans ce sens et qui
ordonne le chemin d’une façon générale.
C’est alors que je compris que le livre était déjà écrit et qu’il l’était de ma main.
Ceci vient du fait de diriger la revue SYMBOLOS, dans laquelle j’ai pu rendre compte du
panorama ésotérique général des onze années antérieures à la fin du millénaire, ce qui revient
au même que de mettre en valeur les éléments qui furent la semence du XXIème siècle, et
distinguer entre eux les appartenances à différents ordres, témoignant ainsi de l’existence d’une
Science Sacrée, c’est-à-dire d’une Tradition Unanime, si vivante de nos jours, et aussi vraie que
ses origines non-créées.
Nous sommes nombreux à croire que la plus haute autorité de la Science Sacrée en Occident
de notre temps (bien qu’il en existe également d’autres auteurs authentiques) est René Guénon;
et son œuvre, qui touche plusieurs disciplines, est le témoignage synthétique et global de cette
Science en ces temps que traverse la Civilisation Occidentale que beaucoup d’ésotéristes
comparent à une Fin de Cycle.
Mais ce n’est pas seulement l’aspect doctrinal ou ordonnateur de son Travail qui ressort, mais
aussi son influence dans les milieux ésotériques, et dans l’Histoire de l’Esotérisme en général, à
travers l’autorité qu’il a exercée sur divers groupes, écrivains et lecteurs qui ont considéré sa
figure providentielle, morts et vivants qui ont bu à sa source malgré que beaucoup d’entre eux
ne le mentionnent qu’à peine, ou bien se soient par la suite retourné contre lui, se joignant au
collectif qui ne peut que nier les idées ésotériques, de par leur propre nature qui les rend
incompréhensibles pour ceux qui –avec raison– les voient comme contraires à toute logique ou
science.
Et c’est au travers de cette masse de lecteurs qui l’adulent ou le détestent –puisque sa pensée
critique eut d’innombrables ennemis depuis le début jusqu’à sa mort– avec toutes les nuances
intermédiaires, que la pensée de Guénon s’est diffusée dans le milieu ésotérique, autant pour
ses références à la Maçonnerie et à l’Hermétisme, ou aux Religions du Livre, ou à l’Hindouisme,
Lamaïsme, Taoïsme ou encore les aborigènes américains, que pour l’esprit irradiant son travail et
les aveuglantes analogies qu’il réalise, aliment pour l’intelligence et véhicule pour la
compréhension. Et c’est aujourd’hui, cinquante ans après sa mort, ce que l’on peut vérifier en
observant combien son œuvre reste vivante, peut-être plus encore que durant sa propre
existence temporelle; célébrations, symposiums, numéros de revues, livres, articles, témoignent
des divers hommages qui lui sont rendus.
Ainsi, de façon naturelle, la figure de Guénon devint l’axe de ce livre sur l’ésotérisme au
XXIème siècle.
Pour les mêmes motifs, il s’était institué comme le guide spirituel de la revue SYMBOLOS et du
groupe de rédacteurs qui la forment. C’est pour celà qu’il est absolument normal que je publie ici
ce que j’ai écrit sur Guénon lui-même, la Maçonnerie et la Tradition Hermétique, ce qui forme de
par ses propres caractéristiques un regard sur l’ésotérisme contemporain, puisque en tant que
directeur de SYMBOLOS je me devais d’être en contact avec les principales idées et milieux
ésotériques de ces derniers onze ans, aussi bien en Europe qu’en Amérique, ainsi qu’avec les
auteurs actuels.
Depuis les débuts de sa publication, cette revue, que nous distribuons parmi les principaux
milieux ésotériques, reçut un accueil favorable, spécialement auprès de ceux qui connaissaient
ou étaient au courant de l’œuvre de Guénon, avec lesquels nous échangions des exemplaires de
nos publications et articles en diverses langues que nous publions dans SYMBOLOS, tout comme
plusieurs de nos collaborations furent traduites et diffusées dans ces milieux. A ceci il faut
ajouter l’envoi d’une abondante correspondance de Guénon, qui n’avait pas encore été publiée,
et d’études de l’auteur qui, ayant été publiées dans des revues de son époque, n’avaient pas été
recueillies dans ses livres et que quelques correspondants me firent parvenir aimablement. Il
faut également mentionner que, étant donné la qualité des articles initiaux, nous avons reçu de
nombreux travaux d’auteurs qui désiraient spontanément se joindre à SYMBOLOS et publier
dans ses pages, ce qui se fit vu la valeur de beaucoup des textes envoyés bien que ces auteurs ne
participent pas de tout ce qui est manifeste dans ce milieu et n’appartiennent pas au noyau
d’écrivains qui forment la rédaction de notre revue.
Ce qui fit que SYMBOLOS s’institua ainsi, et sans l’avoir prétendu, comme une sorte
d’éminence d’où observer le panorama de l’ambiance ésotérique de son époque; un point de
vue privilégié puisqu’étant intervenu directement dans les questions dont traite le thème, y
compris de forme polémique, tout en rendant compte au moyen de commentaires, recensions,
ou encore la reproduction photographique de sommaires –que nous avons conservé ici– du
mouvement ésotérique en général; pendant que Guénon, la Tradition Hermétique et la Franc-
Maçonnerie, comme moyens d’accès à la Connaissance en particulier, c’est-à-dire comme guides
et chemins de réalisation, constituaient le programme sur lequel insistait tout particulièrement
notre revue.
De fait, SYMBOLOS a déjà publié jusqu’à présent plus de 4.000 pages sur des thèmes
ésotériques de toutes les grandes traditions, y compris la Tradition Précolombienne, que Guénon
n’a presque pas approchée, à laquelle SYMBOLOS consacra plusieurs travaux; ce dernier
programme a été éliminé en vue de cette collection qui comprend seulement ceux qui sont
consacrés aux voies citées précédemment et à leur vigueur, documentée par les publications et
les auteurs qui en témoignent dans un sens ou dans l’autre, car la polémique n’est exclue
d’aucune manière, tout en signalant concepts et chemins, symboles et pensées ou points de vue
également valides, en rejetant beaucoup d’erreurs dans l’interprétation, presque toujours
intéressée, de concepts en rapport avec la doctrine traditionnelle et émanant de sources qui, de
nos jours plus que jamais, sont opposées à cette doctrine qu’elles prétendent pourtant
manipuler et utiliser à leur profit, qui est le même que celui de l’Adversaire. Dans ce sens, l’on
insiste tout particulièrement sur les différences entre religion et métaphysique, exotérisme-
ésotérisme et Etre et Non-Etre, qui ont si souvent prêté à des confusions encore aggravées par
les personnes et les groupes qui, ou bien par ignorance –qui mène à la haine– ou bien par désir
d’hégémonie et pouvoir, ont adultéré la pensée de Guénon déjà de son vivant. Comme par
exemple ceux qui s’approprient sa figure et son œuvre à des fins religieuses qui frôlent le
fanatisme ou à des fins politiques, dans ce dernier cas des groupes fascistes et traditionalistes du
type dur, ralliés aujourd’hui au drapeau de l’“innocente” Nouvelle Droite.
CHAPITRE I
De fait, non seulement notre Revue n’est compromise avec aucune religion –en
précisant que nous appelons religions les trois branches: judaïsme, christianisme,
islamisme, dérivées du monothéisme abrahamique– mais elle est areligieuse, c’est-à-
dire qu’elle a un support et un but métaphysique et n’adore pas de divinités
personnifiées ni possède de vision anthropomorphique, ou individualisée, de l’Identité
Suprême.1 La Tradition Hermétique, comme Enoch-Hermès dont elle tire son nom, est
évidemment préchrétienne mais surtout antédiluvienne, c’est-à-dire qu’elle survit aux
catastrophes de divers mondes. C’est pour cela que l’étude des cycles est extrêmement
productive dans le travail de la Connaissance, puisqu’elle nous oblige à nous passer
d’une vision religieuse, c’est-à-dire exotérique donc historique, rattachée à n’importe
quel cycle, pour nous placer après d’épuisantes épreuves et travaux dans une position
beaucoup plus ample, de type polaire, où les différences entre les religions et les
religions mêmes sont réduites à néant face à la Majesté de l’Être Universel et ses divers
états, à la lumière duquel toute querelle s’amoindrit voire disparaît dès que ces passions
(nées de la dualité, donc d’un dualisme qui doit recourir à un monisme radical pour
résoudre son conflit) se dissolvent à cause de leur genre religieux dans le
fondamentalisme, l’intégrisme, ou le sionisme,2 et sont un véritable obstacle pour la
Connaissance, c’est-à-dire la Gnose, comme l’indique l’un des sous-titres de SYMBOLOS.
Nous tenons pour acquis que cette attitude nous a déjà causé des problèmes avec les
religions émanant du Livre. Nous nous référons notamment à quelques escarmouches
que nous avons dû essuyer avec des juifs et des islamiques radicaux peu disposés à
respecter la Tradition Hermétique, leurs dieux et déesses, ceux qu’ils ont eu
l’opportunité de connaître ou même assimiler dans leur corps exotérique en tant que
Noms de Pouvoir, Archanges, Anges, etc.; les hébreux ont à la base des problèmes avec
Guénon –notre référence intellectuelle– parce qu’il est mort en Islam, sans remarquer
que ce dernier cite à plusieurs reprises leur Kabbale, c’est-à-dire leur Tradition.
Paradoxalement nous en avons trouvé d’autres, très irrités, pour nous accuser –nous-
mêmes et Guénon– d’être hébraïsants. Il y a également des groupes islamiques
traditionnels, de ceux qui prient, qui croient à leur façon à la guerre sainte et se
consacrent systématiquement à la provocation (aussi puérile que d’aller prier à la
manière islamique dans la cathédrale de Cordoue ou aussi sérieuse que d’émettre leur
propre monnaie à Grenade), accaparent des groupes d’études, spécialement de jeunes
ou de faibles ayant besoin de secours religieux, et autres broutilles réalisées par des
individus n’ayant en réalité aucun niveau de Connaissance en dépit de leur
appartenance à des groupements traditionnels, donc dérivant directement du prophète,
ce qui est, dit-on, différent de l’irrégularité de Schuon et sa secte qui depuis des années
nous molestent de toutes les manières possibles, essayant concrètement de nous
assimiler au satanisme et utilisant même le mensonge et les moyens les plus vils pour
nous détruire. Précisons que pratiquement tous les martyrs soufis ont trouvé la mort
aux mains d’autorités fanatiques religieuses ou légalistes littérales, toutes convaincues
d’avoir raison et de représenter officiellement l’Islam; de fait celui-ci répète
constamment cette fragmentation et regroupement de structures particulières,
s’opposant parfois les unes aux autres, –ce qui rend difficile savoir laquelle est
intégriste, fondamentaliste, ou traditionnelle– et font que de sa propre dynamique leur
réseau continue de s’étendre vers les quatre points de l’espace.
Nous avons gardé pour la fin la religion dans laquelle sont nés la totalité des
rédacteurs de SYMBOLOS, la religion catholique, qui nous disqualifie pour notre
appartenance à l’Ordre Maçonnique. Ceci est particulièrement outrageant du fait que
ces officiaux, qui depuis des siècles ont trahi leur fondateur et son héritage, son
Évangile, dans lequel se consignent ses enseignements, se consacrent en revanche
aujourd’hui à des questions "sociales" à l’abri de la science, qu’ils bénissent, s’efforçant
ainsi d’assurer leur part de pouvoir et d’influence dans la grande escroquerie
institutionnalisée, de laquelle ils ont été –et prétendent continuer d’être– l’un des
piliers. Inutile de préciser que ces gens ne croient à aucune sorte d’ésotérisme, voire
même ne semblent pas donner crédit à leurs propres dogmes, comme l’on a pu le
vérifier auprès de quelques fonctionnaires du Vatican avec lesquels nous avons
conversé il y a quelques années à Rome.
Quoi qu’il en soit, nous pensons que ces mouvements radicalisés ne montrent que la
crispation et la rigueur qu’ils annoncent, ne survivent que brièvement à la mort d’un
être vivant, et ne sont rien de plus, bien que leurs membres intégrants se sentent bien
supérieurs (saints héroïques qui défendent la cause de Dieu), ce qui est souvent ainsi
d’un point de vue dissolvant, au contraire de ce qu’ils imaginent et prétendent... Dans
ce sens il faut souligner l’attitude opposée de la Tradition Hermétique, qui accueillit à
Alexandrie toutes les gnoses, et intégra hébreux et chrétiens sous son égide païenne et
polythéiste, qui a tellement enrichi l’Occident et aussi cette humanité adamique, de
laquelle elle est en fait l’esprit aussi bien que l’âme, malgré que son cheminement
subisse les constantes interférences de prétentions religieuses fondées sur le monisme
d’une croyance qui dénie à son Dieu la possibilité de Non-Être.
En dernier recours et en appliquant cet exposé général au cas de SYMBOLOS avec une
perspective vraiment Universelle, c’est-à-dire depuis le pôle, où les mouvements
passionnés du cœur-soleil ne sont plus seuls à être perçus et où l’on voit clairement la
porte ouverte sur d’autres États de l’Être Universel, nous dirons que ceux-là ne sont pas
exclusivement affirmatifs ou ontologiques, mais aussi complètement différents de ce
que signe n’importe quelle détermination. Nouvelle réalité dans laquelle on vit
seulement par la Grâce de Dieu, qui nous limite par le numéro, et nous donne ainsi la
possibilité de transcender le cosmos au moyen d’un véhicule à notre portée.
Autrement dit, dans l’humanité où nous devons vivre, c’est-à-dire dans le segment de
l’Être Universel que constituent cette Création et son Grand Faiseur (et non pas son
assistant, le Démiurge, seigneur du feu et du souffle, pris comme le Dieu des religions).
La possibilité nous est alors offerte de nous identifier à lui, tout comme lui-même
s’identifie à l’éon, ou Manu, et à son tour ce dernier s’identifie avec le Manu des Manu
qui englobe la totalité des créations, des mondes et des humanités dans ses possibilités
et développements indéfinis, et, encore plus stupéfiant, dans une parfaite simultanéité,
dans l’instant. C’est alors que survient la question: si nous ne savons rien, et même il n’y
a rien à savoir, qui sait véritablement pour qui il travaille?
Dans le catholicisme, l’étymologie même du mot religion perd son sens puisque les
voies sont brisées, et le pont (pontifex) qui unissait l’être individuel à l’Être Universel par
le biais de la Connaissance n’existe pas, cette dernière ayant été abandonnée et
remplacée par une Foi aveugle –dont le contenu changeant peut être une chose ou
l’autre–, c’est-à-dire en complète contradiction avec la Science Sacrée.
L’on pense parfois, erronément, que cette fin de cycle voit des forces obscures
s’attaquer aux religions, lorsque c’est précisément le contraire qui se passe: celles-ci
sont tellement corrompues et adultérées qu’elles ont de ce fait pratiquement perdu
toute connexion avec le Principe; elles doivent donc être considérées dans toute leur
imposture, et dépassées une fois pour toutes par tous ceux qui aspirent à la Sagesse. En
réalité les monothéismes tels qu’ils se présentent actuellement demeurent des
systèmes incomplets, de type unidirectionnel fondé sur la dévotion, qui n’apportent pas
de solution au problème du mal, et sont incapables de dépasser la sphère du démiurge.
Nous voudrions apporter ici quelque argument plus favorable aux religions, puisque
nous sommes loin de vouloir leur faire mal ou de les nier en quelque sorte –comme le
rite exotérique– bien que nous ne voulions pas non plus être complices par notre
silence d’une chose qui nous préoccupe. De plus, n’oublions pas que la perspective d’un
hermétiste est de voir les credo nier sa Tradition, aussi authentique qu’une autre, qui
est même présente parmi les religions du Livre, bien que ces dernières n’admettent pas
de chemin ou voie de réalisation qui ne passe par leur intermédiaire; dans quelques cas,
les esprits religieux les moins étriqués "acceptent" officiellement quatre autres
traditions orientales considérées à tort comme des religions. Tout ceci sans mentionner
l’importance nulle qu’ils attribuent à la Tradition précolombienne, et aux traditions
archaïques en général, dont les vestiges culturels et spirituels n’ont pas encore
complètement disparu.
Tant que notre groupe fut fermé, c’est-à-dire lorsque nous travaillions seulement en
nous-mêmes au moyen des méthodes hermétiques, Tarot, Kabbale, Alchimie,
Arithmosophie, etc., ou même avec la Cyclologie, nous n’eûmes pas de plus graves
problèmes, bien qu’il soit connu que ne manquent pas les malheureux dont l’œuvre soi-
disant pour le bien public est l’un des travestissements, par le biais d’une supposée
vertu inventée pour justifier leur ignorance et leur désir de contrôle et pouvoir.
Néanmoins, nos ennemis ne faisaient encore que montrer une part infime de ce qui
s’est déchaîné par la suite mettant en évidence le degré élémentaire des ces "initiés" et
leurs qualités inexistantes, voire une profonde ignorance devant être occultée derrière
le fanatisme religieux, sujets qui n’ont rien à voir avec la Connaissance –et le Jnâni yoga-
et la rapidité du mercure et la malléabilité de l’or présents dans la Tradition Hermético-
Alchimique, dans laquelle un grand dieu, celui qui a fabriqué la lire d’Apollon, le grec
Hermès descendant de l’égyptien Thot, est à la fois messager, psychopompe et héros
culturel; le dieu des diplomates et des commerçants. Signalons en outre que, notre
pensée étant métaphysique, c’est-à-dire propre aux "Grands Mystères" et d’incarnation
ontologique au travers de la cosmogonie et du symbole, donc du plan intermédiaire,
elle fut immédiatement repoussée par les fausses hiérarchies abrahamiques, ignares en
ce qui concerne la Science Sacrée, comme l’attestent leur petitesse et l’extrême
limitation de leur vision. Ces violentes dissensions sont illustrées par les guerres qui
opposent ces religions, ou de leurs noyaux, qui se produisent même dans les soi-disant
sociétés initiatiques, ou ésotériques, comme certains les nomment bien que, au lieu de
s’occuper de la Connaissance implicite dans leur Tradition, elles ne traitent que de leur
expansion quantitative, c’est-à-dire leur nombre de fidèles ou la mesure du pouvoir
qu’ils possèdent, quand ce n’est pas des revers infligés aux adversaires osant discuter
leur hégémonie, ou l’autorité absolue destinée à imposer leurs vues. Y a-t-il plus grande
imposture que de laisser la religion supplanter l’initiation?
Cette engeance est de fait totalement périmée et si certains croient en la "pauvreté"
et le "sacrifice" comme un bien en soi, c’est-à-dire que leur croyance trouve sa source
dans les œuvres humaines et non dans la grâce du Seigneur, nous trouvons surprenant
qu’il subsiste encore une ignorance aussi cristallisée que les orthodoxies, tant
religieuses que politiques; les gens sont las de ces alternatives aussi fausses
qu’arbitraires où se trouve plongé l’homme moderne, et malgré une certaine relation
superstitieuse avec la religion, le peuple semble s’en être oublié et se révèle agnostique,
sauf lors de grandes catastrophes ou de certaines "apparitions" mariales et de saints
niées par l’Église; les juifs, repliés sur eux-mêmes, attendant la ronde du rabbin
collecteur d’impôts... Ceci n’est pas complètement valable dans le cas de l’Islam, en
plein essor religieux contemporain, bien que son fondamentalisme même, y compris le
terrorisme, trahit sa faiblesse et rencontre un fort rejet parmi les fidèles, ce qui est très
clair en Afrique du Nord.3
L’on pourra comprendre l’étonnement ressenti cependant lorsque l’on entend dire
que l’Islam n’est pas seulement une religion, ni signifie uniquement soumission, mais
que ce nom indique la pureté essentielle de toute religion ou connaissance, antérieure
ou postérieure. C’est-à-dire qu’il rend islamique par décret n’importe quel penseur, de
n’importe quelle époque. Ce fait devient parfaitement clair en lisant dans S. H. Nasr
(Vida y pensamiento en el Islam, Herder, Barcelone 1985, p.9) que l’Islam n’est pas
seulement le Coran et le Hadith, donc l’héritage reçu il y a quatorze siècles, sinon que
"L’Islam comporte, en plus de cette essence, son déploiement dans le temps et dans
l’espace et tout ce qu’il a absorbé selon son génie propre et a fait sien par son pouvoir
de transformation et synthèse." Le choc est d’autant plus fort que, au chapitre IX de
cette œuvre, l’on parle d’Hermès et des écrits hermétiques dans l’Islam, et que l’on y
commente l’influence exercée sur ce credo par Hermès Trismégiste (le prophète
islamique Idris) par l’intermédiaire des hermétistes sabéens (héritiers de Balkis, reine de
Saba, en rapport étroit avec Salomon et son temple), certains d’entre eux ayant été
islamisés par la suite ou ayant dû cohabiter par la force avec cette religion et loi, comme
ce fut le cas de nombreux sages et martyrs parfois revendiqués à posteriori. Il semble en
tout cas pour le moins curieux qu’une tradition comme la Tradition Hermétique, qui est
demeurée vivante en Occident jusqu’à nos jours, et qui fut connue des islamiques eux-
mêmes (Mohamed c.571-631) plusieurs siècles après son avant-dernière irradiation
importante, à Alexandrie (nous gardons la dernière pour Florence et son postérieur
développement rose-croix et franc-maçon), fasse aujourd’hui partie de la doctrine
islamique, ce avec quoi ne peuvent être d’accord ni les hermétistes ni aucune personne
sérieuse, sans compter que ceux-ci ne veulent se soumettre à aucune obligation
religieuse puisqu’il n’y en a aucune nécessité, selon les impératifs de leur propre
Tradition, dont le patron est le dieu Hermès Trismégiste et le Livre est le Corpus
Hermeticum.4
Il demeure que l’intérêt envers les institutions religieuses, voire même pour les
"grandes" religions, s’est affaibli5 et c’est précisément ce qu’elles savent et se refusent à
accepter, motif pour lequel elles tentent de se rendre plus attirantes (de la façon la plus
élémentaire et grossière, à la ressemblance des sectes) afin d’essayer de canaliser les
fortes tendances qui existent envers la Connaissance. Car il existe une véritable soif de
savoir et un esprit "religieux" –une fureur que connurent les païens– plus en rapport
avec la Cosmogonie, le Symbole et la Métaphysique et de nombreuses autres
alternatives opposées à toute forme d’orthodoxie religieuse, de dictature intérieure, de
menace, censure ou fanatisme, soit tout leur entourage ordinaire, au sein duquel leurs
us et coutumes, leurs tabous, phobies et obligations devant être imposés à autrui, ne les
rendent bien entendu pas très attirantes aux yeux des habitants de cette fin de cycle. A
tout ce qui précède –et qui est rejeté des nouvelles générations– il faut ajouter que cela
se trouve être représenté par des individualités aux visées limitées: historiques,
idéologiques, sans aucun doute passionnelles, régies par la haine qu’engendre l’envie de
ce que l’on n’a pas et que l’on devine qu’on ne le possédera jamais.
Dans l’Islam, ce qui est nommé loi islamique correspond évidemment à l’exotérisme;
ce que l’on appelle ésotérisme –disons-le une bonne fois– est en propre un point de vue
religieux, généralement rattaché à la piété-dévotion-sentimentalisme ou même à des
doctrines philosophiques, ou plus exactement théologiques, à l’instar du christianisme,
quoique celui-ci nie toute possibilité d’ésotérisme et conforme avec sa doctrine la solide
orthodoxie d’une force armée, soit une loi religieuse définie par un groupe possédant le
contrôle, ou par des mafias possédant une force de pression suffisante pour l’exercer de
différentes positions.6
Dans les deux cas la masse des fidèles, ou la presque totalité de ses affiliés, demeure
dans la plus profonde ignorance comme c’est le cas du judaïsme, bien que personne ne
puisse nier le rôle éducateur et ordonnateur des religions, les consolations qu’elles
apportent, les morales qu’elles propagent, c’est-à-dire les règles de leurs us et
coutumes; il faut également préciser qu’elles furent en d’autres temps le siège de sages
et de mages, véritables hommes de Connaissance, et paradoxalement comptent encore
aujourd’hui de nombreux initiés.
*
* *
Nombreux sont ceux qui ont essayé et essayent depuis des années d’intervenir de
bonne foi au sein même des religions abrahamiques, pour que celles-ci comprennent
leurs desseins et origines authentiques, et puissent ainsi remplir les fonctions pour
lesquelles elles ont réellement été créées. Au moins depuis l’époque où Guénon publiait
son œuvre, les tentatives ont été totalement infructueuses, et en particulier beaucoup
d’entre nous ont recherché le dialogue avec prêtres et fidèles catholiques de toute
tendance durant plus de deux décennies, avec les résultats les plus aberrants et
toujours négatifs. D’autre part, des personnages de responsabilité marquée ont essayé
et essayent que les autorités religieuses mondiales comprennent qu’elles se trouvent au
bord de la fin des temps, donc qu’elles nous expliquent, malgré leur impuissance, ce qui
est réellement en train de se passer, ce qui arrivera et à quoi devons-nous nous
attendre; en définitive, qu’elles répondent à présent aux questions éternelles de l’être
humain, comme le font leurs livres sacrés et le firent leurs prophètes et sages
herméneutiques. Car dans l’essence, à l’origine même des religions, se trouve le
message révélé par la voix de leurs envoyés, mais aujourd’hui il est inutile de le
rechercher dans le temple "réel", dans celui du quartier ou auprès des autorités
ecclésiastiques. Il semblerait que personne ne veuille se rendre compte que, si une
pierre est lancée du haut d’une tour sa vitesse augmente de façon géométriquement
proportionnelle à la distance parcourue, et c’est ce qui est en train de se passer
temporairement de nos jours, alors que nous atteignons le millénaire. L’homme pourra
ajouter une nouvelle illusion à un monde qui s’efface (de par la logique des cycles) et
peut-être songer dans ce cas à la projection historique et quantitative d’une guerre –
sainte ou non– qui mettra dans sa main tous les atouts, et régnera puérilement sur les
autres. Pour combien de temps? C’est la question que nous nous posons étant donné la
situation cosmique. De plus, cette querelle même nous place spécifiquement en
Méditerranée, c’est-à-dire dans une zone géographique réduite qui –si l’on nous passe
l’expression– est un cadre plutôt local, presque une bagarre de rues pour ces religions
qui prétendent posséder toute Universalité et se limitent à des chicanes à Jérusalem,
même s’ils en arrivent peut-être à utiliser des armes atomiques. Et s’il est vrai, comme
nous le remarquions, qu’à l’origine elles émanent de la Divinité, le processus cyclique
les en a tellement éloignées qu’un futur Homme de Connaissance devra vraiment s’y
opposer –même au sein de son propre credo– pour la corruption et le poison moral
implicites qu’elles portent, pour avoir renié leurs origines sacrées afin de nous offrir leur
version détachée du Principe et liée à des opinions personnelles, parfois basées sur des
thèmes traditionnels, mais forgées avec la complicité du groupe et imposées avec la
ferveur et le fanatisme de crânes rasés, héros communistes ou "fachos", ou
fondamentalistes religieux.7 C’est un symbole que ces extrémismes –et surtout la
"spiritualité" qui les motive– se traduisent par le terrorisme, quoique d’idéologies
opposées. Seuls les ennemis de Dieu sont capables d’échanger son Éternité contre
l’appui prétendu à une guerre régionale ou mondiale, simple escarmouche comparée à
elle. Ni arbitraire ni casuel, c’est seulement ce qui découle du niveau où l’on place la
déité: si le degré est métaphysique un tel problème n’existe pas; étant religieux,
l’adéquation est toujours insuffisante, puisqu’il s’agit d’une déité personnelle, donc
individuelle, ou d’un dieu personnalisé, deux formes analogues inhérentes à ce point de
vue toujours rattaché à la possession, ou la matérialisation de ce qui est spirituel
comme une chose pouvant être acquise, reniant la grâce, à base de génuflexions ou
commerce de faveurs et rémunérations avec de soi-disant esprits, dénaturant ainsi
l’idée de sacrifice. Dans ce cas, l’on peut arriver à justifier certaines critiques gnostiques
envers le judaïsme où l’on assimile Jéhovah, non pas avec la figure de l’Être suprême,
mais avec son second, le Démiurge.
Quant aux collaborateurs de SYMBOLOS, nous dirons que nous sommes entraînés à la
concentration, où la coexistence de différents points de vue, même opposés (mais aussi
complémentaires dans leurs multiples –et étranges– relations, donc pouvant se
conjuguer indéfiniment), n’est jamais le fruit d’une fixation a priori sur une seule voie de
l’esprit, sur laquelle se plaque toute la volonté forgée par des raisons prises comme
credo, à l’exclusion de toute forme de conciliation des opposés ou d’exercice du libre
arbitre, refusant ou compromettant la reddition à l’intelligence, déesse aussi fuyante
que réelle. C’est par l’angoisse du doute, par la vérification de notre rien qui est à
chaque fois encore moins, donc grâce aux instruments du cabinet alchimique de l’âme,
que l’on perçoit la simultanéité des éons et la perpétuelle naissance de la création.
Pour nous –et pour bien d’autres– la déité ou la conception que nous en avons, ne se
forme pas à différents niveaux et n’adopte aucune couleur, religieuse ou non; donc il
importe peu quel intérêt quantitatif ou historique, lié à des notions de compétition et
de triomphe (un point de vue presque sportif), est soutenu par ces groupes
antagoniques et extrêmement limités. Et aussi parce que, même dans le meilleur des
cas, si nous devions incarner une entité destinée à vaincre l’Antéchrist à Jérusalem, cela
nous laisserait complètement froids vu que cela nous semble mineur, quand bien même
cette situation surviendrait-elle de façon symbolique, ou serait déjà évidente.
Tout ceci est minime, notre déité est à présent, maintenant même, comme elle a
toujours été, jamais conditionnée par aucune détermination; hors de la Réalité il n’y a
rien. Le signe que nous attendons est non-humain, et ce n’est pas l’intervention d’une
religion, malgré que l’on nous dise que celle-ci ou celle-là n’est pas une religion de plus,
sinon La Religion, ou bien que l’on nous rappelle que l’humain révèle le non-humain, ou
que l’on nous demande de quelle façon ce dernier pourrait-il s’exprimer si ce n’est au
travers de l’homme ou du groupe. Une supercherie dangereuse puisque mettant
l’accent sur l’aspect le plus lointain de la déité : l’être individuel déplacé, inversé, jouant
le rôle de l’Être Universel avec lequel on le confond.
*
* *
La religion est pour beaucoup, ou peut-être a été, une forme adaptée du sacré, une
forme simplifiée afin d’être comprise par la majorité, qu’elle commande par une loi
morale qui devient en définitive un ensemble d’us et coutumes, et ainsi se perpétue
dans un groupe considérable suivant les préceptes d’un dirigeant pour le bien de la
société. Il suffit d’obéir à l’instar de braves bœufs patients –et castrés– et d’avoir la foi ;
cette attitude est préférable à toute tentative de Connaissance, qui pourrait même
arriver à mettre en conflit ou tourner en ridicule n’importe quelle autorité religieuse.
Mais ce n’est pas tout car, comme nous le remarquions, ces deux formes du sacré se
trouvent sur des plans distincts, et la méconnaissance de la métaphysique et sa
substitution par la religion, qui la supplante, équivaut à une négation. Ce pour quoi l’on
peut confondre aujourd’hui –de bonne ou de mauvaise foi– la métaphysique avec le
profane, (notez l’inversion) à force de toujours associer la religion et le sacré. Les
différents credo abrahamiques tels qu’ils sont exprimés actuellement doivent être
plutôt pris comme des entraves aux nombreuses formes de Connaissance, ou Science
Sacrée, en accord avec leurs limitations. Surtout en ce qui concerne le plus haut stade,
paradoxalement le seul à donner un sens à l’échafaudage religieux, étant donné que sa
révélation dénaturée et ses conceptions sont des erreurs nées de l’ignorance de ce qui
est intimement sacré –ou métaphysique– et de sa substitution par les valeurs morales,
pieuses et sentimentalistes auxquelles nous nous référions qui se réduisent à des
questions minuscules, qui se manifestent à leur tour par des comportements étriqués
qui, bien qu’allégoriques, ne dépassent pas le niveau des tabous comme celui
concernant l’ingestion de viande de porc. En définitive, la religion prise comme l’une des
expressions de la métaphysique a perdu sa signification par sa plongée jour après jour
dans la corruption, fait inévitable par ses propres caractéristiques dans un monde en
train de succomber. Le Messie, Le Christ Intérieur, Le Mahdi, vient pour restaurer la
Connaissance, le Règne de la Métaphysique, et non pour promouvoir ni consacrer une
aucune religion en particulier dont la description de la réalité n’est pas de nos jours
différente de celle de la science profane, et ce traduit en obnubilations sportives plutôt
propres de "hooligans". La religion, liée dans le meilleur des cas avec le salut, est
l’obéissance à une méthode déterminée pour obtenir la "libération", tandis que la
métaphysique est la Liberté même, en lettres majuscules ; ainsi donc, c’est la Libération
du concept de "libération". De nos jours, la Connaissance et la Métaphysique ne passent
pas par la Religion, qui s’identifie au monde moderne dans tous ses aspects, pour le
simple motif, déjà mentionné, que cette dernière n’appartient même plus au domaine
sacré, sinon plutôt au social, encore qu’il existe bien sûr quelques exceptions
individuelles, presque aussi rares que celles d’initiés solitaires rattachés à nul appareil
religieux, bénéficiaires donc de plus amples points de vue et d’une conception plus
universelle, souvent liée à la sacralisation de la Nature incarnée entre autres par Éros et
Dionysos qui n’ont jamais été oubliés dans les cosmogonies traditionnelles ni par les
peuples archaïques. Quoi qu’il en soit nous ne voulons pas terminer cette note sans
revenir sur ceux qui se disent traditionnels et qui, de façon contre-initiatique,
prétendent parer de caractéristiques suprêmes leur vague religiosité (qu’ils élèvent à la
catégorie de vérité transcendante officielle et qu’ils nomment ésotérisme ou même
religion perpétuelle), constituant une scandaleuse dénaturation, aussi bien de la
Métaphysique que de la Racine de toute religion monothéiste.
C’est justement en cette fin de cycle qu’il faut exposer toute la vérité, à commencer
par la révélation de l’authentique cosmogonie, le modèle de l’Univers, les Secrets
connus des sages de tous les temps, et démasquer les desseins de l’imposture
"religieuse", ses fausses théologies et ses "saints" maîtres dont les exposés littéraux
sont éminemment inspirés du profane et arrivent à l’extrême de renier leurs propres
livres sacrés en détournant leurs contenus ou même les utilisent en leur propre
bénéfice. Si le moment n’est pas venu de remettre à leur place ces tentatives contre-
traditionnelles, apparemment acceptées au sein des religions abrahamiques et par des
groupes mystico-ésotériques dont le trait est l’hypocrisie face aux authentiques valeurs
morales, jusqu’à quand attendrons-nous ?
Il est évident que l’initiation est une action à contre-courant déterminée par
l’étrangeté de certaines terribles épreuves avec lesquelles se certifie la qualité de
l’Amour. La religion actuelle, en revanche, n’est que complaisance envers la bonté d’un
système qui se considère valide et l’égotisme satisfait de se distinguer en
l’accomplissant. La première se rapporte à la magie et à la grâce, la seconde au travail,
au devoir, à la routine et la rigueur de la loi.
Pour terminer nous mentionnerons une nouvelle catégorie : celle du ressac pseudo-
ésotérique, les inséparables de ceux que nous avons déjà nommés au point de pouvoir
les identifier. Il s’agit encore de fanatiques obsédés par leurs devises en dehors
desquelles rien n’a de valeur, ou même pire: est mauvais ou suspect tout ce qui dépasse
leurs étroites limites. En réalité ces personnages résiduels ne se sont jamais intéressés à
la Connaissance, sinon que leur position est liée au pouvoir et à la politique,8 donc à des
commerces douteux. Le paradoxe est que ces individus se dénomment "traditionnels",
alors qu’ils sont en réalité "traditionalistes" et que leur domaine est l’action et la
violence –l’action et la violence per se– et ignorent tout de ce que sont la cosmogonie et
la métaphysique qui leur importent peu, nonobstant leurs tentatives d’utiliser à Guénon
lui-même à leurs fins, bien qu’ils ne sachent ni d’où ils viennent, ni qui ils sont, ni où ils
vont, et encore moins que le mot tradition tel qu’ils l’emploient n’a rien à voir avec la
Tradition à laquelle se réfère le métaphysicien français. Ils sont encore plus loin
d’imaginer qu’ils sont dirigés politiquement par des meneurs occultes et concrets,
partisans de la confusion et de l’erreur –qu’ils ne peuvent bien entendu pas déceler par
eux-mêmes en raison de leur manque de préparation– leur rayon d’action visant les
milieux ésotériques au travers de critères religieux voire même comme guerre
religieuse. Ces gens n’ont seulement jamais entendu parler de la plus haute forme de
Connaissance, et ne pourront donc jamais rêver l’atteindre, et entretiendront leur
frénésie dans les aspects les plus positifs et "populaires" de la déité, qu’on leur présente
de façon exclusivement affirmative ou même grossière, presque matérielle. Certains
d’entre eux adhèrent au catholicisme ou à l’islamisme en rêvant à un Moyen-Âge
imaginaire dans lequel ils seraient de nobles chevaliers –en dépit de leurs actions
délictueuses– encore que leur adhésion se limite à se signer à l’entrée d’une église, ou à
roter clairement après manger, et l’on dit que d’aucuns sont à l’aise dans l’Islam pour
rosser les Juifs (qui à leur tour cognent sur les Palestiniens) ou battre ceux qui ne
partagent pas leur propre médiocrité. L’origine de cette engeance se trouve dans la
massification et la perversion instaurées en Europe et Amérique par des régimes
totalitaires s’abritant derrière un vague messianisme et portant pareillement la haine et
l’envie ; ou alors, ce qui revient au même, le manque de générosité et charité les pousse
au métier de terroriste et à des agissements aussi abjects qu’intéressés, donc tout le
contraire de la pureté du geste gracieux. Inutile de souligner que ces disciples de Léo
Taxil ne connaissent rien de la Tradition Hermétique qu’ils pourraient découvrir, s’ils s’y
intéressaient, comme étant la plus ancienne Tradition subsistant encore et par-là la plus
traditionnelle selon leurs critères étroits.
NOTES
*
Ce texte ne fait pas référence à la religion telle que la définit l’Histoire des Religions, ou
lorsque le terme est pris au sens générique (“ce qui est religieux”), sinon aux religions
abrahamiques dans leur état actuel, et concrètement à leur ton pieux-moral-dogmatique,
sceau du fanatisme promoteur de la dissolution.
1
En Occident, même les adeptes de traditions orientales les interprètent aussi de façon
religieuse.
2
Dans l’État d’Israël actuellement, les sionistes ont été remplacés par les ultra-orthodoxes,
totalement politisés. Nous venons de lire, dans les mémoires de Y. Rabin, se référant à un
groupe de fanatiques ultra-nationalistes : "... groupe sauvage, un cancer à l’intérieur de la
démocratie israélienne, qui se réclame d’un mandat divin et impose la terreur dans les rues."
Il s’agit d’une nouvelle orthodoxie ultra-religieuse de type radical qui a pris à divers degrés
chez les jeunes –et pas tant que cela– ou dans d’autres parties du monde, et qui peut même
être terroriste et s’identifier à l’assassinat, comme le cas bien connu d’Yitzac Rabin –un
homme de paix– ayant trouvé la mort des mains des plus fanatiques. Ce sont les mêmes qui
sont les auteurs des crimes commis envers le peuple palestinien.
3
Certains jetteraient les hauts cris si on leur disait que la religion n’est pas à la mode
actuellement. C’est cependant l’Éternité qui est toujours à la mode, tandis que les religions
passent.
4
D’autre part, au sujet de la citation de Nasr sur l’annexion de toute chose à l’Islam, elle peut
avoir plusieurs lectures parmi lesquelles celle de l’appropriation des biens privés, c’est-à-dire
la confiscation de toutes les possessions et la négation de tous les droits, à commencer par
les droits de l’homme. L’on peut y ajouter l’accent mis exclusivement sur des phénomènes
d’ordre quantitatif, comme le milliard d’islamiques qu’il y a dans le monde et leur progression
invincible –et celle de leur loi (la shariyah)– dans tout l’univers, comme si cela était
réellement de nature spirituelle (et ce sont là les arguments décisifs de l’œuvre de Hossein S.
Nasr) et non pas exactement marqué du sceau de la quantité, c’est-à-dire d’une fausse
spiritualité ou, pour reprendre les mots de Guénon, d’une spiritualité à l’envers.
5
L’on peut cependant observer parallèlement à ce rejet de la religion, un courant inverse qui
s’est fait remarquer ces dernières années, en particulier dans l’islam, mais aussi parmi de
jeunes juifs qui reviennent à leurs croyances et cérémonies, spécialement au Talmud, et de
nombreux jeunes qui sont attirés par le catholicisme, dans ses variantes fraterno-chrétienne,
social-léniniste, opus-déiste, ou fanatisme religieux rattaché à tout autoritarisme fasciste et
inquisitorial.
6
Il semblerait cependant aujourd’hui que ce qui était contrôlé par ces maffias est en train de
leur échapper, et que les hiérarchies ne paraissent pas au courant de ce qu’il se passe. Ainsi,
dans un journal du 10 juin 1997, l’on apprend que le cardinal J. Ratzinger, l’un des plus
proches collaborateurs du Pape, révéla que les églises protestantes ont financé dans les
années 60-70 des mouvements subversifs latino-américains. En vérité, cette accusation
rétrospective nous semble incroyable aux habitants d’Amérique du Sud, où beaucoup des
délinquants ayant pris les armes sont ou ont été prêtres, tout comme les agitateurs qui
encouragent les invasions de la propriété privée, le vol et la mise à sac “pacifiques” selon eux,
tout ceci sous les auspices de l’Église et le consentement des évêques qui nient
hypocritement tout contact avec la Théologie de la Libération. En Amérique du Sud,
n’importe qui peut le constater et cela paraît quotidiennement dans les journaux. D’autre
part, il n’y a pas de village, pour éloigné qu’il soit, qui ne subisse le samedi durant toute la
nuit, les lamentations assourdissantes des prières protestantes et des chants dissonants au
maximum de volume, afin que les voisins soient forcés de les entendre et ne puissent dormir,
pour des motifs confessionnels, de pouvoir, et d’agression à la communauté tout entière. Ces
nuits représentent de véritables tortures pour le voisinage, surtout lorsque les catholiques
ripostent avec la même méthode. Dans le journal d’aujourd’hui aussi, l’on informe que le
patriarche orthodoxe Alexis II ne se réunira pas avec le pape. Motif: la prétendue influence
souhaitée par le catholicisme dans les pays de l’ex-U.R.S.S. Pendant ce temps, la Tchétchénie
a imposé la shariyah, ou loi islamique, dans laquelle comme on le sait, la femme est mutilée
dans sa plus intime essence de fille de Dieu et le voleur se voit couper la main.
7
“Les ‘ennemis’ de l’Islam devraient être égorgés sans merci, ‘depuis le nouveau-né jusqu’au
vieux au bord du tombeau’, déclare un chef du Groupe Islamique Armé (G.I.A.) dans le
bulletin clandestin de l’organisation diffusé en Europe, en justifiant les tueries en Algérie”.
“Nous ne faisons ici qu’appliquer les préceptes de Dieu et son prophète”. “Lorsque vous
entendez parler d’assassinats et de gens égorgés dans une ville ou un village, sachez qu’il
s’agit de partisans du pouvoir ou que l’on exécute les ordres (des chefs du G.I.A.) de faire le
bien et combattre le mal” (de la section internationale du journal ABC, Madrid, début octobre
1997, à partir d’un interview intitulé “Notre position” publié dans le numéro 13, de juin 1997,
de “Al Yamaa”, qui “se présente comme ‘l’organe officiel du G.I.A. en Occident’.”).
8
Qu’ils nomment cyniquement méta-politique.
CHAPITRE II
Un fait courant chez les lecteurs de René Guénon est que, sous l’influence directe de
la vérité et la beauté de ses textes, ils désirent à un moment donné rendre effectif tout
ce qui est en train de se produire en eux et, à l’exemple de leur guide intellectuel, qui
leur dit que lui-même n’est pas un maître et qu’il y a besoin d’un lien avec une tradition,
qu’ils veuillent formaliser ce qui est encore virtuel dans le long cheminement vers la
Connaissance. Il est reconnu que le métaphysicien français désigne les grandes
Traditions de l’humanité –y compris les trois religions monothéistes– comme de
possibles vecteurs de la réalisation intellectuelle. De fait, cette possibilité conduit des
personnes mal informées à croire que ces voies religieuses sont les seules disponibles
pour l’accès et postérieure incarnation de la Sagesse; la cause en est l’amalgame
vulgaire entre religieux et sacré et la confusion –pour qui entame un chemin aussi
nouveau que surprenant– entre religion et métaphysique. C’est-à-dire entre ésotérisme
et exotérisme, équivoque diffusée par plus d’un semeur de désordre par ignorance ou
mauvaise foi, toutes deux nuancées d’un certain fanatisme propre à cette fin de cycle.
Quoi qu’il en soit, comme nous le savons bien et avons déjà mentionné, la confession
officielle catholique renie tout type d’ésotérisme ; d’autre part, il n’existe dans aucune
autre religion que l’Islam une aussi grande différence entre exotérisme et
ésotérisme.9Quant au judaïsme actuel, ce qu’il entend par Kabbale –qui signifie
Tradition comme nous le savons– est en gros un ensemble d’us et coutumes
cérémoniels, marqués par les préjugés et l’intolérance, attributs que partagent les deux
autres confessions déjà citées. Il ne faut bien entendu pas oublier la valeur et le bien
qu’ont apportés à l’ensemble de l’humanité ces religions civilisatrices, particulièrement
dans le passé.
De nos jours cependant elles constituent presque une entrave à toute initiation, ce
qui ne veut pas dire qu’il ne s’agisse pas d’authentiques révélations et que leur message
le plus pur, concrètement leurs livres sacrés où se trouve l’héritage premier de leurs
envoyés, ne constitue pas un guide, au moyen de la Parole, sacrée et symbolique,
expression d’un Logos Archétypique et donc support de la Connaissance. Mais, fruit de
l’ignorance et signe des temps, le fait est que le rite et l’enseignement ont dû être
"arrangés" par l’appareil théologique ou légal et par les mauvaises intentions de soi-
disant prêtres et prétendues autorités qui ont dénaturé à leur gré l’essence de ces
théophanies. Malgré cela, l’on peut encore y découvrir une voie de réalisation
spirituelle, à la condition qu’elle puisse s’accomplir en accord avec les principes énoncés
ici, avec une vocation transparente, libre de toute intention ou manipulation
intéressées ; comme c’est le cas de ces livres de sagesse qui constituent la Bible, en
particulier ceux de Moïse pour les juifs et les chrétiens et surtout les Évangiles pour ces
derniers. D’autre part les islamiques possèdent le Coran et d’autres textes sacrés
complémentaires, tout comme les deux autres monothéismes. Il est clair en tout cas
que toute la Connaissance se trouve là, pour qui pourrait la dévoiler, et cette source
vive existe pour ceux qui pourraient l’incarner, et ce serait erroné, voire monstrueux de
nier cette évidence. Quant aux rites et cérémonies exotériques, ils peuvent parfois nous
accompagner avec profit dans notre voyage vers l’Unité Centrale et nous signalerons
comme méthode le travail avec l’Arbre Séphirotique de Vie de la Kabbale hébraïque,
mais celui-ci n’est pratiquement pas connu dans l’exotérisme juif ; or, il serait tout aussi
erroné de penser que la Connaissance serait exclusivement patrimoine des religions
abrahamiques, et encore davantage par les temps qui courent, inévitablement marqués
par la chute et la corruption de toutes les institutions.10
Ceci dit, il s’agit de respecter plusieurs autres alternatives ou voies d’accès au Centre
où l’on sait que se conjuguent les contraires et d’où la Volonté du Ciel se répand aux
quatre coins de la planète, embrassant dans leur totalité tous les êtres humains se
trouvant disposés à s’éveiller conduits par un appel de cette nature. Dans ce cas, il faut
compter non seulement les traditions d’Orient ou d’Extrême-Orient, encore vivantes de
nos jours, mais aussi de nombreuses autres, certaines d’entre elles archaïques qui, étant
donné le moment cyclique crucial que nous devons vivre, ressurgissent avec toute leur
puissance vitale.11
De toute manière, pour les habitants des villes d’Occident, rares sont les chemins
initiatiques ouverts à la réalisation qui soient en accord avec les possibilités qui nous
sont données par les limitations du milieu où nous devons vivre. L’on sait que le
processus de la Connaissance est un sentier inversé par rapport à la vision du monde
que nous octroient nos sens et se décrit comme une ascension de l’âme allant dans un
premier temps de la multiplicité vers l’Unité, et dans un second de l’Être au Non-Être,
ou Suprême Identité (En Soph de la Kabbale) ; ce qui fait que se retourne la conception
ordinaire, puisque ce qui n’Est Pas est l’origine aussi de l’Être Universel, dès lors que
celui-ci est une affirmation du précédent. Sans aucun doute, le monde actuel ignore et
nie cette possibilité qu’est la Métaphysique et n’accepte que la Religion dans le meilleur
des cas, et il va de soi que ces deux modalités ne sont pas incompatibles, sauf si
l’exotérisme coupe ses attaches avec "les racines des plantes", ce qui malheureusement
se passe si souvent dans la culture européenne comme dans l’américaine et sa zone
d’influence qui s’étend de nos jours dans le monde entier. Pour l’Occident, René
Guénon a signalé tout spécialement deux institutions où l’on pourrait trouver des
vestiges pour faciliter cette Initiation à la Connaissance : la Franc-Maçonnerie, qui est
comme nous le savons une association ésotérique qui, malgré la dégradation des
institutions contemporaines, conserve encore vivante l’Initiation dans certaines Loges,
et –à contrecœur– l’Église Catholique –comme emblème du christianisme en général–,
bien que cette dernière ait souffert de grandes modifications depuis la mort de Guénon,
en particulier dans sa liturgie, malgré que l’on puisse encore y déceler quelques noyaux
ésotériques, spécialement dans les ordres monastiques bénédictins et cisterciens (pas
uniquement, en fait) ; ceci doit s’étendre aux églises orthodoxes grecque et russe tout
comme à d’autres ramifications du christianisme ; il ne faudrait pas non plus oublier
certains kabbalistes, encore que ceci ne soit pas valable pour la grande majorité des
rabbins, à l’instar de ce qui se passe avec les prélats chrétiens. La pauvreté des religions,
en général, est actuellement évidente, et ici doit se joindre l’exotérisme islamique, soit
la troisième branche des traditions du Livre, qui de la même manière nient dans leur
doctrine, ou en pratique, toute possibilité d’initiation. C’est là un triste panorama offert
à l’homme et la femme moyens dans l’aire d’influence de la culture Occidentale, sauf
s’ils adhèrent à quelque Tradition de l’Orient, comme l’Hindouisme, le Bouddhisme, le
Zen, le Taoïsme, ou même celle d’une rarissime Tarîqah authentique.
Étant donné que –soit pour la difficulté de connexion avec ces vrais centres
traditionnels, soit pour l’impossibilité de s’attacher effectivement à des cultures, us et
coutumes parfois diamétralement opposés aux siennes– cette sombre situation est la
réalité présente, il convient de se demander quelles sont les autres possibilités qu’a
l’homme actuel de trouver sa véritable identité et de rendre effective sa réalisation
intellectuelle-spirituelle par les temps qui courent.
Dans ces circonstances et au vu des écueils qui les jalonnent –qui pourraient bien être
pris pour les premières épreuves de l’apprenti– il n’est pas surprenant qu’il se produise
aujourd’hui des initiations solitaires, c’est-à-dire sans l’appui d’un maître vivant, même
dans des traditions archaïques ou apparemment mortes, et l’on doit tenir compte que
ces cas, rares jadis, doivent être de plus en plus fréquents par l’impossibilité de pouvoir
s’unir à ceux qui seraient capables de nous guider dans notre cheminement, ou celle
d’avoir accès à des groupes ésotériques traditionnels comme certaines loges
maçonniques.
Dans un article paru dans la revue Vers la Tradition et remanié pour le numéro 9-10
de SYMBOLOS, Roland Goffin expose dans ce sens la possibilité de l’initiation
individuelle dans le monde actuel (pour sa propre irrégularité) en écrivant :
« L’importance reconnue par René Guénon à la connaissance ‘théorique’ des principes
métaphysiques et cela en dehors de tout rattachement initiatique, semble trop souvent
être perdue de vue par bon nombre de guénoniens ». D’autre part, Guénon a aussi
traité dans ses études le sujet des afrâd : « Une autre question, qui se rapporte aussi au
rattachement initiatique, a encore été soulevée en ces derniers temps ; il faut d’ailleurs
dire tout d’abord, pour qu’on en comprenne exactement la portée, qu’elle concerne
plus particulièrement les cas où l’initiation est obtenue en dehors des moyens
ordinaires et normaux. Il doit être bien entendu, avant tout, que de tels cas ne sont
jamais qu’exceptionnels, et qu’ils ne se produisent que quand certaines circonstances
rendent la transmission normale impossible, puisque leur raison d’être est précisément
de suppléer dans une certaine mesure à cette transmission. Nous disons seulement
dans une certaine mesure, parce que, d’une part, une telle chose ne peut se produire
que pour des individualités possédant des qualifications qui dépassent beaucoup
l’ordinaire et ayant des aspirations assez fortes pour attirer en quelque sorte à elles
l’influence spirituelle qu’ils ne peuvent rechercher par leurs propres moyens, et aussi
parce que, d’autre part, même pour de telles individualités, il est encore plus rare, l’aide
fournie par le contact constant avec une organisation traditionnelle faisant défaut, que
les résultats obtenus comme conséquence de cette initiation n’aient pas un caractère
plus ou moins fragmentaire et incomplet. »12
Néanmoins, ce n’est pas la peine d’aller si loin et de chercher des cas spéciaux,
puisque Guénon lui-même reconnaît la validité de la Tradition Hermétique.
Il n’explique cependant pas de quelle manière peut s’obtenir cette initiation, placée
sous l’invocation du dieu Hermès (Hermès Trismégiste), à laquelle se rattache cette
transmission qui n’inclut aucun rite autre que le sentier de la Connaissance, l’étude, la
méditation et la transmutation qui s’effectuent par cette voie –appelée en Inde Jnânî-
Yoga–, où se produit l’illumination en vertu de l’identité entre sujet et objet de la
connaissance. Quoi qu’il en soit ce fait n’est absolument pas surprenant, car il ne
mentionne pas non plus dans ses écrits ne serait-ce qu’une insinuation au sujet d’une
autre "méthode" ou obtention de "résultats" dans le parcours initiatique, à part
désigner comme vecteurs le symbole ou des pratiques universellement reconnues,
comme peuvent l’être la respiration, le chant et la danse, la prière, le silence et la
solitude, etc.
Nous devons y ajouter que la Bible est jusqu’à présent le Livre Sacré de notre Loge –
ouverte au commencement de l’Évangile selon saint Jean–, en dépit de
l’excommunication dont nous a frappé l’Église Catholique, ce qui nous importe guère,
vu le parcours pour le moins accidenté de cette institution, au long des cycles de son
existence, donc de la civilisation occidentale, et l’état de corruption dans lequel elle se
trouve à ce jour.
NOTES
9
René Guénon écrit dans ses Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le taoïsme :
“L’ésotérisme islamique” : « De toutes les doctrines traditionnelles, la doctrine
islamique est peut-être celle où est marquée le plus nettement la distinction de
deux parties complémentaires l’une de l’autre, que l’on peut désigner comme
l’exotérisme et l’ésotérisme. » Le texte original fut publié dans Cahiers du Sud,
1947, p.153-154, et il est intéressant de noter qu’il fut écrit après plus de vingt ans
passés au Caire, sans compter le précédent séjour de Guénon en Algérie.
10
La vision religieuse n’arrive que jusqu’à la ligne d’horizon, incapable d’aller plus
loin ou de pouvoir embrasser quelque chose de différent.
11
Nous ne nous référons pas seulement, en Orient, à l’hindouisme ou au
bouddhisme, mais aussi à leurs innombrables variantes (zen, djaïnisme, etc.). En
tout état de cause, les “églises dispersées” du monde entier peuvent littéralement
comptabiliser des millions de fidèles.
12
Initiation et réalisation spirituelle. Ed. Traditionnelles, Paris 1986, p.55. Et il
continue plus loin disant : « Un autre point très important est celui-ci : même en
pareil cas, il s’agit bien du rattachement à une ‘chaîne’ initiatique et de la
transmission d’une influence spirituelle, quelles que soient d’ailleurs les moyens
et les modalités, qui peuvent sans doute différer grandement de ce qu’ils sont
dans les cas normaux et impliquer, par exemple, une action s’exerçant en dehors
des conditions normales de temps et de lieu ; mais, de toute façon, il y a
nécessairement là un contact réel, ce qui n’a assurément rien de commun avec
des ‘visions’ ou des rêveries qui ne relèvent guère que de l’imagination. » (cf.
p.56-57). Et il ajoute, dans les pages 271-272 : « Nous dirons, au point de vue du
taçawwuf islamique, que ce dont il s’agit relève de la voie des Afrâd, dont le
maître est Seyidna El Khidr, et qui est en dehors de ce qu’on pourrait appeler la
juridiction du ‘Pôle’ (El-Qutb), qui comprend seulement les voies régulières et
habituelles de l’initiation. On ne saurait trop insister d’ailleurs sur le fait que ce ne
sont là que de cas très exceptionnels, ainsi qu’il est déclaré expressément dans le
texte que nous venons de citer, et qu’ils ne se produisent que dans de
circonstances rendant la transmission normale impossible, par exemple en
l’absence de toute organisation initiatique régulièrement constituée. Sur ce sujet,
cf. aussi Orient et Occident, p. 230-231. »
CHAPITRE III
Tout comme l’on peut dire que l’existence du désordre est nécessaire pour que se
crée un ordre, un cadre, l’on pourrait affirmer que l’instauration de ces limites est ce qui
peut nous conduire à la pensée de l’illimité.
L’homme contemporain a cru que grâce au simple expédient qui consiste à fermer les
yeux et nier ce qui a été unanimement appelé Connaissance et Réalité, par toutes les
civilisations traditionnelles et par tous les sages dignes d’être considérés comme tels, la
Connaissance et la Réalité n’existent pas.
C’est là exactement ce qui est arrivé avec l’Esprit qui, puisqu’on le nie, est estimé
insignifiant et ainsi se réduit pratiquement à rien ; cependant, du point de vue
hermétique, le moindre est le plus puissant.
L’Esprit, tout juste virtuel dans chaque homme, est la plus forte énergie et l’unique
qui aie réellement le pouvoir de transmuter.
C’est vers cette transmutation que se dirige tout le travail hermétique et cette œuvre
ne peut se réaliser si ce n’est dans le milieu où nous sommes placés, avec la "matière"
que nous avons entre les mains.
Comme l’on sait, cette "transformation de la matière" n’est rien d’autre que notre
propre transformation, dans le milieu où nous avons été appelés à vivre et duquel nous
ne sommes pas indépendants, qui englobe aussi bien l’Europe que l’Amérique, car dans
chaque segment du cycle existe la possibilité latente de la libération.
Ce milieu est aussi dans ce sens un reflet de nous-mêmes dans lequel nous pouvons
voir sans cesse notre propre image ; nous ne sommes pas étrangers à lui sinon, au
contraire, semblables puisque la vie étant un ensemble de relations en mouvement,
nous sommes étroitement liés à la société actuelle, vu que nous sommes nés en son
sein, ce par quoi notre relation est mutuelle, tout comme ce qu’il se passe entre le
microcosme et le macrocosme.
La différence établie par le fait que notre vie individuelle se soit produite dans la
matrice, dans le moule de la société contemporaine n’est pas essentielle, mais juste
secondaire, entre nous et un homme né sous le signe de n’importe quelle autre société,
soit dans un milieu différent, et à une autre époque, sous d’autres étoiles.
De même l’histoire des civilisations et les différentes étapes qu’elles ont traversées
sont également le reflet de ce qu’il leur est inhérent ; il est important de faire ressortir
dans ce sens que l’homme actuel se visualise comme historique. Il ne peut en fait
imaginer son existence sans l’histoire : les détails anecdotiques de sa personnalité se
prolongeant sur le ruban de la succession temporelle constituent ce qu’il appelle son
être, ce avec quoi il s’identifie. Il ressent la même chose au sujet du corps social qu’il
doit doter d’une histoire, ou d’un credo, pour qu’il soit "effectif", "réel".
Il n’est donc pas étonnant que, dans une société comme celle qui nous est échue, les
concepts soit clairement dénaturés au point de sembler inversés par rapport à une
civilisation authentique ou à une culture "primitive", ce qui revient à dire par rapport à
la Connaissance et la Sagesse. Les images liées au sacré qui s’associent inévitablement à
la religion ne pouvaient subir d’autre destin. Cette puérile conception est apparentée à
quiconque s’arroge la possession d’une déité ou d’une autre. La Vérité est une, et c’est
seulement dans ses strates les plus basses qu’elle se divise pour donner place dans
notre ordre au fait de la multiplicité institutionnelle. Comme il est évident, la Vérité n’a
en soi rien à voir avec aucune institution,
D’un autre côté, les différentes églises, pseudo-églises et sectes d’aujourd’hui –qui
seront de plus en plus nombreuses, comme on peut le voir– n’ont pas de point de vue,
de vision différente de la société où elles sont insérées (beaucoup d’entre elles en sont
le produit), et modifient plutôt leur optique –qui avait à l’origine un environnement
sacré– afin de survivre dans le milieu actuel. C’en est arrivé à de tels extrêmes qu’il est
difficile de les distinguer de certaines fraternités ou associations de secours mutuels
d’une part, de sociétés commerciales se partageant l’utilité de plusieurs bilans d’autre
part, et dernièrement, de simples bandes de brigands.
L’institution visible porte en elle le germe de sa propre décadence et de l’humanité à
laquelle elle appartient. Quand les temples et les cultures sont achevés de construire,
de se solidifier, à cet instant commence leur lente dégradation. Telle est la loi du cycle ;
lorsque s’est enfin pu constituer la culture ou la cité, –créée par ses constructeurs–
lorsque finalement l’immense effort de quelques-uns a donné lieu à une codification, à
un ordre, approprié à la manifestation de la vie humaine, cet ordre commence à
décliner. Son époque la plus brillante correspond à l’apogée de son fonctionnement.
Mais ce "fonctionnement" même est la cause de sa "chute". L’organisation vivante se
convertit en un modèle mécanique. Avec le temps, les hommes éloignés de leurs
origines prendront littéralement le modèle mécanique pour la "réalité". Ou, pour
s’exprimer autrement, ils confondront leurs propres conceptions culturelles avec la vie
même. Le fait est particulièrement douloureux lorsque ces conceptions ont vu leur
vérité s’amoindrir en vertu de l’usure inhérente à tout cycle.
C’est dans ce sens que l’on dit que, dans le cycle solaire, le soleil est lui-même le
protagoniste et la victime de son rituel symbolique quotidien. En effet, enfermé dans sa
propre prison, il ne peut outrepasser les limites de l’aurore, midi, crépuscule et minuit,
soit de sa "chute". Il ne peut non plus transcender celles que lui imposent solstices et
équinoxes. Au cours de cette danse rituelle, parvenu à l’été et à midi dans son
ascension, il ne peut que descendre vers l’automne et le crépuscule.
Si nous tenons compte du fait que le cycle solaire se lève à l’Orient et se couche à
l’Occident, et que ce point cardinal correspond à l’automne, symbole de
l’affaiblissement que vit la nature en cette période, et au crépuscule, ce moment du
cycle quotidien où la nuit tombe et se génèrent les ombres qui rendent la vision plus
difficile, nous pouvons en déduire quelques choses intéressantes.
Et non seulement celles qui sont en rapport avec l’actuel milieu social, qui se définit
lui-même comme occidental, mais aussi avec le fait que ce cycle même que nous vivons
est précédé d’un autre –dans lequel la société et l’être humain individualisé peuvent
avoir été différents– et qu’un autre doit le suivre, c’est-à-dire une autre humanité ; nous
ignorons pratiquement tout de l’un comme de l’autre.
Mais ce que nous ne pouvons nous permettre, c’est de ne rien savoir au sujet des
circonstances qui nous sont données de vivre. Nous devons les connaître parce qu’elles
sont les formes, les symboles, les manifestations de la vie dont elles sont parties
intégrantes. Si nous ne connaissons pas notre milieu et n’en sommes pas les
participants à un degré plus ou moins grand, nous ne pourrons en sortir. Et alors il ne
nous restera qu’à tenter une fuite imaginaire, ce que par ailleurs nous avons coutume
de faire chaque jour. Au contraire, la première tâche de l’aspirant à la Connaissance est
d’affronter le monde qui lui est échu. C’est-à-dire le voir et l’entendre, bien que nous
soyons dans la phase finale du Kali-Yuga.
C’est bien évidemment un travail très ardu, puisque notre propre programmation –
avec laquelle il ne nous viendrait jamais à l’idée de cesser de nous identifier–, n’est rien
d’autre qu’un sentiment adopté et caressé par le milieu même que nous essayons
d’observer. En effet, en nous disant que nos conceptions sont extraites de
l’environnement, l’on ne nous dit pas que le fait ne concerne que l’intellect, sinon la
totalité de l’être humain ; les croyances les plus chères, les convictions les plus
enracinées, les sentiments les plus purs, soit l’identité de l’homme ordinaire, qui est une
alternative de ce que lui offre le système socio-culturel en vigueur dans un temps
cyclique et cosmique déterminé. Ses différents rôles seront joués en fonction de cela.
Il va de soi, donc, que ce que nous entendons par Culture ne sont pas les "arts" et les
"lettres" régnant dans une période donnée, ni ce que nous concevons par Tradition est
représenté par les us et coutumes d’un temps historique. Ce n’est pas même le
catalogage des détails de ces différents peuples. Une Culture est la conception
intériorisée d’une façon d’être cohérente, qu’expérimentent tous ceux qui s’y intègrent.
C’est un organisme vivant qui, pour se manifester, a pris une structure déterminée le
rendant apte à l’interaction de ses différents composants, dont les canaux
communiquent dans le but de satisfaire toutes leurs nécessités.
Et l’attention est fortement attirée par le fait que tous les instruments culturels où
s’exprime sa fonction civilisatrice, c’est-à-dire l’Œuvre de ses dieux, demi-dieux, sages
ou héros, sont attribués unanimement à des révélations supra-cosmiques, donc
surhumaines.
Il n’est pas non plus correct de supposer qu’existent plusieurs cosmos. Le cosmos est
un seul, comme se charge de fort bien de l’expliquer Platon dans Timeo. La succession
de mondes ou de cycles de taille ou de durée indéfinies est le sens conceptuel donné au
mot Cosmos. Le cycle de l’électron vivant, le cycle atomique inséré dans le cycle
moléculaire, le moléculaire naviguant dans le cellulaire, le cellulaire présent dans le
cycle humain, l’humain se déplaçant dans le cycle de la nature, le cycle de la nature
coexistant avec celui de la Terre, celui de la Terre dépendant totalement du cycle
solaire, le cycle solaire circonscrit à l’ordre de son centre galactique, le centre de la
galaxie déterminé par un autre centre galactique, et ainsi successivement, indéfiniment,
est constitué le concept de Cosmos. Rien n’est possible au-dehors, puisqu’il ne peut rien
exister d’extérieur au Cosmos. Est exclue toute possibilité, de n’importe quel type,
puisque le Cosmos est un et l’idée d’une pluralité de Cosmos ou de différentes
métaphysiques, est une pure contradiction envers ce que signifient les concepts de
Cosmos et de Science Sacrée.
Le Cosmos n’est pas la somme de ses parties, tout comme la Tradition n’est pas
l’ensemble de coutumes, morales et orthodoxies d’un temps donné, puisque leur
Origine est au-delà de toute époque ou détermination.
Ainsi donc, lorsque l’on nous dit que quelque chose est supra-cosmique, ou constitue
la Tradition, nous devons comprendre que l’on traite d’un concept qui se trouve au-delà
de la compréhension ordinaire de l’homme. De quelque chose d’invisible que ne
peuvent appréhender les sens de l’homme moyen. De quelque chose qui est cependant
si authentique et si réel que l’on peut dire qu’il s’agit de la vie même.
Il est facile de comprendre que cette dernière n’est pas la somme de ses habitants,
des briques formant maisons, non plus que de quelque accident géographique ou
particulier, bien que tout ceci en soit partie intégrante.
Mais que la Culture transmise par la Tradition –il n’y a pas de Tradition sans Culture ni
de Culture sans Tradition– est fondamentalement un concept, une idée, un espace
autre, pour le définir ainsi.
L’image se fait plus claire si l’on prend une part constitutive du modèle de la cité ou
bien une tradition particulière. Le temple ou la maison-foyer est une réplique à l’échelle
du modèle social et de la révélation qui l’a engendré. Autant la ville, que le temple ou la
maison-foyer, sont des espaces construits, significatifs par rapport à l’aridité de l’espace
amorphe et désertique qui les entoure.
Ces espaces significatifs, ces héritages traditionnels, furent créés à partir de matières
préexistantes, indivises, invisibles et chaotiques –au plus haut degré de cette dernière
acception–, comme il est dit dans toutes les genèses ; l’œuvre de la création est réalisée
par le Démiurge et ses aides.
Aussi bien dans la cité que dans le cosmos, le créateur (ou les créateurs) sont toujours
présents mais n’en forment pas partie. Toute construction est le produit d’une idée
primitive, d’une conception intelligente se développant à partir d’un centre, d’une
synthèse conceptuelle, par intuition directe.
Et, de la même façon que nous ne sommes pas notre cœur ou nos poumons, ni notre
foie ou nos pieds et mains sinon que les relations du tout constituent un organisme
vivant, les diverses relations révélées conforment la Tradition, le Cosmos, et leurs
cycles. Cependant, cette limitation imposée par le cosmos même, duquel nous
dépendons en tout pour vivre, duquel nous sommes les enfants, donc faits à son image
et ressemblance, peut être transcendée par son propre milieu et celui de la Tradition
qu’il a faite sienne.
En effet, les "vibrations" du créateur sont toujours présentes dans son œuvre bien
que de façon immanente.13 Autrement dit, occultées sous la forme de l’idée ou de
l’intelligence créatrice. Cette idée ou intelligence est d’un autre ordre que la
construction matérielle à laquelle elle donne lieu. Elle est "antérieure", en temps
successif, à la construction manifestée mais coexiste parfaitement avec. De cette autre
dimension du temps linéaire, l’on peut dire qu’elle est au-delà de celui-ci ; qu’elle le
transcende et lui donne son sens véritable.
Cela se passe ainsi avec le monde, car l’idée que nous en avons est relativisée par les
parts qui le constituent ; mais de même que tout espace, par exemple une chambre,
n’est pas la somme de ses constituants14 sinon qu’il réalise une idée "antérieure" que la
chambre ou l’espace symbolisent et qui y est implicite, ainsi la Tradition ne peut être
assujettie à des normes...
Ce qu’il s’agit de dire en définitive, c’est qu’autant le cosmos que la culture sont
limités. Et que c’est cette limitation qui marque notre conditionnement. Ce sont par
ailleurs ces mêmes structures qui nous permettent d’en sortir et c’est là exactement ce
pour quoi elles ont été conçues ; tel est le cas de la Tradition, car tout comme le
mouvement cosmique nous donne une idée de l’immobilité, ainsi la limite est ce qui
nous donne l’idée de l’illimité.
La Culture devient alors une absence n’ayant rien à voir avec l’information ou
l’histoire, quelque chose qui n’est pas la statistique de l’acte culturel mais plutôt sa
négation.15 Il se passe quelque chose d’analogue avec l’émanation cosmique. L’intérêt
n’est pas telle ou telle autre part du cosmos ou son énergie, mais vérifier que cette
réalité est inexistante comme telle, au-delà de ses propres limites.
Le symbole en est la pierre qui couronne l’œuvre constructive et qui est aussi l’origine
et l’issue du cosmos, ce qui établit un contact avec "d’autres mondes", c’est-à-dire
d’autres relations spatio-temporelles qui ne se perçoivent, à l’instar de toute chose, que
dans l’intériorité de la conscience.
Tout ceci est strictement en rapport avec ce qu’est la Tradition, Unanime et Pérenne,
toujours présente et verticale, aussi valable aujourd’hui qu’elle l’a toujours été et le sera
pour tout autre manvântara, ou toute autre humanité, puisqu’elle est Éternelle et
simultanée, symbolisée par le Pôle comme porte d’entrée et de sortie vers le
supracosmique, origine et fin de toute manifestation, à l’encontre de la vision
perpétuellement historique et sociale de ceux que leurs limitations traditionalistes ne
laissent qu’imaginer des sociétés et des églises idéales, aussi confuses dans leur vague
imagination que les projections de leurs aspirations frustrées.
NOTES
13
Ces vibrations harmoniques relient en permanence l’immanence et la
transcendance divines, tout comme le microcosme et le macrocosme sont une
même chose dans l’Éternel Présent, en raison de quoi l’être humain peut accéder
à l’Être universel en tout segment du temps chronologique, ce qui revient à
incarner la Tradition Primordiale.
14
La résistance des murs aux impacts, la capacité en mètres carrés ou mètres cubes,
le poids des matériaux de construction, le sujet de l’acoustique, etc., ou toute
autre “mesure”, qui pourraient remplir des rapports entiers, d’innombrables
codes qui ne nous diraient rien de cette chambre en soi et avec lesquels nous ne
pourrions pas la connaître.
15
L’histoire a son importance, mais pas autant lorsqu’il s’agit de ce qui est
intemporel, ce qu’a parfaitement compris Mircea Eliade. Une autre des erreurs
historicistes occidentales est l’assimilation pure et simple de la Tradition, polaire
et toujours actuelle, aux religions du Livre au détriment de toutes ses autres
expressions historico-sociales, et surtout en regard de sa manifestation au-delà de
tout cadre espace-temps.
CHAPITRE IV
« ... l’ésotérisme véritable est tout autre chose que la religion extérieure, et, s’il a
quelques rapports avec celle-ci, ce ne peut être qu’en tant qu’il trouve dans les formes
religieuses un mode d’expression symbolique ; peu importe, d’ailleurs, que ces formes
soient celles de telle ou telle religion, puisque ce dont il s’agit est l’unité doctrinale
essentielle qui se dissimule derrière leur apparente diversité. C’est pourquoi les anciens
initiés participaient indistinctement à tous les cultes extérieurs, suivant les coutumes
établies dans les divers pays où ils se trouvaient ; ... »
Pour nous, cette adéquation aux formes nie précisément que n’importe laquelle
d’entre elles soit infaillible ou unique, comme l’affirment les catholiques ou les
fondamentalistes de toute religion ou mouvement –y compris les francs-tireurs qui
tentent d’utiliser l’œuvre de Guénon pour leurs discours égotistes personnels– en
raison de la possibilité de leur donner diverses interprétations ; de même pour
l’infaillibilité de quiconque traite ou exprime les thèmes de la Connaissance, par
exemple Guénon. En effet, la Doctrine (verticale) est une, mais les modalités qu’elle
adopte (horizontales) et la façon de se manifester en accord avec des circonstances de
temps et de lieu, invalident cette extrême prétention de précision dogmatique, par
ailleurs propre à l’Occident et d’origines aristotéliciennes, rationnelles, logiques et soi-
disant systématiques, complètement étrangères aux textes sacrés de tous les peuples et
même absentes dans Platon et le néoplatonisme.16 C’est dans ce sens que nous faisons
nôtres les mots de René Alleau, prononcés au cours du colloque de Cerissy-La-Salle en
1973, intitulé «René Guénon et l’actualité de la pensée traditionnelle», dont il fut
l’organisateur avec Marine Scriabine, l’un des plus importants colloques donnés en
hommage au métaphysicien français, guide spirituel d’un fort courant de pensée : « La
notion d’orthodoxie guénonienne me semble être des plus étrangères à l’œuvre et la
pensée de René Guénon, tout comme à la pensée de tout véritable philosophe
traditionnel. »
En tout cas, le fait que la pensée de Guénon soit vivante pour tous ceux qui peuvent y
accéder, prouve l’impossibilité de lui assigner une étiquette et de la rendre assimilable à
un niveau qui y soit intéressé. Mais, pour revenir sur le sujet de l’ésotérisme et de
l’exotérisme ou, si l’on préfère, de la métaphysique et de la religion, cela ne veut pas
dire que l’horizontal ne soit pas un reflet du vertical, et qu’il n’existe donc pas dans
l’horizontalité les moyens d’appréhender le vertical, question que connaissent toutes
les gnoses. C’est là la raison de ce que les rites exotériques soient un moyen puissant de
vivifier l’ésotérisme, encore que nous le connaissions, par la nécessité même de
l’actualiser en permanence. Il s’agit, dans ce cas, de rituels religieux (horizontaux), mais
il faut tenir compte que ces rites forment part d’un autre, plus large, qui est le rite de
notre engagement envers la Connaissance (verticale) qui marque tous les actes et
instants sacrés de notre vie, à l’instar des sociétés traditionnelles. C’est ainsi que le rite
exotérique est sûrement à conseiller et sera efficace s’il est compris dans la Gnose. Nous
rappellerons à cet effet une citation de Guénon au sujet de Thomas d’Aquin qui disait :
« Une chose peut être nécessaire à telle fin, de deux façons. D’abord, comme ce sans
quoi il est absolument impossible d’atteindre ce but ; ainsi la nourriture est nécessaire
pour conserver la vie. D’une autre manière, comme ce par quoi on atteint mieux et plus
convenablement cette fin : ainsi le cheval est nécessaire pour faire la route ».
Le schéma est le même dans ce cas : le véhicule n’est pas indispensable, mais il est
utile et nous aurions tort de ne pas le prendre si nous en avons la possibilité. Certains
possesseurs de rites ésotériques, par exemple les maçons, ont considéré cela comme
une indication de s’en tenir à un exotérisme religieux, en particulier le Catholicisme, ce
qui donna lieu à ce que l’on nomme la double appartenance. Nous, en réalité, nous
pensons que l’article de Guénon sur l’exotérisme religieux est adressé, précisément
dans cette circonstance, à Schuon, avec qui Guénon entretenait de graves dissensions
du fait de en pas s’en tenir à la Tradition islamique, c’est-à-dire qu’il prétendait diriger
une tarîqah soufie sans même être musulman.
« Pour revenir à la question même qui nous occupe présentement, nous rappellerons
que nous avons déjà indiqué ce qui distingue, de la façon la plus essentielle, une
doctrine métaphysique et un dogme religieux : c’est que, tandis que le point de vue
métaphysique est purement intellectuel, le point de vue religieux implique, comme
caractéristique fondamentale, la présence d’un élément sentimental qui influe sur la
doctrine elle-même, et qui ne lui permet pas de conserver l’attitude d’une spéculation
purement désintéressée ; c’est bien là, en effet, ce qui a lieu pour la théologie, quoique
d’une façon plus ou moins marquée suivant que l’on envisage l’une ou l’autre des
différentes branches en lesquelles elle peut être divisée. » Guénon a cependant parfois
signalé dans ses lettres l’opportunité de suivre le rite exotérique, s’adressant
spécialement à de nombreux islamiques et chrétiens et, à ces derniers en particulier, en
soulignant à chaque fois le caractère uniquement exotérique du catholicisme de nos
jours. Voir la correspondance avec Goffredo Pistoni, publiée dans SYMBOLOS (Nº 9-10,
p.309-325). Ainsi, dans une lettre à Rodolfo Martinez Espinosa, issu d’une famille
argentine catholique pratiquante :
« Quant aux questions que vous soulevez dans votre lettre, permettez-moi de vous
dire très franchement que ces difficultés me paraissent venir surtout de ce que vous ne
faites pas une distinction assez nette entre le point de vue religieux, d’une part, et le
point de vue métaphysique et initiatique, d’autre part ; ... Tout ce qui est religieux, y
compris le mysticisme, concerne les possibilités individuelles dans l’extension indéfinie
dont elles sont susceptibles, et ne les dépasse pas ; c’est d’ailleurs sa raison d’être,
comme celle de la réalisation métaphysique est au contraire d’aller au-delà ; ... »
« Je dois aussi appeler votre attention sur le fait que le point de vue religieux est
nécessairement lié à certaines contingences historiques, tandis que le point de vue
métaphysique se réfère exclusivement à l’ordre principiel. »
Nous pensons que cette apparente contradiction qu’introduit dans son œuvre le
guide intellectuel de tant de monde, où il n’est pas aussi précis et itératif que de
coutume, pourrait être une épreuve, un obstacle à franchir –comme Guénon le fait
souvent dans d’autres parties de son œuvre– et représenterait une contradiction à
surmonter, livrée à ses lecteurs qui –comme tant d’autres– ne peuvent interpréter sa
pensée sur le mode livresque sinon la vivre, et résoudre leur problématique individuelle
dans laquelle ils devraient se voir reflétés comme dans un miroir.
Il est par ailleurs évident que, dans ses écrits, Guénon n’utilise pas le mot Dieu –sinon
occasionnellement– comme l’ont fait avec abus ses ‘successeurs’ et c’est clairement
intentionnel : à quel dieu ceux qui le nomment ce réfèrent-ils, comme désirant affirmer
un sentiment personnel, individualisé, et contraire au concept de l’Identité Suprême, du
Soi-Même, de la Non-Dualité ?
Il semblerait en effet, nous l’avons dit, que les maçons n’ont pas besoin d’un
exotérisme et, au contraire, l’Église de Rome nie la possibilité d’un ésotérisme.19
Nous sommes quelques-uns à croire que le grand rite exotérique de Guénon est la
réalisation de son œuvre, écrite et personnelle, reflet de sa pensée par sa concentration
intérieure, c’est-à-dire celui d’une vie entièrement consacrée à cela.
Malheureusement, cette vision si large est limitée jusqu’à la distorsion par ceux qui
assimilent exclusivement l’exotérisme aux cérémonies religieuses de quelque
confession et, inversant l’ordre des choses, s’approprient la phrase qui dit que « où il n’y
a pas d’exotérisme il n’y a pas de raison de parler d’ésotérisme », subordonnant ce
dernier au précédent.
Il faut également savoir, ce que l’on omet souvent, que la Franc-Maçonnerie possède
de multiples rites spécifiques qui, sans rapport avec les rites proprement religieux,
revêtent aussi un aspect ‘exotérique’, car ce qui se ‘joue’ dans l’Atelier peut aussi être
pris au sens littéral, donc exotérique, au lieu de sa pleine signification symbolique. Les
sacrements chrétiens, ainsi que le manifeste clairement l’Église catholique, sont des
rites religieux n’ayant rien à voir avec quelque Initiation que ce soit, ce qui rend
incompatible la fusion des deux niveaux car leurs origines et leurs objectifs sont
différents. Ceci étant pris du point de vue initiatique ; du point de vue strictement
religieux, l’Initiation n’existe pas.
CHAPITRE V
En effet, la première chose qu’elle rencontre d’ordinaire sur son chemin est ce qui se
fait appeler le ‘New Age’, le plus nombreux et le plus hétérogène regroupement de
différents mouvements parmi lesquels les sectes jouent un rôle primordial et peuvent
arriver à posséder plusieurs millions de membres affiliés. S’y unissent de nombreux
groupes d’origine orientale, bien qu’il soit important de préciser que beaucoup de
sectes ont également cette origine ; en général, ces groupes se rapprochent plus ou
moins de l’hindouisme et de sa tradition comme il arrive en Inde même, ou en
rejoignent des formes dégradées ainsi que l’on peut le constater chez une indéfinité de
gourous qui, se basant sur une certaine terminologie et des pratiques de méditation,
ont fondé leurs propres ashrams. Ils sont en cela semblables à diverses
personnalités ‘affranchies’ qui soutiennent des idées de type psychologique ou sexuel,
incluant des ‘canaux’ ou des pratiques soi-disant fondées sur le tantra yoga. La totalité
de ces dirigeants sont profanes, pour ne pas dire absolument ignorants de la Science
Sacrée et croient, à l’instar de la science profane, que le monde est en train d’évoluer,
de progresser, vers la culmination de ses prétentions spiritualistes. S’y ajoutent ‘psys’,
‘manciens’, guérisseurs et spirites aux diverses dénominations. Tous ont en commun
une chose fondamentale qui les rend immédiatement identifiables : la croyance -
consciente ou non en un spiritualisme matériel, c’est-à-dire en la nécessité de relier
leurs pratiques à leurs situations personnelles et à leurs besoins au niveau le plus bas et
le plus individuel.20 L’on peut placer dans ce schéma de nombreux mouvements pseudo-
religieux, ou religieux, avec la différence que ces derniers ne prétendent à nul
ésotérisme, sinon au salut de leurs fidèles dans un autre monde.
Nous ne souhaitons pas énumérer ici les diverses modalités de ‘l’ésotérisme’ actuel,
ce qui pourrait remplir plus d’un volume, mais souligner quelques caractéristiques de
ces mouvements, parmi lesquels il faut englober non seulement les sectes déjà
mentionnées, mais aussi les ‘chasseurs’ de sectes. En Occident, cohabitent avec eux de
véritables traditions comme le bouddhisme Mahayana, la Franc-Maçonnerie, la
tradition hermétique, le bouddhisme zen, quelques traditions archaïques, certains
auteurs fiables comme René Guénon, Ananda K. Coomaraswamy, Mircea Eliade, Walter
Otto et Alan Watts parmi bien d’autres, et l’ésotérisme des traditions abrahamiques¸ il
faudrait faire ici une importante distinction entre l’ésotérisme chrétien et le
‘christianisme ésotérique’ valable aussi pour l’ésotérisme juif et l’islamique qui prend la
religion comme base indispensable de la métaphysique, dénaturant ainsi l’authentique
Science Sacrée, la Connaissance traditionnelle, la ramenant à un niveau dévot et
dogmatique qui, nous l’avons vu, débouche nécessairement sur un fanatisme d’un
genre différent, ce qui les rend parfois encore plus dangereux que les précédents, car ils
cherchent le salut ou la conversion de l’humanité par n’importe quel moyen, alors que
la plupart du temps les premiers ne dépassent pas la sphère individuelle et n’exercent
aucun type d’apostolat, qu’il soit protestant, catholique ou islamique ; cela ne vaut pas
pour le judaïsme, refermé sur lui-même.
Nous voulons, d’autre part, remarquer que ceux qui s’approchent avec ingénuité et
objectivité des rares milieux ésotériques traditionnels existant en Europe et en
Amérique pourront observer l’animosité existant entre eux, le copinage et les questions
personnelles qui les distinguent, quand il ne s’agit pas de différences de niveau quant à
leurs expériences de la réalité, ne possédant parfois que des idées venant de simples
références livresques et historiques ; sans parler de la conviction qu’ont les religions que
leur Dieu privé représente l’unique vérité, de laquelle elles excluent toute croyance,
tous usages et coutumes différents, y compris l’existence de divers dieux, ou noms de
pouvoir, anges et archanges, qui curieusement existent dans leur doctrine, comme nous
l’avons déjà signalé, bien qu’elles semblent l’ignorer ou ne les considèrent que comme
des allégories.
Il est logique que celui qui s’engage dans un chemin inconnu puisse s’y égarer ; c’est
ainsi que les uns se perdent en prenant certains concepts au sens littéral, ou croient
indispensable de suivre certains régimes, parmi lesquels le végétarisme21 occupe une
place prépondérante, en les associant aussi à des conceptions déterminées au sujet de
la santé et de l’entretien corporel, subordonnant l’âme pour ne pas dire l’Esprit a la
forme la plus grossière de la manifestation.
Nous ferons remarquer que même le passage par une ou plusieurs organisations New
Age et l’exécution de pratiques déterminées peut avoir de la valeur, en tant que moyen
négatif pour les abandonner, pour apprendre avec le temps qu’elles ne correspondaient
pas aux besoins spirituels. Ceci peut être relié aux dangers qui accompagne tout
cheminement et peut être en rapport avec le précepte évangélique qui dit qu’il faut se
perdre pour se trouver.22
Mais celui qui accepte a priori certaines orthodoxies, de quelque type que ce soit,
sans s’y attacher, ne se donne pas même la possibilité de se perdre sur le sentier de ce
que l’on suppose être la Connaissance. Cela se voit dès le début par la manière
d’affronter le fait de Connaître : comme une quête et une aventure de l’âme, assoiffée
d’elle-même, ou comme la soumission à une structure se trouvant généralement
dénaturée par la croyance, donc une sorte de somme d’axiomes, absorbés quasiment
selon des critères administratifs, acceptés de façon passive et linéaire, sans clairs-
obscurs,23 et sans la Passion, que l’antiquité nomma Fureur ; quant aux pèlerinages,
pour n’en donner qu’un exemple, la confusion avec des marches sportives, du tourisme
ou d’autres exercices plus ou moins profanes est parfois évidente. L’on ne peut sortir
d’un labyrinthe qui n’existe seulement pas, et cela est typique de milieux sclérosés qui
confondent le psychopompe avec la pompe.
Dans ce sens, nous nous sommes plus d’une fois questionnés sur l’intérêt que
peuvent trouver certaines personnes dans un soi-disant ésotérisme, si ce n’est à titre de
hobby, ou parce qu’elles n’ont rien d’autre à faire, ou pire encore, pour se faire
remarquer.
Il faudrait également faire référence ici au fanatisme pris comme une croyance en soi,
propre, entre autres, à ceux qui se donnent le nom de traditionalistes et qui, par le biais
d’un autoritarisme essentiel, prétendent juger les autres, suivant une hypothétique loi
divine et humaine qui non seulement est de leur côté, mais exigeant aussi qu’on
l’observe, toujours, évidemment, selon leurs critères et les circonstances aléatoires
qu’ils peuvent inventer à leur gré dans le même esprit belliqueux. Car il s’agit pour eux
d’avoir un ennemi et de se battre pour pouvoir se sentir eux-mêmes unifiés, pour
penser qu’ils ‘sont’ ou pour ‘être’ quelque chose, encore que ce soit l’ombre d’une
ombre.
De cela naît généralement la fausse idée d’une élite à laquelle aspirer. Celui qui
réellement appartient à une élite ne s’en rend pratiquement pas compte et n’a aucune
prétention à ce sujet, de la même façon qu’un être noble n’aspire pas à l’être sinon qu’il
l’est par nature.24 Vouloir faire partie d’une élite, comme nous l’entendons, ressemble
assez à vouloir entrer dans la ‘haute société’ ou voir son nom dans les journaux
mondains, soit des ambitions simplement profanes ; ou, ce qui revient au même,
souhaiter devenir l’illustre membre d’un milieu où l’on est non seulement ‘brillant’ ou
‘respectable’, mais où l’on acquiert aussi la ‘notoriété’, bien sûr égotiste, oubliant que
‘mon règne n’est pas de ce monde’ ; couronnant le tout d’une morale bigote et
scrupuleuse qu’envierait n’importe quel puritain, et qui s’avère beaucoup plus hypocrite
lorsqu’on observe leurs agissements délinquants qu’ils s’imaginent sans doute être une
guerre sainte. Il est clair, pour nous, que si quelqu’un se sent appelé vers l’Identité
Suprême et ne s’identifie avec aucun autre conditionnement, il doit avoir effectivement
une solide base morale (le courage, la générosité, le détachement, etc., soit la virtus
romaine) pour affronter une telle aventure, et ne pas aspirer à être un bon citoyen ou
au perfectionnement éthique, car ce serait l’indice qu’il ne le possède pas.25 Il n’y a pas
de meilleure garantie pour lutter contre les passions que se consacrer à la Beauté et à la
Vérité, donc à la Connaissance. Il nous faut cependant signaler que, dans les états
inférieurs de cette voie, l’on acquiert un certain pouvoir et bien nombreux sont ceux qui
demeurent pris dans ce monde obscur, dû le plus souvent au ressentiment de ne pas
avancer vers la source lumineuse qui nous donne l’être, c’est-à-dire l’assimilation avec
l’Être Universel qui ne nous est accordée que par la Grâce et non par les actions.
« Nombreux sont les appelés, et rares sont les élus ». (Saint Matthieu, 22, 14).26
Revenant sur le sujet des sectes, l’on peut observer que le christianisme en
particulier, au vu de la popularité de certaines d’entre elles, spécialement chez les
jeunes, prit la décision d’une part de poursuivre et de jeter l’anathème sur ces
alternatives, et d’autre part de prendre nombre de caractéristiques du New Age, de se
moderniser, dans le but d’attirer un public qui s’en éloigne irrémissiblement.
Dans le cas de l’Islam, où même la doctrine d’Ibn Arabi est, dans certains noyaux, non
seulement sanctionnée mais aussi prohibée, la forme que prennent cette subversion et
ce rejet de tout ce que l’on n’imagine pas approprié, et le besoin d’imposer sa férule au
reste, arrivent à l’extrême de nous faire croire que la shariyah est le taçawwuf, et des
organisations religieuses dénaturent le sens de la Paix, la Soumission et l’Amour, c’est-à-
dire la voie de Soufi et l’Islamisme authentique, en l’identifiant avec des intérêts
particuliers, liés à l’historique et au relatif. L’on pense généralement, en Occident, qu’il
existe un monobloc appelé Islam, alors que celui-ci se trouve au contraire divisé depuis
son commencement entre chiites et sunnites et aussi les khâwarij, également
orthodoxesdivision qui existe encore et qui a donné lieu à de multiples
fragmentations,28 qui tirent elles aussi l’épée les unes contre les autres, chacune
imaginant détenir la vérité, avec une telle haine que les rixes chrétiennes en pâlissent ;
cependant, cette haine commune engendre en Occident l’unification de quelques
secteurs de ces religions, dans un fanatisme partagé, intellectuel et moral, qu’ils tentent
de vendre sous le nom de traditionalisme.
Il est effectivement vrai que l’on ne peut être soufi sans être musulman, et il est clair
que l’étude du Coran sacré et des hadith, et l’approfondissement de la langue arabe ce
dernier aspect étant également quasi indispensable dans d’autres traditions comme le
taoïsme, le bouddhisme mahayana, etc. en sont les caractéristiques propres, mais ces
possibilités ne sont cependant pas même offertes à ceux que trompent des groupes -
avec aujourd’hui malheureusement de nombreux membres en Europe et en Amérique
qui, se présentant en tant que tarîqah (véritable ésotérisme) ne se consacrent en fait
qu’à la loi, ou shariyah, et insistent que son respect, à la façon qu’ils l’entendent ils ont
même des prétentions politiques, le plus souvent arbitrairement, est le taçawwuf
(initiation), et que le respect de ses normes et exigences sont des conditions
indispensables pour obtenir les bénédictions d’une connaissance qui ne va pas au-delà
de la religion.
Bien entendu, il n’en est pas toujours ainsi, mais dans la plupart des cas ces
mouvements qui, comme dans le cas du christianisme et du New Age, tentent de
trouver leur profit au sein de la confusion et des nécessités spirituelles qui caractérisent
la Fin de Cycle, sont une imposture. Nous devons ajouter que certaines personnes
croient qu’être descendant direct du Prophète est une garantie sur le plan de la
Connaissance, raison pour laquelle il faut souligner qu’il y a, et il y a eu, toutes sortes de
cas dans sa descendance, et l’on connaît à notre époque des alternatives de dirigeants
politiques sans aucun doute musulmans qui n’ont eu aucun lien avec la métaphysique,
comme le roi Hussein de Jordanie et le roi Hassan du Maroc, récemment disparus, ou
bien des play-boys notoires comme le furent, il y a quelques années, l’Aga Khan et son
fils Ali Khan, sans compter des fanatiques religieux, voire des assassins connus, ou
certaines personnalités que l’on aurait du mal à reconnaître comme étant islamiques,
dont elles ne portent que le nom et n’ont rien de traditionnelles. Il y a aussi ceux qui se
disputent et s’invalident mutuellement leurs lignées généalogiques qui, après tant de
siècles et tant d’épouses, ne seront pas toujours suffisamment limpides.
Il ne nous reste qu’à signaler quelques autres dangers que peut rencontrer celui qui
s’intéresse à la voie de la réalisation intellectuelle et spirituelle.
Nous venons en effet d’employer les mots intellectuel et spirituel comme des
équivalents, selon l’interprétation qu’en donne Guénon, puisque la sagesse en soi est
une forme de sainteté, et l’inverse n’est pas forcément vrai, lorsque l’on suppose que le
‘miraculeux’ ou le ‘légal’ sur le plan naturel est le surnaturel. Pour des raisons de
terminologie, la Sagesse et la Connaissance pourraient néanmoins se confondre avec
une fausse intellectualité et souvent, encore pire, avec l’érudition et des listes de
citations, noms, dates, références, à savoir avec d’immenses vétilles.
Dans ce sens, il nous faut apporter notre critique aux universités et à leurs travaux
profanes, qui sont gouvernées par des gens du commun, qui posent au savant et
considèrent l’université plus importante que la Connaissance en prenant leur petite
érudition pour de la sagesse, c’est-à-dire ce que l’on entend par références livresques30
comme le plus important, et jugent les autodidactes ainsi notre guide intellectuel René
Guénon comme une chose mineure. Que les aspirants ne se fassent pas d’illusions : sur
le sentier de la Connaissance, nous sommes tous des autodidactes à la recherche du
Maître Intérieur et il n’y a pas d’Université qui nous conduise à l’Identité Suprême.
L’attitude que nous venons de décrire est due, à de nombreuses occasions, à une
sorte de conservatisme auquel nous nous accrochons et qui nous empêche de nous
détacher de ce qui est notre trésor. De fait, la phrase évangélique qui dit que ‘il est plus
facile qu’un chameau passe par le chas d’une aiguille qu’un riche entre au Royaume des
Cieux’ (Saint Matthieu 19, 24), ne fait pas seulement référence à ceux qui accumulent
de l’argent, mais à tous ceux qui sont ou se considèrent riches de quelque chose, que ce
soit l’intelligence, la vertu, la science, l’art, la beauté ou quoi que ce soit d’autre. L’on a
souvent pris pour exemple que si la coupe de l’ego est pleine, il est impossible qu’elle
puisse recevoir les effluves célestes, les émanations divines.31 L’acquisition de la
Connaissance, la Bonne Nouvelle, est incompatible avec un esprit économe qui garde
quelques bouts de chandelles ‘au cas où’. Sur le sentier de l’Initiation cela est
impossible, car l’on ne peut servir deux maîtres à la fois.32 En définitive, ce en quoi l’on
est le plus riche, c’est en préjugés et illusions, auxquels l’on assigne une valeur
seulement par les mécanismes de notre esprit dual qui conditionne quand il ne
programme pas nos règles de comportement.
Quant à nous, nous avons été sauvagement attaqués pour des affaires personnelles,
bien que la plus grande part soit due à ce que nous avons soutenu dans ce chapitre et
dans d’autres analogues, à savoir : par notre opposition à ceux qui confondent tout et
tentent de faire passer la religion pour de la métaphysique, à leur tête des adeptes de
Schuon et de Rey qui n’ont pas hésité à employer le complot, la trahison le mensonge,
les injures, la diffamation, les insultes et autres grossièretés, dans le but de nous
discréditer, sans comprendre qu’ils ne sont parvenus par ce moyen qu’à se discréditer
eux-mêmes.33 Comment ces gens peuvent-ils prétendre avoir quelque chose à voir avec
le sacré malgré leur volonté de suivre la Voie du Sacristain, ou un monisme radical (qui
pour cela rend la dualité implicite) à l’idéologie totalitaire, c’est une chose que nous ne
comprendrons jamais. Mais si nous sommes convaincus que c’est dans le cadre de
l’œuvre de Guénon, le plus grand métaphysicien d’Occident, qui a soutenu en de
nombreuses occasions ce que nous disons34 ou plutôt, nous disons la même chose que
lui car, selon ses propres mots, il ne fait que manifester la Tradition Unanime, que se
produit ce qu’il a appelé la contretradition, commencée par ceux qui ont profité de sa
personnalité pour ensuite la trahir ou la dénaturer, et là se produit à notre échelle le
plus triste signe des temps.35
NOTES
20
« Laissez-les ; ce sont des guides aveugles ; si un aveugle guide un autre aveugle,
ils tomberont tous deux dans la fosse. » (Saint Matthieu 15, 14).
21
« Ce n’est pas ce qui lui entre dans la bouche qui fait l’homme impur ; mais ce qui
lui sort de la bouche, cela est ce qui rend l’homme impur. » (Saint Matthieu 15,
11).
22
« Car celui qui veut sauver sa vie la perdra. » (Saint Matthieu 8, 35).
23
Si l’on est pas et pour être il faut être libre l’on ne peut s’identifier avec l’Être
Universel. La communication ne s’établit pas, car l’Être Universel est la Liberté, car
il n’a aucune sorte de conditionnement, à commencer par le spatio-temporel. « La
vérité vous rendra libres ». (Saint Jean 8, 32).
24
La même chose se passe avec l’humilité acquise par rapport à un Univers, ou une
déité, bien plus grande. L’humilité se donne sans raison ; c’est une vaine tentative
que de désirer être humble, lorsque ce n’est pas une démarche égotiste qui veut
secrètement nous rendre meilleurs que les autres.
25
« Qui de vous, à force de soucis, pourrait ajouter une seule coudée à la longueur
de sa vie ?» (Saint Matthieu 6, 27).
26
« Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous fermez au nez
des hommes le royaume des cieux ! Vous-mêmes en effet n’entrez pas, et vous ne
laissez pas (entrer) ceux qui sont pour entrer. » (Saint Matthieu 23, 13).
27
Le traître crée le héros. Son existence est pour lui indispensable, tandis que pour
le héros sa présence est une ombre de lui-même. C’est pour cela que ces deux
composants mythiques ne peuvent jamais être mis sur le même niveau. D’autre
part, la trahison est comprise dans la cérémonie.
28
En Argentine, il y a au moins sept ou huit groupuscules qui, invoquant le prophète
Ali, se sont constitués en ‘tariqas’ libres. Cela est facilité par la constitution même
de l’Islam, religion du désert, où chaque fidèle est indépendant du reste de la
Uma, et où d’innombrables soufis sont morts des mains du califat ; précisions que
de nos jours il existe dans cette tradition, en Orient, encore beaucoup d’entre eux
complètement éloignés de toute soi-disant institutionnalisation à la mode
occidentale, plus en rapport avec les firâq, ou sectes, profitant du fait que les
aleyas, ou versets des sûras du Coran sont sujets à l’interprétation, raison pour
laquelle certains sages islamiques ont même nié la possibilité de traduire ce livre
sacré.
29
« On doit donc, comme nous le disions déjà précédemment, parler de quelque
chose qui est caché plutôt que véritablement perdu, puisqu'il n'est pas perdu pour
tous et que certains le possèdent encore intégralement; et, s'il en est ainsi,
d'autres ont toujours la possibilité de le retrouver, pourvu qu'ils le cherchent
comme il convient, c'est-à-dire que leur intention soit dirigée de telle sorte que,
par les vibrations harmoniques qu'elle éveille selon la loi des ‘actions et réactions
concordantes’, elle puisse les mettre en communication spirituelle effective avec
le centre suprême. » (René Guénon: Le Roi du Monde, ch. « Le centre suprême
caché pendant le ‘Kali-Yuga’ »). (Voir article de Monsieur A. Bachelet :
« Autour de la Parole Perdue des maîtres maçons », SYMBOLOS Nº 19-20, p. 214,
note 9).
30
« Conducteurs aveugles, qui filtrez le moustique, et avalez le chameau ! » (Saint
Matthieu 23, 24).
31
« On ne met pas non plus du vin nouveau dans des outres vieilles : autrement, les
outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues; mais on met le vin
nouveau dans des outres neuves, et les deux se conservent.» (Saint Matthieu 9,
17).
32
« Nul ne peut servir deux maîtres : car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il
s’attachera à l’un et méprisera l’autre. » (Saint Matthieu 6, 24).
33
« Heureux serez-vous, lorsque les hommes vous haïront, lorsqu’ils vous
excommunieront et insulteront, et proscriront votre nom comme mauvais à cause
du Fils de l’homme. » (Saint Luc 6, 22).
34
Voir addenda.
35
Il serait intéressant de se demander s’il n’est pas en train de se passer la même
chose avec la religion. En effet, en ce qui concerne les chrétiens de ces
mouvements à la mode néo-fasciste ou fondamentaliste nous préférons nous
abstenir de parler actuellement des islamiques, nous savons, au travers de leurs
propres écrits, qu’ils refusent l’autorité religieuse, qu’ils considèrent que ses rites
ont été dénaturés, qu’ils ne connaissent pas non plus l’orthodoxie catholique,
ayant lu peut-être, avec de la chance, deux ou trois pages de la Somme
théologique, ou Contre les Gentils, de Saint Thomas d’Aquin, et ne se soumettent
pas aux commandements. Quelles intentions ont-ils à s’abriter derrière le bouclier
de la religion ? Quel est ‘l’esprit’ qui les anime ? Ne serait-ce pas judicieux de
mentionner ici le cagastrum alchimique et ‘paracelsien’ en tant que manifestation
de la corruption et de la putréfaction ?
CHAPITRE VI
Pour ceux dont Guénon a été le guide intellectuel qui les a introduits dans le monde
de la Connaissance, son œuvre et la personnalité qui la produisit sont réellement
providentielles. La rencontre avec Guénon leur a permis d’échapper à la voie obscure -
comme Dante le raconte au début de La Divine Comédie et de s’attacher une lumière
durable dans la course de leur destin, et la conséquente reconnaissance est de rigueur
parmi ceux qui ont vécu l’expérience de sa pensée. Cependant, en dépit de cela et
malgré les diverses monographies, numéros spéciaux et études qui y ont été consacrés,
Guénon est encore très peu connu et ne figure pas dans la littérature officielle d’un pays
comme la France, où il est né et dans la langue duquel il écrivit la presque totalité de ses
textes. Le fait peut toutefois s’expliquer par la "solidification" de notre temps et le
manque d’intérêt pour les sujets traités par notre auteur, pratiquement laissés pour
compte comme il le souligne si souvent par le monde moderne dont l’engourdissement
en cette phase finale arrive presque aujourd’hui au total obscurcissement de la
compréhension et à l’extermination du symbole en tant que messager du plan
intermédiaire. Quelque chose de beaucoup plus grave s’y ajoute : la déformation
infligée à sa pensée par des individualités qui, guidées par des intérêts personnels et
influencées par on ne sait quelles forces obscures, ont dénaturé et adultéré son œuvre,
l’utilisant même à leur profit comme l’ont fait certains personnages prétendant être ses
successeurs, rognant sur les aspects les plus importants et celant les éléments
principaux au détriment de sa summa. Je pense que l’acceptation de ces circonstances
nous place dans la réalité du message de Guénon, projeté sur la société actuelle et, plus
précisément, sur l’ésotérisme ayant cours depuis sa mort jusqu’à nos jours.
Comme trait distinctif de son œuvre, nous ferons ressortir tout d’abord cette
exactitude dans l’expression, cette clarté conceptuelle, explicite malgré la longueur de
la phrase, les phrases subordonnées, les notes, ce qui nous oblige à faire attention à ce
qui est dit, à relire, à essayer de comprendre car nous avons eu au préalable une suite
de petites ‘révélations’ nous obligeant à insister sur le texte et bien sûr sur les renvois
en bas de page. Il y a d’autre part les rapports constants qu’il offre au lecteur en
permanence et qui, d’une façon ou d’une autre, éveillent en ce dernier une sorte de
‘réminiscence’ d’une foule d’images oubliées, mais formant part de son bagage culturel
et personnel ; ce qui, sans aucun doute, provoque à son tour chez l’intéressé une
multitude d’analogies.
Observons que, dans de nombreux cas, cette exactitude peut provoquer un sérieux
rigorisme intellectuel dans les recherches de ses lecteurs ; quant à la ‘réminiscence’ et
l’analogie, le champ incroyablement riche qui s’ouvre à nous est certainement le plus
véritablement Universel que nous ayons connu.
Guénon crée également une terminologie parfaitement adaptée à sa façon de dire les
choses et la répète tout au long de son œuvre. Ce n’est pas là le résultat d’une simple
convention, sinon que l’utilisation précise des termes restitue leur valeur, remontant
même souvent aux racines étymologiques des mots. Son discours ne s’éloigne pas non
plus, au moyen d’obscures rhétoriques et déclamations, du langage philosophique et
culturel d’une éducation moyenne, et est suffisamment compréhensible pour son
époque et les années qui suivirent. Sauf l’acception prise par quelques termes ces
dernières années, comme le mot ‘personne’ dont l’emploi est lié aujourd’hui au simple
ego et à la ‘personnalité’ (que Guénon appellerait peut-être individualité), son œuvre un
enseignement permanent est extrêmement claire et lisible pour ceux qui se concentrent
dans leur lecture. Elle est également tout à fait appropriée à ceux qui ont effectué des
recherches dans la religion catholique, concrètement dans le thomisme, et contient
même certains traits de rationalisme encore que niant la raison qui sont bien utiles pour
que des gens de notre formation puissent les comprendre ; cela est également valable
en ce qui concerne ses divers aspects logiques, voire positivistes, si je puis dire.
Il est aussi remarquable qu’en lisant ses textes des années plus tard (en ce
cinquantième anniversaire de sa disparition), demeurent actuels non seulement les
idées, mais aussi les mots qui les forment, et il suffit d’une relecture pour percevoir
l’extraordinaire cadence du discours, qui répond à la structuration de son œuvre et qui
se prolonge d’étude en étude, de chapitre en chapitre, de livre en livre.
Mais ce qui fut fondamental pour beaucoup d’entre nous est constitué par l’idée de
ce que représente réellement le symbole et la valeur découlant de cette conception, ce
qui par ailleurs légitime son rôle de transmission et lui octroie sa fonction authentique.
De même, la relation entre les différents symboles constitue des codes complets de
connaissance et des ouvertures qui se révèlent à mesure que l’on progresse dans les
travaux et on les étudie et comprend en se confrontant aux manifestations distinctes de
l’Être universel, à travers des cultures diverses, ou des expériences que l’on peut
déduire par analogie et sont accessibles car elles forment l’environnement de tout être
humain contemporain.
Niant ainsi, ou contournant, les innombrables traditions à part celles ‘du Livre’ ; nous
faisons référence rien de moins qu’à l’hindouisme, au taoïsme, à la Tradition mahayana,
ou lamaïste, au shintô zen, à la Franc-Maçonnerie, prototype de société initiatique, à la
Tradition Hermétique, à laquelle le métaphysicien français accorde la Connaissance des
Petits Mystères, à des dizaines de cultures pratiquant le chamanisme en Asie, Afrique,
Océanie et Amérique, ou à des groupes traditionnels que l’on croyait morts et
renaissent aujourd’hui avec une vitalité renouvelée, et qui sont tout simplement niés,
laissés de côté, seulement pour accepter les limitations des dites manifestations
émanant du tronc abrahamique qui, nous le savons, sont selon Guénon les uniques à
correspondre au terme religion, particulièrement au sens moderne du mot.38
NOTES
36
« Or, par là même qu'il s'agit d'ésotérisme et d'initiation, il ne s'agit aucunement
de religion, mais bien de connaissance pure et de «science sacrée », qui, pour
avoir ce caractère sacré (lequel n'est certes point le monopole de la religion
comme certains paraissent le croire à tort), n'en est pas moins essentiellement
science, ... » (Aperçus sur l'Initiation, ch. XI: « Organisations initiatiques et sectes
religieuses »). Voir l’addenda au chapitre V ‘Quelques expressions de
l’ésotérisme actuel’ où se trouve une sélection de citations de Guénon au sujet de
la différence entre Religion et Métaphysique.
37
« ... et l'unité elle-même, à son tour, n'est pas un principe absolu et se suffisant à
soi-même, mais c'est du Zéro métaphysique qu'elle tire sa propre réalité."
« L'Être, n'étant que la première affirmation, la détermination la plus primordiale,
n'est pas le principe suprême de toutes choses ; il n'est, nous le répétons, que le
principe de la manifestation, et on voit par là combien le point de vue
métaphysique est restreint par ceux qui prétendent le réduire exclusivement à la
seule ‘ontologie’ ; faire ainsi abstraction du Non-Être, c'est même proprement
exclure tout ce qui est le plus vraiment et le plus purement métaphysique. » (R.
Guénon, Les États Multiples de l’Être, ch. V: « Rapports de l'unité et de la
multiplicité »). Certains des auteurs écrivant sur la Kabbale confondent Kether
avec En Soph, ou l’y assimile en raison de son monothéisme excluant toute
éventualité qui ne soit pas comprise dans l’Être Universel, comme c’est le cas de
Léo Schaya. Cette confusion existe quasiment depuis la naissance de la doctrine
des sephiroth. Ainsi, Yosef Ghikatilla faisait également cette assimilation au XIIIe
siècle. Selon G. Scholem, ce serait dû au fait que « Le Zohar fait clairement la
distinction entre deux mondes représentant Dieu. En premier lieu, un monde
primaire, qui est le plus profondément caché de tous, imperceptible et
inintelligible pour tous sauf pour Dieu : c’est le monde du En Soph. En second lieu,
un autre monde, relié au premier, qui permet la connaissance de Dieu et duquel la
Bible dit : « Ouvre les portes pour que je puisse entrer ». C’est le monde des
attributs. En réalité, les deux mondes n’en forment qu’un, tout comme pour
reprendre une métaphore du Zohar le charbon et la flamme : le charbon existe
aussi sans la flamme, mais son pouvoir latent ne se manifeste qu’à la lumière de
celle-ci. Les attributs mystiques de Dieu sont comme des mondes de lumière dans
lesquels se manifeste la nature obscure du En Soph. » (Las grandes tendencias de
la mística judía, - Major Trends in Jewish Mysticism - Ed. Siruela, Madrid 1996, p.
230).
Il faut également souligner que, pour les Occidentaux d’aujourd’hui, la seule façon
de connaître En Soph passe par Kether, l’Unité, le plus grand des Symboles qui se
polarise en faisant place à la triade, c’est-à-dire aux trois Principes suprêmes,
ayant le pouvoir de déchaîner n’importe quelle manifestation dans tous les plans
ou mondes, ce qui dépasse définitivement le religieux.
Nous ajouterons que, pour l’hindouisme, cela se traduit par la différence entre
Îshwara et Brahma (voir R. Guénon, L’Homme et son devenir selon le Vêdânta,
Éditions Traditionnelles, Paris 1997) ; dans le cas du taoïsme, voir, à la fin de
l’addenda à ce chapitre, les différences entre le Tao avec nom et le Tao sans nom.
Dans la Tradition Précolombienne, cette instance de la Déité était appelée le Dieu
inconnu. (voir F. González, Le Symbolisme Precolombien : Cosmovision des
Cultures Archaïques, Ed. Kier, Buenos Aires 2003).
CONCLUSION
Il faut en définitive considérer que cette Fin de Cycle et l’Histoire (le temps), sont
constamment modelées par le Démiurge qui produit l’Œuvre d’Art permanente, le
dessein créateur. La fin de l’Histoire est donc, sans aucun doute, la fin du temps et la
mort de ce Démiurge.
Si l’on considère cette apocalypse comme le voyage post mortem de l’âme, c’est-à-
dire comme la description du processus initiatique qui transmute et donne un sens à la
Création, à l’Histoire du Monde, mais aussi à celle de l’homme, celles-ci seraient une
révélation et prendraient une nouvelle dimension, à savoir un sens ultime, qui
permettrait l'origine d'un nouveau développement.
Le mystère de l'ensemble, qui est pour certains la culmination et le sens de leur vie, ne
doit pas ôter aux autres l’Espoir et la Foi authentique en un monde futur, virginal et
neuf, possédant la fraîcheur d’une nouvelle aurore, que nous devons atteindre au
moyen du sacrifice, voire de la souffrance qui caractérise toute recréation, après quoi la
douleur, la maladie, l’ignorance et la mort sont abolies une fois pour toutes, en même
temps que l’entrée au Paradis d’un Nouvel Âge d’Or, pour nous et pour nos semblables.
SECONDE PARTIE
Cette seconde partie présente des notes et des articles, parus dans SYMBOLOS et écrits
par moi-même, sur René Guénon, la Tradition Hermétique et la Maçonnerie –à savoir,
les voies de réalisation d'Occident– qui témoignent tout ensemble de l'orientation de la
revue et renseignent sur l'environnement ésotérique de la période 1990-2000. J'ai
préféré éditer ces notes telles quelles : les reproductions de sommaires entiers les
rendent peut-être un peu ennuyeuses mais attestent cependant chronologiquement des
thèmes, textes et idées y afférentes que publiait SYMBOLOS. (La note au sujet de la
revue Villard de Honnecourt a été réalisée conjointement avec Francisco Ariza).
CHAPITRE VII
ÉTUDES TRADITIONNELLES. Numéro spécial consacré à René Guénon, 1951. 11, Quai St-
Michel. 75005 Paris.
Nous voulons souligner que la revue Études Traditionnelles –qui s'est appelée Le Voile
d'Isis jusqu'en 1937– a été pendant plus de trente ans la tribune de Guénon et de ceux
qui rejoignaient sa pensée, bien qu'il ne l'ait jamais dirigée directement. C'est pour quoi
nous devons reconnaître à Études Traditionnelles sa valeur et son importance en tant
que moyen de diffusion de la pensée de Guénon durant cette longue période. Ce
numéro de 160 pages a été le premier hommage rendu à Guénon, car il fut publié six
mois après sa mort, ce qui nous permet de croire que certaines idées s'y sont définies,
créant ainsi de l'homme et de son œuvre une “image” qui a en quelque sorte
conditionné pendant un certain temps ce que l'on nomme le mouvement “guénonien”.
Nous nous référons notamment à toutes ces idées concernant le Catholicisme, le
Christianisme, la Franc-Maçonnerie, et plus particulièrement l'Islam. Pour certains des
intervenants (par exemple Schuon, Pallis, Reyor, Chacornac), il semblerait plutôt que cet
hommage posthume leur ait donné une inestimable opportunité de “parler pour eux”,
et de s'ériger en quelque sorte en références quasi obligatoires pour comprendre
l'œuvre du grand métaphysicien. Cela s'est avéré, un cas récent en est la preuve, être
une illusion pure et simple. Suivent nos commentaires sur certains articles.
La deuxième partie comprend les œuvres dans lesquelles il expose « les raisons du
désordre actuel et les conditions purement spirituelles d'un redressement. » Il s'agit de
Orient et Occident, La Crise du Monde moderne, Autorité spirituelle et pouvoir temporel,,
et enfin Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps. De toutes ces œuvres, Benoist
se centre spécialement sur la dernière, car elle ferme en quelque sorte les travaux
consacrés au « domaine des applications historiques. » En effet, Le Règne de la Quantité
est un livre extrêmement important et indispensable à la compréhension de la
symbolique de l'histoire (c'est-à-dire l'histoire sacrée) et des cycles cosmiques,
considérés comme l'expression des principes d'ordre universel, les premiers desquels,
en ce qui concerne l'origine même de la manifestation cosmique, sont Purusha et
Prakriti, que Guénon assimile à l'Essence et la Substance primordiales, les deux pôles,
spirituel et réflexif, entre lesquels se situe l'ensemble de tous les degrés d'Existence
universelle. Dans l'ordre humain et de notre monde, ces deux principes s'appliquent
respectivement à la qualité et à la quantité. À l'origine de l'actuel cycle humain (le
Manvântara), c'est-à-dire au “Paradis Terrestre”, l'essence et la qualité régnaient
partout, car tout était sous l'influence directe du pôle spirituel, et c'est le
développement cyclique et historique à partir de cette origine qui s'en est lentement
éloigné, ce qui est pris comme une progressive “solidification” ou une “chute” graduelle
en direction du pôle substantiel et quantitatif qui est placé à l'extrême opposé de toute
spiritualité, et c'est précisément là que nous nous trouvons actuellement. Benoist nous
dit cependant que, pour Guénon « la solidification du monde se présente, nous dit René
Guénon, sous un double sens : considérée en elle-même, dans un fragment de cycle,
elle a évidemment une signification 'défavorable' et même 'sinistre', opposée à la
spiritualité. Mails d'un autre côté elle n'en est pas moins nécessaire pour préparer les
résultats du cycle sous la forme de la 'Jérusalem céleste', [résultats qui représentent la
“cristallisation” positive et transmutée du meilleur du cycle] où ces résultats
deviendront les germes du cycle futur. Seulement pour que cette fixation devienne une
restauration de 'l'état primordial', il faut l'intervention d'un principe transcendant [qui
s'appelle le Kalki Avatâra dans la tradition hindoue et “le second avènement du Christ
ou du Messie” dans le judéo-christianisme] Cette intervention produit le retournement
final et amène la réapparition du 'Paradis terrestre' », réapparition, ajouterons-nous,
qui n'appartient déjà plus à notre actuel Manvântara sinon au suivant, dans lequel il y
aura, selon l'Apocalypse, « de nouveaux cieux et une nouvelle terre ».
La troisième division de Benoist contient surtout les nombreux articles que Guénon a
consacrés aux traditions occidentales, spécialement celles dérivées de l'ésotérisme
chrétien (comme les ordres de chevalerie, le Temple, les légendes sur le Saint Graal, la
Fede Santa ou les Fidèles de l'Amour, etc.). L'Ésotérisme de Dante et Le Roi du Monde
appartiennent également à cette dernière catégorie, bien que nous soyons d'avis que ce
serait plutôt la première de ces œuvres qui se rapporte le plus directement à la tradition
occidentale. Naturellement, sont aussi inclus les articles sur le Compagnonnage, et
surtout sur la Franc-Maçonnerie, qui formèrent par la suite deux épais volumes : Études
sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage.
Pour notre part, nous voudrions ajouter que, à toutes les divisions établies par
Benoist, manquent les études consacrées à l'initiation, qui occupent selon nous une
place capitale dans la pensée de Guénon, et sont en outre directement liés à l'idée de
réalisation, à laquelle conduit nécessairement l'étude de son œuvre. Rappelons, par
exemple, les Aperçus sur l'Initiation, et les articles écrits au cours de plusieurs années
qui ont été regroupés sous le titre de Initiation et Réalisation Spirituelle.
*
* *
RENÉ GUENON. Éditions de l'HERNE. Paris 1985. 459 pp. Dirigé par Jean-Pierre Laurant
avec la collaboration de Paul Barba-Negra.
***
Il faut par ailleurs faire l’éloge de la réalisation d’une publication aussi complète que
celle des Cahiers de l’Herne au sujet de Guénon, en particulier en ce qui concerne les
documents, lettres et même poèmes de jeunesse.
*
* *
RENÉ GUÉNON. Les Dossiers H. L’Âge d’Homme, Lausanne. 1984. 324 pp. Dirigé par
Pierre-Marie Sigaud.
L’édition de ce volume (de 322 pages grand format) représente sans aucun doute un
effort, bien qu’elle n’aie pas été bien accueillie par divers groupes "guénoniens" car,
selon certains, elle semblerait davantage une critique de la pensée de Guénon qu’un
hommage. Nous ne partageons pas ce critère. Nous indiquerons plus bas quelques
collaborations. Ce dossier a été conçu par Pierre-Marie Sigaud.
Nous ressentons pour Borella un peu la même chose que pour Schuon : nous
admirons l’intelligence, et par moments, la profondeur de pensée, et nous avons même
parfois savouré ses expressions heureuses, il faut le reconnaître, mais il s’y trouve
finalement quelque chose d’artificiel, de trop élaboré et trop habile, comme une chose
déjà connue, non seulement pour nous être abreuvés à la même source sinon pour une
situation qui nous est familière depuis notre jeunesse, un goût de léger orgueil
intellectuel consenti, admit et exercé, fréquent chez certains esprits religieux et
universitaires que nous avons bien connus, et totalement absent chez Guénon, car son
œuvre possède la beauté et la grandeur accablantes d’un poète rebelle, d’un
mathématicien réformateur, bien plus proche de la contre-culture que du vernis
culturel, ce qui a été remarqué par des auteurs aussi différents qu’André Gide, René
Daumal, André Breton et Antonin Artaud.
De Marx à Guénon: d'une critique "radicale" à une critique "principielle" des sociétés
modernes. René Alleau.
C’est un exposé inhabituel et très intéressant que celui de cet article qui compare la
pensée de Guénon et celle de Marx, comme deux façons de voir l’Histoire et la vie en
général, y compris la critique du travail dans la société moderne.
Nous voulons aussi attirer l’attention, dans ces "Dossiers", sur la bibliographie de
toutes les œuvres en français de Guénon, ainsi que sur les traductions en plusieurs
langues de quelques-unes d’entre elles anglais, allemand, portugais, espagnol, italien et
suédois. L’on y trouve également le détail de toutes les œuvres écrites par différents
auteurs sur Guénon, ou qui ont d’une façon ou d’une autre fait référence à son œuvre
et à sa vie, ce qui nous donne un total de cinquante-cinq, jusqu’à l’année de publication
de ces Dossiers (1984). Idem pour les numéros spéciaux de revues et, enfin, les
multiples articles parus au long des années et consacrés au grand métaphysicien
français. Et, pour finir, nous signalerons des notes sur les auteurs ayant participé à ce
volume monographique.
*
* *
L'ÂGE D'OR: Spiritualité et Tradition. Revue trimestrielle. Editions Pardès, B.P. 47,
45390 Puiseaux. France. 1986-87. 151 pp. Rédacteur en chef: Georges Godinet.
Numéro spécial, René Guénon.
À souligner également le texte des frères Grison, intitulé « Deux aspects de l’œuvre
de René Guénon ».L’article est long, et les deux aspects pris en compte sont Le
Message de l’Asie et Pour un christianisme traditionnel.
Dans la première partie du Message de l’Asie, les frères Grison reprennent un bon
nombre de citations du livre Orient et Occident pour identifier les aspects occidentaux
qui se sont détachés de l’idée de Principe à partir du XIVe siècle, constatant que cette
déviation "moderne" vers la périphérie a défiguré l’être individuel au nom d’une
hallucination collective qui, comme le dit Guénon, prend les plus vaines chimères pour
d’incontestables réalités. Ils poursuivent en portant clairement sur les relations entre
Non-Être et Être, et font une brève et fluide introduction à la métaphysique orientale et
à l’idée intégrale de la connaissance en tant que science des sciences.
*
* *
Ces colloques, ayant eu lieu du 13 au 20 juillet 1973, furent édités quatre ans plus tard
grâce à l’initiative de Marina Scriabine et Nadjmoud-Dine Bammate, le premier colloque
étant consacré à l’œuvre et à la personnalité de Guénon. Nous indiquerons quelques uns
des travaux présentés, non sans signaler auparavant la richesse des dialogues tenus après
chaque conférence qui dénotèrent l’intérêt du public pour tout ce que nous appellerons,
respectueusement, le "phénomène guénonien".
Il faudrait donc aussi préciser qu’il existe une Tradition antérieure que nous pourrions
appeler hermétique/gnostique, et qui engendre par ailleurs l’Alchimie et l’actuel
ésotérisme hermétique en général, pour lequel la Table d’Émeraude es un texte sacré et
qui s’organise sous l’égide d’un dieu, Hermès Trismégiste, produisant des formes qui ne
sont que des adaptations à des temps et des lieux différents de la révélation Hermétique.
Il conclut son excellent travail en mettant sur la table diverses idées de la culture
contemporaines, orpheline de principes transcendants, puisque la pensée de Guénon, qui
n’est pas, il est vrai, celle d’un "homme moderne", est, paradoxalement, constamment
actuelle.
Il est à remarquer que l’on peut, tout au long de cette étude, constater l’importance que
peut avoir une recherche, ou mieux, une attitude historique, pour enrichir et contribuer à
se situer par rapport au programme et surtout à l’Enseignement directement consacré à la
Connaissance et, par voie de conséquence, à l’Initiation. Distinguons à ce sujet que la
fonction de Guénon, éminemment verticale, et aussi évidemment historique.
CHAPITRE VIII
AU SUJET DE L’HERMÉTISME
Aries est une revue française semestrielle, dirigée par Antoine Faivre, Pierre Deghaye et
Roland Edighoffer. Son comité de rédaction compte avec des noms aussi prestigieux
que, entre autres, Marie-Madeleine Davy, Gilbert Durand, Joscelyn Godwin, Jean-Pierre
Laurent, Jean Tourniac, Gerhard Wehr, tous écrivains et ésotéristes contemporains
reconnus, certains déjà disparus (Mircea Eliade, etc.). Dans le Nº 11, édité par la Table
d’Émeraude et correspondant au Nº 1 de 1990, trois articles se regroupant autour d’un
thème, la Philosophie Pérenne, avaient constitué en 1989 des allocutions de la
Conférence de l’Académie Américaine de Religions, à Anaheim en Californie. Les auteurs
en sont Len Bowman, Sheldon R. Isenberg et Tyson Anderson, et leurs apports sont très
intéressants à plusieurs aspects, entre autres parce qu’ils permettent d’observer les
formes et les voies que prend aux États-Unis la Tradition, ou Philosophie Pérenne. La
revue appelle ces auteurs « néo-guénoniens » et les rattache à un « certain ésotérisme
guénonien », qualification issue d’un article, dont c’était le titre, paru dans le Nº 8 de
ARIES et signé Nelly Emont. Cette participation, aux intentions polémiques, tourne
autour de commentaires sur des œuvres et des revues d’auteurs étant précisément
qualifiés de membres d’un « ésotérisme guénonien » ; nous ne signalerons pas les livres
et ouvrages cités, vu que N. Emont déclare, en généralisant, qu’ils ont tous reçu
l’influence de l’œuvre de René Guénon, au point de voir chez eux des caractéristiques
propres aux sources hindoues, desquelles Guénon était lui-même le porte-parole. La
curiosité de cet article, c’est qu’il oppose la magistrale synthèse guénonienne et des
auteurs comme Henry Corbin dont la ligne de pensée comme tout ésotérisme valable
s’articule parfaitement avec l’œuvre de Guénon. Encore pires sont les exemples de
Jacob Boheme, Louis-Claude de Saint-Martin et Mircea Eliade (ce dernier étant
clairement sous influence guénonienne). Contrairement à ce que suggère l’auteur, il n’y
a pas plusieurs ésotérismes, mais un seul, car tous partent du supracosmique, ou
métaphysique, et y retournent ; les exemples sont vraiment innombrables, à
commencer par toutes les grandes religions, et cette recherche au plus profond et au
plus secret de l’être et du cosmos est précisément la matière dont traite tout
ésotérisme et à laquelle se rapporte toute initiation. Mais il ne peut y avoir aucun doute
sur le fait que, dans la réalisation spirituelle du XXe siècle, l’œuvre de Guénon joue un
rôle ordonnateur de premier ordre, au point que sa synthèse est la contribution la plus
importante, directement et indirectement, à cette période cyclique de la littérature
d’Occident. Tout autres sont certaines attitudes "orthodoxes" de quelques personnes
persuadées a priori d’appartenir à "l’élite" intellectuelle. Ces individus, certes
antipathiques, se limitent à répéter sentencieusement les énoncés de Guénon, et
tendent à confondre celui-ci avec n’importe quel ésotérisme sans rien ajouter à son
œuvre (qu’ils ne tonifient pas), quand ils ne tentent pas d’apparenter sa pensée à telle
ou telle "politique" ; ces personnages sont bien sûr en minorité et remplissent
certainement une fonction dans le vaste champ fécondé par le maître de Blois, qui a
déclaré n’être que le porte-voix d’idées ne lui étant pas personnelles et présentes tout
au long de l’histoire de l’humanité, qu’elles incarnent de façons très différentes, parfois
surprenantes, et d’une infinité de formes apparemment contradictoires se rapportant
aussi bien au passé qu’au présent, ce qui constitue en définitive l’héritage traditionnel.
Guénon n’est pas tout l’ésotérisme, et il a affirmé lui-même que « la vérité ne saurait
être la propriété d’un seul homme », mais son œuvre est réellement ésotérique en ce
sens qu’elle est l’expression accomplie de la pensée de la Philosophie Pérenne des
derniers temps. La revue offre de nombreux commentaires sur livres actuels et courants
modernes et anciens de la Tradition, ce qui lui confère une grande versatilité et la
stimule, surtout si l’on prend en considération l’époque mouvementée, difficile et
paradoxale qui est la sienne ; les notes de Joscelyn Godwin et de Giselle Marie ont attiré
notre attention pour leur richesse et amplitude d’intérêt, parmi un ensemble abondant
et bigarré d’écrivains issus de deux générations de ce siècle (1940-1990), presque tous
français, logiquement, quoique la caractéristique d’ARIES soit précisément de s’ouvrir
aussi bien à tout ésotérisme authentique, qu’à des auteurs ou des événements
intellectuels étrangers, des États-Unis, d’Allemagne, d’Angleterre, d’Italie, etc., ce qui
n’est pas le trait principal des revues ésotériques parues en France.
COLLOQUE. Organisé par la revue ARIES, le Colloque Magie du Livre, Livres de Magie eut
lieu les 22 et 23 mai 1992, à la Nouvelle Sorbonne. Y participèrent les professeurs
Umberto Eco, Roland Edighoffer, Pierre Deghaye, Antoine Faivre, Massimo Introvigne,
Michel Kauffmann, Pierre Lory, Frédérick Tristan, et Monsieur Ladislaus Toth, des
Éditions Archè. Les réunions furent suivies avec intérêt par un public nombreux. L’on
annonce, pour les 4 et 5 juin 1993, un nouveau Colloque intitulé Gnose et Science. Les
actes du colloque de 1992 figurent dans le numéro 15 d’ARIES, avec le sommaire
suivant : Préface: Jean-Pierre BRACH et Jean-Paul CORSETTI; Ladislaus TOTH: Savoir et
pouvoir par les livres de magie; Frédérick TRISTAN: Bibliothèque, mère du personnage;
Pierre DEGHAYE: Le livre merveilleux de l'ermite dans "Henri d'Ofterdingen" de Novalis;
Antoine FAIVRE: La théosophie par l'image; Pierre LORY: Le livre comme corps de Dieu;
Roland EDIGHOFFER: Le "Liber M"; Umberto ECO: Pourquoi Lulle n'était pas un
kabbaliste; Massimo INTROVIGNE: Livres magiques révélés et livres révélés religieux
(d'Aleister Crowley aux nouvelles religions); Michel KAUFFMANN: Hypertexte et livre
virtuel; Nicolas PETIT: Les livres de magie à la Bibliothèque Sainte-Geneviève; Catalogue
de l'exposition organisée à la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
ARIES. Directeurs : † Jean-Paul Corsetti, Roland Eighoffer, Jacques Fabry, Antoine Faivre.
Nº 19, 1995. « Paracelse et les siens » Colloque des 15 et 16 décembre 1994 à la
Sorbonne. 152 p. SOMMAIRE: Roland Edighoffer: Préface; Lucien Braun: Paracelse
aujourd'hui. Le lire encore?; Jean-Pierre Brach: Quelques aspects de la doctrine de la
prédestination chez Paracelse; Wolf-Dieter Muller-Jahncke: Paracelse et la démonologie
de son temps; Joachim Telle: Paracelsus in Deutschland. Bemerkungen zum
Paracelsusbild des 16. und 17. Jahrhunderts. Suivi d' un résumé en français, par Roland
Edighoffer; Pierre Deghaye: La Révélation selon Paracelse et Jacob Boehme; Roland
Edighoffer: Les Rose-Croix et Paracelse; Didier Kahn: Le paracelsisme de Jacques Gohory;
Roland Edighoffer, Antoine Faivre et Martine Lefèvre: "Paracelse et les siens": Catalogue
de l'exposition réalisée à la Bibliothèque de l'Arsenal (décembre 1994).
*
* *
L’HERMÉTISME. Françoise Bonardel. P.U.F. Collection Que Sais-je ? Paris 1985. 127
pages.
Depuis quelque temps, spécialement en anglais, s’est établi une distinction entre les
termes Hermétique, Hermétisme et Herméticisme, adoptée par certains auteurs
français, comme A. Faivre. Pour F. Bonardel, Hermétique serait ce qui concerne le
Corpus Hermeticum, Hermétisme tout ce qui se place sous l’égide d’Hermès
Trismégiste, la Table d’Émeraude, l’Alchimie, la Magie naturelle, la Kabbale chrétienne
et certains textes gnostiques (la Pistis Sophia, par exemple) du Moyen Âge, de la
Renaissance ou même postérieurs, et finalement, Herméticisme désignerait
l’herméticiste qui partage le Verbe et la compréhension gnostique révélée par ces
textes.
De notre point de vue, ces distinctions sont valables et nous les acceptons. Cependant,
faire référence à ces questions implique de s’adresser à un public capable de les
comprendre et de les soupeser, ce qui n’est pas le cas du public de langue espagnole
qui souffre d’une grande carence d’information sur l’Hermétisme et la Tradition
Hermétique, sauf peut-être quelque référence perçant à travers les brumes de
l’occultisme, mais ce sont des thèmes quasiment inconnus, y compris dans le milieu
universitaire qui devrait pourtant les étudier, vu l’importance philosophique, religieuse,
artistique et scientifique de ces idées qui ont été présentes en Occident depuis leurs
origines égyptiennes, en passant par la culture grecque (suivie de la romaine), celle des
aventures de leurs Dieux et leurs mythes, ainsi que les apports de sages de l’envergure
de Pythagore, Socrate et Platon. Elles ont également été en contact permanent avec
d’autres cultures, d’autres formes de pensée et de religions, avec lesquelles elles
coïncident en matière de savoir ésotérique, bien que les formes les séparent souvent,
jusqu’à les rendre ennemies. La Sophia a toujours été vénérée, en particulier par les
adeptes qui, du Phare d’Alexandrie, ont illuminé la Culture d’Occident, car c’est la
Tradition Hermétique qui parcourt en permanence l’épine dorsale d’une structure
culturelle qui, sans elle, se serait écroulée il y a des siècles, encore que l’homme
moderne ne s’en rende pas compte. Malgré cela, que ce courant d’idées ait une
trajectoire claire et vérifiable, c’est-à-dire une histoire de transmission ininterrompue
exprimée dans divers documents, par différents groupes ou individus se trouvant
étroitement liés à la moelle de la pensée contemporaine, est un fait généralement
ignoré.
C’est la raison de notre joie qu’il existe un travail sur l’Hermétisme aussi extrêmement
bref et condensé ainsi que l’exige la collection dans laquelle il est édité de la main de
Françoise Bonardel, qui synthétise avec maestria un thème aussi ardu et difficile,
mettant beaucoup de sa part pour clarifier les sujets traités, vus à la lumière des Idées
Universelles ainsi que dans leur projection historique. L’ouvrage se divise en deux
parties distinctes : la première traite de la Tradition Hermétique en soi, éclaircissant les
termes et surtout les concepts de sa doctrine, en se basant fondamentalement sur le
Corpus Hermeticum, établissant ses liens avec d’autres gnoses apparemment
différentes et ses projections sur la pensée européenne ultérieure jusqu’à nos jours.
C’est, à notre avis, la partie du livre qui a le plus de valeur, et un grand travail
d’herméneutique et de synthèse. Nous voulons en tirer quelques citations, peut-être
un peu longues, mais qui seront utiles au lecteur s’intéressant à la question :
« La seconde phase de cette Genèse est l'engendrement par le Noûs-Dieu d'un Noûs-
démiurge : dieu du feu et du souffle, celui-ci engendre à son tour les Gouverneurs,
‘lesquels enveloppent dans leurs cercles le monde sensible; et leur gouvernement se
nomme la Destinée’ (1, 9). Suit un épisode assez confus où il est dit que le Verbe de
Dieu, s'unissant au Noûs-démiurge de même nature que lui, abandonne la création à
son statut de ‘simple matière’ ; par cette union tournent cependant les cercles du
monde tandis que les différentes espèces d'animaux sans raison naissent de chaque
élément (Air, Eau, Terre) ainsi animé. »
« Je comparais mon immersion. dans les documents à une fusion avec la matière -
jusqu'à la limite de ma résistance physique ( ... ), descente au centre de la matière
morte, comparable à un descensus ad inferos. Quand je me retrouve, quand je reviens
à la vie, je les comprends » .
Cette œuvre est remarquable pour le sérieux de ses exposés et de ses investigations,
tout en constituant l’une des meilleures introductions à la Tradition Hermétique.
*
* *
Cette collection présente des études singulières et chacune trouve sa juste place dans
l’ensemble, assurant des critères solides joints à un esprit ouvert et à un travail de
recherche de catégorie.
Cela fait plus de quinze ans que les CAHIERS DE L’HERMÉTISME éditent des livres
monographiques, ayant pratiquement épuisé (si cela était possible) les sujets de la
Tradition Hermétique ou ayant quelque rapport avec elle. Voici la liste des livres
publiés : Faust, Jacob Böhme, L'Ange et l'Homme, Alchimie, Kabbalistes chrétiens,
Paracelse, Goethe, Lumière et Cosmos, Sophia et l'Âme du monde, L'Astrologie,
L'Androgyne I, Le Mythe et le Mythique, Présence d'Hermès Trismégiste, Magie et
littérature, L'Androgyne dans la littérature, La Littérature fantastique, Les Vampires, La
Bible: images, mythes et traditions.
Les travaux publiés vont depuis des études de doctrine et d’histoire, jusqu’à des
bibliographies, des catalogues, des revues, et des documents en tous genres, y compris
iconographiques.
Il est évident que nous ne pouvons commenter les près de cent études et presque
quarante auteurs qui continuent d’écrire cette sorte d’encyclopédie de l’Hermétisme
qui, comme un fait historique, ne cesse de paraître pour influencer la culture
d’Occident. La collection est dirigée par Antoine Faivre et Frédérick Tristan.
*
* *
Mais la critique du médiocre monde officiel, qui remplit les conditions et les aspirations
de la classe moyenne, n’est autre que la possibilité de consolider les autres sujets de
ces ouvrages dont l’importance réside aussi bien dans l’amplitude de leur forme
véritablement intellectuelle qui témoigne de l’existence chez l’auteur d’une pensée
recréant les énoncés de la Philosophie Pérenne, que dans la vitalité qu’ils transcrivent,
absolument nécessaire de nos jours.
Parmi les valeurs qui caractérisent ces textes, signalons la reconnaissance de la Poésie
comme Modèle d’Audition Métaphysique, et la mention d’un grand nombre d’auteurs -
que nous ne pouvons pas tous nommer liés à la Connaissance d’une façon ou d’une
autre, qui ne sont généralement pas cités dans les études traditionnelles.
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* *
En vertu du principe ad fontes, la Bibliothèque tente de réunir les exemplaires les plus
anciens d’œuvres d’intérêt, comme par exemple : un manuscrit, la première ou la plus
ancienne édition. Aujourd’hui (1996), elle contient environ 16.000 volumes, beaucoup
desquels sont des livres d’une importance spirituelle inestimable, pour leur ancienneté,
leur rareté, leur valeur philosophique ou religieuse, ou leurs qualités artistiques. L’on
peut y trouver approximativement 450 manuscrits (200 d’entre eux antérieurs à 1550),
environ 4.000 livres imprimés avant 1800 (400 desquels sont des incunables : des livres
imprimés entre 1450 et 1500) et 11.000 livres imprimés après 1800.
Les objectifs de la Bibliothèque sont menés à terme par le biais de ses propres activités
et des activités éditoriales.
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* *
C’est sous ce titre que s’est tenu à Cesky Krumlov (République Tchèque) un symposium
consacré à ces matières, avec la participation d’auteurs importants de la Tradition
Hermétique actuelle. Le programme a été le suivant : "Plenary Addresses": The
Rosicrucian Prelude: John Dee's Mission in Central Europe, Nicholas Goodrick-Clarke;
Fire in the Hearth, Temple of Wisdom, House of the Spirit: The Meaning of the Rosy
Cross, Christopher Bamford; Magical Gardens & Chambers of Marvels, Joscelyn
Godwin; Kabbalah in Bohemia, Z'ev ben Shimon Halevi; The Imagery of Alchemy &
Rosicrucianism, Adam McLean; The Grail & the Rose, John Matthews; The Rosicrucian
Ideal of Good Work, Robert Sardello; Renewal & Revelation through Number, Harmony
& Proportion, John Michell; The Rosicrucian Afterglow: The Life and Influence of
Comenius, Clare Goodrick-Clarke; The Rosicrucian Legacy, Christopher McIntosh.
"Afternoon Workshops": 'Michel Maier, the deepest of the Rosicrucians', J. Godwin; The
Angel of the Western Window, N. G.-Clarke; The Labyrinth of the World & the Paradise
of the Hearth, C. G.-Clarke; Rosicrucianism & Alchemy, C. McIntosh; Rosicrucian
pretenders at the dawn of the New Age, C. Bamford; Allegory & Symbolism, A. McLean;
The Rosicrucian Impulse in Anthroposophy, R. Sardello; Healing the Wounded King, J.
Matthews; Symbolic Geometry & the Process of Creation, J. Michell; Kabbalah as a Path
to Wisdom, Z. Halevi. "Evening Presentations": Frances Yates & the Poetry of the Divine,
Robert Bly; The Folklore of the Rose, R. J. Stewart; An Evening of 16th & 17th Century
Czech Music.
Introduction et édition de Ralph White. Lindisfarne Books, Hudson New-York, 1999. 268
pages.
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* *
LE FIL D´ARIANE Ecriture & Tradition. Rue des Combattants, 11. B-1457 Walhain-St-
Paul, BELGIQUE.
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SIRUELA
Nous avons reçu le catalogue soigné 1982-1992 des éditions Siruela, dirigées par
Jacobo F. J. Stuart, également responsable de EL PASEANTE (le promeneur),
intéressante revue que nous examinerons prochainement. Elle a réalisé pendant ces dix
ans un travail excellent et cohérent. Les éditions sont un modèle de bon goût et de
qualité à plus titre, ce qui plaira à ceux qui aiment aussi le livre en tant que bel objet
artisanal. Mais ce n’est pas tout : les textes choisis, dont beaucoup possèdent un
caractère visuel et symbolique, c’est-à-dire artistique, expriment des idées qui
intéresseraient à l’extrême nos lecteurs. Nous citerons certains titres de La
Bibliothèque Submergée : Athanasius Kircher: Itinerario del Extasis o las Imágenes de
un Saber Universal, El Juego Aureo, América, El Templo de Salomón, Arquitectura y
Magia, et Monstruos y Prodigios, tous d’une grande qualité, bien que nous ne puissions
pas, par manque de place, nommer les auteurs, les caractéristiques, les commentaires,
les études et les traductions à charge de spécialistes éprouvés. Nous signalerons, de la
collection Sélection de Lectures Médiévales : Sir Gauvain et le Chevalier Vert, Le Voyage
de Saint Brandon, Le Chevalier du Lion, Vie de Merlin, Le Chevalier à l’Épée et La
Damoiselle de la Mule, La Nouvelle Vie, La Mort d’Arthur (3 volumes), Bestiaire
Médiéval, Percival ou le Haut Livre du Graal, Decameron (2 volumes) et aussi Les
Aventures du Roi Singe, histoire de style initiatique taoïste écrite au Moyen Âge chinois,
pièce essentielle de la "littérature" de ce pays, à présent publiée au complet en trois
tomes (2.000 pages), dont nous connaissions des sélections dans Contes Chinois
(Editions Miraguano), ou dans Dragons, Dieux et Esprits de la Mythologie Chinoise
(Anaya) et, surtout, les fragments superbement illustrés de gravures traditionnelles
d’une édition faite à Pékin sous le nom de Le Roi Singe contre le Démon à l’Os Blanc.
Mais il y a beaucoup plus, lié directement ou indirectement à l’ésotérisme et à
l’hermétisme (la Bibliothèque de Babel, Borgès à sa tête, par exemple), de la littérature
fantastique ancienne et moderne, aux livres rares et curieux pas encore édités en
espagnol.
SIRUELA
Nous avons souligné le travail de cette excellente maison d’édition dont les collections,
qui embrassent un large éventail de littérature, études iconographiques, textes
ésotériques et hermétiques, et la culture en général dans des traductions très soignées,
ce à quoi il faut ajouter le luxe de la présentation et de l’iconographie, ont représenté
une véritable contribution aux éditions en espagnol. Nous n’indiquerons ici que
quelques-unes de ses nombreuses publications :
Parzival. Wolfram Von Eschenbach. Ed. Siruela, Biblioteca Medieval. Madrid 1999. 430
p.
DIONISOS, MITO Y CULTO (Dionysos, Mythe et Culte). Walter F. Otto. Éditions Siruela.
Madrid 1997. 185 pages.
Ce livre extraordinaire, publié dans la collection El Arbol del Paraíso (L’Arbre du Paradis)
et écrit par Walter Frédérick Otto (1871-1958) il y a plus de 50 ans, est l’un des travaux
essentiels pour qui est intéressé par la Mythologie et la Métaphysique. La figure du
dieu Dionýsos, abordée sous différents angles (symbolique, historique, doctrinal), est
considérée d’une manière difficile à trouver dans d’autres études de ce genre et qui est
un parfait exemple de l’essence authentique de l’esprit grec. L’œuvre est écrite dans un
style à la fois clair et lumineux, et nous montre les valeurs véritables de la pensée
classique tout en les rapprochant de l’homme actuel, souvent aveuglé par des
informations seulement érudites ou matérielles ; l’ivresse divine, et sa maestria dans
les rituels d’initiation, nous amènent à comprendre la complexité de la Science Sacrée
et l’ambivalence des symboles, des rites et des mythes. Un travail magistral, que nous
recommandons chaudement à nos lecteurs.
EL FRUTO DE LA NADA (Le Fruit du Néant). Maître Eckhart. Éditions Siruela. El Arbol del
Paraíso. Madrid 1998. 234 pages.
Cette entité a été fondée en 1990 par Kathleen Raine. Nous relevons, dans son
Programme d’Été 1996 : "Afternoon Seminars. Reading Essential Texts:" Plotinus: Ennead
VI - On the kinds of Being, leader: Joseph Milne (24th April-5th June); The Supreme Word,
id.: prof. Arabinda Bassu (3rd-31st May). "Lectures and Special Events": Poetry and
Magic, Peter Redgrove (14th May); Universal Elements in Musical Cosmology, Peter
Westbrook (20th May); Yeats the Initiate, Dr Kathleen Raine (29th May); The Angel in
Poetry, Jeremy Reed (3rd June); The Arts - a superstition of our time?, Stephen Cross (4th
June).
Dans son Programme for Michelmas Term 1996 (du 24 septembre au 10 décembre) :
Being & Cosmos, Joseph Milne; Thomas Taylor the Platonist, Dr Kathleen Raine;
Hermeneutics and the Unity of Truth, Todd Mei; Is Nature Alive or Inanimate? The
Organismic Versus the Mechanistic Paradigm, Dr. Rupert Sheldrake; Hindu Temples &
Gotic Cathedrals: Form & Transformation, Dr Adam Hardy.
Dans son programme du dernier trimestre 1997, les conférences suivantes : ANCIENT
EGYPT & THE HERMETIC TRADITION: The Divine Origin of the World: Creation Myth as
Imaginative Metaphysics: Jeremy Naydler, 21st October. Levels of Reality: Gods, Spirits &
the Garments of Soul: Id., 28th October. Initiation & Return: How the Soul Becomes a
Star: Id., 4th November. Hermes Trismegistus & the Creation of the Cosmos: Clement
Salaman, 11th November. Hermes on God, Gods & Spirits: Id., 18th November. Hermes &
the Transformation of Man: Id., 25th November.
CHAPITRE IX
FRANC-MAÇONNERIE
VERS LA TRADITION: "Répandre la lumière et rassembler ce qui est épars". 14, avenue
de Général de Gaulle; B. P. Nº 193. 51009 Châlons-en-Champagne. Cedex, FRANCE.
Trimestrielle. 64 pp.
Au sujet de la maçonnerie, cette revue a publié dans ses derniers numéros [1997] les
articles suivants :
- Roland Goffin: Entour de la Tradition et de la Parole perdue (Numéros 51-52).
- Jean Tourniac(†): Destin eschatologique de la Franc-Maçonnerie. Id.: Juifs et Chrétiens
dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique (1992) et dans le rituel de Maître Ecossais du
Rite Ecossais Rectifié de la Franc-Maçonnerie (51-52).
- 'Umar: Nouvelle liturgie catholique et nouveaux rituels maçonniques (54).
- Denys Roman(†): Remarques sur quelques symboles maçonniques (55 y 56).
- John Deyme de Villedieu: "Outils" et textes symboliques (56 y 57).
- Caloier des Isles Hieres: Entre l'Ebal et le Garizim (57).
- 'Umar: Petits et Grands Mystères, ou à propos des Hauts-Grades (57).
- André Bachelet: Des Hautes Grades? Pour quoi faire? (58).
- 'Umar: La Pierre cubique à pointe (60).
- Yannick Bénard: La notion de sacrifice. Un point de vue maçonnique (62).
- 'Umar: Introduction générale à l'étude du fil à plomb (63).
- 'Umar: Les symboles géométriques de l'initiation de métier (64).
- André Bachelet: Opérativité et Maçonnerie spéculative; (66).
- J. M. V.: Le Delta rayonnant de la loge au R. E. R., et la notion de lumière en
Maçonnerie (65, 66 y 67).
Dans trois de ses numéros de 1997, l’on peut trouver des articles qui peuvent être
considérés comme maçonniques, bien qu’ils ne le soient pas au sens strict du terme, car
ils abordent des sujets aussi intimement liés à l’Ordre que la Géométrie,
l’Arithmosophie, Pythagore, etc. (Nº 65) : Dr. R. Perotto-André: Sur une représentation
du Triangle de Pythagore, 'Umar: Divine proportion et trisection de l'angle; (Nº 66) : Jean
Duprat: Quelques remarques sur 888 et 666, auxquels il faut ajouter les articles de ce
dernier et de Yves Dangers au sommaire du numéro 67 ; dans ce dernier numéro, il faut
signaler la quatrième partie de "Déroulement et enroulement de la Manifestation", de
John Deyme de Villedieu, qui se poursuivra dans les numéros suivants. Voir également
la Mise au point de André Bachelet (plus loin).
Le travail réalisé au cours des ans par cette revue, sous la direction de Roland Goffin, est
digne d’être souligné, maintenant toujours son niveau intellectuel et la variété de ses
thèmes.
Signalons aussi, dans le numéro 66, l’article intitulé « Les deux pêches miraculeuses » de
Patrick Zanzi (qui est également l’auteur de « Quelques remarques sur l’Incarnation »,
Nº 62) que nous aimerions publier dans un prochain numéro de notre revue.
Remarquons tout spécialement le numéro 36, dans lequel figure un texte écrit par Jonas
que nous publierons également en réponse à l’hommage à Guénon engendré par F.
Schuon, édité en 1985 par les Cahiers de l’Herne.
Autres textes, publiés par la suite, en rapport direct ou indirect avec la Maçonnerie :
Nº 76. Juin - Juillet - Août 1999. John Deyme de Villedieu: Déroulement et enroulement
de la Manifestation (V); 'Umar: Sagesse - Force - Beauté.
Nº 75. Mars - Avril - Mai 1999. 'Umar: Le Collier de perles et la Chaîne d'Union.
Nº 74. Décembre 1998 - Janvier - Février 1999. "A Propos de Frithjof Schuon, Sidi Aïssa
Noreddine". Umar: Le Compagnon fini, Homme primordial; Federico González: Bref sur
la confusion entre l'oeuvre de Guénon et celle de Schuon; André Bachelet: Autour de la
"Parole perdue" des maîtres maçons.
Nº 71. Mars - Avril - Mai 1998. 'Umar: A propos de l'infallibilité traditionnelle; Francisco
Ariza: Aspects symboliques de quelques rituels maçonniques opératifs.
Nº 70. Décembre 1997 - Janvier - Février 1998. 'Umar: Anatomie de la quête ou l'esprit
d'escalier.
Nº 68. Juin - Juillet - Août 1997. André Bachelet: Opérativité et Maçonnerie spéculative,
John Deyme de Villedieu: Denys Roman, Guénonien et Maçon, y 'Umar: Réflexions sur le
Tétragramme.
André Bachelet: Maçonnerie, Maçons et fin de cycle (en: Colloque "Fin du 2e Millénaire
du cycle Chrétien... et Fin de l'âge sombre?", Octobre 1999).
« Mais nous nous posons une question : ces éléments positifs sont-ils conciliables avec
l'essentiel du propos de l'auteur puisqu'il met en cause la réalité de la transmission
d'une influence spirituelle dans l'Ordre maçonnique ? »
« Ce qui retient surtout l'attention dans ce texte, c'est la prétention du propos qui se
manifeste par une désinvolture pour l’œuvre de R. Guénon et celle de D. Roman,
doublée d'un mépris pour l'Ordre. Ainsi, si l'on comprend bien l'auteur, R. Guénon et D.
Roman (et ceux qui s'efforcent de les suivre fidèlement), se seraient, semble-t-il,
intéressés à la Maçonnerie uniquement pour en dénoncer sévèrement, tout au long de
leurs oeuvres, la dégénérescence et les lacunes graves et irrémédiables qui en
découlent, les déviations, les tares et le laxisme institutionnels, les compromissions avec
le siècle, les infiltrations de la "contre-initiation", etc.... Fort bien. Mais ils auraient ainsi
fait preuve d'une surprenante cécité en négligeant le fait que la Maçonnerie véhicule
depuis son origine, et par voie ininterrompue de transmission, une influence spirituelle
qui perdure aujourd'hui. C'eût été, de leur part, mépriser les incidences considérables
qui procèdent de cette situation unique en Occident. Rappelons à ce propos la note très
ferme et sans appel de R. Guénon : "Des investigations que nous avons dû faire à ce
sujet, en un temps déjà lointain, nous ont conduit à une conclusion formelle et
indubitable que nous devons exprimer ici nettement, sans nous préoccuper des fureurs
qu'elle peut risquer de susciter de divers côtés : si l'on met à part le cas de la survivance
possible de quelques rares groupements d'hermétisme chrétien du moyen âge, d'ailleurs
extrêmement restreints en tout état de cause, c'est un fait que, de toutes les
organisations à prétentions initiatiques qui sont répandues actuellement dans le monde
occidental, il n'en est que deux qui, si déchues qu'elles soient l'une et l'autre par suite de
l'ignorance et de l'incompréhension de l'immense majorité de leurs membres, peuvent
revendiquer une origine traditionnelle authentique et une transmission initiatique réelle ;
ces deux organisations, qui d'ailleurs, à vrai dire, n'en furent primitivement qu'une seule,
bien qu'à branches multiples, sont le Compagnonnage et la Maçonnerie. Tout le reste
n'est que fantaisie ou charlatanisme, même quand il ne sert pas à dissimuler quelque
chose de pire ; (...)"3 »
« Pour revenir succinctement à la question des hauts grades que l'auteur prétend sans
sourciller avoir "étudiée d'assez près", son "analyse" englobant, en fait, toute la
Maçonnerie qu'il qualifie au passage de "labyrinthe et de musée", l'amène à constater
que leur pratique se résume à "jongler brillamment avec les symboles, les nombres et
jouer au ‘mécano’ avec les débris des traditions défuntes éparses dans les différents
grades (...)". Peut-on aller plus loin dans le mépris ? Mais l'intérêt de son examen réside
pour nous dans le rapprochement significatif qu'il fait entre ceux-ci et l'héritage
Templier. Ainsi, il est assez cocasse de voir utilisée l’"autorité" d'un J. de Maistre
("pourtant ‘Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte’", nous dit l'auteur avec un
contentement et une naïveté certains) pour dénier tout crédit à la "soi disant" "filiation
Templière" au sein de l'Ordre, lorsqu'on sait que le Régime Ecossais Rectifié auquel il a,
un temps, appartenu, y était hostile et l'avait répudiée officiellement ! La simple lecture
du chapitre XV du Tome 2 de Denys Roman ayant pour titre : "Willermoz ou les dangers
des innovations en matière maçonnique", eut évité à M. Amalric cette singulière
maladresse. »
« Mais il nous faut mettre un terme à l'examen des propos de l'auteur; mériteraient-ils
d'ailleurs d'être relevés s'ils ne manifestaient une tendance bien propre à satisfaire les
visées du "Prince de la confusion" ? »
Notes
1
« Il conviendrait d'inverser la proposition, car ce n'est pas la Maçonnerie qui a
"rompu les liens avec l'Église'' [romaine] ; une telle démarche de la part de
l’Ordre n'aurait aucune raison d'être. (...) »
2
« Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, Tome 2, chapitre: "Les
hauts grades maçonniques", p. 268 à 272. (...) »
3
« (Aperçus sur l'initiation, édition 1953, p. 41, note 1). Les adversaires de la
Maçonnerie confondent généralement les Obédiences (et les Maçons) avec
l'ordre maçonnique, celui-ci étant le principe initiatique, de nature intemporelle
et inaffectée. Il en résulte des équivoques dont la portée n'est pas toujours
perçue par les Maçons eux-mêmes. (...) »
L’ensemble est considéré dans une optique strictement traditionnelle, sans la moindre
concession aux préoccupations sociales et transitoires dont font preuve la plus grande
part des loges et obédiences maçonniques actuelles. C’est ainsi qu’un effort d’une
réelle importance est fait pour récupérer (surtout grâce aux traductions inédites des
manuscrits et documents ayant appartenus aux diverses familles et groupements
maçonniques) l’héritage symbolique, rituel et mythique de l’ancienne Franc-
Maçonnerie opérante, antérieur aux Constitutions d’Anderson et à la naissance de la
Maçonnerie spéculative ; et de celle-ci, les premiers textes où se trouve enregistré
l’héritage de la Maçonnerie opérante. C’est une tentative de retour aux sources
originelles de la tradition maçonnique, d’où la Maçonnerie actuelle tire son identité et
la raison même de son existence. Villard de Honnecourt (de qui tiennent leur nom la
revue et la Loge de Recherches) fut précisément un maître d’œuvre du XIIIe siècle à qui
l’on doit un album de dessins de géométrie et d’architecture, document d’une valeur
extraordinaire pour connaître les procédés de création suivis par les constructeurs
médiévaux dans l’élaboration des plans et des idées qui seraient ensuite transcrites
dans la pierre.
La Loge Villard de Honnecourt fut fondée au début des années soixante par un groupe
de francs-maçons (entre autres Jean Tourniac et Jean Baylot) intégrés dans le courant
de pensée traditionnelle sous l’égide de l’œuvre de René Guénon, et c’est une des
loges qui travaillent sérieusement dans le but de restaurer le versant ésotérique et
initiatique de l’Ordre maçonnique. La revue se convertit ainsi en organe de diffusion de
ce travail de restauration, ce qui sera sans aucun doute bien accueilli par tous ceux
dont l’intérêt pour la Franc-Maçonnerie réside précisément dans les possibilités qu’elle
offre en tant que voie d’accès symbolique vers la Connaissance.
Nº 30 (2e série): 1er semestre 1995, 253 pp. SOMMAIRE: T. R. Grand Maître Claude
Charbonniaud: Avant-Propos; Prof. Jean E. Murat: Introduction; I TRAVAUX ET
CONFERENCES: Paul Amaury: Métier et renaissance spirituelle; Jean-Pierre Félix:
Aspects initiatiques de l'œuvre de Rabelais; Michel Constant: La nouvelle naissance
spirituelle à partir de la tradition de l'Égypte ancienne; Jean-François Blondel: La
légende des Quatre couronnés; II ETUDES: Jacques-Noèl Pérès: La dédicace du temple;
Pierre Paillère: Nécessité de l'angélologie; Michel Viot: Sources bibliques du rituel de
consécration; Jean-Pierre Schnetzler: A la Gloire du Grand Architecte de l'Univers;
Witold Zaniewicki: Les cagots; Notes et comptes rendus de Jean E. Murat.
Nº 32: 1er semestre 1996, 272 pp. SOMMAIRE: T. R. F. Yves Trestournel: Allocution; I
TRAVAUX ET CONFERENCES: Prof. Jean E. Murat: Être et temps; Simone Vierne: Les
romans de Jules Verne, une œuvre initiatique; Jean-Bernard Lévy: La tolérance; Dov
Bezman: Aperçus sur les traditions celtiques; II ETUDES: Jean-François Blondel: Les
compagnons passants tailleurs de pierre d'Avignon; Claude Tresmontant: Qui était
Jean?; Jean-François Faugère: La pensée de Teilhard de Chardin, avatar de la tradition
celtique; Jacques Lutfalla: Dieu créateur, G.A.D.L.U. et physique mathématique; Jean-
Yves Legouas: Les statuts de la société des philosophes inconnus; III COMPTES RENDUS
(Jean E. Murat); IV LECTURES D'INSTRUCTION.
*
* *
J.M.S.R. signale fort opportunément dans son prologue que l’économiste Lord Keynes
appelait Newton le dernier des mages. L’illustre savant qui énonça la célèbre loi de la
gravité universelle fut en effet un ésotériste qui voyait la nature comme le Temple du
Grand Architecte de l’Univers et le scientifique, par conséquent, comme un prêtre qui
pouvait intervenir dans les processus du monde et mener à la Connaissance et à
l’Origine grâce aux pistes laissées par le Créateur et au temps recelé dans son discours
cryptographique. Là se trouve la raison de ce que Newton aborde des thèmes bibliques,
car il considérait le Livre comme un précis de sagesse révélée, malgré les altérations
subies par son texte, souvent perpétrées par la hiérarchie religieuse romaine ; il en est
de même de ses investigations alchimiques auxquelles il consacra des travaux et des
efforts importants. Il n’était pas en cela très différent des autres savants de son
époque, car il est bien connu que la génération des scientifiques qui fondèrent la
science moderne (Locke, Kepler, F. Bacon, Robert Boyle, etc. etc.) effectuait des
recherches dans ce sens et donnait peut-être plus d’importance aux études biblico-
théologiques, voire même à l’Histoire Sacrée, comme dans ce cas, qu’aux sujets
exclusivement scientifiques ou mécaniques (physique, chimie, mathématiques,
optique, etc.), quoique la vérité oblige à reconnaître que ces thèmes n’ont jamais été
séparés, puisqu’ils étaient traités sans la moindre différence entre eux, aussi bien le
sacré que le profane, ce qui est facile à vérifier d’après le contenu de la propre
bibliothèque de Newton (John Harrison, The Library of Isaac Newton, Cambridge Univ.
Press 1978) ou de quelque autre qu’il ait utilisée (la privée de Isaac Barrow, les
publiques de Cambridge).
C’est ainsi que le savant anglais, nous l’avons déjà signalé, prêtait une attention
spéciale aux histoires bibliques, auxquelles il se référa à plusieurs reprises et qu’il
jugeait plus anciennes que les histoires grecques voir même que les chaldéennes avec
une incontestable érudition et abondance d’informations en tout genre, issues des plus
illustres études du lieu et de l’époque. Précisons qu’il n’a pas utilisé l’Histoire Biblique
(y compris l’Apocalypse) comme source unique de ses études historiques, mais
également Flavius Josèphe, Philon d’Alexandrie, les mythes grecs, etc., et qu’il
considérait que la position des étoiles dans les constellations du zodiaque, donnée, par
exemple, dans des descriptions de la guerre de Troie ou de la mission de Jason et les
Argonautes en quête de la Toison d’Or (qu’il situait en 937 avant Jésus Christ), réglait
l’espace et le temps, anticipant ainsi les archéologues qui découvrirent plus tard
d’antiques cités dont existaient des descriptions « mythiques », tout comme la science
moderne de l’archéo-astronomie qui détermine les dates de lieux y compris de grands
ensembles d’après l’étude du ciel de l’époque où ils furent édifiés. L’on peut lire, dans
le manuscrit intitulé The original of religions : « De manière que le but de la première
institution de la vraie religion en Égypte était de proposer à l’humanité, au moyen de la
structure des anciens temples, l’étude de la structure du monde comme le véritable
Temple du grand Dieu qu’ils adoraient. »
Et c’est là le but des recherches de Newton sur le Temple de Salomon, que nous dévoile
ce fascinant et surprenant travail, édité fort opportunément et avec une érudition
réconfortante par Ciriaca Morano, et que nous recommandons à nos lecteurs.
*
* *
L’auteur définit cette publication comme une anthologie et il n’a pas tort, dans la
mesure où son travail ne se compare pas à une simple compilation. En effet, aussi bien
la sélection des textes que les introductions, les commentaires et les notes,
démontrent non seulement la démarche investigatrice de l’auteur et sa réussite, mais
aussi son ample culture dans le domaine de la symbolique, de la Bible et de
l’ésotérisme, qui lui permet de donner une orientation doctrinale et une organisation
didactique à ces anciens textes maçonniques, connus comme « Fondateurs » (1390-
1760). L’auteur commence son exposé en nous replaçant dans le contexte historique,
en nous signalant trois périodes correspondant à trois types de documents, qui
correspondent à leur tour à trois époques différentes de l’Ordre :
« et enfin une troisième période dite spéculative (de 1723 à nos jours), où la
maçonnerie est devenue une initiation non confessionnelle (laïque), et où les loges se
composent principalement d'hommes étrangers au métier du bâtiment: c'est à cette
époque qu'apparaissent les deux chartes de la francmaçonnerie moderne, les
Constitutions dAnderson (1723 et 1738) et les deux versions du Discours de Ramsay
(1736-1737). »
Dans les contributions de Négrier à l’étude de la Maçonnerie, le rapport établi entre les
Constitutions d’Anderson et les Old Charges (Anciens Devoirs) nous semble
particulièrement intéressant. Cette observation ne laisse pas d’être exacte, dans la
mesure où Anderson a consciencieusement étudié les Old Charges, comme le constate
Négrier lui-même. Le fait est également mis en évidence par la comparaison objective
des documents, en particulier avec le manuscrit Regius et d’autres textes, ainsi que le
démontre aussi Daniel Ligou dans son introduction, traduction et notes sur les
Constitutions d’Anderson dont, nous l’avons dit, P. Négrier publie sa propre version
dans les chapitres 10, 11 et 12 de cette Anthologie.
Pour terminer ce bref commentaire, rappelons que les versions de l’anglais des
documents publiés dans cet ouvrage sont aussi de P. Négrier (également auteur de La
Lettre "G", suivi de Le Mot Sacré de Maître et les Cinq Points du Compagnonnage, Ed.
Détrad, Paris 1990), et ses notes éclairent beaucoup. Voici le contenu de cette
anthologie : "Les Anciens Devoirs": 1. Le manuscrit Halliwell dit Regius (1390), 2. Le
manuscrit Cooke (1410), 3. L'ancêtre reconstitué de la branche Grand Lodge (avant
1583). "Les catechismes symboliques": 4. Dix témoignages du XVIIe siècle sur le Mason
Word (1637-1699), 5. Le manuscrit d'Edimbourg (1696), 6. Le manuscrit Dumfries nº 4
(1710), 7. L'Institution des francs-maçons (1725), 8. Le manuscrit Graham (1726), 9. Le
Grand mystère à découvert (1726). "Les Constitutions d'Anderson": 10. L'Edition de
1723, 11. Les Devoirs enjoints aux maçons libres (1735), 12. Les versions ultérieurs du
chapitre I des 'Devoirs d'un franc-maçon'. "Le Discours de Ramsay": 13. La version de
1736, 14. La version de 1737. "Extraits d'un catechisme symbolique tardif": 15. Les Trois
coups distincts (1760). "Annexe": 16. La Maçonnerie d'après l'Ecriture, de John Tillotson.
*
* *
Ce livre sera bien accueilli par les maçons qui ont eu des difficultés à connaître
certaines des constitutions de leur Ordre, y compris celles de James Anderson qui
donnèrent lieu à la Maçonnerie spéculative forme actuelle d’expression de cet Ordre
Initiatique car la seule édition en espagnol que nous connaissions date de 1936
(Barcelone, traduction de Federico Climent) et n’existe plus sur le marché depuis
plusieurs années, encore que nous ayons entendu parler d’une version mexicaine et
qu’il en existe probablement une autre en Amérique du Sud, bien que J. Benimelli n’en
parle pas dans sa Bibliographie de la Maçonnerie (Fondation Universitaire Espagnole,
Madrid, 1978). C’est également le cas des versions françaises ou encore des anglaises,
presque toutes éditées avant le milieu du siècle la plupart datant du XVIIIe. Cette
édition est donc la bienvenue, avec ses notes et commentaires d’un spécialiste de la
Maçonnerie, Daniel Ligou, qui étudie le sujet depuis de nombreuses années (voir
Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie, dans SYMBOLOS Nº 13-14, page 377). D’autre
part, l’édition est bilingue anglais-français, ce qui permet d’en vérifier la traduction.
Le livre des Constitutions de 1723, support du travail, fut imprimé à Londres par
William Hunter, il comptait 92 pages et se composait de quatre parties : histoire ;
obligations d’un maçon (« tirées des anciennes archives des loges d’outre-mer, et de
celles d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande ») ; règlements généraux (« réunis par G.
Payne en 1720 ») avec un post-scriptum sur la façon de constituer une nouvelle Loge ;
et des chants maçonniques avec leurs partitions. L’étude de ces Constitutions que nous
publierons dans notre collection « Papeles de la Masoneria » nous semble très
importante, pour évaluer non seulement l’étude qu’Anderson a faite des Old Charges,
sur lesquelles se basent ses Constitutions, mais aussi ses tentatives d’adaptation, dont
beaucoup furent rejetées par la plupart des Loges anglaises jusqu’à ce qu’il ait modifié
nombre de ses innovations en les adaptant à la Tradition et qu’il publie finalement des
Constitutions corrigées (1738) dont la plus importante rectification portait sur la
division par trois effectuée avec les grades maçonniques, qu’il avait inexplicablement
réduits à deux ; comme l’on sait, cette influence des « Anciennes » Loges continua de
s’exercer sur les Loges « Modernes », à un tel point qu’elles ne s’unifièrent qu’en 1813,
après que la nouvelle Franç-Maçonnerie, appelée Spéculative, ait été dotée des idées
et rituels traditionnels des « Anciens » et que l’Ordre revienne ainsi à la fonction
initiatique.
Vues par delà plus de deux siècles, les constitutions d’Anderson apparaissent
nettement chrétiennes, malgré le fond mythologique et païen où se déroule l’histoire
maçonnique. Aux regards post-conciliaires, il ne semble pas que les différences entre
protestants et catholiques, et particulièrement en ce qui concerne l’invocation de la
déité, soient plus que de légères nuances d’un même aspect. Ces Constitutions
marquent cependant la séparation de la Franc-Maçonnerie et de l’Église car à partir de
là, l’Ordre ne s’identifiera plus avec la seule confession chrétienne, ni se soumettra au
pouvoir de Rome provoquée par la force des événements et le conséquent
aggiornamento qui permit l’Initiation d’un grand nombre de chrétiens réformés, et par
la suite ouvrit la porte à l’admission de juifs, islamiques, etc., dans diverses loges de
différents lieux géographiques, y compris en Orient, en particulier en Inde et en Chine,
et même dans les pays islamiques, construisant ainsi une Franc-Maçonnerie réellement
universelle, c’est-à-dire authentiquement catholique, en dépit du paradoxe.
TEMENOS ACADEMY REVIEW. Dirigée par Kathleen Raine. Central Books. 99 Wallis Road.
Londres E9 5LN.
Nº 2, printemps 1999. 208 pages. Nº 1, printemps 1998. 214 pages. Temenos : a Review
of the Arts of the Imagination, a publié 13 numéros de 1981 à 1992, date à laquelle qui vit
sa transformation en organisation d’enseignement, la Temenos Academy (14, Gloucester
Gate, London NW1 4HG) qui a donné des conférences et des séminaires tout au long de
cette période. C’est le premier numéro de la nouvelle série.
CHAPITRE X
AVALOKA. A Journal of Traditional Religion and Culture, 249 Maynard N. W., Grand
Rapids, MI 49504, U.S.A.
Dans les grandes lignes, le directeur Arthur Versluis regroupe dans ce numéro des
travaux qui traitent d’une voie de réalisation de type religieux, concrètement le
christianisme, et signe un écho sur la Chevalerie. Remarquons également l’artcile de
Hugh Urban sur l’imaginaire, chapeauté par une citation de William Blake.
*
* *
LA PLACE ROYAL: Histoire, Culture & Tradition. Mensuel, No. 27. Adresse: La Reynerie
47230, LAVARDAC, FRANCE. Sommaire: Editorial; Luc-Olivier d’Algange: Critique Du
Regne De Demos; Hervé Boitel: Le Portugal Reviste; Philippe Barthelet: De la
Superstition; Jean-Pierre Hausermann: Nouvelles D’Alsace; Henry Montaigu: Journal de
Galére; Frédéric Luz: La Gazette De Cyrano.
Dans le numéro 28-29 de juin-juillet 1992, se trouve une information sur le numéro 3
de SYMBOLOS que signe le directeur de la publication, Monsieur Frédéric Luz, qui
n’hésite pas à qualifier notre revue « d’excellente ». Nous sommes reconnaissants de
cet adjectif car nous considérons très important à plus d’un titre le travail de cette
entité nommée « La Place Royal », que préside Monsieur Henry Montaigu et dont des
collaborateurs de valeur constituent le corps, malgré notre éloignement de toute
« politique ». Nous y reviendrons.
Nº 32. Janvier-février-mars 1994. Nouvelle adresse: B.P. 88, 81603 GAILLAC. Cedex.
France. Nous nous réjouissons de la réapparition de cette revue qui, depuis la mort de
son fondateur, Monsieur Henry Montaigu, il y a un an et demi, reprend la bataille sur le
champ culturel et littéraire ésotérique, ainsi que sur l’œuvre de René Guénon. Elle est à
présent dirigée par Frédéric Luz, son ancien rédacteur en chef, et ce numéro 32 porte
en toute logique sur l’œuvre et les idées d’Henry Montaigu. Rien que cela constitue une
étude intéressante, car le point de vue du directeur disparu, qui comprend une critique
de la vaste littérature française et de l’histoire du pays et de ses institutions, ainsi que
de la culture en général, est la raison d’être de cette revue qui porte déjà un titre
significatif. Il s’agit d’un lieu, d’un espace analogue à la cité céleste (Christianopolis, par
exemple), dont la projection devrait être la cité des hommes. Mais ce n’est pas là une
utopie comme l’on pourrait le croire, selon le sens donné aujourd’hui à ce terme. Il
s’agit au contraire d’un espace, une ville, un archétypique château d’images, un
véritable règne, et la preuve en est que la structure de cette entité n’a pas disparu avec
la mort physique de celui qui l’a conçue dans l’imaginaire, sinon qu’elle se projette
encore dans notre milieu, et demeure vive et polémique, comme en témoigne un
article de Frédéric Luz qui donne quelques détails sur la conduite intellectuelle et les
manigances du « théologien » Jean Borella dans la revue Connaissance des Religions,
qui s’ajoute à d’autres critiques sur cet écrivain. Y ont également collaboré Luc-Oliver
d'Algange, Philippe Barthelet, Hervé Boitel, Christophe Levalois, Philippe de Saint
Robert y Eric Vatré.
*
* *
***
Editorial: Frédéric Luz; Notes sur la Gnose chrétienne: Luc-Olivier d'Algange; Les
gnosimaques: extrait du Dictionnaire de Théologie de M. l'Abbé Bergier, 1829; Gnose
chrétienne et gnose anti-chrétienne: Prof. Jean Borella; Jean et Marie: Mr. Ollier (1608-
1657); Les Clefs de la Gnose: Jérôme Rousse-Lacordaire o. p.; Sermon sur la résignation
intérieure: Jean Tauler; L'Homme intérieur ou la nostalgie du Haut-Pays: Luc-Olivier
d'Algange; Le Gnostique de saint Clément d'Alexandrie, de Fénelon; Mise au point sur la
confrérie du Paraclet: De la fraternité del Chevaliers du Divin Paraclet (Statuts du xvi
siècle), Réformation de la Règle des Chevaliers du Paraclet du Maistre Jean de
Thionville, 1668; La confrérie de l'Ordre du Très Saint Paraclet et de la Mère de Dieu;
L'Eternité s'éveille, préface à "Opéra doré" de Henry Montaigu: Luc-Olivier d'Algange;
Opéra Doré, Oratorio sur la fin des temps: Henry Montaigu.
***
SOL NEGRO (Soleil Noir) Revista de principios y fines. Apartado 171 de Alhama de
Murcia, España. Directeur : Emilio Saura.
Nº 3. 1996. Paraît tous les quatre mois. Sommaire : Editorial. Buzón del lector. Guía de
Perplejos: Consideraciones sobre el qué, el por qué y el para qué de la enfermedad, M. J.
Martínez Albarracín; Homeopatía y filosofía, J. Antonio Antón Pacheco; ¿Tú o usted?, I.
Garrido; La bóveda celeste, un mito que perdura, J. López Monje. Comentarios de
nuestro tiempo: Rebuscando en la historia, E. Ruiz Castillo; Red de redes, J. Sevilla
García; Sobre el éxito de "El mundo de Sofía", A. Martínez Belchí. Archetypica:
Simbología; Aspectos qabalísticos de Éxodo 3,1-14, Emilio Saura; Notas sobre el Yi-king,
Janus; Notas astrológicas sobre el Concilio Vaticano II, Janus. Literatura, música y artes:
Poemas, F. Martínes Albarracín, J. R. Barat; Hombre que mira el mar, J. V. Sánchez;
Consideraciones líricas sobre nuestro Siglo de Oro, J. R. Barat; Doce coplillas de intenso
amor, J. Cánovas Martínez. Biblioteca del Sol Negro.
Nº 4. 1996. Sommaire : Editorial. Buzón del lector. Guía de Perplejos: La mujer como
persona en los Evangelios, M. Moreno Villa; ¿Todo es uno?, F. Martínez Albarracín.
Comentarios de nuestro tiempo: Nuevas perspectivas sobre el fenómeno "ovni", E.
Saura; Comentarios de Marta; Y los sueños sueños son, M. Garrido; Astrología y
Libertad, A. Martínez Belchí. Archetypica: Simbolismo de la Cruz; Notas qabalisticas,
Emilio Saura; Geografía Sagrada, Janus. Literatura, música y artes: El silencio de Dios, P.
Ballesta; En el cementerio de Bruckner, J. P. Sánchez. Psicología y formas de vida: Lejos
del mundanal, José Fuentes Blanc; A propósito de "violencia y ternura" de Rof Carballo,
E. Ruiz Castillo. Biblioteca del Sol Negro.
Textes brefs et précis, fruits d’un travail de synthèse. Porte sur des sujets divers, plus
ou moins bons, mais tendant tous vers la connaissance, exprimée de manière fraîche et
franche.
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LA PLACE ROYAL. Mas de Combes, 81120 SIEURAC, France. Fondée en 1982 par Henry
Montaigu. Directeur depuis 1991 : Frédéric Luz. Nº 38. Noël 1998. 60 pages.
Un bel article de Luc Olivier d’Algange, sur Ernst Jünger, ouvre ce numéro dans lequel le
directeur, Frédéric Luz, annonce avec son épouse son entrée dans l’Église Orthodoxe
(Patriarcat de Kiev) où il a reçu les ordres et communique que LA PLACE ROYAL sera
une revue de plus en plus chrétienne. Ce numéro comporte également un article
intéressant, de Dominique Devie, sur l’œuvre de Guénon sur Internet, où il parle de
notre revue. Et toujours, les contributions centrales de Henry Montaigu.
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A signaler, cette remise d’Émilio Saura (voir dans les numéros 3 et 4 de SYMBOLOS,
1992, son « Approche de la Signature Astrale de la Philosophie »), professeur de
philosophie à Murcia (Espagne), sur René Daumal, personnage phare de l’ésotérisme
du XXe siècle, en relations non seulement avec Gurdjieff, mais aussi avec notre guide
intellectuel, René Guénon, surtout en ce qui concerne l’intérêt de l’auteur de La
Montagne Analogue pour la métaphysique hindoue.
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PAIDOS. Nous remercions la maison d’édition Editorial Paidós pour les livres remis à
notre rédaction, qui appartiennent tous à sa collection « Paidós Orientalia ».
Comme son nom l’indique, cette collection est consacrée presque exclusivement à la
pensée orientale, quoique suivant une ligne quelque peu hétérogène, car les titres et
les auteurs publiés ne reflètent pas toujours fidèlement cette pensée dans ce qu’elle
possède de métaphysique et de traditionnel. Cependant, les textes et les études sont
en général de bonne qualité, certains pouvant être considérés comme de véritables
« classiques » pour leurs rééditions successives dans plusieurs langues, et ayant été par
conséquent lus par plusieurs vagues de lecteurs intéressés par la Philosophie Pérenne.
C’est là le cas de Bouddha et l’évangile du bouddhisme de A. K. Coomasraswamy,
Patânjali et le yoga de M. Eliade, Méthodologie de l’histoire des religions de M. Eliade
et J. M. Kitagawa, 150 contes sûfis de Yalal Al Din-Rumi, et L’hindouisme de L. Renou.
Remarquons surtout, parmi les exemplaires que nous avons reçus, Alchimie asiatique
de M. Eliade, Dictionnaire des religions, de M. Eliade et I. P. Couliano, et Le chemin du
zen de E. Herrigel.
DICTIONNAIRE DES RELIGIONS. Cet ouvrage, commencé par Eliade et achevé par
I. P. Couliano, son élève et collaborateur, est une révision générale des principales
religions, englobant les divers aspects mythiques, symboliques, rituels et
anthropologiques des différentes ethnies et des époques se rapportant à chacune
d’entre elles. Malgré son approche dans une perspective universitaire et sa
terminologie particulière, qui suit la méthode historique, il s’agit d’un livre de grand
intérêt pour l’historien des religions et des traditions en général.
LE CHEMIN DU ZEN. Cet ouvrage est le fruit de la propre expérience de l’auteur, qui a
su pénétrer et assimiler la réalité essentielle de cette voie traditionnelle de
connaissance, née de la synthèse du taoïsme et du bouddhisme mahayana. C’est un
livre très instructif, écrit dans un langage accessible à l’homme occidental, mais qui
approfondit les différentes méthodes et techniques utilisées dans les écoles zen en les
illustrant par des exemples, et incitant le lecteur à les pratiquer presque sans s’en
rendre compte.
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Dans la collection Orientalia ont paru ces deux petits volumes qui, avec Forgerons et
Alchimistes (Alianza Ed. Barcelone. 1986. 208 pages) et autres, expriment ce qu’est
l’Alchimie en tant que science et art hermétique pour ce grand spécialiste de l’histoire
des Religions, ainsi que ses correspondances avec la quasi totalité des Traditions
connues. En effet, « L’histoire de l’alchimie européenne (et alexandrine, iranienne,
arabe, médiévale) débute avec les influences qu’exerça probablement l’alchimie
babylonienne en Égypte. » (Alchimie Asiatique, préface). Et il poursuit : « Pour replacer
correctement l’alchimie dans son contexte original, il ne faut pas perdre de vue ce qui
suit : dans toutes les cultures où l’alchimie fait acte de présence, elle apparaît toujours
intimement liée à une tradition ésotérique ou « mystique » : en Chine, au taoïsme ; en
Inde, au yoga et au tantrisme ; dans l’Égypte hellénistique, à la gnose ; dans les pays
islamiques, aux écoles mystiques de l’hermétisme et de l’ésotérisme ; en Occident au
Moyen Âge et à la Renaissance, à l’hermétisme, au mysticisme chrétien et à la kabbale.
Au bout du compte, tous les alchimistes déclarent que leur art est une technique
ésotérique, poursuivant des buts semblables ou comparables à ceux des grandes
traditions ésotériques et « mystiques ». » (page 79).
Un fait curieux est que ce livre soit paru en roumain en 1935 et que l’auteur ait été si
clair sur le sujet qu’il allait développer par la suite, toujours en petits volumes en raison
de problèmes d’édition.
C’est-à-dire que la Cosmogonie et ses lois se placent pleinement comme les fondations
des Sciences et des arts en général, et de l’Alchimie en particulier. La raison se trouve
sans aucun doute dans les lois de l’analogie qui établissent des correspondances entre
divers ordres de la réalité et qui rendent les métaux assimilables aux astres, comme la
terre au ciel, bien que leurs polarités se trouvent inversées : « Tout ce qui est connu,
tout ce qui est concret, participe à cette loi magique de la correspondance. Le cosmos
apparaît divisé en régions gouvernées par les dieux, dirigées par les planètes. Entre une
zone céleste déterminée et la planète qui la domine ou le dieu qui la représente, il
existe des relations magiques, de « correspondance » et « d’influence ». Tout ce qui
arrive dans une zone céleste sera également présent, d’une façon ou d’une autre, dans
la vie qui, sur terre, se trouve sous son « influence ». Évidemment, ces influences ne
s’exercent pas toujours de manière directe. Il y a d’innombrables relations,
d’innombrables niveaux entre la terre et le ciel. Ce n’est qu’en son centre, et seulement
dans certaines conditions, que la terre peut être directement reliée au ciel. » (page 40).
Ces lignes passionnantes se complètent de plusieurs autres, prolongeant la pensée de
l’auteur ; ainsi, dans Forgerons et Alchimistes, nous lisons que : « Collaborer avec la
Nature, l’aider à produire dans un tempo de plus en plus accéléré, modifier les
modalités de la matière : dans tout cela nous croyons avoir découvert l’une des sources
de l’idéologie alchimique. » (page 10). Et ailleurs : « L’alchimiste, comme le forgeron, et
le potier avant eux, est un « seigneur du feu », puisque c’est au moyen du feu que
s’opère le passage d’une substance à une autre. Le premier potier qui parvint, grâce
aux braises, à faire durcir considérablement les « formes » qu’il avait données à l’argile
dut ressentir l’ivresse du démiurge : il venait de découvrir un agent de transmutation.
Ce que la chaleur « naturelle » celle du soleil ou du ventre de la terre faisait mûrir
lentement, le feu le faisait dans un tempo insoupçonné. » (page 71). Et tout cela était
possible, pour les alchimistes du passé, grâce à ce que : « ...les plantes, les pierres et les
métaux, de même que les corps des hommes, leur biologie et leur vie psychomentale,
n’étaient rien d’autre que divers instants d’un même processus cosmique. Il était donc
possible de passer d’un état à un autre, de transmuer une forme en une autre. » (page
123).
Nous avons essayé de souligner quelques-unes des idées de M. Eliade, mais ces trois
ouvrages en contiennent bien davantage, qu’il s’agisse de documentation ou de
soteriologie, toujours unies au but spirituel par l’intermédiaire des sciences de la
Nature.
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PAIDOS (1999) : Les titres que nous avons reçu de cet éditeur sont les suivants :
Cette œuvre en trois tomes de plus de 1.500 pages, avec des index onomastiques et
analytiques, s’avère indispensable pour qui s’intéresse à l’Histoire des Religions, ou
simplement à l’Histoire de la Culture, outre les investigateurs en thèmes ésotériques.
C’est un véritable héritage de Mircea Eliade qui, né en Roumanie en 1907, a travaillé
inlassablement sur ces sujets, jusqu’à sa mort survenue en 1986, alors qu’il était
professeur à l’Université de Chicago. Son œuvre immense, qui est aujourd’hui
pratiquement incontournable, a été plusieurs fois remarquée par SYMBOLOS et se
trouve présente dans les apports de ses rédacteurs.
Compilation de Joseph Campbell, l’un des plus grands auteurs d’Amérique du Nord se
consacrant aux mythes et à la « philosophia perennis ».
Un livre court, mais clair et précis sur le sujet, composé de cinq conférences données
par l’auteur, à Zurich. Marie-Louise von Franz peut être considérée comme l’une des
plus éminentes disciples de Carl G. Jung, et cet ouvrage représente un petit classique
sur tout ce qui concerne les différents oracles ; depuis les chinois jusqu’aux grecs, en
passant par les mayas-quichés. Elle marie la vertu de l’érudition à une simplicité de
style qui rend son œuvre accessible à un vaste public.
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THE ONLY TRADITION. William W. Quinn Jr. Suny: State University of New York Press,
Albany 1997. 384 pages
L’auteur, élève de Mircea Eliade à l’Université de Chicago, fut chargé par son
professeur de l’étude des œuvres de René Guénon et de A. K. Coomaraswamy. Quinn
definit un panorama appréciable au sujet de ces deux grands auteurs, tout en incluant
la Théosophie et Madame Blavatsky dans une grande partie de son étude. Cela lui valut
les critiques des « schuonniens », malgré son insistance à déclarer que F. Schuon a
recueilli le flambeau de ces deux auteurs, objets de son étude, et de le proclamer
« autorité » en la matière. Il critique aussi en particulier Antoine Faivre et
« l’historicisme » du courant qu’il conduit, bien qu’il se dise comme lui élève de Mircea
Eliade.
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ORIENTE Y OCCIDENTE. Luis Racionero. Ed. Anagrama, Barcelone, 1993. 220 pages
Le titre de cet ouvrage est particulièrement significatif pour nous, puisque c’est celui
d’une œuvre homonyme de René Guénon, ayant paru en 1924 ; le sujet est cependant
tout aussi actuel, et la conclusion de Racionero est en somme la même que celle de
Guénon : il existe une suprématie intellectuelle (entre le monde de l’Orient et l’homme
occidental et son milieu culturel).
Cet ouvrage offre un panorama des idées et de la culture contemporaines par rapport
aux valeurs pérennes généralement propres aux civilisations orientales, et qui se
trouvent aux racines de toute culture, à commencer par celle que nous avons héritée
des grecs, des alexandrins, des romains, des hébreux, des arabes, etc., c’est-à-dire dans
notre héritage occidental, constituant la trame la plus profonde de l’être humain.
La capacité d’expliquer des concepts ardus pour l’esprit qui n’y est pas encore entraîné,
d’une façon simple et claire, recherchant l’exemple facile, parfois évident, pour
exprimer des pensées philosophiques, comme souvent l’ont fait les sages,
particulièrement dans le Taoïsme, est le premier message de ce livre où le privilège de
la lucidité se joint à la clarté de l’exposé même si l’on n’y adhère pas totalement, et
même si l’on n’est pas d’accord avec toutes les assertions de Luis Racionero et que l’on
ne parvienne donc pas aux mêmes conclusions.
Mais en même temps, nous nous demandons si cet exposé de la pensée orientale est
encore valable pour les peuples qui lui ont donné naissance, et l’on pourrait en douter
rien que d’après l’exemple de l’invasion japonaise du continent (Chine, Corée,
Mongolie, etc.), fait très récent dont on n’oublie ni la cruauté exercée sur d’autres
supposés « frères » orientaux, ni le manque de symétrie caractérisant certains groupes
de l’Inde et de l’Extrême-Orient, en quelque sorte analogue à celle qui dresse l’une
contre l’autre certaines factions de l’Islam.
La tragédie est ce genre littéraire caractérisé par un dilemme dont le discours, qui se
multiplie et va crescendo, en une progression vertigineuse et surtout inéluctable, et
fatalement, cours vers sa propre fin ; c’est ce qui advient à la pierre lâchée du haut
d’une tour et qui augmente sa vitesse de façon géométriquement proportionnelle.
C’est ce qui arrive aux temps modernes, comme c’est arrivé à d’autres cultures au
cours des temps, sujets bien connus des civilisations orientales qui, elles, contemplent
comment se reproduisent les mystérieux détours et cycles de la Roue de la Vie et ses
desseins ; personnellement, nous croyons en la libération de l’individu et même du
groupe, et nous nous y efforçons, mais à ce stade de la compétition, nous pensons que
la reconversion sociale est impossible, à l’instar des personnages de la tragédie qui ne
peuvent échapper à leur Destin.
Quoi qu’il en soit, ces textes brillants et intelligents sont les bienvenus, ainsi que la
synthèse qu’ils renferment et leur forme d’expression, et bien que nous ne soyons pas
totalement d’accord avec toutes leurs assertions et conclusions, l’envergure de
l’analyse est évidente en regard de la spéculation littérale et « officielle », soi-disant
philosophique, à laquelle nous sommes habitués.
Pour terminer, nous signalerons l’exposé extrêmement intéressant sur la physique
quantique le monde de l’infiniment petit comprise d’une façon exemplaire, ce qui n’a
pas forcément de rapport avec toutes les conclusions qu’en tirent d’autres auteurs,
comme F. Capra ; quoique la participation de « l’observateur » qui se transforme en
sujet de l’acte créatif est une réalité, pas une hypothèse.
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PARABOLA The Magazine of Myth and Tradition. 656 Broadway, New York, NY 10012.
U.S.A.
VOLUME XVIII, Number 2, "PLACE AND SPACE" (Summer 1993): Scott Russell Sanders:
Telling the Holy; William Maxwell: Home; An interview with Robert Lawlor: Dreaming
the Beginning; Janet Heyneman: Nostalgia for the Present; Czeslaw Miloz: On Exile;
Shritvatsa Goswami and Margaret Case: The Birth of a Shrine; Martin Lev: The Gate of
Mercy; Sara Rossbach: Feng Shui; David Ulrich: Hawai´i, Landscape of Transformation;
Wayne Teasdale: A Glimpse of Paradise; William Shelton: Free Space; Ron Matous:
Among These Mountains; Tangent; Epicycles; Poems; Book Reviews; Currents &
Comments.
Cette revue qui paraît tous les quatre mois, fondée il y a dix-huit ans par D. M. Dooling
et dans laquelle l’on a pu lire des signatures aussi respectables que celles de Mircea
Eliade, du Dalaï-lama, de Joseph Campbell, de Joseph Epes Brown, etc., offre un vaste
panorama à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, ont approché ou s’intéressent
à la recherche de l’être, au-delà des opportunités qu’offre une vie calquée sur les
normes du système et son adhésion à quelque partie du monde moderne. En effet,
dans cette revue se succèdent des notes sur des traditions « religieuses » parfaitement
vivantes, comme l’islam, le judaïsme, l’hindouisme, le bouddhisme, le bouddhisme zen,
etc., en alternance avec la Tradition Hermétique et la Gnose Occidentale en général, et
surtout, et c’est là son grand apport concernant diverses études sur la culture des
différents peuples archaïques et « primitifs ». Elle possède aussi un aspect tourné vers
la psychologie que nous ne partageons pas complètement, tout en considérant la
psyché comme une voie de passage, apte à être transcendée et non pas niée en bloc,
justement une expérience à surmonter afin de pouvoir reconnaître les différences sur
le chemin de la réalisation individuelle, tout comme les sciences de la nature le font par
d’autres moyens : faire face au surnaturel.
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Nº 25. Seconde époque. Été 1999. 120 pages. 120 p., "Celtíberos. Homenaje a José Luis
Argente": Un día en Tiermes, 25 años después: Carlos de la Casa, Religión y ritual
funerario celtibéricos: Alfredo Jiménez, El origen de la cultura celtibérica: J. Arenas y J.
P. Martínez, Los arevacos y sus ciudades: Francisco Burillo, Soria y la herencia
numantina: José I. de la Torre, El vaso de los guerreros de Numancia: Fernando
Romero, Cosmogonía védica del numantismo, vaso de los toros: Angel Almazán, Los
celtíberos: poblamiento y formas de vida: Gonzalo Ruiz.
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Nº 11 : d’avril a septembre 1996. Sommaire : Nueva etapa del proyecto REB; Artículos:
G. P. Malalasekera y K.N. Jayatilleke: El Budismo y la cuestión racial; Fernando Tola y
Carmen Dragonetti: Eternidad del Dharma en el Sûtra del Loto; Historia: Jan Hendrik
Kern: El Budismo en Java, Bali y Sumatra; Términos y conceptos budistas: Vijñanavada:
Idealismo; Giuseppe Tucci: La Escuela Idealista del Budismo; Abstracts; Texto: Maestra
Dzau Dzan, F. Tola y C. Dragonetti: Pa ta jen kiao king: El Sûtra de los ocho
conocimientos de los grandes seres predicado por Buda; Notas Breves: Luciano Petech:
Giuseppe Tucci (1894-1984). Noticias: Actividades de la Asociación Latinoamericana de
Estudios Budistas (ALEB), Actividades de FIEB en 1995; Reseñas: Dhammapada, Edited
by O. von Hinüber and K. R. Norman, with a complete World Index complied by Shoko
Tabata and Tetsuya Tabata, Oxford, The Pali Text Society, 1994; Colaboradores.
C’est le début d’une nouvelle étape de cette revue, qui maintiendra les critères
exprimés dans la présentation du premier numéro, ainsi que le communiquent ses
directeurs qui annoncent également deux importantes modifications apportées à leur
édition : un nouveau format de 88 pages contre 176 auparavant, mais avec des
changements destinés à ne pas réduire le matériel dans les même proportions ; et la
publication d’une collection parallèle de textes basiques du bouddhisme en version
espagnole, au rythme de deux par an, avec une introduction et de courtes notes, et le
même nombre de pages que la revue, en complément de cette dernière.
Ils nous informent également que la revue a accompli le projet sur cinq ans qu’elle
s’était donné lors de sa fondation par l’Association Latino-Américaine d’Études
Bouddhistes, de Mexico ; elle a été éditée, et continuera de l’être, avec le support de
l’Institut International d’Études Bouddhistes de Tokyo et la collaboration technique de
Reiyukai de Mexico ; dans ce laps de temps, elle a publié dix numéros, pour un total de
1934 pages et 14500 exemplaires.
Les directeurs considèrent que leur revue a atteint les objectifs qu’ils s’étaient
proposés pour cette étape, en divulguant ce qu’est réellement le Bouddhisme auprès
de gens qui ne le connaissaient pas ou qui n’en avaient qu’une idée erronée ou
déformée, et en permettant à d’autres de comprendre plus en profondeur les
pratiques qu’ils réalisent.
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1993 : Voilà déjà six ans que HETERODOXIA a commencé à sortir, ce qui a représenté
pour beaucoup la possibilité de s’exprimer sans faux-semblants sur des sujets
marginalisés par la pseudo-intellectualité et la science du terne et médiocre petit
monde universitaire et culturel. Sa parution nous disait que l’Espagne d’Unamuno,
d’Ortega y Gasset et d’Eugenio d’Ors, pour n’en nommer que trois (et en omettant
complètement l’extraordinaire tradition littéraire et culturelle espagnole cristallisée par
le Siècle d’Or), n’était pas morte, et que contre l’avalanche commerciale des Albertos,
Mario Conde, Banesto, el Banco Popular et Cambio 16, les structures de l’homme
espagnol étaient encore indemnes, en dépit des circonstances vécues par son ego, qui
était le spectateur d’équivoques aussi pathétiques que tragi-comiques qui sont encore
très loin d’être dissipées.
Heterodoxia s’est caractérisée par les qualifications des auteurs présentés, beaucoup
d’entre eux étant déjà des écrivains connus comme José Luis Aranguren, Raimundo
Panikkar, José Montserrat Torrents, etc., et d’autres qui le deviendront. Malgré tout,
plusieurs des articles se perdent généralement en digressions et, à une certaine
époque, beaucoup d’abonnés jugeaient excessif le traitement donné à des problèmes
théologiques, donc religieux, abordant certaines attitudes personnelles sans but précis,
bien que se rapportant à l’état civil de Maître Jésus, qui a parfois été dit marié avec
Marie-Madeleine, Jean, l’évangéliste et le prophète apocalyptique, ayant été le fruit
charnel de cette union. Ses rédacteurs se sont par ailleurs plus d’une fois référés à la
vision ésotérique présente dans la Tradition Unanime et dans la Philosophie Pérenne
en tant que « occultisme », sans posséder de la Science Sacrée, semble-t-il, plus qu’un
savoir superficiel et profane, alimenté par des revues comme « Más Allá » ou similaires,
bien que, curieusement, ils semblent vraiment croire qu’ils savent de quoi ils parlent.
Pour terminer, nous mettrons l’accent sur un article sur SYMBOLOS, que signe un
membre du conseil de rédaction, également collaborateur de notre revue, José Antonio
Antón qui, après avoir présenté SYMBOLOS et s’être référé au sous-titre Art, Culture,
Gnose et en particulier aux symboles, déclare : « C’est tellement ainsi que la propre
histoire de la culture est impensable sans la considération d’éléments comme ceux
fournis par le symbolisme traditionnel, en dépit de l’intérêt de certains milieux
« intellectuels » pour occulter ou éviter le sujet. Pour tout cela, le champs d’action des
symboles auxquels se réfère le titre de la revue en question est suffisamment éclairci. »
Et il poursuit : « Mais si nous voulons définir davantage la direction de SYMBOLOS, nous
pouvons préciser qu’elle répond aux critères de la philosophie de René Guénon, et il ne
pouvait en aller autrement d’un contenu qui se veut traditionnel. » Et ensuite, après
avoir rendu éloge au fait qu’il ne voit dans notre publication aucun indice de
« chapelle » ou de « secte » de quelque type que ce soit, et d’avoir vanté notre
présentation et notre iconographie, il termine en disant : «En définitive, nous nous
trouvons devant une revue qui, sans aucun doute, sera à partir de maintenant un point
de référence pour qui désirera connaître le développement et le traitement de la
pensée traditionnelle parmi nous. »
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Nous avons reçu un bel ouvrage sur l’œuvre plastique d’Helena Tarasido qui englobe
près de quarante ans d’un travail fécond. Ce livre, fort bien construit par Editart à
Genève, en Suisse, comprend une étude critique de Rafael F. Squirru et une exposition
graphique bien documentée sur les différentes phases de production de l’artiste et les
diverses techniques utilisées, avec de très bonnes reproductions en couleurs ou en noir
et blanc.
A la vue de ce document, l’œuvre de ce peintre est prise à sa juste valeur et l’on admire
l’effort, le nerf, la persévérance d’un précurseur qui, sans fléchir et à l’encontre des
courants de la mode, se battit à l’avant-garde picturale d’Argentine pour fixer l’image
de la beauté, toujours changeante et révélatrice, dans une recherche permanente où
se recrée l’atmosphère magique, parfois au moyen de paradoxes de forme, de tracé ou
de couleur, ou par le biais de visions instantanées patiemment élaborées ou emportées
dans des accès déchaînés par de subtiles énergies. Connaissant la Tradition Hindoue,
influencée par les symboles amérindiens et les symboles ésotériques en général,
éternelle voyageuse aux inquiétudes intellectuelles et amante naturelle du Mystère, ce
n’est pas pour autant que la peinture de ce précurseur se soumet aux préceptes, mais
au contraire, exprime de façon personnelle les idées et les intuitions que l’homme
porte en lui en permanence. Elle tente ainsi de percer les limites pour rechercher un
champs plus vaste, à un point tel que, suivant cette direction spatiale, non seulement
les ego pourraient se transposer, sinon que l’être pourrait affronter le Non-Être, la non-
dualité, et l’idée d’une déité non personnalisée, ou d’une personnalité qui se
dépersonnalise.
Science sacrée
Un tel cheminement implique toutefois une véritable metanoïa : une rupture avec le
monde profane et les idoles de la modernité (l’illusion du «progrès» matériel, le «règne
de la Quantité», l’imposture d’une «science» qui nie toute réalité surnaturelle et toute
connaissance métaphysique, l’obsession de la production matérielle, de la
consommation etc.) — mais aussi avec toutes les formes pseudo-religieuses,
hétérodoxes ou parodiques (occultisme, spiritisme, théosophisme, sectes, satanisme…)
nées de l'ignorance et du déchaînement des forces ténébreuses. En cette fin du Kali-
Yuga («l’âge sombre» ou «l’âge de fer» de l’Hindouisme) où l’obscurcissement spirituel
atteint un degré inégalé et où la modernité s’affirme de plus en plus comme une
contre-civilisation, l’homme spirituel — a fortiori celui qui est engagé dans un
cheminement initiatique —, ne peut être, au contraire, qu’un humble témoin de la
Tradition Une et universelle. Celle-ci, qui trouve son “point de départ” dans la Lumière
omniforme incréée, est d’origine supra-humaine ; c’est elle qui vivifie toutes les
grandes traditions spirituelles «orthodoxes» de l’humanité et fonde ce que F. Schuon a
appelé «l’unité transcendante des religions». Pour Guénon, la manifestation obéit à
une “loi” d’involution spirituelle — d’éloignement cyclique du Principe, depuis l’état «
paradisiaque » jusqu’à la décomposition finale et la résorption dans le Principe : «Le
développement de toute manifestation implique nécessairement un éloignement de
plus en plus grand du principe dont elle procède ; partant du point le plus haut, elle
tend forcément vers le bas, et, comme les corps pesants, elle y tend avec une vitesse
sans cesse croissante.»(3) On comprend mieux alors, l’importance de “l’œuvre” de
Guénon : en ces temps d’obscurcissement spirituel, elle a ouvert l’accès —
providentiellement ?— à la métaphysique orientale (hindouisme, taoïsme), permettant
ainsi à l’Occident de retrouver ses propres principes et de mieux comprendre son
patrimoine spirituel. C’est ce que souligne Frédérick Tristan lorsqu’il écrit que Guénon
fut un des ouvriers d’une «restructuration spirituelle» qui aura permis de «remettre en
place» ce qui avait été «égaré»(4) — perspective absolument essentielle, sur laquelle
Xavier Accart conclut aussi son entretien dans le présent numéro de la Lettre de
Symbole : «Ses écrits tentèrent d’éveiller ses contemporains à cette “puissance de
l’âme” où, pour reprendre les termes de Maître Eckhart, “Dieu verdoie et fleurit
totalement, dans toute la joie et tout l’honneur qu’il est en lui-même”…»
Bibliographie :