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Leçon 50. Le pouvoir et les pouvoirs


Le pouvoir politique, ou pouvoir souverain, s’exerce par l’entremise d’un homme ou d’une assemblée d’hommes. Nous
admettons communément que sa mission est d’assurer la cohésion sociale, le développement et la prospérité de l’État. Cela
n’est possible que sous la condition que son autorité soit établie et maintenue. Si l’État n’avait pas d’autorité reconnue, il
n’aurait pas de pouvoir et ne pourrait pas assurer sa mission, il ne pourrait pas s’élever au-dessus des autres formes de pouvoir.
Il n’existerait pas.

Si tout pouvoir politique suppose une autorité, il n’est pas évident par contre de déterminer ce qui peut en garantir l’autorité
et donc par là fonder le pouvoir politique lui-même. Nous voyons qu’un état comporte toujours beaucoup de rivalités. Et qui
dit rivalité, dit conflit à résoudre devant une instance supérieure. Le pouvoir n’est-il pas là pour résoudre les conflits ? N’existe-
il pas de part sa seule capacité à exercer une contrainte ? Notre première ligne d’analyse partira donc de la considération de fait
du pouvoir dans son exercice.

A quoi tient donc le pouvoir ? A une transmission de l’autorité? A des raisons psychologiques ? A sa force de domination vis-
à-vis des autres formes de pouvoir? En définitive, faut-il parler du pouvoir ou bien des pouvoirs ?

* *
*

A. Les facteurs de légitimation du pouvoir politique

Le pouvoir est un terme qui a un sens qui excède la politique. Il désigne une capacité qui est en puissance et peut passer en
acte. L’eau a le pouvoir de se transformer en glace sous l’action du refroidissement en dessous de 0°. Un regard langoureux a le
pouvoir de faire naître le désir, on parle de pouvoirs pour désigner les prodiges des yogis des Himalaya, comme pour tout ce
qui relève de la magie etc. Le pouvoir politique a une place particulièrement importante, parce qu’il est un symbole de
puissance en ce monde, - la puissance temporelle - parce qu’il est celui qui est le plus convoité, celui dans lequel les hommes
peuvent exprimer une volonté de puissance - celle de dominer d'autres hommes -, et un désir de reconnaissance - celui de
l’égomaniaque et du tyran. (texte)

Le pouvoir politique se forme historiquement à travers un processus par lequel il se dote d’une autorité devant le peuple vis-
à-vis duquel il s'exerce. Cependant, suivant la caution d’autorité qu’il reçoit, il prend une signification différente. En d’autres
termes, il faut comprendre comment le pouvoir se légitime. On peut, avec Max Weber, distinguer historiquement (texte) trois
facteurs de légitimation du pouvoir :

1) La tradition était autrefois, et reste encore dans certains pays, la garantie suffisante de l’autorité du pouvoir. Dans une
société traditionnelle, les pouvoirs sociaux et politiques sont confondus. Le chef, le roi, incarne le pouvoir politique, judiciaire
et législatif. Ce n’est pas tant une question de personne, qu'une sanctification du pouvoir qui vient de l’inertie propre aux us et
coutumes. C’est la coutume qui veut que le chef transmette le pouvoir à son fils. C'est la coutume qui veut que le dauphin soit
roi, parce que cela s’est toujours fait ainsi. C'est la coutume qui dit qu'il est juste qu'il en soit ainsi. Un peuple qui a un grand
respect des traditions ne modifie pas le pouvoir de la coutume, il le perpétue. La force des habitudes fait passer pour une
loi ce qui a toujours été pratiqué jusque là. Le pouvoir traditionnel est issu des
coutumes. C’est ainsi que l’on on sacre l’enfant roi, par simple filiation, sans autre
légitimation du pouvoir que l’autorité de l’éternel hier, de l’ancienneté de la coutume et des
traditions. La tradition a son autorité propre, elle est une référence dans la mémoire des
hommes, car elle transporte des valeurs dignes d’être respectées. La tradition donne au temps
une continuité. Le passage du temps instaure la pérennité les usages et leur donne une validité
immémoriale.

Dans le même sens, la religion, loin de s’opposer à cette conservation de l’hier, vient ajouter
son poids d’autorité à la tradition. Elle donne au pouvoir une valeur sacrée : elle enseigne que
tout pouvoir vient de Dieu et non des hommes. Attenter à la tradition, c'est attenter à un
ordre sacré, attenter à la personne du souverain est un blasphème. Le souverain traditionnel
concentre sur sa personne le pouvoir politique auréolé du prestige du culte. Aux yeux des
individus en société, il est beaucoup plus qu’un homme. Il incarne un pouvoir divin et c’est
cette aura de pouvoir sacré qui le rend respectable. Et non pas la seule contrainte qu'il exerce.
Le rapport du sujet au souverain est teinté d’une crainte superstitieuse, mais aussi d'un
respect du sacré. On attribue au souverain des « pouvoirs » magiques, comme on les attribue
aux prophètes religieux. La religion rassure les peuples, elle conforte les hiérarchies établies, elle le fait si bien qu'elle tend à
faire de l’ordre établi un ordre sacré, qui ne saurait être changé sous peine de profanation. Comme dans les sociétés
traditionnelles, la distinction entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel (texte) n’est pas faite, le souverain cumule en
lui-même les deux pouvoirs. Il est regardé comme un chef et le représentant de Dieu sur terre. La tradition est le facteur social
de légitimation du pouvoir. Notons que la tradition n’implique pas en fait tel ou tel régime en particulier, mais avant tout la
confiance et l’attachement d’un peuple à un système traditionnel. A notre époque, en occident, cette forme de pouvoir ne
semble plus au premier plan, comme c’est le cas dans d’autres continents. Il n’en reste pas moins que la puissance de la
tradition est considérable. Elle est tout à la fois la préservation d'un passé et une continuité au sein du changement, tout en
ayant aussi le caractère de maintenir un carcan rigide qui fait perdurer des pratiques parfois moralement discutables. La
rigidité des traditions et leur corruption appellent la nécessité des révolutions.

2) Le déclin de la tradition, la montée de l’individualisme des temps modernes, a favorisé une seconde forme de légitimation
du pouvoir, que Max. Weber dénomme le charisme. A l’origine pourtant, le charisme avait une origine religieuse, il était la
grâce personnelle que Dieu accordait à un élu, ce qui lui conférait un pouvoir extraordinaire. Dans la sphère politique, il en
reste l’idée que certains hommes sont appelés à être des héros de l’Histoire, des conducteurs d’âme, comme dirait Hegel. Par
charisme, on entend le pouvoir qui émane du rayonnement d’une personnalité. Le pouvoir charismatique vient de la
reconnaissance, par la conscience collective d’un peuple, du charisme d’un homme politique, et fait accepter
l’idée que la volonté personnelle d'un homme peut s’identifier avec la volonté de l’État, comme s’il incarnait
l’esprit de la nation. Dans l’esprit du peuple le pouvoir d'un homme devient légitime quand il devient, à la suite d’une
révolution, celui d'un "sauveur", d'un "chef", d'un "guide suprême" d'un conductor, d'un
führer, d'un grand leader etc. Le peuple voit en lui un personnage qui a une vocation,
celle de prendre en main les rênes du pouvoir pour le conduire vers un avenir meilleur.
Le leader charismatique est appelé à jouer un rôle sur la scène de l’Histoire. A travers lui
le peuple sent comme un appel de son destin. Si le pouvoir acquiert alors une légitimité,
ce n’est plus en fonction de la coutume, ou du fonctionnement normal des institutions,
mais pour des raisons psychologiques, parce qu’il est perçu comme emblématique à
travers la figure d'un chef charismatique.

Il est indéniable que cette forme de pouvoir a toujours existé. Il y a eu à toutes les
époques des chefs charismatiques. César, Pompée, Lénine et Staline, Mussolini et Hitler,
Churchill, Mao Tse Toug, Che Guevara, Fidel Castro, ou encore De Gaule ou François
Mitterrand ont en commun un charisme indéniable. Nous pourrions suivre Hannah
Arendt qui veut montrer que dans un système totalitaire, le charisme joue moins de rôle
que l'emprise policière. Cependant, on ne voit pas comment un homme politique pourrait
s’imposer, sans une certaine force de personnalité. Et le mot charisme dit avant tout cela.
C’est aussi un fait que bien souvent l’électeur vote davantage pour un homme que pour
des idées ! Si le charisme est le facteur psychologique important de légitimation du
pouvoir, il reste cependant à discuter dans quelle mesure ce genre de fondement peut se
suffire à lui-même. S'il est indéniable que beaucoup d’électeurs votent plus pour une
personne que pour ses idées, cela n’a pourtant rien de rationnel. Cela ne pourrait l'être
que si le charisme était celui d'un sage. Dans la pratique, le charisme est irrationnel. Un pouvoir excessivement personnalisé
peut-être abusif, justement parce qu'il est personnalisé alors qu'en réalité, il ne fait que réaliser en lui un fonction impersonnelle
de service de l'État.

3) Le pouvoir légal repose sur une légitimation du pouvoir qui résulte de l’autorité des lois. C'est le seul facteur
de légitimation qui puisse être admis de manière rationnelle. Le pouvoir, au sens moderne de nos démocraties, est réglé par un
fonctionnement reconnu, qu’assure le jeu des institutions. C’est le seul qui corresponde à l’État démocratique dans ses idéaux,
dans la mesure où le citoyen peut rationnellement admettre un pouvoir qu’il a lui-même délégué. Le citoyen se soumet
rationnellement à des lois qu’il estime valides pour tous. La légalité repose sur des règles établies de telle manière qu’il est
possible d’en rendre raison. Elle suppose implicitement un contrat social que chacun est à même de reconnaître. Une coutume
ne se justifie pas, elle ne fait que se répéter ; le charisme en impose, mais il n’a pour lui que sa puissance qui est aussi contrainte,
tandis que la loi se discute et se vote. Elle ne contraint pas le citoyen, elle l’oblige, ce qui est très différent. Dans la mesure où
l’État se doit de neutraliser la violence, il ne peut le faire en toute rationalité qu’en lui opposant l’autorité des lois. Si l’État
exerce une violence, il la justifie aussi par le respect du droit. Le citoyen peut reconnaître l’autorité de la loi et par suite, l’usage
de la force au nom du droit. Max Weber admet ainsi que l'État dispose du monopole de la violence légitime.

Le pouvoir politique qui fonde l’État moderne est un pouvoir de droit, sa légitimation vient du consentement collectif dans
des lois admises. Cela implique que celui qui exerce le pouvoir de droit n’en n’est pas propriétaire mais seulement dépositaire.
J.J. Rousseau dit que le politique est un ministre du peuple. Cette distinction ne peut pas être marquée dans la légitimation de la
coutume et du charisme, où, à l’inverse, le souverain est justement senti comme propriétaire du pouvoir. Aussi, en vertu du
fondement légal du pouvoir, le souverain n’a pas la liberté d’en user selon son bon plaisir.

L’existence du pouvoir traditionnel et du charisme nous montre au moins que l’on aurait tort de se faire une idée trop
rationnelle du pouvoir. Le pouvoir politique n’est pas une puissance dont les ressorts sont entièrement rationnels, pas plus que
le pouvoir économique. La légalité est de toute manière formelle par principe et cette forme recouvre une réalité qui est l’état
de la conscience collective d’un peuple.
Tout ce que l’on peut dire, c’est que l’exercice du pouvoir dans nos démocraties est suspendu à des institutions
indépendantes de la volonté, des passions et à des intérêts propres de ceux qui gouvernent. Dans l'idéal, il faut donc poser que
le pouvoir politique est en fait l'expression de la volonté générale d'un peuple. Mais un fois admis ce point, il faut encore
comprendre l’interaction entre pouvoir politique et pouvoirs sociaux.

B. Le citoyen et les affrontements de pouvoirs

La question du pouvoir est complexe, si on a égard à ce que représentent les fluctuations et les tensions de la conscience
collective au sein de l’État. Il y a en fait autant de pouvoirs que de groupes de pression dans l’État. Les églises, les syndicats, les
partis politiques, les corporations de métiers, les groupes industriels, la presse, les sociétés sportives même, etc. sont des
pouvoirs. Tous les lobbies qui interviennent sur la scène politique et font pression sur l’Assemblée sont des pouvoirs. En fait,
toute organisation, qu'elle qu'elle soit, instaure un pouvoir. (texte)

Le champ d’exercice du pouvoir politique ne se ramène donc pas, comme on le croit à tort, à imposer sa volonté à une unité
homogène qui serait « le peuple ». Il ne suffit pas de dire que le gouvernement exerce le pouvoir sur le peuple ou au nom du
peuple, ce qui est une vue très abstraite. L’exercice concret du pouvoir consiste bien plutôt dans une volonté de concilier des
forces hétérogènes dans l’État. L’État est traversé de tendances, de pressions multiples qu’il s’agit d’orienter de telle manière
que leur résultante aille dans une direction qui soit progressive pour le bien de tous. On ne peut pas regarder le pouvoir de la
même façon quand on est dans l’opposition et quand on est aux affaires ! La bonne volonté du politique se heurte à des
pressions multiples et contradictoires. Il faut faire une distinction entre la volonté morale, qui considère tout ce que le
politique devrait être capable de réaliser, sans tenir compte du réel, et la volonté politique, qui se voit en butte à des forces
sociales considérables, qu’elle doit savoir gérer. Aussi l’exercice du pouvoir oscille-t-il entre deux extrêmes : l’autoritarisme
qui impose de force une volonté politique et le consensus mou qui finit par abandonner toute volonté politique, tout courage
de réformer, pour le souci d’équilibrer des intérêts.

De cette situation nous avons l’image dans la société américaine dans le politiquement correct. Il faut éviter de déplaire à la
presse, aux financiers, aux minorités noires, hispaniques, asiatiques, à l’électorat juif, aux courants intégristes chrétiens, éviter
de heurter les homosexuels etc. Il faut ménager les groupes de pression, d’où la neutralisation du discours du politique et une
langue de bois consensuelle. C’est la même situation dans tous les pays du monde, dans la mesure où le corps politique n'a pas
d'unité réelle, où il est divisé en groupes d’intérêts dont on cherche, à travers des compromis, à rallier la bonne volonté.

Dès qu’un individu s’identifie à un groupe social, il en accepte les intérêts et il cherche à les défendre. Il admet les règles
disposées par son appartenance et fait corps avec ceux dont il se sent solidaire. Par là, il sent sa volonté personnelle
augmentée, il sent que sa voix compte davantage, parce qu’il reprend à son compte les intérêts d’un groupe influent. Il se sent
solidaire de telle ou telle cause, dans telle ou telle forme d’association qui tend à la communauté. Ses revendications
personnelles se trouvent agrandies et il exige alors une reconnaissance de ses droits. La lutte des intérêts privés est une guerre
sans fin qui mine de l'intérieur tout État. Il y a là un fait social du pouvoir qui prend dans la démocratie un relief encore plus
grand, que dans tout autre régime politique, dans la mesure où la démocratie favorise l'expression des opinions. La démocratie
tend en effet à évaluer l’importance d’un point de vue en l’objectivant dans le nombre des suffrages en sa faveur, dans la mesure
où il compte pour lui un nombre important d’individus. C'est une caractéristique normale de la postmodernité. L’appartenance
à un groupe social se traduit par des pressions morales, des obligations sociales pour les membres d’un groupe social et par des
exigences vis-à-vis du corps politique tout entier.

Concrètement, lors d’une élection comment votons nous le plus souvent ? Par identification ! A votera comme B, C, D, pour X
parce qu’ils se reconnaissent l’expression de leurs intérêts particuliers dans les revendications affirmées par X. A, B, C, votent
pour X parce qu’il est le porte parole de leurs intérêts. On a vu dans des élections des candidats qui se présentent comme
candidats des paysans, des travailleurs, de l’aristocratie, du patronat, des chasseurs etc. Comme si l’exercice du pouvoir
politique consistait à soutenir l’intérêt privé. Le jeu de la démocratie favorise l’association pour la représentation, car elle est
pratiquement indispensable pour l’efficacité de l’action. Rester isolé dans notre monde, c’est être condamné socialement . Il
n’est possible de se faire entendre dans les médias que lorsque l’on représente une association - même si elle ne compte que
deux membres ! Mais toute collusion d’intérêts constitue en même temps un pouvoir qui tend à s’affirmer d’abord pour lui-
même et contre l’intérêt général et de cette affirmation de soi contre les autres surgit le conflit.

D’où viennent les conflits sociaux que l’Etat doit arbitrer ? Des luttes entre les pouvoirs au niveau social. Les revendications
des routiers s’opposent aux intérêts de leurs patrons. Les aiguilleurs du ciel partent en guerre contre les décisions de leur
direction. On bloque les routes, on casse des machines, on immobilise des aéroports au nom du droit de faire valoir ses intérêts
contre des intérêts opposés. A l’intérieur d’un groupe social, l’homme se sent exister plus fortement, car il y trouve une forme
d’identification. Il peut se définir comme agriculteur, routier, fonctionnaire, infirmier etc. Il semble aussi plus facile de
constituer des groupes de pression contre quelque chose (l’horaire d’été, la peine de mort, l’immigration, l’insécurité, etc.) que
pour quelque chose (la paix, la liberté etc.). La dualité nous/eux, nos intérêts/leurs intérêts, mobilise davantage que l’intérêt
de tous, puisqu’un ennemi est tout désigné. La dualité rend possible les luttes sociales.
Cette situation engendre aussi, du point de vue individuel, des déchirements moraux. Comment nous situer en tant que
citoyen ? Le citoyen est sommé de se situer au milieu des luttes de pouvoir. L’accomplissement des devoirs envers un groupe
de pression est souvent incompatible avec les devoirs envers un autre groupe de pression, et accepter la valeur de l’intérêt
général n’est pas toujours facile. Les devoirs sociaux peuvent s’opposer au devoir du citoyen. En tant qu’agriculteur, je peux
m’insurger contre des directives européennes, mais en tant que membre du parti au gouvernement, je ne peux pas voter contre
et si je m’abstiens, je ne fais pas mon devoir de citoyen. La condition de l’individu en société est celle du conflit, du tiraillement
entre des intérêts différents : conflit entre des instances opposées ou concurrentes. Il faut donc que nous prenions une
conscience aiguë de notre responsabilité en tant que citoyen par-delà les luttes de pouvoir et cela ne saurait se faire sans une
éducation appropriée.

Si l’État est à ce point un lieu d’opposition larvée des pouvoirs, il y a donc nécessité d’en régler l’affrontement, sous peine de
le voir éclater, sous peine de décomposition interne. Cela veut dire établir une hiérarchie, délimiter strictement leurs
compétences, arbitrer des différents et tenter surtout de ne jamais perdre de vue ce qui relève de la volonté générale. Derrière
les pouvoirs règne une violence sourde.

La solution que la philosophie politique exprime devant un tel état de fait, c’est qu’il faut un pouvoir supérieur à tous les
pouvoirs sociaux, et telle est bien la justification du pouvoir politique. En raison du caractère conflictuel de l'état
social, si la politique a un sens, ce doit être au minimum de pouvoir arbitrer les conflits et de faire régner
l’ordre, au mieux, de conduire un État vers une plus grande prospérité, tout en assurant à chacun la
jouissance de sa liberté.

C. La force du pouvoir et la raison d’État

C’est donc un problème difficile, car il pose la question de la force du pouvoir souverain et de son usage. Le pouvoir politique
n’est le pouvoir que s’il est pouvoir Souverain. Or cela peut d’abord s’interpréter en disant qu’il n’y a de pouvoir digne de ce
nom, que celui qui aura une force suffisamment grande pour s’opposer aux rivalités. Il n'y a de pouvoir politique réel que celui
qui est capable de faire passer l'intérêt supérieur de l’État, au dessus des intérêts privés.

1) Il semble bien que pour cela, il soit nécessaire que la nation, en devenant un État, se dote d’un pouvoir fort. à travers un
souverain qui saura l’exercer. C’est dans ce sens que s’orientent les analyses de Machiavel dans Le Prince. La politique, d’un
point de vue concret, dit réaliste, se définit comme exercice du pouvoir et cet exercice du pouvoir possède un
aspect technique. La politique est une pratique par laquelle celui qui gouverne parvient à maintenir son autorité. Cette
technique suppose que le souverain se donne les moyens de son pouvoir. Machiavel va très loin dans cette analyse de la
pratique de la politique.

Il faut par exemple savoir paraître devant le peuple sous la forme d’une autorité incontestable capable d’imposer sa force,
être craint, sans pour autant être détesté. Cela signifie que le souverain effectue un constant
calcul d’intérêt au nom d’une instance suprême qu'est la Raison d’État. Il se doit de conserver
l’intégrité de l’État et de tenir en respect les forces qui risqueraient de le dissoudre. Le souverain
doit savoir se servir du pouvoir, l’exercer au bon moment, en tenant compte des circonstances.
Il doit notamment, profiter des occasions pour renforcer son autorité. La notion d’occasion à
saisir est essentielle, dans la pratique, la politique sera opportuniste. Elle est l’art de
composer avec les circonstances, de les gérer habilement, pour maintenir sa force
et maintenir l’ordre dans l’État (texte). La politique, considérée d’un point de vue réaliste,
est gouvernée par l’efficacité. Un souverain qui ne serait pas efficace, ne pourrait se maintenir.
Le pouvoir souverain serait vaincu par les luttes de pouvoir qui sont en jeu dans l’État. Il y a des
stratégies pour se maintenir au pouvoir et le conserver. Les hommes sont rivaux, explique
Machiavel, il faut savoir gérer cette irrationalité des conflits humains pour régner. Il faut
prendre les hommes tels qu’ils sont et non pas tels que l’on aimerait qu’ils soient. Les considérer
comme des êtres rationnels, c’est oublier à quel point ils peuvent être cupides, violents, et
dévorés d’ambitions.

L’État est un théâtre de conflits et non pas une assemblée de paisibles citoyens qui pourraient être gouvernés par un sage. Le
souverain est dans la caverne du monde sensible, il ne vient pas du ciel intelligible. Il doit prendre les hommes tels qu’ils sont
dans leur ignorance et leur orgueil. Ce n’est pas la raison qui permet de comprendre l’homme en société, ce sont ses appétits,
ses désirs, ses passions, son ambition. Par-dessus tout, le politique doit être conscient de la lutte autour du pouvoir lui-même.
La politique se déterminera en termes de rapport de force qu’il faudra gérer. Machiavel dit que dans les moments de crise
sociale, on voit réapparaître cette nature bestiale de l’homme, qui est dissimulée en temps ordinaire sous le couvert de la
politesse de la flatterie et de la ruse.

Il faut donc opposer la société civile, lieu où s’affrontent les passions humaines, l’État où tous ces antagonismes doivent se
résoudre sous la domination d’une force supérieure. Le souverain, le Prince, doit dépasser par un égoïsme supérieur, les
égoïsmes multiples et contradictoires des volontés particulières dans l’État. Il doit veiller aux intérêts raisonnables de
l’État, dominer la division et faire en toutes choses prévaloir la raison d’État, contre les volontés particulières.
On ne fait pas de la politique avec de bons sentiments, mais avec des actes efficaces. Une fois que cette fin est posée, reste donc
à déterminer les moyens pour l’atteindre et qui veut la fin, prend les moyens. La fin justifie les moyens. A la limite, tous les
moyens sont bons, du moment qu’ils servent l’intérêt supérieur de l’État. Il est donc possible que le souverain puisse recourir à
des moyens que la morale réprouve, s’ils servent la raison d’État. Les impératifs de la morale ne sont pas les exigences de la
politique. Le souci d’efficacité, si on le met en avant, fait que le souverain doit émanciper le souverain des contraintes de la
morale. Ce qui signifie que la volonté politique et la volonté morale sont deux choses différentes.

Une telle position semble cynique. Machiavel n’est pourtant pas un apôtre de la perversion. Il se contente de constater
froidement le cynisme des relations humaines auprès de ceux qui gouvernent. Il apporte à son point de vue deux justifications :

- le souci du réalisme, qui veut que l’on s’en tienne à la vérité, que l’on prenne les homme tels qu’ils sont et non pas tels que
l’on voudrait qu’ils soient. Les hommes semblent plutôt méchants par nature.

- le souci du pragmatisme, qui veut que l’on s’en tienne à l’efficacité. Il faut être capable de veiller à l’intégrité de l’État et
pouvoir maintenir l’ordre.

Ce que l’on appelle machiavélisme,en philosophie politique, c’est donc une conception de l’exercice du pouvoir qui
enveloppe des pratiques telles que la ruse, la duplicité, la diffamation, la désinformation, le meurtre, etc. la justification des
moyens employés relevant de la raison d’État. C’est au nom de la raison d’État que le pouvoir pourra tenter de corrompre un
individu devenu dangereux, que l’on assassinera un terroriste menaçant de passer à l’action et de commettre des attentats.
C’est au nom de l’État que se justifie les écoutes téléphoniques, le sabotage d’un bateau, comme le Rainbow Warrior. Les
services de renseignement et de contre-espionnage sont des services secrets qui oeuvrent dans les coulisses du pouvoir. Ils
disposent de moyens au service du pouvoir dont les actes sont conduit pas des impératifs qui peuvent outrepasser la morale.
Machiavel dit que c’est par la cruauté que César Borgia parvint à unifier la Romagne. Cela veut dire qu’il peut y avoir un bon
usage de la violence, un bon usage de la cruauté.

Ce n’est pas que Machiavel fasse l’apologie de la violence. La violence du souverain doit être tempérée de sagesse et
d’humilité : la force du pouvoir sera une violence calculée, et pas une violence brutale. Ce n’est pas une violence gratuite, ni
une violence au service d’un intérêt restreint, c’est une violence justifiée par la Raison d’État. Dans les situations de crise, si le
Prince veut se maintenir au pouvoir, il ne doit pas confondre les nécessités de la réalité avec les exigences du devoir moral. Il
doit agir de manière réaliste et apprendre à être aussi cruel que ses adversaires. Pour son intérêt et pour la conservation de
l’État, il doit apprendre à ne pas toujours être bon. Il sera bon quand les circonstances seront favorables, quand la force du
pouvoir ne sera pas menacée par sa bonté, mais au contraire renforcée : quand il y trouvera un intérêt. Cependant, il est
indispensable qu’aux yeux du peuple, il paraisse bon. Il suffit qu’il se montre devant le peuple généreux, bon, pieux, attaché
aux traditions et aux valeurs, puissant etc. Il doit être admiré et aussi être craint, mais ne pas être haï. Il doit donc soigner
son image auprès du peuple en allant toujours dans le sens de ses attentes. Il faut une bonne dose de
démagogie pour gouverner. Le peuple doit pouvoir se reconnaître dans son souverain. Il ne pourrait pas le faire, si le
Prince affichait ouvertement le cynisme, la violence et la cruauté. Le peuple ne peut s’identifier qu’à un souverain porteur des
valeurs dans lesquelles il croit. Le souverain prendra donc soin de toujours soigner cette relation entre lui et son peuple de
manière à ne pas le dresser contre lui, mais à incarner une autorité forte, sous un jour vertueux. Le peuple ne peut pas faire la
différence entre le paraître et l’être.(texte) Il est sensible aux apparences qu’il faut donc savoir composer à bon escient. Il sera
bon de se montrer aux cérémonies que le peuple apprécie, de soutenir les traditions... d'aller au salon de l'agriculture ! Mais la
pratique de la politique ne se fera pas dans les grands discours et jamais entièrement au grand jour : il restera une distinction
entre les explications officielles et la réalité officieuse, l’exercice du pouvoir ne va pas sans un certain secret, et même des
services secrets. Sans manipulation.

2) Il est vrai qu’une théorie de l’action politique fondée sur ce que les hommes devraient être et non sur ce qu’ils sont, serait
inutile. D’un autre côté, si les hommes étaient par nature raisonnables et sociaux, l’État n’aurait pu lieu d’exister. Il
disparaîtrait. De même, si les hommes pratiquaient l’amitié entre eux, s’ils se voyaient comme membres d’une même famille, la
justice serait inutile ! Des rapports d’affection simplifieraient toutes les relations. Ce n’est pas le cas de notre situation actuelle.
Nous ne sommes pas dans une société cohérente, où la sagesse règne sans partage. Nous vivons dans un monde déchiré par la
lutte des intérêts privés, les appétits de pouvoir, les ambitions démesurées et l'hypocrisie générale. Puisque le politique
souverain veut maintenir son pouvoir, il doit, parce qu’il est confronté à la pratique, savoir dominer. Il n’est pas comme un
moraliste s'adressant à la foule au nom de grands principes. Il est constamment sur la brèche de l'actuel, confronté à des
situations pratiques, et à des problèmes qu’il faut résoudre. Il ne peut le faire que par l'action et dans l’action, en considérant
avec attention les décisions qu’il doit prendre, en prévoyant leurs conséquences et effectuant constamment un calcul d’intérêt.
Il y a d’un côté les principes absolus de la morale, que le souverain bien sûr proclamera haut et fort pour ses sujets, et dont il
sanctionnera les déviations. Mais il y a, d’un autre côté, les impératifs de la politique qui ne se réfèrent pas à des principes
absolus, mais à un calcul d’effets sur la représentation, le comportement du peuple ou de la volonté politique d’un autre Etat.
Gouverner, c’est prévoir. (texte)

L’idée sous-jacente est que, puisque l’État n’est pas fondé sur la concorde (texte) des hommes, mais sur le jeu des passions, il
doit inspirer la crainte. (texte) La politique est le domaine de l’usage de la force. Il y cependant deux manières de combattre :
la force pure comme force publique et les lois. Machiavel concède que le seul moyen vraiment humain, c’est la loi, la force est
propre au règne des bêtes. Mais la persuasion par la parole ne suffit pas toujours et quand elle est inefficace, pour ne pas laisser
pourrir un conflit dans l’Etat, il faut employer la force. Le politique doit savoir pratiquer la bête, s’il ne veut pas être réduit à
l’impuissance. Il faudra alors pour l’exercer préférer à la brutalité du lion, la ruse du renard qui déjoue les pièges (texte). La
ruse est la forme la plus efficace de la force. (texte) Le machiavélisme est une conception de l’action politique qui
enveloppe l’usage de moyens immoraux. Il sous-entend que le politique doit passer maître de la ruse, tout en
sachant parfaitement rester maître des apparences. Il doit être un grand dissimulateur et un calculateur
habile. Ce qui est très grave, car cela signifie que le pouvoir peut non seulement se servir du mensonge, mais encore organiser
de véritables machinations.

* *
*

Machiavel nous donne ici une leçon : l’autorité politique ne peut pas exister sans l’ordre qu’elle sait imposer. Cela peut
sembler une description cynique, mais il faut garder à l’esprit que l’on peut très bien décrire les ruses du pouvoir et ses secrets
sans pour autant les légitimer. C’est tout l’intérêt de l’étude d’une œuvre telle que Le Prince. Machiavel a le mérite de nous
confronter directement à un problème crucial, celui des rapports entre la morale et la politique. (texte) Il n’apporte pas de
solution définitive. Nous ne pouvons pas tolérer que la personne humaine soit si facilement bafouée et traité comme un objet.
L’exercice du pouvoir doit s’arrêter au respect de la personne humaine, faute de quoi le pouvoir ne sera qu’exercice de la
violence et non de la force. Nous ne pouvons pas accepter sans broncher la politique du secret; il nous semble au contraire
nécessaire qu'il y ait une politique de la transparence pour que la paix soit possible.

Plus grave encore : on peut se demander si, en définissant le pouvoir à partir des rapports de force, on ne finit pas par penser
que la seule logique du pouvoir, c’est de se maintenir lui-même par la violence qu’il exerce. Le but du pouvoir ne serait plus
alors d’exercer le pouvoir au nom de la raison d’État, mais de conserver le pouvoir en faisant usage de la raison d‘État comme
d’un paravent.

Ce dont nous avons donc besoin c’est : a) de répondre à la question de savoir ce qu’est un abus de pouvoir ? b) de déterminer :
en quel sens le pouvoir peut-être légitime ?

* *
*

dialogue : questions et réponses

Questions:

1. D’où vient le fait que dans une culture traditionnelle le sorcier puisse être plus respecté encore que le chef ?

2. Quelles relations historiques unissent religion et pouvoir politique ?

3. Vaut-il mieux distinguer entre société traditionnelle et moderne, ou bien société tribale et démocratie?

4. Devoirs sociaux et devoirs du citoyen peuvent-ils être conciliés?

5. Peut-on dire que les classes sociales ne se manifestent que parce qu’il existe une entité nommée État ?

6. Comment faire en sorte qu’il n’y ait pas de dérive machiavélique du pouvoir?

7. A quoi tient la séduction qu’exerce le pouvoir politique?

© Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.


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