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A 70
Thrombocytose
Orientation diagnostique
Pr Jean BRIÈRE
Service d’hématologie clinique, hôpital Beaujon, 92118 Clichy cedex
1 à 3 semaines. L’ampleur de l’hyperplaquettose souvent ces hyperplaquettoses d’origine inflammatoire. Les can-
supérieure à 1 000.109/L, indique que la mobilisation du cers épithéliaux les plus fréquemment cités sont les can-
pool splénique n’est pas seule en cause. Le retour à la nor- cers des bronches, du rein, du sein. Il est probable que les
male peut prendre quelques semaines ou quelques mois. cancers qui associent saignement chronique et syndrome
Certaines, passant à la chronicité, font discuter la révéla- inflammatoire péri-tumoral sont des sources privilégiées
tion par la splénectomie d’un syndrome myéloprolifératif d’hyperplaquettose.
latent. En fait, lorsque la splénectomie est faite pour une Une hyperplaquettose isolée accompagnée d’un syndrome
affection responsable d’une anémie chronique, la throm- inflammatoire biologique est un des modes classiques de
bocytose est plus marquée. Elle persisterait plus volontiers découverte de la maladie de Hodgkin ou de certains lym-
si l’anémie est toujours présente après splénectomie, phomes non hodgkiniens.
notamment si le mécanisme de l’anémie est l’hémolyse, L’hyperplaquettose, dans les cas ou elle est secondaire à
traduisant une stimulation médullaire permanente. Dans ce une maladie maligne, peut avoir un double intérêt : celui
cas, malgré son caractère réactionnel, certains invoquent d’amener à évoquer le diagnostic de tumeur et, dans une
la possibilité d’un risque hémorragique ou thrombotique certaine mesure, d’en suivre l’évolution après le traitement.
lié à cette hyperplaquettose au long cours. On connaît mal les conséquences réelles, au plan du risque
de thrombose, de ces hyperplaquettoses, indépendamment
2. Asplénie du rôle favorisant que joue déjà le développement de la
L’asplénie est une explication parfois apportée à l’origine tumeur.
d’hyperplaquettoses chroniques modérées. Avant le recours
à l’échographie, la présence sur le frottis de corps de Jolly
est susceptible de mettre sur la voie. Hyperplaquettoses primitives
3. Carence martiale Syndrome myélodysplasique
Les hyperplaquettoses des carences martiales sont main- Les hyperplaquettoses primitives observées au cours des
tenant bien connues. Elles ne sont pas constantes, presque syndromes myélodysplasiques sont peu fréquentes et en
toujours modérées, inférieures à 1 000.109/L ; elles sont sus- général très facilement reconnues en raison du contexte
ceptibles d’être observées même lorsque la carence mar- hématologique.
tiale n’entraîne pas d’anémie nette. C’est le cas notamment
de certaines hyperplaquettoses accompagnant les polyglo- 1. Anémie sidéroblastique
bulies traitées par saignées ou compliquées d’hémorragies. L’hyperplaquettose qui s’observe au cours de l’anémie
Leur diagnostic repose sur le dosage de la ferritinémie. Les sidéroblastique acquise est inconstante, modérée, observée
hyperplaquettoses des carences martiales rétrocèdent après généralement chez un adulte, parfois âgé. Elle s’accom-
restauration des stocks en fer. Certains cas de thrombose, pagne dans un tiers des cas d’une splénomégalie modérée.
notamment cérébro-vasculaires, chez des patients dont le L’anémie progressive normo- ou macrocytaire qui l’ac-
seul facteur de risque était l’existence d’une carence mar- compagne comporte en réalité une double population d’hé-
tiale, ont été récemment décrits. On manque d’études maties, notamment des hématies hypochromes en dépit de
physiopathologiques approfondies sur le mécanisme de l’élévation de la ferritine sérique. Le myélogramme montre
l’hyperplaquettose. Elles ne s’accompagnent pas habituel- une hyperplasie érythrocytaire, les sidéroblastes en cou-
lement d’une augmentation du taux de la CRP et les rares ronne à tous les stades de maturation érythrocytaire. L’élé-
dosages faits dans ces situations ne montrent pas non plus vation des proto-porphyrines érythrocytaires libres peut
d’élévation franche de la thrombopoïétine. constituer un élément d’orientation. L’évolution est mena-
cée avant tout par l’hémochromatose favorisée par les trans-
4. Syndrome inflammatoire et infection fusions qui deviennent rapidement nécessaires.
Les hyperplaquettoses des syndromes inflammatoires chro-
niques ou des infections aiguës ou chroniques sont habi- 2. Autres syndromes myélodysplasiques
tuellement reconnues sur le contexte infectieux ou inflam- Les autres syndromes myélodysplasiques comportent plus
matoire clinique (fièvre, sueurs, amaigrissement), ou sur souvent une thrombopénie qu’une thrombocytose. Le syn-
les données biologiques (vitesse de sédimentation, dosage drome 5q-, observé volontiers chez une femme âgée, com-
du fibrinogène). Elles peuvent en outre bénéficier du porte également une anémie réfractaire macrocytaire, une
dosage de la CRP, reflet de la production d’IL6, facteur sti- splénomégalie, une élévation inconstante du chiffre de pla-
mulant indirect de la thrombopoïèse. quettes ainsi qu’une dystrophie fréquente de la lignée
La liste des affections inflammatoires ou des infections cor- mégacaryocytaire faite d’éléments de petite taille dont le
respondant à ces hyperplaquettoses ne saurait être exhaus- noyau montre un défaut de lobulation net.
tive. On a signalé avec une particulière fréquence : polyar-
thrite rhumatoïde, entérocolopathies, etc. Syndromes myéloprolifératifs
Les hyperplaquettoses des syndromes myéloprolifératifs
5. Cancer constituent en réalité le temps essentiel du diagnostic d’hy-
Les hyperplaquettoses accompagnant diverses formes de perplaquettose primitive. Ce diagnostic est extrêmement
cancer ne sont probablement qu’un aspect particulier de facile lorsque l’hyperplaquettose s’intègre dans un tableau
qui peut encore rétrocéder et guérir spontanément par • Le myélogramme est indispensable à l’étude cytogéné-
momification de la peau au prix d’une petite cicatrice ombi- tique mais n’apporte que rarement des arguments en faveur
liquée. Elle peut, à l’inverse, aboutir à la gangrène, plus ou du diagnostic en raison d’une dilution fréquente des pré-
moins limitée, d’un orteil. Le caractère le plus frappant est lèvements.
alors que cette gangrène survient chez un patient dont les • La biopsie médullaire confirme l’hyperplasie mégaca-
pouls périphériques sont retrouvés et dont le système vas- ryocytaire médullaire. Les mégacaryocytes sont de grande
culaire artériel peut être indemne de toute manifestation taille, leur ploïdie est élevée, leur groupement en amas est
athéromateuse. caractéristique. La densité cellulaire globale de la moelle
Ces manifestations ischémiques transitoires sont suscep- n’est pas toujours franchement augmentée et le diagnostic
tibles de frapper la vascularisation cérébrale. Il s’agit par- de thrombocytémie essentielle est compatible avec une den-
fois de manifestations ne comportant pas de signes éven- sité cellulaire proche de la normale. Une hyperplasie réti-
tuels de localisation : céphalées, troubles de l’équilibre, culinique est observée dans environ 20 % des cas sur la
dysarthries, obscurcissement bilatéral de la vue. L’exis- biopsie médullaire initiale. Il s’agit d’une densification dif-
tence de crises convulsives a été signalée. Il peut s’agir au fuse, non mutilante, sans désorganisation de la moelle et
contraire de manifestations localisées (mono- ou hémipa- sans fibrose collagène (voir : pour approfondir / 2).
résies), de troubles oculaires unilatéraux transitoires, sco- • L’étude cytogénétique est indispensable au diagnostic de
tome scintillant, accès de diplopie. D’autres touchent les thrombocytémie essentielle pour éliminer la présence d’un
territoires vasculaires mésentériques (angor du grêle). chromosome Philadelphie. Aucune anomalie cytogéné-
tique ne peut être tenue pour spécifique de la thrombocy-
3. Manifestations hémorragiques témie essentielle. La fréquence de la constatation de telles
Elles ont pendant longtemps servi à nommer la maladie : anomalies est faible, de l’ordre de 5 à 6 % des cas.
thrombocytémie hémorragique. En fait elles sont beaucoup • La recherche systématique de bcr/abl est souhaitable
moins fréquentes que les manifestations vasculaires comme pour éliminer toute arrière-pensée de leucémie myéloïde
circonstance révélatrice et plus encore comme complica- chronique. ■
tion évolutive de la maladie traitée. Il s’agit parfois d’hé-
morragies spontanées, le plus souvent cutanéo-muqueuses
et modérées. Les hémorragies plus abondantes ou diges-
tives sont plus volontiers provoquées par une cause locale
ou par un geste chirurgical. Points Forts à retenir
4. Splénomégalie
L’examen clinique ne montre une splénomégalie que dans • La stratégie diagnostique des thrombocytoses
un faible pourcentage de cas (moins de 50 %). La rate est consiste à éliminer successivement :
toujours de taille modérée. – les hyperplaquettoses réactionnelles
ou secondaires ;
5. Examens biologiques – au sein des hyperplaquettoses primitives,
• L’hémogramme : l’augmentation du chiffre des pla- témoins d’une prolifération autonome
quettes est en moyenne compris entre 1 000 à 1 500.109/L, des éléments mégacaryocyto-plaquettaires,
ce qui correspond à un petit nombre de patients dont les on devra éliminer ensuite celles qui sont témoins
chiffres de plaquettes sont très élevés, supérieurs à 2 000 d’un syndrome myélodysplasique : anémie
ou 3 000.109/L et une fréquence élevée de patients dont le sidéroblastique, syndrome 5q- ;
chiffre de plaquettes est compris entre 600 et 1 000.109/L. – pour ne retenir que les syndromes
Le taux d’hémoglobuline se situe en moyenne aux alen- myéloprolifératifs primitifs en différenciant
tours de 13,8 g/dL. Il est parfois initialement abaissé du les hyperplaquettoses révélatrices d’une leucémie
fait d’une anémie microcytaire par carence martiale. Il est myéloïde chronique ou – et c’est là le point
alors nécessaire d’avoir recours à un traitement martial suivi le plus délicat – d’une maladie de Vaquez,
d’une étude du volume globulaire pour éliminer une mala- ou encore, mais plus rarement, celles qui sont
die de Vaquez. le témoin d’une splénomégalie myéloïde ;
• Le volume globulaire isotopique n’est par définition jamais – pour ne retenir finalement le diagnostic
augmenté au-dessus des limites considérées comme celles de thrombocytémie essentielle qu’après
de la polyglobulie (plus 130 % du volume globulaire théo- élimination des éventualités précédentes.
rique). Le volume plasmatique est en revanche très variable, • C’est pour modifier cette stratégie de diagnostic
souvent augmenté. La normalité du taux d’Hb et de l’hé- par élimination qu’on tente de rechercher
matocrite ne constitue pas un argument suffisant pour éli- et d’évaluer des arguments positifs en faveur
miner une polyglobulie et l’étude systématique du volume du diagnostic comme l’analyse de la biopsie
globulaire est préconisée au-dessus de 13 g/dL d’Hb. médullaire, des cultures de progéniteurs
La leucocytose est modérément élevée, supérieure à mégacaryocytaires, la détermination de la clonalité
12.109/L chez 40 % des patients. Une érythromyélémie de la prolifération hématopoïétique.
d’ampleur très limitée peut être observée dans un petit
nombre de cas.