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Hématologie

A 70

Thrombocytose
Orientation diagnostique
Pr Jean BRIÈRE
Service d’hématologie clinique, hôpital Beaujon, 92118 Clichy cedex

Points Forts à comprendre clinique ou biologique, la recherche d’une carence mar-


tiale, la notion de splénectomie ou d’asplénie.

• La généralisation du décompte automatique Hyperplaquettoses passagères


et systématique des plaquettes circulantes a mis Certaines hyperplaquettoses sont passagères et de méca-
en lumière la fréquente constatation d’une nisme difficile à classer. Ce sont celles qu’on impute à
thrombocytose à l’hémogramme. l’exercice, au stress, à un traumatisme, surtout s’il est com-
• À la différence des anémies pliqué de fracture, ou dans les jours suivant une interven-
ou des thrombopénies, il est bien rare que tion chirurgicale ou un accouchement. L’adrénaline a été
la thrombocytose soit soupçonnée l’un des premiers médicaments connus pour son rôle dans
sur des arguments cliniques. l’augmentation du chiffre de plaquettes, probablement par
• L’élaboration d’une stratégie diagnostique démargination des plaquettes, notamment dans la circula-
est donc de toute première importance pour tion pulmonaire.
distinguer les hyperplaquettoses réactionnelles D’autres hyperplaquettoses apparaissent liées à une sti-
de celles qui traduisent un désordre primitif mulation médullaire transitoire. Ce sont celles qui succè-
de la moelle, c’est-à-dire un syndrome dent à un épisode d’hémorragie ou à une phase d’hémo-
myéloprolifératif ou une myélodysplasie. lyse. On interprète de la même façon les hyperplaquettoses
• Cette étape étiologique est indispensable dites « de rebond », succédant à une thrombopénie par
pour évaluer l’ampleur du risque hémorragique défaut de production ou excès de destruction. On en observe
ou thrombotique que cet excès de plaquettes ainsi après intoxication éthylique aiguë, traitement d’une
implique à courte échéance et les risques vitaux anémie de Biermer, réparation d’une thrombopénie péri-
potentiels que la découverte d’une maladie phérique ou d’une agranulocytose médicamenteuse. En fait,
hématologique fait courir à long terme. les plus fréquentes succèdent à l’utilisation de chimiothé-
rapies entraînant une hypoplasie transitoire. Les traitements
par la vincristine sont susceptibles d’induire une hyper-
plaquettose par un mécanisme mal connu.
La limite supérieure du chiffre de plaquettes circulantes Ces hyperplaquettoses sont habituellement de cause évi-
habituellement admise est 450.109/L. On considère que le dente en raison du contexte. Elles sont modérées, asymp-
pool splénique de plaquettes représente un tiers de cette tomatiques, de courte durée, et par conséquent ne com-
valeur à l’état normal et peut atteindre des valeurs consi- portent en pratique aucun risque hémorragique ou
dérables en cas d’hypertrophie splénique au cours des syn- thrombotique spécifique et ne nécessitent pas de traitement
dromes myéloprolifératifs. On réserve le terme de throm- anticoagulant, sauf si le contexte clinique est de ceux qui
bocytose ou d’hyperplaquettose aux situations dans nécessitent un traitement préventif de thrombose.
lesquelles le chiffre de plaquettes circulantes est supérieur Hyperplaquettoses durables
à 500.109/L. L’usage est de distinguer au sein de ces throm-
bocytoses, les thrombocytémies, terme qui s’applique aux Les hyperplaquettoses réactionnelles ou secondaires
augmentations du chiffre de plaquettes s’intégrant dans le durables répondent en principe au même schéma. Elles sont
cadre d’un syndrome myéloprolifératif. On réserve le terme modérées, inférieures à 1 000.109/L, mais peuvent notam-
de thrombocytémie essentielle ou primitive à une variété ment, lorsque plusieurs facteurs étiologiques sont combi-
particulière de syndrome myéloprolifératif qui se présente nés, dépasser ce chiffre. Elles sont en général asympto-
comme une prolifération presque exclusive de la lignée matiques et les complications hémorragiques et
mégacaryoto-plaquettaire (voir : pour approfondir / 1). thrombotiques sont rares chez les patients dépourvus de
facteur de risque.

Hyperplaquettoses secondaires 1. Splénectomie


L’hyperplaquettose post-splénectomie est prévisible mais
ou réactionnelles non constante (moins de 1 cas sur 2 ?) et non obliga-
Elles sont reconnues le plus souvent sur le contexte cli- toirement observée immédiatement après l’intervention
nique, la mise en évidence d’un syndrome inflammatoire (délai d’apparition de 1 à 10 jours). Le pic est atteint en

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THROMBOCYTOSE

1 à 3 semaines. L’ampleur de l’hyperplaquettose souvent ces hyperplaquettoses d’origine inflammatoire. Les can-
supérieure à 1 000.109/L, indique que la mobilisation du cers épithéliaux les plus fréquemment cités sont les can-
pool splénique n’est pas seule en cause. Le retour à la nor- cers des bronches, du rein, du sein. Il est probable que les
male peut prendre quelques semaines ou quelques mois. cancers qui associent saignement chronique et syndrome
Certaines, passant à la chronicité, font discuter la révéla- inflammatoire péri-tumoral sont des sources privilégiées
tion par la splénectomie d’un syndrome myéloprolifératif d’hyperplaquettose.
latent. En fait, lorsque la splénectomie est faite pour une Une hyperplaquettose isolée accompagnée d’un syndrome
affection responsable d’une anémie chronique, la throm- inflammatoire biologique est un des modes classiques de
bocytose est plus marquée. Elle persisterait plus volontiers découverte de la maladie de Hodgkin ou de certains lym-
si l’anémie est toujours présente après splénectomie, phomes non hodgkiniens.
notamment si le mécanisme de l’anémie est l’hémolyse, L’hyperplaquettose, dans les cas ou elle est secondaire à
traduisant une stimulation médullaire permanente. Dans ce une maladie maligne, peut avoir un double intérêt : celui
cas, malgré son caractère réactionnel, certains invoquent d’amener à évoquer le diagnostic de tumeur et, dans une
la possibilité d’un risque hémorragique ou thrombotique certaine mesure, d’en suivre l’évolution après le traitement.
lié à cette hyperplaquettose au long cours. On connaît mal les conséquences réelles, au plan du risque
de thrombose, de ces hyperplaquettoses, indépendamment
2. Asplénie du rôle favorisant que joue déjà le développement de la
L’asplénie est une explication parfois apportée à l’origine tumeur.
d’hyperplaquettoses chroniques modérées. Avant le recours
à l’échographie, la présence sur le frottis de corps de Jolly
est susceptible de mettre sur la voie. Hyperplaquettoses primitives
3. Carence martiale Syndrome myélodysplasique
Les hyperplaquettoses des carences martiales sont main- Les hyperplaquettoses primitives observées au cours des
tenant bien connues. Elles ne sont pas constantes, presque syndromes myélodysplasiques sont peu fréquentes et en
toujours modérées, inférieures à 1 000.109/L ; elles sont sus- général très facilement reconnues en raison du contexte
ceptibles d’être observées même lorsque la carence mar- hématologique.
tiale n’entraîne pas d’anémie nette. C’est le cas notamment
de certaines hyperplaquettoses accompagnant les polyglo- 1. Anémie sidéroblastique
bulies traitées par saignées ou compliquées d’hémorragies. L’hyperplaquettose qui s’observe au cours de l’anémie
Leur diagnostic repose sur le dosage de la ferritinémie. Les sidéroblastique acquise est inconstante, modérée, observée
hyperplaquettoses des carences martiales rétrocèdent après généralement chez un adulte, parfois âgé. Elle s’accom-
restauration des stocks en fer. Certains cas de thrombose, pagne dans un tiers des cas d’une splénomégalie modérée.
notamment cérébro-vasculaires, chez des patients dont le L’anémie progressive normo- ou macrocytaire qui l’ac-
seul facteur de risque était l’existence d’une carence mar- compagne comporte en réalité une double population d’hé-
tiale, ont été récemment décrits. On manque d’études maties, notamment des hématies hypochromes en dépit de
physiopathologiques approfondies sur le mécanisme de l’élévation de la ferritine sérique. Le myélogramme montre
l’hyperplaquettose. Elles ne s’accompagnent pas habituel- une hyperplasie érythrocytaire, les sidéroblastes en cou-
lement d’une augmentation du taux de la CRP et les rares ronne à tous les stades de maturation érythrocytaire. L’élé-
dosages faits dans ces situations ne montrent pas non plus vation des proto-porphyrines érythrocytaires libres peut
d’élévation franche de la thrombopoïétine. constituer un élément d’orientation. L’évolution est mena-
cée avant tout par l’hémochromatose favorisée par les trans-
4. Syndrome inflammatoire et infection fusions qui deviennent rapidement nécessaires.
Les hyperplaquettoses des syndromes inflammatoires chro-
niques ou des infections aiguës ou chroniques sont habi- 2. Autres syndromes myélodysplasiques
tuellement reconnues sur le contexte infectieux ou inflam- Les autres syndromes myélodysplasiques comportent plus
matoire clinique (fièvre, sueurs, amaigrissement), ou sur souvent une thrombopénie qu’une thrombocytose. Le syn-
les données biologiques (vitesse de sédimentation, dosage drome 5q-, observé volontiers chez une femme âgée, com-
du fibrinogène). Elles peuvent en outre bénéficier du porte également une anémie réfractaire macrocytaire, une
dosage de la CRP, reflet de la production d’IL6, facteur sti- splénomégalie, une élévation inconstante du chiffre de pla-
mulant indirect de la thrombopoïèse. quettes ainsi qu’une dystrophie fréquente de la lignée
La liste des affections inflammatoires ou des infections cor- mégacaryocytaire faite d’éléments de petite taille dont le
respondant à ces hyperplaquettoses ne saurait être exhaus- noyau montre un défaut de lobulation net.
tive. On a signalé avec une particulière fréquence : polyar-
thrite rhumatoïde, entérocolopathies, etc. Syndromes myéloprolifératifs
Les hyperplaquettoses des syndromes myéloprolifératifs
5. Cancer constituent en réalité le temps essentiel du diagnostic d’hy-
Les hyperplaquettoses accompagnant diverses formes de perplaquettose primitive. Ce diagnostic est extrêmement
cancer ne sont probablement qu’un aspect particulier de facile lorsque l’hyperplaquettose s’intègre dans un tableau

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typique de leucémie myéloïde chronique avec une hyper- Thrombocytémie essentielle


leucocytose prédominant sur les polynucléaires neutro- La thrombocytémie essentielle apparaît actuellement comme
philes, plus rarement éosinophiles et basophiles, une myé- un des syndromes myéloprolifératifs les plus fréquents. Sa
lémie et une splénomégalie. L’hyperplaquettose a surtout fréquence est supérieure à celle de la splénomégalie myé-
une signification pronostique. On rappelle en effet que l’hy- loïde et de la leucémie myéloïde chronique. Elle est proba-
perplaquettose entre dans la détermination du score de blement supérieure à celle de la maladie de Vaquez.
Sokal et l’apparition secondaire d’une hyperplaquettose au La répartition selon l’âge et le sexe est l’une des premières
cours de l’évolution des leucémies myéloïdes chroniques particularités de ce syndrome myéloprolifératif. L’âge
est souvent synonyme de l’imminence de la transforma- moyen est de 60 ans, il existe globablement une prédomi-
tion aiguë. L’association de l’hyperplaquettose et d’un nance féminine (sex ratio : 1,67). Il existe en réalité dans
hématocrite élevé constitue un bon élément d’orientation cette maladie un deuxième pic de fréquence aux alentours
en faveur d’une maladie de Vaquez. On recherchera éga- de 30 ans, touchant essentiellement une population fémi-
lement en sa faveur une splénomégalie, une hyperleuco- nine. Cela explique que des problèmes de grossesse et de
cytose, on procédera à l’étude de la masse sanguine. L’hy- contraception se posent souvent de façon aiguë dans cette
perplaquettose revêt donc une valeur diagnostique maladie.
indiscutable (critère mineur du PVSG (polycythemia vera
Le mode habituel de découverte de la maladie est une
study group), mais n’entre pas dans le cadre des facteurs
numération systématique révélant l’hyperplaquettose et
prédictifs du risque de thrombose qui sont au contraire cor-
correspond à la moitié au moins des cas de thrombocyté-
rélés à l’âge et aux antécédents thrombotiques des patients.
mie essentielle. Les autres circonstances de découverte se
Enfin, l’hyperplaquettose est plus rare au cours de la splé- répartissent sous 3 rubriques.
nomégalie myéloïde typique reconnue sur l’érythromyélé-
mie, les déformations érythrocytaires, la splénomégalie et 1. Thromboses
la fibrose médullaire. Les thromboses artérielles sont beaucoup plus fréquentes
En fait, toute la difficulté du diagnostic de thrombocyté- que les thromboses veineuses (environ 6 fois). Elles inté-
mie vient du fait que bien qu’une hyperplaquettose puisse ressent la circulation coronaire, les territoires cérébraux
apparaître totalement isolée, les diagnostics précédents doi- responsables d’accidents vasculaires irréversibles, les
vent être soigneusement éliminés : artères périphériques des membres.
Les thromboses veineuses peuvent toucher les territoires
• la polyglobuline primitive, en réalisant une étude systé-
veineux profonds, compliquées ou non d’embolie pulmo-
matique du volume globulaire dès que le taux d’Hb est
naire. Les thromboses veineuses superficielles sont parfois
supérieur à 13 g/dL ; il est essentiel alors, pour pouvoir
confondues avec des manifestations érythromélalgiques.
interpréter le résultat de cet examen, de s’assurer de l’ab-
Certaines localisations méritent une mention particulière :
sence de carence martiale. Le dosage de la ferritinémie est
thrombose des corps caverneux avec priapisme ou surtout
le critère de base sur lequel cette appréciation repose ;
thrombose des territoires splanchniques.
• certaines hyperplaquettoses isolées en tous points sem-
blables à celles qu’on observe dans la thrombocytémie 2. Manifestations vasculaires
essentielle peuvent constituer le premier signe d’une leu- intéressant la microcirculation
cémie myéloïde chronique. Outre la recherche systéma- Les accidents ischémiques transitoires, liés à une obstruc-
tique du chromosome Philadelphie, indispensable compte tion passagère de la microcirculation, sont retrouvés au
tenu du risque très élevé de transformation aiguë rapide moment du diagnostic dans un tiers environ des formes
dans cette variété d’hyperplaquettose primitive, on recom- symptomatiques de thrombocytémie essentielle.
mande de plus en plus la recherche systématique du trans- Ces manifestations sont attribuées à une activation in vivo
crit bcr/abl. Enfin, l’analyse soigneuse de la biopsie médul- des plaquettes à l’intérieur des artérioles, n’aboutissant pas
laire montre dans cette éventualité une hyperplasie irrévocablement à une thrombose, ce qui explique leur
mégacaryocytaire faite de mégacaryocytes de petite taille réversibilité spectaculaire grâce à l’utilisation d’aspirine.
sans tendance particulière au groupement en amas. Parmi ces accidents, ceux qui sont observés aux extrémi-
Il est plus difficile d’établir le classement exact des hyper- tés des membres, nommés érythromélalgies, sont considé-
plaquettoses apparemment isolées mais comportant un cer- rés par certains comme pathognomoniques de l’hyperpla-
tain degré d’érythromyélémie, une splénomégalie de petite quettose des syndromes myéloprolifératifs. Habituellement
taille et une fibrose médullaire débutante sous forme de observés au niveau des orteils, les crises d’érythromélal-
densification réticulinique. Le problème qu’elles posent est gie sont caractérisées par une douleur, une sensation de
de savoir s’il s’agit d’une splénomégalie myéloïde débu- brûlure, une augmentation de la chaleur locale et une modi-
tante ou de l’évolution fibrosante qui s’observe parfois au fication de la coloration cutanée survenant dans le même
long terme lors de l’évolution d’une authentique thrombo- territoire que la douleur et prédominant souvent à la plante
cytémie essentielle. Le degré de la fibrose, l’ampleur des des pieds ou à la pulpe des orteils. Au minimum, il s’agit
anomalies cliniques et hématologiques, notamment la de sensations de picotements ou de brûlures cutanées des
recherche de déformations érythrocytaires, sont utilisés plantes des pieds avec un aspect violacé, marbré de la peau.
pour établir cette distinction qui n’est peut-être que d’un Parfois, la rougeur pommelée fait place à une érythrocya-
intérêt théorique. nose puis à une zone de nécrose, le plus souvent limitée,

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THROMBOCYTOSE

qui peut encore rétrocéder et guérir spontanément par • Le myélogramme est indispensable à l’étude cytogéné-
momification de la peau au prix d’une petite cicatrice ombi- tique mais n’apporte que rarement des arguments en faveur
liquée. Elle peut, à l’inverse, aboutir à la gangrène, plus ou du diagnostic en raison d’une dilution fréquente des pré-
moins limitée, d’un orteil. Le caractère le plus frappant est lèvements.
alors que cette gangrène survient chez un patient dont les • La biopsie médullaire confirme l’hyperplasie mégaca-
pouls périphériques sont retrouvés et dont le système vas- ryocytaire médullaire. Les mégacaryocytes sont de grande
culaire artériel peut être indemne de toute manifestation taille, leur ploïdie est élevée, leur groupement en amas est
athéromateuse. caractéristique. La densité cellulaire globale de la moelle
Ces manifestations ischémiques transitoires sont suscep- n’est pas toujours franchement augmentée et le diagnostic
tibles de frapper la vascularisation cérébrale. Il s’agit par- de thrombocytémie essentielle est compatible avec une den-
fois de manifestations ne comportant pas de signes éven- sité cellulaire proche de la normale. Une hyperplasie réti-
tuels de localisation : céphalées, troubles de l’équilibre, culinique est observée dans environ 20 % des cas sur la
dysarthries, obscurcissement bilatéral de la vue. L’exis- biopsie médullaire initiale. Il s’agit d’une densification dif-
tence de crises convulsives a été signalée. Il peut s’agir au fuse, non mutilante, sans désorganisation de la moelle et
contraire de manifestations localisées (mono- ou hémipa- sans fibrose collagène (voir : pour approfondir / 2).
résies), de troubles oculaires unilatéraux transitoires, sco- • L’étude cytogénétique est indispensable au diagnostic de
tome scintillant, accès de diplopie. D’autres touchent les thrombocytémie essentielle pour éliminer la présence d’un
territoires vasculaires mésentériques (angor du grêle). chromosome Philadelphie. Aucune anomalie cytogéné-
tique ne peut être tenue pour spécifique de la thrombocy-
3. Manifestations hémorragiques témie essentielle. La fréquence de la constatation de telles
Elles ont pendant longtemps servi à nommer la maladie : anomalies est faible, de l’ordre de 5 à 6 % des cas.
thrombocytémie hémorragique. En fait elles sont beaucoup • La recherche systématique de bcr/abl est souhaitable
moins fréquentes que les manifestations vasculaires comme pour éliminer toute arrière-pensée de leucémie myéloïde
circonstance révélatrice et plus encore comme complica- chronique. ■
tion évolutive de la maladie traitée. Il s’agit parfois d’hé-
morragies spontanées, le plus souvent cutanéo-muqueuses
et modérées. Les hémorragies plus abondantes ou diges-
tives sont plus volontiers provoquées par une cause locale
ou par un geste chirurgical. Points Forts à retenir
4. Splénomégalie
L’examen clinique ne montre une splénomégalie que dans • La stratégie diagnostique des thrombocytoses
un faible pourcentage de cas (moins de 50 %). La rate est consiste à éliminer successivement :
toujours de taille modérée. – les hyperplaquettoses réactionnelles
ou secondaires ;
5. Examens biologiques – au sein des hyperplaquettoses primitives,
• L’hémogramme : l’augmentation du chiffre des pla- témoins d’une prolifération autonome
quettes est en moyenne compris entre 1 000 à 1 500.109/L, des éléments mégacaryocyto-plaquettaires,
ce qui correspond à un petit nombre de patients dont les on devra éliminer ensuite celles qui sont témoins
chiffres de plaquettes sont très élevés, supérieurs à 2 000 d’un syndrome myélodysplasique : anémie
ou 3 000.109/L et une fréquence élevée de patients dont le sidéroblastique, syndrome 5q- ;
chiffre de plaquettes est compris entre 600 et 1 000.109/L. – pour ne retenir que les syndromes
Le taux d’hémoglobuline se situe en moyenne aux alen- myéloprolifératifs primitifs en différenciant
tours de 13,8 g/dL. Il est parfois initialement abaissé du les hyperplaquettoses révélatrices d’une leucémie
fait d’une anémie microcytaire par carence martiale. Il est myéloïde chronique ou – et c’est là le point
alors nécessaire d’avoir recours à un traitement martial suivi le plus délicat – d’une maladie de Vaquez,
d’une étude du volume globulaire pour éliminer une mala- ou encore, mais plus rarement, celles qui sont
die de Vaquez. le témoin d’une splénomégalie myéloïde ;
• Le volume globulaire isotopique n’est par définition jamais – pour ne retenir finalement le diagnostic
augmenté au-dessus des limites considérées comme celles de thrombocytémie essentielle qu’après
de la polyglobulie (plus 130 % du volume globulaire théo- élimination des éventualités précédentes.
rique). Le volume plasmatique est en revanche très variable, • C’est pour modifier cette stratégie de diagnostic
souvent augmenté. La normalité du taux d’Hb et de l’hé- par élimination qu’on tente de rechercher
matocrite ne constitue pas un argument suffisant pour éli- et d’évaluer des arguments positifs en faveur
miner une polyglobulie et l’étude systématique du volume du diagnostic comme l’analyse de la biopsie
globulaire est préconisée au-dessus de 13 g/dL d’Hb. médullaire, des cultures de progéniteurs
La leucocytose est modérément élevée, supérieure à mégacaryocytaires, la détermination de la clonalité
12.109/L chez 40 % des patients. Une érythromyélémie de la prolifération hématopoïétique.
d’ampleur très limitée peut être observée dans un petit
nombre de cas.

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Hématologie

POUR APPROFONDIR • Facteurs inhibiteurs


Récemment, on a insisté sur le rôle de facteurs inhibiteurs de la mégaca-
ryocytopoïèse contenus dans les plaquettes circulantes et pouvant jouer
1 / Mégacaryocytopoïèse et sa régulation un rôle dans le rétrocontrôle de la production plaquettaire. Il s’agit par
exemple du facteur plaquettaire 4 (PF4) et du TGFβ dont l’effet inhibi-
La production plaquettaire fait intervenir la différenciation, à partir des teur s’exerce sur l’ensemble des lignées myéloïdes et non exclusivement
cellules souches multipotentes, de cellules uniquement destinées à la pro- sur la lignée mégacaryocyto-plaquettaire.
duction des plaquettes. Ce premier stade de différenciation est celui des • Dosage de la thrombopoïétine
progéniteurs et correspond, in vitro lors de la culture de mégacaryocytes On aurait pu croire que le dosage de la thrombopoïétine permettrait d’éta-
en milieu semi-solide, aux BFU-MK (burst forming units) et CFU-MK blir une opposition physiopathologique entre hyperplaquettose primitive
(unité formant des colonies mégacaryocytaires). À partir d’un certain et secondaire. Dans l’état actuel du dosage de la thrombopoïétine, on n’a
point de leur différenciation, les précurseurs mégacaryocytaires cessent jamais constaté d’association significative entre les taux de thrombo-
de se diviser et suivent un processus d’endo-réplication de l’ADN abou- poïétine circulante et les chiffres de plaquettes, qu’il s’agisse d’individus
tissant à des mégacaryocytes polyploïdes. La ploïdie des mégacaryocytes normaux ou d’hyerplaquettose secondaire. Bien plus, peut-être pour les
d’individus normaux peut atteindre 64 N mais la majorité des magaca- raisons énoncées plus haut (sécrétion fixe de la thrombopoïétine et absorp-
ryocytes ont une ploïdie de 16 N ou 32 N. En même temps que cette poly- tion sur les plaquettes), il semble que les hyperplaquettoses primitives,
ploïdisation, les mégacaryocytes subissent un processus de maturation tout au moins celles de la thrombocytémie essentielle et de la maladie de
avant de produire les plaquettes. Vaquez, n’entraînent aucune diminution significative des taux de throm-
La production de plaquettes dépend de 3 paramètres indépendants : le bopoïétine circulante, témoin d’un rétrocontrôle (feed back) bien au
nombre de mégacaryocytes de la moelle, le volume des mégacaryocytes contraire. Le rôle d’une diminution du récepteur de la thrombopoïétine
qui est directement lié à leur niveau de ploïdisation, le degré de matura- dans ces pathologies est une hypothèse qui a été avancée à l’origine de
tion cytoplasmique des mégacaryocytes. cette constatation.
Des expériences de déplétion plaquettaire ou de création d’hyperpla-
quettose transfusionnelle chez l’animal ont abouti à la conclusion que la
mégacaryocytopoïèse était l’objet d’une régulation à différents niveaux. 2 / Arguments positifs en faveur
Certains facteurs exerçant leur action proliférative, surtout aux phases
précoces, mitotiques, auraient une activité nommée MK-CSA (megaka-
du diagnostic de thrombocytémie
ryocyte-colony stimulating activity) directement stimulée par la déplétion essentielle
mégacaryocytaire. D’autres, à l’inverse, à action tardive, agiraient à la Outre l’aspect caractéristique de la biopsie médullaire décrite plus haut,
phase de maturation ; par analogie avec la régulation érythrocytaire cette deux méthodes diagnostiques sont actuellement en cours d’évaluation
activité est nommée « thrombopoïétine ». pour apporter des arguments positifs en faveur du diagnostic de throm-
• Facteurs stimulants bocytémie essentielle :
Le régulateur physiologique de la mégacaryocytopoïèse est la thrombo- – la culture des progéniteurs hématopoïétiques est susceptible d’appor-
poïétine (TPO), encore nommée ligand du récepteur Mpl (Mpl-L) ou fac- ter des arguments positifs directs en faveur du diagnostic d’hyperpla-
teur de croissance et de développement des mégacaryocytes (MGDF) quettose primitive ; à l’image de la pousse spontanée des progéniteurs
(megakaryocyte, growth and development factor). érythrocytaires en l’absence d’érythropoïétine dans la polyglobulie de
Le récepteur Mpl de ce facteur de croissance a été décrit le premier. Il est Vaquez, on a mis en évidence dans les thrombocytémies essentielles une
exprimé principalement à la surface des cellules de la lignée mégacaryo- pousse spontanée des progéniteurs mégacaryocytaires en l’absence de
cyto-plaquettaire et des progéniteurs hématopoïétiques précoces. facteurs stimulants ; cette pousse spontanée manque dans les hyperpla-
La thrombopoïétine joue un rôle direct dans la prolifération, la ploïdisa- quettoses secondaires ;
tion, et la différenciation terminale des mégacaryocytes à partir des cel- – la recherche d’arguments en faveur d’une monoclonalité de l’hémato-
lules souches. Elle a donc une activité à la fois MK-CSA et TPO. En plus poïèse est basée sur l’étude du polymorphisme des différents gènes liés
de son effet essentiel sur la mégacaryocytopoïèse, la thrombopoïétine a à l’X ; par définition elle n’est applicable que dans la population fémi-
une action modulatrice sur la prolifération des progéniteurs des diverses nine ; la combinaison des gènes qu’il est possible actuellement d’étudier
lignées hématopoïétiques. (HUMARA, G6PD, IDS et P55) a permis d’étendre considérablement le
Le niveau de sécrétion physiologique de thrombopoïétine semble fixe et pourcentage de femmes informatives, c’est-à-dire présentant une hétéro-
son taux sanguin circulant paraît déterminé par ce qui persiste après son zygotie pour l’un des gènes étudiés. Une difficulté consiste en l’existence
absorption à la surface des plaquettes. dans la population féminine normale d’une apparente monoclonalité liée
L’étude in vitro et in vivo de la régulation humorale de la mégacaryocy- au phénomène de lyonisation excessive. Cet écueil peut être évité en étu-
topoïése a en outre mis en évidence le rôle stimulant de facteurs de crois- diant séparément les éléments granuleux circulants et les lymphocytes T
sance hématopoïétique dont aucun n’est spécifique de la lignée mégaca- comme témoins de la polyclonalité de la population cellulaire hématolo-
ryocytaire. On en distingue 3 catégories : gique normale résiduelle.
– une cytokine agissant comme un puissant facteur synergique de la for- Cette étude trouve son application essentielle surtout chez la femme jeune
mation de colonies mégacaryocytaires mais n’ayant pas d’influence iso- en raison d’une possible monoclonalité acquise sans preuve de syndrome
lément : le stem cell factor (SCF) qui agit notamment in vitro en syner- myéloprolifératif chez certaines femmes âgées.
gie avec l’IL3 et le GM CSF ;
– plusieurs cytokines capables d’induire la prolifération des progéniteurs
mégacaryocytaires et la formation de colonies mégacaryocytaires : l’IL3,
le GM CSF ;
– enfin, des cytokines agissant à la phase post-mitotique et jouant un rôle
dans la maturation mégacaryocytaire. Il s’agit essentiellement de l’IL6 et
plus accessoirement de cytokines de la même famille, notamment de
l’IL11. L’IL6 est le plus puissant facteur stimulant de la synthèse hépa-
tique de la CRP (C-reactive protein).
D’autres cytokines agissent généralement sur la mégacaryocytopoïèse
POUR EN SAVOIR PLUS
comme érythropoïétine ; l’IL1 dont l’action est indirecte induisant la pro- Brière J. Thrombocytémie essentielle. Encycl Med Chir (Paris-
duction d’IL6, de GM CSF et de SCF et le facteur de croissance fibro- France), Hématologie, 13-020-B-05, 1995 : 10 pp.
blastique (FGFβ) dont le récepteur est présent à la surface des mégaca-
ryocytes.

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