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A 49
Syndrome myogène
Orientation diagnostique
DR Dominique CAPARROS-LEFÈBVRE
Service de neurologie, CHU de la Guadeloupe, 97159 Pointe-à-Pitre.
Certains symptômes ne font pas partie du syndrome pathies précoces. Le diagnostic repose alors sur l’élec-
myogène : incontinence urinaire ou anale, déficit sensitif tromyogramme, la biopsie musculaire et la génétique.
ou dysesthésies. Leur présence témoigne d’une atteinte • Myasthénie : cette pathologie de la plaque motrice se
neurogène associée, ou d’une pathologie métabolique manifeste par un déficit moteur symétrique et une
complexe comme dans les myopathies mitochondriales. fatigabilité. La prédominance des troubles au niveau de
Les réflexes ostéo-tendineux sont habituellement présents la musculature faciale et la variabilité du déficit dans le
mais peuvent être abolis dans les dystrophies musculaires temps, prédominant le soir ou après un effort est plus en
à un stade avancé ou dans les myosites à inclusion. faveur d’une myasthénie, qui sera confirmée par l’élec-
Le suivi évolutif comporte un bilan fonctionnel régulier, tromyogramme, révélant un décrément des potentiels
avec une évaluation des complications orthopédiques : moteurs lors d’une stimulation itérative.
rétractions tendineuses (surtout du tendon d’Achille),
scoliose, évaluation de l’atteinte myocardique et du Examens paracliniques contributifs
risque de survenue d’une insuffisance respiratoire liée
au déficit des muscles ventilatoires et aux déformations
au diagnostic
secondaires de la cage thoracique. La kinésithérapie • Examens biologiques standards : on procède au
peut prévenir les rétractions. Les indications chirur- dosage des enzymes musculaires – créatine phosphokinase
gicales correctrices des déformations osseuses sont (CPK) surtout, mais aussi lactate deshydrogénase
discutées en fonction du bénéfice fonctionnel attendu. (LDH), – l’aldolase est un bon marqueur de la cytolyse
• Recherche de signes associés : en fonction de l’étio- musculaire. Les créatines phosphokinases sont très
logie (génétique, métabolique ou inflammatoire) des augmentées dans les dystrophinopathies (myopathies de
signes évocateurs d’une pathologie multiviscérale sont Duchenne, et de Becker), moins dans les dystrophies
recherchés. Le myocarde, muscle strié, peut être atteint musculaires des ceintures. Elles sont inconstamment
dans certaines dystrophies musculaires ou au cours des élevées dans les autres dystrophies. Au cours des myo-
polymyosites, alors que les muscles lisses le sont plus sites infectieuses aiguës (virales ou parasitaires) et des
rarement. Une défaillance myocardique existe dans la myosites inflammatoires (polymyosites, dermatomyo-
maladie de Duchenne, dans les glycogénoses et cer- sites), les créatines phosphokinases sont souvent très
taines myopathies mitochondriales. Elle évolue parallè- élevées. En revanche, elles peuvent être normales dans
lement à l’atteinte du muscle. Un Holter rythmique per- les myosites à inclusions.
met de dépister des anomalies paroxystiques de la • L’électromyogramme peut objectiver un syndrome
conduction auriculo-ventriculaire dans la dystrophie myogène électrique, qui est plus spécifique que le syn-
myotonique de Steinert. Une insuffisance respiratoire drome myogène clinique. Le tracé est anormalement
restrictive est une cause fréquente de décès, en particu- riche par rapport à l’effort. Les potentiels d’unité motrice
lier dans la myopathie de Duchenne. sont polyphasiques, d’amplitude et de durée diminuées.
Les pathologies musculaires, en particulier inflamma- Par ailleurs, les vitesses de conduction nerveuse des
toires ou métaboliques, sont aux confins de plusieurs fibres motrices et sensitives sont normales, sauf dans
spécialités, et leur diagnostic est difficile en l’absence certaines maladies métaboliques où il peut exister une
d’une collaboration interdisciplinaire. neuropathie associée.
• L’imagerie par tomodensitométrie ou résonance
Diagnostic différentiel magnétique objective les anomalies musculaires liées à
l’involution et permet d’établir une cartographie des
• Neuropathies : une polyradiculonévrite chronique muscles sélectivement atteints. La spectrométrie par
peut faire évoquer à tort une pathologie musculaire, du résonance magnétique nucléaire du phosphore permet
fait de la symétrie du déficit moteur prédominant à la de mesurer la concentration de phosphocréatine et les
ceinture pelvienne et de la discrétion des troubles sensitifs. variations de pH musculaire à l’effort. Une acidose
La marche a alors une allure pseudomyopathique. marquée à l’effort, ainsi qu’une lente récupération de la
L’électromyogramme (EMG) est indispensable pour phosphocréatine et du pH après l’effort sont des
montrer les signes neurogènes et les anomalies des arguments en faveur d’une myopathie mitochondriale.
vitesses de conduction nerveuse. L’étude du liquide • Biopsie musculaire : elle est l’examen majeur en
céphalo-rachidien recherche une hyperprotéinorachie. pathologie musculaire et est indispensable dans la
• Atteinte de corne antérieure de la moelle épinière : démarche diagnostique de nombreuses maladies neuro-
certaines amyotrophies spinales d’évolution chronique musculaires et d’affections systémiques (maladies de
peuvent avoir un aspect pseudomyopathique, lorsque système, vascularites). L’histopathologie musculaire
l’amyotrophie prédomine aux ceintures et racines des conventionnelle, après inclusion en paraffine et colora-
membres. L’étude génétique permet d’obtenir le dia- tion par l’hématéïne-éosine et le trichrome de Masson,
gnostic dans les formes héréditaires [anomalies du gène permet une description analytique des lésions élémen-
SMN (survival motor neuron) sur le chromosome 5 taires : atrophie et hypertrophie compensatrices des
surtout]. L’amyotrophie spinale aiguë du nourrisson ou fibres musculaires, fréquentes dans les dystrophies
maladie de Werdnig-Hoffmann se manifeste par une musculaires ; nécrose et régénération ; modifications
hypotonie non spécifique, comparable à celle des myo- nucléaires ; vacuoles (glycogénoses, myopathies oculo-
pharyngées, myosites à inclusions) ; anomalies du tissu tendons d’Achille sont les premières complications
interstitiel (involution fibro-adipeuse des dystrophies, orthopédiques. Il existe une hypertrophie des masses
infiltrats inflammatoires de l’endomysium ou du péri- musculaires des mollets. L’enfant marche sur la pointe
mysium des vascularites ou des myosites infectieuses). des pieds et de façon dandinante. De façon lentement
Des techniques récentes (histo-enzymologie, immunocy- progressive, le déficit s’accentue et la marche devient
tochimie, microscopie électronique) permettent un dia- impossible vers l’âge de 10 ans. L’atrophie musculaire
gnostic formel des myopathies congénitales et dystrophi- remplace peu à peu l’hypertrophie. Le décès survient
nopathies. Grâce aux études biochimiques et génétiques, il vers 20 ans, du fait de la défaillance cardiorespiratoire
est possible de caractériser les myopathies métaboliques : ou des complications du décubitus. L’atteinte myocar-
déficits enzymatiques des glycogénoses, déficits sélectifs dique évolue parallèlement à l’atteinte des muscles
des complexes de la chaîne respiratoire mitochondriale. squelettiques et entraîne une insuffisance cardiaque.
• Diagnostic génétique : il s’applique particulièrement La dystrophie musculaire de Becker se distingue clini-
aux dystrophies musculaires. Dans un passé récent, leur quement par un début plus tardif, vers l’âge de 12 ans,
classification reposait sur l’aspect clinique : topographie avec des extrêmes de 2 à 45 ans. Le déficit apparaît à la
de l’atteinte musculaire, évolution et mode de transmission. ceinture pelvienne, puis scapulaire. Les muscles distaux
Depuis la mise en évidence de plusieurs mutations géné- sont préservés. L’hypertrophie des mollets est constante.
tiques responsables de la synthèse de protéines anormales, La marche devient impossible vers l’âge de 30 ans et le
la classification est faite en fonction du type de mutations décès survient vers 40 ans, par défaillance myocardique
et de la protéine anormale. Les principales protéines pour ou insuffisance respiratoire restrictive liée à la paralysie
lesquelles des anomalies ont été identifiées sont la dystro- des muscles respiratoires, qui peut être transitoirement
phine, les dystroglycanes (dont la mérosine) qui lient la améliorée par une ventilation mécanique au masque.
dystrophine aux éléments extracellulaires, les sarco- Dans la dystrophie musculaire de Duchenne et dans
glycanes transmembranaires (voir : Pour approfondir). celle de Becker, les enzymes musculaires, en particulier
les créatines phosphokinases, sont très élevées (10 à
100 fois la normale). Cette élévation apparaît avant le
Étiologie début des signes cliniques et n’est pas corrélée à la
gravité de la maladie. En fin d’évolution, les taux de
Dystrophies musculaires (tableau I) créatines phosphokinases diminuent.
• Dystrophinopathies : dystrophie musculaire de La dystrophie musculaire de Duchenne se caractérise
Duchenne (DMD) et dystrophie de Becker : la dystro- par l’absence de dystrophine, qui est anormale ou en
phie musculaire de Duchenne est la plus fréquente et la quantité réduite dans la dystrophie musculaire de
plus sévère des dystrophies musculaires liées au chro- Becker. Le diagnostic est obtenu par la biopsie médul-
mosome X. Le mode de transmission explique que seuls laire, dont l’étude immunocytochimique, avec des anti-
les enfants de sexe masculin sont atteints, cependant les corps monoclonaux dirigés contre la dystrophine,
femmes qui transmettent le gène peuvent développer un montre l’absence de marquage dans la dystrophie
syndrome myogène d’expression modérée. musculaire de Duchenne, ou une diminution du marquage
La dystrophie musculaire de Duchenne se manifeste dans celle de Becker. Un aspect en mosaïque, avec des
vers l’âge de 3 ans, mais la marche a souvent été acqui- fibres positives et des fibres négatives apparaît chez les
se avec un peu de retard, vers 15 à 18 mois. Une diffi- femmes porteuses. Le diagnostic génétique repose sur la
culté pour courir, sauter, monter les escaliers apparaît, mise en évidence d’une délétion du gène de la dystro-
puis une hyperlordose lombaire et une rétraction des phine, par amplification génique.
TABLEAU I
Dystrophies musculaires
En l’absence de thérapeutique, et sur la base de l’histoire transmission est autosomique, dominant ou récessif.
familiale et de l’étude de la délétion génique, il est La forme de Miyoshi s’observe chez l’adulte jeune
possible de détecter les femmes porteuses afin de leur et s’accompagne d’une augmentation importante des
apporter un conseil génétique et faire un diagnostic créatines phosphokinases.
prénatal. Lorsque la délétion est mise en évidence sur • Maladie de Steinert ou dystrophie myotonique :
la biopsie trophoblastique du fœtus, l’avortement théra- Cette affection de transmission autosomique dominante
peutique est proposé. a une expressivité variable. Un phénomène d’anticipa-
• Dystrophie d’Emery-Dreifuss : dystrophie musculaire tion rend compte de la gravité croissante de la sympto-
liée au chromosome X, elle se caractérise par 3 signes matologie dans les générations successives. L’anomalie
cardinaux : rétractions musculaires précoces, déficit génétique est une amplification anormale d’une séquence
moteur et amyotrophie de topographie huméro-péronière, trinucléotidique sur le bras long du chromosome 19,
troubles de la conduction cardiaque. Le handicap fonc- produisant la myotonine protéine kinase. La symptoma-
tionnel est modéré jusqu’à la cinquantaine, mais le tologie est dominée par une amyotrophie prédominant à
risque de mort subite par bloc auriculo-ventriculaire doit l’extrémité céphalique responsable d’un faciès très
être évalué et prévenu par la pose d’un pacemaker. particulier : ptosis, visage inexpressif et allongé du fait
L’étude génétique met en évidence un gène patholo- de l’atrophie des muscles masticateurs. La voix est
gique responsable de la synthèse d’une protéine, l’émé- nasonnée. Il existe souvent une calvitie. La myotonie se
rine, dont le rôle pathogène n’est pas encore connu. manifeste par une lenteur à la décontraction après un
• Myopathie facio-scapulo-humérale ou myopathie de mouvement volontaire ou après percussion d’un muscle,
Landouzy-Dejerine : de transmission autosomique par exemple l’ouverture de la main après une poignée de
dominante à pénétrance complète, de nombreuses main est lente. La myotonie a une traduction électro-
formes frustes ne sont pas diagnostiquées. L’anomalie myographique spécifique : les averses myotoniques.
génétique qui est une délétion d’un gène siégeant sur le L’atteinte systémique associe une cataracte bilatérale,
chromosome 4, en position 4q35 permet le diagnostic des troubles du rythme et de la conduction cardiaque, et
par biologie moléculaire sur un prélèvement sanguin. des anomalies hormonales.
Elle se manifeste par une atteinte musculaire de topo-
graphie très particulière, volontiers asymétrique : inex- Myopathies congénitales
pressivité faciale, déficit de la ceinture scapulaire avec
décollement des omoplates, atrophie des muscles des Longtemps confondues avec les amyotrophies spinales
bras alors que les muscles des avant-bras sont respectés. type Werdnig-Hoffmann, il est important de les distin-
Diverses formes cliniques ont été identifiées en fonction guer, car le pronostic de certaines formes est bien
de la topographie du déficit. L’atteinte péronière peut meilleur. Elles comportent le plus souvent une hypoto-
être responsable d’un steppage. nie, un déficit modéré et un syndrome dysmorphique :
• Dystrophies musculaires des ceintures : de transmis- thorax en entonnoir, faciès allongé, palais ogival.
sion autosomique récessive, elles constituent un groupe Certaines sont caractérisées par des anomalies morpho-
hétérogène, correspondant à des anomalies génétiques logiques intracellulaires, qui les définissent et leur
diverses. La forme la plus fréquente survient chez ont donné leur nom : myopathie à « centralcore », à
l’adolescent ou l’adulte jeune. Elles furent initialement bâtonnets, à « multicores »…
individualisées dans des pays à fort taux de consan-
guinité. Ce groupe comporte aussi des myopathies plus Myopathies métaboliques
graves atteignant l’enfant, initialement observées en
Tunisie, dénommées SCARMD (severe childhood auto- • Glycogénoses musculaires : ces maladies de surcharge
somic recessive muscular dystrophy). Elles sont liées à sont secondaires à un déficit congénital d’une des
une anomalie d’une des unités des sarcoglycanes : enzymes du métabolisme du glycogène. Elles sont habi-
α, β, δ, γ, mais aussi à d’autres protéines identifiées très tuellement de transmission autosomique récessive. Une
récemment (calpaïne 3, dysferline). atteinte multiviscérale est fréquente, affectant le myo-
• Myopathies oculo-pharyngées : d’hérédité autoso- carde, le foie (hépatomégalie, cirrhose), parfois le système
mique dominante, elles surviennent toujours après nerveux central. La maladie de Mac Ardle se traduit par
50 ans, le plus souvent entre 60 et 80 ans. Elles associent une intolérance musculaire à l’effort et parfois une myo-
un ptosis bilatéral, parfois asymétrique et une dysphagie. globinurie d’effort. La biopsie médullaire apporte le
Le ptosis peut conduire à une occlusion palpébrale diagnostic en montrant une accumulation de vacuoles
complète. Elles peuvent être confondues avec une myas- riches en glycogène, marquées par la coloration PAS (perio-
thénie, mais le déficit permanent, l’absence de réponse dic acid schiff). L’analyse biochimique du muscle permet
aux anticholinestérasiques et la biopsie musculaire per- d’identifier le déficit enzymatique qui les caractérise.
mettent de rectifier le diagnostic. L’anomalie génique se • Myopathies mitochondriales. Les mitochondries
situe sur le chromosome 14. fournissent l’énergie aux cellules en fabriquant de l’adé-
• Myopathies distales : elles affectent initialement les nosine triphosphate (ATP) par le cycle de Krebs. Elles
muscles de la jambe. L’âge de début est variable. sont donc très abondantes dans les tissus consommant
Certaines sont proches des myopathies à inclusion, du beaucoup d’énergie, comme les muscles. La synthèse
fait de la constatation de vacuoles bordées. Le mode de protéique mitochondriale dépend à la fois de l’ADN
sont habituellement sensibles à la corticothérapie. l’héroïne. Cette liste n’est pas exhaustive. Les corti-
Certaines ont une étiologie spécifique : sarcoïdose (sou- coïdes (fluorés surtout) provoquent des myopathies
vent en association avec une atteinte du système ner- chroniques. Une ascension des créatines phosphoki-
veux central ou périphérique), ou syndrome hyperéosi- nases et des douleurs musculaires sous hypolipémiants
nophilique, affection hématologique grave. constituent une des myopathies médicamenteuses les
• Myosites à inclusions : survenant plus souvent après plus fréquentes. ■
50 ans, plus fréquente chez l’homme, elle comporte un
déficit et une amyotrophie distale, orientant à tort vers POUR APPROFONDIR
un processus neurogène, progressant vers les ceintures,
affectant surtout les muscles de la face antérieure des Organisation des protéines contractuelles et des
membres, parfois le sterno-cléido-mastoïdien. Elles protéines membranaires de la cellule musculaire
comportent des lésions morphologiques à type de
vacuoles bordées en microscopie optique et des inclu- Représentation schématique du complexe multiprotéique reliant à tra-
sions filamenteuses caractéristiques en microscopie élec- vers le sarcolemme les protéines contractiles intracytoplasmiques liées
tronique. Les lésions inflammatoires sont inconstantes. à l’actine et la matrice extracellulaire de la lame basale. Ce complexe
comporte : la dystrophine, les différentes unités constituant les sarcogly-
canes (dont l’adhaline), les dystroglycanes α et β et la mérosine (d’après
Myosites infectieuses Desnuelle et coll., 1996.