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B 242
Névrose d’angoisse
Diagnostic, traitement
DR Bruno RIVET, DR Frédéric ROCHE
10e secteur de psychiatrie générale des Bouches-du-Rhône, hôpital Valvert, 13391 Marseille Cedex 11.
Points Forts à comprendre Angoisse vient des termes grecs retenus par Hippocrate
« ancho » signifiant serrer, presser et « argon » traduisant
la lutte de l’âme.
• La névrose d’angoisse n’existe pas en tant Pour l’Académie française en 1684, l’angoisse n’est
que telle dans la terminologie psychiatrique qu’un terme vague désignant « toute grande affection de
internationale mais est scindée en 2 entités : l’esprit » ; pour le créateur du terme de névrose lui-
l’anxiété généralisée ou anxiété de fond même, McCullen en 1787, l’anxiété reste un phénomène
et le trouble panique constitué de crises très secondaire. Ce n’est qu’avec P. Janet et surtout
anxieuses aiguës récidivantes. S. Freud (1895-1926) que le concept de névrose
• Ces 2 expressions symptomatiques de l’anxiété d’angoisse va prendre toute sa dimension descriptive et
névrotique peuvent bien sûr coexister. compréhensive.
• Ces 2 troubles peuvent aussi être associés Depuis, l’évolution des courants de pensée, le dévelop-
(comorbidité) à d’autres pathologies mentales, pement des approches comportementalistes et de la
notamment la dépression et d’autres troubles neurophysiologie ont contribué au démembrement du
névrotiques tels que les phobies et le trouble concept de névrose. La Classification internationale des
obsessionnel compulsif. troubles mentaux, dans sa dixième révision élaborée en
• En pratique quotidienne, le diagnostic 1993 et toujours d’actualité, a abandonné la distinction
de l’anxiété est quasi exclusivement clinique. traditionnelle entre névrose et psychose. Néanmoins, le
Différentes échelles d’évaluation terme névrotique continue à être utilisé.
et des systèmes de critères peuvent apporter Actuellement, la plupart des auteurs ne considèrent plus
une aide au diagnostic, et permettre de mesurer la névrose d’angoisse comme une entité individualisée
et d’évaluer l’évolution des symptômes mais mais s’accordent à préférer la dichotomie suivante :
sont surtout des outils utiles à la recherche. trouble anxiété généralisée pour désigner l’anxiété de
fond et trouble panique pour désigner les états anxieux
aigus plus ou moins récurrents.
Les manifestations de l’angoisse sont nombreuses, mais Le taux de prévalence est évalué à 3 % pour le trouble
la description du phénomène est assez univoque et anxiété généralisée et à 1,5 % pour le trouble panique.
comporte toujours un double versant : une peur sans
objet avec sentiment pénible d’attente et d’appréhension
vague d’un danger imprécis, un cortège de sensations Diagnostic
physiques de constriction et d’oppression.
Par rapport à l’angoisse, l’anxiété aurait une connotation
de moindre intensité avec moindre envahissement par Clinique
des symptômes physiques. Il est devenu d’usage courant
d’employer ces 2 termes presque indifféremment à l’ins- 1. Trouble anxiété généralisée
tar des psychiatres anglo-américains qui n’en disposent L’anxiété est ici un état de fond, la symptomatologie est
que d’un (anxiety). plus discrète mais souvent continue depuis plusieurs
L’angoisse « normale » est une expérience commune et années.
universelle bien que variable selon les individus. Chacun Le malade décrit une tension psychique douloureuse,
a pu connaître le sentiment douloureux de crainte, d’anti- vague entraînant un sentiment de menace permanente.
cipation pénible, cette impression d’incertitude soit liée L’anxiété se fixe sur tel ou tel souci auquel elle apporte
à une situation, soit portant sur un domaine plus abstrait une vision d’un pessimisme exagéré. Elle peut égale-
et plus vaste, celui de l’avenir en général ou de la signi- ment se traduire par une douleur morale, un désarroi,
fication des phénomènes. une inquiétude excessive, voire un sentiment de dévalo-
La limite entre anxiété normale et pathologique est difficile risation. Il peut exister également une hyperémotivité,
à situer. Pour un médecin, la notion à retenir est celle de une hyperactivité, une labilité émotionnelle.
la tolérance de l’individu et de sa perception de l’anxiété Le sujet peut éprouver un sentiment d’attente craintive
comme une souffrance. C’est ce qui fonde la terminologie en redoutant de manière non fondée un malheur à venir
de névrose d’angoisse. pour lui-même ou son entourage.
POUR APPROFONDIR
Classification CIM 10 : autobus ou dans une foule, le sujet aura par la suite tendance à éviter
F41 / Autres troubles anxieux la situation en question. De même, lorsque des attaques de panique
imprévisibles surviennent fréquemment, le sujet a peur de rester seul
Troubles caractérisés essentiellement par la présence de manifes- ou de se rendre dans des endroits publics. La survenue d’une attaque
tations anxieuses, qui ne sont pas déclenchées exclusivement par de panique est souvent suivie de la peur persistante d’une nouvelle
l’exposition à une situation déterminée. Ils peuvent s’accompagner de attaque.
symptômes dépressifs ou obsessionnels, ainsi que de certaines
manifestations traduisant une anxiété phobique, ces manifestations Directives pour le diagnostic
étant toutefois secondaires ou peu sévères. Lorsqu’une attaque de panique survient dans le contexte d’une situation
phobogène connue, elle constitue certes un indice de sévérité de la
F41.0 / Trouble panique (anxiété épisodique paroxystique) phobie, mais le diagnostic de trouble phobique reste prioritaire. Dans
Les caractéristiques essentielles de ce trouble sont des attaques la CIM 10, un diagnostic principal de trouble panique n’est donc justifié
récurrentes d’anxiété sévère (attaques de panique), ne survenant pas que si les attaques de panique surviennent en l’absence des phobies
exclusivement dans une situation particulière ou dans des circons- citées sous F40.
tances déterminées, et dont la survenue est, de ce fait, imprévisible. Le diagnostic repose sur l’existence de plusieurs attaques sévères
Comme dans d’autres troubles anxieux, les symptômes essentiels d’anxiété neurovégétative en l’espace de quatre semaines :
varient d’un sujet à l’autre, mais ils concernent habituellement la sur- (a) survenues dans des situations n’impliquant pas de danger réel ;
venue brutale de palpitations, de douleurs thoraciques, de sensations (b) non limitées à des situations phobogènes connues ou prévisibles ;
d’étouffement, d’étourdissements ou de sentiments d’irréalité (c) avec des intervalles relativement libres, c’est-à-dire sans manifesta-
(dépersonnalisation ou déréalisation). Il existe par ailleurs souvent tions
une peur secondaire de mourir, de perdre le contrôle de soi ou de anxieuses entre les attaques (encore qu’il existe souvent une
devenir fou. Une attaque ne dure habituellement que quelques anxiété anticipatoire entre 2 attaques).
minutes, parfois plus longtemps. La fréquence des attaques et l’évolu- Inclure : attaque de panique, état de panique.
tion du trouble sont variables. Le trouble est plus fréquent chez les
femmes. Au cours d’une attaque de panique, le sujet ressent souvent Diagnostic différentiel
une peur et des symptômes neurovégétatifs d’intensité rapidement Le trouble panique doit être distingué des attaques de panique survenant
croissante, le poussant à fuir au cours d’un trouble phobique spécifique (v. plus haut). Les attaques
précipitamment l’endroit où il se trouvait. Si les attaques de panique de panique peuvent être secondaires à un trouble dépressif ; en parti-
surviennent dans une situation bien précise, par exemple dans un culier chez les hommes ; on ne doit pas faire un diagnostic principal de
trouble panique quand le sujet répond en même temps aux critères Chez les enfants, un besoin fréquent d’être rassuré et des plaintes
d’un trouble dépressif. somatiques récurrentes peuvent être au premier plan.
F41.1/ Anxiété généralisée La survenue transitoire d’autres symptômes (pendant quelques
La caractéristique essentielle de ce trouble est une anxiété généralisée jours), en particulier de symptômes dépressifs, ne fait pas éliminer un
et persistante ne survenant pas exclusivement ni même de façon pré- diagnostic principal d’anxiété généralisée, sauf si le sujet répond
férentielle dans une situation déterminée (l’anxiété est « flottante » ). aux critères d’un épisode dépressif (F32.-), d’un trouble phobique
Comme dans les autres troubles anxieux, les symptômes essentiels (F40.-), d’un trouble panique (F41.0), ou d’un trouble obsessionnel-
sont variables, mais ils comprennent habituellement un sentiment compulsif (F42.-).
permanent de nervosité, des tremblements, une tension musculaire, Inclure : état anxieux névrose anxieuse réaction anxieuse.
une transpiration, une sensation de « tête vide », des palpitations, des Exclure : neurasthénie (F48.0).
étourdissements et une gêne épigastrique. Le sujet se fait des soucis
et s’attend à des malheurs divers. Il a souvent peur que lui-même ou
que l’un de ses proches tombe malade ou ait un accident. Le trouble
est plus fréquent chez les femmes. Il est souvent en rapport avec un
facteur de stress chronique. Son évolution, certes variable, a tendan- POUR EN SAVOIR PLUS
ce à être fluctuante et chronique.
Directives pour le diagnostic Ades J, Rouillon F. Les états névrotiques. Château-du-Loir,
JP Goureau, 1992.
Le diagnostic repose sur la présence de symptômes anxieux
« primaires », survenant presque chaque jour pendant au moins Lépine JP, Chignon JM. L’anxiété : des névroses aux troubles
quelques semaines, et le plus souvent pendant plusieurs mois consé- anxieux. Paris : éd. Bristol-Myers-Squibb, 1993.
cutifs. Habituellement, ces symptômes se manifestent par certains des
éléments suivants : Senon JL, Sechter D, Richard D. Thérapeutique psychiatrique.
(a) attente craintive (anticipation de malheurs, sensation d’être Paris : Hermann,1995.
« à bout », difficultés de concentration) ; Servant D. Stratégies thérapeutiques des troubles de panique :
(b) tension motrice (agitation fébrile, céphalées de tension, tremble- données récentes. Psychiatrie 1999 ; 16 (no 7).
ments, incapacité à se détendre) ;
(c) troubles neurovégétatifs (sensation de « tête vide », transpiration,
tachycardie, respiration rapide, gêne épigastrique, étourdissements,
sécheresse de la bouche).