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B 248
Troubles psychiatriques
de la grossesse et du post-partum
Diagnostic
Pr Frédéric ROUILLON
Service de psychiatrie d’adultes, CHU Louis-Mourier, 178, rue des Renouillers, 92701 Colombes cedex
L A R E V U E D U P R AT I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 7 , 1593
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T R O U B L E S P S Y C H I A T R I Q U E S D E L A G R O S S E S S E E T D U P O S T- P A R T U M
lui avoir jamais été opposé depuis qu’elle est à la disposi- tion ; l’humeur est en général triste ou fluctuante. Elles
tion du corps médical (40 ans). L’effet tératogène des ben- exposent au risque suicidaire et (ou) d’infanticide…
zodiazépines ayant été discuté, certains recommandent de Dans ses thèmes, le délire peut comporter la négation de
prescrire de petites doses de chlorpromazine à visée anxio- la maternité, le sentiment de non-appartenance ou de non-
lytique en cas d’absolue nécessité. existence de l’enfant qui coexiste parfois avec la crainte
Enfin, la sismothérapie peut être envisagée pendant une ambivalente de sa mort ou la conviction persécutive qu’il
grossesse en cas de dépression sévère ou de trouble déli- a été changé ou substitué.
rant grave et en l’absence de contre-indication obstétricale. L’évolution sous traitement est favorable dans la majorité des
cas ; elle peut toutefois se faire d’un seul tenant ou sous forme
d’une rechute à court terme vers un état mixte, un accès
Troubles mentaux mélancolique ou un trouble schizophrénique. On considère
de l’accouchement actuellement que les psychoses puerpérales sont dans la majo-
Une importante proportion des accouchées est affectée, rité des cas des formes délirantes inaugurales d’un trouble
dans la semaine des suites de couche, par un fléchissement bipolaire. Elles peuvent être sans lendemain, les récidives lors
dépressif qui succède généralement à la phase d’élation des grossesses ultérieures n’étant pas systématiques (environ
accompagnant la délivrance. 1 cas sur 5) (voir : pour approfondir / 3).
Cet incident psychopathologique survient le plus souvent 2. Traitement
vers la 72e heure ce qui lui a valu la dénomination de « syn-
Les psychoses puerpérales imposent le plus souvent une
drome du 3e jour». Le terme anglo-saxon de baby-blues est
hospitalisation psychiatrique, compte tenu de la dangero-
plus souvent utilisé.
sité de ces patientes pour elle-même et leur bébé.
Il s’agit d’une phase dépressive, légère et transitoire, sur- La symptomatologie délirante et l’agitation souvent asso-
prenant par son caractère insolite à un moment où la jeune ciées, nécessitent l’utilisation de neuroleptiques. Toutefois,
maman pense qu’elle devrait être la « plus heureuse des la sismothérapie demeure le traitement le plus efficace des
femmes » et donc parfois culpabilisante. Sa fréquence est psychoses puerpérales. Ultérieurement, se pose la question
diversement appréciée (1/4 à 3/4 des accouchées selon les du traitement préventif des rechutes maniaco-dépressives
auteurs) ; c’est l’hétérogénéité de son intensité qui rend (lithium ou carbamazépine) lorsque la psychose puerpé-
probablement compte de cette divergence d’appréciation. rale s’avère être le premier épisode d’une psychose
Le post-partum blues se caractérise par une anxiété cen- maniaco-dépressive bipolaire.
trée sur le nouveau-né, un sentiment d’incapacité (peur de
ne pas savoir s’occuper du bébé), une insomnie, une asthé- Dépressions du post-partum
nie intense, des crises de larmes, des plaintes somatiques,
une irritabilité… Parfois plus intense, avec obnubilation et 1. Diagnostic
agressivité, il peut être le prodrome d’une psychose puer- Elles surviennent dans les mois qui suivent l’accouche-
pérale. ment, soit après une période normothymique soit en fai-
Son déterminisme semble autant biologique (neuro-endo- sant suite à un baby-blues qui se prolonge anormalement.
crinien) que psychologique ; il affecterait plus particuliè- Elles sont d’intensité variable ; les formes les plus graves,
rement les primipares et ne dure que quelques heures à d’allure mélancolique, sont généralement précoces et ont
quelques jours. Il ne nécessite pas de traitement sinon une une thématique de culpabilité centrée sur l’enfant. Elles
attitude de réassurance. peuvent se manifester par une symptomatologie aiguë d’al-
Les formes prolongées sont généralement le point de lure stuporeuse ou mixte intriquant éléments maniaques et
départ d’une dépression du post-partum (voir : pour appro- dépressifs. Le plus souvent, la symptomatologie dépres-
fondir / 2). sive s’installe de manière insidieuse, tardive et pauci-
symptomatique ; elle est alors d’évolution traînante mas-
Troubles mentaux du post-partum quée par la fatigue qui résulte des soins apportés à l’enfant.
L’évolution ultérieure des dépressions du post-partum peut
Psychoses puerpérales se faire vers un trouble dépressif récurrent. D’ailleurs,
1. Diagnostic l’étude de l’histoire de la maladie de femmes maniaco-
dépressives révèle que plus d’un tiers d’entre elles ont souf-
Les psychoses précoces du post-partum débutent entre le fert d’un trouble thymique en période post-partale et que
5e et le 30e jour suivant l’accouchement. Elles sont beau- pour un quart de ces patientes ce fut leur premier épisode
coup plus rares qu’à l’époque où Marce en fit la descrip- dépressif. Cette éventualité fait d’ailleurs partie d’une des
tion (XIXe siècle), dans son Traité de la folie des femmes spécifications de l’épisode dépressif dans la classification
enceintes, des nouvelles accouchées et des nourrices. En américaine des troubles mentaux, le DSM IV (voir : pour
effet, leur fréquence a diminué depuis l’amélioration des approfondir / 4).
conditions obstétricales.
Elles réalisent, à la phase d’état, un état confuso-délirant, 2. Traitement
type bouffée délirante, avec obnubilation voire désorien- Les états dépressifs du post-partum nécessitent un traite-
tation temporo-spatiale, délire oniroïde dont les thèmes ment antidépresseur et une prise en charge psychologique
portent préférentiellement sur l’enfant ou les liens de filia- pour en prévenir les conséquences préjudiciables pour la
2 / Syndrome du 3e jour
Le syndrome du 3e jour ou baby-blues, période dépressive, légère et tran-
sitoire, fréquente dans les jours qui suivent l’accouchement et pouvant
succéder à une phase d’élation de un ou deux jours se caractérise par :
anxiété relative au nouveau-né, sentiment d’incapacité, insomnie, asthé-
nie, crises de larmes, plaintes somatiques, agressivité, irritabilité… Par-
fois plus intense avec obnubilation, il peut être le prodrome d’une psy-
chose puerpérale. Son déterminisme semble autant biologique
(neuro-endocrinien) que psychologique et sa durée varie de quelques POUR EN SAVOIR PLUS
heures à quelques jours.
Gerard A, Raffaitin F, Cuche H. Dépression chez la
femme. In : Olie JP, Poirier MF, Loo H ,eds. Les mala-
dies dépressives. Paris : Flammarion ; 1995 : 84-90.
3 / Psychoses puerpérales Lemperière T, Lépine JP, Rouillon F. Les troubles men-
Les psychoses puerpérales, rares, débutent entre la première semaine et taux de la puerpéralité. Encycl Med Chir 1984, Éditions
le premier mois du post-partum. Elles réalisent un état confuso-délirant Techniques, Paris, 12 p, 37660-A1 0-7.
avec obnubilation voire désorientation temporo-spatiale, délire oniroïde Marce LV. Traité de la folie des femmes enceintes, des
dont les thèmes portent en général sur l’enfant ou les liens de filiation, nouvelles accouchées et des nourrices. Paris : Baillière,
humeur en général triste ou fluctuante, parfois agitation avec risque sui- 1958.
cidaire et (ou) d’infanticide. Leur évolution sous traitement est favorable Rouillon F, de Brettes B. Les dépressions du post-par-
dans la majorité des cas et les récidives lors des grossesses ultérieures ne tum. Concours Med 1996 ; 3 : 125-9.
sont pas systématiques (20 % des cas). Toutefois, l’évolution peut se faire
vers une psychose chronique le plus souvent maniaco-dépressive.
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