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Néphrologie - Urologie

B 133

Hyperkaliémie
Étiologie, physiopathologie, diagnostic, traitement
Pr Dominique CHEVET
Service de néphrologie, CHRU, hôpital du Bocage, 21034 Dijon cedex

Points Forts à comprendre Physiopathologie


1. Potassium dans l’organisme
• L’hyperkaliémie peut mettre en jeu le pronostic Le potassium est le principal cation intracellulaire ; 98 %
vital de par son risque cardiaque. Elle est sans du K+ de l’organisme est contenu principalement dans les
traduction clinique lors de sa constitution. muscles sous forme ionisée, échangeable ou liée au gly-
Elle n’a, en outre, aucune spécificité dans son cogène ou aux protéines. La concentration cellulaire est en
expression clinique ultérieure. moyenne de 150 mmol/L.
• Il est exceptionnel que l’hyperkaliémie survienne L'électroneutralité de la cellule est assurée par les macro-
comme un événement isolé, sa génération dépend molécules anioniques et les phosphates inorganiques. La
d’autres désordres, hydroélectrolytiques ou acido- totalité du stock potassique représente environ 3 500 mmol
basiques surtout. L’important consiste donc à la pour un adulte et est pour l’essentiel fonction de la masse
détecter préventivement, avant ses complications, musculaire.
par la connaissance des circonstances favorisantes.
En revanche, à peine 2 % du potassium total se trouve dans
La correction des troubles associés permet
le secteur extracellulaire où la concentration plasmatique
la régularisation de la kaliémie et constitue
varie normalement de 3,5 à 5 mmol/L. Le déséquilibre entre
la véritable prévention des accès hyperkaliémiques.
les secteurs est donc patent, à la fois en masse et en concen-
• Le traitement doit être adapté au degré de
tration au profit du compartiment cellulaire. Les fortes
l’hyperkaliémie. Seules celles qui sont menaçantes,
concentrations intracellulaires sont nécessaires au fonc-
habituellement associées à une insuffisance rénale
tionnement de nombreuses enzymes, à la conservation du
sévère, imposent un traitement d’urgence.
volume et du métabolisme cellulaire… Une différence de
potentiel de membrane doit être maintenue suffisamment
élevée pour qu’agissent la conduction nerveuse, la contrac-
Étiologie tion musculaire. Une forte différence de concentration du
K+, de part et d’autre de la membrane, participe au main-
Dans les conditions physiologiques, le rein équilibre le tien de ces activités. L’excitation du muscle cardiaque est
bilan du potassium et un très large excès d’apport est natu- particulièrement sensible aux variations de teneur en potas-
rellement compensé par des pertes urinaires de K+ équiva- sium du liquide extracellulaire.
lentes. Après absorption alimentaire, il existe une éléva-
tion transitoire du K+ plasmatique et cellulaire qui induit 2. Échanges potassiques
une kaliurèse par stimulation directe de synthèse de l’al- Cette inégalité de répartition du potassium dans l’orga-
dostérone et sécrétion distale. C’est pourquoi les circons- nisme n’est cependant pas un obstacle aux échanges entre
tances de survenue d’hyperkaliémie dépendent d’autres les compartiments. Une régulation physiologique main-
événements que l’excès d’apports. tient ce gradient grâce à l’intervention de plusieurs fac-
Le système qui opère le plus souvent est celui d’un trans- teurs, rapides, sensibles et adaptés aux variations des
fert massif à partir des cellules dont la teneur en K+ est éle- apports et des sorties du potassium. L’insuline provoque
vée (env. 150 mmol/L). Dans cette redistribution vers le une entrée du K+ dans le milieu cellulaire ; les catéchola-
secteur extracellulaire, le stock global du potassium de l’or- mines, par la stimulation des récepteurs β2-adrénergiques
ganisme ne varie pas. favorisent aussi l’entrée cellulaire du potassium ; l’acidé-
Mais il peut s’agir d’un défaut de l’excrétion rénale ; dans mie favorise la sortie du potassium des cellules et élève la
ce cas la balance du potassium devient positive pour l’en- kaliémie par simple mécanisme de transfert. L’alcalose a
semble de l’organisme. l’effet inverse. Mais ces effets sont marginaux en dehors
En dehors des hyperkaliémies factices, les causes s’envi- d’une charge acide aiguë ou de pertes abondantes en bicar-
sagent en fonction de ces deux mécanismes essentiels et bonates. Ces possibilités de transfert interne expliquent que
qui sous-tendent les options thérapeutiques : les hyperka- la kaliémie n’est ni le reflet de l’état du « pool » potassique,
liémies par transfert et les hyperkaliémies par défaut d’ex- ni le témoin fidèle de ses variations. L’hyperkaliémie n’est
crétion rénale. pas synonyme d’excès en K+ pour l’organisme.

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HYPERKALIÉMIE

Étiologie des hyperkaliémies

Hyperkaliémies factices
– Prélèvement sanguin ischémique (garrot)
– Prélèvement hémolysé
– Thrombocytémies > 106/mm3, hyperleucocytoses > 2.105/mm3

Hyperkaliémies par libération excessive du K+ intracellulaire = transfert à partir des cellules


– Acidose aiguë chronique → métabolique, respiratoire
– Défaut d’insuline (hyperglycémie ++)
– Lyse cellulaire brutale (exercice physique excessif, chimiothérapie avec lyse tumorale, hémolyse intravasculaire…, rhabdomyo-
lyses, catabolisme tissulaire accru, brûlures étendues, hémorragie digestive ++)
– Blocage β-adrénergique : traitement par β-bloquants
– Intoxication théophylline ; intoxication digitalique (inhibition Na/K ATPase) ; au baryum ; à la succinylcholine ; à la cocaïne
– Paralysie périodique familiale (syndrome de Garmstorp)

Hyperkaliémie par augmentation du pool potassique = bilan positif du K+


Par excès d’apport en K+ Par défaut d’élimination rénale du potassium
• Nécessite une oligurie ou anurie++ : • Insuffisances rénales aiguës et chroniques [débit de filtration glomérulaire < 20 mL/mm]
– sels de régime • Insuffisance minéralocorticoïde (aldostéronémie diminuée) :
– perfusions inadéquates (Ringer) : – maladie d’Addison = insuffisance surrénale aiguë et chronique
. transfusions massives – déficits enzymatiques
. sang hémolysé… = 21 OHase, 3 βOH stéroïde déshydrogénase…
. post cardioplégie…
– hyporéninisme hypoaldostéronique (diabète sucré, néphrites interstitielles… shunt
des chlorures)
– hypoaldostéronisme induit : héparine, anti-inflammatoires non stéroïdiens,
inhibiteurs de l’enzyme de conversion, losartan, ciclosporine, kétoconazole,
β-bloquants
– hypoaldostéronisme (congénital) (avec hypertension artérielle) = syndrome de
Gordon)
• Anomalies tubulaires rénales :
– acidoses tubulaires type IV : obstacles urinaires, lupus érythémateux disséminé,
dysglobulinémies, amylose, greffe de rein, etc.
– diurétiques distaux épargneurs de K (spironolactone, amiloride…)
– Bactrim, pentamidine
– Prématurité (immaturité tubulaire)

3. Bilan du potassium 4. Transport du potassium


le long du néphron
Le bilan du potassium est équilibré entre des apports ali-
mentaires physiologiques (fruits frais et secs, légumes et
Une fois filtrée librement à travers le glomérule, une frac-
viandes) accessoirement médicamenteux, qui varient de 80
tion majoritaire (60 %) du potassium est réabsorbée par le
à 100 mmol/24 h, soit environ 4 g/j (le potassium est un
tube proximal, une fraction additionnelle (30 %) par l’anse
cation monovalent de poids atomique 39, donc 1 mmol de
de Henlé grâce au co-transport Na+K2 Cl–, au point qu’à
K+ = 39 mg de K+. Rappelons que 1 g de KC1 correspond
peine 10 % de la charge filtrée atteint l’entrée du tube dis-
à 13 mmol de potassium). L’absorption intestinale a lieu
tal. Ce phénomène de réabsorption opère de façon conti-
au niveau du grêle en fonction d’un mécanisme passif.
nue, indépendante des fluctuations du métabolisme du
La principale voie d’excrétion est le rein, permettant, après potassium. La régulation a lieu en aval de l’anse de Henlé,
une période d’adaptation, une équilibration du bilan les au tube distal et collecteur. En cas d’apports minimes de
pertes sudorales et fécales étant négligeables. L’aptitude potassium alimentaire, la réabsorption se poursuit pour ne
du rein à maintenir l’équilibre dans une fourchette étroite laisser excréter qu’une quantité infime du potassium filtré.
est impressionnante, en particulier à la surcharge, sans Quand les apports deviennent normaux ou excédentaires,
entraîner de modification permanente significative de la un processus de sécrétion distale s’instaure et détermine le
kaliémie. taux d’excrétion urinaire du K+.

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Diagnostic Les manifestations neuromusculaires, c’est-à-dire les para-


lysies hyperkaliémiques, sont rares. Elle sont précédées de
1. Signes cliniques fatigabilité musculaire, de paresthésies des extrémités et
L’hyperkaliémie est habituellement sans traduction cli- du visage. Les paralysies respectent les paires crâniennes.
nique. Une notion est primordiale : seules les grandes Une abolition de la réponse idio-musculaire peut être obser-
hyperkaliémies aiguës deviennent symptomatiques. Elles vée. Quand ces signes subjectifs sont ressentis par le
engendrent alors des signes cardiaques et neuromuscu- malade, ce sont des indices de haute gravité en raison du
laires, signifiant l’imminence de l’accident létal. retard de l’intoxication potassique sur les muscles striés
(squelettiques) vis-à-vis des muscles lisses (myocarde).
Les manifestations cardiaques ne sont pas toujours paral-
lèles au degré d’hyperkaliémie ; le risque étant l’arrêt cir-
culatoire brutal, éventuellement sans la précession du
moindre signe clinique (un taux O 9 mmol/L est réputé
être la limite compatible avec la survie).

2. Signes électrocardiographiques
Les anomalies électrocardiographiques observées, consé-
quences des troubles de la repolarisation ventriculaire,
comprennent dans l’ordre d’apparition une onde T ample,
pointue, acuminée et symétrique à base étroite d’abord
visible dans les dérivations droites V2-V3 et à la pointe,
dès que la kaliémie dépasse 6 mmol/L. Leur absence pour
un tel taux plasmatique est très suggestive de fausse hyper-
kaliémie. Viennent ensuite, pour des taux supérieurs à
7 mmol/L, les anomalies du complexe rapide, un allonge-
ment de l’espace QRS ainsi que de l’espace PR. Des
troubles du rythme s’associent à ces anomalies de conduc-
tion : paralysie sinusale, dissociation auriculoventriculaire
puis tachycardie supraventriculaire, fibrillation ventricu-
laire et enfin dissociation électromécanique. Toute cette
sémiologie souligne l’importance de l’électrocardio-
gramme, immédiatement pratiqué devant toute suspicion
d’hyperkaliémie.
2
Hyperkaliémie majeure. Absence d’activité auriculaire
visible ; rythme ventriculaire un peu irrégulier entre 68 et 82
par minute, avec complexe QRS élargi à 0,16 s. Les ondes T ont
une morphologie très particulière. Elles sont amples, pointues
et étroites, diphasiques (+–) en I, positives en II, III et V6, suc-
cédant aux complexes QRS avec un espace QT très allongé à
0,54 s (pour un QT normal à 0,37 ± 0,04 s).
La morphologie particulière des ondes T est très suggestive
d’une hyperkaliémie ; il s’agit ici d’une hyperkaliémie impor-
tante, supérieure à 7 mEq/L qui peut expliquer la présence d’un
rythme ventriculaire ectopique. Il n’est pas possible, en l’ab-
sence d’ondes P visibles sur ce tracé, de préciser s’il s’agit du
rythme d’échappement ventriculaire secondaire à un bloc auri-
culoventriculaire, fréquente en cas d’hyperkaliémie aussi
importante.
Noter la très importante déformation des complexes QRS
(flèches) et des ondes T en V2 qui rend l’interprétation du tracé
1
Signes électrocardiographiques des hyperkaliémies. ampli- difficile. Le rythme ventriculaire est peu rapide en V2 à 84/min.
tude des ondes T de V2 à V4, qui ont un caractère étroit et pointu. De telles modifications du tracé précèdent de peu l’arrêt ven-
Un tel aspect des ondes T est suggestif d’hyperkaliémie. triculaire en l’absence de traitement.
Extrait de « L’électrocardiogramme, savoir l’interpréter ». Extrait de « L’électrocardiogramme, savoir l’interpréter ».
Gay J, Desnos M (avec l’autorisation de l’éditeur Frison-Roche). Gay J, Desnos M (avec l’autorisation de l’éditeur Frison-Roche).

La cardiotoxicité de l’hyperkaliémie peut être aggravée


pour des taux plus modestes par d’autres anomalies élec- 3. Diagnostic biologique
trolytiques, hypocalcémie et hypomagnésémie surtout, qui L’hyperkaliémie est définie par une concentration plasma-
diminuent le seuil de potentiel de membrane, voire même tique O 5,3 mmol/L (6 mmol/L chez le nourrisson). Encore
en cas d’atteinte cardiaque préexistante. faut-il, pour l’interpréter correctement, obéir à un certain

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HYPERKALIÉMIE

nombre de règles évitant de prendre en compte un taux trocardiographique. L’opportunité de cette mesure ne
erroné par excès alors que la kaliémie réelle est normale. souffre que l’exception de l’intoxication digitalique : le trai-
Ces hyperkaliémies factices sont dues à une ponction vei- tement par anticorps spécifique réactive l’inhibition des
neuse difficile quand la pose prolongée d’un garrot génère pompes Na/K ATPases et donc la recaptation cellulaire du
une acidose locale. Ailleurs, le phénomène est la consé- potassium.
quence d’une hémolyse « in vitro » dans le tube de prélè-
vement où le potassium intra-érythrocytaire se libère au fur 2. Favoriser le transfert intracellulaire
et à mesure dans le milieu. du potassium
Enfin, de fausses hyperkaliémies sont associées à des Trois traitements sont disponibles pour induire en cas d’hy-
thrombocytémies ou des hyperleucocytoses majeures. Les perkaliémie un effet de transfert (shift des Anglo-Améri-
cellules malignes lysées au sein du caillot élèvent artifi- cains) du K+ vers le compartiment intracellulaire.
ciellement le taux de la kaliémie sérique, alors qu’un pré- • Les médicaments agonistes β2-adrénergiques, agonistes
lèvement effectué sur anticoagulant reflète la kaliémie plas- des catécholamines, pourraient être utilisés avec succès par
matique circulante qui est normale. voie veineuse (épinéphrine 50 ng/kg/min) mais dans une
Détecter une hyperkaliémie impose d’apprécier le degré situation d’urgence éventuelle leur application en aérosols
d’atteinte rénale car l’insuffisance rénale est la cause constitue une solution élégante, toujours applicable et très
majeure d’hyperkaliémie et génère les accidents les plus efficace (salbutamol 5 µg/kg). Le salbutamol et les sym-
graves. On ne peut se dispenser de connaître les désordres pathomimétiques β2 apparentés (terbutaline, fénotérol) se
hydroélectrolytiques ni les désordres acido-basiques (pH, fixent sur des récepteurs membranaires spécifiques. Ils sti-
pCO2, CO2 total…) associés ou cause de l’hyperkaliémie. mulent la production d’AMPc intracellulaire, facteur d’ac-
L’examen des urines par les bandelettes réactives, l’étude tivation de la pompe Na/K. Leur effet agoniste stimule les
du sédiment et des électrolytes urinaires sont les prémisses Na/K ATPases membranaires des cellules squelettiques ce
indispensables de l’analyse de l’état rénal (DFG [débit de qui permet le transfert du K+ vers l’intérieur des cellules.
filtration glomérulaire] et GTTK [gradient transtubulaire L’efficacité tient surtout au volume musculaire disponible
de potassium]) (voir réf. : Ethier J.). qui permet une redistribution interne à l’organisme. Un
Ces résultats vont indiquer si la réponse rénale est adaptée abaissement rapide et important de la kaliémie est obtenu
aux troubles métaboliques ou si, à l’inverse, une maladie mais, là encore, temporairement. D’autres mesures s’avè-
rénale engendre l’hyperkaliémie. rent nécessaires pour contenir le processus qui entretient
l’hyperkaliémie et s’adressent donc aux causes de cette der-
nière. Soulignons que la sélectivité β2 est nécessaire à l’ab-
Traitement sence d’effets indésirables cardiaques tels qu’excès de
tachycardie, etc.
Principes thérapeutiques • L’alcalinisation plasmatique réalise le même effet de
La prise en charge de l’hyperkaliémie avérée comporte plu- transfert cellulaire immédiat et peut être plus durable. L’al-
sieurs types de mesures, non nécessairement exclusives, calinisation par flacons intraveineux de solutés de bicar-
visant à diminuer la toxicité du K+ sur le myocarde, réin- bonate de Na (à 14 ‰ ou 42 ‰ voire en bolus d’ampoules
tégrer l’excès de K+ extracellulaire dans le compartiment à 84 ‰) accentue de surcroît l’excrétion urinaire de K+.
cellulaire, et s’il y a surplus de K+, l’éliminer de l’orga- Mais il est vain d’escompter cet effet supplémentaire en
nisme. cas d’atteinte rénale sévère.
La perfusion de bicarbonate de sodium ne constitue plus
1. Intérêt du calcium le traitement physiopathologique indiscuté des hyperka-
Le calcium diminue la toxicité du K+ sur le myocyte car- liémies bien que ces dernières soient étroitement imbri-
diaque. Quand l’hyperkaliémie est sévère (O 7 mmol/L), quées aux états d’acidose métabolique.
la situation est celle de l’urgence cardiologique. Il faut Avec ce traitement, la baisse de la kaliémie obtenue est
« antagoniser » l’effet électrolytique au niveau même de la modeste, supplantée par d’autres mesures thérapeutiques.
cellule musculaire cardiaque. L’excitation du muscle car- L’alcalinisation va à l’encontre du schéma théorique appli-
diaque est, on le sait, immédiatement sensible aux varia- cable à la majorité des cas d’acidoses métaboliques graves
tions des teneurs électrolytiques du milieu extracellulaire. et aiguës rencontrées en clinique. Dans ces circonstances,
Ainsi, bien que sans effet sur la kaliémie, l’injection intra- les cellules sont en réalité dans un état d’acidose « respi-
veineuse de calcium, mieux sous forme de chlorures ratoire » par excès de production de CO2. Schématique-
(20 mg/kg ou 20 mL à 10 %) en bolus intraveineux chez ment, la production d’ions H+ endocellulaires consomme
l’adulte que de gluconate, augmente le seuil de dépolari- les CO3H ce qui aboutit à une génération de CO2, diffu-
sation des cellules cardiaques. Son effet est immédiat sur sible. La pCO2 cellulaire et veineuse devient donc élevée
les troubles de conduction dépendants de l’hyperkaliémie. pour un territoire concerné. Cela amène à penser qu’en
Après les premières injections veineuses, les quantités ulté- dehors de circonstances restreintes aux accidents de sur-
rieures de calcium nécessaires à la régularisation perma- charge acide exogène brutale ou de pertes majeures en
nente des tracés électrocardiographiques dépendent de l’ac- bicarbonates, l’alcalinisation fournit un substrat d’anions
tion passagère de l’hypercalcémie induite. L’application de CO3H, potentiellement délétères pour les cellules. Une
ce traitement requiert les conditions du monitorage élec- mesure de bon sens reste cependant d’alcaliniser les

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Néphrologie - Urologie

patients dont l’acidose métabolique est significativement • Les résines échangeuses de cations (polystyrène sulfo-
trop décompensée (taux de CO2 total o 17 mmol/L). nate de sodium = Kayexalate) et (polystyrol sulfonate cal-
L’expansion volémique réalisée par le bicarbonate de cique = Calcium Sorbistérit) complexent le K+ dans le tube
sodium injectable expose à un autre danger, celui de sur- digestif et bloquent son absorption intestinale. Cette thé-
charge sodée. Son application devient subrogée à la possi- rapeutique administrée en poudre orale diluée (dosée par
bilité d’une charge en sodium, inenvisageable en cas d’anu- cuillère-mesure de 5 g ; 3 x 5 g/24 h chez l’adulte) ou excep-
rie constituée, de décompensation cardiaque ou tionnellement par voie rectale (lavement de 100 g) permet
d’échappement d’hypertension artérielle, etc. Il n’y a pas une diminution modérée de la kaliémie, par échange d’un
de supériorité démontrée d’autres solutés alcalinisants tels ion potassique contre un ion non K+. L’effet sur la kalié-
que THAM, lactates, citrates… De plus, une alcalinisation mie survient au bout de 3 à 4 h. C’est davantage une thé-
trop brutale, abaissant le taux de calcium ionisé expose au rapeutique préventive que curative, à prescrire chez des
danger de tétanie, de convulsions. patients chroniquement exposés au risque d’hyperkaliémie
Les apports alcalins voient actuellement leur utilisation (insuffisants rénaux chroniques et dialysés surtout…).
acceptée dans les cas où existe un état de déplétion extra- • Éliminer l’accumulation de potassium en provoquant
cellulaire associée. Quand l’état de déshydratation extra- une abondante kaliurèse par action directe sur le rein consti-
cellulaire commande la nécessité d’apports en sels de tue une autre mesure très efficace. Les diurétiques de l’anse
sodium, les perfusions de bicarbonate de sodium sont légi- augmentent l’excrétion rénale du potassium.
times. Leur action puissante et rapide a l’avantage de persister
La prescription chronique, elle, concerne des malades bien jusqu’à un degré avancé d’insuffisance rénale. Ils consti-
différents, et fait appel aux gélules de bicarbonate, de tuent une thérapeutique majeure, malheureusement pas tou-
citrate, de phosphates per os, voire aux eaux minérales alca- jours applicable ni efficace. Leur principe est débattu lors-
lines mais leur teneur élevée en fluor expose au danger de qu’il y a anurie par néphropathie aiguë. Des considérations
fluorose osseuse. théoriques complexes (sortant du cadre de cet exposé) sug-
• L’administration d’insuline, associée aux solutions glu- gèrent en pratique de surseoir à poursuivre les injections
cosées pour mettre à l’abri de l’hypoglycémie (10 mL/kg en cas d’échec avéré sur le débit urinaire.
de soluté glucosé à 30 % en perfusion sur 20 min + 0,5 unité L’important est surtout de bien se rappeler que les diuré-
d’insuline ordinaire/kg de poids corporel) entraîne l’entrée tiques sont à l’évidence contre-indiqués en cas de déshy-
du K+ dans la cellule. L’effet est rapide et est réputé de sur- dratation extracellulaire préalable et que leur prescription
croît additif par rapport aux β2-agonistes des catéchola- est incohérente en cas d’obstruction urinaire. Leur incon-
mines. Cette possibilité thérapeutique oblige à un certain vénient est aussi de modifier la composition électrolytique
volume de perfusions liquidiennes, mais voit son succès des échantillons d’urine qui servent à diagnostiquer le type
terni par le relargage secondaire du K+ transféré. d’atteinte rénale (fonctionnelle, organique).
L’insuline joue son rôle propre sur la pompe Na/K-ATPase. Leur impact tubulaire est quadruple et il induit : une réduc-
Par elle-même, l’hyperglycémie peut intervenir à la fois tion de la réabsorption dans l’anse de Henle liée à l’inhibi-
sur le transfert du K+ sur les dépôts de glycogène (ce der- tion du cotransport selon une stœchiométrie 2Cl–, 1 Na+ et
nier est un accepteur de K) et sur une libération d’insuline 1 K+ ; une baisse de la réabsorption passive du K+ par effa-
endogène en réponse à l’élévation de la glycémie. La ques- cement du gradient transépithélial ; une stimulation de la
tion peut être posée sur l’intérêt du glucagon dans la tolé- sécrétion distale du K+ grâce à l’augmentation du flux uri-
rance aux accès d’hyperkaliémie aiguë. naire parvenant à ce niveau d’aval du tubule ; une intensifi-
cation de l’ammniogenèse rénale. L’augmentation de la
3. Corriger l’excédent de la balance potassique sécrétion urinaire de NH4+ et avec elle l’excrétion acide, tend
Soustraire l’excédent potassique constitue un autre volet à corriger l’acidose métabolique et indirectement l’hyper-
du traitement, d’autant que les mesures précédentes sont kaliémie.
transitoires et ne négativent pas l’excès du bilan du K+. • L’échec des mesures précédentes conduit à la dialyse
Pour rééquilibrer la balance positive du K+, la suppression car l’hyperkaliémie continue d’être stimulée tant que sa
des apports est fondamentale, primordiale dans les situa- cause persiste. Le contexte d'acidose, d’hypercatabolisme
tions à risque, bien que souvent oubliée (sels de régime à requiert dans la situation habituelle aux insuffisances
base de sel de potassium, solution de Ringer, etc.). Cette rénales aiguës et chroniques le recours sans délai aux tech-
méconnaissance est l’effet pervers d’une notion exacte et niques d’épuration extrarénales : les techniques d’hémo-
bien ancrée que tout excès d'apport en potassium est phy- dialyse, d’ultrafiltration ou la dialyse péritonéale obtien-
siologiquement régulé par le rein. L’assertion que des nent les corrections voulues en utilisant des bains de dialyse
apports indus ne peuvent générer une hyperkaliémie chez qui sont alcalins et dont la teneur en K+ est modulable entre
le sujet sain, n’est pas transposable à des malades qui ont 3 et 1,5 mmol/L selon l’effet escompté.
une atteinte rénale fonctionnelle si ce n’est organique. Cet Pour terminer, rappelons la règle clinique que tout hyper-
aspect souligne l’importance de la restriction diététique qui kaliémie dont la cause n’apparaît pas rapidement évidente
accompagne les maladies rénales. doit immanquablement suggérer l’idée d’insuffisance sur-
Les trois méthodes actuellement disponibles pour réduire rénale (mélanodermie, hypotension artérielle, hyponatré-
l’excès de K+ sont d’ampleur différente : les résines, les diu- mie, natriurèse excessive et gradient transtubulaire de
rétiques de l’anse et la dialyse. potassium abaissé). Elle répond au traitement spécifique et

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HYPERKALIÉMIE

codifié par 9 α-fluoro-hydrocortisone associé aux apports dans toutes les formes d’insuffisance rénale. Cette pré-
sodés (50 à 200 µg/24 h) ou d’emboles renouvelés d’hy- vention concerne les insuffisants rénaux oligo-anuriques
drocortisone intraveineuse de 100 mg. aussi bien que les insuffisants rénaux chroniques traités par
hémodialyse de suppléance chez qui les mesures diété-
Indications thérapeutiques tiques sont associées à la prise régulière de chélateurs de
1. Traitement curatif potassium. Ces anticipations chez les sujets à risque consti-
tuent le vrai progrès du traitement de l’hyperkaliémie. ■
Le traitement curatif s’envisage selon le degré de l’hyper-
kaliémie. Au-dessus de 7 mmol/L, le pronostic vital est Points Forts à retenir
immédiatement en jeu. Le monitorage électrocardiogra-
phique est de rigueur. C’est habituellement le contexte
d’une anurie. Le traitement d’urgence est entrepris avant • L’hyperkaliémie constitue la menace la plus
même d’avoir prédéfini le traitement approprié de la cause : grave et la plus sournoise de tous les troubles
• les aérosols de salbutamol constituent la première mesure hydroélectrolytiques.
immédiatement applicable qui abaisse la kaliémie signifi- • L’hyperkaliémie se constitue silencieusement
cativement. L’option injectable est disponible, elle est aussi au début, sans sémiologie clinique. Ultérieurement,
réutilisable dans les limites de la tolérance à la tachycardie ; quand les signes apparaissent, cardiaques ou
• le calcium intraveineux, dès que des anomalies électro- musculaires, c’est l’imminence possible de
cardiographiques sont constatées, telles qu’ondes T très l’accident létal.
acuminées ou élargissement de QRS, anomalie de PR voire • L’hyperkaliémie déprime la contraction,
devant le moindre trouble du rythme. Les injections sont l’automatisme, la conduction et l’excitabilité
éventuellement répétées à intervalles rapprochés ; cardiaques corrélées à des troubles
• l’organisation d’une dialyse urgente est le relais essen- électrocardiographiques qu’il faut dépister
tiel, prévisible pour corriger l’acidose, la surcharge et trai- bien avant l’arrêt circulatoire.
ter l’insuffisance rénale. Le transfert en service spécialisé • Un électrocardiogramme est immédiatement
va s’imposer de par la lourdeur des problèmes sous-jacents : pratiqué devant toute suspicion d’hyperkaliémie
causes multifactorielles, défaillances multiviscérales… que confirme ensuite le prélèvement plasmatique.
L’alcalinisation intraveineuse n’est de mise que s’il y a • Penser à l’hyperkaliémie devant tout trouble du
hypovolémie et (ou) polyurie ; s’il y a surcharge, l’injec- rythme ou de la conduction chez un malade
tion de fortes doses de furosémide peut être tentée, sans insuffisant rénal.
garantie de résultat tangible. La première injection est • L’hyperkaliémie n’est pas une maladie en soit :
impérativement décalée par rapport au prélèvement sa survenue dépend d’autres désordres.
d’urines (ionogramme urinaire). Ces derniers doivent suggérer cette complication
Lorsque l’hyperkaliémie est modérée, inférieure à et la faire découvrir. La véritable thérapeutique
6,5 mmol/L, sans complication cardiaque ou électrocardio- de l’hyperkaliémie est préventive : la prise en
graphique, il faut gérer une situation aiguë, non décompen- charge idéale nécessite le repérage des sujets
sée, ou plus souvent chronique. L’hyperkaliémie est soit le à risque.
résultat attendu d’une investigation orientée soit une décou- • En cas d’accès d’hyperkaliémie sévère supérieure
verte de laboratoire. Le schéma amène dans l’ordre à : à 7 mmol/L, la thérapeutique est une urgence, fait
• envisager le réduction des apports alimentaires et non ali- appel dans les conditions de réanimation aux
mentaires qui tendent à positiver la balance potassique ; aérosols de salbutamol, aux injections
intraveineuses de calcium et à l’épuration
• arrêter les médicaments générateurs d’hyperkaliémie tels
extrarénale.
qu’anti-inflammatoires non stéroïdiens, inhibiteurs de l’en-
zyme de conversion, diurétiques d’épargne potassique, etc. ;
• compenser l’acidose plasmatique dans la mesure des pos- POUR EN SAVOIR PLUS
sibilités en fonction des causes respiratoires ou rénales Ethier J, Magner PO, Kamel KS, West ML, Halperin ML. Évalua-
(bicarbonates, citrates per os) ; tion clinique de la sécrétion rénale de potassium : une nouvelle
• prescrire une résine échangeuse d’ions (K+ échangé contre méthode non invasive. Medecine Sciences 1988 ; 4 : 637-42.
Fauchier JP, Cosnay P, Latour F. Cœur et hyperkaliémie. Arch
soit Na+, soit Ca++) ou un diurétique non épargneur de K+. Mal Cœur 1984 ; n° spécial avril : 23-33.
Jaerger P, Descoeudres G. In : Le métabolisme électrolytique et
2. Traitement préventif minéral. Hyperkaliémie : diagnostic et traitement. Genève : Édi-
tions Médecine et Hygiène, 1994 : 113-8.
Le véritable traitement de l’hyperkaliémie est préventif. Il Kanfer A, Kourilsky O, Peraldi MN. Néphrologie et troubles
hydroélectrolytiques. Paris : Masson, 1997.
se résume parfois à la simple suppression d’une cause iatro- Legendre C, Choukroun G, Therbet E. Hyperkaliémie. In : Le
génique, à compenser exactement la carence hormonale potassium, Désordres hydroélectrlytiques. Paris : Arnette-Black-
d’une insuffisance surrénale, à appliquer les mesures pré- well 1995 ; 6 : 132-40.
Paillard M, Houllier P. Bilan de potassium et kaliémie. In : Physio-
ventives de décompensation chez les insuffisants respira- logie rénale et désordres électrolytiques. Hermann, 1992 : 153-
toires, à ajuster les apports d’alcalins oraux en cas d’aci- 65.
dose métabolique chronique, ailleurs à prescrire un Weissemburger J, Detienne JP. Sympathomimétiques a et b : prin-
cipes et règles d’utilisation. Rev Prat (Paris) 1995 ; 45 : 753-62.
diurétique ciblé, à prévoir surtout la dialyse prophylactique

456 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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