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La modélisation graphique : perspectives d’évolution d’un outil de recherche vers un outil

d’aide au développement.

Muriel Bonin1, Pascal Thinon2, Jean-Paul Cheylan3, Jean-Pierre Deffontaines4

Résumé

L’article présente les principes de la modélisation graphique. La méthode


est abordée d’un point de vue théorique (concepts, origine et évolutions)
et pratique (sources d’information, démarche, analyse, interprétation). Les
polémiques autour des chorèmes et les limites de l’outil sont discutées.
Trois exemples présentent l’utilisation de la modélisation graphique par
des chercheurs pour rendre compte de l’organisation et de la dynamique
spatiale du territoire dans trois Parcs Naturels Régionaux.
Des perspectives d’utilisation de la modélisation graphique dans des
projets de développement sont avancées à partir de deux cas concrets :
l’organisation de l’espace pastoral en estive et un projet de Pays. La
place des acteurs de terrain dans la construction de la représentation des
situations est discutée, ainsi que la contribution de cette démarche de
modélisation à la production de connaissances pour l’action.

Introduction

La dimension territoriale étant de plus en plus présente dans les projets


de développement, des méthodes de modélisation des organisations
territoriales sont nécessaires. Dans une perspective de développement,
elles doivent être faciles d’accès, simples à mettre en œuvre et permettre
un dialogue avec et entre les acteurs. Les géographes disposent d’une large
palette d’outils d’analyse du territoire, dont la modélisation graphique.
Cependant, la plupart de ses utilisations, du moins celles ayant fait
l'objet d'une publication scientifique, sont issues des milieux
universitaires et n'ont pas de visée explicite de production de
connaissances pour l'action. Nous posons ici la question de la pertinence
et des perspectives d’évolution de cet outil de recherche vers un outil
d’aide au développement.
Dans la première partie, nous présentons la démarche de modélisation
graphique et proposons des éléments de discussion sur la méthode. Trois
exemples d’utilisation dans des Parcs Naturels Régionaux français
illustrent la démarche. Dans une seconde partie nous engageons une
réflexion sur les perspectives d’utilisation dans le cadre d’opérations de
développement, à partir de deux exemples de confrontation de la
modélisation graphique à des situations concrètes d’action.

La modélisation graphique : principes, démarches et questionnements

Précisons tout d’abord quelques points de vocabulaire :

1
CNRS-UMR ESPACE, Montpellier
2
INRA-SAD, Versailles
3
CNRS-UMR ESPACE, Montpellier
4
INRA-SAD, Versailles
Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :
perspectives d’évolution d’un outil de recherche vers un outil d’aide au développement. in.
CIRAD Modélisation des agroécosystèmes et aide à la décision, Malézieux, Trébuil, Jaeger eds.,
coll. Repères, pp. 391-412, ed. CIRAD & INRA.
1
- un chorème renvoie à une « structure » spatiale élémentaire et à sa
représentation graphique. Le terme de structure correspond à la forme d’une
distribution spatiale à un instant donné ou à celle d’une dynamique. Chaque
structure élémentaire est aussi l’expression d’une « loi » de l’espace
(modèle de gravitation par exemple, modèles de diffusion, etc.).
- un modèle graphique renvoie à l’expression graphique pour un territoire
donné de la composition de ces différentes structures élémentaires pour
découvrir, expliciter et représenter des organisations et des dynamiques
spatiales.
- la modélisation graphique (ou parfois chorémisation) correspond à la
démarche qui conduit à la production d’un modèle graphique.

Fondements théoriques

Les chorèmes ont été conçus à l’origine, par Roger BRUNET (1972), (1980),
(1986) comme l’engagement d’un travail, nécessairement long et coopératif,
de constitution et de spécification, d’un « vocabulaire » et d’une
« syntaxe », qui permettraient à terme de rendre compte, non seulement des
traits majeurs des organisations et dynamiques spatiales observables, mais
également des liens causaux, avérés ou hypothétiques, pouvant tenir lieu
d’explication. Des objets élémentaires (chorèmes), généralement traduits
sous forme d’un graphique simple sont associés aux facteurs ou aux « lois »
de l’espace géographique permettant d’avancer une explication des
situations observées. Un nombre réduit de situations spatiales type
(ruptures, effets d’axe, gradients, organisation centre / périphérie,
réseaux de « drainage » et « d’irrigation », etc.) peut rendre compte, par
combinaison, de la diversité des situations observées. Ce sont donc les
capacités combinatoires de ces structures de base (à l’image des mots d’une
langue) qui permettent d’approcher l’adéquation entre un vocabulaire simple
et la grande diversité des phénomènes à représenter.
Plusieurs tentatives d’organisation d’un univers « minimal » de chorèmes
ont eu lieu. Suite à un article paru dans l’espace géographique (BRUNET,
1972) qui énonçait une première collection d’objet de type chorèmes, un
travail collectif au sein du GIP RECLUS5 a abouti à une première « grille »
de chorèmes (BRUNET, 1986). Un autre groupe de travail, associant
géographes et agronomes, a proposé une seconde grille (CHEYLAN et al.,
1990) qui introduit de nouveaux éléments pour la représentation des
changements (fig. 1). Plus récemment, Madeleine Brocard (BROCARD, 1993)
faisait une proposition complémentaire en introduisant une concordance
entre les règles de base du langage graphique de J.BERTIN et l'expression
graphique des chorèmes.

5
GIP RECLUS = Groupement d’Intérêt Publique Réseau d'Etude des Changements

dans les Localisations et les Unités Spatiales


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La démarche de modélisation graphique

Un modèle graphique s’élabore à partir de questions initiales, issues d’une


problématique géographique ou d’un enjeu de développement. La démarche de
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modélisation graphique nécessite la constitution d’un ensemble
d’informations spatiales se rapportant à ces problématiques ou enjeux. Les
principales sources d’information utilisées sont : (i) le recueil de
travaux antérieurs sur le terrain d’étude ; (ii) des observations de
terrains et des enquêtes ; (iii) des travaux spécifiques de cartographie
thématique, notamment des cartes statistiques issues de banques de données
spatialisées ; (iv) une cartographie d’occupation et d’utilisation du sol,
éventuellement à différentes dates ; (v) une cartographie à dires d’experts
ou à dires d’acteurs. Le recours à un Système d’Information Géographique
(SIG) peut faciliter l’intégration, les traitements et la cartographie de
ces informations.
Les chorèmes sont avant tout des outils pour interpréter les formes, les
structures et les distributions d’un ensemble de cartes. Il faut alors
hiérarchiser le poids de chacune de ces structures élémentaires et
identifier les modalités de leur composition. Il s’agit pour cela de
formuler des hypothèses sur les mécanismes spatiaux en présence et
d’éprouver ces hypothèses. Les structures élémentaires regroupées dans les
différentes grilles sont utilisées comme autant de clés dont il faut
vérifier l’adéquation aux distributions observées. Ces clés peuvent se
déformer mutuellement.
La démarche est dialectique, à la fois déductive et inductive. Dans le sens
ascendant (inductif) l’examen d’une distribution spatiale permet
l’identification des chorèmes susceptibles de « fonctionner », alors que
dans le sens descendant (déductif) on mobilise des lois de l’espace
géographique connues et récurrentes. Celles-ci sont ensuite appliquées à
une situation spatiale particulière pour construire des hypothèses qu’il
faudra ensuite valider par l’examen des distributions prises en compte. Le
modèle graphique résultera de l’ajustement progressif, dans une démarche
itérative, de ces deux approches (BRUNET, 1986).
D’un point de vue pratique, il faut dans un premier temps se donner une
surface de travail géométrique (cercle, carré, rectangle…) représentant au
mieux l’espace à modéliser et permettant de s’extraire des contingences
locales. Si cette généralisation est nécessaire à la construction du
modèle, rien n’interdit ensuite, pour sa restitution et sa diffusion, de
repositionner les structures identifiées sur un fond de carte plus proche
de la géométrie du territoire étudié. On cherche dans un deuxième temps,
selon la démarche dialectique et itérative décrite ci-dessus, à repérer les
structures élémentaires et leurs combinaisons qui rendent compte, au mieux,
des distributions cartographiques observées. Il faut savoir limiter le
nombre de structures élémentaires utilisées sous peine de complexifier à
outrance la représentation pour un gain faible en termes de minimisation
des écarts entre le modèle et la réalité observée.
Les chorèmes sont des outils de représentation de connaissances spatiales
en cours d’acquisition et de structuration, particulièrement en situation
interdisciplinaire. Analogiquement, on pourrait parler ici de « tableau
noir » au sens des « blackboards » des premières approches de
représentation de connaissances (CHEYLAN et al., 1984). L’intérêt de cette
approche réside dans ses capacités heuristiques en vue de la construction
d’un modèle explicatif. Elle constitue également une heuristique
complémentaire d’identification et de spécification des objets spatiaux
pertinents, susceptibles d’être introduits dans des systèmes d’information
qui permettront de représenter et de traiter la problématique abordée.

Polémiques autour des chorèmes et limites

La chorématique a connu un développement important dans la recherche et


dans l’enseignement. Débats et critiques ont rapidement vu le jour. Un
numéro spécial de la revue Hérodote (LACOSTE et al., 1995) dénonçait
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« l’impérialisme et les dérives de la chorématique ». Il regroupait un
ensemble d’articles très critiques à l’encontre des chorèmes et de leurs
utilisations.
La chorématique y est taxée de dogmatique : « les assemblages de modèles
chorématiques sont imposés de façon péremptoire, comme s’ils étaient le
fruit de calculs et de raisonnements scientifiques tellement savants qu’il
serait parfaitement vain de tenter de les expliquer au bon peuple et aux
géographes ordinaires » (LACOSTE, 1995, p.13).
La présentation systématique d’une ou plusieurs cartes en vis à vis du
modèle graphique peut constituer un « garde-fou » face aux éventuels
chorèmes « sortis du chapeau ». Elle permet de clarifier leurs modes de
production, leur généalogie et d’argumenter les choix retenus. Autre
avantage, la carte renvoie au terrain, elle permet de localiser les
structures représentées par les chorèmes. Cet aspect est important dans une
perspective de développement et de discussion avec les acteurs.
Une dérive fréquemment dénoncée est celle de la confusion entre schéma et
modèle. Des simplifications de cartes aboutissent parfois à un ensemble de
symboles graphiques qui ne renvoient, ni à des structures spatiales
élémentaires, ni à des éléments d’explication sur la genèse de la forme.
L’esthétique du graphique prime alors sur le fond.
Une autre critique adressée à l’encontre des chorèmes porte sur le refus de
prise en compte du milieu physique. Ce reproche renvoie plus aux
utilisations de l’outil qu’à l’outil lui-même. Certains utilisateurs des
chorèmes privilégient les « relations horizontales », associées à des
polarisations / diffusions socio-économiques et rejettent les facteurs du
milieu naturel. Cependant rien n’interdit de retenir des éléments du milieu
physique pour participer à la construction du modèle graphique.
Enfin, la question de la validation des chorèmes est très rarement abordée.
Mais le contrôle de leur validité scientifique est d’autant plus difficile
que le langage graphique n’est « pas précis, au sens mathématique du
terme » (BROCARD M., 1993).
Les chorèmes ont donc donné lieu à de vastes débats. Néanmoins ils sont
l’objet d’une large utilisation dans les milieux scientifiques et de
l’enseignement. Il reste à accroître leur capacité à répondre à des
préoccupations de développement.

Trois exemples d’utilisation de la modélisation graphique dans des Parcs Naturels Régionaux
(PNR)

Les trois exemples présentent l’utilisation par des chercheurs de la


modélisation graphique pour rendre compte de l’organisation spatiale du
territoire de trois PNR déjà créés ou en projet. Dans le cadre d’un rapport
préalable à la création d’un PNR en garrigues languedociennes, la
modélisation graphique a permis de formaliser et de diffuser une
représentation des structures et des dynamiques spatiales à différents
niveaux d’échelle. Pour le Parc des Monts d’Ardèche, la modélisation
graphique est utilisée pour définir à l’échelle locale des scénarii de
dynamiques d’occupation des sols en fonction des transformations socio-
économiques et des processus naturels. Dans le Parc du Vexin français, elle
a permis de réaliser une typologie des territoires communaux.

Garrigues du Languedoc
Le projet de Parc est situé au Nord de Montpellier. Il est délimité au Sud par la
plaine littorale, au Nord par les Cévennes, à l’Est par les plaines du Gardon et à
l’Ouest par le Larzac. Les chercheurs ont utilisé la chorématique pour représenter
les principales structures et dynamiques de cet espace et les associer à des enjeux

Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :


perspectives d’évolution d’un outil de recherche vers un outil d’aide au développement. in.
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de gestion. Les modèles graphiques ont servi ensuite au montage d’un dossier de
PNR.

En régions méditerranéennes, l’espace des garrigues se caractérise par une


association végétale à usage agro-sylvo-pastoral sur sols marno-calcaires. Dans le
périmètre du projet de PNR, l’association collines et plateaux de garrigue, est
interrompue par de petites plaines et sillons agricoles sur sols argilo-marneux. Un
gradient sud-est/nord-ouest ordonne des plaines de plus en plus réduites et des
massifs boisés de plus en plus présents (fig. 2.1). Les densités de population et
d’équipements routiers suivent ce gradient. La présence de failles induit un
cloisonnement en parallélogrammes (fig. 2.2). Les villages maillent l’espace en
associant plateaux de garrigues et plaines agricoles. Lorsque les ruptures de
relief sont importantes, de petites plaines-cuvettes délimitent des finages
concentriques (haut de la figure 2.3) alors que plus au sud, de longs couloirs
inter-collinaires associent les mêmes éléments mais selon une organisation en
bandes (bas de la figure 2.3).

Pour le « terroir type », un gradient de pente, de profondeur des sols, de


pierrosité et de réserve utile en eau s’observe, du creux de la plaine jusqu’au
plateau (fig. 2.4). Ce gradient a structuré l’ordonnancement des utilisations des
sols en associant différemment selon les époques, types de ressources et types de
mises en valeur. Actuellement entre les cultures annuelles de plaine et les espaces
d’enclosure des causses, la vigne se développe sur le piémont en concurrence avec
les espaces nouvellement urbanisés. Ce terroir type reflète trois grands processus
de transformations actuelles : la péri-urbanisation, la réorganisation des terroirs
viticoles liée à la politique de qualité et la fermeture de la garrigue. La
croissance urbaine prend deux formes principales : le développement des villages le
long des axes de communication et le développement de « néo-villages » (fig. 2.5).
Une concurrence foncière, entre nouveaux espaces résidentiels et terroirs
agricoles, s’établit.

L’analyse spatiale, de données statistiques et d’informations sur les occupations


des sols, est à l’origine de ces interprétations. Elle s’apparente à une analyse
exploratoire qui facilite l’observation de régularités spatiales, à partir
d’hypothèses issues d’une première approche des comportements sociaux dans
l’espace. Les analyses diachroniques renseignent sur les formes et les intensités
des transformations de l’espace et montrent les inerties de certains processus.
Elles permettent une évaluation des degrés de liberté laissés à des politiques
volontaristes susceptibles d’influer sur ces évolutions.

Il semble que les modèles graphiques ainsi produits n’ont été réellement assimilés
que par des personnes, « sensibles » à la dimension spatiale des phénomènes. Les
tentatives pédagogiques en direction des acteurs montrent qu’il demeure un vaste
travail « d’élaboration du message » à réaliser, tant sur le plan graphique
qu’argumentaire.

Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :


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7
Les Monts d’Ardèche
Le PNR des Monts d’Ardèche regroupe 132 communes sur 180 000 ha. Cet espace rural,
éloigné des pôles urbains, est caractérisé par des terrains granitiques et
schisteux, un relief accidenté, des pentes aménagées en terrasses, domaine du
châtaignier et des élevages ovins et caprins. L’exemple présenté ne porte pas sur
l’ensemble du territoire du PNR. Il se limite au Massif du Tanargue qui regroupe
neuf communes et couvre 18 000 ha. Ce territoire correspond au niveau d’application
d’opérations de gestion de l’espace. Ce travail constitue, pour les gestionnaires
de l’espace, une expérience pour la mise en place de démarches participatives, de
gestion concertée et d'aménagement de l'espace. Les méthodes testées pourront être
adaptées dans d’autres zones du PNR.

Une démarche associant chorèmes et SMA6 a été développée7. Les SMA appréhendent bien
les dynamiques temporelles, l’association chorème-SMA permet une modélisation
spatio-temporelle. Les évolutions temporelles des entités du modèle spatial face
aux changements socio-économiques et aux processus naturels sont ainsi modélisées
(BONIN et LE PAGE, 2000).
L’espace dans les SMA peut être vu, non pas comme un simple support, mais comme un
ensemble d’entités en interaction. Chaque entité spatiale est dotée de propriétés
d’agents. Nous avons retenu comme entité spatiale les composants élémentaires du
modèle graphique. Chaque entité est alors dotée d’attributs qui la caractérisent et
de méthodes qui définissent son évolution.

Deux types de données sont utilisées pour élaborer le modèle :


- des données recueillies par le chercheur selon un protocole d’observation des
dynamiques d’occupation du sol. Un travail de photo-interprétation a été réalisé à
différentes dates (1950, 1969, 1979, 1991), sur la base d’une matrice cadastrale.
Les données sont entrées dans un SIG, cartographiées et analysées ;
- des données, recueillies auprès des acteurs locaux, dans le cadre de la mise en
place d’un schéma d’aménagement de l’espace conduit selon une démarche
participative. Elles ont permis d’identifier les conflits et complémentarités
d’usage de l’espace, les états souhaités du territoire, ainsi que les actions
réalisées ou envisagées.
Ces données, associées à des travaux antérieurs sur l’organisation de l’espace
cévenol (CHEYLAN, 1986 ; GAUTIER, 1996), ont permis d’identifier différentes
structures et dynamiques spatiales. Trois principales structures spatiales ont été
dégagées. Elles sont synthétisées par le modèle graphique de la figure 3.
On y repère :
- l’organisation concentrique autour des hameaux, lieux de localisation des fermes
et résidences secondaires. Du centre vers la périphérie se succèdent les
cultures, les prés, les châtaigneraies, les landes et les feuillus ;
- la structuration de l’espace selon un gradient d’altitude : fond de vallée,
versant et plateau ;
- la mosaïque d’utilisation : myrtille, lande, forêt, estive, etc., sur le
plateau ; prés, vergers, équipements touristiques, urbanisation, etc., en fond
de vallée.
- d’autres éléments se surimposent à ces structures : par exemple les résineux
« en bloc » (ONF8 ou groupements forestiers) ou en « timbre-poste »
(particuliers).
En termes de dynamiques, le principal élément est la fermeture du milieu par la
végétation associée à la déprise agricole. Elle est naturelle (forêt sur lande par
exemple) ou artificielle (boisements de résineux). Des ouvertures ponctuelles du
milieu s’observent toutefois avec le développement de l’élevage extensif et des
résidences secondaires.

6
SMA = Système Multi-Agents
7
Cette approche a été développée au sein du groupe SMAS (Systèmes Multi-

Agents Spatialisés) : http://www.lirmm.fr/w3arc/reseauSMAS


8
ONF = Office National des Forêts
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Une fois construit, le modèle permet de simuler des évolutions : scénario d’abandon
total, simulation d’impact de processus élémentaires (par exemple la mise en place
d’un règlement de boisement, le développement de résidences secondaires sans
règlement d’urbanisme, etc.), propositions d’actions pour le passage de l’état
actuel (EA) à l’état souhaité (ES) définies à partir d’une synthèse des réunions
menées selon une approche participative.9
Les connaissances et préoccupations des acteurs locaux ont été introduites en amont
de la modélisation. Ceci n’est qu’un premier pas vers l’élaboration d’un outil
d’aide à la décision. La discussion autour des impacts spatiaux de différents types
d’actions et des scénarios d’évolution donne une vision globale des processus en
jeu et doit permettre de raisonner la mise en place de nouvelles actions.

Le PNR du Vexin français.

Dans le PNR du Vexin français, la chorématique a été utilisée pour caractériser la


diversité des territoires communaux selon une typologie de communes fondée sur
l'arrangement spatial des types d'occupation du sol. (THINON P. et DEFFONTAINES
J.P., 1999). Il s’agissait de construire un outil d'aide à la gestion de l’espace
dans une perspective de conception intercommunale de politiques d’aménagement :
orientation des Plans d’Occupation des Sols, élaboration de chartes paysagères
communales, etc. Dès lors que le nombre de communes est élevé (plus de 120 pour le
Vexin français), il est intéressant d’opérer des regroupements pour rattacher
9
Pour plus de détail, le lecteur intéressé peut se reporter à (BONIN et LE

PAGE, 2000).
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9
chaque commune à des ensembles plus vastes et faciliter ainsi la définition de
politiques d’aménagement à des niveaux supracommunaux.

Pour classer les communes du Vexin français en fonction de l’arrangement de leurs


occupations du sol, nous disposions d’informations au 1 : 25 000e sur l’occupation
du sol. Chaque commune a pu être ainsi cartographiée selon une nomenclature en 11
postes (bois, surfaces en herbe, terres labourées, habitat, etc.). La recherche des
types a été menée selon une méthode empirique et itérative. A partir des cartes
communales, des modèles d’organisation spatiale récurrents ont été identifiés en
utilisant des méthodes issues de la modélisation graphique : recherche
d’organisations de forme auréolaire (villages de plateau centrés dans le finage),
de forme linéaire (communes dont l’occupation du sol s’organise en bandes
parallèles à l’axe de la vallée). Dans un premier temps, les communes ont été
classées en cinq types recoupant des données du milieu naturel et d’intensité
urbaine : plateaux, buttes, petites et moyennes vallées, grandes vallées de la
Seine ou de l’Oise et communes très urbanisées de la Ville Nouvelle de Cergy-
Pontoise. Un examen plus approfondi a permis ensuite de détailler ces 5 grands
types en 19 types élémentaires (fig 4). Nous présentons trois de ces types
élémentaires.

Les communes de plateau "pur" (PL1).


L’habitat est groupé au centre de la commune. Le relief est peu marqué. Les terres
labourées représentent la quasi-totalité du territoire. Les parcelles sont de
grande taille et s’étendent jusqu'aux habitations. Les exploitations,
essentiellement de grandes cultures avec betteraves, sont de taille importante
(fig.5).

Les communes de plateau avec villages sur promontoire (PL3)


L’habitat groupé est situé sur un promontoire (buttes témoins). Il est entouré par
d’importantes surfaces en herbe. Ailleurs dans le finage, le relief est peu marqué
et les terres labourées sur grandes parcelles dominent. Les exploitations sont de
taille moyenne avec une orientation grandes cultures avec betteraves. Des ateliers
bovins sont présents (fig. 6).

Les communes des vallées de la Viosne et du Sausseron (PV4)


Dans ce modèle en bandes parallèles, on retrouve : (a) des versants à pente moyenne
à forte très boisés, parsemés de petits ensembles de parcelles en labour ou en
herbe. L’habitat, souvent linéaire, se localise en fond de vallée ; (b) des zones
de plateaux et de rebords de plateau avec des parcelles de culture de grande taille
(fig.7).

Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :


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Cette typologie a été présentée aux chargés d'étude du Parc intervenant dans la
mise en œuvre des chartes paysagères. Ils y ont vu un moyen intéressant de sortir
du caractère monographique des chartes réalisées jusque là. Néanmoins, aucun suivi
de l'utilisation réelle de cette typologie n'a encore été réalisé.

Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :


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Ces trois exemples de démarche, malgré une variété des terrains et des
thématiques, présentent des traits communs :
- à partir de documents cartographiques, les structures élémentaires
en présence et leurs modes de combinaison sont identifiés pour construire
ensuite le ou les modèles graphiques ;
- la modélisation graphique ne constitue qu’un élément d'une démarche
mobilisant d’autres approches et méthodes ; elle n’est donc pas une fin en

soi, mais s'apparente à une étape intermédiaire au cours d’une démarche


plus globale d’analyse d’un territoire et de ses enjeux ;
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12
- ils ont été élaborés sans collaboration étroite avec les acteurs
locaux et ils n’ont été, jusqu’à présent, que partiellement mis en
situation d’action. Le fait que, dans les trois cas, les acteurs ne soient
pas réellement associés à l’élaboration des modèles, tient au contexte de
la recherche et au manque d’opportunité pour établir un partenariat. Il ne
s'agit en aucun cas d'une volonté délibérée de se situer en position de
transfert de la recherche vers le développement.

Perspectives d’utilisation de la modélisation graphique dans des projets de développement

Dans cette deuxième partie, nous posons la question de l’utilité, des


conditions et des modalités de mise en œuvre de la modélisation graphique
dans un contexte de développement local ou agricole, de résolution de

problèmes environnementaux ou de construction intentionnelle de nouveaux


territoires. Pour alimenter notre réflexion, nous nous appuyons sur deux de
nos propres expériences (Parc National des Ecrins, projet de Pays dans la
Bassée Montois en Seine-et-Marne) ainsi que sur les communications et les
débats d’un récent séminaire « Modèles Spatiaux pour le Développement
Territorial » (MSDT) consacré à l’usage des chorèmes pour le développement
territorial10.

Deux points nous paraissent importants à développer. Le premier resitue


l’utilité de la modélisation graphique dans des démarches plus larges de
développement. Le second présente deux manières différentes d’utiliser la
chorématique pour la production de connaissances utiles à l’action.

Utilité et place de la modélisation graphique dans un contexte d’action

Nous l’avons vu, la démarche de modélisation graphique peut aider à


l’identification de structures et de dynamiques spatiales d’un territoire
donné. Elle permet de positionner ce territoire dans des champs
géographiques englobants et d’expliciter des modèles locaux d’organisation
de l’espace. Toutefois l’organisation et la réorganisation spatiales d’un
territoire ne sont pas nécessairement au cœur de chaque projet de
développement. Cette démarche est donc bien adaptée lorsque les structures
et les dynamiques spatiales constituent un réel enjeu de développement et
permettent d’alimenter le processus de construction du projet par des
connaissances utiles à l’action. L’apport de nouvelles connaissances sur
l’organisation d’un territoire peut aussi favoriser l’émergence de nouveaux
enjeux. Au cours du séminaire MSDT de Clermont-Ferrand, des témoignages de
chercheurs impliqués dans la recherche-action et qui sont en interaction
constante avec les acteurs de terrain (en particulier au CIRAD TERA), vont
dans ce sens.

10
« Usage des chorèmes pour le développement territorial. Intérêts et

limites de la méthode. Utilité pour les acteurs et modalités

d’appropriation », organisé par l’INRA, l’ENGREF, et le CEMAGREF, les 17 et

18 octobre 2000 à Clermont-Ferrand.

Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :


perspectives d’évolution d’un outil de recherche vers un outil d’aide au développement. in.
CIRAD Modélisation des agroécosystèmes et aide à la décision, Malézieux, Trébuil, Jaeger eds.,
coll. Repères, pp. 391-412, ed. CIRAD & INRA.
13
La connaissance11 de méthodes d’intervention pour la négociation entre
acteurs permet de resituer la place des chorèmes dans une démarche globale.
Plusieurs méthodes ont été mises au point dans le cadre de la résolution
des conflits d’environnement aux Etats-Unis. La Méthode Institutionnelle
est l’une d’entre elles. Elle est animée par des médiateurs et se déroule
en différentes étapes :
1/ L’étape de diagnostic de la situation conflictuelle identifie les
enjeux, les acteurs, les règles du processus de décision, les sources de
blocage.
2/ Un groupe de négociation est ensuite constitué en prêtant attention au
choix des personnes qui représentent les groupes concernés.
3/ La procédure de négociation comprend la mise à plat des besoins puis une
mise en commun et une discussion des données techniques du problème.
4/ La phase suivante est une « recherche créative de solutions ».
5/ Si un accord est trouvé, il en résulte la mise en place d’un programme
d’actions et une communication, une diffusion de la ratification de
l’accord auprès du public.
6/ Une procédure d’évaluation et de contrôle de réalisation des accords est
mise en place.
La modélisation graphique peut être utilisée à différentes étapes de cette
démarche, plus particulièrement au cours des premières (1-2-3-4). Dans la
gestion de conflits en matière d’environnement, le problème est posé dès le
départ ; il s’impose à tous, mais est perçu différemment selon les acteurs.
En revanche, avec des objectifs de développement, on cherche à construire
un projet, un mode de valorisation des ressources locales. Dans ce cas, la
modélisation graphique peut également être envisagée comme support de
discussion au cours de la phase d’inventaire des atouts et des faiblesses
d’un territoire.

La modélisation graphique ne constitue donc qu’un outil parmi d’autres


s’insérant dans une démarche plus globale. Notamment, « la modélisation
graphique […] ne saurait se substituer au dialogue construit dans le cadre
d’un dispositif de Recherche-Action » (CARON, 2000) ; mais elle peut
l’accompagner. Comme dans toute démarche en liaison avec les acteurs du
développement, le risque est que l’outil et les connaissances qu’il permet
d’acquérir soient détournés et se révèlent « un instrument de planification
technocratique » (CARON, 1997).

Modalités et conditions d’utilisation de la modélisation graphique

Deux expériences illustrent deux manières différentes d’utiliser la


modélisation graphique dans le cadre d’opérations de développement. La
première porte sur la construction par des chercheurs de modèles graphiques
pour la mise en évidence des structures spatiales d’un alpage dans le Parc
Naturel National des Ecrins et pour la diffusion des résultats auprès des
acteurs de la gestion pastorale. La seconde concerne le recours à la
modélisation graphique comme outil de travail pour l’élaboration collective
d’un projet de Pays.

Pastoralisme dans le Parc National (PN) des Ecrins

Dans le PNN des Ecrins, les approches pastoralistes classiques mettaient


surtout en avant la répartition dans les alpages des différents faciès de

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d’après la présentation de L.MERMET, ENGREF, MSDT, Clermont-Ferrand, le

18 octobre 2000 et (MERMET, 1998).


Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :
perspectives d’évolution d’un outil de recherche vers un outil d’aide au développement. in.
CIRAD Modélisation des agroécosystèmes et aide à la décision, Malézieux, Trébuil, Jaeger eds.,
coll. Repères, pp. 391-412, ed. CIRAD & INRA.
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végétation. L’hypothèse des chercheurs de l’INRA-SAD12 était que
l’organisation spatiale de l’alpage se structurait aussi en pôles de
pâturage, en axes de circulation, en points de passages obligés pour le
troupeau. L’utilisation des chorèmes a permis, à partir de l’analyse des
pratiques des bergers, de repérer et de modéliser cette organisation puis
de diffuser auprès des acteurs de la gestion pastorale (bergers, agents de
développement, communes, PN) cette vision nouvelle de l’espace (SAVINI I.
et al., 1993). Désormais, les opérations de diagnostic pastoral réalisées
sur un grand nombre d’alpages du Parc se fondent sur un découpage de
l’espace en « secteurs ». Ces derniers partitionnent l’alpage en tenant
compte du comportement territorial du troupeau. La modélisation graphique a
ainsi mis en évidence l’organisation du territoire pastoral.

Elaboration d’un projet de Pays dans la Bassée-Montois

Les cantons de Donnemarie et de Bray situés aux limites Est du département


de la Seine-et-Marne engageaient en 1999 une réflexion pour l’élaboration
d’un projet de Pays. Le territoire dénommé la « Bassée-Montois » est
composé du large fond de vallée de la Seine (la Bassée) et du Montois situé
autour de la côte de l’Ile-de-France. Le Pays semble se définir en négatif
des unités bien identifiées qui l’environnent autour de centres comme
Provins, Nangis ou Montereau. Quel développement pour la Bassée-Montois et
quels rôles pour l’agriculture ? Telles étaient les questions posées par le
Comité de développement. Celui-ci, dans sa démarche de projet de Pays, a
favorisé le déroulement sur son territoire d’un stage de formation de
l’IFOCAP13 avec la collaboration de chercheurs de l’INRA sur le thème « Pour
un diagnostic territorial, un itinéraire méthodologique fondé sur les
chorèmes ». Le stage a été conçu et organisé sur la base d’un travail
collectif supporté par la démarche de modélisation graphique. Les modèles
graphiques ont servi de base à la construction collective d’un diagnostic
puis ont constitué le support de présentation des résultats aux membres du
Comité. Ils sont actuellement utilisés par les groupes de travail initiés
par celui-ci.
Associées à une présentation par les acteurs locaux de l’état des travaux
en cours dans la Bassée-Montois, quatre analyses territoriales ont été
menées : (i) cartographie statistique des données agricoles et non
agricoles ; (ii) typologie localisée d’exploitations agricoles ; (iii)
analyse du paysage ; (iv) cartographie à dires d’experts. Ces différentes
analyses ont donné lieu à l’élaboration de modèles graphiques spécifiques
qui ont ensuite été synthétisés dans un premier modèle général. Ce modèle
initial, a évolué au fur et à mesure que de nouvelles informations et de
nouveaux regards sur l’espace s’élaboraient tout au long du stage. La
« chorémisation » des informations issues de ces analyses et des
connaissances locales était associée à une réflexion en termes d’atouts et
de contraintes au développement, d’avantages et de difficultés pour
l’agriculture dans sa fonction de production de biens alimentaires mais
également dans des fonctions environnementales et sociales. Par exemple, le
modèle graphique spécifique à l’analyse du paysage a fait prendre
conscience que la Bassée-Montois est un espace où se côtoient le fleuve (la
Seine) et la côte (de l’Ile-de-France) alors qu’en amont de Nogent et en

12
INRA-SAD = Institut National de Recherche Agronomique, Département de

recherches « Systèmes Agraires et Développement ».


13
IFOCAP = Institut de formation pour cadres paysans et agroalimentaires et

pour la gestion des entreprises.


Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :
perspectives d’évolution d’un outil de recherche vers un outil d’aide au développement. in.
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aval de Montereau (deux villes qui bordent le Pays à l’est et à l’ouest),
fleuve et côte sont dissociés. Bien que pouvant paraître triviale, cette
constatation constituait néanmoins pour les agriculteurs une nouvelle
vision de leur espace. Elle donnait tout son sens à l’appellation Bassée-
Montois et ouvrait une voie de réflexion sur son identité et sur les atouts
paysagers particuliers liés à cette « rencontre » du fleuve et de la côte.

Le modèle graphique, « ajusté » collectivement, a donc servi de fondement à


la formulation d’un diagnostic territorial, comme contribution d’un projet
de Pays. Les modèles graphiques élaborés au cours de ce stage ont servi de
support pour l’exposé aux élus et aux administratifs de la démarche suivie
et des résultats du diagnostic territorial. Ils ont également permis de
mettre en débat des pistes de réflexion en termes d’atouts et de
contraintes pour le développement local.

Discussion

Les deux exemples précédents montrent l’intérêt de la modélisation


graphique d’une part comme l’expression auprès des acteurs d’une
organisation spatiale et d’autre part comme une démarche permettant aux
acteurs d’élaborer et de construire eux mêmes une vision de leur
territoire. Ces deux modes peuvent être mieux explicités :

1er mode.
Outil pragmatique et adaptatif d’élaboration de connaissances sur
l’organisation spatiale d’un territoire, la modélisation graphique peut,
notamment en situation pluridisciplinaire, constituer une démarche de
production, par des chercheurs, de connaissances pour l’action. Faut-il
encore que ces connaissances soient utiles à l’action et qu’elles puissent
être efficacement transmises aux acteurs. On se retrouve dans la situation
où des chercheurs élaborent leur propre représentation d’un territoire et
la « livrent » aux acteurs locaux (fig 8, schéma 1). L’introduction de ces
connaissances dans le débat local peut se traduire en termes de nouveau
regard sur l’espace, en termes de formalisation de connaissances plus ou
moins explicitées et de formulation d’enjeux d’un territoire
(structuration, dynamiques en cours, zone de conflits, etc.). C’est le cas
de la démarche utilisée dans le Parc des Ecrins. Le risque de cette
Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :
perspectives d’évolution d’un outil de recherche vers un outil d’aide au développement. in.
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approche est que les acteurs locaux ne s’approprient que partiellement ou
mal cette « vérité scientifique » ainsi délivrée. En effet, la question des
possibilités d’utilisation des produits de la modélisation graphique se
pose. Les modèles graphiques s’apparentent parfois à un exercice de style
universitaire peu accessible à des non-spécialistes. Autrement dit, dans
quelle mesure le modèle graphique est-il compris par ceux à qui il est
présenté ? Jusqu’à quel niveau d’abstraction des formes peut-on aller pour
être compris ? Comment définir un ensemble de symboles partagés entre
chercheurs et praticiens ?
Contrairement aux apparences, ce premier mode n’est pas nécessairement
associé à une approche « descendante » du développement, de diffusion de
connaissances des chercheurs vers les acteurs. Il est en effet envisageable
d’y recourir en phase 1 de la Méthode Institutionnelle par exemple : des
éléments de diagnostic sont alors proposés par les chercheurs aux acteurs
et confrontés à leur point de vue afin de combiner diagnostics interne et
externe et d’initier l’ensemble de la démarche.
Dans ce mode d’utilisation des chorèmes, il semble utile de bien
distinguer :
- le modèle de recherche, construit par les chercheurs dans un but de
compréhension de l’organisation d’un territoire et de ses dynamiques ;
- du modèle de communication destiné à être présenté aux acteurs : la
sémiologie graphique doit être soigneusement étudiée afin que le message
des chercheurs soit bien compris par les acteurs. Bien que distincts,
ces deux modèles peuvent être en relation : les réactions des acteurs
face à la présentation du modèle de communication sont susceptibles de
conduire le chercheur à reprendre l’un des modèles ou les deux.

2ème mode
La démarche de modélisation graphique et non pas ses résultats peut
également être utilisée pour servir à la construction d’une représentation
(partagée) d’un territoire par les acteurs du développement eux-mêmes
(Schéma 2, cf. fig 8). C’est vers cet usage que tend l’exemple de la
formation IFOCAP. Mais cette seconde voie reste encore à explorer pour la
rendre efficace et adaptée à la production de connaissances pour l’action.
Le zonage à dires d’acteurs (CARON, 1997 ; CLOUET, 2000) semble relever de
cette attitude.
Dans ce mode, la question de la méthode permettant d’obtenir une co-
construction de modèles graphiques entre chercheurs et acteurs se pose. Les
chorèmes renvoient à ce que R.Brunet appelle les « lois de l’espace »,
c’est à dire à des références théoriques. Certains puristes pourraient
penser que les acteurs, n’ayant pas cette « culture » géographique, ne
peuvent donc que proposer des dessins ou des schémas au mieux, mais en
aucun cas des chorèmes. Or il nous semble, au regard de l’expérience de la
Bassée-Montois, qu’avec un minimum d’explications les acteurs sont à même
de s’approprier le tableau des structures élémentaires et de s’essayer à
leur combinaison. Autre solution, les chercheurs laissent libre expression
aux acteurs. Ils reconstruisent les chorèmes ensuite, les soumettent à la
discussion, et les reprennent éventuellement en fonction des remarques des
acteurs.

Des éléments à caractères généraux sont valables dans le premier mode,


comme dans le second : des exemples présentés au cours du séminaire MSDT
ont montré l’importance du choix du contour d’un modèle graphique destiné à
la communication : faut-il choisir un niveau élevé de généralisation ou au
contraire respecter au mieux les limites géométriques de l’espace étudié ?
Parfois, « un certain degré d’abstraction est favorable à la discussion
[…] ; le renvoi à des périmètres précis […] risque de provoquer des
blocages » (LARDON et MOQUAY, 2000, p.5). Dans d’autres cas au contraire,
Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :
perspectives d’évolution d’un outil de recherche vers un outil d’aide au développement. in.
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une trop grande simplification du contour provoque une attitude de rejet
par les acteurs comme en témoigne J.C.CLANET (2000). Son modèle graphique
représentant le Tchad par un rectangle a été mal reçu par les
commanditaires de l’étude. Il a été assimilé à un schéma réalisé « à la va-
vite », à un « gribouillage ». Plutôt que de délivrer d’emblée un modèle
graphique largement épuré, il nous semble important d’expliciter
préalablement le mode de construction du modèle et d’argumenter les
simplifications réalisées à partir de cartes et de traitements de données
éventuellement plus complexes. Le choix semble donc devoir être raisonné au
cas par cas et à adapter au contexte et aux objectifs : généraliser si le
but est de montrer les facteurs structurants de l’organisation du
territoire, conserver un contour proche des représentations cartographiques
si on souhaite que les acteurs positionnent leur territoire au sein de
l’organisation spatiale de leur région par exemple.
Les chorèmes « gomment » les contingences locales. On supprime souvent la
courbe sinueuse du méandre pour en faire un axe de circulation majeur et
rectiligne ! Or, pour les acteurs locaux, la contingence, fut-elle micro-
locale, peut constituer un enjeu important en termes de terroir, de
foncier, de symbolique. Y-a-t-il un paradoxe ? Pas vraiment, car cela
relève plutôt de questions d’échelle et de niveau d’organisation: si les
méandres organisent un contraste de rives convexes-concaves qui se
différencient en terme de mise en valeur, alors ils peuvent figurer sur le
modèle; en revanche, si la question se situe à une échelle plus petite
(structure régionale de desserte par exemple) et que le cours d’eau
constitue un axe de circulation important, il peut être représenté selon un
axe rectiligne. Dans tous les cas, les choix de simplification graphique
doivent être argumentés.

Conclusion

Comme tout outil, la modélisation graphique présente des intérêts et


limites dont il faut bien avoir conscience dans toute utilisation. Associée
à d'autres outils et méthodes (cartographie, SIG, zonages à dires
d'acteurs…), elle aide à comprendre et à représenter un territoire et ses
dynamiques. Des perspectives d'utilisation sont ouvertes dans le cadre
d’opération de recherche-action pour traiter des questions territoriales.
Quelques expériences nous ont permis de proposer des repères
méthodologiques, mais elles doivent être développées et enrichies. Il
apparaît que les modèles graphiques sont utilisés assez fréquemment par des
agents de développement indépendamment de toute intervention de la
recherche. En effet, certains chargés de mission, animateurs de Pays, PNR,
syndicats intercommunaux, responsables du SIG d’un Conseil Général ou
membres de bureaux d’études privés ont une formation de géographe et
utilisent cet outil dans leur pratique professionnelle. Cependant, ces
expériences ne sont pas publiées dans les revues scientifiques, les
chercheurs n’y ont donc pas directement accès. Une piste intéressante de
recherche serait d’analyser ces différentes expériences à la fois
quantitativement et qualitativement. Une autre serait de s’impliquer
directement avec ces acteurs dans une situation de réponse à une commande
et d’en étudier les modalités.
Soulignons l’intérêt d’associer les acteurs à la construction de la
représentation des situations, des explications et des enjeux.
L’explication s’enrichit ainsi des éléments issus des connaissances et
savoir-faire locaux, que le scientifique a souvent des difficultés à
percevoir. Cette approche étend les capacités explicatives et accroît
surtout la pertinence (sociale en particulier) des éléments mobilisés dans
le débat et la négociation. Elle fournit aussi des moyens conceptuels
Bonin, M. ; Thinon, P. ; Cheylan, J.P. ; Deffontaines, J.P., 2001. La modélisation graphique :
perspectives d’évolution d’un outil de recherche vers un outil d’aide au développement. in.
CIRAD Modélisation des agroécosystèmes et aide à la décision, Malézieux, Trébuil, Jaeger eds.,
coll. Repères, pp. 391-412, ed. CIRAD & INRA.
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permettant de prendre en compte les préoccupations « quotidiennes » des
acteurs locaux (DARRE, 1999).
Cette orientation correspond bien à une tendance actuelle qui préconise
l’offre de moyens d’analyse des situations plutôt que de descriptions
extérieures et « imposées » sous couvert de la science.

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