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Génocide rwandais : un témoin clé se rétracte

LE MONDE | 25.08.09 | 16h16 • Mis à jour le 25.08.09 | 19h59

Qui a tiré les missiles qui, en abattant l'avion du président rwandais Juvénal
Habyarimana le 6 avril 1994, ont donné le signal du génocide des Tutsi ? Quinze ans
après la tragédie, cette énigme jamais élucidée reste au centre du lourd contentieux
politico-judiciaire qui oppose la France et le Rwanda.

Un long témoignage, recueilli le 31 mai à Kigali, la capitale du Rwanda, par l'écrivain


Jean-François Dupaquier, et dont Le Monde a pu visionner l'intégralité, tend à remettre
en cause les conclusions du juge Jean-Louis Bruguière accusant les rebelles tutsi du
général Paul Kagamé - l'actuel chef de l'Etat - d'avoir commis cet attentat.

Dans ce document, Richard Mugenzi réfute le témoignage qui avait fait de lui l'un des
témoins clés étayant les accusations du juge français. Cet opérateur radio, qui travaillait pour
le service d'espionnage de l'armée du président Habyarimana, avait été entendu en 2001 dans
le cadre de la procédure française. Il avait alors affirmé avoir, le lendemain de
l'attentat,"personnellement intercepté" et "retranscrit" un message des rebelles tutsi félicitant
l'"escadron renforcé" chargé d'abattre l'avion présidentiel. Aujourd'hui, il explique que ce
message, comme bien d'autres, lui avait été dicté par ses supérieurs au titre d'opérations de
désinformation, et qu'il ne l'avait donc pas capté sur les fréquences de l'armée dirigée par M.
Kagamé.

Très sûr de lui, M. Mugenzi, 48 ans, affirme que le groupe d'officiers extrémistes hutu qui
contrôlait le centre d'écoutes radio lui transmettait des messages rédigés par leurs soins qu'il
transcrivait comme s'il les avait interceptés. Leur teneur visait à accuser l'ennemi tutsi et à
attiser la haine contre lui. "Beaucoup de télégrammes étaient écrits au lieu d'être
interceptés",assure aujourd'hui M. Mugenzi dans la vidéo recueillie par Jean-François
Dupaquier.

Interrogé sur le message du 7 avril félicitant les auteurs de l'attentat, il précise : "Tous les
messages qui avaient trait à la propagande, comme ce message-là, étaient écrits par lui (le
colonel Nsengyumva, considéré comme l'un des cerveaux du génocide), et transcrits sur des
fiches et des télégrammes (...). Je savais qu'à chaque fois qu'ils me disaient d'écrire, il y avait
un coupqu'ils voulaient faire." Réagissant à la lecture de plusieurs messages accusant le FPR,
il répète : "Ils étaient écrits sur un bulletin de transmission, je les ai recopiés." Et d'en
conclure : "Je sais que l'attentat contre l'avion n'a rien à voir avec le FPR (le Front
patriotique rwandais de Paul Kagamé)."

Interrogé dimanche 23 août par téléphone sur les raisons de son retournement, Richard
Mugenzi affirme au Monde n'avoir jamais rencontré le juge Bruguière. Il précise que les
enquêteurs qui l'ont interrogé à Arusha (Tanzanie) pour le compte du magistrat français "ne
faisaient pas la distinction entre messages interceptés et messages reçus", et qu'il n'a pas jugé
bon de les informer d'une manipulation qu'ils n'ont jamais eux-mêmes évoquée. "Je n'ai
répondu qu'aux questions qu'on m'a posées", explique-t-il.

L'homme qui a vécu de 1998 à 2008 à Arusha, où il collaborait au Tribunal pénal international
pour le Rwanda (TPIR), est rentré récemment dans son pays. Chercherait-il à assurer sa
sécurité en faisant ces déclarations dédouanant le FPR au pouvoir à Kigali ? "Je veux que la
vérité soit connue, assure-t-il. Je n'ai jamais été dérangé par le pouvoir d'ici."
Jean-François Dupaquier, qui prépare un livre sur les origines du génocide, reconnaît que "les
services rwandais ont pu retourner Richard Mugenzi". Mais, poursuit-il, "s'il dit la vérité, le
message accusant le FPR ressemble au bordereau de l'affaire Dreyfus (utilisé pour accuser
faussement le capitaine), et c'est énorme."

Le moment où est rendu public le témoignage de l'ancien opérateur radio invite à la


circonspection. Depuis neuf mois, Kigali cherche, avec l'aide de la France, à déconsidérer
l'enquête Bruguière. Paris a longtemps soutenu cette procédure qui, en accusant les Tutsi,
permettait de relativiser le soutien français au régime génocidaire.

L'élection de M. Sarkozy a marqué un tournant radical. L'enquête de Jean-Louis Bruguière,


dont ont hérité les juges Marc Trévidic et Philippe Coirre, est désormais considérée comme
l'obstacle majeur à une réconciliation et au rétablissement des relations diplomatiques
rompues depuis que, en novembre 2006, Jean-Louis Bruguière a délivré des mandats d'arrêt
visant neuf dignitaires rwandais.

Négociée entre les deux pays, l'arrestation en novembre 2008, à Francfort, de Rose Kabuyé,
une proche de M. Kagamé figurant parmi les neuf personnalités visées, a permis au Rwanda
de prendre connaissance du contenu de l'enquête et de préparer la contre-attaque. Trois jours
plus tard, Abdul Ruzibiza, témoin fondamental du juge Bruguière, affirmait dans un entretien
accordé à une radio rwandaise avoir inventé ses accusations.

Les "aveux" parallèles de Richard Mugenzi viennent eux aussi à point nommé pour affaiblir
la procédure et faire pression sur Paris. Ils sont rendus publics quelques semaines après que le
président Kagamé a menacé publiquement de s'opposer au retour en France de Rose Kabuyé
qui, autorisée à rentrer provisoirement au Rwanda, doit être réentendue à Paris par les juges à
la mi-septembre. Entre la justice chargée de déterminer les auteurs de l'attentat perpétré voici
quinze ans, et des chefs d'Etat qui ont hâte de renouer, l'épreuve de force est désormais
largement engagée.

Philippe Bernard

Crise diplomatique entre la France et le Rwanda

6 avril 1994
L'avion du président rwandais Habyarimana est abattu, ce qui donne le signal du génocide
(800 000 tués).

17 novembre 2006
Le juge Bruguière recommande des poursuites contre Paul Kagamé, président rwandais,
devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

24 novembre
Le Rwanda rompt ses relations avec la France.

8 décembre 2007
Nicolas Sarkozy rencontre Paul Kagamé et parle d'un "début de normalisation".

Novembre 2008
Arrestation, à Francfort, de la diplomate Rose Kabuyé, proche de Paul Kagamé.
Article paru dans l'édition du 26.08.09

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