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Franck Courari & Garcie de Navailles.

SOMMAIRE

Avant-propos 5

Confrontés à la notion d’Architecture «creusée» [...] 6

La forme a priori, 9
le bloc de marbre.

Le percement, 19
quelle forme pour le vide?

Le rapport plein-vide, 25
creuser quoi dans quoi?

Le cas de la plaque, 33
creusé bi-dimensionnel.

Pour autant la simple observation ne suffit pas [...] 47

L’origine du creusé, 49
architecture creusée / architecture construite.
3

Le retour du creusé, 61
la filiation Kahnienne.

Autonomie du creusé, 77
monolithisme et monumentalité

Une architecture identifiable, 85


la forme creusée.

Content indiquait pourtant [...] 91

Casa da Música, 94
creusé mais...

Bibliographie. 107
4
5

AVANT-PROPOS

«creuser, évider»,

ce sujet de mémoire ne comporte dans son simple énoncé aucune


problématique, et n’en induit pas particulièrement.
Ce mémoire n’a jamais tenu ni réussi à proposer une question fondatrice
et encore moins à y répondre. Il a embrassé le sujet ou l’absence de sujet
comme un tout, se dispersant en une foule de questions... Qu’est-ce qu’un
bâtiment creusé? Comment est-il creusé? Pourquoi est-il creusé? etc.
Mais pas de thèse, antithèse, synthèse.
Aucune question n’a pris le pas sur les autres. Toutes sont équivalentes.
Aucune tentative de les faire rentrer dans un plan classique ne se montre
satisfaisante. Etablir une hiérarchie ou un ordre devient trop artificiel.
Aussi le plan du mémoire est-il resté neutre. Il est la juxtaposition de
questionnements successifs, simplement posés, donc d’autant d’articles.
Dans une narration distordue, à l’image du travail de ses auteurs, les
questions sont parfois étroitement liées, parfois moins, certaines sont
concomitantes, d’autres sont éloignées dans le temps, certaines ont fait
long feu, d’autres sont expédiées.
Mais toutes se chevauchent, dans une proportion indépendante de leur
proximité dans la table des matières. Les redites sont assumées.
L’ensemble n’a pas vocation à l’exhaustivité. Il n’offre pas de conclusion.
Peut-être prendra-t-il un surplus de sens dans une version postérieure.
6

Confrontés à la notion d’Architecture «creusée», nous avons au début de


nos recherces délimité un corpus de bâtiments construits ou de projets
non réalisés. Nous l’avons regardé, étudié de manière pragmatique.

Celui-ci se compose de :

OMA - Rem Koolhaas,


Bibliothèque nationale de France,
Maison Y2K,
Casa da música, Porto.

Herzog et de Meuron,
Forum 2004, Barcelone.

Steven Holl,
Simmons Hall, MIT, Cambridge.

Cero 9,
Bibliothèque UIB, Palma de Majorque.

SANAA - Kazuyo Sejima, Ryue Nishizawa,


Learning center, EPFL, Lausanne,
EDA apartments, Yokohama.

MVRDV,
BUURT NE9EN, Amsterdam.
7

Il s’agit d’observer ces projets qui nous sont contemporains, pour essayer
de définir des ressemblances et des différences du point de vue de leur
forme ou de leur mode de conception.
Lors de cette approche, que l’on pourrait presque qualifier de naïve, nous
tachons de nous poser des questions simples mais nécessaires ; sans
chercher à convoquer directement nos bribes de culture architecturale
savante.
Qu’est-ce que le «creusé»? pourrait être la question que nous nous posons
alors, confrontés à la première difficulté de l’ambivalence d’un terme qui
désigne à la fois le plein et son contraire le vide. Le plein est creusé pour
obtenir les vides, le vide est creusé dans le plein. Source de quelques
incompréhensions, ce paradoxe linguistique devait être prémonitoire de la
réciprocité entre les deux composantes.
9

La forme a priori,
le bloc de marbre.

La méthode de projet « creuser – évider », impose en premier lieu de


s’interroger sur le choix du volume que l’on va creuser, le « bloc de marbre »
duquel est issu le bâtiment.

La première méthode, est celle de l’extrusion totale de la parcelle. En


imaginant la surface maximale constructible, multipliée par la hauteur
nécessaire au projet, ou par la hauteur maximale autorisée, on obtient un
volume capable. Cette méthode n’est pas sans rappeler la loi de 1916 relative
à l’urbanisme de Manhattan, qui crée de enveloppes maximales rendues par
Hugh Ferriss pour les blocs et les parcelles.
Cette enveloppe fantôme peut alors être percée, évidée au gré des besoins,
du programme, aléatoirement ou de manière compositionnelle…
Herzog et de Meuron, à Barcelone, pour le Forum 2004 utilisent ce
procédé. La forme triangulaire n’est nullement un choix arbitraire. Elle est
issue du plan d’urbanisme où les voies convergentes créaient cette parcelle
10 VARIATIONS SUR LA LOI DE ZONAGE DE 1916, HUGH FERRISS
LE BLOC DE MARBRE 11

résiduelle. Ils se contentent d’accentuer la forme de la parcelle en la donnant


au bâtiment.
Sejima, pour son projet EDA apartments à Yokohama au Japon, procède
de manière semblable. Elle travaille sur une parcelle de forme informe. Plutôt
que de lui rendre une respectabilité avec des configurations d’habitations
connues, elle choisie d’extruder pleinement la parcelle pour en faire un
bâtiment unitaire dans lequel elle pourra installer le programme de logements.
Elle fait la force du bâtiment avec la faiblesse du site.

L’autre possibilité est le choix arbitraire d’un volume connu qui sera lui-
même creusé. Faire le choix d’une forme simple, disait Kahn, c’est ne pas se
poser la question de la forme.
On choisit de manière plus ou moins arbitraire une forme déterminée :
cube, parallélépipède, barre, plaque rectangulaire… On utilise alors ce bloc
de marbre pur pour contenir le programme.
L’exemple le plus fameux et probablement fondateur, est le projet pour
la Bibliothèque de France de Rem Koolhaas. C’est un projet de bibliothèque
nationale, donc c’est pour le pays le lieu d’accumulation, le sanctuaire de
tous les écrits produits dans le pays. Il crée donc un volume simple, rationnel,
un cube, qu’il appelle « matière livre ». C’est la masse de toute la culture,
de toute la littérature produite en France. Toutefois cette bibliothèque doit
être accessible au plus grand nombre. Il faut donc des espaces publics. Pour
ce faire, il va évider à l’intérieur de la matière livre des volumes. C’est
vide programmatique qui évide le volume du bâtiment. La forme simple et
géométrique confère au bâtiment la monumentalité nécessaire pour ce genre
de programme.
Toutefois, la volonté monumentale n’est pas toujours recherchée via
l’utilisation d’une forme simple. Steven Holl pour le Simmons Hall à
Cambridge, Massachusetts crée une barre, forme la plus élémentaire pour du
logement (étudiant dans ce cas). Pourtant, confronté au programme qui lui
impose des espaces d’usage commun, il va creuser (à la manière d’un ver ou
12 LA FORME A PRIORI

d’un xylophage dans un morceau de bois) le bâtiment.


MVRDV, aussi, pour le projet de logements BUURT NE9EN à Amsterdam
utilisent un volume simple, un parallélépipède. Pourtant, cette forme même, si
elle est en adéquation avec le programme et même si elle manifeste l’ampleur
de l’opération, n’est pas tant utilisée pour conférer une monumentalité au
bâtiment que pour lui donner une intériorité. Le vide principal est situé entre
un socle et un toit habité. Les angles et les bords du volume global étant tenus
par des « tours » de logements. Il se crée alors une intériorité, un « monde en
soi » propre au bâtiment, thème souvent repris dans des projets de logements
aux Pays Bas.
Enfin, le projet de Learning Center de Sejima pour l’Ecole Polytechnique
Fédérale de Lausanne, présente la encore la caractéristique d’une forme
simple : une plaque rectangulaire. Celle-ci n’est pas conditionnée par le lieu
puisqu’elle vient à se soulever lorsque elle rencontre un obstacle comme une
voie de circulation. La encore le forme pure est garantie. Elle matérialise, ici,
la continuité programmatique et d’usage du bâtiment.

Donc, si le choix de la forme initiale à creuser semble simple : extrusion


de la parcelle ou forme géométrique, certains bâtiments semblent nous
questionner. En effet, que dire de la Bibliothèque UIB à Palma de Majorque
de Cero 9 ou encore de la maison Y2K et sa version construite la Casa da
Musica de Porto de Rem Koolhaas. Le bloc de marbre initial n’est pas issu,
à priori, des deux hypothèses précédentes. Il semblerait que la forme est été
déterminée par le processus de creusement lui-même.
Au dire de Cero 9, la bibliothèque UIB est conçue au départ sur une trame

Cero 9, bibliothèque UIB, Palma de Majorque


LE BLOC DE MARBRE 13

de module carré. Les percements eux aussi sont rectangulaires. Cependant


l’organisation, la mise à distance de ceux-ci, ainsi que leur propre distorsion,
va entraîner une déformation du bâtiment. La forme de la bibliothèque est
donc entièrement issue de la manière de creuser celle-ci. Dans ce cas la forme
n’est pas a priori, elle découle du processus même de percement.
Mais cette constatation est encore plus frappante dans le cas de la casa da
musica de Porto. On sait que ce bâtiment est l’homothétie de la maison Y2K.
Or, la légende raconte que le commanditaire de cette maison était obnubilé
par la peur du désordre. Rem Koolhaas conçoit donc un tube central, le salon
sur lequel vienne s’agglomérer des autres espaces : chambres, cuisines… La
maison est alors close au plus juste entre ces espaces. Les lieux interstitiels
sont les espaces de rangement. La forme de la maison est donc entièrement

OMA - Rem Koolhaas, maison Y2K


14 LA FORME A PRIORI

OMA - Rem Koolhaas, maison Y2K

issue de la manière d’assembler les pièces secondaires par rapport à la pièce


principale. Pourtant, Koolhaas dans la maquette suivante montre que la
maison est en fait un volume entier de rangement dans lequel ont creusé les
espaces de vie.
Par conséquent, si cette deuxième version nous dit que la maison Y2K
ressort bien d’un processus de creusement (au même titre que la bibliothèque
de France), le volume que l’on creuse est la conséquence de la manière dont
on le creuse. Il s’agit donc de creuser un volume virtuel dont on ne connaîtra
la forme que lorsqu’on aura fini de le creuser.
En effet, quand on regarde la casa da musica, c’est bel et bien un ensemble
de pièces (petit auditorium, salle cyber-musique, salle VIP...) agglomérées
autour d’un tube central (le grand auditorium). Pourtant, c’est aussi un galet
de béton, posé sur une esplanade et percé de trous, un galet de circulations et
de services percé d’espaces de musique. La forme que l’on perçoit est finie,
LE BLOC DE MARBRE 15

plus ou moins harmonieuse, plus ou moins en déséquilibre. Néanmoins, on a


le sentiment que ce bâtiment pourrait avoir une apparence différente, il n’en
serait pas pour autant foncièrement différent, ni moins fini.
La forme de l’objet que l’on creuse découle donc ici de la manière dont
on le creuse. Cette façon de concevoir l’architecture creusée semble être une
«maniérisation» des deux précédentes. En effet, il semble possible de se
passer du «bloc de marbre», point de départ de tout processus de creusement.
On travaille dans un espace virtuel, dont on a plus ou moins conscience, mais
dont la parfaite connaissance n’est pas nécessaire au processus. On ne connaît
donc le «volume initial» que lorsque le processus est achevé.

La forme du bâtiment reste, à l’évidence, issue d’un non choix. C’est le cas
lorsqu’elle est induite par la forme de la parcelle ou même issue de la manière
dont on creuse. Pour autant, la forme simple l’est aussi, choisir un cube c’est
ne pas se poser la question de la forme.
La méthode de projet « creuser - évider » ne dépend qu’assez faiblement
du contexte. En effet, ce type de projet ne s’applique jusqu’ici que pour des
bâtiments suffisamment vastes et dans des conditions d’espace ouvert. On
assiste alors à une mise en retrait de l’architecte derrière une forme ou un
processus. Le seul choix apparent de celui-ci réside dans le choix même du
processus « creuser – évider » et non plus dans la forme à proprement dite du
bâtiment.
16 FORUM 2004, HERZOG & DE MEURON, 2000-2004

17
19

Le percement,
quelle forme pour le vide?

La question question la plus essentielle dans l’opération de «creuser –


évider» est la question de la forme que prend la matière retirée, le vide,
autrement dit la forme des trous.

La première constatation est que le percement est avant tout le fait de


retirer de la matière pour introduire du vide à l’intérieur du plein. De ce fait, la
forme du vide est indépendante de la forme du plein.
En effet, il s’agit de deux mondes qui pourraient vivre indépendamment
l’un de l’autre mais qui se rencontrent. Le vide n’est pas une déclinaison du
plein et n’est pas assujetti à celui-ci. Il est indépendant du plein, il le côtoie en
ayant ses fonctions propres. Ils ne sont pas articulés mais il existe une relation
de réciprocité. Le vide équivaut au plein, chacun vie par et pour l’autre.

De la sorte, le percement peut prendre, à priori, n’importe quelle forme, de


la plus pure et la plus géométrique possible à la plus invraisemblable.
20 LE PERCEMENT

Par exemple, Sejima lorsqu’elle réalise deux projets de plaques, utilise des
percements radicalement différents. Pour le learning center de Lausanne, les
patios sont tous plus ou moins circulaires, donc d’une forme en opposition
manifeste avec la plaque rectangulaire. Tandis que pour EDA apartments à
Yokohama, la forme des patios est d’une géométrie complexe et relativement
indescriptible. Leur seule raison d’être de la sorte semble être le besoin de
paraître en opposition totale avec la forme du bâtiment.

L’opposition systématique avec le volume du plein pourrait être également


être interprété comme la raison principale du choix de la forme des vides dans
les deux projets suivants.
Tout d’abord, concernant le projet de la bibliothèque de France de Rem
Koolhaas, la forme unitaire et cubique du volume de la « matière livre »
contraste avec les volumes accessibles au public évidés de formes plus ou
moins pures : sphère aplatie, cylindre, portion d’ellipsoïde…
Mais cette opposition est encore plus flagrante dans le projet de Steven
Holl, le Simmons Hall à Cambridge, Massachusetts. Le bâtiment n’est
finalement qu’une barre de logements pour étudiants. Pourtant, les espaces
communs qu’il introduit semblent réellement creusés dans le bâtiment. Ils
s’apparentent à des galeries ou des terriers d’animaux qui parasitent l’édifice.
Ici, le terme creusé semble avoir été utilisé au sens propre. C’est ici que
l’opposition formelle entre le plein et le vide apparaît la plus litterale.

Il s’agit de creuser plutôt que de construire, donc d’utiliser des formes


qui ne rappellent absolument pas, mais plutôt qui contredisent, celles de la
construction traditionnelle, orthogonales et régulières, celles qui prévalent
généralement à la construction de la forme globale.
Les formes excavées font donc souvent appel à un vocabulaire de
l’irrégularité ou convoquent parfois même des formes courbes, circulaires,
sphériques, ou s’inspirant de la nature.
QUELLE FORME POUR LE VIDE? 21

Mais les trous ne sont pas seulement différents de la masse qui les abritent,
ils peuvent aussi être tous différents les uns des autres. Chaque vide est
indépendants non seulement du plein mais aussi des autres vides, sauf lorsque
deux vides s’interpenetrent -mais ils n’en forment alors plus qu’un.

Toutefois, la simple opposition entre le plein et le vide ne semble pas être


la seule condition de fabrication du percement. Prenons le cas particulier de la
Casa da musica de Porto de Rem Koolhaas.
La forme de certains vides est directement issue de leur usage. Le projet est
bâti autour d’une salle de musique. Or, la meilleure forme de ce type d’espace,
pour une parfaite acoustique, est la « boite à chaussure ». Ainsi, la grande salle
et le second auditorium ont la forme de parallelèpipèdes presque parfaits.
De plus forme globale et formes des vides, en général, ne sont pas opposées.
Elles s’accordent dans une géométrie de facettes irrégulières, la forme globale
ayant l’air d’avoir été taillée de la même manière que les espaces intérieurs ont
été creusés. Ce n’est pas seulement les trous mais l’ensemble du bâtiment qui
ne ressemble à rien de ce qu’avait auparavant produit l’Architecture.

Ainsi, le percement peut tout se permettre. Il est indépendant de la masse


qu’il creuse, à l’image de la caverne dans la montagne. Il n’a pas de structure
propre, apparente. Celle-ci est rejetée dans le plein. Ce n’est pas au sens
traditionnel du terme un espace défini par ses murs, mais réellement du vide,
indépendant de sa structure.
Dans l’architecture construite, l’espace se définit par rapport à son
enveloppe, à la façon dont il est clos, aux murs. Dans l’architecture creusée,
l’espace ne renvoie qu’à lui-même. Le « mur » qui le clôt, c’est-à-dire le plein,
est tellement épais qu’il n’a en fait, à proprement parler, plus d’épaisseur. Le
vide n’est plus une pièce au sens classique, c’est-à-dire définit par son rapport
à l’extérieur mais réellement un lieu indépendant de son environnement
plein.
22 BUURT NE9EN, MVRDV, 2002-

23
25

Le rapport plein/vide,
creuser quoi dans quoi?

Après s’être interrogé sur le volume à creuser, reste à déterminer la manière


de creuser.

Dans une architecture classique, c’est-à-dire construite, la structure a pour


fonction la création d’espace. Toutefois, lorsque l’on s’attache a imaginer
une architecture creusée, on est immédiatement confronté à une opposition
binaire : que sont le « plein » et le « vide » ?
Dans une architecture conventionnelle, cette opposition n’existe pas. S’il
y a un plein, il n’est là que pour créer un vide. D’ailleurs peut on réellement
qualifier un bâtiment de « plein » ? C’est plutôt un ensemble de parois ou une
structure qui n’a pour unique fonction que de créer un espace.
A contrario, l’architecture creusée présuppose que l’on dispose, à priori,
d’un plein que l’on va évider. Il y a une dualité entre la matière et son
évidement. L’un ne peut être sans l’autre. Ils sont liés dans une relation qui
reste à définir.
26 CONICAL INTERSECT, GORDON MATTA-CLARK, 1975
OMA, CONSULTATION MASSENA, 1995 27
28 LE RAPPORT PLEIN/VIDE

La possibilité la plus simple est de considérer le volume comme une masse


pleine, comme un intérieur que l’extérieur viendrait entamer. C’est ce que l’on
pourrait qualifier d’évider au sens strict, c’est-à-dire créer un vide à l’intérieur
d’un plein. Dans ce processus formel, c’est le résidu plein qui importe.
Le vide vient établir des relations entre le plein et son environnement, pour
l’éclairer par exemple. Le vide devient un prolongement de l’extérieur à
l’intérieur même du plein.
Créer du vide dans du plein peut s’apparenter à ce que fait Gordon Matta-
Clark lorsqu’il déconstruit un immeuble de la rue Beaubourg à Paris dans
les années 1970. Il utilise ce bâtiment pour y creuser une forme géométrique
indépendante. Ainsi, il révèle l’intérieur à l’extérieur. Il ne crée pas à
proprement parler d’espace, mais plutôt une interface.
Créer une interface entre l’environnement et le plein, c’est ce que propose
l’OMA pour la consultation Masséna à Paris. Plutôt que définir des gabarits
de bâtiments, Rem Koolhaas donne des enveloppes maximales. En effet,
contrairement aux propositions classiques d’îlots ouverts où sont déjà implanté
les volumes des immeubles, il définit une série de cubes de 35 m de coté.
Ceux-ci sont juxtaposés. Ils sont à la fois îlots et bâtiments. Ces cubes doivent
alors être excavés en respectant les règles en vigueur à Paris, l’interaction
avec les blocs limitrophes et la demande programmatique. On obtient alors
une richesse de formes « sculptées », toutes différentes suivant les blocs et
les architectes. On ne peut s’empêcher de penser que cette proposition relève
d’un « manhattanisme parisien ».
D’autres bâtiments relèvent de cette idée d’interface entre une intériorité
et une extériorité. Le projet de logements de MVRDV, BUURT NE9EN à
Amsterdam, s’apparente à cette volonté. Il s’agit d’un grand parallélépipède
qui va se trouver évidé. On peut aussi le voir comme un socle habité surmonté
de cinq « tours » de logements et le tout coiffé d’un toit lui aussi habité.
Cependant, même décomposé de cette manière, on ne peut nier l’évidence
d’un grand volume aux dimensions nettement perceptible. C’est un bloc
unique que l’environnement pénètre, jusqu’à la nature par le truchement des
CREUSER QUOI DANS QUOI? 29

arbres plantés sur le socle. Cette incursion du milieu permet au bâtiment de


l’apprivoiser pour recréer son propre monde.
Recréer son propre monde, c’est ce que font les projets types plaques
perforées tels que le Learning Center à l’EPFL de Lausanne ou EDA
apartments à Yokohama au Japon de Sejima, par exemple. On réalise des
percement pour assurer l’éclairement, mais on constate néanmoins, que les
vides, les patios, ne sont pas réellement des incursions de l’environnement
extérieur dans le bâtiment mais plutôt des natures artificielles recréer à
l’intérieur de celui-ci tel qu’on peut le voir au Rehab de Bâle d’Herzog et de
Meuron. Ce ne sont plus nettement des vides mais pas encore clairement un
programme.

D’autres projets n’ont pas pour objet de faire pénétrer l’environnement


immédiat du bâtiment à l’intérieur de celui-ci, mais plutôt utiliser le creusé
pour distinguer un type de programme d’un autre.
Louis Kahn parlait de « société de pièces »1, établissait aussi une opposition
entre deux catégories de programmes : les espaces servants et les espaces
servis. Ainsi pour Kahn un programme peut être scindé en deux, entre les
espaces importants et ceux qui les font fonctionner. En raisonnant de la même
manière, on peut donc diviser en deux un programme auxquels ont donnera
les attributs du plein et du vide : programmes éclairés/obscurs, publics/privés,
communs/individuels, spécifiques/génériques, servants/servis…
Il existe donc une relation de réciprocité entre le plein et le vide : l’un sert
l’autre, l’un creuse l’autre, l’un construit l’espace de l’autre. Dans ce processus
programmatique, le vide ne sert pas à améliorer le plein mais veut s’épanouir
en tant qu’espace libre de toute contrainte. Le vide est le résultat noble.
Dans le cas où le vide est non programmé, il est essentiellement causé
par un besoin d’apport de lumière. Dans ce cas présent, où l’on creuse un
programme avec un autre, il y a une réelle volonté d’assujettir l’un pour servir

1. in Silence et lumière, Louis I. Kahn, éditions du Linteau


30 LE RAPPORT PLEIN/VIDE

l’autre. Il apparaît donc une opposition entre les programmes « nobles »


et les programmes « vils », les espaces « spécifiques » et les espaces
« génériques ».
Ainsi, pour le projet de la bibliothèque de France, Rem Koolhaas va
imaginer un cube de ce qui est la raison d’une bibliothèque : le stockage, ce
qu’il va appeler « la matière livre ». Ensuite, il va creuser cette masse avec
un autre programme, c’est-à-dire avec les espaces accessibles au public.
Koolhaas cherche purement et simplement à établir des espaces spécifiques
dans le générique.
Il en est de même dans le Simmons Hall de Steven Holl. Il s’agit d’une
barre de logements étudiants. Le logement c’est la matière naturelle, générique
du projet. Mais le projet prévoit des espaces communs, de réunions etc. C’est
le spécifique. Steven Holl va alors creuser de manière littérale la matière
logement avec les espaces communs. Creuser est réellement le mot juste
puisque ces espaces s’apparentent à un terrier ou à la galerie d’un charançon.
Enfin dans la casa da musica de Porto de Rem Koolhaas, ce sont les
salles de musique, les auditoriums qui transpercent la matière composée des
services et des circulations nécessaires au bon fonctionnement de ce type
d’équipement.
Dans tous ces programmes, une dichotomie permet de séparer deux types
de programmes différents. Cette différenciation se manifeste également dans
l’apparence du bâtiment. En effet, le générique présente une façade neutre,
tandis que le spécifique a un percement radicalement différent. Il s’agit en fait
d’une coupe franche, par la façade, du volume du spécifique qui pourrait se
prolonger à l’extérieur.

Le fait de creuser un bâtiment n’est pas qu’une opération formelle dont le


but est de donner une apparence sculpturale à celui-ci.
Il s’agit soit d’une scission du programme et d’une mise en parallèle des
espaces, soit d’un édifice si vaste qu’il s’oblige à recréer sa propre intériorité.
«Creuser – évider», c’est avant tout une volonté architecturale liée à la
CREUSER QUOI DANS QUOI? 31

commande. C’est aussi une façon nouvelle de se questionner sur l’architecture


contemporaine. Comment construire des programmes toujours plus grands et
plus complexes dans une ville générique aux relations entre les bâtiments
distendues ?
Dans ces conditions, la forme des bâtiments ne peut plus être contextuelle.
Elle est issue d’un processus qui dépasse la volonté formelle de l’architecte.
32 LEARNING CENTER DE L’E.P.F.L, KAZUYO SEJIMA & RYUE NISHIZAWA, 2004

33

Le cas de la plaque,
creusé bi-dimensionnel.

Différents types de bâtiments sont propices à l’expérience formelle du


« creusé, évidé ». Pourtant, le cas de la plaque semble particulièrement
intéressant. En effet, sa forme atypique, grande surface et faible hauteur,
l’éloigne des exemples monolithiques auxquels on se réfère le plus facilement.
La plaque peut être lue comme une version simplifiée du bâtiment creusé,
réduit à deux dimensions. Elle permet de mettre nettement en évidence des
principes qui, en extrapolant, peuvent être applicable à la troisième dimension.
Il semble aussi que son mode de percement peut être soumis à des hypothèses
spéciales qui sont propres à ce type d’édifice.

Dans un premier temps rappelons ce qu’est un « bâtiment plaque ». Il s’agit


donc d’un bâtiment caractérisé par une horizontalité forte. Il peut être issu soit
de l’extrusion intégrale de la parcelle (Forum 2004 d’Herzog et de Meuron,
EDA apartments de Séjima…) ou du choix d’une forme prédéterminée
(learning center de Lausanne de Sejima, Rehab d’Herzog et de Meuron…)
34
LAVENDER MIST, JACKSON POLLOCK, 1950 35
36 «VILLE DE BUREAUX», OMA - REM KOOLHAAS, 1989
CREUSÉ BI-DIMENSIONNEL 37

Herzog & de Meuron, Forum 2004, détails de la rencontre des percements avec le bord de la plaque

Double-page précedente : Number 3 : Tiger, Jackson Pollock, 1949


38 LE CAS DE LA PLAQUE

Le principe de la plaque creusée est celui de l’emporte-pièce. Les


percements n’entretiennent pas entre eux de relations hiérarchiques. Leur
placement tient plus de « l’aléa organisé ». Il ne s’agit en aucun cas d’un
système compositionnel, mais plutôt entropique, c’est-à-dire d’un système qui
n’a pas de règles apparentes mais qui pour autant semble fini. Les percements
pourraient être différents, le bâtiment en serait pour autant semblable.
D’autre part, il s’agit d’un système non limité. Le bâtiment pourrait avoir
une autre taille, il aurait la même valeur. Les percements en sont la preuve.
Le percement de la plaque est en fait un patio ayant pour but d’apporter de
la lumière au centre d’un bâtiment très épais. Il a donc une fonction très
rationnelle. Pourtant, les exemples montrent que les percements viennent se
confronter avec les bords de la plaque, dans le Learning Center de Lausanne
de Sejima ou le Forum 2004 d’Herzog et de Meuron, par exemple, c’est-à-
dire là où leur fonction est la moins remplie. Cela laisserait suggérer que le
percement entropique est indépendant de la taille de la plaque qui le supporte.
Celle-ci n’est qu’une partie d’un système beaucoup plus vaste. C’est un peu
comme un tableau de Jackson Pollock où les motifs de la peinture sont répartis
uniformément sur la toile jusqu’à être interrompus par les limites du support.
Cette disposition centrifuge laisse entendre que celle-ci n’est qu’un morceau
d’une œuvre qui se poursuit au delà de ses limites physiques.
Le principe de percement d’une plaque est donc potentiellement indépendant
de la taille de celle-ci. Ce peut être un bâtiment de taille raisonnable (Rehab ou
Forum 2004) jusqu’à un quartier de ville, voir une ville entière, comme c’est
la cas pour le projet de « la ville de bureaux » près de l’aéroport de Francfort
de Rem Koolhaas qu’il appelle « city in a building » ou « swiss cheese ». Les
principes de percement sont les mêmes quelle que soit la taille, sachant que
celle-ci est hypothétiquement infinie.
Donc, on assiste à une dissociation totale de la forme du trou et de la forme
de la plaque. Elles sont indifférentes. Quelle que soit la forme de celle-ci, son
percement est radicalement différent. Ainsi, au Forum 2004, le bâtiment est
triangulaire tandis que les colonnes de lumières sont prismatiques. Il en est
CREUSÉ BI-DIMENSIONNEL 39

de même pour les projets de Sejima : à Lausanne, la plaque est rectangulaire


alors que les percements sont plus ou moins organiques ou circulaires et à
EDA apartements le bâtiment a la forme de la parcelle et les percements sont
soit carrés soit d’une forme indéfinissable.
Ainsi, on peut définir la plaque percée par sont entropie et son indépendance
vis-à-vis de l’échelle. La plaque est un support. Elle reçoit un dessin qui est
tout autre. Elle s’apparente au all over. C’est un processus non compositionnel,
qui doit donner l’apparence d’être fini même s’il laisse présager qu’il pourrait
être autre et qu’il pourrait se propager hors de limites du bâtiment.

En conséquence, la question primordiale est celle du percement, dont la


nature peut varier.
Au Forum 2004, les percements sont en fait des puits de lumières destinés
à éclairer le bâtiment. On peut y lire une référence kahnienne à la colonne
creuse.
Or, on le sait la colonne creuse selon Kahn, comme il a pu l’expérimenter
au bains de Trenton ou aux laboratoires Richards, regroupe tous les espaces
techniques qui pourraient altérer les pièces. Il ne considère pas la colonne
creuse comme une pièce elle-même. Elle ne reçoit donc pas de lumière
naturelle. Pourtant, en regardant les projets tardifs de Kahn, tel l’Indian
Institut of Management à Ahmedabad en Inde (1962-1974) ou encore le
Capitole de Dacca au Bangladesh (1962-1974), il met en place le concept de
« puits de lumière » (light wells) ou de colonnes creuses comme dispensatrice
de lumière : « Imaginez que les colonnes sont creuses et plus grandes (que
des colonnes « normales »), et que leur murs peuvent eux même donner de
la lumière, elle peut prendre des formes complexes, tenir des espaces et leur
donner la lumière. »1 Kahn admet donc, à la fin de sa vie que la colonne creuse
peut, non seulement recevoir de la lumière, mais encore être le vecteur de
transmission de celle-ci vers le reste du bâtiment. C’est exactement le rôle des
percements du Forum 2004.
1. cité par Jacques Lucan in Matières n°7, Généalogie du Poché©
40 LE CAS DE LA PLAQUE

Kazuyo Sejima & Ryue Nishizawa, EDA Apartments comme plaque percée
CREUSÉ BI-DIMENSIONNEL 41

Kazuyo Sejima & Ryue Nishizawa, EDA Apartments comme agglomérat


42 LE CAS DE LA PLAQUE

Dans d’autres projets, tel le Learning Center à l’EPFL de Lausanne ou


EDA apartments à Yokohama au Japon de Sejima, par exemple, le percement
dépasse la taille d’un colonne creuse pour devenir un patio. Ils permettent
alors de faire pénétrer un peu d’extérieur à l’intérieur même du bâtiment.
Mais tous les trous appartiennent en propre au bâtiment. Ils en font partie
intégrante. C’est comme si on avait saupoudré un peu de nature artificielle
à l’intérieur même du bâtiment et ce n’est pas réellement un prolongement
de l’environnement extérieur. En effet, le vide est entièrement enserré par
le bâtiment lui-même. Ce sont plutôt des micro-mondes utopiques que l’on
recrée. Ils n’ont pas forcement de rapport entre eux, ni même avec l’extérieur.
C’est le cas par exemple du Rehab d’Herzog et de Meuron à Bâle. C’est
là encore une plaque percée. Si l’environnement immédiat est une nature
chère au romantisme allemand, les percements, eux, sont très différents. Ils
contiennent ici un bassin, là une piscine… Bien qu’à l’origine les percements
sont là pour assurer l’éclairement dans une épaisseur très grande, ils en
deviennent quasiment des pièces.

On constate que dans le cas de la plaque, le vide aurait la même valeur


que le plein. On peut alors se demander si la plaque percée est assimilable à
n’importe quel autre bâtiment à patios ou ensemble constitué autour de cours
comme un îlot haussmannien.
Pour présenter son projet EDA apartments, Sejima montre deux maquettes.
La première est effectivement une plaque continue percée de trou de manière,
à priori, aléatoire. Sans nul doute, c’est un projet creusé. Pourtant, par
une autre maquette, elle montre le même projet mais sous la forme d’une
accumulation d’appartements. Dans ce cas là, le patio a la même valeur que
l’appartement. Le vide équivaut au plein. De plus, lorsqu’on regarde le plan
d’étage de ce projet, la vision qu’on en a est embrouillée. On a presque du mal
de différencier le plein du vide. L’ensemble est continu. On pourrait aisément
imaginer un plein à la place d’un vide et vice-versa. Ce plan n’est pas sans
rappeler un projet beaucoup plus ancien, celui de la banque d’Angleterre de
REHAB, HERZOG ET DE MEURON, 1998-2001 43
44 LE CAS DE LA PLAQUE

John Soane, Banque d’Angleterre.

Kazuyo Sejima & Ryue Nishizawa, EDA Apartments


CREUSÉ BI-DIMENSIONNEL 45

John Soane. Dans ce cas la, il semble difficile de parler d’architecture creusée.
Pourtant, à bien y regarder c’est un îlot entier et à l’intérieur, s’agglomèrent
des pièces construites et des cours. Il s’apparenterait presque à une plaque
percée. Historiquement, on sait bien que les préoccupations de Soane sont loin
de celles qui nous occupent ici, d’autant plus que sa construction fut longue
et que le projet n’a pas été conçu en une seule fois. Toutefois, le résultat,
une accumulation de pièces, vides ou pleines, est très semblable au projet de
Sejima.
Cette ressemblance signifierait-elle que des immeubles à patios, un îlot
haussmannien ou encore la banque d’Angleterre sont des plaques percées ?
Même si leurs ressemblances sont grandes, il semble que non. Ils sont créés
selon des modalités qui appartiennent à la composition, c’est-à-dire au mode
de conception traditionnel de l’Architecture. La plaque percée est, elle, issue
d’un processus, c’est-à-dire la mise en retrait de l’architecte derrière une règle,
celle de l’opération, qui induit un certain nombre de choix de projet.

Finalement, la plaque percée fait pénétrer du vide dans du plein, de


l’extérieur dans de l’intérieur. Néanmoins, même si ces vides ne sont pas
nécessairement programmés, ils ont la même valeur que le plein. On perçoit
donc une notion de continuité entre le plein et le vide.
47

Pour autant la simple observation ne suffit pas à répondre aux questions


que posent l’architecture « creusée – évidée ». Au contraire, elle nous
amène à nous en poser d’autres.
«Creuser, oui, mais pourquoi?»
Mais d’où vient le creusé? Qu’apporte-t’il?
Ces questions explorent différentes directions qui ne sont pas forcément
liées les unes aux autres : théorique, historique, formelle, etc.
Nous avons dû faire appel à d’autres références. Certaines sont des
architectes, des bâtiments ou des projets, d’autres pas. Certains bâtiments
sont creusés, d’autres pas, ou du moins n’ont pas été envisagé à l’époque
de leur conception de cette manière. Tous ne sont plus contemporains.
C’est au moment où nous remarquons que chacun de nos plans
successifs n’est pas moins mauvais que les autres que nous renoncons à
torturer les parties pour établir une démonstration continue.
49

L’origine du creusé,
architecture creusée / architecture construite.

Pour élaborer ce qui doit être une théorie de l’Architecture, quelle qu’elle
soit, les architectes ont toujours convoqué l’idée de Nature ou fait référence à
l’origine de l’Architecture, son niveau le plus simple, son degré 1.
Il est convenu d’opposer généralement la thèse de l’abbé Laugier, sa
« cabane primitive », qui met en avant l’origine structurelle de l’Architecture,
et l’exemple de la « Karibische Hütte » que cite Gottfried Semper pour voir
dans le tissage, c’est à dire l’enveloppe, le fondement de toute Architecture.
Mais cette origine qui a toujours été recherchée, c’est l’origine de
l’Architecture construite, celle qui se fait par addition de matière, par
l’empilement ou l’assemblage. Est-ce la seule?

Si l’on se réfère à un passé encore plus lointain, le premier abri humain


est la grotte. En effet, les proto-hominidés étaient troglodytes -habitants des
trous- s’installant dans des cavités naturelles. Ce n’est qu’après l’apparition
de l’homo habilis -maniement des objets, d’outils- que les premiers hommes
ont quitté leurs abris souterrains pour réaliser les premières constructions.
50 L’ORIGINE DU CREUSÉ

La «Cabane Primitive»
in Essai sur l’Architecture, Marc-Antoine Laugier, 1755

La «Karibische Hütte»
in Die Vier Elemente der Baukunst, Gottfried Semper, 1878
ARCHITECTURE CREUSÉE/CONSTRUITE 51

Instinctivement, en empilant des matériaux naturels trouvables partout, pierre


ou bois, ou peut-être en tressant des feuilles.

Mais les abris naturels n’ont pas disparu pour autant. Au contraire le
maniement de l’outil a permis tout aussi instinctivement de les aménager.
Le geste primaire de creuser remplace ici ceux tout aussi primaire d’empiler
ou de tresser. C’est alors une autre origine pour une autre Architecture,
l’Architecture creusée!
Evidemment, sa diffusion est sans commune mesure avec celle de
l’Architecture construite, elle est assujettie à l’exploitation de conditions
propices, existence de cavités naturelles, de roches ou de sols suffisamment
tendres pour être creusés. Elle fut beaucoup dérivée de mines, de carrières
ou d’hypogées funéraires. Au point qu’on l’a souvent considéré comme
anecdotique, une curiosité...

L’Architecture creusée s’est pourtant développée parallèlement plutôt


que dans la marge de l’Architecture construite. Et elle continue de perdurer
jusqu’à nos jours.
Parmi ces réalisations humaines, certaines sont bien loin de simples cavités
naturelles et accèdent au grandiose. Les exemples sont nombreux pendant
l’antiquité : tombeaux royaux et temples, tels Abou Simbel en Egypte ou la
cité de Petra en Jordanie.
D’autres sont encore d’actualité dans certains endroits du monde. Des
nombreux habitats troglodytes sont encore habités de nos jours : la région de
Cappadoce en Turquie. certains villages du val de Loire en France ou encore
la région Gansu en Chine1.

L’architecture construite et l’architecture cavée se sont développées avec


des langages différents. L’architecture construite c’est le linteau et la colonne,
tandis que l’architecture cavée, c’est la voûte. Parce que ces deux types
1. décrite in Huang Tu, terre jaune de Chine, Arnaud Sayans, éditions l’Harmattan
52 TEMPLES D’ABOU SIMBEL EN EGYPTE ET DE PETRA EN JORDANIE
CÔNE DE GÖREME, TURQUIE 53
54 HABITATS SOUTERRAINS, CHINE
ARCHITECTURE CREUSÉE/CONSTRUITE 55

d’Architecture se sont développés en même temps, on a pu assister à des


transferts de technologie de l’une vers l’autre. Les plus vieilles civilisations
-les grecs, les égyptiens- bâtissaient simplement en empilant linteaux et
colonnes. Lorsque l’arc est théorisé et récupéré par l’Architecture construite,
il permet un essor fantastique de l’Architecture et de la construction à l’époque
romaine.

L’Architecture creusée, n’a pas même nature que l’Architecture construite.


D’après Mario Mainetti2, dans l’Architecture construite, « les bâtiments sont
des enveloppes dont le but est d’être une interface entre le dedans et le dehors ».
L’architecture cavée est « pur espace ». Ce n’est qu’une intériorité. Elle n’a
que peu ou pas de lien avec son environnement. Elle ne peut exister que grâce
et par le volume qu’elle évide. On ne peut, alors, pas parler d’espace, comme
dans une architecture traditionnelle, mais de vide. « Dans l’architecture
troglodytique, l’extérieur est résiduel, son volume disparaît. Il s’agit d’une
architecture des cavités, où la forme interne prédomine sur ce qui la délimite.
[...] Dans l’architecture troglodytique, les espaces peuvent s’interpénétrer,
puisqu’ils sont libre dans trois dimensions. Ils ne dépendent pas, comme dans
le cas des édifices, d’une structure extérieure qui en les créant en définit aussi
les relations réciproques. »

Pourtant jusqu’à nos jours cette liberté n’a pas ou peu été exploitée par
l’Architecture creusée savante. Probablement dépourvus face à toutes les
possibilités offertes et à l’absence d’un langage existant, les architectes se
sont réfugiés dans l’utilisation devenue purement décorative du langage de
la construction. A Pétra, en Jordanie, on a recréé un temple entier dans une
falaise, dans un seul bloc de pierre. Les linteaux, les architraves ne portent
rien, ils n’ont pas de fonctions constructives. Ils ne sont qu’une transposition
littérale d’une architecture construite vers une architecture creusée. Mais les

2. in Architecture cavée, Mario Mainetti, http://perso.wanadoo.fr/erato/horspress/archeo.htm


56 L’ORIGINE DU CREUSÉ

exemples sont légions. Ainsi, le même Mario Mainetti écrit : « Dans la région
italienne des Pouilles, on trouve des voûtes décorées avec de nervures ou des
poutres monolithiques sans aucune fonction statique. Le même se passe avec
les coupoles et les piliers de Cappadoce. Les hypogées funéraires étrusques ont
été cavés à l’image des maisons, avec toit à deux pans, fenêtres et sièges »2.

Aujourd’hui les propriétés spatiales de l’architecture creusée sont peu à


peu redécouvertes par d’autres architectes en quête de nouveau langage et de
nouvelles stratégies spatiales Herzog & de Meuron, Steven Holl, MVRDV,
Rem Koolhaas. Et après l’apparition d’une Architecture construite-creusée,
on découvre une architecture creusée-construite... Lorsque l’on observe
l’architecture contemporaine dite creusée, on s’aperçoit celle-ci reprend tous
les codes de l’architecture troglodytique.
Prenons comme exemple le projet de la bibliothèque de France de Rem
Koolhaas. Le volume à évider, la « montagne », le « rocher », est bien
évidement construit. Pourtant, il s’agit d’une architecture troglodytique. Les
volumes évidés sont de purs espaces. Le fait que leur géométrie, difficilement
descriptible, soit en totale opposition avec le volume total du bâtiment, prouve
que ceux-ci ne sont pas assujettis à la structure ce dernier. Ici, ce n’est pas la
structure qui forme l’espace mais la masse qui crée le vide. Il est évidement
que ce bâtiment est une structure construite. Pourtant, les espaces creusés ne
sont pas du même registre. Dans ce genre de bâtiment la structure n’est pas
fondamentale. On doit avoir l’illusion que le volume dans lequel on se trouve
à été évidé de l’espace du bâtiment. Il n’y a aucune vérité constructive, seule
compte l’intelligibilité du processus qui a prévalu à sa conception.

Petra est l’exact inverse de la bibliothèque de France, l’une se préoccupant


de l’espace, l’autre du « vide », les deux se désintéressant de toute vérité
constructive pour se préoccuper de la vraisemblance et de la compréhension
que pourront avoir les contemporains du bâtiment.
58 EDA APARTMENTS, KAZUYO SEJIMA & RYUE NISHIZAWA, 2002

59
61

Le retour du creusé,
la filiation Kahnienne.

Louis I. Kahn peut être considéré comme le père de l’Architecture creusée


contemporaine.
Grâce à l’outil qu’est le poché des Beaux-Arts, Louis Kahn découvre qu’il
peut utiliser les murs qu’il souhaite massifs comme des contenants au lieu de
pleins. Ainsi il se réfère souvent au plan d’une salle commune du château de
Comlogan en Ecosse dont les murs très épais contiennent des éléments divers
au service de la pièce.
Il en vient ainsi à distinguer l’espace noble de la pièce et les surfaces qui la
servent. Il choisit d’intégrer ces surfaces à la structure qui supporte, définit les
limites et l’éclairage de la pièce.
Pour cela, il utilise des murs creux. Ces surfaces servantes prendront dans
son oeuvre de plus en plus d’importance, jusqu’à devenir ensuite de vrais
espaces servants. C’est ainsi qu’on retrouve dans sa production un grand
nombre de configurations annulaires dans lesquelles des pièces secondaires
viennent ceinturer une principale, comme par exemple à l’Eglise Unitarienne
de Rochester.
62 LE RETOUR DU CREUSÉ

Château de Comlogan, Ecosse

Eglise unitarienne de Rochester (1958-1969)


LA FILIATION KAHNIENNE 63

Cette vision du creusé bascule à la fin de sa vie avec le Capitole de Dacca


au Bangladesh, où « la colonne creuse » -déjà utilisée aux Trenton Bath
House notamment- devient « dispensiatrice de lumière ». Pour lutter contre
le rayonnement solaire très intense, Kahn imagine d’éclairer naturellement les
colonnes creuses qui portent le bâtiment, qui diffuseraient alors une lumière
indirecte atténuée au coeur du bâtiment, et deviendraient par conséquent des
« puits de lumière ».
Ces colonnes, qui n’étaient jusqu’alors jamais éclairées -caractéristique
des surfaces servantes-, étaient certes vides mais avec l’apparence extérieure
d’un plein. Une fois éclairées, celle-ci deviennent de réels espaces et prennent
paradoxalement l’apparence de vides dans un bâtiment dont l’aspect est
justement monolithique et plein. Le bâtiment entier cette fois est comme
creusé!

C’est Koolhaas, qui sera le prochain à invoquer la gestion du vide plutôt


que celle de la matière. D’abord de manière urbaine pour le plan de la ville
nouvelle de Melun-Sénart, mais surtout pour le projet de bâtiment creusé le
plus symptomatique : la bibliothèque de France. Le bâtiment entier est un
bloc solide de stockage, c’est à dire d’espace servant, dans lequel les espaces
publics, c’est à dire les pièces, sont évidés comme des boules de glace.
Ceux-ci sont créés de manière tout à fait libre, sans aucune considération de
structure ou d’organisation.

Ces deux là, pourtant, ne creusent pas la même chose. Il existe en fait
dans ce bâtiment et certains bâtiments creusés contemporains (ceux dont les
creusements sont des espaces programmés à part entière), une transformation,
une simplification et presque une inversion de la problématique kahnienne
originale. Celle-ci, radicalisée et manichéenne, ne contient plus que deux
entrées, plein et vide.
Kahn, crée une pièce, et dans la masse qu’est la structure (disons le mur
64 LE RETOUR DU CREUSÉ

pour être plus simple), il évide les espaces servants. Koolhaas, lui, crée une
masse (celle, totale, du bâtiment) contenant indifféremment structure et
espaces servants, et creuse dedans les pièces. Il existe un glissement de ce qui
est creusé (la masse creusée), mur ou bâtiment, qui aboutit à un renversement
de ce qui est creusé (le vide creusé), espaces servants ou pièces.
Là où Kahn voyait dans le creusé un moyen de concevoir une pièce
idéale en intégrant à sa fabrication, structure et services, Koolhaas, envisage
plutôt le creusé comme un moyen pour se débarrasser de toutes contraintes
en les rejetant à l’extérieur de la pièce et ainsi de concevoir des espaces qui
n’auraient pu être imaginés comme des formes construites. Objectifs à la fois
voisins et opposés.
Si les deux cherchent à libérer la pièce, Kahn le fait en composant -la
pièce, le mur, les espaces servants- alors que Koolhaas travaille en suivant
une opération.

OMA - Rem Koolhaas, patent for «Strategy of the Void II» (building)
LA FILIATION KAHNIENNE 65

Pourtant on peut voir dans la succession Khan-Koolhaas, une véritable


continuité dans la stratégie de différenciation des espaces servants et des
espaces servis. Ils ne creusent pas la même chose, ce que Kahn creuse
appartient au plein, ce que Koolhaas creuse appartient au vide. Mais les deux
envisagent le supposé « plein », généralement représenté comme tel grâce au
poché, comme une épaisseur servante qui abrite toujours la structure et les
espaces nécessaires à la vie de la pièce. Chez les modernes, ce plein ne se
matérialisait qu’à peine dans les points porteurs, les poteaux, plan et façade
étant libres. Chez Kahn, qui cultive un rapport au mur qui renvoie plus à sa
forme archaïque, le mur épais poché peut abriter des espaces secondaires.
Chez Koolhaas, finalement le bâtiment entier est représenté comme du plein.
Le sens de l’évolution va alors vers une surreprésentation des espaces
de services, au point que ceux ci atteignent une masse critique et viennent
submerger l’ensemble du bâtiment en renversant le rapport figure-fond, le
vide devenant le spécifique, contre une masse servante générique. Le servant
est mis en exergue, enfle, fait disparaître sa raison d’être, ce qu’il sert, et finit
par prendre tellement d’importance qu’il s’écroule sous son propre poids et
redevient moins signifiant que le vide qui vient le creuser, promu au rang
d’espace noble.

Il existe un grand pas entre ce qu’a fait Kahn et ce qu’a fait Koolhaas. Ils
ne creusent pas de la même manière, ni vraiment avec les mêmes objectifs,
pourtant on ne peut pas faire l’économie d’un rapprochement entre certains
de leurs travaux. Creuser reste pour les deux un outil programmatique
d’une efficacité rare et qui permet de magnifier un programme noble en lui
assujettissant un programme servant.
66 TRÈS GRANDE BIBLIOTHÈQUE, OMA - REM KOOLHAAS, 1989

67
69

Booléen et TGB,
creuser ou soustraire?

Il est intéressant d’essayer de se se figurer la représentation mentale que


l’on peut avoir du geste de creuser ou d’évider. Celle-ci comporte généralement
l’idée d’une action d’un extérieur vers un intérieur, qu’on imagine facilement
être celui du sol ou celui d’un morceau de bois. Ces acceptions révèlent
certainement le lien réminiscent entre la notion intellectuelle abstraite de créer
un vide et celle archaïque, liée à la petite enfance, de prendre un objet et de le
travailler avec ses mains ou un outil, une pelle, un ciseau...
Ainsi concevoir un bâtiment creusé pourrait s’apparenter à prendre un
bloc de marbre -ou plus vraisemblablement de mousse bleue- et à le sculpter
avec différents outils, du burin à la lame de cutter pour finir par le mégot de
cigarette. Un certain nombre de projets correspondent à cette idée, plaques
poinçonnées comme à l’emporte-pièce, bâtiment rongé par un ver géant pour
le Simmons Hall. Leur apparence révèle un geste présent, ou qui pourrait
l’être, dans la nature, à une échelle quelconque.
70 BOOLEEN ET TGB

Du projet de la bibliothèque de France, Koolhaas dira plus tard, qu’il était


évidé « like ice-cream »1. Pourtant celui-ci est bel et bien plus complexe
qu’une grande partie des bâtiments creusés. Tout simplement parce que des
vides sont entièrement contenus dans la masse du cube. Comme une bulle
d’air prisonnière de la glace. C’est-à-dire quelque chose qui n’a rien à voir
avec le geste centripète de creuser du dehors vers l’intérieur.
Dans la plupart des projets creusés, on peut se représenter comment le
bâtiment a été excavé, comment la masse a été retirée pour former des vides.
Soit par volumes entiers comme le montrent les maquettes de la maison Y2K,
où des trapézoïdes sont retirés intacts de la maquette. Soit sous la forme de
copeaux, comme on peut se figurer les déchets du lombric de Steven Holl. A
la bibliothèque de France, cela est impossible, certains vides étant noyés au
coeur du plein. Ils ne sont donc pas à proprement parler creusés.

Ainsi, si certains vides du bâtiment sont ouverts sur la façade, ce n’est


pas parce que la forme globale a été attaquée depuis l’extérieur. Ce n’est
que parce que des vides de même nature que ceux qui sont entièrement
intérieurs ont rencontré la limite du milieu dans lequel ils sont en suspension.
Tous sont répartis de manière entropique. Ceux qui rencontrent la façade
sont éclairés -l’idée de creuser pour amener de la lumière est ici tout à fait
secondaire- mais surtout révèlent le processus qui a généré le bâtiment, et par
conséquent l’existence des autres (à ce sujet, on peut parfaitement considérer
la bibliothèque de France comme une version tridimensionnelle du type de la
plaque entropique).

Ce renversement dévoile que ces vides ne sont créés par le changement


d’échelle d’un geste naturel mais par une abstraction purement intellectuelle.
Le projet de la bibliothèque de France n’est pas a proprement parler un
bâtiment creusé mais un bâtiment soustrait. La maquette « en négatif » du

1. In Content, OMA / Rem Koolhaas / &&& Simon Brown, Jon Link, éditons Taschen
CREUSER OU SOUSTRAIRE? 71

projet en témoigne. Koolhaas a imaginé d’une part un volume global, et


de l’autre, tout à fait indépendamment, des volumes tous différents, et il a
soustrait les seconds du premier pour obtenir un résultat qui n’est connu qu’à
la fin.

Les vides de la bibliothèque de France renvoient donc beaucoup moins à


l’acte de creuser au sens sculptural -in levare- qu’à une opération mathématique,
aujourd’hui présente dans tous les logiciels de conception assistée par
ordinateur en trois dimensions sous le nom d’opération booléenne.2 La
logique binaire booléenne appliquée aux modèles 3D permet, à partir de deux
volumes, d’obtenir à la fin d’une opération, l’union ou l’intersection des deux
opérandes, ou la soustraction de l’un par l’autre. C’est à dire que pour dessiner
un objet, il va devenir plus facile de dessiner le vide au même titre que le plein
pour le lui soustraire que de dessiner le plein autour du vide, c’est à dire de
construire. C’est un des outils de base de la modélisation informatique, avec
l’extrusion, elle aussi souvent invoquée dans l’Architecture contemporaine.

Finalement le fait d’opérer en creusant plutôt que de composer permet


à l’Architecte de créer des formes libérées de toutes contraintes, « même
la gravité »3 dira Koolhaas. Il lui permet d’abstraire ses formes du monde
physique, pour les travailler dans un univers virtuel.

Le mode de représentation du projet, lui, n’est pas sans rappeler un mode


de fabrication, apparu au début des années 80, lui aussi lié à l’informatique
appelé stéréolithographie. Pour créer des objets complexes, comportant des
vides isolés au coeur de la pièce, qu’on ne peut obtenir avec des opérations
courantes -tournage, fraisage, taraudage, moulage- on découpe un modèle

2. Du nom du mathématicien anglais Georges Boole (1815-1864) qui développa une nouvelle forme de logique pour
traduire des idées en équation. Pour cela, il crée une algèbre binaire, qui n’accepte que deux valeurs numériques : le
0 et le 1, qui sont traitées par des fonctions logiques de base OU, ET, OU EXCLUSIF, NON. Celles-ci sont encore
aujourd’hui à la base de tout système informatique.
3. in S,M,L,XL, OMA / Rem Koolhaas / Bruce Mau, éditions Monacelli Press
72 BOOLEEN ET TGB

virtuel tridimensionnel, en autant de plans que la précision l’exige. Un laser


vient balayer un « milieu » que son passage solidifie sur une petite épaisseur,
chaque tranche est imprimée sur la précédente, le tout fini forme la pièce.
La fameuse série de plans pochés, mis bout à bout, où l’on voit les trous
apparaître, grandir, diminuer, disparaître à mesure qu’on s’élève dans les
étages, rappelle fortement cette technique.

Si les exemples de technologies cités ici n’étaient pas forcément connus par
Koolhaas en 1989 au moment du concours pour la Très Grande Bibliothèque,
on ne peut regarder ce projet aujourd’hui sans notre langage d’aujourd’hui.
Son augmentation par de nouvelles expressions -donc de nouvelles idées- liées
à l’évolution des moyens de conception et passées dans le langage courant,
extruder, pixel, booléen, influe à la fois sur la lecture des projets passés et sur
la conception des projets à venir.

Pour conclure, la bibliothèque de France, contrairement à un bon nombre


de bâtiments creusés, n’est pas réductible à l’agrandissement d’une maquette
sculptée. Cela ne signifie pas qu’elle est le seul « vrai » bâtiment creusé. Par
contre, on peut penser qu’elle est le seul projet dont le processus n’a jamais
été altéré par aucun souci de composition, peut-être parce que le programme
extraordinaire s’y prêtait. Peut-être aussi valait-il mieux, comme Koolhaas se
le demandait, ne pas gagner ce concours?
74 BIBLIOTHEQUE UIB, CERO 9, 2003

75
77

Autonomie du creusé,
monolithisme et monumentalité

Le fait de créer un bâtiment creusé passe par la création imaginaire d’un


milieu continu, puis, par le remplacement de fractions de ce milieu par des
vides.

La forme de ce milieu est, on l’a vu, généralement issue de formes


géométriques, simples, posées au milieu d’une parcelle comme la Bibliothèque
de France, d’extrusions liées à la saturation d’un site par le programme,
comme le Forum 2004 d’Herzog et de Meuron ou EDA apartments de Sejima,
ou encore assez rarement de processus plus complexes, comme à la Casa da
Musica de Porto.
Ces choix ou opérations aboutissent à des formes simples, lisibles, dans
des bâtiments qui sont toujours jusqu’à présent des objets isolés.
Ce milieu, le contexte de l’opération « creuser », bien qu’entamé par des
excavations, reste toujours perceptible après l’opération. Il donne sa forme
globale au bâtiment
78 AUTONOMIE DU CREUSÉ

«Déplié» des façades de la Casa da Musica, avec calepinage des banches.

Simmons Hall, élévation

La masse de ce qui est considéré comme « plein » se matérialise forcément


par une façade continue. Elle peut être pleine, aveugle, comme la Casa
da Musica, ou, si on a besoin de lumière, percée de manière parfaitement
régulière comme au Simmons Hall de Steven Holl.
Elle est généralement monomatière, l’effet de continuité pouvant être
obtenu directement avec un matériau comme le béton, ou artificiellement, par
exemple avec le flocage bleu vif du Forum 2004.
La façade, qui matérialise la limite du milieu plutôt qu’une interface entre
MONOLITHISME ET MONUMENTALITÉ 79

le dedans et le dehors, ne s’interrompt finalement que lorsque des trous la


rencontre. Le plein fait alors place à son exact inverse, souvent matérialisé par
un vitrage seul.

A l’intérieur, la masse du plein est également homogène, à la fois dans la


représentation du projet, avec le « poché », qui englobe indifféremment gros
œuvre et espaces servants mais aussi dans le traitement de l’ambiance, de la
stimmung des espaces. A la Casa da Musica, les espaces servants, notamment
de circulation, sont traités dans un vocabulaire commun, sombre (évidemment,
puisque la façade est pleine), mêlant béton -celui là même qui se retrouve en
façade, puisque c’est le même milieu- et acier, par opposition aux ambiances
colorées et toutes différentes des salles « creusées ».

Finalement, bien que les espaces nobles soient bien plus spécifiques et
signifiants que la masse générique, ceux-ci ne restent que des vides pris dans
une masse, une seule pièce continue qui submerge tout. Les éléments les
plus importants du bâtiment ne sont qu’une absence de bâtiment. Ainsi les
bâtiments creusés peuvent se constituer d’éléments singuliers tous différents,
sans aucune articulation des uns avec les autres, disposés de n’importe quelle
manière. Ils n’en restent pas moins cohérents pour autant. Le bâtiment a une
forme globale unitaire, il a une vraie gestalt, c’est à dire que l’apparence d’un
tout prédomine sur la perception d’une somme de parties.

Dans les exemples étudiés, l’opération de creuser apparaît comme


a‑contextuel. Le bâtiment se nourrit donc de sont propre processus, sans jamais
que son environnement n’interfère sur sa forme, sur son image. L’édifice issu
de l’opération creusé aurait donc une part de monumentalité.
Néanmoins, la véritable question serait : est-ce l’opération creuser qui
engendre la monumentalité du bâtiment, ou est-ce le besoin de monumentalité
qui fait que l’architecte opte pour ce processus ?
En effet, dans le corpus des bâtiments qui servent de base à notre réflexion,
80 AUTONOMIE DU CREUSÉ

tous, même les logements, sont des programmes complexes et de grande


ampleur. De plus, aucun ne se situent dans un tissu de ville constituée, une dent
creuse par exemple. On peut alors se demander si les programmes d’édifices
contemporains, toujours plus sophistiqué et plus denses, et la ville générique
dans lesquels ils sont construits ne laissent pas les architectes perplexes.
Le grand espace ouvert de ce type de ville semble assez instable. La ville
nouvelle se construit à ses franges ou sur ses friches, la où rien n’est appelé
à perdurer. Un bâtiment, vaste de surcroît, ne peut être contextuel, puisque
rien de durable et de suffisamment proche ne le côtoie. Que reste-t-il alors à
l’architecte pour que son travail ait encore un sens dans se type d’espace ?
Le grand espace ouvert nécessite une forme simple, et cette forme doit
être travailler avec une opération formelle facilement intelligible. Le bâtiment
obtient alors une forme d’autonomie dans le vide où il se situe et qui pourra
perdurer quand la ville se construira quelle que soit sa forme future. C’est
la seule garantie de cohérence et de permanence pour le bâtiment. Comme
les oeuvres minimalistes, il est cohérent et ne renvoit à rien d’autre qu’à lui
même.
Face à la vacuité de la ville générique, certains types de bâtiments donc
ont besoin d’une part de monumentalité, celle-ci ne faisant pas l’objet de
choix arbitraire mais étant issue du processus qui prévaut à la conception du
bâtiment.
82 SIMMONS HALL, STEVEN HOLL, 1999-2002

83
85

Une architecture identifiable,


processus et signes.

Que reste-t-il à l’architecture lorsqu’elle a perdu tous ces codes ?


Comment peut-elle rester compréhensible ?

A la renaissance, pour fuir le gothique finissant, les architectes, en quête


d’un nouveau langage architectural, vont regarder à nouveau l’antiquité. Ils
vont redécouvrir les ordres pour créer une nouvelle architecture. Une fois
codifiés dans de célèbres traités, comme le De re aedificatoria d’Alberti
ou les quatre livres de l’architecture de Palladio, les ordres vont devenir le
vocabulaire commun de l’architecture. Chaque bâtiment, chaque architecte,
pourra alors raconter sa propre vision de l’architecture, à la condition d’utiliser
ce lexique pour rester intelligible. Même le maniériste Michel-Ange, lorsqu’il
construit la bibliothèque laurentienne, alors qu’il malmène les ordres et qu’il
aurait pu s’en passer, les conserve. Leur disparition totale aurait provoqué
l’incompréhension de ses contemporains.
Ce langage va perdurer tout au long du classicisme et du néoclassicisme.
L’architecture va alors être un jeu sur les ordres et sur les règles préétablies.
86 UNE ARCHITECTURE IDENTIFIABLE

La lecture de l’architecture par le quidam devient alors naturelle. Il peut


comprendre l’architecture, car sa lecture est codifiée. L’architecture, comme
la peinture ou la sculpture, soumise à des règles, reste à la portée du plus grand
nombre.
Pourtant, face à l’écriture devenue quasiment automatique de l’architecture,
dès le XIXème siècle, va se poser la question de l’abandon de l’écriture
classique.
Karl Friedrich Schinkel, avec la Bauakademie construit un premier
bâtiment savant se passant totalement des ordres. Mais c’est au début du
XXème siècle, que les premiers modernes vont balayer le symbolisme de
l’architecture. L’architecture classique était alors devenu un systématisme.
Il n’était plus question d’inventer une nouvelle architecture, mais plutôt de
copier des modèles. On assistait alors à un appauvrissement de celle-ci. Le
symbolisme n’était devenu plus que décoratif. Adolf Loos dans son texte
Ornement et Crime demande une épuration de l’architecture1. Le Corbusier
dans la Loi du Ripolin, prône un nouveau langage et se débarrassant du
décors : « Chaque citoyen et tenu de remplacer ses tentures, ses damas, ses
papiers peints, ses pochoirs, par une couche pur de ripolin blanc. »2
Les premiers modernes vont donc balayer d’un revers de main le
symbolisme.
Pourtant, face au vide que crée l’abandon d’un langage compréhensible
par tous, les modernes de la deuxième génération vont créer un « symbolisme
inavoué » selon Robert Venturi : « Les architectes modernes ont substitué un
ensemble de symboles à un autre, mais sans en prendre conscience. »3
Selon Venturi les architectes modernes ont eu besoin de se recréer, dans
une architecture anti-symbolique, leur propre symbolisme. Ils ont été conduit
à reproduire des modèles, le couvent de la Tourette notamment, conduisant
vers une architecture compréhensible uniquement des architectes et donc un

1. in Ornement et crime, Adolf Loos, éditions Rivages poche / Petite Bibliothèque


2. in L’art décoratif aujourd’hui, Le Corbusier, éditions Arthaud
3. in L’enseignement de Las Vegas ou le symbolisme oublié de la forme architecturale, Robert Venturi, Denise Scott
Brown, Steven Izenour, éditions Architecture + Recherches / Mardaga
PROCESSUS ET SIGNES 87

déclin rapide et inéluctable du post modernisme.


Il fallait donc inventer un nouveau langage architectural, comme l’écrit
Eric Lapierre : « Comment celui qui n’a jamais vu le couvent de la Tourette,
peut-il comprendre qu’un logement soit éclairé par une meurtrière horizontale
dans laquelle sont fichés, de loin en loin, de petits parallélépipèdes de béton ?
Les architectes qui quittent le champs de la citation architectural savante pour
celui de l’évocation décalé de constructions vernaculaires entendent concevoir
une architecture accessible à tous, en tout cas, plus enraciné dans le réel, en
se référant à une forme de culture, de mémoire et d’expériences collectives
et communes, plutôt qu’à une culture savante difficilement accessible et
formellement surdéterminante. »4
Ainsi, Robert Venturi prêche dans l’enseignement de Las Vegas un nouveau
symbolisme. Il propose le détournement savant et l’appropriation d’objets et
de codes connus de tous. Ce sont par exemple les fenêtres à guillotine du
Guild House mais utilisées dans des proportions anormalement grandes ou
l’emploi d’un matériau pauvre comme la brique. C’est l’architecture laide et
ordinaire contre l’architecture héroïque et originale.
Ce travail sur le réemploi d’objets facilement identifiable dans une
architecture savante sera repris plus tard par des architectes comme Roger
Diener ou par le mouvement d’architecture analogue en Suisse ou Anne
Lacaton et Jean-Philippe Vassal par exemple en France.
Toutefois, même si ce courant de pensée continue d’exister, d’autre
architectes d’interrogent pour savoir comment concevoir une architecture
savante qui reste compréhensible de plus grand nombre.
C’est pourquoi on voit apparaître des bâtiments qui utilisent des notions
qui sont à priori étrangère à l’architecture mais qui lui sont appliquées.
Ainsi, Eric Lapierre dit que « les architectes [doivent] inventer une nouvelle
compréhension de l’architecture, en regardant, s’il le faut, au-delà des
frontières disciplinaires »4. En effet, des notions simples telles que creuser,

1. in Architecture du réel, Architecture contemporaine en France, Eric Lapierre, Claire Chevrier, Emmanuel Pinard,
Paola Salerno, éditions du Moniteur
88 UNE ARCHITECTURE IDENTIFIABLE

plier, empiler, tisser etc. ne sont pas du ressort de l’Architecture. Pourtant,


lorsqu’elles sont appliquées à des bâtiments, elles ouvrent de nouvelles voies
jusque là inexplorées et produise une nouvelle architecture. La simplicité
extrême de ces notions fait que cette architecture reste accessible au plus
grand nombre.
Il s’agit d’une nouvelle lecture de l’architecture, non plus via son
symbolisme mais par son processus.
91

Content indiquait pourtant «Casa da Musica, completed : summer


2004». Aprés 28 heures de routes jusqu’à Porto, c’est avec une certaine
appréhension que nous avons trouvé la Casa da Musica en chantier.
Evidemment, nous ne nous étions même pas posé la question de
l’achevement lorsque la veille du 11 novembre, nous avons impulsivement
jeté nos affaires dans le fourgon qui sert à nos rustiques visites
architecturales.
Aprés avoir maudit notre naïveté comme notre manque d’organisation,
nous nous sommes amusés de constater que le bâtiment, publié dès le
gros-oeuvre terminé, nous avait naturellement paru achevé.
Ludwig Mies van der Rohe, lui aussi, montrait les photos du chantier des
immeuble sur Lakeshore Drive, la structure encore nue.
Ce n’est que le lendemain, aprés l’avoir scruté sous tous les angles,
guettant une occasion, que nous avons pu pénétrer le bâtiment, en nous
immiscant dans un groupe de notables aux mines compassées.
Comme les tours de Mies, le bâtiment était en chantier comme il aurait tout
aussi bien pu être en ruine. En bonne architecture, il n’avait pas perdu la
moindre parcelle de son caractère.
92 CASA DA MUSICA, OMA - REM KOOLHAAS, 1999-2005

93
95

Casa da Música,
creusé mais...

La Casa da Musica à Porto de Rem Koolhaas, c’est ce galet à facettes,


récemment inauguré et déjà largement publié au moment ou nous imprimons
ces lignes. Sommairement, c’est un caillou de béton blanc. Il n’a pas de
façades, pas de devant, pas d’arrière, pas de dessus, pas de dessous, il est
simplement un objet posé sur une petite place créée sur un îlot trapézoïdal
attenant à la Boavista Rotunda.

La Casa da Musica est un bâtiment creusé. Circulations et autres espaces


servants constituent une masse considérée comme pleine. De celle-ci sont
excavés les programmes principaux, ceux recevant du public.
La salle de concert principale est un tube vide qui traverse le bâtiment de
part en part. Sa forme parallélépipédique est liée à la question acoustique.
La plupart des autres programmes creusés le sont de l’extérieur jusqu’à
la grande salle. Ce sont des volumes trapézoïdaux tous différents dans leurs
formes et leur ambiances. Des formes dont on dirait qu’elles ont simplement
retirées du volume global.
96 CASA DA MUSICA

Les circulations s’enroulent autour de la boite centrale dans un parcours


ascensionnel continu qui va de l’escalier extérieur à la terrasse sur le toit.

Mais ce bâtiment n’est pas assimilable à n’importe quel autre projet


creusé. Dans la plupart des bâtiments creusés, on prend une forme simple,
non choisie : géométrique ou induite, puis on y pratique des percements
particuliers qui viennent contraster avec cette forme à priori.
A la Casa da Musica, cette opposition disparaît. La géométrie des facettes
irrégulières de l’enveloppe extérieure se retrouve dans tout le découpage du
bâtiment. On pourrait penser que la forme extérieure a été taillée au même
titre que les espaces intérieurs. Que les coups de serpes qui tiennent lieu de
façades sont donnés à l’intérieur également.

Pour mieux comprendre, on doit revenir à la généalogie du projet, à la


maison Y2K, qui n’a pas été conçue comme un simple projet creusé. Ce projet
part d’abord d’un volume central, celui de l’espace de vie commune. Dessus
s’agglutinent les espaces secondaires, les espaces individuels. Ceux-ci sont
rangés et enveloppés pour définir un volume capable, malfoutu et néanmoins
équilibré, sculptural. De là on procède à un retour en arrière en mettant le
résultat en négatif, c’est-à-dire en creusant cette enveloppe qui devient la
masse évidée des espaces de rangement. Ce projet, abandonné, puis agrandi,
devient la Casa da Musica.

C’est cet aller-retour, ce tâtonnement autour d’un volume virtuel capable


imprecis qui différencie la Casa da Musica des bâtiments creusés qui l’ont
précédée. Creuser n’est pas le seul processus à intervenir. Il n’est pas juste
appliqué à une forme simple dont la seule qualité sera lors de ses absences de
révéler les creusements dont elle a fait l’objet.
L’action de creuser produit à la fois un projet peut-être moins pur
théoriquement, moins manichéen quant à son processus que la bibliothèque
de France et un objet formellement parfaitement cohérent.
CREUSÉ MAIS... 97

De toutes façons, l’important reste une nouvelle fois la vraisemblance du


processus de creusement et l’intelligibilité du bâtiment qui en résulte.

D’une certaine façon, Koolhaas a manièrisé le procédé qu’il a lui-même


élaboré. Après la démonstration que constitue la Bibliothèque de France, après
l’avoir même « brevetée » sous le nom « stratégie du vide » dans Content,
il se permet de jouer avec les règles qu’il a inventées et qui furent copiées
depuis, pour les hybrider, les enrichir tout en conservant la même apparente et
seulement apparente simplicité.
9898 CASA DA MUSICA, OMA - REM KOOLHAAS, 1999-2005

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BIBLIOGRAPHIE

LIVRES

S,M,L,XL,
OMA / Rem Koolhaas / Bruce Mau,
éditions Monacelli Press.

Content,
OMA / Rem Koolhaas / &&& Simon Brown, Jon Link,
éditons Taschen.

A propos de Rem Koolhaas et de l’Office for Metropolitan Architecture.


Qu’est ce que l’OMA?
éditions Le Moniteur.

Mutations,
Rem Koolhaas Harvard, Project on the city, Stefano Boeri, Multiplicity, Stanford
Kwinter, Nadia Tazi, Hans Ulrich Obrist,
éditions ACTAR, arc en rêve centre d’architecture.

New York Délire,


Rem Koolhaas,
éditions Parenthèses.

Ornement et crime,
Adolf Loos,
éditions Rivages Poche / Petite Bibliothèque.
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L’art décoratif d’aujourd’hui,


Le Corbusier,
éditions Arthaud.

L’enseignement de Las Vegas ou le symbolisme oublié de la forme


architecturale,
Robert Venturi, Denise Scott Brown, Steven Izenour,
éditions Architecture + Recherches / Mardaga.

Silence et lumière,
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éditions du Linteau.

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Eric Lapierre avec Claire Chevrier, Emmanuel Pinard, Paola Salerno,
éditions Le Moniteur.

Huang Tu, Terre jaune de chine,


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éditions L’Harmattan.

John Soane le rêve de l’architecte,


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Architecture sans architecte,


Bernard Rudofsky,
éditions Le Chêne.
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REVUES

Matières,
numéro 7 2004,
Institut d’architecture et de la ville de l’Ecole polytechnique fédérale de
Lausanne,
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AMC, le moniteur architecture,


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OMA / Rem Koolhaas 1987-1992.

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SANAA Kazuyo Sejima / Ryue Nishizawa 1998-2004.

SITES INTERNET

http://perso.wanadoo.fr/erato/horspress/archeo.htm

http://hades.troglodyte.free.fr/index.htm

www.casadamusica.com
111

AUTRES CREDITS

Consultation Massena – Seine Rive Gauche,


Proposition de l’OMA, 1995
Tous documents copyright SEMAPA©

Casa da Música,
Brochure d’information,
édition Casa da Música | Porto 2001, S.A. / 2003

Photographies :
Casa da Música : Garcie de Navailles, Franck Courari, Magali Lenoir,
Novembre 2004.
Forum 2004 : Marie Ferrari, Février 2005.
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2 Théorie et projet
sous la supervision de Jacques Lucan et Éric Lapierre

École d’architecture
de la ville & des territoires

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