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Février 2007
Depuis le début des années 2000, en Europe Continentale, ont commencé à
émerger les premières approches socialement responsables en matière de
gestion de taux.
Avec quelle finalité, selon quelle philosophie ISR, peut-on aborder l’introduction de
critères extra-financiers dans la sélection des obligations d’Etats (ou d’autres émetteurs
publics) dans un portefeuille ? Quelles sont les méthodes mises en place par l’offre ISR
obligataire ? La transposition des approches définies pour les entreprises est-elle
pertinente ? L’ISR appliqué aux Etats ou à des acteurs publics ne soulève-t-il pas des
questions de référentiel de valeur encore plus difficiles à trancher pour les investisseurs ?
Solidaires
Obligataires et
3%
monétaires
25%
Actions
Fonds de fonds
50%
2%
Diversifiés
20%
L’offre ISR en matière de produits de taux, sans compter ici la part des fonds
diversifiés, s’est donc considérablement étoffée en France jusqu’à atteindre plus de 30%
de l’ensemble des actifs ISR à la fin 2006 alors qu’elle en représentait à peine plus de
15% à la fin 2003. La taille des encours est passée de 720 millions à 3,6 milliards1.
Solidaires
Obligataires et 2%
monétaires
29%
Fonds de fonds
1%
Diversifiés
14%
Actions
54%
Les sociétés de gestion qui distribuent des produits ISR obligataires ou a dominantes
obligataires ouverts sont AXA IM, BNP Paribas AM, Dexia AM, HSBC Investments,
I.DE.AM, Interexpansion, La Banque Postale AM, Prado Epargne, Macif Gestion,
Natexis AM et le groupe Sarasin.
1
Ces chiffres sont tirés de l’Indicateur Novethic, bilan 2006.
Les produits ISR de taux offerts sur le marché français peuvent être regroupés en
quatre grands profils.
87%
Fonds
monétaires
12%
88%
En revanche, d’autres professionnels mettent en avant le fait que, même s’il s’agit
de produits de court terme, le produit peut-être considéré ISR dès lors que les
émetteurs de cette dette de court terme sont analysés d’un point de vue extra-
financier. S’il s’agit d’émetteurs « entreprises », ils estiment que leur apporter les
financements de court terme leur permet de se développer sur le long terme. Créer des
OPCVM monétaire ISR reviendrait ainsi à allouer des ressources à court terme aux
besoins du financement des entreprises.
Le débat sur les produits monétaires ISR n’ayant pas encore permis l’atteinte d’un
consensus en la matière, nous préférons aujourd’hui considérer que cette classe de
produit de taux reste à valider en tant que démarche ISR.
84%
91%
94%
97%
34%
Fonds
obligataires
"mixtes"
66%
24%
Fonds
Obigataires
"mixtes"
76%
Avant d’aborder les questions posées par ces approches, le constat sur les
pratiques observées est présenté ici pour chaque type d’émetteur.
2
Conclusion d’un groupe de travail ayant eu lieu le 2 juin 2006 à Stockholm organisé par la fondation Mistra sur
l’ISR obligataire.
Les nouveaux territoires de l’ISR :
Quel sens pour les démarches ISR sur les produits de taux ? - Février 2007
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Cette agence réalise toutefois un travail de plus en plus systématique sur ce type
d’émetteurs en utilisant la grille des principes d’Equateur3.
Certaines agences d’analyse sociétale ont mis en place des services de notation
sollicitée auprès des collectivités territoriales, pour évaluer leurs pratiques en
matière de développement durable, comme BMJ Ratings ou Vigeo. Mais ce service ne
s’adresse pas aujourd’hui aux investisseurs qui souhaiteraient une notation fondée sur
une méthodologie d’évaluation de l’ensemble des municipalités et autres collectivités
territoriales émettant de la dette en Europe par exemple. Toutefois Vigeo développe
actuellement un service de notation des collectivités territoriales pour le compte de
l’ERAFP.
La question est aussi de savoir si l’Etat doit être évalué en tant qu’entité
géographique (sur la base des caractéristiques environnementales ou sociales du pays),
ou en tant qu’institution politique (sur la base des politiques environnementales ou
sociales réalisées) ou encore en tant qu’organisation (sur la base de l’impact
environnemental de son fonctionnement ou de ses caractéristiques sociales en tant
qu’employeur).
On observe cinq grands types d’approches dans les pratiques en développement
de l’analyse extra-financière des Etats.
3
Principes selon lesquels les banques signataires s’engagent à prendre en compte un certain nombre de critères
d'évaluation sociaux et environnementaux dans le choix des projets financés.
4
Programme d’action mondial pour le 21ème siècle comprenant un ensemble de recommandations pour
favoriser le développement durable.
Les nouveaux territoires de l’ISR :
Quel sens pour les démarches ISR sur les produits de taux ? - Février 2007
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► Le recours au référentiel d’une agence d’analyse sociétale
Si, en début 2007, la plupart des structures les plus actives sur les marchés de
l’ISR en France commencent à s’emparer de la question, c’est une agence allemande
Oekom qui offre actuellement l’outil le plus abouti.
En s’appuyant sur des sources d’ONG d’organisations internationales et des
pouvoirs publics, Oekom utilise 150 indicateurs pour 6 grands domaines
d’évaluation : institutions et politiques sur les aspects sociaux, conditions humaines et
sociales, infrastructures sociales, institutions et politiques sur les aspects
environnementaux, systèmes environnementaux et stress environnementaux.
L’objectif est, dès lors, de fournir la photographie la plus fidèle de la situation
sociale et environnementale du pays. Pour la notation sociale, le modèle se fonde sur la
méthodologie des sept libertés définies par le PNUE : liberté de travailler sans être
exploité, liberté de vivre sans souffrir de discrimination, liberté de vivre sans souffrir de
la peur, liberté de participer à la prise de décision, liberté de vivre à l’abri du besoin,
liberté de développer et de réaliser ses potentialités, liberté de vivre sans souffrir
d’injustice et de violation de la légalité.
La notation environnementale est fondée, quant à elle, sur la mesure des
impacts environnementaux des activités humaines dans le pays, sur l’état de
l’environnement et des ressources naturelles, ainsi que sur la capacité institutionnelle et
politique de l’Etat sur les questions environnementales.
Les sociétés de gestion présentes sur le marché français ont finalement encore
peu recours aux services des agences d’analyse sociétale pour l’analyse extra-financière
obligataire. Aujourd’hui à notre connaissance, seules BNP Paribas AM avec Oekom et
Dexia AM, qui utilise un système de veille sur la ratification des grandes conventions
internationales mis en place par Stock at Stake, sont dans ce cas de figure.
Si la question du coût supplémentaire de cette analyse peut se poser, il semble
que les sociétés de gestion ont fait le choix d’internaliser cette évaluation car l’offre
présente ne correspondait pas jusqu’ici entièrement à leurs attentes. Les sociétés de
gestion ont dès lors, dans leur majorité, choisi de créer leur propre diagnostic ESG des
Etats.
Ces deux exemples illustrent comment chaque société de gestion peut parvenir à
produire son propre référentiel ESG sur ces émetteurs souverains.
Une démarche d’analyse ESG peut aussi s’adosser à une thématique spécifique
portée par une association. Le fonds Libertés et Solidarité commercialisé par la
Banque Postale AM en partenariat avec la FIDH (Fédération Internationale des Droits de
l’Homme) en est un bon exemple. La FIDH utilise ses propres sources et celles des
grandes institutions internationales pour classer les Etats en fonction de leur respect de
la question des droits de l’homme. La méthode d’évaluation prend sens car elle se fonde
sur une thématique unique et une position politique affirmée.
- Choisir les meilleures, c’est faire le pari d’une performance durable car
l’hypothèse est faite que la prise en compte des critères ESG par les
entreprises devraient au moins à moyen ou long terme avoir un impact positif
sur leurs performances financières, et donc par conséquent sur la
performance des fonds ISR.
Les approches d’exclusion très répandues (par secteur d’activités/sur des pratiques
condamnables) aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, dont la finalité est d’avoir un
portefeuille répondant à des valeurs éthiques, sont très minoritaires en France.
C’est aussi le cas des approches consistant à promouvoir directement des secteurs
d’activité en prise avec les enjeux concrets du développement durable (environnement,
équité sociale).
Nous allons voir ici si les différents types de produits obligataires observés se
caractérisent comme les produits ISR actions par cette logique de la distinction positive
ou, au contraire, compte tenu notamment de la spécificité de la gestion de taux
proposent des approches sensiblement différentes.
En France, les philosophies d’investissements ISR sur les actions d’entreprises cotées
visent principalement la recherche des meilleures d’entre elles en matière de
développement durable. Cette recherche des « meilleures de la classe » peut se jouer
avec ou sans jugement sur le secteur concerné. Certaines philosophies d’investissement
vont se caractériser par le refus d’investir dans certains secteurs comme le tabac,
l’énergie nucléaire, ou le pétrole, alors que d’autres vont privilégier l’investissement sur
des secteurs identifiés comme moteur dans la croissance du développement durable (le
secteur des énergies renouvelables par exemple).
L’investissement dans ce type d’entité est minoritaire. Les éléments d’analyse s’ils
existent sont donc intégrés dans les processus de gestion au cas par cas, c'est-à-dire
quand l’opportunité d’investir dans ce type de dette se présente.
Certaines sociétés de gestion comme Ixis AM ou BNP Paribas AM soulignent
que le fait même d’investir dans ce type d’organisation est un gage
d’implication dans le développement durable.
BNP PAM par exemple a choisi d’augmenter la part du fonds BNP OBli Etheis
consacrée à ces émetteurs par rapport à son indice de référence. Ixis AM avec Nord Sud
Développement concentre essentiellement ses investissements sur ce type de structures.
Dans ce dernier fonds, investir de façon préférentielle dans ces institutions, de même que
dans des institutions de microcrédit, répond à la philosophie d’investissement qui
consiste à contribuer à la réduction des inégalités Nord Sud. Investir sur cette classe
d’émetteurs pourrait donc être assimilé a une philosophie d’investissement ISR
à part entière.
Toutefois, s’il semble évident que des structures telles que la Banque Mondiale, la
BEI ou la BERD ont été constituées pour œuvrer au développement des pays,
l’élaboration d’une analyse extra-financière structurée donnerait davantage de
fondement à l’ISR obligataire les concernant, ce type d’institution faisant aussi l’objet de
critiques de la part de la société civile et des ONG selon les projets qu’elles financent et
les exigences environnementales et sociales qu’elles se donnent.
Or, la gestion obligataire en titres d’Etats porte généralement sur des univers
d’investissement restreints : pays de la zone euro ou pays développés de la zone OCDE,
avec un risque crédit très faible.
Quel que soit son degré de sophistication, l’analyse extra-financière réalisée sur
ces Etats aboutit généralement à un classement. La majorité des sociétés de
gestion font le choix d’exclure les Etats n’obtenant pas un certain seuil de
notation calculé en fonction du référentiel d’indicateurs mis en place au
préalable.
En termes de philosophie d’investissement ISR, ce choix consiste donc à postuler
que certains Etats ne peuvent pas entrer dans l’univers d’investissement, ce qui prête à
discussion dans le cas d’un univers limité à la zone Euro. En outre, même s’il paraît a
priori drastique, ce choix se révèle peu contraignant en termes de gestion financière, car
il met de côté en général les Etats les moins avancés économiquement et dont la dette
n’est pas centrale pour l’investisseur.
Ce choix est porteur de plus de conséquence sur un univers d’investissement
extra-européen, car il peut conduire à exclure la dette américaine, notamment en raison
de la question de non ratification de certaines conventions internationales (question de
l’abolition de la peine de mort, Protocole de Kyoto…).
On constate néanmoins que les fonds obligataires ISR sont en général investis
dans un nombre réduit d’émetteurs pays et massivement dans la dette de leur pays
d’origine. La méthode n’implique donc en rien que les meilleurs du classement, en
général les pays scandinaves soient présents dans le portefeuille final
Une approche, plus rare consiste à procéder à des sur et sous pondérations
selon leur indice de référence, en favorisant les Etats bien notés sur ceux moins bien
notés. Ce choix est moins contraignant sur le plan financier car il enlève le risque de se
priver de la dette d’un état difficilement contournable, comme le pays d’origine ou un des
grands pays développés. Ces approches s’appuient aussi sur l’idée qu’il est difficile, dans
un univers de pays développés, de légitimer l’exclusion de tel ou tel pays, par exemple
l’Espagne par rapport à la France, et qu’il est au final plus pertinent d’adopter une
approche nuancée donnant une prime aux émetteurs les mieux notés. Cette
approche nécessite toutefois pour avoir une pertinence réelle de disposer d’une
diversification large de l’univers d’investissement pays.
Qu’il s’agisse d’exclure les états les plus mal classés ou de privilégier les meilleurs
élèves en matière de développement durable, des questions se posent sur la pertinence
de l’application de cette philosophie d’investissement ISR à l’univers des grands pays
développés.
Ainsi, la question de l’universalité des critères retenus se pose de manière encore
plus accrue pour les Etats que pour les entreprises, en raison de leur nature éminemment
politique. Comment traiter par exemple la question du recours à l’énergie nucléaire
ou encore celle de la liberté religieuse pour des pays qui ont chacun des traditions
historiques en la matière ?
Reste la question de l’objectif visé par ces portefeuilles excluant tel ou tel
Etat. Certains investisseurs estiment que si le mouvement prend de l’ampleur, cela
pourrait avoir une influence sur les politiques sociales et environnementales des
Etats.
HSBC AM utilise les critères de la Banque Mondiale pour les pays industrialisés,
alors qu’est ajoutée l’atteinte des objectifs du millénaire «Millenium Development Goals»
pour les pays en voie de développement
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