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L’Europe s’est construite autour du principe fondateur de libre circulation des personnes,
des biens, des capitaux et des services. L’Europe s’est donc attachée à identifier et à
bannir les dispositions et les pratiques pouvant constituer une entrave au droit
fondamental à la concurrence.
Le Traité instituant les Communautés européennes (art. 87) impose ainsi aux Etats
membres de n’apporter une aide financière à certaines entreprises que si celle-ci ne vient
pas entraver la concurrence.
C’est également dans ce cadre que s’inscrit le paquet dit « Monti-Kroes », qui définit les
règles communautaires de concurrence relatives aux aides d’Etat1 aux
entreprises chargées de la gestion d’un service d’intérêt économique général
(SIEG).
Les textes du paquet « Monti-Kroes » sont d’application directe dans les Etats membres
et les collectivités territoriales depuis le 1er janvier 2006, même si leur application peine
à se généraliser.
1
Dans la terminologie européenne, les « aides d’Etat » renvoient à l’ensemble des aides publiques, qu’elles
proviennent de l’Etat lui-même ou des collectivités locales et territoriales. La circulaire du 27 décembre 2007 du
directeur général des collectivités locales aux préfets de département et de région est à ce titre très instructive.
Il y est notamment écrit que l’application de la réglementation européenne en matière d’aides d’Etat « est une
opportunité majeure pour régulariser les aides de toute nature octroyées aux entreprises en charge de
l’exécution d’un SIEG, dont il est essentiel que les collectivités territoriales se saisissent ».
Les instances communautaires se sont refusées à définir précisément la nature des SIG
et la distinction entre SIG et SIEG. Ce refus s’explique principalement par l’application
stricte du principe de subsidiarité. Les Etats membres ont ainsi un large pouvoir
d’appréciation pour déterminer ce qu’est un SIEG.2
Pour opérer la distinction entre SIG et SIEG, la Cour de justice des communautés
européennes (CJCE) se fonde quant à elle sur un ensemble de critères relatifs aux
conditions de fonctionnement du service en cause, tels que l'existence d'un marché, de
prérogatives de puissance publique ou d'obligations de solidarité.
Cette définition appelle à son tour une définition supplémentaire relative à la notion
d’« entreprise », sachant que la Cour estime que ce n'est pas le secteur ou le statut
d'une entité assurant un service (par exemple le fait qu'il s'agisse d'une entreprise
publique ou privée, d'une association d'entreprises ou d'un organisme d'administration
publique), ni son mode de financement, qui déterminent si ses activités sont considérées
comme économiques ou non économiques, mais la nature de l'activité elle-même.
C’est le régime général des SIEG qui prévaut actuellement, notamment en l’absence
d’une réglementation sectorielle spécifique. En d’autres termes, tous les opérateurs sont
soumis à la concurrence, à l’exception des SIEG.
2
La communication de la Commission européenne du 26 avril 2006 Mettre en oeuvre le programme
communautaire de Lisbonne : Les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne, rappelle ainsi que
« les États membres sont libres de définir ce qu'ils entendent par services d'intérêt économique général, ou en
particulier par services sociaux d'intérêt général ».
Lorsqu’une entreprise, au sens communautaire du terme, est chargée par une collectivité
publique d’un SIEG, elle perçoit de cette dernière une compensation. Selon les cas, cette
compensation va être constitutive, ou non, d’une aide d’Etat.
L’arrêt Altmark définit ainsi quatre critères qui détaillent tous les éléments d’un
« contrôle maximum » des aides publiques pour les SIEG.
3
Extrait de la circulaire du 27 décembre 2007 sur l’« application par les collectivités territoriales des règles
communautaires de concurrence relatives aux aides publiques aux entreprises chargées de la gestion d’un
service d’intérêt économique général (SIEG) ».
Argumentaire du CNAJEP
1. Un enjeu politique avant d’être technique
L’Etat semble vouloir renvoyer les questions d’eurocompatibilité à des considérations
strictement techniques. Nous pensons au contraire que le débat est d’abord politique
avant d’être technique. C’est en effet à l’Etat qu’il appartient de définir ce qui relève du
champ d’application de la directive. C’est à lui de déterminer ce qu’il considère comme un
mandatement des associations sur des missions d’intérêt général. C’est enfin à lui de
déterminer la compatibilité des aides d’Etat avec la réglementation européenne.
Par ailleurs, l’administration mobilise des arguments de sécurisation financière pour
justifier dans un souci d’eurocompatibilité la suspension des CPO. Ces bonnes intentions
peuvent paraître suspectes, l’Etat ayant lui-même ouvert depuis des années les vannes
de la concurrence dans le champ JEP, par une série de décisions au sein de la DJEPVA4.
Nous pensons au contraire qu’il existe des champs d’activités (notamment ceux couverts
par les associations JEP) caractérisés par l’absence d’opérateurs commerciaux, et qui ne
peuvent donc être considérés comme des « marchés ». Les logiques européennes de
mise en concurrence et de marchandisation des droits fondamentaux nous semblent donc
pouvoir et devoir être contrées par le volontarisme politique de l’Etat français. Ne pas
agir ne manquerait pas de déboucher sur une régression dans la qualité et la diversité
des services proposés aux populations.
Nous attendons donc de l’Etat français qu’il clarifie de manière urgente sa position sur les
questions d’eurocompatibilité (définition des services exclus du champ de la directive et
régularité des aides d’Etat). Nous souhaitons à cette fin être informés et associés à
l’élaboration de solutions de contournement des difficultés soulevées par la
réglementation européenne.
4
Sur l’accueil des mineurs en CVL, sur les contrats d’engagement éducatif et sur les formations volontaires
(BAFA/BAFD).