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Les malgré nous

André Simon successivement sous uniforme français puis sous uniforme


allemand

Au sortir de la Première Guerre mondiale, Maurice Barrès désigne les Alsaciens et les
Mosellans incorporés de force en 1914 dans l’armée allemande par l’expression les
« Malgré-nous ». Vingt ans plus tard, 130000 de leurs fils fournissent 1% du contingent de
l’ armée allemande. Ces nouveaux « malgré-nous » sont soumis à un service militaire
obligatoire dans l’armée allemande à partir du 19 août 1942 en Moselle et du 28 Août en
Alsace. La plupart d’entre eux sont affectés dans la Wehrmacht et certains d’autorité dans la
Wafen SS. 30% vont être tués, 30000 blessés, 16000 internés dans les camps russes, et 10000
sont devenus invalides. Au sortir de la guerre ces jeunes hommes lorsqu’ils avaient survécu
aux cauchemars de la guerre et en particulier à ceux du front russe, ne bénéficièrent d’aucun
statut d’ancien combattant, ni en Allemagne ni en France. Le problème de leur indemnisation
a été tardivement et partiellement réglé en 2008.
Jean-Pierre Guéno

Dossier inédit composé par Jean-Pierre Guéno


à la suite de l’appel ayant servi à composer
les deux livres Paroles de l’ombre
Paroles de l’ombre

(Les Arènes)

Paroles de l’ombre

(Librio)
22 février 1944 André Simon : l’homme qui a porté deux
uniformes…
Greffier dans le civil, André Simon est mobilisé sous l’uniforme français avant la défaite de
1940… Puis mobilisé sous uniforme allemand en 1942, juste après qu’il ait épousé le jeune
fille à laquelle il ne cessait d’écrire depuis plusieurs années, Marie-Jeanne, qui lui donnera
un fils en 1943… En février 1944, le « malgré-nous » André Simon se bat en Italie à 30 km au
nord de Rome contre les Anglais. Il lui reste un mois à vivre… L’histoire d’André Simon a
été éditée par Jo Simon, son fils,en 2006 à Colmar, sous le titre « Rue de l’espérance » aux
Editions Jérôme Do. Bentzinger. http://www.editeur-livres.com/

Le 22 février 1944

Ma chérie,
Hier matin, les "Tommies" ont planté leurs bombes entre nos positions. Il paraît que le
Regimentskomandant et deux officiers de son état major ont été tués. C'est un sacré merdier :
les "Tommies" ont la maîtrise du ciel et emploient beaucoup d'armes lourdes. Pourtant, j'ai été
étonné de voir avec quelles vieilles armes l'infanterie Anglaise était équipée, car là où nous
sommes il y avait auparavant des "Tommies'" qui ont abandonné leurs morts avec leur
équipement: des fusils et des F.M. qui ont certainement déjà fait l'autre guerre. Il est vrai que
l'aviation, et l'artillerie jouent un rôle plus important que l'infanterie. La nôtre devrait avoir
atteint les objectifs prévus, mais comme tout est miné, les chars n'ont pas encore pu intervenir.
Le plus "intéressant" c'est la nuit, quand la flak Anglaise tire : alors montent à l'horizon de
façon incessante une multitude de boules rouges qui dessinent un éventail sur le ciel et qui
explosent, formant en hauteur des lueurs blanches. De même quand les bombardiers lancent
leurs fusées éclairantes rouges sur les objectifs. Le firmament est alors éclairé comme en plein
jour. Cela me rappelle le feu d'artifice du 14 juillet à Huningue (mais seulement en ce qui
concerne les fusées éclairantes, car pour le reste...).
Voilà à peu près de quoi ça a l'air ici, dans la beauté du Sud, où l'Humanité se déchire. Quant
à moi, je me suis bien endurci et garde mon sang-froid. Pour se calmer, rien de tel qu’une
cigarette : j’en fume six par jour. D'ailleurs nous avons droit à des "extras": samedi il y a eu
une distribution de 150 g de beurre et à peu près 300 à 400 g de salami par homme.
André Simon

Lucien est l’ami d’André Simon : il va assister à sa mort et annoncer la mauvaise nouvelle à
son épouse.

Le 25 mars 44

Chère femme Simon,

Aujourd'hui je prends le temps pour vous écrire comment tout est passer. […] Le matin à 4 h
on se lève ensemble, il couchait à côté de moi en se mettre les souliers il parle avec moi qu'il a
rêvé qu'il était à la maison et permission et puis qu'il a reçu un petit éclat d'obus sur la tête et
qu'il était légèrement blessé. Alors je moi je lui dis: "Oh toi, tu rêves toujours des choses
pareilles .'". Une autre fois il m'avait dit qu'il avait rêvé qu'il dormait avec vous et je lui ai
répondu que moi aussi j'aimerais coucher chez ma femme et que ça arrivera de nouveau un
jour. Mais ce matin là, le malheur était déjà sur lui. On est sorti ensemble de la maison pour
rejoindre nos canons. Tout à coup les Anglais ont tiré. Un obus est tombé au milieu de notre
batterie. Lui seul a été touché, en plein cœur. II a eu le temps de dire : « Aidez-moi » et puis
« Maman » par trois fois.
Quand je suis arrivé auprès de lui, il me regardait. Je voulais lui parler: " Qu'est ce que as?"
Mais il n'a plus répondu. Vous pouvez imaginer comme cela m'a frappé. J'étais anéanti pour
toute la journée. Je n'ai rien pu manger, je ne pouvais pas comprendre et encore aujourd'hui, je
ne peux pas comprendre comment cela est arrivé si vite : on sort ensemble, on se parle et dix
minutes plus tard c'est arrivé. Je l'ai enterré moi-même dans le cimetière de Velletri. Je lui ai
fait la plus belle tombe, c'était le dernier souvenir. Voilà, tout s'est passé comme je vous l’ai
écrit. Il faut que je vous quitte, en espérant que cette lettre vous trouve en bonne santé comme
elle me quitte, pour le moment.

Lucien
Albano le 19 mai 44
Chère madame Simon,

Je veux vous rendre compte à cause des effets de votre mari. La montre, je savais qu'elle
marcher plus, mais chez tout fouiller, dans ses poches et dans le sac. Rien à trouver. Sûrement
un "Fritz" laver fauchée. (ou bien il l'a perdue lse soir, mais je le crois pas parce que beaucoup
de camarade fritz savait qu’il avait une montre et puis il l’ont faucher.) Le matin à 5 h c’était
arrivé avec le lui alors moi chez pas tout de suite regarder dans ses poches qu’est ce qu’il a
alors le lendemain soir, le lieutenant m'a dit de regarder dans ses poches qu’est ce qu’il a du
bien. Alors, le cœur bien gros, j'ai dû fouiller et regarder partout, mais je n'ai pas trouvé la
montre. Je ne pouvais pas lui ôter son alliance. On a voulu lui couper le doigt, mais je n'ai pas
voulu et j'ai dit que chez nous on laisse les alliances au doigt des morts et vous pouvez être
sûre qu'il la porte encore car c'est moi qui l'ai enterré. Le couteau, un "Fritz" l'a pris et le
briquet, un "Fritz" voulait aussi le prendre mais j'ai dit que je voulais le garder comme
souvenir de mon camarade de guerre.
Si j'ai la chance de venir en permission, je passerai sûrement chez vous. Pour le moment elles
sont supprimées pour les Alsaciens. Mais un jour viendra aussi... ?
Bientôt la guerre est finie, on est à 20 km de Rome.
Lucien.
André Simon 1939
André Simon et Marie-Jeanne 1940
Le mariage d’André et de Marie-Jeanne 1942
André Simon en haut à droite 1943
André Simon à Dresde 1943
22 novembre 1944 Georges Gross : un
alsacien amputé sous uniforme Allemand.
Georges Gross a 20 ans en 1941. Fin août 1942, une grande affiche est placardée à la mairie de
Brumath, son village natal situé non loin de Strasbourg. Elle oblige les jeunes gens des classes
1920,1921 et 1922 à se présenter le 8 septembre 1942 devant le conseil de révision pour être enrôlés
dans la Wehrmacht. Enrôlé dans un premier temps au RAD, (Reichsarbeitsdienst) en Autriche
d’octobre à décembre 1942, Georges est enrôlé de force comme bien d’autres « malgré nous » dans
la Wehrmacht, le 21 mai 1943 après avoir fait retarder cette échéance pour raisons de santé. Envoyé
d’abord en Allemagne du Nord puis au Danemark, il est renvoyé en Allemagne puis en Italie (Monte
Cassino, Monte Cavallo, Anzio, Nettuno jusqu’à fin août 1944). Renvoyé en Lorraine, il y est blessé le
10 septembre 1944 et amputé d’un pied…. Un mois plus tard, il raconte le détail de son calvaire à ses
parents… Après la Guerre George deviendra comptable, jusqu’à son décès en janvier 1996.

Italie, le 31 décembre 1943.


Chers parents et sœurette,

Aujourd’hui, c’est la St-Sylvestre, le dernier jour de l’année, un jour auquel on se pose la question,
que nous a-t-elle apporté ? en bonnes et mauvaises choses.
Et mes chers, si nous voulons être honnêtes nous avons de bonnes raisons de remercier le Seigneur que
même dans cette année il nous ait si bien guidés.
C’est certain, cette année je ne puis être auprès de vous pour fêter la nouvelle année, mais les choses
pourraient être bien pires pour moi.
L’année dernière à la même époque, je rentrais du R.A.D auprès de vous, si content et aujourd’hui je
suis assis près de la Mer Méditerranée au pied d’une vieille tour entourée d’éléments déchaînés, je
monte la garde pendant que vous à la maison vous faites du souci pour moi. Cela n’est pas nécessaire
mes chers, parce que je vais bien ; j’ai au moins un toit au-dessus de ma tête, cela est déjà valable.
Je pense aujourd’hui à la belle heure où je suis revenu auprès de vous du .R.A.D., guéri et délivré de
ma souffrance, à la joie que nous avons eue lors du report de mon départ;.
et aux adieux amers au mois de mai, aux jours des vaches grasses au Danemark, aux belles vacances,
etc…
J’essaie de me faire une idée du futur, mais j’abandonne bien vite, car Dieu va continuer à s’occuper
de moi; et nous réunira définitivement, dans la nouvelle année, si nous le laissons faire .
A présent, je vous vous décrire le déroulement d’une journée par ici. A 8 heures le matin nous nous
levons, puis le petit déjeuner est pris jusqu’à 9 heures. Puis nous construisons des tranchées, ou nous
avons des cours pour le maniement d’armes à feu jusqu’à midi, (ce qui n’est pas trop difficile), c’est
clair. Puis nous nous allongeons au soleil. A Noël nous avons eu un temps magnifique. A 13 h 30 le
repas est servi. A 15 heures le service reprend, nettoyage des armes entre autres. A 17 H 30 la garde
commence pendant 7 heures durant chaque nuit, cela n’est vraiment pas agréable mais nous sommes
toujours à deux, et de ce fait le temps passe plus vite. La plupart du temps, nous ne faisons pas grand-
chose de nos journées et nous devenons de plus en plus paresseux. La nourriture est bonne, mais un
paquet est toujours le bienvenu.

Mes camarades de D ; Mallo, Roser, Paulus d’Ittenheim etc… sont toujours encore avec moi, Lang de
Brumath également, un certain Heyer de Melsheim (N° 75) nous a rejoints.
Demain nous allons fêter l’anniversaire de Lang de Brumath. Vous voyez tout se passe bien pour moi.
Je joins à cette lettre une carte représentant la tour sur laquelle je monte la garde chaque nuit.
Aujourd’hui le temps est mauvais, la mer agitée, la tempête gronde, les vagues se jettent contre la tour,
celle-ci s’ébranle à certains moments, mais le spectacle est beau. Tout près de la tour, il y a une cabine
de pêcheurs dans laquelle nous nous abritons ; le toit est étanche, nous pouvons y faire du feu, nous
avons même une lumière électrique que nous avons installée, c’est tout à fait habitable.
Dehors la tempête gronde, nous sommes assis auprès du feu, je songe à la belle poésie de Victor Hugo
« les Pauvres Gens ».
« Il est nuit, la cabane est pauvre, mais bien close, etc… ». Tu la connais aussi chère « Bouet » !!!
Et lorsque je suis debout sur la tour, je pense toujours au chant «Comme un phare sur la plage », je l’ai
souvent chanté en pensant aux matelots. Avant-hier nous avons eu un beau spectacle ; quatre gros
navires de guerre sont passés, je les ai observés aux jumelles, c’était magnifique. Si je pouvais rester
ici jusqu’à la fin de la guerre j’aurais beaucoup de chance. Pour Noël je vous ai écrit une belle lettre,
pourvu qu’elle vous soit parvenue. Jusqu’à présent j’ai eu de votre part quatre lettres.
Quelles sont les nouvelles de Brumath ? N’y a-t-il rien de plus précis concernant Cousin Charles et
Bernard Hubert ?
Faites tout bien installer à la maison pour que lors de mon retour j’aie de la joie.
Chère Bouet, que veux-tu dire à propos d’un paquet ? Je ne vous ai pas envoyé de paquet.

Je vous souhaite pour la nouvelle année beaucoup de bonheur et plein de bonnes choses en espérant
d’heureuses retrouvailles dans ma Patrie.

Transmettez à tous nos amis, parents et connaissances mes meilleurs vœux de bonne année de ma part.

Je vous salue et vous embrasse pareillement , votre fils et frère.

Georges

France, le 6 septembre 1944.


Chers parents et Bouet,

Aujourd’hui je veux vous écrire une lettre correcte, je vous ai laissé attendre un peu longtemps les
derniers jours. Vous vous êtes certainement fait du souci à mon égard, mais je me porte bien, je suis en
bonne santé et bien portant et j’espère qu’il en est de même pour vous.

Mon souhait s’est enfin réalisé, nous ne sommes plus en Italie, mais en France dans la région de Metz
près de la Moselle. Nous avons été embarqués il y a une dizaine de jours sur un train direction le Col
du Brenner. En chemin nous avons encore un fois dû quitter le train du fait que la voie était
impraticable et nous avons été transportés de Trient à Bolzano. A Bolzano nous avons embarqué
direction Munich. Vous pouvez vous imaginer notre état d’excitation, lorsque nous nous sommes
rendu compte que la direction que nous prenions nous ramenait vers la mère Patrie.

Nous avons passé par Augsbourg, Ulm, Stuttgart, Karlsruhe, Rastatt. A 22 h 30 le 30.8.1944 nous
traversions le Rhin à Röschwoog. Nous étions à la maison !!! A 23 h nous étions à Haguenau. J’aurais
bien aimé vous prévenir, mais la consigne était le secret absolu, et vous n’auriez de toute façon pas pu
venir. Mais c’est ce que je me suis dit.

A la maison vous vous morfondiez à mon sujet, quant à moi, je me trouvais à peine à 11 kms de
vous !!! En chemin il était strictement interdit de donner de nos nouvelles, c’est la raison pour
laquelle vous n’aviez pas de courrier de ma part.
Mon camarade Bauer de Bietlenheim est parti de Karlsruhe en permission, je pense qu’il est passé
vous voir, vous pouvez lui remettre un petit paquet avec du gâteau et quelques petits pains, sinon je
n’ai besoin de rien.

A Nancy, nous avons été débarqués, puis nous nous sommes dirigés vers Verdun, mais en chemin
nous avons dû faire demi-tour. Nous nous sommes retrouvés près de Metz à 35 kms de Tante
Catherine.
La campagne est très belle, et les gens sont bons avec nous, je ne le mentionne qu’accessoirement .
.
Je suis de nouveau réserviste, nous sommes cantonnés sur une petite butte de laquelle nous avons une
vue imprenable sur toute la vallée de la Moselle et au loin se profile ma Patrie.
Je suis séparé de vous d’à peine 180 kms, et malgré cela vous ne pouvez venir me voir, cela étant
vraiment trop compliqué.
Le ravitaillement est très bien. Je ne manque de rien, vous pouvez être rassurés. Maintenant je
voudrais changer de sujet.

Vous n’êtes pas sans savoir que la guerre fait rage auprès de la frontière de notre chère Patrie, et qu’il
faut devenir plus prudent. Nous voulons espérer que chez nous tout se passera bien, mais si jamais «ça
sentait le roussi », je vous en supplie ne quittez surtout pas la maison ! Installez-vous, si nécessaire à la
« cave du château » là rien ne pourra vous arriver, vous pouvez me croire.

Lorsque vous êtes aux champs et des avions ainsi que des rase-mottes couchez- vous à plat ventre sur
la terre, utilisez chaque sillon, surtout ne pas s’enfuir, cela est faux, restez couché sans bouger, comme
cela ils ne vous remarqueront pas. J’espère que vous avez compris ce que je voulais vous dire. Papi
vous donnera d’autres explications.

Quant à moi, surtout ne vous faites pas de souci, Dieu m’aidera pour que je revienne auprès de vous.

Saluez tous nos amis, voisins et connaissances de ma part.

Quant à vous, mes très chers, je vous salue et vous embrasse très chaleureusement, votre fils et frère.
.

Georges.

Rés. Laz. 13 septembre 1944.

Mes chers,

Aujourd’hui, je veux de nouveau vous écrire quelques mots, car vous vous faites certainement du
souci à mon sujet.
Je pense que vous avez dû recevoir ma lettre d’hier dans laquelle je vous communiquai que le
dimanche 10 septembre 1944 le matin à 10 h 30 j’ai été gravement blessé au pied gauche sous le
genou.
Et maintenant, il faut que je vous dise quelque chose, ne vous énervez pas pour cela. Malheureusement
le chirurgien n’a pas réussi à sauver ma jambe, et de ce fait j’ai été amputé. C’est difficile, mes chers,
mais cela pourrait être pire, je suis au moins en Vie. Vous devez rester calmes et remercier Dieu que
cela se soit passé ainsi. Faites- vous une raison comme je m’en suis faite une moi-même.
Le dimanche après-midi vers 16 h tout était accompli. Je suis hors de danger, et la guérison fait de
bons progrès. J’ai au moins encore mon genou, ce qui est déjà énorme, le reste de mon corps étant
indemne. Je suis dans un bon hôpital militaire, les soins ainsi que les repas sont irréprochables, mais je
serai probablement encore une fois transféré.
Si quelqu’un de vous pouvait venir me voir dimanche, cela me ferait plaisir, ce n’est pas loin.
Je n’écris pas encore trop souvent, car cela me fatigue trop.

Beaucoup de salutations et de baisers chaleureux vous envoie votre fils et frère.

Georges

Geisenheim, 2 novembre 1944.


Chers parents et Bouet,

Aujourd’hui, c’est la Toussaint, et comme je suis de bonne humeur je m’empresse de vous écrire une
petite lettre. Aujourd’hui je viens d’avoir une lettre du 30 octobre, ce qui cette fois est extrêmement
rapide. Je suis toujours si content d’avoir de vos nouvelles, ma journée se passant beaucoup mieux si
je sais qu’à la maison tout va bien.
Pour ma part, je vais bien ; hier par deux fois il y a eu des alertes aériennes, avec mes béquilles j’ai
couru à la cave, et à l’instant la sirène rugit à nouveau il faut que je redescende à la cave.
Je suis si content de pouvoir à nouveau marcher quelque peu, je vais lentement mais sûrement vers la
guérison.

J’ai de bons camarades dans ma chambrée ; nous sommes sept ; l’un deux a même les deux jambes
coupées mais il est comme moi, il aime encore plus la vie qu’avant.
Ici la vie n’est pas faite pour me déplaire ; le matin à 7 H on m’apporte de l’eau au chevet de mon lit,
je me lave, me rase et je me brosse les dents, puis on me prend la température ainsi que le pouls, et à 8
H on m’apporte le petit déjeuner.
A 8 H 30 l’infirmière arrive avec son chariot de pansements, tous les pansements sont changés ; je suis
toujours content lorsque ce moment est passé, cela ne fait plus mal, mais c’est désagréable.

A 9 H 30 le courrier arrive, il est toujours attendu avec impatience ; je reçois une lettre de vous
quasiment tous les jours, et à 10 H le petit déjeuner est servi ; puis je lis, j’écoute la radio et d’un coup
il est midi.
Après le repas je fais une sieste jusqu’à 14h, puis je me lève, j’écris des lettres, j’essaie de marcher. A
15 H nous avons droit à un café, et à 17h je me couche de nouveau dans mon beau lit. A 18h le repas
du soir est servi, puis on pense doucement à dormir. Par conséquent, vous voyez je vais bien.

En ce qui concerne le travail au champ la récolte doit tirer à sa fin, et vous avez certainement dû vous
échiner et vous tracasser, mais l’essentiel, c’est que tout soit en ordre. Le grand paquet n’est toujours
pas arrivé, j’attends journellement son arrivée. Je me suis réjoui que le père de René soit passé chez
vous, pour le moment René est en sécurité.
La compagnie vous a fait parvenir le reste de mes affaires, c’est gentil de leur part, mais que ce qui
concerne les bonnes victuailles qui étaient encore dans mon paquetage elles n’étaient évidemment plus

Avez-vous reçu ma lettre que je vous ai envoyée à partir de Strasbourg ?
Et encore une fois, je vous en supplie, soyez prudents lors des attaques aériennes, allez plutôt une fois
inutilement à la cave, il est si vite arrivé un malheur!

Beaucoup de salutations et baisers vous envoie votre fils et frère.

Georges
Geisenheim, le 22 novembre 1944.
Chers parents et Bouet,

Aujourd’hui, je veux commencer ma première longue lettre, je l’écris à la table, mais je doute de
réussir à la terminer. Tout d’abord je veux remercier le Bon Dieu même au plus fort de ma détresse, il
ne m’a pas abandonné. J’ai pu faire l’expérience de sa magnifique bienveillance et de sa miséricorde.
C’est pour cela, mes chers que j’ai toujours du courage pour moi c’est devenu un bel héritage.
J’ai combattu le bon combat, fini la course et gardé la Foi, ainsi le Père pourra me remettre la
couronne de Vie.
Certes, j’ai perdu mon pied mais lorsque la tristesse m’envahit parfois, je me console avec l’idée
qu’une partie de moi se trouve au ciel, puis le silence m’habite à nouveau. Et puis, après tout j’ai
encore mes très bons parents et ma bonne Bouet , cela n’est-il pas suffisant ?

A présent, je vais essayer de vous raconter ce qui j’ai vécu; j’ai bien supporté le voyage d’Italie en
France. Nous avons été débarqués dans la région de Nancy, où tout se passa à peu près bien.
Finalement nous nous sommes mis en position devant Pagny-sur- moselle.
Ceci se passait le 5 septembre. Tout se passa bien pendant quelques jours. Le ravitaillement était bien
assuré, nous pouvions circuler librement, il ne se passait rien.

Le 10 septembre à 3 H du matin, l’ennemi élabora une tête de pont sur la Moselle et nous avons dû
contre-attaquer. Riegel fut mon tireur de fusil mitrailleur N° 2 Il fut blessé le matin à 8 H 30,.

Je me suis retrouvé seul avec mon M.Gewehr, je me suis fait petit et invisible, mais ensuite nous avons
dû avancer et tout d’un coup j’ai senti un choc. C’était dimanche le 10 septembre le matin à 10 H 30.
Je tombai, je roulai derrière un vieux mur et j’examinai ma plaie ! Elle saignait, mais pas trop, mon
pied pendait, tout désarticulé. J’ai pensé tout de suite que l’os était endommagé..Le coup de feu, il
s’agissait d’une balle explosive, avait transpercé d’environ 7 à 8 cm sous le genou gauche le milieu de
la jambe, on voyait nettement l’entrée et la sortie du projectile.
Je restai couché environ une heure, puis mon chef de groupe arriva, il me traîna, me prit sur son dos,
j’étais sur son dos, m’accrochais à son cou jusqu’au bunker premier secours. Là-bas on me banda la
plaie et on me fit un garrot. Au bout d’une demi-heure une ambulance vint me chercher, et lorsqu’on
m’installa tout m’était indifférent ! On me transporta à la place de pansage (Truppenverbandsplatz ),
on me fit immédiatement une piqûre pour calmer la douleur, ainsi qu’une injection antitétanique. Là-
bas on mit ma jambe dans une attelle, puis on m’emmena immédiatement sur la place où on faisait les
pansements des blessés, et où on me remit un bandage. Sur ce on m’emmena dans un hôpital de
campagne aux environs de 14 H. On me transféra tout de suite en salle d’opération, on m’anesthésia
tout de suite avec une anesthésie au chloroforme, je m’endormis sur le champ.
Lorsque je me réveillai, le soir tombait, il était 18 H et je n’avais plus mon pied.
J’étais couché dans un beau lit, mais du fait de l’anesthésie, je vomissais, tant que le poison que j’avais
inhalé n’était pas évacué. Mais ensuite, je me suis senti si bien que je pus plaisanter avec mes voisins.
Je n’avais pas de douleur, on m’apporta à manger, et je pu même dormir un petit peu. Ma plaie ne
présentait pas de difficulté particulière, mais ce qui était dur était de remettre mon appareil digestif en
route. Je ne pouvais ni uriner, ni aller à la selle, cela était très douloureux. On me sonda à deux
reprises, mais cela était tellement désagréable que je ne pouvais plus le supporter.
On me fit des piqûres, puis mon corps se remit tout doucement à fonctionner ; j’étais soulagé, vous
pouvez me croire. Pour les selles on m’administra des pilules et au bout du cinquième jour tout
fonctionnait à nouveau.
Ma fièvre ne dépasse pas 39°. Les globules rouges (hémoglobines) et les blancs (leucocytes) sont
analysés et comptés régulièrement, car ce sont les policiers du corps.
Un sac de sable de 4 Kgs est suspendu en permanence à ma jambe afin de tirer la peau par-dessus la
plaie.
Certains jours on me porte deux à trois fois dans la cave (lors des attaques aériennes), jusqu’à présent
tout s’est bien passé. Journellement je me lève un petit peu et j’essaie de marcher ce qui viendra plus
tard n’est pas de notre ressort.
Mon pied est toujours maintenu dans une attelle pour que le sang ne reflue pas trop violemment. Je
pense, que d’ici quatre à cinq mois j’aurai ma prothèse et je pourrai de nouveau courir comme une
fouine. Voilà pour mon compte rendu de mon état de santé.
Pour terminer je vous envoie mes chers, tout comme à la famille, à nos amis et connaissances mes
salutations chaleureuses et mes baisers.

Votre fils et frère Georges.

4 mai 1945 Georges Gross « Nous voilà redevenus français »

4 mai 1945

Ma chère sœur,

Enfin, après bien des larmes, le doux printemps est arrivé, et avec lui le jour de gloire ! Nous
sommes libres ! Libres de la barbarie allemande, libres de la tyrannie et du joug prussien. La France
est venue, la Grande Nation, la mère Patrie a serré ses enfants dans ses bras. Pendant cinq années, ma
chère sœur, nous étions de ceux qui ont attendu avec patience que Dieu les délivre de ce mal, et voici,
ô miracle, la victoire est arrivée. « On chante avec joie de la victoire dans la demeure des justes, et il
nous sera comme si nous rêvons » ; car nous voilà redevenus français.
T’en souviens-tu, ma sœur, combien de pensées et de prières s’en allaient pendant ces sombres
années d’exil vers notre chère et douce patrie de l’autre côté des Vosges ! Je me rappelle justement un
passage des « Oberlé » Elle s’étendait là, à nos pieds, douce et souriante, comme une idée. Mon
Dieu, vous avez permis que nous fussions séparés d’elle, mon cœur se fend d’y penser, car, de l’autre
côté des montagnes, c’est aussi le pays de chez nous. Seigneur, (La France) nous n’oublions pas, faites
que la France, elle, n’oublie pas non plus et qu’elle revienne un jour, comme reviennent les cloches de
Pâques. Notre patience, ma chère sœur, a eu sa plus grande récompense dans la victoire que Dieu nous
a donné ; rendons grâce à sa miséricorde et à sa bonté et prions pour notre patrie, afin qu’elle soit
grande parmi les Nations ; fidèle à son passé et fière de ses enfants. Ma sœur, qu’ils étaient beaux les
jours de France, et qu’ils seront encore superbes à l’avenir, car avec la France revient la paix et le
bonheur. Tu sais bien, Bouet, que nous avons nos fées, tu les connais aussi: l’espérance, la pitié
filiale, la tendresse fraternelle, l’amitié, mais la reine de toutes ces fées, c’est notre fière et glorieuse
patrie, la France délivrée. Georges espère en outre que Ninine salue toujours chaque matin les trois
couleurs et qu’elle reçoit toujours sa petite récompense. La France, elle aussi, a prié pendant ces
années pour ses enfants tyrannisés, afin que leur foi ne chancelle point, et notre foi n’a jamais
chancelé, soyons-en fiers. Pensons avec reconnaissance à tous ceux qui sont morts, afin que nous
puissions vivre et n’oublions point leurs sacrifices. J’espère pouvoir bientôt rentrer chez vous et nous
allons nous réjouir tous ensemble.

Seigneur, garde et bénis la France, notre mère,


Dirige ses destins, rends-la libre et prospère.
Fidèle à son passé, et qu’elle soit ton soldat
Pour le juste et le vrai, toujours prête au combat.

Honneur et Patrie Vive la France !

A bientôt, ton frère Georges


Georges Gross 1942

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