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INSTITUTIONS PRODUCTRICES

DE SAVOIRS SCIENTIFIQUES

Questionnement sur l'autonomie des chercheurs français


dans le choix des sujets de recherche qu'ils entreprennent

Marion PAPANIAN
Gilles GRENOT

Décembre 2008

Enseignant responsable : PIGNARD

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SOMMAIRE

Introduction.......................................................................................................................................... 3

I/Présentation des laboratoires de recherche.....................................................................................4

1- L'institut de Géographie Alpine (IGA).............................................................................................. 4

2- LNPC : Laboratoire de Psychologie et de NeuroCognition............................................................... 5

II/ Choix des sujets de recherche........................................................................................................ 6

1- La Formation Académique des chercheurs........................................................................................ 6

2- Choix des sujets, une politique économique...................................................................................... 8

Conclusion...........................................................................................................................................12

Bibliographie.......................................................................................................................................13

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Introduction

Avant de développer les différents points de l'étude, il semble opportun de donner quelques
éléments du contexte dans lequel s'inscrit cette réflexion. Depuis une vingtaine d'année, la recherche a
connue de nombreuses mutations dues notamment à un certain désengagement de l'état de la recherche
académique ainsi qu'à la multiplication des établissements de recherche et d'innovation. La recherche
connaissant alors une période financière difficile a dû se tourner vers de nouvelles sources de
financements auprès d'établissements privés. Ces financements alloués étaient motivés par la pression
économique et sociale du monde de l'entreprise et de l'industrie qui a vu en la recherche publique,
quelque peu désemparée, un acteur stratégique et de qualité avec qui s'entendre. La recherche publique
existait déjà, mais c'est aujourd'hui la recherche publique elle-même qui tend à se rapprocher également
progressivement des intérêts économiques et commerciaux du monde industriel. Ainsi, la recherche
pactise et collabore désormais davantage avec le monde privé et industriel en s'inscrivant de plus en
plus dans un logique d'offre économique au détriment d'une logique d'offre scientifique, pour laquelle
elle est initialement dédiée.

C'est dans ce contexte précis que la réflexion sur le choix de sujets de recherche des chercheurs doit
être menée. En réalité, ce questionnement se rattache à une réflexion plus vaste qui est celle de
l'autonomie de la science et des scientifiques au sein de ce contexte particulier et changeant.
L'épistémologie moderne s'est emparée des interrogations suscitées par le constat de la situation
actuelle. Un nouveau courant de pensée étaye des théories dites « antidifférenciationnistes » qui
s'opposent aux thèses de Merton qui voyait en la figure de la science un système normé et autonome à
différencier de toute autre sphère professionnelle existante. Ce qui est avancé aujourd'hui passe par un
rejet de la notion d'autonomie de la science et de leurs praticiens, les chercheurs. Les théories
antidifférenciationnistes en vigueur prévoient une fusion de la recherche appliquée et fondamentale, de
la recherche publique et privée, et plus généralement de la science et du reste de la société. On
comprend donc que la position du chercheur est aujourd'hui quelque peu ébranlée dans un
environnement où la science elle-même, en pleine mutation, semble ne plus savoir sur quel pied danser.

Cette étude vise à mieux comprendre les processus et les tensions qui sont impliquées dans le
choix d'un sujet de recherche. Elle n'a pas pour ambition d'être exhaustive, elle tente juste de déceler, à

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partir d une recherche bibliographique et d entretiens avec des chercheurs, les mécanismes convoqués
dans ce choix du sujet de recherche. Sans croire naïvement que les sujets sont choisis par les chercheurs
eux-mêmes selon leurs intérêts, il est intéressant de comprendre à quelles contraintes financières et
politiques ces choix sont soumis. Les chercheurs d'aujourd'hui seraient-ils devenus des mercenaires du
pouvoir et de l'argent? Nous verrons dans un premier temps que l'absence de liberté du chercheur dans
ces choix démarre très tôt, avant même que celui-ci ne soit devenu un professionnel de la recherche. En
second lieu, nous verrons que la création récente de l'ANR, si elle apparaît providentielle pour la
recherche, une corne d'abondance, n'en reste pas moins le symbole d'un nouveau système qui se
banalise et qui menace la liberté de la recherche, le système d'appel à programme.

I/Présentation des laboratoires de recherche

Pour cette étude, nous avons fait appel principalement à deux intervenants : Elise Beck et
Christian Graff, avec qui nous nous sommes entretenus et qui nous ont éclairé sur le sujet qui est le
nôtre.

1- L'institut de Géographie Alpine (IGA)

Elise Beck est géographe de formation, elle est enseignante chercheuse et Maître de conférences à
l'Institut de Géographie Alpine (IGA). Les enseignements dont elle est chargée traitent de
l'environnement et de la durabilité. De la compréhension des processus à la gestion des territoires,
nouvelles mobilisations, formes d action collective et politiques publique. Ces domaines de recherche
sont centrés sur les risques naturels (risque sismique) et technologiques, l'environnement urbain,
l'analyse multirisque. Elle est rattachée à l'équipe « Territoires » de Pacte.

Pacte est une unité mixte de recherche (UMR) du CNRS et de l'université de Grenoble. L'institut
d'études politiques de Grenoble assure la tutelle principale, les universités Pierre Mendès France et
Joseph Fourier les tutelles secondaires. Cette UMR est associée à la Fondation Nationale des sciences
politiques. Pacte réunit 122 chercheurs et enseignants-chercheurs permanents, 26 ingénieurs,
techniciens et administratifs et 169 doctorants.

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L'UMR Pacte est interdisciplinaire, elle se divise en deux équipes de recherche « Territoires » et
« Politique - Organisations ». La première, dont le site principal se situe à la cité des Territoires à
Grenoble regroupe des géographes, des aménageurs et des urbanistes. La seconde, localisée à l'institut
d'études politiques de Grenoble, regroupe des politistes, des sociologues, historiens et juristes. Le projet
scientifique de Pacte s ordonne autour de l étude des politiques publiques, de l action politique, des
organisations, du travail, de l innovation et des territoires.

Mobilisant les différentes méthodes des sciences sociales, les chercheurs abordent les champs de
recherche par une analyse multiniveau, du local au global, avec l ambition de caractériser les régimes
de gouvernance en devenir. Les champs de recherche étudiés peuvent être dégagées en trois axes
principaux:

− les politiques publiques: comment l'action publique se recompose entre les formes variées de
décentralisation et de territorialisation. Caractériser cette nouvelle action publique et ses nouveaux
enjeux.

− l'action politique: structure et évolution de l'action collective et impact sur le système social et
politique.

− Territoires : étude et compréhension des dynamiques de création des territorialités émergentes au


niveau de la région

2- LNPC : Laboratoire de Psychologie et de NeuroCognition

Notre second intervenant : Christian Graff, enseignant-chercheur et maître de conférence, est un


des collaborateurs du laboratoire de Psychologie et NeuroCognition (LNPC).

Le LNPC est associé au CNRS depuis 1978, à l'exception de l'année 1996. Par convention tripartite
(1996), l'unité est reliée à trois universités : l'Université Pierre Mendès France (UPMF, Grenoble II),
l'Université Joseph Fourier (UJF, Grenoble I) et l'Université de Savoie (US, Chambéry). Le LPNC
collabore également avec des laboratoires de 4 établissements grenoblois d'enseignement supérieur : le
CNRS, l'INSERM, l'Institut National Polytechnique de Grenoble et l'Institut d'Informatique et
Mathématiques Appliquées de Grenoble.

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Le programme scientifique du LNPC pour les années 2007-2010 porte sur l étude du fonctionnement
cognitif humain dans les domaines de la perception et de l action d une part, de la mémoire, du langage
et des apprentissages d autre part.

Le laboratoire, sous la direction de Sylviane Valdois, est structuré en deux équipes :


• Psychologie et NeuroCognition des systèmes perceptivo-moteurs (Équipe 1, Responsable :
Edouard Gentaz). Composée de 13 membres dont : 1 directeur de recherche, 3 chargés de
recherche, 4 maîtres de conférence, 4 professeurs et 1 ingénieur d'étude.
• Psychologie et NeuroCognition des systèmes mnésiques et langagiers. (Équipe 2, Responsable :
Monica Baciu). Composée de 19 membres dont : 1 directeur de recherche, 1 chargé de
recherche, 6 maîtres de conférence, 4 professeurs, 2 ingénieurs d'étude, 1 ingénieur de
recherche, 1 neuropsychologue et 3 psychiatres hospitalier
A ces deux équipes, s'ajoute l'ERT TREAT-vision dirigée par Sylvie Chokron.

Le laboratoire possède également une secrétaire et un service informatique comprenant deux


personnes. En ce moment, il accueille 23 doctorants, 1 post-doctorant, ainsi que 4 collaborateurs dont
fait partie Christian Graff.
Il intervient dans des colloques, congrès, séminaires, conférences internationales et nationales. Il est
l'auteur de 4 chapitres d'ouvrages et 11 publications. Enfin, il intervient très souvent auprès du grand
public puisqu'il a participé à 2 émissions de télé, 2 courts métrages documentaires, 4 émissions de
radios et qu'il s'occupe de stands de démonstration lors de manifestations. Actuellement, il participe à
des recherches sur la mémoire qui pourront être utile dans le traitement de la maladie d'Alzheimer.

II/ Choix des sujets de recherche

1- La Formation Académique des chercheurs

Le problème de savoir si les chercheurs d'aujourd'hui ont un réel pouvoir sur le choix des sujets de
recherches dans lesquels ils s'impliquent puise aux sources même de leur formation de chercheurs. En
effet, le processus de formation d'un chercheur est encadré dès le début, et à ce titre il convient d'étudier
plus précisément les modalités de processus qui fera de lui un chercheur. On distinguera le chercheur

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en sciences dites « dures » et le chercheur en science sociale, puisqu'il semble que les processus ne
soient pas en tout point identiques.

Pour devenir chercheur, il est nécessaire aujourd'hui de suivre un master recherche. Au contraire du
master professionnel, visant une intégration rapide de l'étudiant dans le monde du travail, le master
recherche a pour ambition de former des futurs chercheurs. Pour ce faire, à la fin de la première année
et de la deuxième année du master, l'étudiant poursuit des stages au sein de laboratoires de recherche
ayant à trait à sa discipline. Généralement, le choix du stage en fin de première année reste très libre,
l'étudiant pourra choisir un sujet qu'il affectionne plus particulièrement. A l'issue de ce stage, celui-ci
aura la possibilité de poursuivre les recherches entamées dans le cadre du second stage, l'année
suivante. C'est fréquemment le cas pour les étudiants qui ont fourni un bon travail et pour ceux qui ont
entretenus des relations cordiales avec leurs maîtres de stage. Cependant, reste encore la possibilité
pour eux de s'engager dans un nouveau sujet, et même dans un autre laboratoire spécialisé dans un
autre aspect de leur discipline.

En ce qui concerne les sciences dites « dures », Christian Graff suppose que c'est à la charnière des
deux années de master qu'il existe la plus grande latitude en terme d'autonomie sur les choix de sujets
de recherche abordés.

En effet, le cheminement qui s'ensuit jusqu'à la formation définitive du chercheur semblerait empreint
de moins de liberté. L'étudiant poursuivra son master par un doctorat, c'est à dire par un travail de
thèse. Très généralement, la thèse s'effectue dans la continuité du stage de master 2, c'est à dire dans le
même laboratoire, sous réserve que le laboratoire puisse accueillir l'étudiant. Les thèses proposées sont
celles pour lesquelles il existe des financements, l'étudiant devra donc choisir parmi l'éventail souvent
peu ouvert de ce qui est disponible et dans ces cordes. Celui-ci n'aura à vrai dire pas grand choix dans
la mesure où la thèse doit être financée, que l'étudiant doit être recommandé, outre son succès
universitaire attesté. Une fois la thèse achevée, le chercheur se sera donc embrigadé lui-même dans une
spécialisation très pointue de sa discipline, il l'aura souvent davantage choisi par nécessité, commodité
ou contrainte que par un choix bien mésuré. Il pourra ensuite effectuer un post-doc sous
recommandation mais l'acceptation des post-docs se fait également au vu des publications du thésard
qui évidemment ont à trait au domaine très pointu dans lequel il a effectué sa thèse. Et ainsi la carrière

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du chercheur débute, se prolonge et finit bien souvent dans le vase clôt d'une spécialisation très précise
de sa discipline.

Le propos reste plus nuancé en ce qui concerne les sciences sociales. En effet on peut noter deux
processus existants aujourd'hui dans le choix des sujets de thèse. Elise Beck explicite ces deux
approches différentes.

La première est la même que celle précédemment explicitée pour les sciences « dures », il s'agit des
laboratoires qui lancent un appel d'offre et recrutent des thésards ou des post-docs pour étayer le sujet
de recherche financé.

La seconde approche, unique aux sciences humaines et toujours en vigueur, consiste à avoir
préalablement élaboré son sujet soi-même et à aller démarcher les laboratoires, jusqu'à en trouver un
qui accepte d'encadrer la thèse. Il faut noter qui si cette démarche reste possible, c'est sûrement à relier
au fait que les thèses en sciences sociales appellent souvent à des financements moins onéreux,
puisqu'elles nécessitent rarement l'utilisation de matériel aussi sophistiqué qu'en physique ou en
biologie par exemple.

Nous avons donc vu que la liberté du chercheur dans le choix des recherches qui l'entreprendra
semble « morte dans l'S uf », avant même que celui-ci ne soit devenu chercheur dans la majorité des
cas. Il aura donc intérêt à choisir dès le départ une spécialisation de sa discipline qui le passionne. Ce
phénomène que l'on pourrait avoir tendance à regretter semble cependant difficile à éviter à une époque
où l'état des connaissances au sein d'une même discipline est devenu tellement vaste qu'il est illusoire
de penser pouvoir en maîtriser la totalité. Aussi, on présent dans ce phénomène un aspect économique
qui exerce une pression sur les choix du chercheurs, et qui sera développé plus en détail dans la suite de
cette étude.

2- Choix des sujets, une politique économique

Le choix du sujet au niveau de la recherche en science sociale se fait par un système d'appel d'offre
qui peut être lancé par des entreprises privées, des industries, le gouvernement et les municipalités.

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Au niveau gouvernemental, une agence de moyens : ANR (agence-nationale-recherche) s'occupe de
l'attribution des financements des projets de recherche d'une durée maximale de quatre ans.

Crée le 1er janvier 2007, cet établissement public à caractère administratif à plusieurs objectifs :

• accroître le nombre de projets de recherche venant de toute la communauté scientifique.

• produire de nouvelles connaissances.

• favoriser les interactions entre laboratoires publics et laboratoires d'entreprise en développant les
partenariats.

La sélection des projets retenus dans le cadre d'appels à projets est effectuée sur des critères de qualité
pour l'aspect scientifique auxquels s'ajoute la pertinence économique pour les entreprises. Elle est le
résultat d'une large concertation auprès des organismes de recherche, universités, grandes écoles, pôles,
entreprises... Ce dispositif permet notamment de proposer des champs thématiques novateurs qui
favorisent l interdisciplinarité.
Une équipe de chercheurs répond à un appel d'offre, cette postulation est examinée par une commission
d'experts et si le projet est retenu, le financement est accordé. La validation d'un projet prend environ 1
an. Plusieurs équipes et laboratoires peuvent travailler sur le même projet, le but étant de favoriser les
collaborations européennes. Les décisions des sujets de recherche en réponse à un appel d'offre sont
prises de concert avec l'équipe et le directeur de laboratoire.
L'ANR étant une des sources primordiales de financement de la recherche, le choix des sujets est
restreint au chercheur qui doit plutôt suivre une ligne nationale. Les gros laboratoires ont cependant un
peu plus de liberté, leurs gros budgets leur permettent en effet d'élargir les recherches au delà de ce qui
se fait au niveau national.

Les choix de thématiques sont parfois motivés par la concurrence entre les pays, certaines techniques
devant être maîtrisées par le pays pour garder sa crédibilité scientifique. L'exemple donné par Christian
Graff concerne l'acquisition du synchrotron (grand instrument électromagnétique) en physique mais on
peut également citer les biotechnologies avec l'acquisition des techniques de transgenèse pour la
création des organismes génétiquement modifiés. On l'aura donc compris, la politique de choix des
grands sujets de demain est essentiellement tourné vers les sciences « dures ».

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On peut même aller plus loin puisqu'à l'exception de quelques rares îlots de recherche fondamentale
(principalement en science « dures » comme les mathématiques et la physique), on constate que la
recherche s'est grandement tournée vers une perspective de développement industriel, avec une
politique à court terme, où les voies de recherche, les recrutements, et les crédits sont focalisés sur
quelques thématiques prioritaires que l'on retrouve partout en Europe et dans le Monde. Le capital
international prend ainsi le pas sur les sujets de recherche territoriaux puisque ces thématiques
absorbent l'essentiel du budget de la recherche publique (et la quasi totalité des contributions du secteur
caritatif comme du secteur privé au financement de la recherche), privant ainsi la recherche non fléchée
des moyens nécessaires à sa survie. Il en résulte que les moyens matériels se concentrent sur des
domaines apparemment riches d'applications potentielles immédiates (biotechnologies par exemple) et
tendent à stagner voire à régresser, dans les domaines de recherche spéculative apparemment moins
prometteurs (comme en science sociale par exemple). Ainsi, faute de moyens, certains sujets de
recherche doivent passer aux oubliettes et l'on peut même se demander si cette politique d'exclusion, de
certaines thématiques de recherche par l'argent, ne prépare pas à un recul de la connaissance.

On peut remarquer que actuellement, sur le site de l'ANR, aucun appel d'offre n'est disponible en SHS
alors qu'on en recense 10 en sciences « dures » (2 en biologie et santé; 3 en écosystèmes et
développement durable; 3 en ingénierie, procédés et sécurité; 1 en mathématique, 1 en énergie durable
et environnement). Les intitulés des projets dévoilant une thématique et une politique économique
d'accès au le développement durable.

Cependant, comme nous a renseigné Elise Beck, il existe également des appels d'offres blancs où l'on
peut proposer un sujet de son choix. Il doit être innovant, original, dynamique et porteur de
connaissance. Ces appels à projets blancs favorisent les petites structures et petits laboratoires. En effet,
un gros laboratoire aura tendance à proposer beaucoup de sujets différents. Le manque de cohérence
présentera souvent une mauvaise image du laboratoire qui le disqualifiera des ces appels d'offres
blancs.
Ainsi, on constate une volonté de la part du gouvernement de na pas étouffer les petites structures et de
maintenir « une certaine liberté d'action du chercheur » qui pourra choisir un sujet de recherche à
condition bien sûr de prouver l'intérêt de celui-ci.
On peut également mettre en doute « l'honnêteté » gouvernementale dont la seule volonté serait

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d'apaiser les manifestations et la rébellion du chercheur face à sa politique capitaliste. Ce débat n'étant
pas le but de cette étude, nous n'y reviendrons pas.

En dehors de l'ANR, les collectivités locales et municipalités jouent également un rôle dans les
financements publiques de la recherche. Leur rôle est plus majoritaire en science sociale qu'il ne l'est en
« sciences dures ». En effet, les municipalités contactent souvent les chercheurs en science sociale pour
des études de terrain concernant leurs villes. Là encore, le sujet de recherche est défini par la
municipalité, le laboratoire en charge de la recherche n'étant que « l'intermédiaire technique » du bon
déroulement d'un projet urbain plus vaste.

Enfin, on peut constater que le service public de recherche n'est plus un territoire protégé, il est, lui
aussi, la cible d'une politique libérale de déplacements des moyens au profit du privé. Le scientifique
d'aujourd'hui sera, comme dans toutes les entreprises du nouveau capitalisme, un opérateur contractuel,
un chercheur flexible, embauché pour un projet mêlant acquisition de connaissances et applications, et
surtout répondant à une demande industrielle spécifique. Cette politique entraîne l'abandon de l'ancien
privilège de la recherche fondamentale sur la recherche appliquée, modèle déjà largement ébranlé par la
multiplication des contrats industriels, les brevets, les entreprises innovatrices, et la création de
véritables marchés scientifiques. Le chercheur n'est ainsi plus le décideur de son projet de recherche
mais l'exécuteur d'une politique capitaliste visant le profit des industries. Il n'est plus maître de ces
choix de sujets de recherches et subit la demande venant des sociétés privées qui contrairement à l'État
apportent les financements nécessaires à la vie du scientifique. Les laboratoires privilégieront l'apport
budgétaire des entreprises privées nécessaires à leur survie, plutôt que la connaissance dans un domaine
inexploré.
Cette analyse est encore plus démonstrative en science sociale où le désengagement de l'état est
beaucoup plus fort. Les chercheurs en sciences sociales se tournent plus facilement vers les demandes
émanant d'industries privées, laissant de coté leur morale, pour un choix de sujet sans doute de moins
grande utilité publique.

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Conclusion

A notre époque, le contexte social, économique et politique détermine la production scientifique


de façon essentielle, l'ampleur des travaux de recherches nécessitant des investissements financiers et
humains considérables. Le choix, au niveau de la politique scientifique, des priorités de la recherche,
conditionne, par l'attribution de crédits et de personnels, la possibilité ou non de développement dans
les différents secteurs. Ainsi, la recherche reste très inégalement financée selon les disciplines, une
écrasante majorité des répondants en lettres et en sciences humaines se déclarant actuellement engagés
dans une recherche sans financements (une même personne pouvant participer à plusieurs recherches à
la fois) alors que ce n'est le cas que d'une minorité de répondants en sciences, et plus précisément en
sciences fondamentales. On observe alors une pratique généralisée de l'autofinancement en lettres et
sciences humaines qui poursuit une tendance déjà observée en doctorat. La possibilité de choix des
sujets en science sociale par les chercheurs semble plus libre dans la mesure où les financements
dévoués pour ces recherches sont souvent moindres à ceux consacrés à la recherche en sciences dures.
La pression de ceux qui détiennent les capitaux s'appliquent donc de manière moins oppressantes sur la
démarche scientifique et sa liberté.
En effet, nous avons vu que les organismes publics tout comme les industries privées jouent un rôle sur
le choix des futurs sujets de recherches. Le chercheur, dès le début de sa formation devient un simple
exécuteur d'une politique nationale et internationale de développement économique et non plus un
acteur de l'acquisition de nouvelles connaissances. Ainsi, on ne peut que supposer que la physique
nucléaire n'aurait jamais été développée si elle n'avait pas prouvé aux pouvoirs politiques son efficacité
militaire. De même, les bénéfices purement économiques acquis par les grandes firmes
pharmaceutiques et les industries chimiques peuvent expliquer le soutien dont jouit la biologie
moderne. On peut alors se poser la question inverse : Pourquoi les énergies nouvelles de
développement durable sont encore si peu exploités malgré la crise ? Les intérêts des grandes
compagnies pétrolières auraient-elles freiné l'étude concurrente de technologies énergétiques
alternatives, efficaces et rentables ?
Face à ces questionnements, on ne peut que conclure que l'ampleur quasi-industrielle de nombreux
domaines actuels de la recherche scientifique réduit la plupart de ceux qui y participent à un rang de
subordonné, où leur liberté de choix et leur responsabilité personnelle et scientifique se réduisent de
plus en plus et sont mises en péril.

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Bibliographie

• Où va la science ?, alliage , décembre 2007, n°61: pp24-26

• Science, Démocratie et risques majeurs, problèmes politiques et sociaux, dossiers d'actualité


mondiale, janvier 1999, n°823, pp15-17

• Économies de la recherche, Actes de la recherche en sciences sociales, septembre 2006, n°164


pp23-27/61-73

• Production scientifique et demande sociale, Sciences de la société, février 2000, n°49, pp3-5

• Jean-Marc LEVY-LEBLOND, 1984, L'esprit de sel, Fayard, pp199-203

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