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Cahier pédagogique

Rencontres cinématographiques pour la Solidarité e la Tolérance


Mars-Avril 2008

La Parole En Chantier
Un film de Nicolas HABAS
France, 2007, 42 minutes

Rédaction : Olivier Corre

Synopsis:

Une cabane de chantier transformée en studio de prise de vue s’est promenée


dans le quartier de Ma Campagne à Angoulême pendant deux mois.
Devant la caméra, les habitants de l’Îlot Jean Moulin évoquent la vie dans leur quartier
à la veille de sa démolition.
Dans le même temps, les élus, les bailleurs sociaux et les architectes tentent de
répondre à leurs inquiétudes en expliquant l’Opération de renouvellement urbain à venir
et ses enjeux.

Des pistes pour lire et comprendre le film:

1- Un documentaire de création à caractère social

2- Le prologue : cadre qui pose un propos

3- Les portraits : une microsociété multiculturelle


4- L’espace : investissement de l’extérieur
a- Prologue : vers une saturation de l’espace
b- Les balcons : espace clos tourné vers l’extérieur
c- L’extérieur : espace de vie et de rencontres
d- Dégradation des lieux : une démolition inéluctable
e- Un condensé : la dernière séquence

5- Une dimension historique : l’urbanisation.

6- Un montage qui sert le propos

7- Prolongement : étude comparée avec La Pelote de Laine de Fatma Zohra


Zamoum et Résistance aux tremblements de Olivier Hems

1- Un documentaire de création à caractère social

La Parole en Chantier est un moyen-métrage documentaire.

Le film documentaire, ou cinéma du réel, a pour objectif de représenter une


réalité, sans intervenir sur son déroulement. Il doit toujours permettre d’inscrire sa
propre pensée face aux images.

Le documentaire rappelle les origines du cinéma, comme par exemple les Frères
Lumière, qui souhaitaient avant tout documenter un lieu. Ils avaient des bobines d’une
minute qu’ils laissaient défiler face à une situation donnée.

Il existe plusieurs formes de documentaires. La Parole en Chantier s’inscrit en


tant que documentaire de création, caractérisé comme une expérience sensible à
vocation politique. Il jette un regard critique à l’égard de notre réel collectif. Il rappelle
le cinéma de Yamina Benguigui (Mémoires d’immigrés) ou plus récemment les films de
Jérémy Gravayat (L’Europe après la pluie) ou de Christian Rouaud (Les LIP,
L’imagination au pouvoir).

Ces films sont des séries de témoignages. Ce sont des liens directs qui portent
leur regard sur une réalité sociale difficile. Ce cinéma documentaire dit « social » est
apparu très tôt dans l’Histoire du 7ème Art. Ainsi en parlait Jean Vigo dès 1930 :

« (Le) cinéma social, c’est assurer le cinéma tout court d’un sujet qui provoque
l’intérêt; d’un sujet qui mange de la viande.

(Le) documentaire social (est le) point de rue documenté. (…) (Il) se distingue
du documentaire tout court et des actualités de la semaine par le point de vue qu’y
défend nettement l’auteur. Ce documentaire exige que l’on prenne position, car il met
les points sur les i. S’il n’engage pas un artiste, il engage du moins un homme. (…)
L’appareil de prise de vues sera braqué sur ce qui doit être considéré comme un
document, et qui sera interprété, au montage, en tant que document. »

Jean VIGO

le 14 juin 1930, lors de la présentation de son film A propos de Nice.

Dans son film, Nicolas Habas répond tout à fait à l’analyse de Jean Vigo. Ainsi,
dès les premières secondes, il pose un cadre clair qui va appuyer et illustrer son
propos. Son film, didactique et pédagogique, est très accessible contrairement à bon
nombre de films documentaires beaucoup plus intellectualisants. Il suffit de regarder La
Parole En Chantier et être disponible pour vivre des émotions et se faire sa propre idée
sur le sujet.
2- Le prologue : cadre qui pose un propos

En deux minutes vingt-six et une trentaine de plans, Nicolas Habas pose le


cadre du film et donne déjà de nombreuses pistes d’étude.

Plan d’ensemble sur un


centre-ville : ville d’une
certaine importance
compte tenu de
l’imposante cathédrale.
Cette vue se distingue de
ère
la 1 . Si nous évoluons
1. 2.
dans la même ville, ce
Premier plan du film: le ciel quartier visiblement cossu
er
bleu prend la majeure s’oppose à la cité du 1
partie de l’espace. On plan. Compte tenu de la
distingue des tours au loin. plus grande proximité de
Serait-ce une cité ? la caméra, y-a-t-il un
Quel point de vue privilégie délaissement des
le cinéaste ? Le nôtre en quartiers sensibles dans
tant que témoin ? cette ville ?
On entend un train qui Phrase musicale qui sera
passe. Envisage-t-on un le thème du film, rappelle
départ ? certains polars des
années 50, dans lesquels
règne un suspense
permanent.
ère
1 intervention :
on découvre un
septuagénaire habillé très
simplement. On ne connaît
pas son identité. Plan d’ensemble sur une
3. Il parle vraisemblablement 4. cité HLM en plongée.
d’un quartier (celui On domine ce quartier et
er
distingué lors du 1 plan ?) ses immeubles dont nous
et plus exactement de son allons suivre l’histoire
histoire. Il a apparemment grâce à ses habitants.
vécu les changements et
transformations du site : il Voix off d’un autre
représente une certaine habitant qui continue à
mémoire des lieux. raconter le passé du
Il est filmé en plan lieu : contraste avec
rapproché plein cadre. On l’image (qui rappelle
distingue une lumière sur l’urbanisation soudaine et
sa droite. Il se trouve dans très rapide).
une pièce fermée et
sombre. Le fond est noir.
Aucune musique
n’accompagne son
intervention : Le plus
important n’est pas le
cadre, mais son histoire.
Visage de la voix off :
5. 6. ème
2 habitant filmé dans
le même décor et de la
er
même façon que le 1 .
Autre plan du quartier sur Nous allons assister à
même voix off. une série de témoignages
Série de diapositives. On sur le quartier. La mise
commence à faire le tour en place du cadre
du quartier et d’en commence à se préciser.
apprécier tous les aspects. Celui des personnages
ressemble étrangement à
un confessionnal.
Confirmation : la sobriété
de l’espace implique que
l’accent sera porté sur
les personnes et leurs
témoignages. Ils sont
dans la lumière ; c’est
eux qui font vivre et
évoluer ce lieu.
Cette femme définit
clairement l’année des
changements : 1970.
Cette année correspond
7. 8.
à une politique de
l’habitat particulière qui
favorisait l’urbanisation
Voix off d’une femme : on massive nécessaire aux
va entendre tous les vécus évolutions de la société.
et points de vue. Ce plan nous montre la
monotonie de ces tours
et l’exiguïté des balcons.
La parabole rappelle
l’omniprésence de la
télévision. Au loin, on
distingue un quartier
résidentiel avec de
nombreux espaces verts.

9. 10.
Ce plan rappelle la La femme se souvient de
promiscuité dans ces cités la rapidité avec laquelle
HLM : la campagne s’est
beaucoup d’appartements transformée en cité :
dans un minimum d’espace. aucune communication et
Les couleurs du mur aucune consultation pour
confirment une construction répondre aux mieux aux
dans les années 1970. habitants.
Après avoir surplombé le
quartier et en avoir eu une
vision d’ensemble (tant
historique par les
11. 12.
interventions des habitants
ème
que géographique grâce 3 personnage, toujours
aux différentes anonyme :
diapositives), le rythme on se rapproche de plus
s’accélère (rappel de en plus, tant de l’espace,
l’urbanisation) et la caméra que de l’actualité du
nous invite à rentrer quartier. Il parle
vraiment dans ce quartier désormais de la genèse
(légère contre-plongée). de la construction et plus
Le thème musical reprend, de l’histoire avant la
ponctué par des chants création de la cité.
d’oiseaux (Fait-il bon vivre
dans le quartier ?)
Le synopsis du film
s’affiche sur l’écran: les
acteurs sont les habitants
du quartier, aucune
personne étrangère au lieu
n’interviendra.

13. 14.

Voix off.
On découvre un autre côté
Voix off.
du quartier, on le cerne peu
Retour sur le
à peu, on en fait le tour,
cloisonnement de
mais avec une certaine
l’espace.
distance.

15. 16.

Les diapositives se Bâtiment très moderne.


succèdent pour continuer la Circulation (du monde
visite du site et mieux se aux heures de pointe) :
repérer, et pour comprendre lieu de vie active ; les
les problèmes éventuels liés gens viennent ici aussi
à cet endroit et décrits par pour y travailler.
les angoumoisins.

17. 18.
Est-ce un plan
d’ensemble sur la MJC
ère
1 identité affichée au bas du quartier ? Ce plan
de l’écran même si on ne d’ensemble peut le
connaît que son prénom : laisser supposer. Ainsi,
personnalité importante du cela confirmerait
quartier ? la MJC est-elle l’hypothèse sur
le centre névralgique de la l’importance de cette
cité? structure d’accueil social
et de culture.

19. 20.
On reconnaît la voix d’un
Une voix off de femme
homme qui s’est déjà
regrette le calme qui régnait
exprimé : le cadre se
dans le quartier.
précise toujours un peu
L’effervescence d’une zone
plus ; on va suivre
industrielle a modifié les
certains habitants plus
lieux. Ce changement
précisément (ce qui crée
radical a eu un impact
un effet d’attente).
néfaste sur un certain
A l’image, on devient peu
nombre de personnes.
à peu voyeur, on rentre
dans l’intimité des gens
en se rapprochant
toujours un peu plus.

21. 22.
Confirmation par l’image: Lien avec le plan
on va retrouver des précédent et l’intervention
personnages. de l’habitant : des
Discours : la politique de quartiers ont été modifiés,
l’habitat a changé mais ont été construits
radicalement dans les trop vite sans être
années 70 et beaucoup de réfléchis : saturation de
quartiers ont été modifiés. l’espace, manque de
lumière et de couleurs.
On retrouve une voix
déjà entendue.
23. 24.
Voix off familière : problème
d’entretien des HLM et
preuve par l’image.
L’espace est désormais
Suite de la visite et
complètement saturé, les
constat sur la façade du
balcons sont sales. Linge :
travail de réfection qu’il y
intimité des habitants. Nous
a à faire.
partageons les témoignages
des habitants sur leur
quotidien.
Visage connu et dernière
25. 26.
intervention dans ce
Dernier plan de la cité dans
prologue ; il pose le
ce prologue. On en a fait
problème du quartier :
le tour. On peut entendre
«aujourd’hui, on est en
les confessions des
train de nous dire, on va
habitants puisque l’on
vous rénover, on va
connaît désormais leur
réhabiliter, on va faire
environnement.
ceci on va faire cela, est-
ce qu'il faut y croire ? »
Titre du film sur thème
musical :
Le studio où sont venus se
confier les différents acteurs
de ce quartier est en fait
27. une cabane de chantier qui 28.
s’est fondue dans le
paysage avec les travaux
Le cinéaste nous laisse
de rénovation et
entrevoir un deuxième
réhabilitation en cours. Ce
volet qu’il réalisera peut-
chantier prépare l’avenir et
être à la fin des travaux
annonce des changements
pour faire un bilan de
majeurs.
cette opération de
L’accent sera porté ici sur
renouvellement urbain.
la parole, donnée à tous
ceux qui participent à cette
entreprise.
La Parole en Chantier fait-
elle également référence
aux concertations et
échanges parfois délicats
entre pouvoirs publics et
habitants ?
Ce prologue est très riche. Il nous renseigne sur le lieu dont nous avons fait peu
à peu le tour par l’alternance de diapositives/films sur le quartier et de témoignages
des habitants sur son histoire et les problèmes auxquels il doit faire face aujourd’hui.
Ces derniers semblent vouloir toutefois être gérés par les pouvoirs publics par une
réhabilitation des lieux.
Pourtant, la dernière intervention est assez pessimiste. Ce film va-t-il donner des
éléments de réponse aux questions posées?

La musique crée une attente et un suspense constant. Toutefois, elle s’efface


toujours pour laisser toute leur place aux témoignages des intervenants. Le cinéaste
s’efface totalement et ne laisse parler que les acteurs de ce quartier qui représentent la
mémoire du lieu. L’espace confiné de la cabane de chantier installée dans leur
environnement favorise sans doute leurs confessions. Leurs paroles seront l’essence
-même de ce film.

Retrouver certains habitants nous aide à mieux les identifier et on attend leur
prochaine intervention. L’alternance des entretiens avec les plans du quartier donne
beaucoup de rythme à ce début de documentaire ; elle favorise également l’effet
d’attente.

Le prologue nous a fait découvrir plusieurs personnages qui, pour deux d’entre
eux, nous sont déjà familiers. Ils seront rejoints par bon nombre d’autres visages qui
forment une galerie de portraits multiculturelle.
3- Les portraits : une microsociété multiculturelle

Au sein d’un même quartier cohabite une foule de personnalités aux histoires et aux
parcours singuliers qui sont souvent radicalement différents.

Les habitants du quartier de Ma Campagne, qui ont bien voulu se confier,


représentent ici un incroyable métissage de cultures, de nationalités, de générations, de
niveaux socio-culturels, de styles, d’aspirations, d’orientations, de rêves, d’envies, ou de
désirs d’avenir.

L’identité de chacun est révélée à partir du prologue. On ne connaît que leur


prénom sauf pour les personnes qui sont à l’origine de l’opération de réhabilitation
et/ou qui participent activement à sa réalisation (notamment les élus). A ces personnes
sont également associés leur titre ou leur fonction.
Ainsi, le fait de ne connaître que le prénom de chacun des acteurs implique une
certaine égalité, une familiarité voire une proximité. Il n’y a plus de hiérarchie, toute
parole a la même portée, a le même poids et est prise avec autant de considération.
Toutefois, cette impression est en partie biaisée. En effet, non seulement la fonction de
ceux qui ne font pas partie intégrante du quartier est mentionnée, mais le film est
monté de telle sorte que les habitants et les élus (et autres urbanistes) ne se
répondent pas directement. L’alternance ne se fait qu’une seule fois à chaque question
posée et non systématiquement ou de manière aléatoire. Ainsi, on semble toujours
avoir affaire à deux camps distincts. Le dialogue et l’échange n’apparaissent pas être
aussi évidents qu’il est évoqué par certains intervenants.

Quoi qu’il en soit, au sein même du quartier, la plupart des habitants se soutiennent
malgré leurs grandes différences.

Une activité pédagogique intéressante pourrait être de repérer certains intervenants,


les décrire et analyser leur discours selon les questions posées (par exemple dresser le
portrait de Clément, le jeune rebelle provocateur ou de Steve, le noir de service).
Comme nous l’avions supposé lors de la première séquence, plusieurs personnages
récurrents vont se dégager et ils vont dévoiler davantage leur personnalité et leur réelle
identité au fur et à mesure du film. Ainsi, une piste de travail pourrait être un
questionnement sur leur posture, leur regard ou leurs gestes selon les questions
posées. On pourrait également analyser la manière dont ces personnages sont filmés
(cadrage, lumière etc…). Les gros plans indiquent par exemple une certaine proximité.
On peut également imaginer d’autres questions susceptibles d’être posées à ces
acteurs et d’imaginer leurs réponses.

1. 2. 3. 4.

5. 6. 7. 8.

9. 10. 11. 12.

13. 14. 15. 16.


Le quartier, ce sont toutes ces personnalités qui le font vivre.
Ces dernières années, certains ont remarqué une tendance à l’individualisme qui
tend à enfermer chacun chez soi et mettre de côté toute communication. Ils la déplore,
mais la majeure partie des habitants de Ma Campagne semble toujours revendiquer
l’intérêt de lieux de rencontres et d’espaces extérieurs où se retrouver.

4- L’espace : investissement de l’extérieur


Le premier plan du film représente un grand espace ouvert. Il y a une grande
profondeur de champ et cette immensité est renforcée par la place prépondérante
occupée dans le plan par le ciel.
Ensuite, l’alternance régulière de diapositives et/ou films sur le quartier
(exclusivement sur les extérieurs) nous suit de la première à la dernière séquence.
Enfin, les habitants accordent tous une grande importance aux lieux dans leurs
témoignages, et ils investissent tous les espaces extérieurs selon leur quotidien et leurs
envies.
Ainsi, une place majeure est accordée à l’espace ; elle rappelle la corrélation
évidente qui existe entre l’habitat et ceux qui le font vivre.

a- Prologue : vers une saturation de l’espace.


1. 2. 3. 4.

5.
Comme nous l’avons étudié dans la deuxième partie, le cinéaste nous invite à
assimiler le quartier de tous les côtés et sous tous les angles possibles pour avoir la
vision la plus objective possible avant d’écouter les témoignages de ceux qui
l’habitent.
Ainsi, il nous propose toutes les échelles de plan, et des plans en plongée, contre-
plongée, plein cadre etc… On remarque également un jeu sur l’ombre et la lumière
qui enferme encore plus les habitants dans un espace confiné et exigu.
b- Les balcons : espace clos tourné vers l’extérieur
1. 2. 3. 4.

Plein cadre / saturation de


l’espace. Aucune intimité. Plan en plongée / vue d’un
On devine au rez-de-chaussée balcon.
Plan oblique / perspective : Enfermé dans le cadre. Attente.
une cage d’escalier certainement Peu de perspective mais
investie par des groupes de cloisonnement infini
quelques espaces verts.
jeunes. Certes sombre, elle laisse
toutefois entrer la lumière grâce à
la mosaïque d’ouvertures/miroirs.

5. 6. 7. 8.

Dégradation progressive visible des Quelques espaces verts au Nouvelle saturation de l’espace.
premier plan. (souffle d’air) Espace clos dans l’ombre.
bâtiments. Homme assis derrière barreaux
Des chants d’oiseaux succèdent Certains stores en plastique sont
Paradoxe : balcon, seul espace qui rappellent la prison
régulièrement à la musique tout fermés (de nouveau, isolement)
d’intimité de l’appartement mais (Isolement).
intimité totale difficile ; on voit tout au long du film, notamment sur Parabole rappelle la tendance à
de l’extérieur. les plans des balcons (légèreté) l’individualisme et au manque de
communication

9. 10. 11.

Plan en contre-plongée d’un Dernier plan en contre-plongée


Malgré le confinement, beaucoup balcon. Aucune autre visibilité ni qui rappelle l’univers carcéral.
de couleurs / Fleurs (on ne vit perspective. On est tant chez soi Saturation de l’espace malgré
pas si mal dans ce quartier ?) que chez les voisins. On peut une ouverture vers le ciel,
épier et être épié (de nouveau, invisible depuis le balcon.
manque d’intimité).
Compte tenu de l’exiguïté de l’espace réservé à chacun, les habitants doivent
investir le quartier par un autre moyen. Ainsi, ils se tournent vers les extérieurs qu’ils
s’approprient et qui deviennent des extensions de leur appartement. Ces espaces sont
d’autant plus importants qu’ils sont synonymes de rencontres.

c- L’extérieur : espace de vie et de rencontres

1. 2. 3. 4.

5.

Le film est ponctué de très courtes séquences qui montrent les acteurs du quartier évoluer dans leur
univers. Ces séquences se distinguent des diapositives (images fixes) des bâtiments.
Leur intimité est toutefois préservée puisqu’on n’entend jamais leur conversation.
Ainsi, nous retrouvons des enfants de différentes nationalités qui jouent ensemble, des jeunes devant un
mur avec des graffitis qui font penser à une appropriation des lieux par les habitants, des copines qui se
confient en souriant, des élèves allant à l’école ou une mère promenant ses enfants.

Ces séquences prouvent qu’une certaine sérénité doit régner dans ce quartier
malgré les difficultés. Cette hypothèse est renforcée par les propos de bon nombre des
témoins qui parlent de la nécessité d’espaces de rencontres dans le quartier comme les
cages d’escaliers (Clément), le supermarché ou la MJC( Steve).
Toutefois, tant ces espaces que les bâtiments doivent être entretenus pour préserver
la convivialité de la vie quotidienne dans la cité et l’équilibre des habitants.
d- Dégradation des lieux : une démolition inéluctable

1. 2.

« Démolir mon chez moi, c’est me détruire.


Remodeler, transformer, voire métamorphoser ces quartiers,
construit une mémoire urbaine heureuse. Au contraire, dynamiter,
c’est nier l’histoire des habitants dans une mise en scène de la
destruction qui leur dit :’ce que vous avez vécu ici ne vaut rien’ ».

Ces propos de Roland Castro, architecte urbaniste, reflètent bien l’état d’esprit
des habitants du quartier de Ma Campagne. L’attentisme des pouvoirs publics et
l’ORU radicale qu’ils mènent désormais entraîne une certaine morosité chez eux
voire une violence destructrice. En effet, ils vont jusqu’à incendier la MJC, le lieu
d’accueil qui était le lieu le plus investi de la cité.

e- Un condensé : la dernière séquence

La dernière séquence, qui correspond au clip du générique de fin, dure deux


minutes trente, soit la même durée que la première séquence. Elle est également
divisée en une trentaine de plans. Une histoire se termine.
La musique de fin est une chanson de hip-hop, musique urbaine qui allie le
côté festif à la revendication. Ici, c’est un hymne à Ma Campagne (J’ai ce quartier
dans la peau). Il accompagne et illustre une nouvelle succession de diapositives et
de séquences très courtes sur le quartier. Ces dernières reprennent l’ensemble des
thématiques abordées dans le film et annoncent un départ inéluctable. L’espoir est
entre autres symbolisé par la présence d’oiseaux qui auront ponctué le film (tant à
l’image que dans la bande son).
Après avoir étudié tous les aspects de La Parole En Chantier, il pourrait être
intéressant de faire analyser les différents plans de ce clip par les élèves pour par
exemple confirmer des hypothèses.

1. 2. 3. 4.

5. 6. 7. 8.

9. 10. 11. 12.

13. 14. 15. 16.


17. 18. 19. 20.

21. 22. 23. 24.

25. 26. 27. 28.

Ce clip nous présente des images de l’extérieur et de l’intérieur, pour la


première fois du film.
Comme lors de la première séquence, le cinéaste utilise toutes les échelles de
plan et divers cadrages. On refait le tour du quartier avant de le quitter définitivement.
Le film est dédié « aux amis d’autrefois » pour renforcer l’idée que ce quartier ne sera
plus jamais comme avant.
Toutefois, cette première partie permet d’entretenir un espoir et un regard vers
l’avenir. Une nouvelle fois, le cinéaste crée un effet d’attente.

Les problèmes évoqués dans ce documentaire ont évidemment une connotation


historique. Ma Campagne illustre de manière universelle la politique de l’habitat de ces
quarante dernières années en France et le métissage des habitants de ces quartiers.
5- Une dimension historique : l’urbanisation.

Le quartier de Ma Campagne à Angoulême a été profondément modifié dans les


années 70. L’îlot Jean Moulin a en partie vu le jour pour répondre à l’afflux d’étrangers
qui venaient chercher un travail dans les entreprises angoumoisines.

La construction de ces tours répondait aussi à une politique de l’habitat très précise
à cette période. Elle était décidée et orchestrée pas l’Etat. Ni les communes, ni les
départements n’avaient alors leur mot à dire, alors qu’ils sont de fait plus proches de
leurs concitoyens. Ainsi, comme le rappelle une habitante dans le prologue, les tours
ont été construites sans concertation et avec une rapidité extraordinaire ; les plans de
ces immeubles n’ont pas été assez réfléchis car faits dans l’urgence, ce qui a entraîné
de nombreux désagréments pour la population qui a souffert de ces défauts de
construction.
En outre, ces cités n’ont pas été entretenues et aujourd’hui apparaissent des
fissures qui rendent certains immeubles dangereux.

Comme le dit un responsable dans le film, la nouvelle politique aujourd’hui est de


privilégier la destruction de ces tours pour tout reconstruire et non réhabiliter. On
assiste donc à une disparition définitive de ces lieux. Les habitants en resteront certes
la mémoire, mais cette démolition systématique ne prend pas en compte l’importance
de l’environnement pour les habitants. Il représente leur vie (Les larmes aux yeux,
Clément déclare par exemple vouloir rester dans l’immeuble lors de sa destruction).

Un aspect positif de ce regroupement dans les quartiers est sans doute la solidarité
et la chaleur humaine mentionnée de nombreuses fois par les témoins dans ce film.
Elle rappelle aussi une époque, où l’entraide et la vie en société étaient pour tous une
priorité. On vit aujourd’hui une époque où l’individu prime sur la communauté. Certains
le regrettent, mais ne voient pas d’issue.
Apparaissent également dans ce film les problèmes liés à l’urbanisation et à la
ghettoïsation des quartiers populaires. Ainsi sont mentionnées les questions liées aux
incivilités et destructions croissantes qui naissent parfois de l’inactivité et du manque
d’offre culturelle ou/et professionnelle. Certains déplorent les abus des forces de l’ordre
(délit de faciès, manque de respect etc…), d’autres les trouvent trop laxistes. Ici
encore, l’îlot Jean Moulin est le miroir de la société française dans les banlieues
aujourd’hui.

Il présente aussi la mosaïque étrangère et pluriculturelle qui vit dans ces cités. Les
statistiques de 1999 et de 2004 montrent qu’il y a plus de chômeurs, de non-diplômés,
de jeunes de moins de 25 ans et d’étrangers à Ma Campagne que dans les autres
quartiers angoumoisins. Plus de la moitié des ménages ne sont pas imposés sur le
revenu (le revenu moyen des habitants du quartier est un tiers inférieur à celui de
l’ensemble des habitants de la ville d’Angoulême). Enfin, on remarque qu’il y a
beaucoup plus de familles monoparentales regroupées dans ce secteur.

Reflet de la société française des années 2000 et des conséquences de


l’urbanisation, Ma Campagne subit les changements opérés dans tout le pays.

Contrairement aux années 1970, ce sont aujourd’hui les élus locaux qui ont la
responsabilité de l’habitat. Ils privilégient le dialogue et la concertation avec les
habitants des quartiers. Dans le film, les élus parlent de la nécessité d’une cohésion
sociale et la reconstruction de la citoyenneté. Ils ont besoin d’un échange avec les
habitants de la cité pour répondre le plus possible à leurs attentes. Toutefois, les
critères établis pour savoir qui restera sur les lieux sont définis par les pouvoirs publics
qui hiérarchisent les priorités. Tous les habitants n’obtiendront pas satisfaction. La
communication n’est pas toujours facile et elle est caractérisée entre autres par le
montage alterné.
6- Un montage qui sert le propos

Hormis ce que nous avons déjà étudié (personnages, lieux etc…), d’autres
aspects du montage servent le propos du cinéaste.

- Les cartons :
Les questions incrustées sur l’image permettent de dégager des thématiques et
retrouver certains personnages. Ces personnages récurrents dévoilent
progressivement leur identité et leur personnalité. On attend toujours leur retour. Ils
sont assimilés à des héros de fiction.
Parallèlement, de nouveaux visages apparaissent régulièrement pour créer un
autre effet d’attente et renforcer le rythme.
La musique utilisée pour accompagner les cartons crée également une attente.

- Une alternance :
Comme nous l’avons vu, Nicolas Habas alterne entre les plans dans la cabane
exiguë aménagée en studio qui recueille les témoignages des acteurs (interventions
toujours très courtes pour donner du rythme et donner la parole à tous) et des
diapositives du quartier (vues sur l’extérieur qui permettent de respirer pour mieux
appréhender toutes les interventions, chants d’oiseaux sur bon nombre de
diapositives qui donnent un ton optimiste).

Les habitants du quartier forment un tout et font face aux élus qui prennent les
décisions sur l’avenir de leur univers. En effet, le documentariste insère toujours des
diapositives entre les interventions des uns et des autres. On peut certes assimiler
ce choix à un jeu de questions et/ou préoccupations // réponses et/ou solutions
envisagées, mais il renforce la réalité de deux mondes parallèles qui n’évoluent pas
dans les mêmes sphères. Pourtant ils agissent tous sur le quartier, alors ils ont tous
droit à la parole. Il n’y a par contre aucune intervention d’un être étranger au lieu.

Grâce aussi à ce montage, ce film témoigne de notre temps. Il nous questionne


sur la complexité du monde qui nous entoure et celle de la nature humaine.
7- Prolongement : étude comparée avec La Pelote de Laine de Fatma Zohra
Zamoum et Résistance aux tremblements de Olivier Hems

Les trois films traitent d’un aspect de l’urbanisation. Ainsi on peut imaginer des
passerelles pour les analyser en parallèle.

a- L’espace dans La Parole en Chantier et La Pelote de Laine

La Parole en Chantier La Pelote de Laine

Prison / Enfermement Prison / Enfermement


Mais ouverture sur l’extérieur Aucun regard sur l’extérieur

Aucune échappatoire possible de cette


prison, aucune profondeur de champ. Les
Espace totalement saturé, balcons peints de
couleurs et les plantes chez la voisine se
couleurs différentes et plantes sur certains
distinguent nettement du balcon bien triste
balcons mais ensemble toutefois terne.
de Fatiha.
b- Le départ inévitable dans La Parole en Chantier et Résistance aux tremblements

La Parole en Chantier Résistance aux tremblements

Une issue programmée et inéluctable

Une dégradation progressive des bâtiments intimement liée au malaise des habitants

Beaucoup d’autres pistes de travail peuvent être envisagées comme par


exemple :
la solidarité entre voisins
la mémoire des lieux

L’appropriation personnelle des lieux etc…

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