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Bernard Girard

chronique du 19/02/08
Notre compétitivité fout le camp

Bonjour, depuis quelques semaines, on parle beaucoup de la


perte de compétitivité de la France. Qu’en est-il?
C’est, effectivement, une réflexion qui revient régulièrement
depuis quelques temps qui se nourrit des mauvais résultats de
notre commerce extérieur. Si nous avons du mal à vendre nos
produits, c’est qu’ils sont moins compétitifs, qu’ils sont plus
chers que des produits équivalents de la concurrence…
Mais vous disiez que l’on parlait de cette question depuis
quelques semaines seulement. En fait, le décrochage est plus
ancien. Il date de la fin des années 90. De 1999 à 2007, la part
des exportations de marchandises réalisées en France dans les
échanges mondiaux de marchandises a baissé de plus de 20 %.
Elle était de 4 % en 2007 et de 5,4% en 2000.
Mais il n’y a pas que cette dégradation du commerce extérieur.
Il y a également notre recul dans des indices de compétitivité
que calculent des organisations internationales.
Qui comparent la compétitivité de différents pays?
Exactement. Nous sommes passés du 15ème au 18ème rang
dans l’indice de compétitivité du World Economic Forum.
Deux places perdues en un an, c’est beaucoup. Même chose
dans le classement de World Competitiveness Yearbook qui
nous place en 28ème position et nous met en garde contre une
dérive qui s’est amorcée. Même chose dans le classement de
Ernst & Young.
Oui, mais peut-on faire confiance à ces organisations?
Comment font-elles leur classement?
On peut toujours discuter ces classements. Ils ne sont
certainement pas d’une fiabilité à toute épreuve, mais ils
donnent des indications qu’on aurait tort de prendre à la légère.
L’indice de compétitivité du World Economic Forum est
intéressant. Il analyse 12 critères :
- la qualité des institutions : les entreprises se développent
difficilement là où le pouvoir politique crée une incertitude
permanente,
- la qualité des infrastructures : transports, énergie,
télécommunications,
- la situation macro-économique : là où il y beaucoup
d’inflation ou des déficits publics importants, il est plus
difficile pour les entreprises de se développer,
- l’éducation, la santé,
- la qualité des marchés financiers,
- la capacité de l’économie à innover et à adopter rapidement
les nouvelles technologies
- la taille du marché, la qualité du management, des systèmes
de gouvernance des entreprises.
Tout cela parait difficilement contestable. Ce qui rend d’autant
plus inquiétant ce glissement que signale cette organisation.
On parle beaucoup de cette baisse de la compétitivité, mais en
quoi est-elle inquiétante, quel impact peut-elle avoir sur nos
vies?
Qui dit perte de compétitivité dit, tout simplement, moins de
vente et, donc, moins de travail. Cela veut aussi dire diminution
des marges des entreprises qui doivent se battre sur leurs prix
pour continuer de vendre tant à l’étranger qu’en France. D’où
moins de valeur ajoutée à partager entre les salariés, les
actionnaires et l’investissement. Ce qui est évidemment
mauvais pour les salaires.
Sauf si les salariés se battent et imposent des hausses de
salaires…
Vous pensez aux salariés, mais la même chose vaut pour les
actionnaires. Si les uns et les autres réussissent à sauvegarder
leurs revenus, salaires et dividendes, les entreprises n’ont
d’autre solution que de réduire leurs investissements, ce qui
annonce de nouvelles pertes de compétitivité.
Mais il n’y a pas que cela. Une entreprise dont la compétitivité
diminue va tenter, par tous les moyens de résister. Elle va tout
faire pour compenser les baisses de marge, elle va agir sur la
productivité de ses salariés. Notre productivité, qui est forte, est
utilisée pour freiner les hausses de prix. Ce qui se traduit, en
pratique, par cette montée de la souffrance au travail dont nous
parlions il y a quelques semaines.
L’entreprise dont la compétitivité se dégrade va regarder de
plus près son processus de production et remplacer des
éléments qu’elle fabrique en interne à un coût relativement
élevé par d’autres fabriquées dans des pays à main d’oeuvre
bon marché.
Elle peut également décider d’aller s’installer plus près de ses
marchés étrangers ou dans des pays à main d’oeuvre bon
marché. Ce n’est pas un hasard si la France est le troisième
pays investisseur à l’étranger. Plutôt que de produire chez nous
pour leurs marchés extérieurs nos entreprises choisissent de
plus en plus d’aller créer des usines auprès de leurs clients.
Vous voulez parler des délocalisations, des ces entreprises qui
ferment des usines en France pour aller fabriquer dans des pays
à main d’oeuvre bon marché…
Non. Pas seulement. Les installations dans les pays à main
d’oeuvre bon marché ne sont pas les plus fréquentes. Le
premier pays destinataire des investissements français sont les
Etats-Unis. On n’y va pas pour fabriquer moins cher qu’en
France, mais pour fabriquer aux Etats-Unis, en dollar et non
plus en euros, pour des clients américains.
On a donc de bonnes raisons de s’inquiéter de cette
dégradation de la compétitivité.
Qui touche-t-elle? Tout le monde? Ou certains secteurs sont-ils
protégés?
La plupart des secteurs sont touchés. N’échappent à cette
dégradation que l’aéronautique, l’armement, le matériel
agricole, l’industrie du cuir…
Ce qui n’a pas grand chose à voir!
Et cela montre bien que les industries traditionnelles ne sont
pas forcément condamnées. L’industrie du cuir a réussi à
améliorer ses positions sur le marché international en se
spécialisant dans produits haut de gamme…
Mais sorti de ces quelques secteurs, la dégradation est générale.
On la trouve aussi bien dans des secteurs où la France avait
traditionnellement des parts de marché importantes, comme les
produits de toilette (nous sommes passés en 5 ans, de 2000 à
2005, de 15%% à 12% du marché mondial sur ce créneau très
particulier) que dans des secteurs dans lesquels nos parts de
marché sont traditionnellement faibles.
Mais à quoi est-ce que cela tient? À un euro trop fort? À
l’augmentation du prix des matières premières?
L’explication par l’euro est évidemment tentante mais elle
n’explique au mieux qu’une partie de nos déboires. La France
perd aussi des parts de marché en Europe, là où les transactions
se font en euros. J’ajouterai que l’Allemagne qui subit la même
contrainte sur les marchés extérieurs n’en souffre apparemment
pas. Il faut donc exclure cette explication.
L’augmentation du prix des matières premières à laquelle vous
faites allusion pourrait contribuer à cette dégradation,
notamment pour les produits dont la production consomme
beaucoup d’énergie. Mais là encore, l’explication n’est pas
vraiment satisfaisante puisque la France est, du fait de la part
du nucléaire dans notre production d’électricité, moins affectée
que d’autres, que l’Allemagne, par exemple…
Une mauvaise spécialisation de l’industrie pourrait être une
autre cause de cette perte de compétitivité. Imaginez que notre
industrie soit spécialisée dans des activités sur lesquelles les
pays émergents ont beaucoup investi. Nous serions évidemment
en grande difficulté. Mais ce n’est pas le cas, notre économie
est forte dans de nombreux secteurs. Le problème est qu’elle ne
l’est pas dans les secteurs qui produisent des matériels que
demandent les pays émergents qui s’équipent massivement. La
chance de l’Allemagne est, justement, d’être très forte dans la
fabrication de machines outils qui équipent les usines que l’on
construit au Brésil, en Chine, en Inde…
Une autre difficulté pourrait être le temps que nous mettons,
quand je dis nous je veux dire les entreprises, à sauter sur les
nouveaux marchés. Les entrepreneurs qui veulent se lancer
dans des activités nouvelles éprouvent beaucoup de difficultés
à trouver des financements. Or, la compétitivité dans un secteur
industriel se construit souvent dans ses débuts.
On dit aussi beaucoup que cette perte de compétitivité est liée
aux charges sociales…
Plutôt que de parler des charges sociales, il faut parler du coût
du travail qui n’est pas plus élevé en France que dans d’autres
pays industrialisés. Mais il est vrai qu’il a augmenté en France
alors qu’il avait tendance à diminuer chez nos voisins,
notamment en Allemagne.
Ceci dit, penser que plus le coût du travail y est faible, plus une
économie est compétitive est une erreur grave que ne
commettent, d’ailleurs, pas les différentes études que j’ai citées.
Plus que le coût du travail, c’est notre environnement macro-
économique et le fonctionnement du marché du travail qu’elles
pointent comme nos principales faiblesses.
On reproche au marché du travail ce qu’on appelle ses
rigidités?
Pas seulement. On lui reproche la médiocrité du dialogue
social. On ne dialogue pas suffisamment dans les entreprises.
Mais vous avez raison, le principal reproche tourne autour des
obstacles au licenciement, ce qui n’est pas une surprise. À peu
près tous les économistes sont, sur ce sujet là, d’accord. Le
code du travail tel qu’il fonctionne n’inciterait pas les
entreprises à recruter et favoriserait le développement des
emplois précaires, de l’intérim, des CDD, des stages et ce
chômage de masse que nous connaissons depuis des années.
Ce n’est pas un diagnostic très original.
Non. Est-ce la cause première, la seule cause de nos défauts de
compétitivité? J’en doute un peu. Ne serait-ce que parce que
les entreprises vivent depuis longtemps avec ce code du travail,
qu’il n’a pas introduit de nouvelles rigidités ces dernières
années alors même que nous glissons dans les classements.
J’ajouterai qu’il me semble que l’on néglige trop dans ces
classements, les effets de qualification.
Ce ne doit pas être facile de les mesurer.
On peut partir du salaire médian. Vous savez qu’il est faible en
France, il est légèrement supérieur à 1550€ net, ce qui nous
met loin derrière le Danemark, la Suisse, l’Allemagne, les Pays-
Bas, l’Italie, la Grande-Bretagne. Notre salaire médian
représente 51% de celui du Danemark. Par ailleurs, ce salaire
médian est à peine supérieur au Smic, qui est d’un peu plus de
1000€ net.
Un salaire médian bas veut tout simplement dire que la moitié
de la population salariée occupe des emplois qui demandent
peu de qualifications, puisque à peine mieux rémunérés que le
salaire minimum. Or, qui dit emplois peu qualifiés dit activités
sur lesquelles la concurrence sur les salaires est efficace. Si
nous perdons des parts de marché dans tant de domaines, c’est
que nous nous sommes trop souvent en concurrence sur des
produits que l’on peut fabriquer avec une main d’oeuvre bon
marché.
Ce salaire médian si faible est d’autant plus surprenant que
nous avons un système scolaire plutôt efficace…
Ce n’est pas ce que tout le monde dit…
Je sais bien, mais ce n’est pas là-dessus que nous sommes mal
classés. Bien au contraire. Ce qui veut dire que notre économie
utilise mal les compétences disponibles. C’est probablement lié
pour partie à la spécialisation de notre économie mais aussi
pour beaucoup à la taille des entreprise. La majorité des
salariés travaillent dans des petites entreprises qui n’ont pas la
taille suffisante pour réaliser d’économies d’échelles, qui ne
peuvent pas investir dans des matériels performants, qui ne
restent compétitives que parce qu’elles versent des salaires
faibles.
Oui, mais ce n’est pas nouveau, cela n’explique pas notre
glissement dans ces enquêtes…
Cela peut contribuer à expliquer notre difficulté à rester
compétitifs sur des marchés qui évoluent rapidement. La
formation continue est directement corrélée au niveau des
salaires. On ne forme que les gens bien payés, ceux qui sont en
dessus du salaire médian. Pas les autres. Or, cette formation
professionnelle donne à une économie de la flexibilité, de la
réactivité, elle permet de s’adapter plus rapidement.
Les choses iraient donc beaucoup mieux si le salaire médian
était plus élevé.
Je crois. Mais cela suppose que l’on favorise le développement
d’entreprises à croissance rapide qui réalisent des économies
d’échelle et peuvent donc verser des salaires plus élevés.

Notes de lecture

Comme chaque semaine, vous souhaitez nous faire part de vos


lectures…
Je voudrais cette semaine vous dire un mot d’un débat qui
occupe actuellement beaucoup les Espagnols. Il s’agit d’une
proposition du parti conservateur, aujourd’hui dans
l’opposition, qui voudrait faire payer moins d’impôts aux
femmes qu’aux hommes. Ce projet n’est pas une invention
d’un homme politique ou d’un cabinet en communication à la
recherche d’une idée qui décoiffe, c’est une idée qui a été
proposée par trois économistes réputés dont Roberto Alesina
(Gender based taxation and the division of family chores) dont
les travaux sont régulièrement cités.
Quel argument avancent-ils?
Toute leur argumentation repose sur une observation : les
femmes sont plus sensibles au niveau des salaires que les
hommes. Lorsque le salaire qu’on leur propose est trop faible,
lorsqu’il s’agit seulement d’un salaire d’appoint, elles préfèrent
souvent ne pas travailler. Ce n’est pas le cas chez les hommes.
J’imagine que cela tient tout simplement à ce que le travail
féminin a un coût, celui de la garde des enfants, de l’entretien
de la maison qu’elles doivent déléguer si elles travaillent et
qu’il y des situations dans lesquelles il n’est pas très intéressant
de travailler. Surtout si l’on tient compte de ce que ces revenus
sont imposés, qu’il leur faut payer des impôts dessus.
Baisser les impôts sur les femmes augmenterait les revenus
qu’elles tirent du travail…
Et les inciterait donc à travailler plus… c’est cela l’idée. Et nos
trois économistes d’ajouter que l’augmentation de femmes qui
travaillent compenserait les pertes fiscales. Au pire, il suffirait
d’augmenter légèrement les impôts que paient les hommes
pour compenser les pertes du fisc.
C’est plutôt une bonne idée, quand on sait que les femmes sont
moins bien payées que les hommes. Cela permettrait d’égaliser
les gains.
Oui… c’est bien leur objectif. On est dans l’application des
logiques de la discrimination positive au monde fiscal. Comme
on n’obtient pas des entreprises qu’elles paient les femmes
aussi bien que les hommes, l’Etat se substitue à elles pour
égaliser les revenus des hommes et des femmes.
Cela doit susciter des débats très animés…
Ah! Certainement. Ne serait-ce que parce que l’on voit
comment ce dispositif, s’il était adopté, créerait des gagnants et
des perdants : les gagnants, ce seraient les femmes célibataires
et celles qui ont de belles situations et qui vivent avec des
hommes qui en ont de moins belles, les perdants seraient les
hommes célibataires et les couples dans lesquels l’homme a
une belle situation et la femme une moins belle ou ne travaille
pas. Chacun peut assez facilement se situer dans l’une ou
l’autre de ces catégories.
C’est un projet qui va à l’encontre du principe de l’égalité
devant la loi…
C’est une de ses faiblesses, mais ce n’est pas la seule. Gilles
Sait-Paul qui a écrit un papier assez critique sur le sujet
rappelle que les célibataires sont de plus en plus nombreux et
que les comportements en matière de travail tendent à
s’harmoniser. Le salaire féminin est de plus en plus rarement un
salaire d’appoint. Il ajoute que le nombre de couples dans
lesquels la femme a un salaire supérieur à l’homme augmente.
Ce serait dores et déjà le cas de 30% des foyers canadiens.
Mais c’est une idée qui fait son chemin. En Italie, deux
parlementaires, l’un de gauche l’autre de droite ont déposé une
proposition de loi allant dans le même sens.
A ma connaissance, il n’y a encore rien de pareil en France,
mais qui sait ce que nous prépare notre Président qui ne
manque pas une occasion de nous surprendre avec des idées
qu’il sort d’on ne sait où.

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