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P I ER RE-YVES SOUCY
L im in a ire
Q ue l q ue s s i n g u la r i t és c o n t e mporaines
JEAN PARIS
son chaos, dès l’instant où elle porte la parole à son plus haut niveau
de lucidité, en un acte de donation de sens. La poésie est l’expé-
rience de saisie et de décryptage des choses et des événements,
plus précisément, de nos relations les plus avérées et éclairantes au
sensible. À toutes les époques, les chemins qu’elle trace apparais-
sent multiples, variés, et pointent des changements d’attitude signi-
ficatifs dans notre regard et notre écoute du monde. L’époque que
nous vivons, objectivement et subjectivement, ne manque pas de
configurations dramatiques, qui invitent à lui résister.
Chaque œuvre poétique réellement signifiante se situe dans l’his-
toire et en porte les marques. Jamais cependant une œuvre véri-
table ne se soumet entièrement aux conditions historiques, et encore
moins à ce qui se réduit à un motif local, puisqu’elle témoigne de
ce qu’il y a d’inaliénable dans les relations qui se nouent entre l’in-
dividu et le monde. Chacune engage le singulier, parfois le déri-
soire, et très souvent l’intime, comme dimension de la conscience
de soi et de ce qui nous attache au monde. Toutefois elle resterait
quasi sans effet, pour ne pas dire sans importance, si elle renon-
çait à se porter à la hauteur d’un langage universel, c’est-à-dire à
un niveau où ce langage pourra être rejoint par le plus grand nombre
– bien que de nos jours elle ne touche qu’une minorité infime,
même si elle est tenue pour considérable –, à un moment ou à un
autre, afin de le porter à une conscience commune, seul repère possible.
Toute expérience poétique donne une valeur à ce qu’elle tente
de saisir, ce qu’elle cherche à serrer au plus près de ce qui advient
et s’affirme, dépassant par là les simples réalités, pour ne retenir du
réel, des situations vitales, que ce qui doit être reconnu jusqu’en
leurs lignes de fuite. Tout comme elle se révèle en ce qui se constitue
dans le rapport et dans la reconnaissance de ce qui surgit et prend
forme au fond de soi, entraînant un mouvement de parole qui le
fonde.
Aussi, ce n’est que sur la base d’une réflexion aussi mobile que
solidement établie qu’il est possible d’apprécier, d’évaluer, et même
de discriminer ce qui se fait jour à un moment précis au sein de
P IE RRE - YV E S SO UCY
F R ANÇOIS RANNOU
U n e l e ttre
Cher Pierre-Yves,
chose, c’est que cette utopie qu’il a déployée soit retombée trop
souvent dans des performances fades et conformistes dans lesquelles
certains poètes d’aujourd’hui se complaisent… Il n’empêche. Puis
je mentionnerai la poésie qui explore les relations secrètes entre
langage, corps, identité (Bernard Noël, Mathieu Bénézet). Enfin
le courant « branché » sur le pulsionnel de la langue dont Prigent
semble le représentant le plus marquant. Ce qui me retient ici c’est,
au bout du compte, la richesse de ces tentatives qui, certes, peuvent
apparaître comme des voies sans issue parfois. Cela semble
« patiner » et tourner aux querelles formelles ou idéologiques. Mais
des outils ont été forgés, des expériences menées. Yves di Manno
ne cesse de le dire autrement dans son remarquable livre Endquote,
paru chez Flammarion en .
Notre monde a changé depuis la fin de la Deuxième Guerre
et nous voici pourtant toujours avec le sentiment que la non-signi-
fication du monde que révélait Camus n’a fait que se renforcer –
au moment justement où le sentiment religieux, sous des formes
extrémistes et / ou identitaires, renaît avec vigueur. Surtout depuis
que le capitalisme a gagné. Ne sommes-nous pas dans un relati-
visme généralisé : politique, économique, idéologique, philoso-
phique ? Ce que reflète le langage qui peu à peu s’est tellement
relativisé qu’il s’est vidé de sa force en se retournant sur lui-même
comme un gant ; il s’est transformé en filet dont, quoi qu’on dise,
on ne peut se défaire, pris dans un piège tel que pouvoir sentir
l’air qui bat librement sans que le langage, tout de suite, le recouvre,
l’étouffe (et avec quels déploiements rhétoriques !), voilà qui est
devenu le plus difficile (alors même qu’autour de nous tout est fait
pour qu’on communique sans problème…). L’omniprésence des
médias-écrans permet d’exercer un réel pouvoir anesthésiant tant
il est difficile de se défaire de la fascination qu’ils exercent. On
retrouve alors le sens du mot écran à son origine puisque dans le
dernier quart du XIIIe siècle, escren désignait un panneau pour se
garantir de l’ardeur du foyer… sans doute le feu qui éclaire la face
antérieure du langage a-t-il sur nos lèvres trop d’éclat et de chaleur
F RA N ÇO IS R A NN OU
Avec affection,
François Rannou
NOTES
A R M AND DUPUY
u n e s u it e s a n s
à Israël Eliraz
à Yaël Z.
Ou simplement c’est.
Un toit.
On n’a rien à dire, la fatigue. À bout, non, mais le poids plus un
poids, plus autre chose encore. À force, on ne sait pas. On n’a
jamais su. C’est que la tête ripe, voilà.
Les choses,
encore les choses et ce blanc,
dedans.
C’est-à-dire de la place.
Quelque part où tenir,
quand même.
On a quoi,
Des coups répétés, le bruit d’un foret. Les yeux ratent juste assez
/ le store bas. Des tirets seuls de lumière où je frôle. Et l’on se
demande toujours : poing fermé dans le ventre ou stèle ?
soudain.
Alors on a quoi,
longtemps.
A RMA ND D U PU Y
Matin –
Encore un peu.
rien devant.
Refaire.
perdu.
On attend toujours
je ne sais quoi plus que rien.
le repas.
mais roule.
A RMA ND D U PU Y
Le jour se fait, pas vite, mais se fait. Se lie. Les murs encaissent.
Autour, il n’y a pas de bruit, pas de vent ni de terre sous les coups
de burin.
Avec et sans
les muscles.
pas là.
On patine
sur le bois de la table.
Rien n’insiste.
Chaque ligne déplace le mur qui reste le mur. C’est peut-être qu’il
n’y a rien à faire. À peine un passage et tu dis ça... non.
Ça floconne dans ta langue, c’est tout. Personne ne voit. On dirait
que cette neige à l’envers – ce peu qui veut – ne compte pas.
Passons.
Le fil s’étire. À la limite, toute chose, même le mot tenté, fait mur
et ferme.
Si les portes [...] étaient nettoyées, bien sûr / si les portes que
verrais-je mieux que voir ? Mes mains, la nappe remontée, la fenêtre
sale. Des branches sur l’HLM, le ciel, le ciel et le reste.
Ce reste qui dans tout ça s’éparpille. Saisi mais peureux, mais mobile.
par où tu te tais.
Il n’y a qu’à…
non. Rester.
Le carré d’une fenêtre à l’étage.
Et tout ce qui dans le sang tache, bête vive en gros sel va brûlant.
c’est simple.
Il faut s’affronter.
UNE SUITE SANS
Coule un jour /
chape.
Tu ramasses le linge.
A RMA ND D U PU Y
mes chaussettes,
culottes.
Carcasse va,
Tu n’es pas là, donc je boite avec les choses. On pourrait faire la
liste, mais redire ne tricote aucun sens /
UNE SUITE SANS
Voilà,
Projet / démarche
Généalogie / influences
J’ai lu mon premier livre assez tard, vers dix-huit ans. C’était La Chute
d’Albert Camus, livre auquel je n’ai vraiment rien compris. Ensuite, j’ai
lu ce que j’avais sous la main, pour apprendre à lire, d’une certaine façon.
Puis j’ai découvert les journaux de Charles Juliet, vers vingt-deux ou
vingt-trois ans. Des livres dont j’avais besoin. Dans la foulée, j’ai lu tout
Juliet. Il m’a ouvert les portes vers d’autres auteurs, de proche en proche.
Mais on ne peut pas dire que ces lectures aient eu une influence sur mon
écriture. D’ailleurs, je n’écrivais pas. Il y a aussi ceux dont je suis l’œuvre
depuis quelques années : Antoine Emaz, Israël Eliraz, Pierre Bergounioux.
Pour ces derniers, je ne me demande même plus si le dernier paru est
bon, je l’achète. C’est comme faire une famille. C’est bête. On fait route
avec. Mais je ne sais pas s’il faut parler d’influence. Sans doute un peu,
inévitablement, mais ce sont surtout des écritures nourricières qui viennent
RÉPONSE D’ARMAND DUPUY
V I C TOR MARTINEZ
A g r é g a t de f a ce
et le retour au sol
comme on heurte répété
affranchit le poids
torchon de puissance
étrangle la glissière
réintégrer le soleil
calquer la poussière
saler la poitrine
rendez l’air
rendez l’air et
sautez la hache
acéphale de l’eau
attraction sans terme mobilité de l’impact
dissout la totalité du volume
lève le fond disparu
désoriente la place
augmente le volume
creuse la cible enterrée
couple les explosifs
sans opérateur
nettoie la position
par plaques
défragmente l’air
haches la représentation
agrégat de face
RÉPONSE DE VICTOR MARTINEZ
Sans doute il n’y a pas à s’expliquer sur l’écriture poétique, tant nous
manquons d’œuvres et débordons d’auto-contemplation et, plus authen-
tiquement, de limites (cela vaut pour l’auteur de ces lignes). Le lien direct
de monde à monde, la transfusion pleine et sans marge du livre à la nature
et de la nature au livre, nous en perdons la frontalité et l’invisibilité, ce
double rapport incohérent et inconstruit dans lequel il faudrait en même
temps nager et nous observer du bord de la piscine, sans qu’il y ait lieu
de formaliser ceci : que l’objet dont il est question n’est pas un rapport,
mais une absence de rapport ; que c’est là que va la poésie, et, l’objet
dégagé, ou rémané, dans sa face sans identité ni genre, elle en repart,
ayant relancé un sol en fractions et éventuellement accosté de l’autre (ce
qui n’est nullement nécessaire). Être l’imbécile de la langue, réfractaire
à l’expédient, sans mobile et sans lieu, être un impair, ne saurait consti-
tuer une mauvaise affaire. « L’imagerie extérieure, explicative, est incom-
patible avec le mode d’existence de l’instrument » – ce propos de Mandelstam
n’aurait pas un commentaire de sortie.
P IE R R E M É NA RD
Né en et vivant à Paris, ce bibliothécaire anime
régulièrement des ateliers d’écriture et de création multi-
média. Il participe au comité d’orientation et publication
de Publie.net et y anime la revue de création D’ici là. Depuis
, il a publié Le Spectre des armatures (Montréal, Le
Quartanier, ), En avant marge et En un jour (Publie.net),
ainsi que Quand tu t’endors (album illustré par Mini labo,
Arles, Actes Sud Junior, ). Il a participé à deux ouvrages
collectifs, Il me sera difficile de venir te voir. Correspondances
littéraires sur les conséquences de la politique française d’immi-
gration (La Roque d’Anthéron, Vents d’ailleurs, ) et
Écrivains en série, un guide des séries, - (Paris, Léo
Scheer, « Laureli », ).
P I ER RE MÉNARD
L a nui t li ta n i e
Avec l’air d’avoir en lui absorbé toutes les nuits. Pendant que les
enfants jouent, nous, à quoi jouons-nous ? Et ça ne sortait pas,
comme coincé dans les plis du front. Alors, le bras sur son épaule.
S’il fait beau on est là, y’a des trains qui ne bougent pas. Et comment
c’est déjà de ne pas être ici ? Je ne voulais pas faire de bruit. Dans
les endroits inexplorés vois-tu passer tes nuits ? Les ombres ont pris
la tangente avant l’aube. Nous avons emporté les clés misant tout
sur le cardiogramme pour goûter, un instant, au bonheur, en passant.
Le ciel a fait son temps, on ne pense pas à ça, je suis toujours
surpris. À rêver de confort sous l’amiante. Et ça suffisait bien, comme
le soleil l’été qui vient vous chercher le matin. Surtout si c’est
dehors, le souvenir du lendemain. J’ai vu de près ses yeux qui
souriaient, ses ridules chassant l’écume, la joue brûlante. Et tu ne
sauras jamais ce qui le travaillait, seule la nuit ne veut pas te lâcher,
mais tu t’en vas toujours. Fais-moi revenir au monde.
Une personne n’est pas, comme je l’ai cru, claire et immobile devant
nous avec ses qualités, ses défauts, ses projets, ses intentions à notre
égard (comme un jardin qu’on regarde, avec toutes ses plates-bandes,
à travers une grille), mais une ombre où nous ne pouvons jamais
pénétrer. Une forme originale portant la marque et l’empreinte
personnelle de l’auteur. Mais nous nous représentons l’avenir comme
un reflet du présent projeté dans un espace vide, tandis qu’il est
le résultat, souvent tout prochain, de causes qui nous échappent
pour la plupart. Dans un lieu qui reste inconnu. Un peu d’in-
somnie n’est pas inutile pour apprécier le sommeil, projeter quelque
lumière dans cette nuit. Rêve étrange dans une ville déserte, d’im-
meubles vides en ruelles désertes, avec cette question en suspens.
Plusieurs fois il répète : « Je m’offre en sacrifice. » Et moi je ne
sais pas quoi dire. Ma barbe pousse, c’est tout.
P IE RRE MÉ N A R D
Car l’essentiel n’est pas là. Juste un titre qu’on oublie. Sur le bout
de la langue. Une fraction d’éternité. Sans trouver le mot juste.
Juste un mot à dire. Parler pour pallier le sillon qu’on a creusé
toutes ces années. Plus tard les mots se posent. Je veux dire : rendre
la vie lisible à vouloir les sauver ces mots qui cherchent leur chemin
dans le silence de ce café bruyant. Vouloir changer les gens. Et
pourquoi ? J’écris comme on assemble des puzzles. Au départ le
déclic n’était pas celui-ci. Un premier pas pour le rendre vivable.
Le silence entre le début et la fin confondus, dans les marges des
livres qu’on ne lit plus. Dans la rue où la nuit (dernière de l’année)
tombe, tombait.
l’oubli dans l’âme de ceux qui l’auront appris. Mais, même muette,
la parole – ou le corps – n’est jamais tout à fait à soi. Pas loin de
glisser dans le vulgaire. Ça déraille souvent à la lisière du néant,
ça tonitrue en toutes langues, on y change de monde comme de
braquet. Pour un début, c’est une réussite. Vous n’avez pas le sens
de l’ennemi. Mais je ne le sais pas, et suis resté quelque temps sans
le savoir. La confusion c’est l’oubli de la langue. La suite de l’his-
toire est connue.
Sur le ciel, qui semble tristement rêver, plus d’ardentes lueurs. Les
fantasmes. Les fantômes qui viennent l’après-midi, quand on dort,
et l’on rêve d’être des enfants. Mais je vous passe le relais. Vous
connaissez le chemin. Les gestes résignés. Les gestes qui contien-
nent une implicite excuse et ceux qui feignent d’être hautains. Les
gestes qui savent qu’il n’y a rien à faire. Les gestes silencieux qui
s’isolent. Il apparaît soudain que ma présence ajoute au tableau
une touche délicate. Derrière la vitre du train retour. La nuit tombe.
Soleil couchant. Nous qui sommes tout entier recroquevillés dans
nos rêves. Il y a quelque chose d’obscène. Les fantômes viennent
dormir l’après-midi comme des enfants, quand on était enfant.
Les sources de la nuit sont baignées de lumière, pas dans les mots
de la plainte. Elles sont dans la répétition des mots de la langue.
Elles sont cette répétition. Rire d’une même impulsion, d’une même
pulsation. Retourner la lumière et parler de ces paysages fuyants.
C’est une étoile qui nous suit. À rebrousse-poil, à rebrousse chemin.
Et cet endroit de mémoire qu’on savait sien avant de l’aborder.
Les images que l’on fait avec la volonté d’archives pour le futur
ne nous enseignent pas tant sur le passé, mais davantage sur l’in-
certitude de l’avenir. On voit plus nettement son âme dans des
espaces qui n’en ont pas. Apprendre à voir et à entendre, tel est
l’enjeu. La langue tout entière est lumière.
C’était mon endroit préféré. Je m’y installais pour lire. Pas le temps
aujourd’hui. Déjà l’aube grandit où surgissent des feux qui brûlent
doucement. Et elle fait trembler tous ces ors et ces gris, tandis que
doucement, tendrement, en secret, les nuages bas à l’horizon font
leur révérence. Vous avez éliminé la concurrence. L’impalpable
réseau des toiles d’araignées. Voyez où cela vous a mené. C’est
merveilleux de finesse, de sensibilité et d’intelligence. Dans la nuit
parfois restent fixées les étincelles de la lumière. Cela est et personne
ne sait quoi.
On n’a donné aucun ordre contre ça. Je propose d’appeler ici douceur
l’ensemble des puissances d’une existence libre. Cependant, dans
ce combat très particulier que nous livrons, tous les moyens ne
sont pas bons. Dans ton combat contre le monde, seconde le monde.
Ses décrochages, ses pièges et ses alliances. Définition générale,
mais non vague, si l’on veut bien y réfléchir. Tâchons de n’être
pas indigne tout à fait de cette exhortation. Moi si tu veux quand
j’écris c’est comme si je te parlais, c’est comme si quand je te parle
c’est l’écriture qui se fait, elle se fait comme je te parle, j’attends
à chaque phrase tes réactions, à chaque moment d’écriture. Mais
pas au mot près. En dessous d’eux. Vous qui empiétez sur vous,
à nuit déroulante, vous vous tourmentez encore. Une attente qu’ils
ne peuvent satisfaire. Sa douceur, c’est celle d’une chair où tous
les mots, les siens et ceux des autres, laissent une marque.
LA NUIT LITANIE
Ici, vos talents prennent vie. Vous aimez les gens. Vous êtes ambi-
tieux. Vous êtes polyvalent. Goûtez la différence. Ni poussière ni
fantôme ni même image, mais une pause infinie. Pour fortifier ce
qui est derrière, caché. Je suis navré de le dire si mal, mais j’ai
l’impression, comme lorsqu’on tire en arrière du front et des tempes
les cheveux, que je tire en arrière cet après-midi, gris, clos et sombre,
sous un ciel désespérément immobile. Vous êtes disponible. Il n’y
a personne ici, plus personne. C’est le moment de prendre votre
avenir en main. Des volets clos sur des fenêtres aveugles. Debout
dans l’embrasure d’une nuit sans voix, désirant, tu cherches souffle.
Quand on y regarde de plus près, on découvre que cette présen-
tation est incomplète. Vous êtes sérieux. Vous êtes créatif. Une
salle obscure, un décor, pour la première fois refusant de se prêter
au jeu. Des rues, une nuit, vides. Rester ouvert.
toute allure. Fasciné par les reflets fugaces de ce dont nous pres-
sentons que nous serons un jour à jamais séparés. Néanmoins étroite
est la voie entre les constructions abstraites où la pensée s’égare.
Plus la moindre envie tout à coup. Ce simple changement de rythme,
passagère baisse de régime, virgule, et la machine s’enraye. Le disque
saute, chanson interrompue brutalement. Machine arrière ? Le temps
tire de la nuit chaque découverte. Les yeux clos. Sous nos paupières
fermées dansent les points de vue fragmentaires, contradictoires,
aléatoires du jour déjà lointain.
La nuit s’achève, les mots tus nous rendent aux babillages sociaux.
Dans un bar, on ne s’aperçoit qu’il y a de la musique que lorsque
le disque se met à sauter. Pour qu’on le remarque, pour qu’il soit
là, présent, vivant. Je ne pensais pas les heures glisser si vertigineuses
vers un chaos de fin des temps. Déplacez un mécanisme dans ces
rouages et tout tourne à l’envers. Pour combien de temps suis-je
voué au fini ? Ne cherchez pas de ce côté-là, vous ne trouverez rien.
Si ce n’est la force de celui qu’il affronte. Plein de recoins, pièges
et surprises. Je n’ai jamais aimé les grands mouvements qui ne disent
rien, les choses artificielles, ça ne raconte rien. Plonger dans le noir,
c’est s’immerger dans la fiction. Ivre de sons, les sens défaits et ravis,
à travers le rythme, la stance, ses silences, ses vitesses et ses lenteurs.
Parfois des riens en apparence, non sans rapport avec l’image dont
tu te saisis d’un figuier en fleur, et pour y faire front, des rêves,
des chutes plus ou moins volontaires, celle d’un corps qui pense,
jusque dans ses extrémités, peuvent surgir comme la nuit en plein
dos. J’entends un léger plic ploc dans mon rêve. Le printemps là-
bas s’ouvre comme un rasoir. Un écart où s’étrange le je, ce qui,
du coup, permet une véritable lecture. Elle s’étend à perte de vue
dans la plaine jusqu’à un ciel blanc compact et sans lumière. C’est
dans cet espace-là, qui reste sans cesse à créer puisque compte, plus
que le récit vrai, sa traversée. Cela dit, même si dans cet enchaî-
nement rythmé de signes, rien n’est pris à la légère, en fait l’insi-
gnifiant n’existe pas. Comme de l’encre de Chine sur la marge
humide de la première page. Rire, pourfendeur d’ombre, chas-
seur d’obscurité ?
Bien entendu, par la force des choses, il m’est arrivé de-ci de-là
de participer à l’agitation générale. On sent bien que ce n’est pas
une question de confort. C’est ainsi que je rêve d’un pays qui serait
le mien. Que reste-t-il sinon la fraîcheur d’une main qui se retire
d’un visage brûlé par le soleil incandescent ? De nouveau je me
trouve dans l’obligation de conquérir et de protéger ma liberté.
Une ombre évanescente, un reflet inconstant. Les murs de ma
chambre ont une ombre sans cesse différente. Je n’ai vu passer
qu’une forme dans l’ombre. Je dois combiner, prudence des dépla-
cements. N’exprimant rien, il n’exprime pas davantage la joie que
ses contraires. Tu quittes la fenêtre où tu explores une autre nuit.
On ne part pas. Mais on s’en va. Ne pas se retourner. Rien ne
résiste au travail et à l’humilité.
D O M INIQUE QUÉLEN
L in ge s d e s i g n e s
VOIX A VOIX B
alors seulement, & pour la seconde fois — alors seulement, & pour la seconde fois —
D OM IN IQU E Q U É LEN
VOIX A VOIX B
& le fils baignant dans le sang du père — & le fils baignant dans le sang du père —
il a d’abord surgi —
radieux, le slip à la main —
chose boueuse, terreuse —
oh oui, bien —
tu aimes ça ? —
& zon ! & zon ! sur les épaules —
sur la peau & les croûtes arrachées — crache ! recrache ! urine & ordure ! —
un réservoir de coups —
mille, dix mille —
ouvre le tronc —
le terroir de tes excréments —
va, va, vierge spectrale — ah, vi-pè-re ! —
il se repent — ser-pent ! —
cours le revêtir, sa vie dépend cou-leu-vre-vi-pé-ri-ne ! —
[des Érinyes —
VOIX A VOIX B
dominé de la tête & des épaules — dominé de la tête & des épaules —
ton père la violence —
portée sur toi —
sa main tenait l’oreille —
oh oui, bien —
la main tenait —
portait sur lui l’oreille —
tu as l’âge, bon garçon — pas grave —
ton père —
en homme —
gros garçon — la grandeur —
ton père aggrave les dégâts — tombée dans l’herbe humide —
&—
gelée —
& dégradante & aigre —
bon garçon encore enfant —
VOIX A VOIX B
laiteuse —
un peu —
grasse —
& molle — chant —
sale gras crachat chaud —
suinte décharge —
orphée — orphée-pauvre —
en sexe —
& en langue —
sur sol plat —
tête & corps — &—
de ta gorge —
monte un chant propre & parfait — monte un chant propre & parfait —
la langue —
recousue —
les mots du nez, des narines —
oh oui, bien —
tout est flux, perte, cycle —
vidange & vieillir —
trempé, température interne — sentir, exprès —
très élevée —
passage & fuite —
la terreur —
mettre nu, apprendre —
homme fait — ordre —
au bras ankylosé — & propreté —
dégradation —
touche —
doigt froid
ampoule douze watts —
RÉPONSE DE DOMINIQUE QUÉLEN
Démarche / projet
Influences / généalogie
S É V ERINE DAUCOURT-FRIDRIKSSON
c ô té mo u r
(Extraits)
c’est gratuit ou pas cher en tout cas pas plus que l’un que l’autre
n’aie pas peur
elle veut partir partout par tous ses grands et petits moyens
et moyennant sa part de grandeur d’âme
t’as mis ton grain de sel t’as fait mouche t’as prendu ses
S ÉV E RI N E D A U COURT-FRIDRIKSSON
Démarche d’écriture ?
Quelle filiation ?
M AR C BLANCHET
Po r tr a it d ’u n j e u n e h o m me
e n tr a in d e m o u r i r
(Extraits)
Substance II
Oh terreur ! À travers
L’extinction des heures
File ce rien d’oiseau
Aux ailes liées.
Une flèche
Et le silence creuse sa tombe
(Ô la voix :
Mienne d’être terrifiée !)
M ARC B L A N C H E T
In paradisium
Pair impair
Substance III
Montée au ciel
Cartel
Noire vêtue
Veillée
Tableau de famille
Geste
Le projet, la démarche ?
les effets de miroir des images : et encore ? Encore : au-dessus des noms
& des références : au-dessus des intentions-pas-moins-vraies et des travaux
exhibés : la grande copulation du tout dans le grand Tout ! Et là-dedans :
mon corps de petit singe imaginatif.
B ÉA T R IC E B ONH O M ME
Née à Alger en , après des études à Nice au Lycée
Masséna, elle est agrégée de Lettres modernes et enseigne
la littérature française, d’abord à l’université d’Aix-en-
Provence puis à celle de Nice. Elle est responsable d’un
centre de recherche sur la littérature, le CTEL. En ,
elle a créé avec Hervé Bosio la revue NU(e) qui compte
à ce jour quarante numéros, tous consacrés à des poètes.
Elle a publié des recueils de poésies et divers volumes d’es-
sais critiques, notamment sur Pierre Jean Jouve, Jean Giono,
Salah Stétié et la poésie contemporaine. Derniers livres
parus : Cimetière étoilé de la mer (préface de Claude Louis-
Combet, Colomars, Mélis, ), La Maison abandonnée
(postface de Bernard Vargaftig, Colomars, Mélis, ),
Mutilation d’arbre (Nice, Collodion, ) et Passant de la
lumière (L’Arrière-Pays, Jégun, ).
B É AT RICE BONHOMME
A cq uis p ar la lu m i è re
si on pouvait s’arracher
cette peur, cette panique
au centre du cœur
et vivre dans l’agréable idiotie des algues
si je pouvais rassurer
un vol d’hirondelles
et sentir battre le cœur
d’un oiseau
avant qu’il n’éclate
si vulnérable
bat au cœur intense
le matin des doryphores
aux poils rouges
les minuscules radis
aux pointes de fraises
et la feuille écarquillée de la vigne
avec son battement de vie
C L AU DE FAVRE
S c or ie s, s c o l i e s & s c a l p s _
o u c om m en t La o c o o n
précipits_
Épidémies
Balballadmal
un rire pend
C LAUD E F A V R E
Bégaiements
impeccable extérieurement,
S CORIES, SCOLIES & SCALPS_ OU COMMENT LAOCOON
Nœuds de conversations
Abattoirs
Épidémies de bégaiements
_Mein Kampf offert par Hitler aux jeunes couples tout juste
mariés Mein Kampf écrit en braille Mein Kampf lu entendu et
relu tout est possible
C LAUD E F A V R E
Apodémies
Sans épilogue
Premiers larcins dans le journal à quatre ans & ça dure à l’envers qui
science ne sera. Bouche ouverte à gober beaux les signes qui se font la
belle la vie, qui ébrèchent le monde d’apparences. Coup de tonnerre,
R ÉP ON SE D E C L AUDE FAVRE
des mondes à déchiffrer, la vie c’est d’écritures, sentiment que la vie est
là, comme le sang afflue sous la robe nerveuse d’un cheval alezan qui me
détournera des lectures.
Puis pulsions de rapts de paroles pour respirer d’autres mots que les miens
me rendent dingue & ça dure. Bagarres jusqu’au sang pour questions
étymologiques.
Mais peur batailleuse des livres. &, au ban, peu. Sinon Alice aux Merveilles
me rend zinzin, & un livre illustré de science-fiction édité à Moscou
offert par une grand-mère très coco.
Plus tard Conrad. Kafka me mit au silence. Villon, Goya, Rimbaud,
Corbière, Laforgue, Norge puis Ponge mais bien sot animal qu’écrire à
pas savoir ni parler ni lire. Des romans, Biély, Schulz, Lins, Gombrowicz
puis Borges & surtout Canetti & Rabelais. & toujours la colère d’Achille.
Tard contre coups & blues quelle meilleure gourmandise que les manuels
de langues, surtout anciennes & d’horizons variés. Bouleversée par le
travail insolent & joyeux des comparatistes, Vernant, Detienne, Ollender
puis Malamoud. & Charachidzé, d’où Dumézil, n’en déplaise aux doxas.
Là, sous la peau, & tous les jours, mes influences & mes stimulants.
Encouragée dans mes détours par leur curiosité expansive, penser avoir
le droit d’écrire parce que devoir poursuivre par grammaires la langue
qui sait. Au scalpel.
& d’avoir comme rencontré Mandelstam il y cinq ans, alors, curieuse-
ment, oser. & Caravage.
Aujourd’hui, dettes envers Dominique Fourcade, Didi-Huberman & Vassili,
peintre boucher à la bouche d’or mon amour, mes amis-sans qui le cœur
ne bat- & tous les contemporains, qu’ils accompagnent ou agacent.
CH R IS TOP HE M AN O N
Né en , vit et travaille à Paris. Il tente de placer son
écriture au point de convergence de la pensée, du poli-
tique et du chant, dans ce qu’il appelle « lyrisme de masse ».
Il a publié récemment L’Éternité (Limoges, Dernier
Télégramme, ) ; Fiat lux (Paris, Mix., ) ; L’Idieu
(Paris, Ikko, ) ; Protopoèmes (Saint-Quentin-de-
Caplong, Atelier de l’agneau, ) ; Univerciel (Caen, Nous,
). Il a participé à l’anthologie Le Jardin ouvrier
présentée par Ivar Ch’Vavar (Paris, Flammarion, ).
Depuis , il a collaboré à de nombreuses revues (Fusées,
Java, Le Bout des bordes, Action poétique, Exit, Le Jardin ouvrier,
Ouste, Boxon, Grumeaux, …) et se produit régulièrement
dans des lectures publiques en France et à l’étranger. Il co-
dirige les éditions Ikko et la revue MIR avec Antoine Dufeu.
C HR ISTOPHE M ANON
Q ui -v ive
(Extraits)
Avant-propos
Ainsi les mots des morts tendent à ceux qui vivent les fils d’un
amour invisible et sans bornes.
Chant
*
QUI-VIVE
pans de murs des immeubles éventrés dont les papiers aux couleurs
pastel se décolorent peu à peu, sur la surface unie, grise et lente
du fleuve où les gouttes font éclore de petits ronds argentés, sur
le paysage tout entier composé dans une gamme de couleurs grisâtres,
sur le cercle des collines sous lesquelles achèvent de pourrir les
corps déchiquetés de centaines d’hommes et de femmes, sur le
paysage grisâtre, sur les immeubles grisâtres, comme si tout, paysage,
immeubles, collines, était défoncé ou plutôt écorché par une herse
gigantesque et cahotante, ne laissant subsister derrière elle rien d’autre
que quelques pans de murs et quelques troncs d’arbres mutilés
desquels semble sourdre au ralenti une sorte de vie larvaire, morne,
comme hébétée.
M I C HAËL BATALLA
C umul u s
[dix petits poèmes purs]
des loirs nichent •. leurs griffes sur la matière quand ils « rentrent »
dans le doublage •. l’isolation[BA + cm de polystyrène] du mur sur la rivière
noir d’hiver au-dessus du lit .• le milieu •° la nuit –– le composit’ronron ––
– une louche .. pâte à crêpes renversée sur le sol • flaque
luisante un rien grasse • grumeaux englués
– – radiographie d’une souris grise . squelette ceint de pénombre hyaline
le père .* orienté vers le nord : Accumulation
cependant que la pluie fine °.
la forme des pieds s’évapore « à vue d’œil »
M IC H AË L B A T A LLA
au contact de l’air
une morphe (morve)de solitude
les terminaisons excitées *• saisons x[iks]
le protocole de datation s’est encore une fois ef.(v)
impatience °°°°°° °°°°°°°°°° °°°°°°°°°°°°°° °°°°•.
•• plantureusement bénéficiaire
distance * implication faible
réservoir de taille-crayon .°¨ glob’monde °.: cylindre transparent
relativement aux énoncés .•• aux « festons » multicolores des copeaux
– parler de formation . de ruines de cathédrale . de lanternes . de fleurs
il s’agit bien d’un phénomène . d’un linteau
•° d’un corbeau °° d’un piano °• d’un pianiste
d’un concept à l’autre :. commercer
un éléphant en pièces détachées
un ustensile
– des frottements amoindris –
une hélice accidentée tout’ cabossée (tordue)
CUMULUS
Projet poétique
Au fond, je pense que le mot poème est une synthèse non-vide – que
donc, au bout du compte, poème, ça ne veut pas rien dire. C’est le point
de départ de ma pratique. Dès lors, la question se pose de savoir quoi
faire face aux deux principales factions de l’époque qui rejettent le carac-
tère consistant de la notion : d’un côté ceux, minoritaires mais relative-
ment organisés, qui ont décidé (pour des raisons à la fois variables et peu
claires) que poème ne veut plus rien dire ; de l’autre ceux, étonnamment
majoritaires, qui ont du poème une conception éculée tenant lieu à leurs
yeux de référence normative. Mon « projet » est de répondre à cette
question, plus ou moins nettement et avec plus ou moins de réussite
selon les circonstances, au moyen des poèmes que je compose.
Généalogie
A NT OINE DUFEU
E s q uis s e d ’u n e c o m m o t io n
Éthopée tronquée
— Il m’arrive
à n’importe quel moment
du jour ou de la nuit
de marquer le pas,
dégoûté,
de l’espoir ou du volontarisme ;
des miens plutôt que de ceux
de notre genre humain !
Bien entendu
je souffre.
Comment pourrais-je le nier ?
Souvent je ne distingue
nul avenir au monde
même si je sais
qu’un monde existe,
même si je pense :
le monde existe.
je souffre.
Incroyable à quel point je souffre.
Je souffre et vois
car je suis voyant,
le monde ;
je m’entraîne,
je me perfectionne :
je suis né comme ça
et m’en félicite.
Dorénavant je ne fais plus
que m’en féliciter.
L’époque confiscatoire de mes facultés
d’être intelligent et libre,
intelligent et libre
à l’égal de tout un chacun
s’est achevée à des années-lumière d’ici.
Vrai :
le ciel des libertés et des droits
s’est assombri
depuis des décennies,
sous les coups de butoir répétés,
partout dans le monde,
de lois restrictives ou répressives,
sempiternels signes efficaces
de périodes
terribles.
Je souffre
et lorsque je n’ai envie de parler
à personne
je me retranche dans le confort
du temps présent,
hésitation entre agonie et hystérie, semée
de fâcheuses angoisses.
Je souffre :
nul ni presque rien
ne se préoccupe aujourd’hui
du présent de demain,
indispensable espoir
en des jours et des nuits radieux.
Je souffre au point de me sentir parfois
anticipateur égaré,
personnification actuelle du juif errant.
Je le sais : concevoir les infinis
banalisés,
ESQUISSE D’UNE COMMOTION
c’est concevoir
l’égalité politique toujours possible
donc réalisable au quotidien.
Nous en sommes loin.
Je souffre ou je crève
de vivre ne serait-ce qu’une seule lutte
d’une échelle même microscopique
pour l’émancipation et l’égalité des gens,
en ces pays et ce monde où l’idéologie régnante manifeste
la peur de l’enfer comme lieu du paradis
au mépris des enfers réels,
omniprésents.
Je souffre pourtant
je sais :
rien
ni
personne
n’annihilera jamais
l’esprit de la révolution
fondé sur
l’égalité de tous et de chacun.
R ÉP ON SE D ’ A N TO INE DUFEU
. Mes influences sont multiples et de toutes les époques. Je lis avec autant
de passion de la poésie, de la philosophie, des textes de vulgarisation
scientifique, etc.
MA T HIEU NU SS
Né en , il dirige la revue Boudoir & autres et contribue
régulièrement aux revues Po&sie et CCP. Il a publié (une)
Affirmation (Neuilly, Ragage, ) et Agio (Elne, Voix
éditions, « Vents contraires », ) ainsi que trois livres
à tirage limité : Apartés, avec Jean-Marc Scanreigh (),
Al mano, avec Georges Ball () et Abeilles finissantes,
avec Jean-Louis Fauthoux (), tous trois chez Daniel
Leuwers.
M AT HIEU NUSS
A bs e n té i s me - a ct i o n
… j’ai beau et j’ai beau…, déjà éclipsée par d’autres tâches, l’écri-
ture ne fabrique que son nulle part, et d’autant plus quand elle sait
défaire son propre savoir-faire ;
ABSENTÉISME-ACTION
— cesser ;
Absentéisme-action
qui pratiquent le vent au dos (& dessous dessus des vertus envi-
ronnent) localement les phrases s’encalcifient
d’où se surveiller seul dans l’âge avec l’âge d’un tel rétro-contrôle
cérébral performant de plus en plus
ABSENTÉISME-ACTION
ce type d’altitude & lié son réel besoin de nuages affirme l’essor
(religieusement parlant)
M ATH IE U N US S
air & son artisanat sans autre possible & faille d’été donnant crevasse
l’hiver (quelque chose ayant une face pratique) tel ce qui affouille
en partie par glissements
de dire comme notre ciel est & court agrégé bien en place endu-
rant encore malgré les générations de dépressions
-oir premiers venus (sans bien les tenir à l’œil) (bourrage bref
de crâne) ne suis
(identification rapide d’un individu par ses épis parmi d’autres sur
la tête ou sa lutte dans sa tendance fâcheuse à l’embonpoint)
M ATH IE U N US S
une partition plus alerte se précise de vents fauche les mégots morts
Un projet ? Je ne sais trop – drôle d’idée – j’y suis aveugle à plein temps.
Même sous la forme d’une question, le terme « projet » est pénible. Je
botte en touche. Au mieux, c’est toute une existence qui répondrait à
un projet ou à une quelconque démarche. Au temps t, il n’y a que l’échap-
patoire à l’empêtrement, l’état d’attention qui remet en cause, l’écriture
qui convoque à chaque fois qu’une sérieuse difficulté (nœud) dans l’ex-
pression orale se présente. L’attente aussi, qui crée un encombrement
intérieur. Nul projet qui se dégage, mais des livres parfois, écrits un à
un, faits de forces extra-conjonctives, des livres qui doivent atteindre progres-
sivement une esthétique bien particulière, et qui s’achèvent dès lors que
je n’ai plus rien à en faire.
Quelles influences ?
F R ANCK FONTAINE
P re m ie r om bi li c de la da n s e *
au x de ux A.a.
Pâlir comme un crâne, une dépêche sous les yeux inquiets du lisant.
Retourné sous la marge avec un grand front d’empan usé pour
constater que tout est retombé dans le parc :
le grand drap blanc, l’anguille, le fait, et serpentant entre les briques
un panonceau et une relique où l’inscription a désherbé le reste
de sens. Acte lancé dans l’apparent : les yeux, encore, après lisant,
soupèsent une marche prononcée sans accompagner le toucher.
Celui-là qui fut placé sur le côté droit de la fenêtre percée donnant
maintenant sur le cloître amoindri par la place publique :
XXXI. le bouffon
De quoi en faire,
Si c’est de qui
Qu’il pensa
Plutôt ? Avant d’en faire.
Branche d’amandier plia.
Le printemps danse
Comme toi
D’errance
D’en faire un toit
PREMIER OMBILIC DE LA DANSE
L’utile, en ce cas, dit que pas n’est de pan. Nous avions cru à la
première lecture qu’il était agenouillé, finalement, comme le dit
M.J. : « Ce n’est pas la posture qui importe, c’est le moment de
la surprise. Comme tu le vois ici, nous sommes tombés sur ce que
nous constations comme plus forts que nous, mais cette histoire
de force n’a aucun sens. Je crois qu’il est question de morve, de
séparation, d’organisation sociale idéale, on apprend trop tard que
les plus fervents sont aussi les moins dignes et ils sont légion en
pensant qu’ils n’en ont pas. »
Une sorte de danse dans l’éventration.
XVIII. le noble
XXXVIII. la paysanne
Retour du bois
Retour du pré, la chaufferie
Nul aplomb qui se dénie
D’être au chaud foulant la terne
impression meuble que voici
Mourir de ça n’est-il question ?
Ma réponse vaut bien votre raison
D’écrire à l’oraison des bêtes
Entre mes herbes et ma maison
PREMIER OMBILIC DE LA DANSE
XXXIX. l’enfant
*
x répondait à y : « Est-ce encore un enfouissement, un amas.
Maintenant que […] maintenant qu’ouvert ne correspond pas à
ce que nous ressentons, découvert peut-être, couvert de nu de
nouveau, à nouveau nu et fermé. […] Il faudrait que tu soulèves
encore un peu plus longtemps pour que je puisse introduire un
faisceau de lumière minimum. L’observation se fera par intermit-
tence mais cela devrait suffire pour entr’apercevoir tout ou partie
d’un ou de plusieurs éléments, spécimens, morceaux. […] On dira
qu’on contemplera la somme en nous, ce soir, comme en font de
même les cracheurs de feu. Bouches cousues. Sans grades et sans
gardes. […] Buchoz dans son traité de flore prescrit l’écrasement
de fraises sur le visage pour passer la nuit et conserver un teint
immaculé. Je sais que tu imagines, si cela avait l’efficacité escomptée
et entière, le soin qu’il faudrait apporter à l’étalement des fruits.
Rigoureux et plat comme ce que tu soulèves en pensant arracher
tout ce qui s’est interrompu depuis déjà longtemps. »
En reprendre.
[¶
La chose n’est pas dehors, elle est à l’intérieur du dehors, pas d’aven-
ture, l’extraction suffit.
De point il s’agit, x ou x. y ou y.
De plus comme ceci : x. ou x, y. ou y.
La nomenclature n’a pas été respectée à la lettre, mais que vouloir
à ce boulanger-dessinateur qui a relevé les restes présents de la
danse.
La désuétude fait que l’objet n’a plus d’objectif. Identique aux cadavres
stockés dans les boîtes à chaussures de bord de quai ou du pont
du bateau. Aucun refrain. Pas d’oracle du froid, pas d’oracle. La
politique, le papier, le micro, le discours, la voix portant elle aussi
les relents lucides de l’in-dépassement de la définition de la liberté
dans son jeu au concept d’une égalité invalide. Cette modernité
métallique, sa peau de choix entre la soudure des voix et la couture
des lèvres. Que cela fut recopié dans le livre d’anatomie, c’est l’opus-
cule à la fin du premier volume, rien que des os, encore chauds
pense-t-on d’être ainsi enfermés dans la maison qui est constituée
justement d’eux. mai . Nous traversons le fleuve jusqu’au
centre avec la statue enveloppée de plastique transparent. Deux
bières allemandes et quelques souillures sous la table. On retour-
nera vers heures à l’exposition, on y tient avant le retour sur
Belfort puis Mulhouse. Finalement, le crochet vers l’Allemagne a
été productif. Stuttgart n’a rien perdu du souvenir qu’elle avait
laissé. J’admets ce que j’y avais perdu : j’admets la lecture de Goethe
que l’on avait cru y faire, encore bouche bée sur le plateau.
On reprend, tant qu’à voir comment rien ne se contourne.
De mettre ensemble implique un désordre qui donne du temps.
RÉPONSE DE FRANCK FONTAINE
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L’étrangère, n°
- , « En guise d’ouverture » ; ,
« De toutes parts » ; , « L’éclat de l’étrangère » ;
, « Le livre des fluides » ; , « Histoire
illustrée de l’Invisible » ; , « Chaussées chaussées » ;
, « Mythologies » ; , « Le sommeil du
tambour » ; , « Anthologie d’air » ;
, « La fiction ou l’expérimentation des possibles »
L’étrangère, n°
, « L’art » ; , « Natures mortes
(voix) » ; , « Raconter » ; - ,
« S’arrachant au néant : Faulkner, l’invention du réel » ;
, « Ciel surface, II » ; ,
« Abeilles / Obstacles » ; , « Premier jour dans l’autre
monde » ; - , « La ville et les singularités quelconques »
L’étrangère, n°
- , « Anti-Ulysse » ; , « Rime » ;
- , « Aller, devant, “vers ce qui fut” » ;
, « Plusieurs étés » ; , « Divertimento mexicain » ;
- , « Poèmes costumes (Scènes et portraits) » ;
, « Les dépressions de la pensée chez Wittgenstein » ;
, « Complainte du vieux mâle » ; - , « Musil
et Wittgenstein au voisinage »
L’étrangère, n° -
- , « Au gré du temps qui passe » ; ,
« Intenable Matière » ; , « Une fois n’est jamais » ;
, « Le Nom exact d’Être est Chance » ; -
, « Révélation à la British Library : aucun, parmi les vivants
qui — d’un vivant — puisse » ; , « D’où un homme est-il
visible ? » ; , « Du dit jamais » ; ,
« Pierre Chappuis, d’un trait discontinu » ; , « Sans
combler de vides » , « D’après nature » ; , « La chambre noire
de l’intime » ; , « Ce désir toujours qui sauve et qui
tue » ; , « Ce qui bruit entre les mots » ; -
, « Traversée de l’épaisseur » ; , « Du plasma aux
trous noirs » ; , « Sans propriétés » ; ,
« Un homme du premier jour » ; - , « Douze
poèmes » ; , « Écrire à perte de mémoire » ;
, « Zone franche » ; , « Benoît Conort ou les voix
portées du poème » ; , « L’ombromane » ; -
, « Jean-Luc Sarré : la mémoire extérieure » ; - ,
« Dix pièces brèves » ; , « Alain Suied à la recherche du
« royaume perdu » » ; , « Entendre, écouter, comprendre » ;
, « Lire Mathieu Messagier et dévaler les pentes de
l’écriture » ; , « Dix-neuf poèmes plus raides que la
pente » ; , « Jacques Vandenschrick et la question de
l’origine » ; , « Dix poèmes » ; -
, « Atteindre le plus discret » ; , « Au fond du jour »
L’étrangère, n°
, « Poèmes » ; , « Sur Barnett Newman : Ohio .
Lieu et temps d’une expérience esthétique » ; , « Six
poèmes » ; , « Pas rattrapable » ; ,
« L’ortie » ; , « La piscine » ; ,
« Suspendre un instant »
L’étrangère, n°
- , « Poussière de andré du bouchet, comme de
personne » ; , « Intempéries » ; ,
« Nouvelles lettres sur l’éducation esthétique de l’homme » ;
, « Un lit de chair humaine » (extrait) ; ,
« Lieux dits » ; , « Du perdant et de la source lumineuse »
L’étrangère, n° -
- , « Malaise de la critique, critique d’un malaise » ;
, « Traceurs d’horizons » ; - , « La
relâche du regard » ; , « L’écart » ; - ,
« Sur la critique thématique » ; , « Phénoménologie et
expérience littéraire » ; , « Seuil critique » ;
, « Dormance (I) » ; , « Mais quelle communauté
scientifique ? (extrait) » ; , « La triangulation du cercle » ;
- , « Quelle critique ? Quels critères ? » ;
, « Surtout exercice » ; -, « Vers la clef de
l’indépendance : les jumeaux Schwitters » ; ,
« Éthique de la raison critique » ; , « Quelques
considérations sur la vocation philosophique de la critique » ;
, « Pour une éthique de la critique » ; ,
« Catalogues (extraits) »
L’étrangère, n°
, « Chute, disparition » ; , « Rimbaud
et la fin de la poésie » ; , « L’Éventail des possibles » ;
, « Chez Thomas Bernhard à Steinhof » ; - ,
« L’origine du lieu » ; , « En premier lieu » ;
, « Peinture » ; -, « Affleurements pour
attouchements » ; , « Sur la peinture de Bernard Gilbert » ;
-, « exuel » ; , « God disjunct »
L’étrangère, n°
, « L’envers (extrait) » ; , « Peinture » ;
, « Chant de l’étendue » ; - , « Et (plus
tard) précipitant » ; , « L’éducation des monstres » ;
, « De la forêt humiliée » ; - , « Visage d’une
mémoire (extraits ) » ; , « La poésie de Silvia Baron
Supervielle »
L’étrangère, n°
-, « Salerni (extrait) » ; -
, « Le ready-made original et sa doublure » ; ,
« Devenir-fantôme » ; , « Protocole de temps : sur le travail de
Leïla Brett » ; , « Ici au-dedans de ça » ;
, « Tout dire » ; , « Laisse passe » ; ,
« Loin en des terres intérieures »
L’étrangère, n° -
- , « Présentation. Mutation de la société, interdit et
création » ; , « Nitimur in vetitum » ; -
, « Le jeu des limites » ; , « Usinareva : la cité dans interdit » ;
, « De la subversion de la loi au plan du désir chez
Deleuze » ; , « Joël-Peter Witkin : le cliché pervers » ;
, « Imre Kertész ou l’écrivain interdit » ;
, « L’étouffoir suroxygéné » ; , « Les dangers
du relativisme pour la liberté de l’art » ; , « Dire entre les mots
l’interdit créateur. Fragments épars » ; -, « Et il
serait interdit de nous dire poète ? » ; - , « Par structure,
la vie est un jeu… » ; , « Liberté et interdit » ;
, « Interdit et censure. Quelle autonomie pour l’art et sa
réception ? »
L’ é t r a n g è r e
revue de création et d’essai
D I R ECT I ON
Pierre-Yves Soucy
C ON S EI L D E R É DA CT I O N
Fabienne Bradu, Mathieu Brosseau, Michel Collot, Jean-Pierre
Cometti, Elke de Rijcke, Jalal El Hakmaoui, Henri-Pierre Jeudy,
François Rannou, Olivier Schefer, Pedro Serrano, Pierre-Yves
Soucy, Daniel Vander Gucht, Christophe Van Rossom
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