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Sommaire Mars 2000 N° 201
Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris
Ce numéro a été dirigé par Claudette Pluchon, orthophoniste

LA MÉMOIRE

L’édifice immense du souvenir 3


Claudette Pluchon, orthophoniste, CHU La Milétrie, Poitiers

1. La mémoire : concepts théoriques 5


Claudette Pluchon, orthophoniste, CHU La Milétrie, Poitiers
2. La mémoire de travail 19
Siobhan Fournier, psychologue, Cécile Monjauze, orthophoniste,
CHU La Milétrie, Poitiers
3. Approche clinique des syndromes amnésiques 43
Claudette Pluchon, orthophoniste, CHU La Milétrie, Poitiers
4. La plainte mnésique 55
Claudie Ornon, psychologue, CHU La Milétrie, Poitiers
5. Mémoire et démences 71
Roger Gil, neurologue, CHU La Milétrie, Poitiers
1. Evaluation de la mémoire 79
Véronique Bonnaud, psychologue, CHU La Milétrie, Poitiers
2. Neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire épisodique 95
Frédéric Bernard, Béatrice Desgranges, Francis Eustache,
INSERM U320, services de neurologie, CHU Côte de Nacre, Caen
3. Prise en charge des troubles de mémoire des patients traumatisés crâniens 123
Mireille Beauchamps et Marie-Noëlle Besson, orthophonistes, CHU La Milétrie, Poitiers
4. La prise en charge de patients Alzheimer au stade débutant :
rôle d’un centre de jour 143
Stéphane Adam, Université de Liège
Martial Van Der Linden, Universités de Louvain et de Genève

1. L’aide administrative, sociale et financière du patient


ayant une maladie d’Alzheimer. Comment soutenir sa famille ? 165
M.D. Lussier, I. Migeon-Duballet, J.Y. Poupet, CHU La Milétrie, Poitiers

173
1. Quelques ouvrages de référence
2. Adresses utiles

2
L’édifice immense du souvenir
Claudette Pluchon

N
os souvenirs, tapis au fond de notre mémoire, sont prêts à resurgir dès
que nous entrouvrons la porte du passé. Et avec eux déferle la vague des
émotions, des joies et des peines, des regrets, des remords aussi. Chacun
grave en lui les épisodes de sa vie que le hasard des rencontres ou des situations
rappelle à la surface de la conscience. Ce phénomène étrange qui, en nous per-
mettant de revivre le passé, nous convainc d'exister, Marcel Proust saura le cer-
ner et dire comment se construit, à partir d'une simple saveur, d'un simple par-
fum, l'édifice immense du souvenir (C. Pluchon).
« Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pas
le théâtre et le drame de mon coucher n'existait plus pour moi, quand un jour
d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me
proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai
d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces
gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été mou-
lés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machina-
lement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je
portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau
de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau
toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en
moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il
m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inof-
fensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplis-
sant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle
était moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu
me venir cette puissante joie ? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du
gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature.
D'où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l'appréhender ? Je bois une seconde
gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui
m'apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m'arrête, la vertu du
breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n'est pas en
lui, mais en moi. Il l'y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter
indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne

3
sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver
intact, à ma disposition, tout à l'heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose
la tasse et me tourne vers mon esprit. C'est à lui de trouver la vérité. Mais com-
ment ? Grave incertitude, toutes les fois que l'esprit se sent dépassé par lui-
même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit cher-
cher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer.
Il est en face de quelque chose qui n'est pas encore et que seul il peut réaliser,
puis faire entrer dans sa lumière.
Et je recommence à me demander quel pouvait être cet état inconnu, qui
n'apportait aucune preuve logique, mais l'évidence de sa félicité, de sa réalité
devant laquelle les autres s'évanouissaient. Je veux essayer de le faire réapparaître.
... Arrivera-t-il jusqu'à la surface de ma claire conscience, ce souvenir,
l'instant ancien que l'attraction d'un instant identique est venue de si loin solli-
citer, émouvoir, soulever tout au fond de moi ? Je ne sais. Maintenant je ne sens
plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être ; qui sait s'il remontera jamais de sa
nuit ? Dix fois il me faut recommencer, me pencher vers lui. Et chaque fois la
lâcheté qui nous détourne de toute tâche difficile, de toute œuvre importante, m'a
conseillé de laisser cela, de boire mon thé en pensant simplement à mes ennuis
d'aujourd'hui, à mes désirs de demain qui se laissent remâcher sans peine.
Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit
morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là
je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour
dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son
infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rap-
pelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent
aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait
quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être
parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien
ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit
coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et
dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion
qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien
rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules,
plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles,
l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à
attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur
gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. »
Du côté de chez Swann.

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La mémoire : concepts théoriques
Claudette Pluchon

Résumé
La mémoire, qui nous permet d'acquérir, retenir et utiliser des savoirs et des « savoir-faire »,
semble correspondre à une entité polymorphe et non unitaire. Si les phénomènes de
mémoire s'inscrivent selon un axe temporel, ils s'ancrent également dans un espace pluridi-
mensionnel où l'information peut avoir un contenu épisodique ou sémantique, être présente
de manière implicite ou explicite. Les divers réseaux neuronaux qui sous-tendent les activi-
tés de mémoire contribuent ensemble à la création des multiples traces mnémoniques qui
sont le ciment de notre identité.
Mots clés : types de mémoire, processus mnésiques, supports neuroanatomiques et neuro-
chimiques.

Memory : theoretical concepts

Abstract
Memory, which allows us to acquire, retain and utilise information and « savoir-faire »,
involves a polymorphous and pluralistic entity. Indeed, memory phenomena are not only
recorded according to a temporal axis, but they are also anchored in a multidimensional
space where information can have an episodic or semantic content and can be present in an
implicit or explicit manner. The various neural networks which underlie memory processes
contribute as a whole to the creation of multiple mnemonic traces which represent the
« cement » of our identities.
Key Words : types of memory, memory processes, neuro-anatomical and neuro-chemical
bases.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


5
Claudette PLUCHON
Orthophoniste
Unité de Neuropsychologie &
Rééducation du Langage
CHU de Poitiers
Cité hospitalière de la Milétrie
350, avenue Jacques Cœur
86021 Poitiers cedex

L
a mémoire, qui correspond à cette capacité qu'ont les êtres vivants d'ap-
prendre, de retenir et d'utiliser un ensemble de connaissances ou d'infor-
mations, conditionne notre devenir. Nous construisons notre propre iden-
tité en puisant dans le réservoir immense de nos souvenirs qui s'inscrivent
également dans l'histoire de notre peuple, et c'est en mémorisant au fil du temps
un savoir et un savoir-faire que nous devenons ce que nous sommes.
La mise en œuvre de la mémoire suppose qu'il y ait tout d'abord réception
et sélection, consciente ou non, des informations au niveau des organes des
sens, puis codage et stockage de ces informations au sein d'ensembles de neu-
rones, et enfin préservation des capacités de rappel et de reconnaissance pour
accéder aux informations stockées.
Les concepts théoriques initiaux basés sur le modèle proposé par ATKIN-
SON & SHIFFRIN (1968) stipulaient que l'enregistrement d'un stimulus en
mémoire à long terme ne pouvait s'effectuer sans que l'information n'ait préala-
blement transité par la mémoire à court terme. Ces données classiques ont été
remises en question lorsque certaines observations de patients amnésiques ont
montré que des performances satisfaisantes au niveau de tâches de mémoire à
court terme (exemple : rappel sériel et immédiat d'une série de chiffres) pou-
vaient coexister avec un déficit des capacités de mémorisation à long terme, et
vice versa.
Les chercheurs s'accordent par ailleurs sur le fait qu'il existe non pas un
système de mémoire mais différentes formes de mémoire. La mémoire serait
donc polymorphe au lieu d'être unitaire. A l'appui de cette idée viennent s'ins-
crire les données de la neuropsychologie moderne : un patient peut en effet
avoir un oubli au fur et à mesure et conserver intacts ses souvenirs anciens ou
présenter des troubles au niveau de la mémoire verbale et non de la mémoire
visuelle.
Etudier l'acte de mémorisation consiste donc à envisager d'une part le
traitement des informations selon un axe temporel en faisant référence aux

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notions de mémoire sensorielle, mémoire à court terme, mémoire de travail et
mémoire à long terme, puis en s'intéressant aux différents domaines où opère la
mémoire.

♦ Les temps de mémoire

I - Mémoire sensorielle & mémoire à court terme :


I-1- Les informations sensorielles qui nous parviennent sont tout d'abord
maintenues pendant un temps très bref, de l'ordre de 200 à 300 ms, et sous
forme de traces, au niveau d'une mémoire sensorielle qui peut être visuelle ou
« iconique », auditive ou « échoïque », sans oublier les autres formes de
mémoire telle la mémoire olfactive.
I-2- La mémoire à court terme encore appelée mémoire immédiate ou
mémoire primaire permet quant à elle la reproduction immédiate d'un nombre
limité d'informations qui s'effacent au bout de une à deux minutes de notre
mémoire. Il s'agit ici en fait d'une restitution « sur le champ » d'un nombre res-
treint d'éléments, ce nombre définissant ce qu'il est convenu d'appeler « l'em-
pan » visuel ou auditif égal chez le sujet normal à 7 w 2. Nous pouvons ainsi
retenir de 5 à 9 lettres, mots (empan verbal) ou chiffres (empan digital ou numé-
ral).
La mémoire immédiate qui demeure préservée dans les syndromes
amnésiques reposerait sur des modifications électrophysiologiques avec impli-
cation de certains systèmes neuronaux corticaux ou des boucles corticothala-
miques.
I-3- A la notion de mémoire immédiate est venue s'ajouter celle de
mémoire de travail suite aux travaux de BADDELEY (1986) envisageant l'exis-
tence d'un système de capacité limitée capable bien sûr de stocker temporaire-
ment des informations mais aussi de les manipuler pendant les quelques minutes
que requiert l'accomplissement de tâches cognitives comme la résolution de pro-
blèmes ou certaines activités de compréhension.
Cette mémoire de travail qui permet de gérer des situations courantes,
de donner des réponses immédiates, correspondrait en quelque sorte à la
mémoire vive d'un ordinateur ou « mémoire-tampon ». Il s'agit d'une mémoire
opérationnelle reposant sur un modèle à plusieurs composantes avec un
« administrateur central » ou système de contrôle de l'attention aidé par des
systèmes dits esclaves dont la boucle phonologique et le registre visuo-spa-
tial.

7
Modèle de mémoire de travail de Baddeley (1986)

❖ La boucle phonologique comporte une unité dite de « stockage phono-


logique » qui reçoit l'information verbale présentée par la voie auditive : les
traces phonologiques peuvent y être réintroduites continuellement et par consé-
quent maintenues grâce à un processus de contrôle articulatoire ou « boucle
d'autorépétition subvocale ». La récapitulation articulatoire permet aussi à une
information verbale présentée visuellement d'être transférée dans le système de
rétention phonologique après avoir été convertie en un code phonologique.
- L'existence du processus de contrôle articulatoire explique l'effet de
longueur des mots que l'on observe chez le sujet sain : le rappel immédiat
d'une série de mots longs est moins bon que le rappel immédiat d'une série
constituée d'un même nombre de mots courts. Ceci résulte du fait que les mots
longs prennent plus de temps à être récapitulés que les mots courts, et les mots
qui précèdent voient leur trace mnésique disparaître avant qu'ils ne puissent être
réintroduits dans le stock phonologique par le biais de la récapitulation articula-
toire.
- Le système de la boucle phonologique rend compte également de l'effet
de similarité phonologique qui veut que les items phonologiquement proches
comme cave, car, cap, cane, case, soient moins bien rappelés que les items
sémantiquement proches mais phonologiquement différents comme case, hutte,
tente, cabane, igloo. Ceci résulterait du fait que le stock phonologique est fondé
sur un code phonologique : plus les items sont similaires, plus il devient difficile
de les distinguer et par conséquent de les récupérer.
La présence d'un effet de longueur des mots et d'un effet de simila-
rité phonologique attestent du bon fonctionnement pour l'un, de la récapi-
tulation articulatoire, et pour l'autre, du stock phonologique.
- Le modèle de la boucle phonologique permet par ailleurs d'interpréter
l'effet de suppression articulatoire qui se manifeste lorsqu'on demande à un
sujet de répéter un son sans signification (comme bla...bla...bla...) pendant que
lui est énoncée une suite de chiffres ou de mots à mémoriser. Les performances

8
Le Système de la Boucle Phonologique

du sujet lors du rappel sériel immédiat deviennent alors moindres et l'empan


diminue en raison d'un phénomène de saturation de la boucle. L'articulation
concurrente en occupant le processus de récapitulation articulatoire perturbe le
maintien des éléments qui se trouvent dans la boucle.
La suppression articulatoire abolit d'une part l'effet de longueur des mots
et d'autre part supprime l'effet de similarité phonologique pour un matériel à
mémoriser présenté visuellement.
- Il faut toutefois noter que le modèle de la boucle phonologique tel que
précédemment décrit laisse toujours des interrogations en suspens ; le processus
de récapitulation articulatoire fait par exemple encore l'objet de certains travaux.
❖ Le registre visuo-spatial encore appelé bloc-notes ou calepin visuo-
spatial correspond quant à lui à un système de stockage temporaire des informa-
tions visuo-spatiales. Il est donc alimenté soit par la perception visuelle, soit par
l'imagerie mentale, et il est supposé fonctionner comme la boucle phonologique
avec une aire de stockage passive des informations et un mécanisme qui main-
tiendrait ces informations activées.
❖ La boucle phonologique et le registre visuo-spatial sont donc placés
sous le contrôle de l'administrateur central qui gère les deux sous-systèmes, qui
exécute des opérations de traitement avec sélection de stratégies cognitives et
qui fonctionne comme un système attentionnel. BADDELEY suggère que le
modèle de contrôle attentionnel proposé par NORMAN et SHALLICE (1986)
peut aider à comprendre le fonctionnement de l'administrateur central. Dans ce
modèle, la majorité de nos actions ne font intervenir que des « schémas

9
d'action » ou « routines » nécessitant peu de contrôle attentionnel. Mais il exis-
terait un Système Attentionnel de Supervision (SAS) qui serait sollicité
lorsque l'activation des seuls schémas d'action s'avère insuffisante, pour par
exemple effectuer des changements de stratégies, s'adapter à une situation nou-
velle ou quand les tâches impliquent une planification.

II - Distinction mémoire à court terme / mémoire à long terme :


II-1- La distinction entre Mémoire à Court Terme et Mémoire à Long
Terme implique la notion de deux systèmes de stockage à des fins d'utilisation
différente, et d'un fonctionnement en quelque sorte « en parallèle » de ces deux
systèmes. Elle s'appuie notamment sur un ensemble de preuves émanant de l'ob-
servation de patients ayant présenté des troubles de la mémoire consécutifs à
des lésions de régions cérébrales précises. L'un des cas les plus célèbres est
celui du malade HM (SCOVILLE & MILNER, 1957), devenu amnésique à la
suite de l'ablation bilatérale des régions temporales médianes envisagée afin de
le soulager d'une épilepsie grave rebelle aux traitements pharmacologiques clas-
siques. Après cette double lobectomie temporale incluant l'hippocampe, HM
avait conservé une MCT normale avec un empan satisfaisant alors qu'il était
incapable de tout nouvel apprentissage durable. HM ne pouvait mémoriser les
événements survenus depuis sa lobectomie. La dissociation inverse était par
contre observée chez le patient KF (WARRINGTON & SHALLICE, 1969) dont
l'apprentissage de listes de mots était normal mais dont l'empan numéral ou ver-
bal était limité à 2.
II-2- Les effets de récence et de primauté plaident également en faveur de
l'existence de deux types de traitement en parallèle de l'information reposant sur
des systèmes fonctionnels différents. Ainsi, dans une tâche de rappel immédiat
où des sujets normaux doivent restituer une liste de mots présentés auditivement
et sans relation entre eux, ce sont les premiers et les derniers mots de la liste qui
sont les mieux mémorisés. L'effet de primauté avec restitution des premiers
items dépendrait de la mémoire à long terme, c'est-à-dire d'un système capable
de stocker l'information de manière durable et faisant appel à un traitement
sémantique ; l'effet de récence avec restitution des derniers items serait le pro-
duit d'un stock phonologique à court terme auquel les stimuli auditifs ont un
accès obligatoire direct. Cet effet de récence disparaît si le rappel n'est pas
immédiat, mais précédé par exemple de l'apprentissage d'une nouvelle liste de
mots : intervient alors le phénomène d'interférence rétroactive qui correspond
à l'impact négatif d'un second apprentissage sur le rappel du premier. Inverse-
ment, un apprentissage ancien peut être réactivé et concurrencer un nouvel
apprentissage : il s'agit alors d'une interférence proactive.

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II-3- Viennent également à l'appui de la théorie d'un fonctionnement en
parallèle des deux types de mémoire certains cas d'aphasie de conduction au
niveau desquels les patients répètent mal les mots qu'ils viennent d'entendre en
raison de l'existence d'un déficit de la boucle phonologique, mais restituent avec
exactitude en rappel différé à long terme le sens de ces mêmes mots dont ils ont
mémorisé l'appartenance catégorielle, les attributs de forme, couleur ou autre,
grâce à la mise en place d'un traitement de type sémantique.
III - La mémoire à long terme :
III-1- L'établissement de traces mnésiques durables repose sur le bon
fonctionnement des circuits neuronaux impliqués dans les processus de
mémoire à long terme. Les informations pour être stockées vont devoir être
organisées au sein d'un réseau associatif multimodal : sémantique, spatial, tem-
porel, affectif. Un apprentissage va ainsi pouvoir s'effectuer au niveau d'une
mémoire dite secondaire et les données engrangées vont ensuite être consoli-
dées pour enfin appartenir à la mémoire des faits anciens ou mémoire ter-
tiaire. La consolidation des informations est fonction de leur répétition ; elle est
également fonction de l'impact émotionnel des événements ou des données à
engrammer.
La fixation mnésique nécessite l'intégrité du circuit de Papez, bilatéral et
symétrique, qui joue un rôle dans la régulation des émotions, et qui relie le cor-
tex temporal au cortex frontal par l'intermédiaire de l'hippocampe, du fornix,
des corps mamillaires, du faisceau mamillo-thalamique de Vicq d'Azyr, du
noyau antérieur du thalamus et du gyrus cingulaire.
Des interrelations entre le circuit de Papez et plusieurs sites disséminés
dans le cerveau conditionnent également la consolidation des souvenirs. Les
lésions du circuit de Papez annihilent l'apprentissage et entraînent un « oubli à
mesure », sans que les souvenirs anciens soient effacés car devenus indépen-
dants du circuit de Papez.
D'un point de vue neurochimique, « l'apprentissage et les modifications
neuronales et synaptiques qu'il suppose pourraient faire intervenir l'acide ribo-
nucléique et/ou des peptides comme le suggèrent certaines expériences animales
de transferts biochimiques d'informations, et l'effet amnésiant de produits inhi-
bant la synthèse protéique » (GIL, 1989). La mémorisation met en jeu plusieurs
systèmes de neuromédiateurs : le rôle de l'acétylcholine dans la plasticité synap-
tique est particulièrement important.
III-2- Les représentations mnésiques maintenues en mémoire à long
terme ont été l'objet de processus d'encodage, de stockage, et leur utilisation
suppose l'intervention de processus de récupération des informations.

11
Le circuit de Papez : circuit hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaire
(d'après C. Duyckaerts & J.J. Hauw, 1996)

❖ L'encodage de données nouvelles peut ne reposer que sur des proces-


sus automatiques qui ne requièrent pas d'attention particulière et sans qu'il y ait
intention d'apprendre (mémorisation en condition incidente). Il peut par contre
faire appel à des processus « effortful » qui exigent de l'attention (mémorisation
en condition intentionnelle).
Les travaux de HYDE & JENKINS (1973) ont montré que les résultats
d'un apprentissage incident pouvaient être comparables à ceux d'un apprentis-
sage contrôlé. En fait, seule la nature du traitement effectué lors de la phase
d'encodage est primordiale. C'est ce sur quoi les travaux de CRAIK & LOCK-
HART (1972) auront eu avant tout le mérite de mettre l'accent ; leur approche
introduisait la notion de « niveaux de traitement » et distinguait un traitement
superficiel ne portant que sur l'apparence physique du mot, de traitements en
profondeur axés sur les aspects phonologiques et sémantiques du mot (jugement
de rimes, analyse des attributs conceptuels...).

12
❖ Les traces mnésiques ne sont pas statiques et fixes. Elles sont réacti-
vées et par conséquent de nouveau mémorisées lors de l'acquisition de nouvelles
données. La consolidation des informations est fonction de leur répétition, mais
aussi de leur impact émotionnel. Si certaines informations sont extrêmement
résistantes, l'oubli pose quant à lui le problème de savoir s'il correspond à une
perte réelle de l'information ou à une difficulté de récupération de l'information.
La sensibilité aux phénomènes d'interférence pourrait expliquer les difficul-
tés de mémorisation du sujet normal, mais l'oubli pourrait aussi résulter d'une
incompatibilité entre les conditions d'encodage et les conditions de récupération.
❖ Le concept d'indice de récupération s'est développé suite aux travaux
de TULVING & PEARLSTONE (1996) qui ont montré que la récupération d'in-
formations pouvait être améliorée si le sujet disposait d'indices contextuels lors
de la phase de rappel.
Un indice est en fait un fragment de la situation d'apprentissage. Ainsi,
dans une épreuve de mémoire verbale où chaque item à mémoriser est associé à
un autre mot au moment de l'encodage, le rappel est facilité si l'on fournit au
sujet le mot initialement associé à l'item recherché.
Les performances sont meilleures quand les situations correspondant aux
phases d'encodage et de rappel sont identiques : l'hypothèse de la spécificité
d'encodage conduit à penser que la récupération d'informations est optimisée
lorsqu'elle se produit dans le même contexte que l'apprentissage.

♦ Les domaines de mémoire


I - Mémoire explicite (ou déclarative) et mémoire implicite :
La distinction opérée par GRAF & SCHACTER (1985) entre les situa-
tions de rappel conscient, volontaire, d'informations particulières et les situa-
tions où l'acte de mémoire ne transparaît qu'au travers de l'amélioration des per-
formances sans qu'il y ait référence à la situation d'apprentissage oppose le
concept de mémoire explicite à celui de mémoire implicite. La mémoire
implicite ne requiert donc pas de récupération consciente d'un épisode antérieur
d'apprentissage. Elle se manifeste au travers du conditionnement, des effets de
priming (amorçage), de la mémoire procédurale. Parmi les tests de priming,
un exemple est celui de l'épreuve de complètement de trigrammes : on donne au
sujet les 3 premières lettres de mots qu'il a étudiés antérieurement et on lui
demande de compléter ces 3 lettres avec le premier mot qui lui vient à l'esprit.
Les patients amnésiques, comme les sujets normaux, ont alors tendance à com-
pléter les trigrammes en restituant les mots initialement présentés et qui sont
restés activés « inconsciemment ».

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II - Mémoire déclarative et mémoire procédurale :
SQUIRE & COHEN (1984) ont opposé la notion de mémoire procédu-
rale, permettant l'acquisition d'« habiletés » perceptivo-motrices ou cognitives
sans nécessité de faire référence aux expériences antérieures, à la notion de
mémoire déclarative où l'information est obligatoirement indexée, associée à
son contexte spatio-temporel. C'est la distinction entre le « savoir que » (je sais
que j'ai appris cela, je sais où je l'ai appris et qui me l'a appris) et le « savoir-
faire » (le comportement signe l'apprentissage, mais je ne sais pas où, ni quand
et grâce à qui je l'ai appris).
La mémoire déclarative nécessite une récupération consciente et verbalisée
de l'information et peut se mesurer par des épreuves de rappels, telles les épreuves
d'apprentissage de listes de mots avec contrôle des conditions d'encodage et de
récupération. La mémoire procédurale se juge quant à elle en comparant les per-
formances successives d'un sujet qui, confronté à une tâche nouvelle, voit son effi-
cacité augmenter au fur et à mesure que l'expérience se répète - ce qui implique
une mémoire - mais sans pour autant que le SOUVENIR de cette expérience soit
présent et nécessaire. MILNER (1962) a ainsi montré que H.M. pouvait en effet
maîtriser une tâche de dessin en miroir en trois séances, sans se rappeler d'une
séance à l'autre avoir déjà été soumis à cette tâche. L'acquisition de procédures
perceptivo-motrices ou perceptivo-verbales (tâches de poursuite de cible en mou-
vement, d'apprentissage d'un labyrinthe ou de lecture de mots en miroir), ainsi que
de procédures cognitives (épreuve de la « Tour de Hanoï »), supposeraient l'inté-
grité des structures sous-corticales et notamment du striatum (GIL, 1996).
III - Mémoire épisodique et mémoire sémantique :
TULVING, en 1972, suggère une distinction entre mémoire épisodique et
mémoire sémantique, regroupées au sein de la mémoire déclarative.
La mémoire épisodique ou autobiographique ou mémoire pure stocke
des événements ou « épisodes » appartenant à notre histoire personnelle ou à
l'histoire de notre environnement (faits de société), et qui sont liés à un contexte
temporel ou spatial précis.
La mémoire sémantique concerne les connaissances générales com-
munes à une culture : elle définit le « savoir » d'un individu et correspond à une
mémoire didactique, « décontextualisée ».
« La connaissance épisodique concerne non seulement ce qui s'est passé
mais également où et quand cela s'est passé, c'est-à-dire le fait et le contexte. La
connaissance sémantique, par contre, transcende un contexte particulier. Il s'agit
de la mémoire des connaissances (linguistiques et conceptuelles) » (VAN DER
LINDEN, 1989).

14
L'opposition entre mémoire sémantique et mémoire épisodique ne doit
cependant pas être considérée comme absolue : il semble vraisemblable que ce
soient les épisodes qui, en se répétant, s'affranchissent de leur contexte et aillent
grossir cette base de données universelles que constitue la mémoire sémantique.
Certains auteurs et notamment WARRINGTON & McCARTHY (1988) suggé-
reraient, plutôt qu'une distinction épisodique / sémantique, une représentation à
plusieurs niveaux des faits et des événements.

IV - Mémoire rétrograde et mémoire antérograde :


On distingue classiquement en clinique le concept de mémoire rétro-
gra d e ou mémoire ancienne du concept de m é m o i re antérogra d e q u i
s'adresse à la capacité de fixer et de rappeler des données récentes, sachant
que les souvenirs anciens sont les plus résistants. L'exploration de la mémoire
antérograde utilise des questionnaires portant sur les derniers événements bio-
graphiques ; elle fait également appel à des tâches de rappel et / ou de recon-
naissance de séries de mots ou d'objets après interférence de quelques
minutes.

V - Mémoire prospective ou mémoire stratégique :


La mémoire prospective, ainsi appelée par opposition à la mémoire
rétrospective des faits du passé, se fonde sur la capacité à se souvenir de devoir
effectuer une action précise à un moment donné dans un avenir plus ou moins
proche. Elle est en quelque sorte la mémoire des actions futures, non déterminée
par des indices externes explicites : ainsi doit-on se rappeler de prendre ses
médicaments aux heures indiquées, de payer son loyer avant échéance ou d'en-
voyer à temps une carte d'anniversaire. Cette mémoire, qui permet d'accéder à
des informations ordonnées dans le temps et l'espace, est en étroite relation avec
les capacités de planification et par conséquent très dépendante du lobe frontal :
elle peut aussi être qualifiée de mémoire stratégique.
❖ MEACHAM & LEIMAN (1982) distinguent deux catégories d'acti-
vités de mémoire prospective : les « activités habituelles », qui concernent
des actions accomplies en général de façon routinière (se souvenir d'acheter
son pain en rentrant du travail), et les « activités épisodiques », qui renvoient
à des actions moins fréquentes ou réalisées sur des bases irrégulières (penser
en quittant son travail à se rendre au bureau de poste pour expédier un
colis).
❖ HARRIS (1984) propose quant à lui les oppositions suivantes au plan
de la mémoire prospective :

15
a) tâches uniques / tâches doubles :
Lorsque l'action dont on doit se souvenir est une partie de l'action princi-
pale en cours, avec un but unique (exemple : songer à mettre le sachet dans la
théière quand on prépare du thé), il s'agit d'une tâche dite unique. S'il y a deux
buts et que l'une des actions ne fait habituellement pas partie de l'autre
(exemple : récupérer ses chaussures chez le cordonnier sur le chemin de retour
du travail implique deux activités, autrement dit rentrer chez soi et récupérer
ses chaussures), la tâche est déclarée double.
b) tâches simples / tâches composées :
La comparaison entre deux tâches doubles (se souvenir d'acheter son pain
en rentrant du travail et se souvenir d'arrêter ses activités à 11 heures pour aller
chez le dentiste) permet d'éclairer cette distinction. Dans le premier cas, le sujet ne
doit contrôler qu'une activité en cours, c'est-à-dire son trajet, afin de déterminer à
quel moment il va devoir l'interrompre pour entrer dans la boulangerie. La tâche
est alors dite simple. Dans le deuxième cas, le sujet doit surveiller sa montre pour
arrêter son activité à 11 heures, c'est-à-dire en fait contrôler un processus indépen-
dant de l'activité qui va devoir être interrompue. La tâche est alors dite composée.
❖ L'utilisation d'aides externes (recourir à un agenda, programmer une
minuterie, établir une liste...) et internes (méthodes d'association verbales ou
techniques basées sur l'imagerie mentale) dans des situations de mémoire pros-
pective a fait l'objet de diverses études. Les travaux d'INTONS-PETERSON &
FOURNIER (1986) suggèrent ainsi que les aides externes sont plus souvent uti-
lisées pour se souvenir d'avoir à effectuer une action.
VI - Mémoire automatique ou « incidente » et mémoire d'effort
ou « intentionnelle » :
La dissociation entre mémoire automatique et mémoire d'effort est
habituelle. Les deux processus sont par exemple concernés dans les tâches d'ap-
prentissage de listes de mots : l'apprentissage incident de l'ordre des mots avec
existence d'un effet de récence obéit à des processus automatiques, alors que le
rappel libre des items correspond à une tâche mnésique d'effort. La mémorisa-
tion du contexte (environnement, circonstances...) pourrait également dépendre
de processus automatiques nécessitant l'intégrité du lobe frontal.
VII - Mémoire factuelle, mémoire contextuelle et mémoire de source :
La mémoire des faits ou mémoire factuelle doit être distinguée de la
mémoire contextuelle qui a trait d'une part, aux attributs spatio-temporels de
l'information ou mémoire de source (où et quand cela s'est-il passé ?), et
d'autre part, aux modalités de l'information (comment cela s'est-il passé ?).

16
La mise en mémoire du contexte de l'information conférerait à cette der-
nière un caractère distinctif et permettrait de disposer ultérieurement d'indices
de récupération. BADDELEY introduit en 1982 les notions de « contexte indé-
pendant » et de « contexte interactif » :
- le contexte indépendant a trait aux caractéristiques spatio-temporelles
d'une information (le moment et le lieu de sa présentation), ainsi qu'au mode de
présentation (visuel ou auditif par exemple) de l'information. Il n'influence pas l'in-
terprétation de l'événement-cible et serait encodé de manière plutôt automatique.
- le contexte interactif désigne ce qui constitue l'arrière-plan de l'informa-
tion à mémoriser mais qui affecte la signification de l'information-cible. Ainsi,
un mot associé à un item à mémoriser modifie l'interprétation qui est faite de cet
item (exemple : la connotation du mot « pièce » suivi par « monnaie » sera dif-
férente de celle du même item « pièce » suivi de « tissu ». Le contexte interactif
détermine les caractéristiques de l'information à encoder et influe sur le stoc-
kage de cette information.

VIII - Mémoire et métamémoire :


La notion de métamémoire renvoie à la connaissance que le sujet a du
contenu et du fonctionnement de sa propre mémoire. Cette connaissance porte
sur les limites et les possibilités de notre mémoire (se savoir efficace au niveau
de la mémorisation des visages), sur les caractéristiques du matériel et des
tâches qui peuvent améliorer nos performances (avoir la notion d'une plus
grande réussite en reconnaissance qu'en rappel), sur l'utilité de choisir et mettre
en œuvre tel ou tel type de stratégie mnésique.
La décision de commencer une activité de recherche en mémoire est liée
à la faculté de juger de la probabilité d'un succès futur ou d'un échec de récupé-
ration. Nos capacités d'estimation sont également sollicitées lorsque nous cher-
chons à évaluer le résultat de notre activité de recherche en mémoire et que nous
devons porter un jugement de confiance sur nos réponses. Enfin, les stratégies
auxquelles nous avons recours durant une activité mnésique témoignent de ce
que nous savons sur notre mémoire.

♦ Conclusion
Les différents processus mis en jeu dans les activités de mémoire se com-
plètent et interagissent : les divers réseaux neuronaux qui sous-tendent l'acte de
mémoire fonctionnent ensemble pour permettre le stockage des informations et
la création du souvenir. Si l'on considère la complexité des opérations d'enco-
dage et la multiplicité des situations environnementales, on admet facilement

17
que la connaissance du fonctionnement de la mémoire suscite encore beaucoup
d'interrogations. La poursuite des études visant à mieux cerner les phénomènes
de mémoire sera essentielle pour la compréhension et la prise en charge des
troubles de la mémoire. Car l'objectif prioritaire est bien celui-là : tenter de res-
tituer chez celui dont la mémoire a souffert ce qui fait de lui un être humain
capable de se reconnaître dans un passé qui est le sien et de se projeter dans un
avenir dont il aspire à être l'un des acteurs à part entière.

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Cognition, 7, 184-200.

18
La mémoire de travail
Siobhan Fournier, Cécile Monjauze

Résumé
La mémoire de travail représente aujourd’hui un concept central dans l’étude de la mémoire
en neuropsychologie. Après avoir globalement décrit le modèle de mémoire de travail de
Baddeley, nous avons tenté de faire le point sur les différentes méthodes d’investigation
dont on dispose actuellement pour évaluer les différentes composantes de ce modèle.
Mots clés : mémoire de travail, évaluation, systèmes esclaves, administrateur central.

Working memory

Abstract
This article introduces a concept which is currently central to the study of memory in neuro-
psychology: working memory. After giving a general description of Baddeley’s model of wor-
king memory, we attempt to take stock of the different methods of investigation which are
currently available for the evaluation of the functioning of each component in this model.
Key Words : working memory, evaluation, slave systems, central executive.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


19
Siobhan FOURNIER
Psychologue
Cécile MONJAUZE
Orthophoniste
Unité de Neuropsychologie &
Rééducation du Langage
CHU de Poitiers
Cité hospitalière de la Milétrie
350, avenue Jacques Cœur
86021 Poitiers cedex

U
ne distinction largement acceptée dans la littérat u re aujourd ’ h u i
concerne l’opposition entre deux systèmes de mémoire : un système dit
de Mémoire à Court Terme (MCT), qui permet le maintien d’une petite
quantité d’informations pendant une durée brève (sensiblement égale à 2
secondes) et un système dit de Mémoire à Long Terme (MLT) permettant de
maintenir une information de façon plus durable.
Le concept de Mémoire de Travail (MdT) est apparu au début des années
70, dans la continuité des travaux réalisés sur la MCT. Il marque le passage
d’une conception de stockage à court terme passif à celle d’un système de stoc-
kage actif, impliqué dans le maintien mais également la manipulation de l’infor-
mation. Ces différentes distinctions théoriques sont illustrées dans la figure 1.

Fig. 1 : schématisation des différents systèmes mnésiques

Le modèle de MdT le plus fréquemment rencontré dans la littérature est


celui de Baddeley (Baddeley et Hitch, 1974 ; Baddeley, 1986). Il conçoit la
MdT comme un système de capacité limitée, destiné au maintien temporaire et à
la manipulation de l’information au cours de la réalisation de diverses tâches
cognitives telles que la compréhension, le raisonnement, la résolution de pro-
blèmes, etc. Par exemple, comprendre une phrase syntaxiquement complexe

20
nécessite à la fois le maintien temporaire et le traitement des différents mots qui
la composent afin d’accéder au sens.

♦ La conception de la MdT selon Baddeley


Baddeley (1986,1993) conçoit la MdT comme un système tripartite. Son
modèle comprend une composante centrale (l’administrateur central) conçu
comme un « gestionnaire » chargé de contrôler la répartition des ressources
attentionnelles au cours de divers traitements cognitifs. Cependant, ses res-
sources limitées ne lui permettent pas d’assumer à la fois le stockage et le traite-
ment de l’information. Ainsi, pour réduire sa charge, il se fait aider de systèmes
« esclaves », spécialisés dans le maintien temporaire de l’information. Prenons
l’exemple d’une tâche de calcul mental : l’Administrateur Central (AC) est
chargé de planifier la résolution du problème, de rechercher en MLT les
connaissances que nous avons des procédures de calcul, de s’assurer du bon
déroulement des différentes étapes conduisant à la solution, pendant que les sys-
tèmes esclaves maintiennent les données du calcul en cours.
On distingue au moins deux systèmes esclaves : la boucle phonologique,
dédiée au maintien temporaire de l’information verbale lue ou entendue, et le
registre ou calepin visuospatial, dédié au maintien temporaire de l’information
visuospatiale ainsi qu’à la génération d’images mentales.
A - La boucle phonologique
a) Présentation
La boucle phonologique est la composante du modèle de MdT la mieux
connue. Elle comprend deux sous-composantes : une unité de stockage (le stock
phonologique) dans laquelle la forme phonologique des informations verbales
lues ou entendues est momentanément conservée et un processus de récapitula-
tion articulatoire qui permet la révision des informations contenues dans le
stock phonologique, par une activité d’autorépétition subvocale (cf. figure 2).
b) Fonctionnement
L’information auditive fait d’abord l’objet d’une analyse phonologique
dont le produit va être maintenu dans le stock phonologique pendant une durée
très brève (environ 2 secondes). Il doit donc être réintroduit systématiquement
par le mécanisme de récapitulation articulatoire pour différer le déclin progres-
sif des traces mnésiques. Quant à l’information verbale présentée visuellement
(mot écrit), elle fait l’objet d’une analyse graphémique puis d’un recodage pho-
nologique qui lui permet d’accéder au stock phonologique par le biais du pro-
cessus de récapitulation articulatoire.

21
Fig. 2 : structure de la boucle phonologique d’après le modèle de Baddeley (1986)

B - Le calepin visuospatial
Le fonctionnement du calepin visuospatial reste actuellement moins bien
compris que celui de la boucle phonologique. Il serait également constitué de
deux sous-composantes : un équivalent du stock phonologique, appelé « fenêtre
visuelle », et un processus de « rafraîchissement » de l’image. Cependant, les
études menées par Logie et Marchetti (1991) amènent à différencier les deux
sous-composantes du calepin visuospatial sur la base de la nature de l’informa-
tion en jeu. Ainsi, le modèle proposé par Logie (1995) distingue au sein du cale-
pin visuospatial une sous-composante visuelle et une sous-composante spatiale.
La première est conçue comme un stock visuel temporaire dans lequel l’infor-
mation visuelle décline rapidement et est sensible à l’interférence. La seconde
serait impliquée dans la récapitulation ou « rafraîchissement » des contenus du
stock visuel, ainsi que dans la planification de déplacements dans l’espace.
Pour illustrer le fonctionnement de la MdT, Baddeley nous propose de
compter mentalement le nombre de fenêtres de notre lieu d’habitation. La repré-
sentation mentale de notre habitation dépend du registre visuospatial, et le
décompte à voix basse des fenêtres provient de la boucle phonologique. Enfin,
l’établissement et le contrôle de ces opérations dépendent de l’administrateur
central.

♦ Evaluation des systèmes esclaves et implications


Sur le plan clinique, l’évaluation de la MdT commence par les mesures
classiques d’empan (rappel sériel d’informations). Il est important d’évaluer à la
fois l’empan verbal (chiffres / mots) et l’empan visuospatial, en proposant des
séquences d’items de longueur croissante. On peut conseiller de proposer au
moins 3 séries de chaque longueur. L’empan correspond à la plus longue
séquence correctement rappelée à au moins 2 séries d’une même longueur. On

22
considère traditionnellement que la taille de l’empan normal est de 7 w 2 (Mil-
ler, 1956). Lorsque l’on observe un empan réduit, on peut suspecter un trouble
du/des systèmes esclaves concernés et/ou de l’administrateur central. Dans ce
cas de figure, on commencera par évaluer l’intégrité de chaque système esclave.

A - Evaluation et implications de la boucle phonologique


Dans le cas d’un empan verbal réduit, on peut faire l’hypothèse d’un dys-
fonctionnement de la boucle phonologique. L’objectif est alors de déterminer
quelle sous-composante est perturbée (stock phonologique ou mécanisme de
récapitulation articulatoire).
a) Evaluation du stock phonologique
On évalue l’intégrité du stock en testant l’effet de similarité phonolo-
gique. En effet, la taille de l’empan verbal serait influencée par le degré de simi-
larité phonologique entretenu par les items à rappeler. Ainsi, l’empan de lettres
ou de mots phonologiquement proches (ex : chapeau, râteau, bateau, gâteau) est
généralement plus faible que celui de lettres ou de mots phonologiquement éloi-
gnés (ex : avion, croissant, papier, lunettes), tant en modalité auditive qu’en
modalité visuelle de présentation. La présence d’un tel effet est un indice du
fonctionnement normal du stock phonologique. Dans la mesure où l’informa-
tion y est maintenue sous un format phonologique, cet effet serait interprété
comme le résultat d’interférences entre des traces mnésiques faiblement discri-
minables à l’intérieur de l’unité de stockage phonologique (Salame et Baddeley,
1982).
b) Evaluation du processus de récapitulation articulatoire
On évalue l’intégrité du processus de récapitulation articulatoire en tes-
tant l’effet de longueur de mot, l’effet de suppression articulatoire ou encore, en
mesurant le taux d’articulation.
❖ Effet de longueur de mot
Quelle que soit la modalité de présentation (auditive ou visuelle), l’empan
de mots courts (monosyllabiques) est généralement meilleur que l’empan
de mots longs (Baddeley, Thomson et Buchanan, 1975). On rendrait
compte de cet effet par l’existence d’une relation entre la taille de l’em-
pan et de la vitesse articulatoire. Plus le mot est long, plus le temps mis
pour le répéter est grand, et plus la probabilité qu’il s’efface du stock pho-
nologique est importante. L’existence de l’effet de longueur de mot
atteste donc du bon fonctionnement du mécanisme de récapitulation arti-
culatoire (remarque : les mots proposés pour évaluer cet effet doivent être
de même fréquence et phonologiquement éloignés).

23
❖ Effet de suppression articulatoire
Il est possible de perturber artificiellement le fonctionnement du méca-
nisme d’autorépétition subvocale par le biais d’une tâche de suppression
articulatoire. Il s’agit, au cours d’une tâche d’empan de mots, courts ou
longs, d’empêcher l’autorépétition en demandant au sujet de répéter une
suite de syllabes (dadada...), ou de chiffres (1, 2, 3, 4, 5/1, 2, 3, 4, 5...).
On demande ensuite un rappel écrit des mots afin d’éviter la mise en
œuvre de la récapitulation juste avant le rappel.
En occupant de cette manière le système de récapitulation articulatoire,
on observe chez le sujet normal :

I
- une réduction de l’empan verbal,
- l’absence d’effet de longueur de mot aussi bien en présentation audi-
tive que visuelle,
- l’absence d’effet de similarité phonologique sur présentation visuelle
uniquement, car le système d’autorépétition, occupé, empêche le
t ra n s fe rt de l’info rm ation visuelle ve rs le stock phonologi q u e
(cf. figure 2).
Ainsi, chez un patient cérébrolésé, présentant une atteinte du mécanisme
de récapitulation articulatoire, on observera le même pattern de performances
qu’un sujet normal chez qui on empêche l’autorépétition.
❖ Evaluation du taux d’articulation
Il s’agit de déterminer la vitesse d’articulation d’un sujet en lui deman-
dant soit de lire une série de chiffres, soit de compter à voix haute de 1 à 10 le
plus vite possible, ou encore d’articuler des mots pendant un délai fixe. Le taux
d’articulation est alors égal au nombre d’items articulés par seconde. Dans le
cas d’un déficit du mécanisme d’autorépétition, le taux d’articulation est réduit.
c) Tableau récapitulatif :

24
d) Illustration : le cas RL
Belleville, Peretz et Arguin (1992) ont étudié le cas d’un patient cérébro-
lésé, victime d’un accident vasculaire cérébral, présentant des perturbations au
niveau de la MdT. On observait chez ce patient RL un empan verbal réduit,
aucun effet de longueur de mot, aussi bien en présentation visuelle qu’auditive,
aucun effet de similarité phonologique en modalité visuelle, et pas d’effet de
suppression articulatoire. Les autres composantes de la MdT semblaient fonc-
tionner normalement. Devant un tel pattern de performances, les auteurs conclu-
rent à un déficit sélectif du mécanisme d’autorépétition subvocale, le stock pho-
n o l ogique semblant intact. Dans les épre u ves testant la composante
visuospatiale, RL n’avait pas de difficultés particulières. Il présentait donc un
trouble sélectif de la composante verbale de la MdT, c’est-à-dire la boucle pho-
nologique.
e) A quoi sert la boucle phonologique ?
❖ Aspects développementaux
L’évolution de l’empan verbal pendant l’enfance traduit un processus
de maturation de la boucle phonologique (Gillet, Billard et Autret,
1996a).
Chez les enfants de 4-5 ans, on peut observer un effet de similarité pho-
nologique et de longueur de mot, uniquement en modalité auditive
(Hulme et Tordoff, 1989 ; Longoni et Scalisi, 1994). La présence de tels
effets traduirait l’existence, dès 4 ans, d’un stock phonologique et d’un
mécanisme de récapitulation articulatoire dit « primitif », caractérisé par
la possibilité de répéter le mot qui vient juste d’être entendu (Gathercole
et Hitch, 1993).
Ce n’est que vers 6-7 ans qu’apparaît l’effet de similarité phonologique
en présentation visuelle, traduisant la mise en place du mécanisme de
recodage phonologique (Hulme et Tordoff, 1989).
Quant à l’effet de longueur de mot en présentation visuelle, il n’apparaît
que vers 8 ans (Hitch, Halliday, Dodd et Littler, 1989), lorsque l’autoré-
pétition devient cumulative (Naus et Ornstein, 1983). A cet âge, la boucle
phonologique semble être parvenue à maturité fonctionnelle et structurale
(Gathercole et Hitch, 1993).
❖ Boucle phonologique et apprentissage de la lecture
Certaines études laissent penser que la boucle phonologique joue un rôle
important dans l’apprentissage de la lecture, comme le suggère l’exis-
tence d’une réduction de l’empan verbal fréquemment observée chez les
enfants dyslexiques (Jorm, 1983). De manière générale, ces études sont

25
peu nombreuses et relativement controversées. Ainsi, Siegel et Linder
(1984) ont montré chez des enfants dyslexiques de 7-8 ans l’absence d’ef-
fet de similarité phonologique tant en modalité auditive que visuelle, sug-
gérant un déficit du mécanisme de stockage de l’information verbale sous
un format phonologique (difficulté à utiliser les codes phonologiques).
Cependant, d’autres auteurs ont montré qu’un groupe d’enfants dys-
lexiques de même âge présentait des effets normaux de similarité phono-
logique quelle que soit la modalité de présentation (Johnston, Rugg et
Scott, 1987 ; Lecocq, 1986).
Récemment, Gillet et Billard (en préparation) ont observé un effet de lon-
gueur de mot réduit chez des enfants dyslexiques de 9-10 ans, comparati-
vement à des enfants normo-lecteurs de même âge. Ces données semblent
indiquer un dysfonctionnement du mécanisme de récapitulation articula-
toire, et par là même un fonctionnement anormal de la boucle phonolo-
gique.
❖ Boucle phonologique et acquisition de vocabulaire nouveau
Quelques études de cas rapportées dans la littérature suggèrent l’interven-
tion de la boucle phonologique dans l’acquisition à long terme de nou-
velles formes phonologiques. Baddeley, Papagno et Vallar (1988) ont
décrit le cas d’une patiente PV souffrant d’une aphasie de conduction et
présentant un empan verbal anormalement réduit (empan de 2) attribué à
un dysfonctionnement de la boucle phonologique. Les auteurs ont com-
paré la capacité de PV à apprendre des mots familiers (mots de sa langue
maternelle) versus non-familiers (mots d’une langue étrangère). Dans une
tâche d’apprentissage associatif de paires de mots familiers (tâche de
MLT), PV présentait des performances tout à fait semblables à celles de
sujets contrôle d’âge et d’intelligence équivalents. En revanche, PV se
montrait incapable d’apprendre des paires de mots / non-mots (le non-
mot étant en réalité la traduction russe du 1er mot du couple). Ces don-
nées ont conduit Baddeley et al. (1988) à avancer l’hypothèse selon
laquelle l’apprentissage à long terme de nouvelles formes phonologiques
(pour lesquelles il n’existe donc pas de représentation lexicale en MLT)
impliquerait nécessairement l’intégrité de la boucle phonologique (voir
également Vallar et Papagno, 1993). La défaillance de la boucle observée
chez PV était telle qu’elle empêchait la possibilité du codage phonolo-
gique des mots russes.
Par ailleurs, Barisnikov, Van der Linden et Poncelet (1996) ont décrit le
cas de la patiente CS, présentant un syndrome de Williams (handicap
mental sévère), et qui, en dépit d’un QI très faible et de troubles massifs

26
de la mémoire épisodique, avait acquis la forme phonologique à long
terme de trois langues qu’elle parlait couramment. Devant un tel tableau
et d’après l’hypothèse de Baddeley et al. (1988) décrite ci-dessus, on
devrait prédire un fonctionnement normal de la boucle phonologique chez
CS. Barisnikov et al. (1996) ont effectivement observé chez cette patiente
des empans verbaux normaux ainsi que les effets de similarité phonolo-
gique et de longueur de mot.
La boucle phonologique jouerait donc un rôle crucial dans l’apprentissage
d’une langue étrangère, ce qui a amené certains auteurs (Gathercole et
Baddeley, 1989, 1990, 1993) à s’interroger sur son rôle dans le dévelop-
pement du vocabulaire de la langue maternelle chez l’enfant. Ces auteurs
ont testé cette hypothèse par le biais d’épreuves de répétition de non-
mots. Ils ont examiné le rapport entre la capacité de répétition de non-
mots et la taille du vocabulaire, et ont montré une corrélation nette entre
ces deux variables chez des enfants de 4 ans. De plus, ils observent que la
répétition de non-mots est un bon prédicteur du développement ultérieur
du vocabulaire. Ces résultats sont compatibles avec l’idée que la boucle
phonologique est fortement impliquée dans l’acquisition de vocabulaire
nouveau.
L’hypothèse d’une altération de la boucle phonologique a été proposée
pour rendre compte des troubles de la lecture chez les enfants dys-
lexiques. Ce dysfonctionnement de la boucle pourrait également engen-
drer un retard d’acquisition du vocabulaire dans cette population, ce qui a
effectivement été observé dans plusieurs études (Aguiar et Brady, 1991 ;
Gillet, Billard et Autret, 1996b).
❖ Boucle phonologique et compréhension du langage
Selon Baddeley (1993), la boucle phonologique interviendrait dans la
compréhension des phrases lues ou entendues, en particulier lorsqu’elles
sont longues et complexes. En effet, il observe chez la patiente PV (voir
plus haut) des difficultés de compréhension des phrases longues et ambi-
guës. De même, d’importants troubles de la compréhension ont été mis en
évidence chez le patient épileptique TB, chez lequel existait un dysfonc-
tionnement de la boucle phonologique caractérisé par un empan verbal
réduit, associé à l’absence d’effets de similarité phonologique et de lon-
gueur de mot (Baddeley, Vallar et Wilson, 1987). Si la boucle phonolo-
gique intervient dans la compréhension des phrases, les enfants dys-
lexiques devraient également présenter des troubles de compréhension, ce
qui a été confirmé par l’étude de Crain, Shankweiler, Macaruso et Bar-
shalom (1990).

27
L’ensemble des données observées chez les patients cérébrolésés et les
enfants dyslexiques laissent donc entendre que la boucle phonologique
joue un rôle important dans l’acquisition de la lecture, de vocabulaire
nouveau, dans la compréhension de phrases. Il est possible qu’elle inter-
vienne dans d’autres activités cognitives verbales. Ce concept de boucle
phonologique pourrait constituer un cadre théorique utile, à la fois pour
rendre compte des difficultés d’acquisitions scolaires, et pour orienter le
projet rééducatif.

B - Evaluation du calepin visuospatial


La diversité des épreuves utilisées pour évaluer le fonctionnement du
calepin visuospatial (épreuves spatiales, visuelles, d’imagerie mentale) a
conduit les auteurs à s’interroger sur la nature du codage au sein de cette com-
posante. Une distinction entre des tâches de nature plutôt visuelle ou plutôt
spatiale tend à apparaître aujourd’hui, entraînant l’éclatement du concept de
calepin visuospatial en deux sous-composantes, spatiale et visuelle (Logie,
1995). Cette distinction en terme de contenu sous-tend également une distinc-
tion quant à la nature des traitements impliqués dans les tâches utilisées. L’in-
formation spatiale est fréquemment présentée de manière séquentielle, la
tâche consistant en un rappel de cette information, tandis que l’information
visuelle est souvent présentée de manière simultanée, la tâche consistant en
une complétion de patterns.

a) Evaluation de la sous-composante spatiale


❖ La tâche la plus couramment utilisée est celle des blocs de Corsi
(Corsi block tapping test, Corsi, 1972). Des cubes sont disposés sur une
planche selon une certaine configuration (cf. figure 3). A chaque cube corres-
pond un numéro connu de l’expérimentateur. Ce dernier touche successive-
ment des cubes dans un ordre donné, et le sujet doit reproduire cette séquence
spatiale. On utilise la procédure d’empan progressif (séquences de longueur
croissante). La plus longue séquence de frappes correctement rappelée à au
moins 2 séries de même longueur constitue une mesure de l’empan « spatial »
du sujet.
❖ Tâche d’empan de localisation (Roulin et Loisy, soumis à publica-
tion)
Cette tâche est une adaptation informatisée du test des blocs de Corsi.
Elle consiste à présenter sur un écran une grille de n x n cases (par ex : 5 x 5),
où des cases s’allument séquentiellement. Le sujet doit rappeler la séquence de

28
Fig.3 : disposition des cubes tels qu’ils sont vus par l’expérimentateur
à l’épreuve des blocs de Corsi

localisations en montrant sur une grille vierge les cases qui s’étaient allumées.
L’empan dépasse rarement 6 cases rappelées.
❖ Epreuve de la matrice de Brooks (Brooks, 1967)
Dans cette tâche, le sujet est amené à encoder le matériel soit verbalement
(par une stratégie d’autorépétition verbale), soit en termes d’imagerie visuelle
(impliquant la participation du calepin visuospatial). Dans la condition avec
consigne d’imagerie, on présente au sujet une matrice carrée vierge de 4 x 4
cases, l’une des cases étant identifiée comme la case de départ. On présente
ensuite une série de phrases du type « dans la case de départ, mettre le
chiffre 1 ; dans la case suivante, vers la droite, mettre le chiffre 2, etc. », que le
sujet doit rappeler (cf. figure 4). Les sujets encodent ces séquences comme
l’image d’un chemin à l’intérieur de la matrice. En moyenne, ils sont capables
de rappeler 8 phrases en condition spatiale.

Fig.4 : exemple de matériel créé par Brooks et utilisé dans les études concernant le calepin
visuospatial (d’après Brooks, 1967)

29
b) Evaluation de la sous-composante visuelle
❖ Epreuve d’empan de patterns visuels (Wilson, Scott et Power, 1987,
inspiré de Phillips et Christie, 1977) :
La tâche consiste à présenter une grille dont la moitié des cases sont aléa-
toirement remplies, formant ainsi un pattern que le sujet doit encoder (cf.
figure 5). Après un délai de quelques secondes, la grille apparaît à nouveau,
avec une case manquante. Le sujet doit pointer cette dernière, réalisant ainsi une
tâche de complétion. On commence à un niveau d’empan de 2 (grille de 4 cases
dont 2 sont remplies), et on augmente de 1 en 1 jusqu’à ce que le sujet échoue.
Dans cette tâche, le sujet doit mémoriser le pattern dans son ensemble, sans
morceler les localisations des cases : il s’agit donc plutôt d’une tâche de nature
visuelle où l’information est présentée de manière simultanée. Contrairement
aux tâches spatiales, où l’empan est généralement réduit, l’empan de patterns
peut monter jusqu’à 15, voire 16.

Fig.5 : exemples de grilles présentées dans la tâche d’empan de patterns visuels

Sur le plan clinique, une évaluation complète du bon fonctionnement du


calepin visuospatial doit inclure une mesure de l’empan « spatial » (ex : blocs
de CORSI) et une mesure de l’empan « visuel » (ex : empan de patterns visuels),
afin de s’assurer de l’intégrité de chaque sous-composante.

30
C - Illustration : le cas ELD
Hanley, Young et Pearson (1991) ont étudié le cas d’une patiente ELD
présentant des difficultés dans le rappel immédiat d’une courte séquence de
matériel visuospatial, suite à un anévrysme de l’hémisphère droit. Malgré des
performances faibles dans des tâches comme la matrice de Brooks, l’épreuve
des blocs de Corsi, dans des épreuves impliquant la MCT des visages, l’image-
rie mnémonique ou la rotation mentale, ELD avait des performances normales
en rappel sériel de lettres, même en présentation visuelle. De plus, elle n’éprou-
vait aucune difficulté à récupérer une information visuospatiale en MLT. Les
auteurs ont suggéré que ELD présentait un déficit du calepin visuospatial, en
l’absence d’un déficit de la boucle phonologique. Cette étude n’a cependant pas
permis de dissocier les aspects visuels et spatiaux du calepin puisque ELD était
en échec sur les 2 versants.

♦ L’administrateur central : aspects théoriques et évaluation


Face à un empan réduit, et après s’être assuré du fonctionnement normal
de chaque système esclave, on peut suspecter un trouble de l’Administrateur
Central (AC) de la MdT. Comme nous l’avons décrit précédemment, la boucle
phonologique et le registre visuospatial sont en contact étroit avec l’AC, conçu
comme un système attentionnel de contrôle. Il aurait notamment pour fonction
de coordonner les flux d’informations en provenance de différentes sources, et
d’allouer les ressources pour le traitement, au cours de la réalisation d’une
grande diversité de tâches cognitives.

A) Aspects théoriques
L’AC est longtemps resté la composante la plus floue du modèle, proba-
blement parce qu’il n’est pas aisé de trouver des tâches dans lesquelles le rôle
de l’AC et celui des systèmes esclaves soient clairement identifiables (Van der
Linden, Bredart et Beerten, 1994). On a progressivement cherché à lui attribuer
des fonctions de plus en plus précises.
Une première étape dans cette démarche a consisté au rapprochement de
l’AC au Système Attentionnel Superviseur (SAS) du modèle de contrôle atten-
tionnel de Norman et Shallice (1980) qui, selon Baddeley (1986), fournit une
base indispensable pour conceptualiser l’AC.
Norman et Shallice (1980) ont élaboré leur modèle dans l’objectif de
fournir une vue générale du rôle de l’attention dans le contrôle de l’activité.
Selon ce modèle, les actions en cours peuvent être contrôlées par l’intermédiaire
de deux systèmes distincts. Le premier système ou « gestionnaire des propriétés

31
de déroulement », se compose de schémas d’actions routiniers permettant de
réaliser un grand nombre d’activités quotidiennes sans y prêter attention, c’est-
à-dire de façon automatique. Baddeley (1993) illustre ce point par la conduite
automobile : on peut parfois parcourir plusieurs kilomètres en pensant à autre
chose, s’apercevoir que l’on n’a pas souvenir de ces kilomètres parcourus, alors
qu’on a été capable d’appréhender de façon efficace les obstacles de la route
pendant cette distance. Il peut arriver que deux activités en cours entrent en
conflit. Ce système le prend alors en charge en donnant priorité à l’une des deux
activités. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une personne qui conduit tout en dis-
cutant s’arrête soudainement de parler plutôt que de risquer de renverser un pié-
ton qui traverse sans regarder. Le gestionnaire est intervenu pour donner la prio-
rité à la conduite.
Norman et Shallice (1980) proposent qu’un second système intervienne
lorsque cette « sélection automatique » est insuffisante ou inefficace. Il s’agit du
SAS, système attentionnel superviseur, assimilé à l’intervention de la volonté du
sujet. Ce système, de capacité limitée, est capable d’interrompre ou de modifier
une activité en cours, d’inhiber les réponses automatiques déclenchées par une
situation donnée. Il serait impliqué dans les situations exigeant une prise de
décision, une planification, l’adaptation à une situation nouvelle, dangereuse, ou
encore lorsque des réponses habituellement fortes doivent être contrariées.
Ainsi, Baddeley (1986) attribue à l’AC les fonctions du SAS de Norman
et Shallice (1980).
Dans un article récent, Baddeley (1996) a distingué plusieurs fonctions de
l’AC, telles que la coordination de deux tâches, et plus généralement la capacité
à réaliser deux activités simultanément, la capacité à activer et récupérer des
informations en MLT, la capacité à alterner entre des stratégies de récupération,
la capacité à sélectionner l’information pertinente tout en inhibant l’information
non pertinente (« attention sélective »). Ces deux derniers aspects font appel au
concept d’inhibition et seront traités ensemble comme reflétant une fonction
plus générale d’inhibition.
B) Evaluation du fonctionnement de l’AC :
L’évaluation du fonctionnement de l’AC doit tenir compte de la com-
plexité de cette composante qui assumerait plusieurs fonctions.
a) Coordination de deux activités simultanées
1 - Cet aspect du fonctionnement de l’AC peut être testé par le biais du
paradigme de double tâche (Baddeley, Logie, Bressi, Della sala et Spinnler,
1986 ; Baddeley, Bressi, Della sala, Logie et Spinnler, 1991) combinant une

32
tâche de poursuite visuo-motrice (poursuite d’une cible visuelle sur un écran au
moyen d’un stylo optique) et une tâche d’empan de chiffres, chacune de ces
tâches étant sous la dépendance d’un des systèmes esclaves. Chaque tâche est
effectuée seule pendant deux minutes, puis les deux tâches sont couplées. Pour
la tâche de poursuite, on évalue le pourcentage de temps passé sur la cible pen-
dant les deux minutes ; pour la tâche d’empan de chiffres, on évalue le pourcen-
tage de séries correctement rappelées. Dans la condition où les deux tâches sont
combinées, le sujet doit donc diviser son attention entre chaque tâche. En cas de
déficit au niveau de l’AC, les performances chutent beaucoup plus en situation
de tâche double que celles d’un groupe de sujets contrôle appariés.
Baddeley, Della Sala, Papagno et Spinnler (1997) ont développé une ver-
sion moins contraignante de l’épreuve, combinant toujours une tâche d’empan
de chiffres et une tâche de poursuite visuelle mais papier-crayon cette fois. Le
sujet doit cocher une chaîne de carrés liés pour former un chemin. Chaque
feuille contient 80 carrés ; le sujet doit débuter à l’une des extrémités de la
chaîne et placer une croix sur chaque carré successif le plus vite possible en un
temps limité à 2 minutes. Le score correspond au nombre de carrés cochés. En
condition double, cette tâche est réalisée simultanément à une tâche d’empan de
chiffres, pendant 2 minutes.
2 - La capacité à coordonner deux activités simultanément peut également
être évaluée au moyen de tâches dites de MdT, associant une activité de stoc-
kage et une activité de traitement, le traitement pouvant porter sur le produit du
stockage ou en être indépendant. Il s’agit ici de coordonner l’information en
provenance de différentes sources et pas seulement celle issue des deux sys-
tèmes esclaves.
Ces tâches de MdT se distinguent donc des tâches dites de MCT qui
n’impliquent que le stockage passif d’une petite quantité d’informations et leur
restitution littérale. Parmi les nombreuses tâches de MdT citées dans la littéra-
ture, on peut trouver :
➯ la tâche de Brown-Peterson modifiée (Peterson et Peterson, 1959 ;
Morris, 1986) :
On présente une série de 3 consonnes au sujet qu’il doit rappeler après un
délai variable (0, 5, 10, 15 ou 20 secondes) ; pendant ce délai, il doit
effectuer une tâche interférente plus ou moins exigeante, qui va d’une
simple répétition de chiffres ou de syllabes à une tâche de tapping, de
comptage à rebours ou d’addition de paires de chiffres. Ces tâches sont
censées mobiliser une part plus ou moins importante des ressources de
l’AC ne pouvant dès lors plus être consacrées à la répétition mentale des
lettres initialement présentées.

33
➯ l’empan de chiffres à l’envers (sous-test de la WAIS, Wechsler,
1955) :
On présente au sujet des séries de chiffres de longueur croissante qu’il
doit rappeler dans l’ordre inverse de présentation.
➯ l’empan de lecture ou « reading span » (Daneman et Carpenter,
1980) :
Les sujets doivent lire (traiter) une série de phrases non-reliées tout en
retenant le dernier mot de chaque phrase ; à la fin de la série, le sujet doit
rappeler dans l’ordre de présentation la série des derniers mots. L’empan
de lecture est déterminé par le nombre de mots correctement rappelés.
➯ l’empan d’opérations ou « operation span task » (Turner et Engle,
1989) :
On présente au sujet une série d’opérations à résoudre mentalement du
type (3 x 4) + 11 = ?, suivies d’un mot à mémoriser ; à la fin de la série, le
sujet doit rappeler la liste des mots présentés. L’empan correspond à la
plus longue série d’opérations pour laquelle le sujet rappelle correctement
les mots, après avoir correctement effectué les calculs. L’exactitude des
réponses aux opérations permet de s’assurer que le sujet a effectivement
réalisé un traitement et un stockage.
➯ l’empan d’écoute ou « listening span » (Daneman et Carpenter,
1980) :
Les sujets écoutent des phrases, et doivent retenir le dernier mot ou le
dernier chiffre présenté à la fin de chaque phrase ; à la fin de la série, le
sujet doit rappeler dans l’ordre de présentation la série de derniers mots
ou de chiffres. L’empan d’écoute est déterminé par le nombre de mots /
chiffres correctement rappelés.
➯ l’empan de comptage ou « counting span » (Case, Kurland et Gold-
berg, 1982) :
On présente un carnet au sujet dans lequel chaque page comporte un
nombre différent de points rouges et verts. Le sujet doit compter sur
chaque page le nombre de points verts, puis, après n pages, doit rappeler
le chiffre retenu pour chaque page dans l’ordre de présentation.
➯ l’épreuve du chiffre manquant ou « missing scan » (Wiegersma et
Meertse, 1990) :
On présente au sujet une série de 8 chiffres compris entre 1 et 9 dans le
désordre (exemple : 3, 1, 7, 9, 5, 6, 2, 8) et il doit retrouver le chiffre man-
quant (ici, la réponse est 4). Pour réaliser cette tâche, le sujet doit mainte-
nir les chiffres puis les passer en revue pour déterminer celui qui manque.

34
➯ la tâche d’empan alphabétique ou « alpha span task » (Belleville,
Rouleau et Casa, 1998) :
Le sujet doit rappeler une série de mots correspondant à son niveau d’em-
pan verbal moins un, soit dans l’ordre de présentation (tâche simple), soit
dans l’ordre alphabétique (stockage et manipulation de l’information
simultanément). Dans la mesure où la charge en mémoire est égalisée
entre les deux conditions, la seule différence concerne l’intervention de
l’AC dans la condition de rappel alphabétique.
➯ l’épreuve de mise à jour ou « running span » (Morris et Jones,
1990) :
On présente au sujet des séries de lettres de longueurs différentes (4, 6, 8
ou 10) dont il ne connaît pas à l’avance la longueur ; on lui demande de
rappeler dans l’ordre, par exemple, les 4 dernières lettres de la série. Le
sujet devra donc continuellement remettre à jour le contenu de sa MdT en
fonction de l’arrivée de nouvelles lettres dans la séquence : lorsque 8
lettres lui sont présentées alors qu’il ne doit en rappeler que 4, il devra
éliminer les 4 plus anciennes.
b) Fonction d’inhibition d’informations
1 - Un premier aspect de cette fonction d’inhibition concernerait selon
Baddeley (1996) la capacité à alterner entre des stratégies de récupération, telle
qu’elle est reflétée dans la tâche de génération aléatoire de lettres. Dans cette
tâche, on demande au sujet de produire une lettre prise au hasard parmi les 26
lettres de l’alphabet, en suivant le rythme d’un métronome. La notion de généra-
tion aléatoire est illustrée en demandant au sujet de s’imaginer face à un cha-
peau contenant l’ensemble des lettres de l’alphabet, duquel il tire au hasard une
lettre qu’il énonce à voix haute, qu’il remet ensuite dans le chapeau en mélan-
geant les lettres avant d’en piocher une nouvelle, et ainsi de suite. On fait varier
la vitesse de génération (1 lettre / 2 secondes, 1 lettre / seconde, 1 lettre / 0,5
secondes, etc.). On observe que plus la vitesse de production imposée au sujet
augmente, moins les réponses fournies sont aléatoires. Ceci se traduit par la ten-
dance à produire le même ensemble de lettres, ou des séquences alphabétiques
(exemple : ABC, IJK), ou encore des sigles familiers (exemple : CB, USA). Ce
profil de performance peut être interprété selon Baddeley (1986, 1996) dans le
cadre du modèle de Norman et Shallice (1980). En effet, produire un flot de
lettres au hasard nécessite d’inhiber la tendance naturelle à réciter la chaîne
alphabétique ou les sigles familiers (inhibition d’une réponse dominante, c’est-
à-dire d’un schéma préexistant), de sélectionner de nouvelles stratégies lorsque
les réponses ne sont pas suffisamment aléatoires, ce qui suppose d’inhiber la

35
stratégie précédente (alterner entre des stratégies de récupération). Cette tâche
exigerait l’intervention constante de l’AC ou du SAS, pour empêcher ou inter-
rompre l’activation de schémas préexistants. Ainsi, plus la vitesse de production
imposée est élevée, moins le SAS sera en mesure d’éviter la production de ces
séquences stéréotypées.
2 - Un second aspect de la fonction d’inhibition de l’AC concernerait
selon Baddeley (1996) la capacité à sélectionner les informations pertinentes
tout en inhibant l’effet distracteur des informations non pertinentes pour la tâche
en cours.
Baddeley (1996) propose de tester cette capacité par le biais d’une tâche
d’amorçage négatif. Les tâches d’amorçage négatif reposent sur le principe sui-
vant : on présente au sujet deux stimuli sur un écran, l’un étant le stimulus cible,
l’autre le distracteur. Le sujet doit presser une touche le plus rapidement pos-
sible dès que le stimulus cible apparaît. A un certain moment, on s’arrange pour
que le stimulus distracteur à un essai devienne le stimulus cible à l’essai suivant.
Par exemple, si à un essai la lettre A est le stimulus distracteur parce qu’elle est
présentée en vert alors qu’il faut répondre à une lettre rouge, à l’essai suivant la
même lettre A est présentée en rouge et devient donc le stimulus cible. On
constate alors que la sélection de la cible (A rouge) est ralentie. C’est ce ralen-
tissement dans la sélection de la réponse pertinente que l’on appelle amorçage
négatif. En effet, lors du premier essai, le distracteur (information non perti-
nente) est fortement inhibé ; lorsqu’il devient cible à l’essai suivant, sa sélection
est ralentie du fait de l’inhibition antérieure.
3 - En neuropsychologie, un dysfonctionnement des mécanismes d’inhi-
bition est classiquement associé à des perturbations frontales. Shallice (1982) a
attribué aux lobes frontaux les fonctions du SAS. Ainsi, l’idée d’un rôle de l’AC
dans les mécanismes d’inhibition provient essentiellement du rapprochement
AC/SAS qui fournit à l’AC de Baddeley un ancrage anatomique : les lobes fron-
taux.
Il existe différentes tâches utilisées couramment en neuropsychologie
pour évaluer les capacités d’inhibition, telles que le test de classement de cartes
de Wisconsin (Wisconsin Card Sorting Test ; Milner, 1963 ; Nelson, 1976), le
test de Stroop (Stroop, 1935), et le test de Hayling (Burgess et Shallice, 1996).
➯ Le test de classement de cartes de Wisconsin :
On place devant le sujet 4 cartes-stimuli qui diffèrent par la couleur, la
forme, et le nombre. La tâche consiste pour le sujet à classer des cartes
qu’on lui donne une à une, en les appariant à l’une des cartes stimuli,
selon un critère de son choix (forme, couleur, nombre). Le critère choisi

36
devra être conservé jusqu’à ce que l’expérimentateur donne la consigne
d’en changer, c’est-à-dire lorsque le sujet a réalisé six classements consé-
cutifs corrects (version Nelson, 1976). L’épreuve est terminée lorsque le
sujet a réalisé deux fois chacun des 3 critères de classement, ou lorsque
l’ensemble des cartes a été distribué. On relève le nombre de réponses
correctes, le nombre de catégories réalisées et le nombre d’erreurs, dont
les erreurs persévératives qui consistent à garder le même critère de clas-
sement malgré le feed-back négatif de l’expérimentateur fourni à l’essai
juste précédent. Ces erreurs persévératives sont interprétées comme reflé-
tant un défaut d’inhibition. En effet, lorsque l’on demande au sujet de
changer de critère de classement, cela suppose d’inhiber le plan de
réponse en cours et d’en élaborer un nouveau.
➯ Le test de Stroop :
Dans la version la plus classique, 3 conditions sont présentées : le sujet
doit lire à voix haute des mots qui désignent des couleurs (condition lec-
ture), puis dénommer les couleurs de rectangles colorés (condition déno-
mination), enfin il doit dénommer la couleur de l’encre de mots imprimés
dans une teinte ne correspondant pas à celle évoquée par le mot (condi-
tion interférence). Il est fréquemment inclus une condition supplémen-
taire dans laquelle le sujet doit alterner entre la dénomination de la cou-
leur de l’encre (par exemple pour les mots encadrés) et la lecture (pour
les mots non encadrés), en utilisant les items de la condition interférence
(condition flexibilité mentale).
On relève le nombre d’items correctement lus ou dénommés dans chaque
condition, en un temps prédéterminé. Les conditions interférence et flexi-
bilité mentale feraient intervenir l’inhibition d’informations perçues mais
non pertinentes (la couleur de l’encre, quand il faut lire le mot) et l’inhibi-
tion de réponses dominantes (la lecture, quand il faut dénommer la cou-
leur de l’encre).
➯ Le test de Hayling :
Dans ce test, une réponse dominante est activée et doit être inhibée. Le
test se compose de phrases présentées oralement dont le mot final est
manquant. Les phrases sont choisies de sorte qu’elles aient une haute pro-
babilité de donner lieu à une réponse spécifique. Dans une première
condition (partie A « initiation »), le sujet doit compléter la phrase de
manière adéquate, le plus rapidement possible (exemple : j’achète de la
viande chez le... boucher). Dans la seconde condition (partie B « inhibi-
tion »), le sujet doit fournir le plus rapidement possible un mot qui n’en-
tretient aucune relation de sens avec la phrase, de quelque manière que ce

37
soit (exemple : on se fait couper les cheveux chez le... guitare). Il doit
donc inhiber une réponse fortement dominante (coiffeur).
Pour chaque partie, on détermine le temps de réponse moyen sur l’en-
semble des phrases. On calcule la différence de latence entre les deux
parties (B - A) qui représenterait le temps supplémentaire nécessaire pour
produire un mot nouveau plutôt qu’une réponse automatique. On classe
également les réponses obtenues dans la partie B selon trois catégories :
(1) la réponse peut être un mot complétant la phrase de manière adéquate,
transgressant la consigne ; (2) il peut s’agir d’un mot sémantiquement
lié ; (3) le mot peut être non relié à la phrase, conformément aux instruc-
tions. Cette classification donne lieu à un score d’erreurs.
c) Activation et récupération d’informations en MLT
Selon Baddeley (1996), l’AC de la MdT doit être en mesure non seule-
ment de coordonner des informations en provenance de différentes sources,
d’inhiber des informations mais aussi de récupérer et maintenir les représenta-
tions temporairement activées en MLT. Selon Rosen et Engle (1997), l’AC joue
un rôle dans un type spécifique de récupération en MLT : les processus de récu-
pération contrôlée. Les tâches classiquement associées à ces processus sont les
tâches de fluence verbale (Baddeley, Lewis, Eldridge, Thomson, 1984 ; Badde-
ley, 1996).
Dans ces tâches, on demande au sujet de produire, en un temps donné, le
plus de mots possibles appartenant à une catégorie sémantique donnée (fluence
catégorielle) ou commençant par une lettre donnée (fluence littérale). On peut
également demander au sujet d’alterner entre deux catégories sémantiques don-
nées (fluence alternée). Baddeley (1986) considère que l’AC est fortement
impliqué dans ces tâches dans la mesure où l’on ne dispose pas de schémas rou-
tiniers (préexistants) permettant de produire rapidement et sans faire de répéti-
tions une telle série de mots. Ce dernier point suppose donc que des processus
d’inhibition interviennent pour empêcher qu’un item déjà produit ne resurgisse
dans la suite de la tâche, et pour permettre l’accès à des représentation nou-
velles.
Le concept d’administrateur central a évolué lentement. Aujourd’hui, ce
concept tend à se diversifier et est abordé sous différentes approches théoriques.
Nous pouvons constater qu’on attribue à l’AC un rôle particulièrement impor-
tant dans des opérations extrêmement diverses. On peut alors se demander si
l’AC est de nature unitaire mais multicomposite, ou bien si sont regroupés sous
cette terminologie un ensemble de processus de contrôle pouvant intervenir de
manière relativement indépendante.

38
Cette dernière façon d’envisager l’AC constitue un rapprochement au
concept fort en neuropsychologie de fonctions exécutives, qui désignent l’en-
semble des processus nécessaires au contrôle et à la réalisation des comporte-
ments dirigés vers un but (Dubois, Pillon et Sirigu, 1994). Actuellement, la
majorité des recherches sur l’AC sont réalisées dans le domaine de le neuropsy-
chologie à partir de populations présentant un dysfonctionnement exécutif.
Autrement dit, l’étude de l’AC et l’étude des fonctions exécutives tendent
aujourd’hui à recouvrir le même champ de recherche.

♦ Conclusion
Le modèle de MdT tel que le conçoit Baddeley comporte encore à l’heure
actuelle un certain nombre de limites. En effet, si le fonctionnement et le rôle de
la boucle phonologique sont aujourd’hui bien compris, nos connaissances
concernant le fonctionnement et surtout les implications du calepin visuospatial
dans les activités cognitives restent limitées. De même, en ce qui concerne l’AC,
alors que la définition de cette composante devient de plus en plus précise sur le
plan théorique, sa complexité en rend l’évaluation clinique délicate ; de plus, les
paradigmes permettant de l’étudier rendent la tâche plus difficile encore du fait
de leur grande diversité.
Bien que présentant des limites, le modèle de MdT reste néanmoins un
modèle utile. En effet, il permet de rendre compte d’un certain nombre de com-
portements que le concept de MCT ne permettait pas d’expliquer. Il possède
également l’avantage d’avoir été élaboré sur la base de données expérimentales.
Enfin, il présente des applications cliniques directes puisqu’il permet, face à un
patient présentant un déficit de rétention à court terme, d’approfondir l’analyse
des troubles en précisant à quel niveau ils se situent. Une telle analyse rend alors
possible la mise en place de stratégies de rééducation plus adaptées.

39
REFERENCES
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42
Approche clinique des syndromes amnésiques
Claudette Pluchon

Résumé
Les syndromes amnésiques de cause organique correspondent pour la plupart à une perte
avec un gradient temporel des souvenirs antérieurs à la survenue du traumatisme ou de la
maladie (amnésie rétrograde), associée à une incapacité d’encoder et / ou de stocker et / ou
d’évoquer de nouvelles informations (amnésie antérograde). Les troubles mnésiques
sévères dont ils sont synonymes contrastent avec une relative préservation des autres fonc-
tions mentales. Une grande dichotomie pourrait être effectuée entre les amnésies de type
hippocampique liées à des lésions temporales et les amnésies résultant de lésions plus dif-
fuses (notamment diencéphaliques et fronto-cingulaires) auxquelles appartiennent les syn-
dromes korsakoviens.
Mots clés : syndromes amnésiques, amnésie rétrograde, amnésie antérograde, lésions hip-
pocampiques, syndrome de Korsakoff, ictus amnésique.

A clinical approach to amnestic syndromes

Abstract
Amnestic syndromes attributed to organic causes usually involve memory loss with temporal
regression of memories prior to the trauma or illness (retrograde amnesia), associated with
the inability to encode and/or evoke new information (anterograde amnesia). Those severe
memory problems, which are basically what these syndromes are about, stand in sharp
contrast with the relative preservation of other mental functions. An important distinction
can be established between hippocampal amnesias associated with temporal lesions, and
those amnesias connected with more diffuse lesions (especially diencephalic and fronto-cin-
gular lesions) which are related to Korsakoff’s syndromes.
Key Words : amnestic syndromes, retrograde amnesia, anterograde amnesia, hippocampal
lesions, Korsakoff’s syndrome, transient global amnesia.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


43
Claudette PLUCHON
Orthophoniste
Unité de Neuropsychologie &
Rééducation du Langage
CHU de Poitiers
Cité hospitalière de la Milétrie
350, avenue Jacques Cœur
86021 Poitiers cedex

L
es troubles de mémoire sont divers et provoqués par des états patholo-
giques variés. Les syndromes amnésiques de cause organique ne repré-
sentent qu’une partie des amnésies : ils doivent être distingués des amné-
sies d’origine psychique ou des amnésies liées aux processus démentiels qui
associent au déficit mnésique une détérioration de diverses fonctions cognitives.
Une distinction doit également être opérée entre les syndromes amnésiques
durables par lésions généralement bilatérales du circuit de Papez et les syn-
dromes amnésiques apparentés post-traumatiques faisant appel à différentes
étiologies. Une place particulière doit enfin être réservée aux syndromes amné-
siques transitoires dont l’ictus amnésique représente le prototype.

♦ Les principaux traits sémiologiques des amnésiques durables


Les syndromes amnésiques de cause organique s’inscrivent dans un
contexte séméiologique associant aux notions d’amnésie antérograde et rétro-
grade celle d’éventuelles fabulations, avec respect des capacités de vigilance et
préservation plus ou moins totale des autres facultés cognitives.
1 - L’amnésie antérograde correspond à une impossibilité de mémorisa-
tion des événements récents. Elle est donc responsable d’un « oubli à mesure »
et altère la mise en mémoire des faits de la vie quotidienne. Après un délai de
1 à 2 minutes meublé par une tâche interférente, le patient ne peut restituer l’in-
formation visuelle, verbale ou tactile qui vient de lui être fournie, alors que la
reproduction immédiate de cette même information était possible. L’oubli à
mesure peut avoir pour conséquence une désorientation temporelle, voire spa-
tiale et s’accompagne dans les troubles paroxystiques de questions itératives qui
reflètent l’anxiété d’un sujet privé de tout repère. L’amnésie antérograde se
manifeste à partir de la survenue de la maladie ou de l’accident.
Différentes théories ont tenté de rendre compte des troubles de mémoire
antérogrades présentés par les patients amnésiques. L’existence d’une altération

44
d’encodage, de stockage ou de récupération a été envisagée. On ne peut cepen-
dant encore actuellement interpréter de manière complète l’amnésie.
2 - L’amnésie rétrograde désigne quant à elle l’incapacité ou la difficulté
à évoquer des événements du passé survenus avant l’installation de la maladie ou
la survenue de l’accident. La loi de RIBOT (1881) a établi un gradient temporel
qui fait que les souvenirs les plus anciens sont les plus résistants. L’effacement
des souvenirs peut concerner une période s’étendant de quelques jours à plu-
sieurs années. La récupération s’avère progressive au fur et à mesure de l’évolu-
tion de la maladie, les troubles allant en régressant des souvenirs les plus anciens
vers les plus récents qui, eux, resteront définitivement effacés car seulement ins-
crits dans une mémoire labile non consolidée. Dans le cadre des maladies dégé-
nératives, comme la maladie d’Alzheimer, l’étendue de l’amnésie rétrograde est
au contraire de plus en plus importante et des tranches d’un passé toujours plus
ancien s’anéantissent peu à peu. Enfin, les observations cliniques ont montré
qu’il pouvait exister des amnésies antérogrades sans amnésies rétrograde
majeure et également, bien que plus rarement, des amnésies rétrogrades sans
amnésie antérograde (GOLDBERG, HUGUES, MATTIS & ANTIN, 1982).
Le fonctionnement de la mémoire rétrograde est au centre de nombreuses
recherches en psychologie cognitive. Les dernières études reconnaissent toutes à
l’amnésie rétrograde un caractère hétérogène : « En particulier, les dissociations
observées au sein même de la mémoire rétrograde semblent indiquer que la
connaissance des faits publics n’est pas stockée avec la connaissance des événe-
ments personnels... Il se pourrait en outre que les connaissances autobiogra-
phiques et les connaissances générales soient constituées de différents types d’in-
formations auxquels on accède par des voies différentes » (VAN DER LINDEN,
1992).
3 - Les fabulations résultent de la reconstruction anarchique d’un vécu
où souvenirs anciens et récents se télescopent et sont parfois même intriqués à
des événements imaginaires. Ces fabulations de remémoration peuvent surgir
spontanément dans le discours mais apparaissent le plus souvent en réponse aux
questions de l’examinateur. Interrogé sur ses activités récentes, le patient pro-
duit des réponses verbales erronées ou confabulations qui évoquent néanmoins
parfois des activités très voisines de celles de sa vie habituelle. Les fabulations
observées dans les syndromes amnésiques neurologiques sont liées à l’oubli
antéro et rétrograde accompagné d’une anosognosie.
Les fausses reconnaissances avec identification au présent d’un person-
nage du passé, attribution à un inconnu de l’identité d’un proche ou intégration
d’un visage nouveau à la biographie, sont à rapprocher des processus de fabula-
tion.

45
4 - Si les désordres mnésiques peuvent s’accompagner, outre l’anoso-
gnosie, d’une euphorie, parfois d’une apathie, d’un manque d’initiative, voire
d’un déficit attentionnel ou de troubles du comportement, le respect de la
vigilance doit par contre être observé pour conclure au diagnostic de syn-
drome amnésique. Un distinguo doit ainsi être effectué avec les sémiologies
confusionnelles dont les tableaux cliniques comportent la notion d’un oubli à
mesure et d’une désorientation temporo-spatiale qui ne sont pas qualifiés
d’amnésiques.
Par ailleurs, les fonctions intellectuelles et cognitives (langage, calcul,
praxies, raisonnement logique) sont préservées, ou relativement épargnées, dans
les syndromes amnésiques qui ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une altération
mentale globale.

♦ Les différents types de syndromes amnésiques durables


1- L’amnésie hippocampique :
Elle se caractérise par :
➯ une amnésie antérograde massive pour toutes les modalités senso-
rielles, avec un effacement en un temps très court (de l’ordre de 30
secondes) des informations nouvelles après interférence.
➯ le respect d’une mémoire très immédiate (empan normal) ainsi que
celui de la mémoire de travail, à condition que le délai séparant la présen-
tation des données de leur restitution n’excède pas 30 secondes.
➯ une amnésie rétrograde peu étendue.
➯ le respect de la mémoire sémantique.
➯ la préservation de la mémoire implicite.
➯ l’absence de fabulations et de fausses reconnaissances.
➯ la conservation des capacités d’attention et l’absence de déficit des
fonctions exécutives.
Le cas du patient HM (SCOVILLE & MILNER, 1957 ; MILNER, 1962)
opéré à l’âge de 27 ans d’une double lobectomie temporale incluant l’hippo-
campe en vue de traiter une épilepsie sévère est l’illustration parfaite du syn-
drome d’amnésie hippocampique. Après son intervention, HM a présenté un
oubli à mesure avec impossibilité d’acquisition de nouvelles informations,
disant avoir sans cesse l’impression de se réveiller. Soumis à des tests d’appren-
tissage, HM a toujours eu des performances très déficitaires tant en rappel
qu’en reconnaissance. Aucune fabulation ou fausse reconnaissance n’a jamais
été enregistrée. HM sait qu’il a des troubles de mémoire. Une amnésie rétro-
grade d’environ 3 ans a également effacé de sa mémoire certains souvenirs

46
(exemple : déménagement 11 mois avant l’opération). Obtenant de bons résul-
tats aux tests d’intelligence générale, HM, dont l’empan de mémoire immédiate
était normal, put acquérir certaines habiletés perceptivomotrices (écriture en
miroir, mouvements de poursuite) tout en oubliant qu’il avait effectué les tâches
correspondantes. La mémoire procédurale était donc partiellement respectée.
Par contre, dans des épreuves de jugement d’identité de deux stimuli non ver-
baux, auditifs ou visuels, les performances du patient se détérioraient avec l’al-
longement du délai et les réponses n’obéissaient qu’à la seule loi du hasard au-
delà de 60 secondes.
Une amnésie hippocampique, ou syndrome amnésique sévère et pur, peut,
outre les cas neurochirurgicaux, être observée lors :
❖ d’un infarctus bilatéral dans les territoires des artères cérébrales pos-
térieures. Les lésions consécutives des lobes occipitaux et des hippo-
campes réalisent alors le syndrome de DIDE et BOTCAZO avec exis-
tence d’une cécité corticale et d’une amnésie rétroantérograde de type
hippocampique.
❖ d’une encéphalite herpétique, l’amnésie pouvant coexister avec des
troubles du langage et des troubles majeurs du comportement qui évo-
quent le syndrome de KLÜVER et BUCY et témoignent de lésions asso-
ciées du système limbique.
❖ de séquelles d’anoxie après arrêt cardiaque ou intoxication à l’oxyde
de carbone.
L’amnésie hippocampique peut enfin correspondre à un mode de début de
la maladie d’Alzheimer.

2 - L’amnésie diencephalique et frontocingulaire :


Les lésions de certaines structures cérébrales représentées par « les corps
mamillaires et le thalamus, le trigone (ou fornix), le télencéphale basal, le lobe
frontal et en particulier le gyrus cingulaire » (GIL, 1996) peuvent être à l’ori-
gine d’un syndrome amnésique dont KORSAKOFF (1889) réalisa une descrip-
tion sémiologique précise chez des patients présentant pour la plupart un alcoo-
lisme chronique.
❖ Le syndrome de Korsakoff peut, au cours de l’alcoolisme, s’installer
progressivement ou surgir lorsque se manifeste un état confusionnel cor-
respondant à l’encéphalopathie de GAYET-WERNICKE. Une carence en
vitamine B1 est à l’origine des troubles et les lésions bilatérales et symé-
triques concernent les tubercules mammillaires et le noyau dorsomédian
du thalamus.

47
❖ Un syndrome de Korsakoff peut aussi être observé dans différentes
pathologies ayant d’autres causes nutritionnelles (exemple : le béri-béri
en Extrême Orient avec carence d’apport en vitamine B1 ➯ alimentation
à base de riz poli).
❖ Les tumeurs du plancher du IIIème ventricule ainsi que les tumeurs
bifrontales internes peuvent être responsables de l’existence d’un syn-
drome de Korsakoff. Parmi elles, les crânio-pharyngiomes rencontrés
chez l’enfant présentent un intérêt théorique dans le sens où, bien que fré-
quents, ils ne s’accompagnent pas, contrairement à ce que l’on observe
chez l’adulte, d’un syndrome de Korsakoff.
❖ Un syndrome de Korsakoff post-traumatique peut aussi apparaître
après la période confusionnelle consécutive à un coma lié à un trauma-
tisme crânien.
❖ Les infarctus thalamiques bilatéraux ou unilatéraux (pédicule artériel
paramédian ou interpédonculaire profond) sont responsables de syn-
dromes apparentés se caractérisant par une amnésie antérograde intense et
pure sans fabulation, avec une lacune rétrograde minime sauf dans les cas
avec extension sous-thalamique (VIGHETTO & al., 1986). Les infarctus
unilatéraux gauches entraînent une amnésie qui affecte surtout le matériel
verbal.
Sur le plan clinique, le SYNDROME DE KORSAKOFF se caracté-
rise par :
❖ Une amnésie antérograde avec oubli à mesure (en quelques minutes
ou dizaines de secondes), mais le trouble semble plus se situer au niveau
du rappel des informations qu’au niveau du stockage proprement dit. Les
amnésies mamillothalamiques se différencient donc des amnésies hippo-
campiques dans le sens où la présence d’indices de récupération facilite le
rappel des informations (WARRINGTON & WEISKRANTZ, 1970) chez
les patients ayant un profil korsakovien. LHERMITTE & SIGNORET
(1972), MATTIS & al. (1978), avaient déjà indiqué la possibilité d’une
distinction entre les patients présentant une amnésie diencéphalique et
ceux présentant une amnésie temporale sur la base d’un taux d’oubli plus
rapide dans le cas des atteintes temporales.
Pour WINOCUR & al. (1981), l’amnésie diencéphalique correspond à la
fois à un tro u ble de l’encodage et à un tro u ble du rappel des
informations : en effet, s’il y a facilitation du rappel par la reconnaissance
ou l’utilisation d’indices, il y a aussi facilitation de l’apprentissage si l’on
fournit au patient des stratégies d’encodage, des indices contextuels suffi-

48
samment distincts. On peut donc considérer qu’il existe un déficit du trai-
tement initial des informations avec défaut d’indexation contextuelle des
données. Les indices utilisés à la phase d’encodage doivent être fournis
au patient au moment du recouvrement pour aider le malade à avoir accès
à l’information. Les processus d’encodage et de récupération semblent
donc impliqués dans le déficit des patients korsakoviens.
❖ L’existence d’une désorientation temporo-spatiale, conséquence de
l’amnésie antérograde.
❖ La préservation de la mémoire immédiate avec un empan digital
normal.
❖ Une amnésie rétrograde constante qui s’étend sur quelques décennies
avant le début de la maladie et qui respecte tout du moins en partie les
souvenirs anciens et surtout le stock culturel (préservation de la mémoire
sémantique). L’amnésie rétrograde épisodique est plus étendue que dans
l’amnésie hippocampique.
❖ L’existence de fabulations avec incorporation des souvenirs anciens au
passé récent, télescopage de réminiscences biographiques mêlées de
récits entendus au travers des médias.
❖ L’existence de fausses reconnaissances conduisant le patient à attri-
buer à un inconnu l’identité d’une personne familière.
❖ Une anosognosie constante, accompagnée parfois d’une certaine
euphorie bien que les patients puissent aussi à d’autres reprises rester
semi-indifférents.
❖ Un respect relatif des facultés de raisonnement sans que soient
exclus des désordres cognitifs évoquant des traits frontaux : déficit atten-
tionnel, sensibilité aux interférences, incapacité à mettre en place des
stratégies adaptées.
❖ L’épargne des mémoires résiduelles (mémoire implicite, mémoire
procédurale) montrée par exemple au travers des épreuves de priming ou
d’apprentissages gestuels et procéduraux.
3 - Les amnésies frontales :
3-1 - Les lésions du « basal forebrain » (DAMASIO et al., 1985), de la
portion postérieure des régions orbito-frontales, peuvent être à l’origine de
troubles mnésiques complexes, avec association possible de signes frontaux.
Il en est de même des lésions cingulaires bilatérales qui entraînent égale-
ment des désordres particuliers.

49
❖ Une amnésie cingulaire, observée dans les lésions séquellaires des ané-
vrysmes de la communicante antérieure, associe des confabulations
intenses souvent invraisemblables à un trouble électif du rappel spontané
contrastant avec une bonne reconnaissance. Des troubles de la personna-
lité réunissent apathie et perturbations des conduites sociales. Il existe des
paramnésies de reduplication et une aphasie transcorticale motrice peut
compléter le tableau clinique.
❖ ESLINGER & DAMASIO rapportent en 1985 le cas d’un patient
devenu amnésique après ablation bilatérale du lobe frontal orbitaire et
mésial. Le tableau clinique est celui d’une amnésie sociale et affective
s’accompagnant de troubles d’évocation des comportements automa-
tiques et adaptés aux situations concrètes. Il existe des troubles du carac-
tère, de la personnalité, une sociopathie acquise. Les résultats aux tests
sont cependant normaux, le déficit ne se manifestant qu’en situation quo-
tidienne et pragmatique.
3-2 - Les lésions de la portion dorsolatérale du lobe frontal entraînent une
altération de la mémoire de travail, de la mémoire temporelle, de la mémoire
contextuelle spatiale (erreurs répétées aux tests d’apprentissage de labyrinthes).
La méta-mémoire est également perturbée ainsi que la mémoire de source.

♦ L’amnésie post-traumatique
Le tableau clinique qui s’installe après la période confusionnelle consécu-
tive au coma post-traumatique se caractérise par une amnésie antérograde avec
oubli à mesure, précédée d’une amnésie rétrograde. La question a souvent été
posée de savoir si la durée de l’amnésie antérograde pouvait être considérée
comme facteur prédictif de la qualité de la récupération ultérieure (BROOKS &
al., 1980) ; il semblerait en fait qu’une amnésie post-traumatique supérieure à
une semaine soit dans une certaine mesure corrélée à l’existence de séquelles
durables.
L’amnésie rétrograde peut s’étendre sur une période de plusieurs années
avant la survenue du traumatisme ; elle s’accompagne à la phase initiale de
fabulations, voire parfois de paramnésies de reduplication avec dédoublement
des perceptions (je sais que je suis à l’hôpital, cet hôpital est celui de ma propre
ville mais pourtant je suis loin de la ville où j’habite). Un syndrome de Capgras
peut être associé : le patient n’identifie plus alors ses proches et croit qu’ils sont
remplacés par des sosies considérés comme des imposteurs.
La fin de l’amnésie post-traumatique correspond en règle générale au
retour à une orientation normale.

50
L’amnésie rétrograde peut disparaître progressivement ; elle peut aussi
demeurer permanente, la lacune rétrograde étant alors de durée variable.
Les localisations des lésions sont diverses : les pôles temporaux, les
régions orbito-frontales et les faisceaux d’association comme le fornix sont les
structures les plus vulnérables (COUVILLE, 1945).
Les déficits résiduels d’une amnésie post-traumatique se situent au niveau
des capacités d’apprentissage avec présence de troubles de la reconnaissance.
La mémoire verbale des traumatismes crâniens, explorée au travers de tâches de
rappel libre de listes de mots, a fait l’objet de plusieurs travaux : certains auteurs
ont conclu à une atteinte des mécanismes de stockage consécutive au trauma-
tisme (BROOKS, 1975).
Les effets différés d’un traumatisme crânien peuvent être observés plu-
sieurs mois, voire plusieurs années après la survenue du traumatisme (MORTI-
MER & PIROZZOLO, 1985).
Les difficultés attentionnelles, instrumentales ou intellectuelles liées au
traumatisme crânien ne sont pas sans interférer avec les troubles mnésiques au
niveau de l’évolution du patient.

♦ Les syndromes amnésiques transitoires


L’ictus amnésique est le modèle même du déficit pur de mémoire
(TRILLER & al., 1983). De survenue brutale, il se caractérise par une amnésie
antérograde massive avec oubli à mesure mais sans fabulations. Le patient réitère
les questions car il ne fixe pas les réponses qui lui sont fournies et n’est pas
conscient de son trouble de mémoire. Il n’existe pas de désorientation spatiale.
L’amnésie antérograde est isolée, sans qu’il y ait altération de la vigilance
ou des capacités perceptives, praxiques ou intellectuelles. Une amnésie rétro-
grade intéressant les quelques heures ou quelques jours précédant l’ictus com-
plète le tableau clinique. Un apprentissage implicite demeure possible pendant
la durée de l’ictus.
Si dans 50% des cas, aucun cause déclenchante n’est décelable, certains
ictus amnésiques surviennent dans un contexte de tension psychologique ou
d’effort physique (émotion forte, rapport sexuel, activité sportive... etc.).
L’ictus amnésique, générateur d’anxiété, peut durer de 4 à 6 heures mais
régresse de toute façon dans les 24 heures. Le patient conserve ensuite une
amnésie lacunaire de la période concernée et des quelques minutes ou heures
précédant l’installation des troubles. La persistance de cette lacune amnésique
permet d’attribuer le trouble antérograde à un déficit de l’enregistrement. Le fait
que l’amnésie rétrograde régresse suggère par ailleurs qu’un déficit des méca-
nismes de rappel accompagne celui de l’encodage et de la consolidation.

51
Un ictus peut récidiver dans 15 à 25% des cas. L’hypothèse d’un vasos-
pasme (mécanisme ischémique) accompagnant une migraine ou analogue à un
mécanisme migraineux et responsable de la survenue de l’ictus amnésique a pu
être évoquée (GIL, 1996). Un mécanisme épileptique a également parfois été
incriminé. Les amnésies globales transitoires pourraient avoir comme dénomi-
nateur commun, sur le plan étiologique, une souffrance hippocampique ou dien-
céphalique.

♦ Conclusion
« Les activités mnésiques impliquent plusieurs types de processus psy-
chophysiologiques et les lésions responsables des syndromes amnésiques peu-
vent siéger en différents points du système limbique » (SIGNORET, 1996). S’il
existe un noyau sémiologique commun aux amnésies neurologiques, les syn-
dromes amnésiques peuvent semble-t-il être distingués en fonction de deux
principaux axes qui, pour l’un, correspondrait à un déficit du stockage des infor-
mations (amnésies temporales), et qui, pour l’autre, associerait un trouble de
l’encodage à un trouble du rappel (amnésies diencéphaliques).
La complexité des structures cérébrales qui sous-tendent les processus de
mémorisation exige toutefois que l’on reste toujours très circonspect quant à
l’interprétation des syndromes amnésiques : nombre de questions relatives aux
amnésies organiques demanderont en effet encore à être résolues dans le futur.

52
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relationship to early indices of severity of brain dama ge after severe blunt head injury. Journal of
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53
La plainte mnésique
Claudie Ornon

Résumé
La plainte mnésique, éminemment subjective, ne correspond pas à un profil neuropsycholo-
gique particulier. Elle peut s’exprimer en l’absence de toute diminution du rendement cogni-
tif, s’inscrire dans ce qu’il est commun d’appeler les oublis bénins de la sénescence, ou être
satellite d’une souffrance dépressive. La principale question porte sur son devenir et son
éventuelle dimension « prédictive » d’une détérioration.
Mots clés : vieillissement, plainte mnésique, oublis bénins, dépression, démence.

Memory-related complaints

Abstract
Memory-related complaints are highly subjective and are not associated with any particular
neuropsychological profile. They can be present without any decline in cognitive capabilities,
or they can be part of what is commonly referred to as the benign forgetfulness of old-age.
They can also be related to depression. The primary question regards the possible course
and outcome of such complaints as well as their utility in predicting future deterioration.
Key Words : aging, memory-related complaints, benign forgetfulness, depression,
dementia.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


55
Claudie ORNON
Psychologue
Unité de Neuropsychologie &
Rééducation du Langage
CHU de Poitiers
Cité hospitalière de la Milétrie
350, avenue Jacques Cœur
86021 Poitiers cedex

Comme le passant, sur ce passage mille fois regardé, jette


subitement un regard neuf, ainsi l’homme vieillissant
s’avise un beau matin de la cruelle réalité : un beau
matin il regarde ce visage fripé qui est le sien et qu’il
regardait jusque là distraitement...Il considère en silence
le visage fripé comme si jamais il ne l’avait vu, comme
s’il le voyait aujourd’hui pour la première fois.
Vladimir JANKELEVITCH

V
ieillir : « prendre de l’âge, s’approcher de la vieillesse ». Dans cette
d é finition du Petit Robert, on voit ap p a ra î t re un processus : on
DEVIENT vieux. Bien que le vieillissement soit à l’œuvre dès la nais-
sance, sa prise de conscience est plus tardive. Peut-être débute-t-elle au milieu
de la vie quand le temps qu’il nous reste devient potentiellement plus court que
celui que nous avons déjà vécu. Puis, au fil du temps, le poids des ans prend une
toute autre signification. Même si l’on ne se sent pas vieux, de nombreux mar-
queurs biologiques, sociologiques ou psychologiques sont là pour nous rappeler
que nous sommes engagés dans le dernier parcours.
Le vieillissement est en fait la double expression du déroulement du
temps biologique (la sénescence), et du temps chronologique (l’avancée en âge).
Dans la réalité, l’âge biologique et l’âge chronologique ne coïncident pas forcé-
ment ; il en va de même dans nos représentations psychiques. De nombreux fac-
teurs peuvent influencer le processus de sénescence : les conditions de vie, la
forme physique, le progrès médical, le niveau socio culturel, etc. Par contre,
nous sommes toujours impuissants face à notre finitude.
Sur le plan psychique, le vieillissement entraîne de nombreux réaménage-
ments. « Vieillir c’est déjà réaliser le deuil de soi-même en assumant ses pertes
successives », soulignait P.L. ASSOUN (1983). Certes, cette étape de la vie est
jalonnée de crises et de pertes, qu’elles soient sociales, affectives, fonctionnelles

56
ou cognitives, mais le fatalisme n’est pas obligatoire. Il existe une grande varia-
bilité interindividuelle : la santé des personnes âgées n’est pas forcément mau-
vaise et la sénilité n’est pas inéluctable.
Le sujet vieillissant doit donc vivre au présent puisque l’avenir c’est la
mort, déjà annoncée mais désormais imparable. Lucien ISRAEL (1988) rappelle
à quel point « cet impératif de vivre l’instant », ce « carpe diem », si inhabituel
dans la vie active, est intolérable à l’être humain et de ce fait source d’angoisse.
En gardant à l’esprit ces quelques considérations sur cette période de vie
si particulière, nous pouvons peut-être mieux entendre les nombreuses plaintes
des sujets vieillissants.
A partir de 50 ans, la plainte mnésique apparaît de façon importante dans
la population et sa fréquence ne cesse d’augmenter avec l’avancée en âge.
A l’arrière plan, on retrouve souvent dans le discours des patients le
spectre de la Maladie d’Alzheimer. Certes, cette plainte mnésique peut s’avèrer
n’être que le constat anxieux de la vieillesse qui s’ébauche, mais il convient d’y
être très attentif car elle peut aussi être le reflet d’un processus involutif débu-
tant.
Avant de préciser la sémiologie de la plainte mnésique, ses méthodes
d’investigation et son diagnostic différentiel sur le plan neuropsychologique,
rappelons brièvement ce qu’est le vieillissement cognitif.

♦ Le vieillissement cognitif
Le principal problème est de savoir si la plainte mnésique traduit une
réelle diminution des performances, ce qui peut être vérifié par un bilan neuro-
psychologique, en comparant les performances du patient avec les normes de la
classe d’âge correspondante, c’est-à-dire la moyenne des scores obtenus par des
sujets dont le vieillissement est considéré comme « normal ».
Mais qu’est-ce que le vieillissement cognitif « normal » ?
Sur le plan biologique, on sait qu’il existe avec le temps des modifica-
tions au niveau sensoriel, dermatologique, circulatoire, etc. Notre cerveau n’est
pas épargné, avec l’apparition d’une atrophie cérébrale liée à une dépopulation
neuronale, une baisse progressive des neuromédiateurs et du débit sanguin.
L’une des caractéristiques du cerveau âgé la plus anciennement connue
est la présence de plaques séniles. Entre 55 et 70 ans elles sont relativement
rares, tandis que dans la septième décennie et plus tard, elles peuvent être
observées chez presque tous les individus.
Ce vieillissement cérébral normal va de pair avec une moins grande effi-
cacité intellectuelle. Il ne s’agit pas d’une détérioration mais plutôt « d’une

57
modification de l’architecture fonctionnelle de la cognition s’expliquant par des
processus interdépendants » ( M.C. GELY-NARGEOT, A. MERGIS, 1998).
Bien que certains individus conservent, même très âgés, de très bonnes
performances, en règle générale on observe assez précocement une diminution
de l’efficience mnésique.
Cet affaiblissement cognitif se traduit surtout par des difficultés dans l’ac-
quisition de nouvelles informations, et ce en raison des effets de trois facteurs
généraux qui sont :
➯ un ralentissement de la vitesse du traitement de l’information.
➯ une moins bonne efficacité de la mémoire de travail.
➯ des perturbations au niveau des mécanismes d’inhibition des informa-
tions non pertinentes.
Ces trois principaux facteurs interagissent dans la résolution de tâches
cognitives, quelle que soit leur nature. Dans le domaine mnésique par exemple,
plus l’information cible sera complexe, plus la vitesse de traitement sera ralen-
tie, ce qui accentuera l’oubli.

♦ Sémiologie de la plainte mnésique


La plainte mnésique consiste en l’expression, par le sujet lui-même, d’un
mécontentement quant à la mauvaise efficacité de ses capacités de mémorisa-
tion.
C’est donc un phénomène essentiellement subjectif, qui dépend plus des
croyances qu’a le sujet de son fonctionnement mnésique que d’un résultat
objectif.
Ce discours plaintif peut être influencé par les stéréotypes sociaux et leurs
acceptations (« en vieillissant, la mémoire flanche »...). La personnalité du sujet,
ses exigences vis à vis de lui-même et le niveau d’activité intellectuelle main-
tenu après la retraite, peuvent également prendre part à l’éclosion de ce mécon-
tentement. Il n’est pas rare enfin que la lecture fortuite d’un article sur la mala-
die d’Alzheimer amène le patient à consulter.
Les modalités d’expression de cette plainte sont variables mais le déficit
invoqué concerne toujours une diminution des performances dans la vie quoti-
dienne.
Le patient se plaint d’oublier les noms propres, d’égarer ses objets per-
sonnels, de ne pas pouvoir effectuer l’achat des provisions domestiques sans
liste préalable, de ne pas retenir les numéros de téléphone, etc. Il s’agit donc de
difficultés à se rappeler une information immédiatement ou après un délai. Le
discours des patients est d’ailleurs souvent étayé par l’opposition entre des sou-

58
venirs anciens très vivants et la douloureuse sensation de ne pas retenir le pré-
sent.
Généralement, ces achoppements de la mémoire ne perturbent pas pro-
fondément la vie sociale, mais ils sont source d’agacement et parfois d’inquié-
tude.
Il n’existe pas de lien univoque entre ce que le sujet perçoit de son fonc-
tionnement cognitif et les performances objectivées par l’examen neuropsycho-
logique.
Ainsi, après confrontation des résultats obtenus, deux profils peuvent
s’observer :
➯ des sujets exprimant une plainte mnésique mais dont les performances
aux tests sont strictement normales. La plainte est alors le reflet d’une
mauvaise estimation du fonctionnement cognitif, dont l’origine peut être
multiple : déficit de la métamémoire, anxiété, etc. Il convient toutefois
d’être vigilant, des études (PAQUID) ont montré que malgré des résultats
normaux aux tests, et en l’absence de syndrome dépressif, des évolutions
vers un état démentiel ne sont pas rares chez des patients présentant un
profil de ce type quelques années auparavant.
➯ le bilan neuropsychologique inscrit cette plainte dans une réalité avec
diminution significative des performances mnésiques. Une surveillance
étroite est alors de rigueur afin d’établir un diagnostic différentiel précoce.
Un troisième cas de figure peut s’exprimer lors de l’évaluation cognitive :
il peut exister de faibles performances en l’absence d’une plainte mnésique.
Cette constatation peut être le reflet d’une complète anosognosie des troubles
avec l’illusion d’un bon fonctionnement cognitif. Elle peut aussi traduire un
aménagement défensif de la part du sujet face à une perception ressentie, mais
dont la non reconnaissance traduit le vécu traumatisant.
Cette troisième éventualité n’est pas obligatoirement synonyme de dété-
rioration débutante mais impose la vigilance. C’est pourquoi il ne faut pas se
priver lors de l’entretien de questionner le sujet sur son ressenti même s’il ne
l’exprime pas (souffrez-vous de votre mémoire ? des oublis perturbent-ils l’har-
monie de votre quotidien ?, etc.), et être attentif à la façon dont le sujet répond à
ce genre de questions.

♦ Evaluation de la plainte mnésique


Lorsqu’un patient se présente à une consultation neuropsychologique, une
écoute particulière doit être apportée à la plainte, dans ses modalités d’expres-
sion, sa nature et son retentissement sur la vie quotidienne.

59
Confronté aux résultats psychométriques, le discours du patient et de son
entourage peut permettre d’affiner le diagnostic.
Cette évaluation se fait bien évidemment par l’entretien, et l’on peut s’ai-
der de questionnaires d’auto-évaluation mnésique pour mieux quantifier et qua-
lifier cette plainte.

1 - L’entretien :
Cet entretien peut être qualifié de semi-directif puisqu’il doit tenter de
faire préciser cinq aspects :
➯ tout d’abord, cerner l’ORIGINE de la plainte. Qui se plaint ? Est-ce le
patient lui-même qui constate un moins bon rendement mnésique au quo-
tidien ? Est-ce son entourage proche qui lui a fait remarquer et qui a
insufflé cet examen neuropsychologique ? Ou bien encore, est-ce le
médecin de famille qui détecte un changement inhabituel chez son patient
bien connu, sans que ni lui ni l’entourage n’ex p rime la moindre
doléance ?
➯ le DEBUT des troubles et leurs CIRCONSTANCES D’APPARI-
TION méritent d’être précisés. L’installation des troubles a-t-elle été
brutale ou insidieuse ? L’anamnèse révèle-t-elle un changement de traite-
ment médicamenteux, une perte de connaissance, un traumatisme crâ-
nien, etc. ? Les troubles sont-ils survenus dans un contexte psycho-affec-
tif particulier ?
➯ l’EVOLUTION des troubles est-elle rapide ou lentement progressive ?
Se fait-elle par paliers successifs ou de façon continue ?
➯ comment se définissent ces troubles, quelles sont leurs CARACTE-
RISTIQUES ? S’agit-il d’oublis d’informations récentes ou anciennes,
existe-t-il une répercussion sur l’orientation temporo-spatiale du sujet, sur
ses facultés de reconnaissance des personnes ? A-t-il conscience ou non
d’un dysfonctionnement mnésique ?
➯ on évalue le RETENTISSEMENT DES TROUBLES SUR LES
ACTIVITES QUOTIDIENNES. Existe-t-il une réduction des activités,
une perte d’intérêt, des incapacités au niveau de l’autonomie fonction-
nelle et sociale du patient ?
Enfin, observe-t-on des troubles associés notamment sur le plan thymique
et comportemental (souffrance morale avec aménagement dépressif, hallucina-
tions, idées délirantes, etc.) ?
Cet entretien s’adresse au sujet lui-même et à son entourage, la comparai-
son des réponses ayant parfois une grande valeur diagnostique.

60
2 - Les questionnaires d’auto-évaluation :
Nous avons à notre disposition quelques outils comme le Questionnaire
d’Auto-évaluation de la Mémoire (Q.A.M) ou l’Echelle d’auto-évaluation des
Difficultés Cognitives (E.D.C).
➯ le Q.A.M de VAN DER LINDEN et al.(1989) :
Ce questionnaire a été construit de manière empirique par plusieurs neu-
ropsychologues cliniciens (universités de Liège et de Louvain).
Il comporte 64 questions regroupées en 10 rubriques, telles que « les
oublis concernant les conversations », « les oublis concernant les actions
à effectuer », « les distractions », etc.
Une question générale (« avez-vous des problèmes de mémoire dans la
vie quotidienne ? ») est proposée en début et en fin de questionnaire, ce
qui permet d’évaluer parfois la prise de conscience progressive par le
patient de difficultés mnésiques au cours du questionnaire.
Ce questionnaire existe en deux versions : l’une est administrée au sujet
lui-même et l’autre est remplie séparément par un proche du patient.
➯ l’E.D.C de MAC NAIR et KAHN (1984) :
Cette échelle d’auto-évaluation des difficultés cognitives a été traduite en
français par Lucien ISRAEL (1986), et validée sur plus de 400 sujets
(J.POINTRENAUD, L. ISRAEL et al., 1996).
L’E.D.C se compose de 39 items avec, pour chacun d’entre eux, cinq pos-
sibilités de réponse allant de « jamais » à « très souvent ».
Ce n’est pas seulement une échelle de plainte mnésique, elle s’intéresse
aussi à plusieurs facteurs (B.F. MICHEL et al., 1997) :
➯ l’attention / concentration (ex : « je perds le fil de mes idées en
écoutant quelqu’un d’autre »).
➯ la mémoire (ex : « il m’est difficile d’évoquer le nom des gens que
je connais »).
➯ l’orientation temporelle (ex : « j’oublie quel jour de la semaine
nous sommes »).
➯ les difficultés cognitives diverses (ex : « je fais des fautes en écri-
vant, en tapant à la machine ou en me servant d’une calculatrice »).
Ces questionnaires peuvent sembler un peu longs, mais ils permettent de
bien systématiser la nature et l’intensité de la plainte. L’obtention d’un score
rend plus objective la ré-évaluation de la plainte mnésique au cours d’un bilan
neuropsychologique de contrôle

61
3 - l’examen neuropsychologique :
La plainte mnésique dans sa dimension inter-subjective est l’expression
d’une souffrance à laquelle une réponse doit être apportée.
L’interrogation clinique porte sur le substratum de cette plainte.
Est-elle à mettre en relation avec ce que l’on appelle « les oublis bénins
liés à l’âge » ? S’intègre-t-elle plus dans des troubles de l’humeur ? Est-elle plu-
tôt le reflet d’un processus dégénératif débutant ou avéré ?
L’évaluation neuropsychologique apporte une orientation diagnostique,
avec, en grille de lecture sous-jacente, le diagnostic précoce des syndromes
démentiels.
Ce bilan, détaillé, doit rechercher systématiquement les signes d’un dys-
fonctionnement cognitif pouvant évoquer un mode d’entrée dans un processus
involutif. Les compétences mnésiques doivent certes faire l’objet d’un examen
approfondi, mais l’on ne doit pas se priver d’évaluer les autres fonctions cogni-
tives. La recherche de troubles neuropsychiatriques doit également s’intégrer
dans ce bilan neuropsychologique, ainsi qu’une estimation de l’autonomie du
sujet.
Sans que la trame qui va suivre soit exhaustive, voici une possibilité de
bilan neuropsychologique face à la plainte mnésique d’un patient :
➯ l’entretien et les questionnaires d’auto-évaluation (détaillés plus haut) ;
➯ une évaluation rapide du niveau cognitif global (MMSE ou ERFC) ;
➯ une estimation rapide du niveau antérieur (Automatismes Verbaux de
BEAUREGARD ou Test de vocabulaire de BINOIS et PICHOT) ;
➯ une évaluation mnésique, verbale et visuelle. L’épreuve de GROBER
et BUSCHKE est un bon indicateur, qui permet de quantifier et de quali-
fier le trouble. Pour la mémoire visuelle, on peut utiliser le test de la
figure complexe de REY, ou le test de rétention visuelle de BENTON.
Quelques indications sur les capacités de mémoire à court terme peuvent
être obtenues au travers des mesures classiques d’empan à l’endroit. On
peut se faire une idée sur les capacités de mémoire de travail par le biais
des mesures d’empan à l’envers, (subtests « mémoire des chiffres » et
« mémoire visuelle » de l’ECHELLE CLINIQUE DE MEMOIRE DE
WECHSLER-REVISEE). Enfin, l’entretien nous renseigne sur les capa-
cités de restitution des données autobiographiques et de la chronologie
personnelle, ainsi que sur les possibilités de rappel de quelques événe-
ments d’actualité ;
➯ l’examen du langage doit comporter une épreuve de dénomination à
la recherche d’un manque du mot (par exemple la DO.80 du réseau
INSERM). En cas de doute sur les compétences langagières du patient,

62
un examen du langage approfondi est nécessaire à l’aide de batteries
s p é c i fiques (exemple : Boston Diagnostic Aphasia Examinat i o n
(BDAE) ou le protocole Montréal-Toulouse d’examen linguistique de
l’aphasie) ;
➯ les praxies sont évaluées au travers de petites épreuves cliniques telles
que la copie de dessins (figures planes ou en trois dimensions), l a réalisa-
tion ou l’imitation de gestes symboliques ou sans signification, l’utilisa-
tion d’objets de la vie courante ;
➯ les capacités gnosiques peuvent être testées à l’aide de petites épreuves
telles que l’identification de figures enchevêtrées (LILIA GHENT ou
POPPELREUTER), et de façon plus approfondie au travers du Protocole
d’Evaluation des Gnosies Visuelles (PEGV) qui permet de distinguer les
niveaux perceptif et associatif de l’identification visuelle ;
➯ les fonctions exécutives peuvent être abordées rapidement par le biais
de la Batterie Rapide d’Evaluation Frontale de DUBOIS et PILLON, par
le TRAIL MAKING TEST, le STROOP et quelques épreuves cliniques
de programmation graphique et gestuelle.
Ce qui précède concerne donc l’évaluation des critères cognitifs de
démence (DSM-IV). Mais le bilan neuropsychologique ne s’arrête pas là.
Au niveau des éventuels troubles psychocomportementaux, les données
recueillies par l’entretien peuvent être étayées par quelques échelles d’évalua-
tion.
Concernant les troubles de l’humeur, et notamment l’évaluation des syn-
d romes dépressifs, les échelles de dépression classiques (HAMILTO N,
MADRS) sont à utiliser avec prudence car elles sont peu spécifiques du sujet
vieillissant. Les items concernant les troubles somatiques et cognitifs risquent
d’élever artificiellement le score de dépression. Il est préférable de se référer
aux outils d’évaluation spécifiques à la personne âgée qui commencent à être
d i s p o n i bles (V. AU B I N - B RU N E T, R. JOUVENT, 1996). Par exe m p l e,
« l’échelle de dépression gériatrique » de YESAVAGE et BRINK qui s’intéresse
uniquement à la symptomatologie psychique du syndrome dépressif du sujet
âgé.
Si nécessaire, c’est-à-dire en fonction des conclusions psychométriques,
les troubles du comportement peuvent être évalués au travers de « l’inventaire
neuropsychiatrique » (P.H. ROBERT et al., 1998).
Enfin, pour l’appréciation de l’autonomie fonctionnelle et sociale du
patient (et plus dans l’optique d’un suivi au long cours), l’entretien peut se com-
pléter par la passation rapide de l’échelle I.A.D.L (P. BARBERGER-GATEAU
et al., 1993).

63
♦ Diagnostic différentiel
1 - Plainte mnésique et oublis bénins / démence (DSTA)
Le tableau classique est celui de patients venant consulter de leur propre
initiative, avec une plainte mnésique dont l’intensité peut être variable ; les
oublis concernent les faits récents sans perturber de façon importante le quoti-
dien.
L’examen neuropsychologique montre effectivement une petite diminu-
tion des performances mnésiques, sans que les critères de DSTA ne soient
réunis, et en l’absence d’une symptomatologie dépressive franche.
Il est alors usuel de qualifier ces troubles « d’oublis bénins de la sénes-
cence ».
Très tôt le souci de pouvoir différencier les oublis imputables aux effets
de l’âge des signes avant coureurs d’une détérioration s’est posé.
KRAL, dès 1962, avait proposé une dichotomie en oublis malins (évo-
luant vers la démence), et oublis bénins liés à l’âge (benign senescent forget ful-
ness).
D’autres classifications ont été proposées dans le même but.
En 1986 est né le concept d’AAMI, « aged associated memory impair-
ment » ( CROOK et al.), pour tenter de préciser les critères d’une altération de
la mémoire liée à l’âge.
Les critères d’inclusion au diagnostic d’AAMI peuvent être résumés de la
sorte :
➯ les sujets des deux sexes doivent être âgés de 50 ans et plus ;
➯ il doit exister une plainte mnésique ;
➯ l’évolution des troubles doit être progressive sans qu’il y ait eu aggra-
vation subite dans les mois précédant l’évaluation ;
➯ la présence de perturbations de la mémoire secondaire (mémoire récente)
doit être objectivée par un ou plusieurs tests standardisés, avec une dévia-
tion de plus d’un écart type par rapport aux valeurs de l’individu jeune. (Par
exemple : note M 6 au test de rétention visuelle de Benton, administra-
tion A ; note M 6 au sous-test de mémoire logique, et note M 13 au sous-test
d’apprentissage associé de la Batterie de Mémoire de WECHSLER) ;
➯ la préservation d’un bon fonctionnement intellectuel objectivé par un
score de 9 au moins au subtest de Vocabulaire de la WAIS ;
➯ l’absence de démence démontrée par un score de 24 ou plus au Mini
Mental State Examination de FOLSTEIN (MMSE).
Enfin, devait être exclu toute affection ou traitement pouvant engendrer
une détérioration cognitive.

64
Ce concept a depuis été largement critiqué. Florence MAHIEUX et
Marie-Christine GELY-NARGEOT (1997) résument ces différents points de
désaccord quant au choix des critères et à la validité du concept lui-même. Dans
les nombreuses critiques apparaissent par exemple la non prise en compte du
niveau culturel, la réduction au seul MMSE pour exclure une démence, la dévia-
tion à la moyenne de sujets jeunes. En reprenant les diverses tentatives de défi-
nition de cette entité anciennement connue sous le terme d’AAMI, les deux
auteurs montrent à quel point il est encore difficile, mais nécessaire, de spécifier
cette catégorie clinique.
Dans sa dernière édition de 1996, le DSM a inclus ces patients souffrant
de troubles mnésiques liés à l’âge dans une nouvelle catégorie diagnostique :
l’Age Related Cognitive Decline (ARCD).
Dans cette nouvelle acceptation, la sphère cognitive dans son entier est
concernée et non plus seulement les capacités mnésiques. La plainte mnésique
devient facultative, le constat objectif du déclin cognitif étant au centre de cette
définition de l’ARCD.
En résumé, des patients présentant une plainte mnésique (ou non, si l’on
se réfère à l’ARCD) et dont les tests objectivent un déclin mnésique modéré
mais significatif, sans troubles associés, peuvent entrer dans la catégorie des
oublis bénins de la sénescence.
La lecture de la littérature montre à quel point la définition précise de
cette entité est difficile. De façon sous jacente, la limite du vieillissement nor-
mal ou pathologique est très présente, avec de nombreux questionnements quant
à l’évolution de ces oublis « bénins ».
Des études ultérieures permettront peut-être de savoir si les patients dont
les troubles s’inscrivent dans les oublis bénins liés à l’âge sont en phase pré-cli-
nique de démence, ou « s’ils constituent réellement une entité nosologique
stable qui les différencie des normaux et des futurs déments » (M. PUEL et al.,
1997).

2 - Plainte mnésique et dépression / démence (DSTA)


La vieillesse n’est pas une maladie. Toutefois, la personne âgée doit
entreprendre, à cette étape finale de sa vie, certains réaménagements psy-
chiques. Cette période correspond à une véritable crise existentielle (au sens
Ericksonien du terme), qui peut parfois être difficilement surmontée et se solder
par un aménagement dépressif.
Cette symptomatologie dépressive n’est pas toujours diagnostiquée pour
deux raisons essentielles :

65
➯ la première est imputable aux idées socialement préconçues sur le
vieillissement considéré uniquement dans sa dimension de pertes et de
déficits. Dans ce contexte, il est donc considéré comme normal que le
sujet réponde à la vieillesse par la dépression. Le désintérêt, la pauvreté
du discours, la mimique figée, la tendance apathique ou tout autre symp-
tôme sont alors banalisés et dépouillés du message de souffrance morale
dont ils sont porteurs ;
➯ la seconde raison (qui vient sans doute en réponse à la première),
réside dans les modalités d’expression de la dépression chez le sujet âgé.
Il est assez rare en effet que la douleur dépressive soit verbalisée comme
telle, un cortège de plaintes somatiques diverses étant au premier plan.
Les difficultés de concentration et de décision, le ralentissement psycho-
moteur, les trous de mémoire font partie des symptômes contribuant au diagnos-
tic de dépression (DSM).
Chez le sujet âgé déprimé, il arrive que ces difficultés cognitives soient
exacerbées. La plainte mnésique est alors massive, c’est une plainte catastrophe
avec la crainte parfois à peine dissimulée de la déchéance intellectuelle et de
l’incurabilité.
Le principal diagnostic différentiel se situe entre dépression et démence,
situation parfois bien épineuse tant ces deux entités tissent des liens étroits.
L’analyse de la plainte mnésique est alors un élément de valeur diagnostique.
L’intensité de la plainte du patient déprimé s’oppose à la modestie des
doléances dans les processus démentiels. Cette plainte sévère est souvent accom-
pagnée d’autres plaintes (fatigue, maux de tête, etc.). Les oublis portent sur des
activités mnésiques demandant le plus d’effort avec de grosses difficultés de
concentration. La phase d’encodage des informations peut être de ce fait pertur-
bée, mais l’indiçage améliore généralement la récupération du souvenir, alors
qu’il est inefficace dans les affections organiques de type DSTA. Enfin, ces per-
turbations mnésiques ne s’accompagnent généralement pas d’autre déficit cogni-
tif (un léger retentissement sur les fonctions exécutives peut parfois s’observer).
L’orientation diagnostique est parfois difficile, surtout quand les signes
clinique de démence ne sont pas réunis mais que quelques signes d’appel neuro-
psychologiques nous posent question. A un stade précoce, le doute persiste
compte tenu de la présence incontestable de troubles cognitifs dans les dépres-
sions, et de perturbations psychocomportementales (encore peu connues mais
bien réelles) dans les processus dégénératifs débutants.
Les données de la littérature sur ce sujet sont abondantes mais la question
n’a pas pour autant trouvé de réponse franche, tant les intrications entre ces
deux pathologies sont complexes.

66
T. GALLARDA (1999), précise que « l’approche théorique des relations
entre maladie dépressive et démence ne se pose plus en terme de diagnostic dif-
férentiel mais en terme de comorbidité et d’intrication de ces deux affections ».
Il rappelle le résultat d’études montrant que certaines formes cliniques de
dépression d’apparition tardive (après 60 ans) constitueraient un facteur de
risque d’une évolution démentielle.
Sur le plan pratique, et compte tenu des données actuelles, la prudence est
de rigueur afin de ne pas porter le diagnostic de démence pour une réelle
dépression, et de ne pas masquer un processus dégénératif débutant par un dia-
gnostic de dépression porté trop hâtivement.
C’est pourquoi il convient, en présence d’un patient dont le comporte-
ment suggère un état dépressif, de tenter de cerner s’il s’agit d’une réelle
dépression. Le bilan neuropsychologique doit être détaillé, à la recherche de
signes d’appel d’un éventuel processus dégénératif. Compte tenu de l’augmen-
tation du risque de démence dans cette population, quand un déficit cognitif est
observé le suivi neuropsychologique s’impose, même après amélioration éven-
tuelle par traitement antidépresseur d’épreuve et prise en charge psycholo-
gique.

3 - Plainte mnésique et démence (DSTA)


Dans les états démentiels de type DSTA la plainte mnésique est rarement
intense voire même totalement absente. L’entretien peut parfois faire admettre
quelques oublis, mais ceux-ci sont minimisés. La répercussion des troubles sur
les activités quotidiennes est souvent occultée par le patient. L’entretien avec
l’entourage est alors très contributif.
Dans quelques cas plus rares, même à un niveau de déclin cognitif
avancé, les patients expriment un mécontentement quant à leur mémoire avec
une conscience douloureuse des troubles.
Ceci est valable pour les patients dont les troubles cognitifs s’inscrivent
dans l’hypothèse d’une probable DSTA, c’est-à-dire dont les déficits objectivés
réunissent les critères de démence (DSM).
La démence est un processus involutif que l’on sait de mieux en mieux
identifier, mais qu’en est-il du stade pré-démentiel, et notamment des doléances
du patient à ce stade infra-clinique ?
Peu de travaux empiriques permettent de définir précisément la plainte
mnésique, et plus particulièrement de distinguer un trouble fonctionnel bénin
d’un trouble prémonitoire de démence. C’est dans cette optique qu’au niveau de
l’étude PAQUID, J.F. DARTIGUES et al. (1997), ont tenté d’analyser la plainte
mnésique dans sa visée épidémiologique.

67
Cette enquête a respecté quatre critères :
➯ un échantillon représentatif de la population générale avec contrôle des
biais de sélection.
➯ le recueil des données sur les troubles mnésiques différenciant un
trouble ressenti, un trouble exprimé (au médecin par le sujet), un trouble
reconnu par l’entourage et une mesure de la performance mnésique.
➯ le suivi longitudinal et prospectif de l’échantillon.
➯ la recherche active des sujets évoluant vers une démence.
L’étude a été menée auprès de 1503 sujets de plus de 65 ans. La plainte
mnésique, recueillie par un questionnaire, a été confrontée aux performances
cognitives mesurées à l’aide de deux tests neuropsychologiques. Six groupes ont
ainsi été définis :
➯ groupe 1 : pas de trouble ressenti ni exprimé ; performances normales.
➯ groupe 2 : pas de trouble ressenti ni exprimé ; performances basses.
➯ groupe 3 : trouble ressenti mais non exprimé ; performances normales.
➯ groupe 4 : trouble ressenti mais non exprimé ; performances basses.
➯ groupe 5 : trouble ressenti et exprimé ; performances normales.
➯ groupe 6 : trouble ressenti et exprimé ; performances basses.
Le suivi de ces sujets s’est effectué sur quatre ans, avec recherche active
des démences incidentes à deux et quatre ans.
Les résultats obtenus montrent que l’incidence de démence (en personne-
année) est plus importante pour les groupes 4, 5 et 6 (respectivement égale à
2.45 %, 1.42 % et 3.64 % contre 0.36%, 0.96% et 0.33 % pour les trois premiers
groupes). Selon ces résultats, la plainte mnésique serait donc un indicateur de
l’augmentation du risque de démence (groupe 5 et 6), même quand les résultats
aux tests sont normaux (groupe 5).
En résumé, l’expression d’une plainte mnésique est à considérer avec
sérieux. Même si les résultats aux tests ne montrent pas de déficit, le suivi neu-
ropsychologique est donc préférable pendant quelques années.

♦ Conclusion
La plainte mnésique, si fréquente avec l’avancée en âge, mérite une atten-
tion particulière. Indissociable de l’examen médical, l’évaluation neuropsycho-
logique détaillée doit permettre de tracer le profil cognitif du patient et son
éventuelle compatibilité avec certaines « pathologies ».
Nous avons vu que la présence d’une plainte mnésique n’était pas forcé-
ment le reflet d’un dysfonctionnement cognitif. Elle peut s’inscrire dans ce qu’il
est commun d’appeler les oublis bénins de la sénescence, être plus en rapport

68
avec un contexte anxio-dépressif, ou s’exprimer chez des sujets sans troubles
thymiques francs, ni affaiblissement cognitif.
Quels que soient les résultats psychométriques obtenus, la programmation
de bilans de contrôle à distance semble s’imposer, et ce, pour deux raisons
essentielles.
Tout d’abord les études citées en référence incitent à la prudence quant à
la valeur pronostique de cette plainte mnésique. La survenue tardive d’un état
dépressif, la présence d’un oubli bénin, voire même l’existence d’une plainte
mnésique isolée, constituent autant de facteurs de risque supplémentaires en
faveur de la survenue d’un processus démentiel ultérieur. Même si les études
s’intéressant à la plainte mnésique n’en sont encore qu’à leurs balbutiements, on
ne peut ignorer les premières conclusions. Les recherches ultérieures permet-
tront sans doute d’affiner les outils d’évaluation, et d’arriver à une meilleure
exploration clinique de cette plainte mnésique.
Ensuite, dans sa dimension inter-subjective, la plainte mnésique doit être
entendue et recevoir écho. Le bilan neuropsychologique permet au sujet de tes-
ter ses propres croyances en comparant ses performances à celles de son groupe
d’âge. La retransmission orale des conclusions rassure souvent le patient, et le
suivi annuel a, entre autres, la même fonction sécurisante.
Enfin, rappelons quand même que la fréquence de la plainte mnésique est
loin de refléter l’incidence des démences dans la population générale. S’intéres-
ser à cette plainte dans une visée pronostique est bien sûr d’une grande impor-
tance, au même titre que les recherches portant sur des indicateurs psychomé-
triques susceptibles de contribuer précocement au diagnostic de démence. Mais
les rapports entre plainte mnésique et syndromes démentiels ne sont pas
linéaires, tout comme la vieillesse ne se limite pas à ses déficits. Les stéréotypes
réducteurs, en se centrant sur les pertes, masquent les ressources encore dispo-
nibles à cette période de vie. Face à une telle image sociale de la vieillesse, la
plainte mnésique est peut-être la seule plainte susceptible d’être entendue...

69
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70
Mémoire et démences
Roger Gil

Résumé
Le diagnostic de démence ne peut pas être posé s’il n’existe pas de troubles de la mémoire.
Ainsi, les démences altèrent la mémoire explicite qu’il s’agisse de la mémoire de travail, de
la mémoire épisodique comme de la mémoire sémantique.
La mémoire des faits anciens et la mémoire autobiographique qui mêlent mémoire épiso-
dique et mémoire sémantique, sont aussi altérées.
Toutefois, le type des altérations observées peut différer selon qu’il s’agisse d’une démence
d’Alzheimer ou d’une démence frontale ou sous cortico frontale.
Le contraste le plus schématique est celui observé entre le déficit d’évocation propre aux
démences frontales et fronto sous corticales et le déficit de l’encodage-stockage du souve-
nir de la démence d’Alzheimer.
Quant à la mémoire implicite, les altérations observées restent encore disparates.
Mots clés : mémoire, démences.

Memory and dementias

Abstract
A diagnosis of dementia cannot be considered unless memory deficits are present.
Thus, dementia is an illness process which impairs explicit memory, whether it concerns
working memory, episodic memory or semantic memory.
Remote memory and autobiographical memory, which combine both episodic and semantic
memory, are also impaired.
However, the type of impairment observed can differ according to the type of dementia: Alz-
heimer’s disease, or a frontal or subcortical-frontal dementia.
One of the most obvious contrasts is that observed between deficits of evocation which are
specific to frontal and frontal subcortical dementia on one hand, and deficits of encoding-
stocking of memories on the other hand, the latter being specific to Alzheimer’s dementia.
With regard to explicit memory, disparities exist between observed impairments.
Key Words : memory, dementia.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


71
Roger GIL
Professeur de Neurologie
CHU de la Milétrie
86021 Poitiers

S
i les démences sont multiples, elles sont néanmoins dominées épidémiolo-
giquement par la maladie d’Alzheimer qui représente environ la moitié
des causes de démences (Cummings et Benson, 1992).
Les démences fronto-temporales représentent la deuxième grande cause
de démence dégénérative, leur prévalence étant estimée à 1 cas de démence
fronto temporale pour 6.6 cas de démence d’Alzheimer (Pasquier et Lebert,
1995).
Mais l’existence d’un dysfonctionnement frontal concerne non seulement
les démences frontales, c’est-à-dire comportant une atteinte corticale, mais aussi
les démences sous corticales, dénommées aussi démences fronto sous corticales
qui entrainent une désafférentation frontale. Telles sont les démences observées
au cours de la paralysie supra nucléaire progressive, de la chorée de Huntington,
de la maladie de Parkinson, mais aussi au cours d’affections de la substance
blanche notamment au cours de certaines formes de sclérose en plaques.
Quelque soit la cause ou la variété anatomo-clinique d’une démence, le
diagnostic ne peut pas être porté en l’absence de troubles de la mémoire.
La classification internationale des troubles mentaux et des troubles du
comportement (CIM - 10) indique que l’altération de la mémoire porte typique-
ment sur l’acquisition, le stockage et le recouvrement des informations nou-
velles, les souvenirs anciens et personnels pouvant également être oubliés parti-
culièrement dans les formes évoluées.
Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) sou-
ligne aussi le caractère obligatoire de la mise en évidence d’une altération de la
mémoire considérée comme un élément nécessaire (mais non suffisant) au dia-
gnostic de démence. En effet, il faut rappeler qu’outre le trouble de la mémoire,
le diagnostic de démence nécessite l’atteinte d’au moins une autre fonction neu-
ropsychologique (aphasie, agnosie, apraxie, syndrome dys-exécutif), un recul de
temps suffisant (6 mois précise la CIM 10) et la constatation d’un retentisse-

72
ment des perturbations neuropsychologiques sur les activités professionnelles
ou sociales ou sur les relations avec les autres.
L’évaluation de la mémoire est donc bien au centre de la démarche cli-
nique qui permet de suspecter voire d’affirmer un processus démentiel et de
faire des hypothèses sur sa classification.

♦ Plaintes mnésiques, métamémoire et démence


La métamémoire désigne la connaissance qu’a le sujet de ses perfor-
mances mnésiques. L’anosognosie désigne l’inconscience qu’a le sujet de sa
maladie et tout particulièrement de ses déficits mnésiques. Il est schématique de
dire que la plainte mnésique existe au stade débutant de la maladie d’Alzheimer
et s’atténue au fur et à mesure que la maladie s’aggrave pour faire place à une
anosognosie. Il ne faudrait toutefois pas en inférer que c’est l’amnésie qui
conditionne la méconnaissance du déficit mnésique puisque des observations
privilégiées ont pu montrer qu’un syndrome amnésique sévère peut coexister
avec une connaissance du trouble (Duyckaerts et al., 1985).
Il a même pu être montré qu’il n’existait qu’une faible corrélation entre la
performance mnésique et l’évaluation de la métamémoire. D’une manière géné-
rale et en fonction des travaux publiés, on peut avancer que l’anosognosie (et en
particulier l’altération de la métamémoire) a pu apparaître plus souvent en rela-
tion avec la sévérité du dysfonctionnement frontal qu’avec la sévérité du proces-
sus démentiel (Michon et al., 1994).

♦ Mémoire de travail et démence


Les processus démentiels entraînent en règle générale une altération de la
mémoire immédiate et de la mémoire de travail.
On peut en première approximation considérer que l’empan, qu’il soit
numérique (subtest de mémoire de chiffres de la WAIS) ou qu’il soit visuel (test
des blocs de Corsi) est diminué dans les démences. Il n’a pas été observé de dif-
férence significative dans la réduction de l’empan dans la modalité verbale entre
les démences d’Alzheimer et les démences frontales.
Le paradigme de Brown et Peterson permet aussi d’étudier l’oubli en
mémoire à court terme. Il consiste à demander au sujet de rappeler dans un délai
de quelques secondes à deux dizaines de secondes, des trigrammes, c’est à dire
des séries de 3 lettres ou mots, le sujet devant, pendant l’intervalle de temps qui
sépare la présentation du trigramme de son rappel, faire une tâche distractive
(compter à rebours). L’oubli survient dans des délais plus brefs au cours des

73
processus démentiels, qu’il s’agisse de démence d’Alzheimer ou de démence
frontale. Toutefois, en modalité visuo-spatiale, les patients atteints de maladie
d’Alzheimer ont des performances moindres que les patients atteints de
démence frontale.
On sait que la mémoire de travail a été imaginée par Baddeley comme
une mémoire tampon qui permet l’allocation de ressources attentionnelles et qui
est supervisée par l’administrateur central coordonnant des systèmes esclaves et
en particulier la boucle phonologique et le bloc-note visuo-spatial. Les proces-
sus démentiels et en particulier la maladie d’Alzheimer et les démences fron-
tales comportent une atteinte précoce de l’administrateur central encore qu’on
ne puisse exclure dans la démence d’Alzheimer l’atteinte de l’un ou l’autre des
systèmes esclaves dont on sait qu’il repose pour la boucle phonologique sur le
stockage des informations verbales et pour le bloc-note visuo-spatial sur la per-
ception visuelle et l’imagerie mentale.

♦ Les autres mémoires


La mémoire épisodique est altérée lors des processus démentiels dont
l’évolution va même entraîner une dissolution progressive de la conscience
identitaire de l’individu.
Le terme de mémoire épisodique désigne en effet la capacité d’enregistrer
et de se souvenir d’informations référencées dans un environnement spatio-tem-
porel. A ce titre, la mémoire épisodique, conçue comme mémoire des événe-
ments de la vie, se confond en partie avec la mémoire autobiographique à condi-
tion de considérer que nombre d’éléments re l evant de la mémoire
autobiographique renvoient aussi à un savoir et relèvent donc de la mémoire
sémantique.
La mémoire épisodique concerne donc aussi toutes les informations qui
tissent jour après jour la vie quotidienne : se souvenir d’une communication
téléphonique, de fermer la porte, de débrancher le fer à repasser, d’éteindre le
gaz sur la cuisinière. C’est cette même mémoire épisodique qui est explorée en
situation de testing quand on demande à un sujet d’apprendre des listes de mots
ou des listes d’images.
La mémoire épisodique visuo-spatiale est ainsi explorée en clinique par la
figure de Rey ou par le test de rétention visuelle de Benton.
La mémoire verbale est explorée par le test des 15 mots de Rey ou le test
de Grober Buschke. Ces deux épreuves permettent de tester le rappel libre et la
reconnaissance et d’opposer déjà deux profils : le premier de type hippocam-
pique associant un déficit en rappel libre et un déficit en reconnaissance ; le

74
second témoignant d’une amnésie d’évocation de type frontal et associant un
déficit en rappel libre avec une normalisation de la performance en reconnais-
sance.
Toutefois, de bonnes performances en reconnaissance peuvent être obser-
vées aux stades initiaux de la démence d’Alzheimer, soit que cette préservation
témoigne d’une atteinte frontale précoce, soit qu’elle témoigne d’une vulnérabi-
lité peu marquée du processus de reconnaissance. L’intérêt du test de Grober et
Buschke est double : il permet d’abord de contrôler le processus d’encodage ; il
permet ensuite d’étudier la récupération en mémoire par un indiçage sémantique
(quel est le nom de la fleur ? quel est le nom du fruit ?...).
La mémoire indicée est plus fragile que la mémoire de reconnaissance ;
atteinte au tout début de la maladie, elle y voit ses performances rapidement
décroître avec l’aggravation de la démence (Dubois et al., 1997).
Par ailleurs, la comparaison de sujets atteints de maladie d’Alzheimer
débutant et de pseudo démence dépressive a permis à Gainotti et Marra (1994)
de constater que ces deux groupes de malades ne se distinguent ni par leurs per-
formances en rappel libre ni par leurs performances en reconnaissance. Par
contre, les patients atteints de maladie d’Alzheimer ont des intrusions en rappel
différé et de fausses reconnaissances.
La comparaison de patients atteints de démence d’Alzheimer et de
démence fronto temporale montre que les premiers ont à la fois des troubles
d’encodage (comme le montre le déficit du rappel indicé immédiat à l’épreuve
de Grober et Buschke), du stockage, de la consolidation et de la récupération.
Par contre, au cours des démences fronto temporales, le déficit intéresse essen-
tiellement la récupération des informations, le déficit du rappel libre contrastant
avec les bonnes performances observées en rappel indicé et en reconnaissance.
Toutefois si l’encodage contrôlé est satisfaisant dans les démences fronto
temporales, il est déficitaire quand il doit être mis en œuvre de manière sponta-
née en position de mémorisation incidente (Pasquier et Lebert).
La mémoire sémantique est indissociable du langage dont on sait qu’il
est, chez le sujet dément, quantitativement et informativement appauvri.
Ainsi, observe t-on dans les démences corticales et en particulier dans la
maladie d’Alzheimer, des perturbations des tests de dénomination, de fluence
verbale ainsi que des subtests de similitudes, de vocabulaire et d’information de
la WAIS. La fluence catégorielle (donner des noms d’animaux ou de fruits, etc.)
est davantage perturbée au cours de la démence d’Alzheimer que la fluence lit-
térale (citer des mots commençant par une lettre donnée). Des tests de fluence

75
comme le test du supermarché (Tröster et al., 1989) montrent que les patients
atteints de maladie d’Alzheimer ont tendance à produire plus des super ordon-
nées désignant des catégories (des fruits...) que des noms d’articles (des pêches,
des poires...) ce qui évoque une détérioration du stock sémantique dit de type
« bottum up ». Le déficit sémantique peut prédominer sur la catégorie des
vivants plus atteinte que celle des objets inanimés. Reste le problème de savoir
si les déficits observés sont liés soit à une détérioration du stock des informa-
tions sémantiques, soit à une difficulté d’accès à ces informations.
Les tâches de fluence verbale révèlent aussi un déficit de l’évocation lexi-
cale au cours des démences frontales ainsi qu’au cours des démences sous corti-
cales.
La mémoire des faits anciens ou mémoire tertiaire désigne l’altération
des souvenirs antérieurs au début de la maladie (mémoire du passé ou mémoire
rétrograde). Le déficit mnésique obéit habituellement à un gradient temporel, les
souvenirs étant d’autant plus atteints qu’ils sont moins éloignés dans le temps.
C’est ce qui est observé au cours de la maladie d’Alzheimer qui peut tou-
tefois ou même pendant les premières années d’évolution laisser persister une
réactivation des souvenirs en reconnaissance. Cette mémoire s’étend aussi bien
à l’histoire personnelle du sujet qu’à l’histoire de la société dans laquelle il vit et
en particulier les événements publics. Elle recouvre donc la partie la plus
ancienne de la mémoire autobiographique ; elle mêle des souvenirs qui relèvent
pour certains de la mémoire épisodique, pour d’autres de la mémoire séman-
tique. La consolidation des souvenirs les plus anciens pourrait relever de leur
sémantisation notamment quand il s’agit d’événements publics ou de personna-
lités politiques. C’est en tout cas cette altération progressive de la mémoire
rétrograde qui participe à la dissolution de la conscience identitaire de l’individu
abolissant progressivement les souvenirs de son histoire personnelle comme de
l’histoire de son environnement familial et social.

♦ Mémoire implicite et démence


La mémoire implicite comporte d’une part l’amorçage par répétition qui
peut être verbal ou perceptif et d’autre part la mémoire procédurale qui permet
d’acquérir des habiletés perceptivo-motrices ou cognitives comme par exemple
l’apprentissage de la lecture de mots en miroir qui se fait en pratiquant ce mode
de lecture sans qu’aucune autre consigne ne soit donnée au sujet.
Les constatations faites au cours des démences donnent des résultats dis-
parates. La mémoire procédurale est habituellement préservée dans la démence
d’Alzheimer et peut être altérée dans les démences sous corticales, l’acquisition

76
des procédures dépendant des structures sous corticales et en particulier du
striatum. Des épreuves d’amorçage verbal et perceptif qui dépendent théorique-
ment de l’intégrité du cortex ont donné au cours de la maladie d’Alzheimer des
résultats très disparates montrant tantôt une préservation ou un relative préserva-
tion, tantôt une altération.
Les malades atteints de démence fronto temporale ont des capacités de
mémoire implicite supérieures à celles des patients atteints de maladie d’Alzhei-
mer tant dans les tâches de complètement de mots que dans les tâches d’amor-
çage perceptif.

77
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1989, 37, 500-513.

78
Evaluation de la mémoire
Véronique Bonnaud

Résumé
Il est devenu évident que la mémoire est un processus multiple dont chacun des éléments
peut être affecté sélectivement. L’évaluation des capacités mnésiques nécessite l’utilisation
de tests précis en référence à un modèle théorique.
Mots clés : mémoire, tests psychométriques, paradigmes expérimentaux, modèles théo-
riques, mémoire antérograde, mémoire rétrograde.

Memory evaluation

Abstract
It has become clear that memory is made up of multiple processes, each of which can be
selectively impaired. The evaluation of mnestic abilities requires the use of specific tests lin-
ked with theoretical models.
Key Words : memory, psychometric tests, experimental paradigm, theoretical models, ante-
rograde memory, retrograde memory.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


79
Véronique BONNAUD
Psychologue
Unité de Neuropsychologie &
Rééducation du Langage
CHU de Poitiers
Cité hospitalière de la Milétrie
350, avenue Jacques Cœur
86021 Poitiers cedex

M
émoriser est une aptitude fondamentale de l’être humain. Toute
atteinte des capacités de mémorisation ne peut être que très doulou-
reusement vécue. Il est donc nécessaire, afin de pouvoir apporter à un
patient une aide la plus efficace possible, d’évaluer avec précision ses diffé-
rentes capacités mnésiques. L’observation de patients amnésiques a mis en évi-
dence l’existence de dissociations comme par exemple la préservation des sou-
venirs anciens apparaissant de façon concomitante à l’altération de l’acquisition
de nouveaux souvenirs ou bien la préservation de connaissances générales asso-
ciée à une altération du rappel d’événements personnels situés dans un contexte
spatio-temporel précis. Il existe de nombreuses autres dissociations qui ont
contribué à affirmer le phénomène dynamique de la mémoire et à penser que
cette faculté est composée de différents systèmes.
Il n’est pas possible d’isoler la mémoire des autres fonctions cognitives.
L’examen clinique de la mémoire doit s’intégrer dans le cadre d’une évaluation
globale des fonctions supérieures. Il est en effet important de savoir si l’atteinte
est isolée ou si elle s’intègre dans un désordre cognitif plus large et il est néces-
saire de vérifier qu’il n’y ait pas de troubles susceptibles de gêner l’acquisition.
Afin d’apprécier au mieux l’intensité des troubles observés, il est nécessaire
d’effectuer une estimation de l’efficience intellectuelle générale pour mettre en
évidence l’existence ou non d’une détérioration intellectuelle. Cette efficience
peut être estimée à travers des épreuves cliniques rapides telles que le MMS de
Folstein, l’E.R.F.C. ou en utilisant des tests standardisés et plus élaborés
comme la WAIS-R. Il est nécessaire d’étudier également les fonctions spéci-
fiques concernant le langage, les praxies, les gnosies, le jugement, le raisonne-
ment sans oublier l’état affectif.
L’évaluation clinique de la mémoire conduit à affirmer ou infirmer l’exis-
tence d’un trouble mnésique qu’il convient de caractériser. Cette évaluation
prend des formes variées selon le contexte. Fréquemment l’évaluation sert à
contribuer au diagnostic d’un syndrome démentiel. Elle permet également de
connaître l’intégrité ou non des capacités de chaque système de mémoire, de

80
préciser les processus atteints et ceux préservés, en vue d’une éventuelle réédu-
cation, de permettre un suivi.
Il n’existe pas d’examen standard de la mémoire, lequel ne peut être que
personnalisé ; cependant, un schéma global d’évaluation doit être respecté.
L’étude de la mémoire s’articule selon deux axes qui sont, pour le premier, un
entretien semi-dirigé et détaillé avec le patient et sa famille, et pour le second,
un bilan psychométrique qui comprend des tests standardisés et des paradigmes
expérimentaux. Chaque axe aborde les deux composantes principales du syn-
drome amnésique, représentées par l’amnésie antérograde et l’amnésie rétro-
grade.
Le bilan psychométrique permet de mesurer les performances d’un sujet
donné pour les confronter à un groupe de sujets de même âge. Si l’entretien per-
met de préciser les objectifs et de poser des hypothèses, les épreuves et les tests
ont quant à eux pour but de quantifier les réponses du sujet, d’affirmer ou d’in-
firmer les hypothèses émises.
L’évaluation psychométrique repose sur l’utilisation de tests standardisés
et de paradigmes expérimentaux ; elle s’appuie sur des méthodes directes et
indirectes d’évaluation de la mémoire. Il est essentiel de ne pas dépasser le
niveau de fatigue du sujet et de veiller à l’état d’anxiété du patient. En effet,
anxiété et fatigabilité faussent les résultats et interdisent toute conclusion.

♦ Rappels et définitions
1 - Les tests standardisés permettent de situer les performances d’un sujet
par rapport à une norme, c’est-à-dire par rapport à sa classe d’âge et en fonction
de son niveau socio-culturel. Ils ont des qualités métrologiques très fiables et ont
un bon étalonnage. Les limites de ces épreuves se situent au niveau théorique
puisqu’elles reposent sur des conceptions anciennes, imprécises et souvent uni-
taires de la mémoire. Ces tests ne s’intéressent presque exclusivement qu’à la
mémoire épisodique et distinguent la mémoire à court terme, la mémoire à long
terme avec deux modes de présentation, visuelle ou verbale.
2 - Les paradigmes expérimentaux sont des épreuves qui évaluent des
modèles de fonctionnement de la mémoire. Ils ont été construits à partir d’un
modèle cognitif et permettent de préciser la nature du déficit. Cependant, l’éta-
lonnage est peu fiable, réalisé souvent en fonction d’un seul groupe d’âge, avec
des échantillons trop restreints pour être représentatifs de la population fran-
çaise.
Pour estimer les mécanismes psychologiques impliqués dans la mémori-
sation, deux méthodes sont utilisées :

81
❖ La méthode directe : le sujet doit se souvenir intentionnellement
d’une information. Il est prévenu en début d’exercice qu’il devra se rap-
peler du matériel présenté. La tâche la plus fréquemment utilisée est l’ap-
prentissage d’une liste de mots.
❖ La méthode indirecte : il n’est pas demandé explicitement au sujet de
se rappeler d’un matériel précis, le patient doit simplement effectuer un
traitement particulier tel qu’un traitement perceptif, un jugement de
valeur..., etc.
Afin d’interpréter les résultats en terme de processus cognitifs atteints
ou préservés, ce type d’évaluation doit se situer dans un contexte théorique
précis. Notre contexte théorique concernant la mémoire antérograde s’appuie
sur la conception du « modèle monohiérarchique » de Tulving (1985), qui dif-
férencie 5 systèmes de mémoire (Fig. 1) : ces systèmes sont hiérarchisés selon
leur émergence ontogénétique et phylogénétique présumée. Le système de
mémoire le plus ancien est celui de la mémoire procédurale, présent chez cer-
tains animaux invertébrés. Le plus récent est celui de la mémoire épisodique :
très dépendant du langage, ce système de mémoire ne s’observe que chez les
vertébrés supérieurs. Plus tard, en 1995, Tulving a enrichi son modèle en sup-
posant une dépendance des systèmes supérieurs par rapport aux systèmes infé-
rieurs.

Fig.1 - Modèle monohiérarchique de Tulving (1985)

82
♦ L’entretien avec le patient et sa famille
L’entretien initial vise à recueillir des informations sur la nature du ou des
déficits présentés, sur le début des troubles. Toutes les informations recueillies
chez le patient doivent être confrontées aux renseignements obtenus lors de l’in-
terrogatoire de l’entourage. Cet entretien permet non seulement d’émettre des
hypothèses sur le fonctionnement mnésique du sujet, mais également de guider
le choix des tests et des épreuves utilisés ultérieurement.
L’enquête initiale vise à la restitution des coordonnées personnelles, des
données autobiographiques : le patient peut-il ou non décliner sa date de nais-
sance, son adresse, son numéro de téléphone, les prénoms et âges du conjoint,
des enfants, petits-enfants, sa date de mariage ? Peut-il fournir des renseigne-
ments précis concernant ses parents, la fratrie ? Se rappelle t-il de ses études,
peut-il nommer certains de ses camarades de classe, certains instituteurs ?
Répond-il avec exactitude aux questions concernant sa vie professionnelle, sa
santé ?
Une partie importante de l’entretien vise également à s’intéresser aux
activités quotidiennes du patient. Est-il capable de retenir une conversation, un
ordre donné par l’entourage et de l’exécuter jusqu’à son terme ? Le patient
perd-il ses objets, répète-t-il souvent la même chose ? Oublie-t-il des rendez-
vous ? Si le patient s’intéresse à la lecture, est-il en mesure de parler avec préci-
sion des livres ou articles récemment lus ?
L’entretien s’intéresse aux possibilités d’actualisation des connaissances
d’ordre didactique et des souvenirs sociaux, personnels. Le patient peut-il, en
fonction de son niveau socioculturel et de ses centres d’intérêt, évoquer avec
richesse certains événements récents régionaux, nationaux ou mondiaux dans
différents domaines politiques, sportifs ou faits divers ? Le patient indique-t-il
correctement le nom des principaux hommes politiques français ou étrangers?
Peut-il évoquer des faits marquants de l’histoire du pays ou du monde, des don-
nées de culture générale?
Enfin, l’entretien permet de préciser si le sujet est conscient ou non de ses
troubles, s’il tient des propos fabulatoires. La présence de ces éléments constitue
un signe clinique important.

♦ Evaluation psychométrique de la mémoire antérograde


1 - Evaluation globale de la mémoire antérograde
❖ Il est possible de débuter l’évaluation psychométrique par l’adminis-
tration d’une échelle composite standardisée : Echelle Clinique de Mémoire

83
de Wechsler-Révisée (WMS-R) ou Batterie d’Efficience Mnésique 144
(BEM 144) de J.L. Signoret. Ces échelles vont permettre de quantifier l’inten-
sité des troubles lorsque la pathologie est connue, et d’en suivre l’évolution.
Cependant, elles ont pour limite de se référer à une conception unitaire de la
mémoire et n’indiquent pas les processus psychologiques mis en jeu au niveau
de chaque subtest. La WMS-R a été construite selon le même principe que
l’échelle d’intelligence de Wechsler (WAIS). Elle évalue la performance mné-
sique de façon parallèle à l’évaluation du quotient d’intelligence. La sévérité de
l’amnésie est mesurée par la différence entre le quotient intellectuel estimé à
partir de la WAIS-R et le quotient mnésique estimé à partir de la WMS-R. La
BEM 144 a 2 avantages sur l’échelle de Wechsler. Tout d’abord, elle a été
conçue dans un contexte neuro p s y ch o l ogique ; par ailleurs, les séri e s
d’épreuves verbales et visuelles sont construites de façon strictement paral-
lèles, ce qui permet de comparer les performances des sujets selon les modali-
tés d’entrée visuelle et verbale.

❖ Afin de mieux appréhender les répercutions d’un déficit mnésique dans


la vie quotidienne, il est possible d’utiliser des questionnaires de mémoire
comme le Questionnaire d’Auto-Evaluation de la Mémoire (QAM) de Van
Der Linden (1989) ou le Rivermead Behavioural Memory Test qui a principa-
lement pour but de détecter des troubles du fonctionnement mnésique au quoti-
dien et qui est composé de 12 épreuves (Tableau 1).

84
Tableau 1 - Rivermead Behavioural Memory Test (selon Braun, 1997)

Il est cependant préférable d’utiliser des tests qui évaluent une modalité
particulière de la mémoire.
2 - Evaluation des sous systèmes (selon Tulving, 1985) de la mémoire antérograde
2-1- Le système de mémoire épisodique
Cette mémoire permet au sujet de se souvenir d’événements de sa propre
histoire personnelle, familiale ou sociale. Selon Wheeler et al. (1997), « la
mémoire épisodique rend possible la récupération consciente d’événements per-
sonnels passés et l’anticipation d’événements dans un futur subjectif ». La
méthode d’évaluation est directe ; la récupération se fait de façon intentionnelle
et consciente : elle implique le moment précis et le lieu de l’épisode au cours
duquel le souvenir s’est construit. Les outils sont variés et se composent de tests
standardisés ainsi que de paradigmes expérimentaux.
La mémoire épisodique peut être appréhendée selon une modalité verbale
ou non verbale. Le rappel et la reconnaissance sont testés au niveau de chaque
épreuve. La mémoire épisodique implique de nombreux processus cognitifs tels
que : l’encodage, le stockage, la récupération des informations, l’interférence
pro et rétroactive. Un test n’appréhende pas tous les processus en même temps,
mais peut en tester plusieurs.
a) Exploration de la modalité verbale :
❖ Le test de Gröber et Buschke (Tableau 2) permet le contrôle de l’enco-
dage et mesure les mécanismes de stockage et de récupération des informations

85
apprises. Cette épreuve consiste en l’apprentissage d’une liste de 16 mots, chacun
appartenant à une catégorie sémantique différente. Il s’agit de présenter visuelle-
ment les items sur 4 planches différentes et de réaliser un encodage sémantique
forcé (recherche de l’item sur indice puis évocation à partir de ce même indice).
Trois rappels libres suivis chacun d’un rappel indicé sont ensuite demandés au
patient ; une tâche interférente d’une durée de 20 secondes avec comptage à
rebours sépare les essais.

Tableau 2 - Procédure du test de Gröber & Buschke

❖ Le California Verbal Learning Test, dont la standardisation doit être


publiée prochainement, permet d’appréhender les phénomènes d’interférence
pro et rétroactive. Cette épreuve consiste en l’apprentissage d’une liste de 16
mots appartenant à 4 catégories sémantiques distinctes. La procédure d’appren-
tissage est la suivante :

1-Rappels libres immédiats de la liste 5-Intervalle de rétention de 15 mn


du LUNDI (5)
2-Rappel libre immédiat de la liste 6-Rappel libre de la liste du LUNDI
du MARDI
3-Rappel de la liste du LUNDI 7-Rappel indicé de la liste du LUNDI
4-Rappel indicé de la liste du LUNDI 8-Reconnaissance de la liste du LUNDI

86
❖ L’Epreuve des 15 mots de Rey est très ancienne et non construite
selon un modèle théorique. Cette épreuve peut aussi être utilisée lorsque
l’entretien permet de soupçonner l’existence d’un déficit bien que les
scores aux autres tests de mémoire soient satisfaisants. Ce test de par sa
construction permet d’étudier les stratégies d’apprentissage du sujet en
observant les capacités de regroupement sémantique et sériel. A l’origine,
cette épreuve consistait en 5 apprentissages successifs d’une même liste
de 15 mots, suivi immédiatement d’une phase de reconnaissance des mots
dispersés au sein d’un court récit lu au patient. Une phase de rappel dif-
féré des mots était effectuée après un intervalle de 15 mn. Actuellement,
il existe une version de cette épreuve qui appréhende les mécanismes
d’interférence. La procédure d’apprentissage est identique à celle du Cali-
fornia Verbal Learning Test, excepté pour la phase de rappel indicé qui
n’existe pas.
❖ L’ é chelle clinique de mémoire de We chsler et la bat t e rie de
J.L. Signoret (BEM 144) possèdent des subtests qui explorent la
mémoire épisodique. Il s’agit des subtests « mémoire logique » et
« mots couplés » :
- Au niveau du subtest des « mots couplés », l’examinateur présente 8
paires de mots au rythme d’une toutes les 3 secondes. Ces paires de mots
sont composées d’un mot-stimulus et d’un mot-réponse. Les mots peu-
vent avoir entre eux un lien sémantique fort (rose-fleur) ou n’entretenir
quasiment aucune relation (chou-plume). Après cette présentation initiale,
le patient doit rappeler le mot-réponse qui était apparié au mot-stimulus
indiqué par l’examinateur. Il existe un minimum de 3 apprentissages et un
maximum de 6. Selon Van Der Linden (1989), le système épisodique est
ici mis à contribution à travers l’apprentissage des couples de mots les
moins liés sémantiquement.
- Au niveau du subtest de « mémoire de logique », l’examinateur lit
une histoire courte au patient et lui demande immédiatement après la
lecture un rappel le plus précis possible. La même opération est effec-
tuée avec une seconde histoire. Le patient est prévenu qu’il lui sera
demandé d’évoquer à nouveau le contenu des 2 histoires dans un délai
de 30 mn. Cette épreuve de mémoire de récit est mieux adaptée aux exi-
gences mnésiques quotidiennes que l’apprentissage de listes de mots.
Cependant, les subtests de mémoire logique de l’échelle de Wechsler et
de la BEM 144 sont peu satisfaisants : il s’agit d’un apprentissage quasi
par cœur qui ne permet pas d’explorer la micro et la macrostructure du
texte.

87
b) Exploration de la modalité non verbale :
Le clinicien a ici à sa disposition les subtests « reproduction visuelle » et
« figures couplées » de l’ échelle de Wechsler et de la BEM 144 ainsi que le
test de la figure complexe de Rey.
- Dans le subtest « reproduction visuelle », il existe 4 planches de des-
sins : le patient est invité à reproduire un dessin le plus fidèlement possible
après l’avoir observé pendant 10 secondes. L’examinateur procède de façon
identique avec les trois autres planches.
- au niveau du subtest « figures couplées », la procédure est identique à
celle utilisée pour le subtest « mots couplés ».
Le test de la Figure complexe de Rey se déroule en deux temps : tout
d’abord, l’examinateur demande au patient de copier une figure géométrique
complexe (Fig.2), sans jamais le prévenir de faire un effort de mémorisation.
Après un intervalle de temps qui n’excède pas 3 mn, l’examinateur demande
explicitement au patient de se rappeler le dessin copié et d’essayer de le refaire.
Cette épreuve évalue par ailleurs les capacités visuoconstructives qui doi-
vent être relativement bonnes pour que l’épreuve de mémoire soit valide. Cette
épreuve a un statut particulier. C’est l’épreuve de mémoire épisodique qui se
rapproche le plus des conditions de mémorisation de la vie quotidienne. En
effet, elle teste plus particulièrement la mémoire incidente (l’encodage est inci-
dent, c’est-à-dire non conscient, du moins lors de la première passation). Le rap-
pel est quant à lui volontaire, intentionnel : c’est la raison pour laquelle cette
épreuve est considérée comme appréciant la mémoire épisodique.

Figure 2-Figure de Rey

88
2-2 - Le système de mémoire à court terme
La mémoire de travail peut être considérée comme une version sophisti-
quée de ce qui a jadis été appelé la mémoire à court terme. En mémoire de travail,
on utilise au plan verbal le test de « mémoire de chiffres en ordre inverse » (on
donne au sujet une série de chiffres en nombre croissant ; le patient doit restituer
les chiffres dans l’ordre inverse de la présentation). C’est une épreuve très gros-
sière qui présente de nombreuses lacunes sur le plan théorique mais qui permet
néanmoins de savoir si la mémoire de travail est intacte ou non.
Sur le plan visuospatial, il est possible d’avoir recours au subtest
« mémoire visuelle en ordre inverse » extrait de l’Echelle Clinique de
Mémoire de Wechsler Révisée (l’examinateur pointe dans un ordre croissant des
carrés disposés de façon aléatoire sur une feuille ; le sujet, comme pour l’empan
digital, doit pointer à son tour les carrés dans l’ordre inverse de la présentation).
On dispose également de l’épreuve de Rétention Visuelle de Benton
dans sa forme la plus couramment utilisée (administration A : reproduction
immédiate d’un dessin présenté préalablement pendant 10 secondes).
2-3 - Le système de mémoire sémantique
La mémoire sémantique peut être atteinte à deux niveaux différents : il
peut s’agir d’une perte des représentations sémantiques elles-mêmes, ou d’une
atteinte au niveau de l’accès à ces représentations.
Selon Shallice (1995), l’atteinte des représentations sémantiques est mise
en évidence par la permanence des erreurs, l’absence de facilitation par les
indices sémantiques, l’atteinte des items peu fréquents, la perte progressive des
attributs sémantiques. Les erreurs se produisent quelle que soit la modalité d’en-
trée (visuelle, auditive, verbale ou tactile). Les épreuves de dénomination peu-
vent mettre en évidence des productions verbales erronées ; le patient produit
par exemple un mot qui appartient à la même catégorie que le mot attendu
(papillon = abeille) : il s’agit de paraphasies sémantiques. De même, en dési-
gnation d’objets ou d’images, le patient montre un item proche par le sens de
celui attendu (lampe = bougie). Au niveau de la fluence, on remarque une pro-
duction de super-ordonnés (animal pour chien). La fluence catégorielle (ani-
maux, fruits) est par ailleurs plus faible que la fluence littérale (lettre M, S).
Dans le cadre d’un déficit d’accès sémantique, le système sémantique est
intact mais le patient ne peut accéder que très difficilement aux connaissances
stockées. Il existe à l’heure actuelle deux raisons distinctes de l’existence d’un
déficit d’accès à la mémoire sémantique :
- Il peut s’agir d’une atteinte de l’imagerie visuelle. Ici, le patient ne peut
dessiner ni décrire un objet de mémoire. Dans une tâche de décision d’objet, il

89
ne peut décider si un objet présenté est réel ou non. De même l’identification
d’un objet à partir d’une description visuelle est fortement déficitaire.
- Il peut s’agir d’un déficit strict d’accès au système sémantique. Ici,
l’imagerie visuelle est préservée. Le patient est sensible à l’amorçage et peut
accéder au concept à partir d’un autre canal sensoriel (verbal, auditif, tactile).
La méthode d’évaluation est indirecte. Il n’y a pas de tâche pure de
mémoire sémantique ; toutes les épreuves employées mettent en jeu d’autres
processus cognitifs et notamment le langage.
On appréhende l’évocation lexicale à l’aide d’une tâche de fluidité verbale :
on demande au sujet de donner en une minute un nombre maximal de mots com-
mençant par une même lettre (fluence littérale, lettre : M, S), ou appartenant à une
même catégorie sémantique (fluence catégorielle : animaux, fruits).
Les connaissances sémantiques sont appréciées au travers des épreuves
suivantes : la dénomination d’images (DO 80 et bientôt Déno 100) et la désigna-
tion d’images (subtest de l’Echelle d’Evaluation de l’aphasie de Montréal-
Toulouse), la définition de mots (le subtest « vocabulaire » de la WAIS-R), la
réponse à une définition (l’examinateur donne une définition et le sujet doit don-
ner le mot qui correspond à cette définition ; cette épreuve se fait en choix libre
ou forcé ; le matériel est créé par le clinicien car il n’existe pas d’épreuve).
2-4 - Le système de représentations perceptif (PRS)
Il sous-tend les effets d’amorçage de type perceptif. Le fait de présenter
une première fois un mot facilite son accès ultérieur. La mesure d’évaluation est
indirecte. Il n’existe pas d’épreuve standardisée pour appréhender le système de
représentations perceptif ; les outils utilisés sont des paradigmes expérimentaux.
Il est possible d’utiliser la tâche de complètement de mots qui consiste à sou-
mettre aux patients une liste de mots pour lesquels on demande d’effectuer par
exemple un jugement de valeur (il s’agit d’accorder une valeur à un mot, sur une
échelle analogique de 0 à 10, en fonction de la connotation agréable ou désa-
gréable accordée à ce mot). Dans un deuxième temps, on présente une liste de
trigrammes (c’est-à-dire les 3 premières lettres de mots (TRAIN ➝ TRA). La
moitié des trigrammes correspond aux mots sur lesquels un jugement de valeur
a été effectué ; l’autre moitié est constituée de nouveaux mots. Il est demandé au
patient de compléter ces 3 lettres par le premier mot qui vient à l’esprit. Dans un
troisième temps, le sujet est invité à rappeler les mots pour lesquels un jugement
de valeur a été effectué (il s’agit d’une tâche de rappel libre de mémoire épiso-
dique). L’effet de mémoire implicite se mesure par la différence entre le score
en rappel libre et le score à la condition « complétion de trigrammes ». Cette
différence doit être en faveur de la condition « complétion de trigrammes ».

90
2-5 - Le système de mémoire procédurale
La méthode d’évaluation de la mémoire procédurale est indirecte et les
outils utilisés sont exclusivement des paradigmes expérimentaux. Une épreuve
classiquement utilisée est le protocole de lecture en miroir (Cohen et Squire,
1980) qui consiste simplement à faire lire au sujet des mots écrits en miroir. On
note une diminution du temps de lecture.
La Tour de Hanoi (Fig.3) bien que mettant principalement en oeuvre des
procédures de résolution de problème, est fréquemment utilisée comme tâche de
mémoire procédurale.
Il s’agit de contrôler le nombre de déplacements et de mesurer le temps
mis pour résoudre la tâche. Il s’agit de déplacer une pyramide constituée de 3 ou
4 disques en bois de diamètres décroissants empilés sur une tige, vers une autre
tige déterminée à l’avance, en respectant 2 règles :
a) ne déplacer qu’un seul disque à la fois.
b) ne jamais poser un grand disque au-dessus d’un plus petit.

Figure 3 - La Tour de Hanoi

Ces épreuves ne sont pas uniquement procédurales. Elles mettent en


oeuvre des compétences déclaratives variées ; Beaunieux et al. (1998) suggèrent
d’évaluer les composantes cognitives et mnésiques mises en oeuvre dans ces
tâches afin de mieux en apprécier la composante procédurale.

♦ Evaluation psychométrique de la mémoire rétrograde


L’amnésie rétrograde se caractérise par une incapacité plus ou moins mar-
quée à se souvenir des événements antérieurs à la survenue de la maladie.
Cette amnésie n’est pas uniforme. Elle peut toucher des faits personnelle-
ment vécus (ex : la naissance du premier enfant) ou généraux, des événements
qui concernent une nation (ex : Mai 68) ou l’humanité toute entière (ex : le pre-
mier pas de l’homme sur la lune).
Selon Larsen (1985) et en tenant compte de la spécificité personnelle et
situationnelle d’un événement, la mémoire rétrograde fait obligatoirement réfé-
rence au contexte spatio-temporel d’apprentissage de l’information (plus ou moins
précis) et à l’impact émotionnel de l’événement (fort ou faible) (Tableau 3).

91
Tableau 3-Les composantes de la mémoire antérograde selon Larsen (1985)

La mémoire rétrograde est fréquemment atteinte chez les sujets cérébrolé-


sés. Son évaluation a longtemps été restreinte à un entretien clinique ; c’est la
raison pour laquelle nous ne disposons, en langue française, que de rares
épreuves permettant d’objectiver un déficit intéressant une ou plusieurs compo-
santes de la mémoire rétrograde. La méthode d’évaluation est directe.

1 - Epreuves explorant les événements à spécificité situationnelle


et personnelle forte
Les épreuves explorent ici la mémoire épisodique personnelle.
❖ l’inventaire de Kopelman (1989) correspond à un questionnaire semi-
structuré (A.M.I) qui étudie 3 périodes de la vie du sujet :
- l’enfance (entre 0 et 18 ans).
- la vie de jeune adulte (entre 18 et 30 ans).
- la période récente (la dernière année).
Il est demandé au sujet de fournir des souvenirs précis concernant les
trois époques précitées de sa vie.
❖ le test d’évaluation de la mémoire autobiographique [Autobiographical
Memory Inquiry (AMI) de Borrini et al. (1989)], au niveau duquel le
sujet est invité à fournir 5 événements relatifs à 3 périodes de sa vie :
- l’enfance et l’adolescence jusqu’à 15 ans.
- la période de jeune adulte de 16 à 40 ans.
- la vie d’adulte plus âgé de 41 ans jusqu’à 2 ans avant la passation
du test.
Il est également possible d’utiliser des épreuves de fluence dans les-
quelles il est demandé au sujet d’évoquer dans un temps limite des souvenirs
personnels épisodiques.

2 - Tests explorant les événements à spécificité situationnelle forte


et personnelle faible
L’épreuve la plus utilisée concerne l’évaluation des événements publics.
La batterie EVE de Thomas-Antérion et al.(1994) évalue la capacité des patients

92
à se souvenir d’événements de la vie publique (évocation libre, reconnaissance
avec choix multiple, questions de détails et datation).
Cette épreuve est constituée de 54 événements survenus de 1900 à 1994.
Ils sont pour la moitié présentés en modalité verbale et pour l’autre moitié sur
photographies.
Il est également possible d’utiliser des épreuves de fluence dans les-
quelles il est demandé au sujet d’évoquer dans un temps limite des faits publics.
3 - Tests explorant les événements à spécificité situationnelle faible
et personnelle forte
Le questionnaire de Kopelman (1989) s’intéresse aux souvenirs person-
nels sémantiques (informations générales concernant la vie personnelle du sujet
et indépendantes du contexte spatial et temporel d’acquisition ➝ adresses, noms
de camarades d’école ou de collègues).
Il est également possible d’utiliser des épreuves de fluence dans les-
quelles il est demandé au sujet d’évoquer dans un temps limite des souvenirs
personnels sémantiques.
4 - Tests explorant les événements à spécificité situationnelle et personnelle
faible
Il s’agit ici d’évaluer les connaissances didactiques du sujet. Il est pos-
sible d’utiliser les subtests « information » et « vocabulaire » de la WAIS-R éva-
luant les connaissances acquises pendant la scolarité.
Il est possible d’utiliser des épreuves d’identification de visages célèbres,
en évocation libre et reconnaissance. Aucune épreuve de ce type n’est actuelle-
ment disponible en langue française. Des travaux sont toutefois à ce niveau en
cours de réalisation à l’heure actuelle.
Le GRECO adapte actuellement l’inventaire de Kopelman ainsi qu’une
épreuve de fluence autobiographique et sémantique.

♦ Conclusion
Les modèles théoriques concernant la mémoire sont nombreux mais plus
rares sont les épreuves valides permettant d’estimer en pratique clinique l’effi-
cacité mnésique d’un sujet. L’examen de la mémoire doit être exclusivement
réalisé par des professionnels qualifiés. Afin que l’interprétation d’un test soit
valide, il est nécessaire de respecter rigoureusement les consignes de passation
pour que le patient soit placé dans les mêmes conditions que les sujets témoins
ayant servi de population de référence. Cela permet également d’éliminer la
subjectivité de l’examinateur.

93
La durée d’une évaluation clinique de la mémoire varie en fonction des
objectifs. Plusieurs séances sont souvent nécessaires pour les raisons suivantes :
éviter la fatigue du malade, ne pas utiliser deux tests appréhendant la même
modalité lors d’une même séance ( ex : mots de Rey et Gröber et Buschke).
Une évaluation précise et détaillée de la mémoire permet d’optimiser une
éventuelle rééducation.

REFERENCES
BEAUNIEUX H, DESGRANGES B, EUSTACHE F. (1998). La mémoire procédurale : validité du
concept et des méthodes d’évaluation. Revue de Neuropsychologie, 8, 2,271-300.
BORRINI G, DALL’ORA P, DELLA SALA S, MARINELLI L, SPINNLER H. (1989). Autobiographical
memory. Sensitivity to a ge and education of a standaraized enquiry. Psychological Medicine, 19,
215-224.
BRAUN C.M.J.P.(1997). Evaluation neuropsychologique; Montréal : Décarie. 299-328.
COHEN N.J., SQUIRE L.R. (1980). Preserved learning and retention of pattern-analysing skill in
amnesia : dissociation of knowing how and knowing that. Science, 210, 207-210.
KOPELMAN M.D, WILSON B.A., BADDELEY A.D. (1989). The autobiographical memory interview :
a new assesment of autobio graphical and personal semantic memory in amnesic patients. Journal
of Clinical and Experimental Neuropsychology, 11, 724-744.
SHALLICE T. (1995). Symptômes et modèles en Neuropsychologie, des schémas aux réseaux. Paris.
Presses Universitaires de France. 335-384.
TULVING E. (1995). Organisation of memory : quo vadis? In : M.S. Gazzaniga (Eds) The cognitive neu-
rosciences. Cambrige : The MIT Press. pp 839-847.
TULVING E.(1985). How many memory systems are there? American Psychologist, 40, 385-398.
WHEELER M, STUSS D.T, TULVING E (1997). Toward a theory of episodic memory : the frontal lobes
and autonoetic consciousness. Psychological Bulletin, 121, 331-354.

Référence des tests


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Appliquée.
Echelle D’intelligence de Wechsler pour adultes-Forme révisée. (1989). Paris : Les Editions du Centre de
Psychologie Appliquée.
ERFC (Une méthode d’évaluation rapide des fonctions cognitives) (1986). Gil et al. Son application à la
démence sénile de type Alzheimer, Séminaire des Hôpitaux de Paris, 62, 27, 2127-2133.
GROBER et BUSCHKE. Adaptation en langue française d’une procédure de rappel libre/ indicé de Gro-
ber et Buschke. Manuel d’utilisation et normes préliminaires. Service de Neuropsychologie,
Faculté de Psychologie. Université de Liège.
MMS (Mini-Mental State Examination). (1999). GRECO. Un outil pratique pour l’évaluation de l’état
cognitif des patients par le clinicien, La Presse Médicale, 28, 21, 1141-1147.
Test de dénomination orale d’images (DO 80). (1997). Paris : Les Editions du Centre de Psychologie
Appliquée.
Test de la figure complexe de Rey. (1960). Paris : Les Editions du Centre de Psychologie Appliquée.
Test de rétention visuelle de Benton. (1982). Paris : Les Editions du Centre de Psychologie Appliquée.

94
Neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire
épisodique
Frédéric BERNARD, Béatrice DESGRANGES, Francis EUSTACHE

Résumé
Les études portant sur les patients cérébrolésés ainsi que l’expérimentation animale ont
contribué à mettre en évidence les structures cérébrales nécessaires au fonctionnement de
la mémoire épisodique. De façon complémentaire, les techniques d’imagerie cérébrale
fonctionnelle telles que la tomographie par émission de positons (TEP) et l’imagerie par
résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ont permis, ces dernières années, d’enrichir de
façon considérable notre connaissance des relations entre cerveau et mémoire. Il est désor-
mais possible, à l’aide de paradigmes sophistiqués, de déterminer les régions cérébrales
impliquées dans la réalisation de tâches mnésiques tant lors de l’encodage que de la récu-
pération d’informations. Cet article expose dans un premier temps les principaux résultats
obtenus en imagerie cérébrale fonctionnelle dans le domaine de la mémoire épisodique
chez des sujets sains jeunes ; différentes applications en neuropsychologie sont ensuite
présentées.
Mots clés : neuro imagerie fonctionnelle, mémoire épisodique, encodage/récupération,
maladie d’Alzheimer, syndromes amnésiques.

Functional neuroimaging of episodic memory

Abstract
Studies in brain damaged patients, as well as in experimental animal models have contribu-
ted to highlight the brain structures necessary for episodic memory functioning. In addition,
over the past few years, functional brain imaging techniques such as positron emission
tomography (PET) and functional magnetic resonance imaging (fMRI) have contributed
considerably to further our knowledge about the relations between brain and memory. It is
henceforth possible, with the help of sophisticated paradigms, to determine brain areas
involved in memory tasks both during encoding and retrieval of information. This article
reports the main results achieved in functional brain imaging in the field of episodic memory
concerning healthy young subjects ; different applications in neuropsychology are then pre-
sented.
Key Words : functional neuroimaging, episodic memory, encoding/retrieval, Alzheimer’s
disease, amnesic syndromes.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


95
Frédéric BERNARD,
Béatrice DESGRANGES,
Francis EUSTACHE*
*INSERM U320
Services de neurologie
CHU Côte de Nacre
14033 CAEN CEDEX

I
l est maintenant admis que la mémoire n’est pas une faculté unitaire et que
celle-ci peut être subdivisée en différents systèmes distincts (Eustache et al.,
1996 ; Schacter, 1999, pour revues). Dans cet article, nous nous centrerons sur
la mémoire épisodique qui se définit comme un système qui permet d’acquérir, de
retenir et d’utiliser un ensemble d’informations relatives à des épisodes personnel-
lement vécus, encodés dans leur contexte spatio-temporel (Tulving, 1972). Il est
possible d’estimer le fonctionnement de ce système de mémoire en demandant à
des sujets d’encoder (processus par lequel les caractéristiques d’un stimulus ou
d’un événement sont traitées et converties en une trace mnésique) et de récupérer
des informations dans des tâches comme le rappel libre, le rappel indicé (récupé-
ration favorisée par la présence d’une information partielle associée au stimulus
présenté initialement) ou la reconnaissance (il est demandé alors au sujet de
reconnaître des stimuli présentés initialement parmi des stimuli nouveaux).
Jusqu’à une période récente, le principal moyen de connaître les bases
neuroanatomiques de la mémoire était l’étude des effets de lésions cérébrales
sur le fonctionnement mnésique. Ainsi, en utilisant la méthode dite « anatomo-
clinique », les études neuropsychologiques ont permis de mettre en évidence un
réseau de structures sous-tendant le fonctionnement de la mémoire épisodique.
Ce réseau comprend notamment le lobe temporal interne (hippocampe et cortex
adjacent) et les structures diencéphaliques. Une lésion bilatérale de ces struc-
tures provoque un déficit compromettant l’acquisition de nouveaux épisodes
(amnésie antérograde) et un trouble plus variable de la récupération des épi-
sodes encodés pendant la période prémorbide (amnésie rétrograde). Les lésions
du cortex préfrontal n’auraient pas d’effet majeur sur la réalisation d’épreuves
de mémoire épisodique tant que celles-ci ne nécessitent pas l’utilisation de stra-
tégies d’encodage ou de récupération trop élaborées. Malgré l’intérêt de ces
études, une des difficultés d’interprétation est d’inférer un effet différentiel des
lésions sur les processus d’encodage et de récupération. En effet, il est très diffi-
cile, à partir de résultats comportementaux, de préciser ce qui revient à un
trouble de l’encodage et/ou de la récupération.

96
Les techniques d’imagerie fonctionnelle cérébrale offrent au contraire la
possibilité de déterminer spécifiquement, chez le sujet normal, et de façon non-
invasive, les régions impliquées dans la réalisation de ces deux processus (enco-
dage et récupération). En effet, la TEP et l’IRMf permettent d’estimer de façon
indirecte l’activité de populations neuronales par la prise en compte des varia-
tions du débit sanguin cérébral et de la consommation d’oxygène associées à la
mise en œuvre d’opérations cognitives spécifiques. Ainsi, la plupart des études
en TEP et en IRMf utilisent une méthode dite d’activations qui vise à détermi-
ner les variations significatives liées à une activité cérébrale précise. Pour cela,
deux catégories de tâches sont utilisées, les tâches cibles et les tâches de réfé-
rence, qui sont censées ne différer que selon une composante, celle que l’on
désire étudier. De nombreuses études utilisent la méthode de « soustraction »
entre les valeurs du DSC obtenues pour la tâche cible et celles obtenues pour la
tâche de référence. Les résultats obtenus en termes de régions activées ou désac-
tivées lors de la réalisation d’une tâche sont toujours à relativiser par rapport à
la tâche de référence choisie. Certaines études ne se limitent pas à la recherche
de sites d’activations, mais quantifient également les corrélations entre ces acti-
vations ou les corrélations entre les activations et les performances cognitives.
Cet article expose tout d’abord une synthèse des résultats obtenus grâce à
la méthode d’activations en TEP et en IRMf concernant les processus d’enco-
dage et de récupération en mémoire épisodique chez le sujet jeune, et présente
ensuite les principaux résultats obtenus en TEP dans le vieillissement normal
ainsi que dans différentes pathologies (maladie d’Alzheimer, syndromes amné-
siques) en prenant en compte à la fois des études d’activations et des études uti-
lisant une méthode dite de corrélations cognitivo-métaboliques (voir aussi Des-
granges et al., 1998a ; Desgranges et Eustache, 2000, pour revues).

♦ Encodage
L’encodage se définit comme un processus qui permet de traiter les diffé-
rentes caractéristiques de stimuli de l’environnement et de les convertir en une
trace mnésique. Il existe différentes formes d’encodage que les techniques
d’imagerie cérébrale fonctionnelle offrent la possibilité d’explorer. Celui-ci peut
tout d’abord se caractériser par sa nature intentionnelle ou incidente. Dans le
premier cas, il est explicitement demandé au sujet de mémoriser un certain
nombre d’items dans le but de les rappeler ultérieurement. Dans le second cas,
le sujet perçoit et traite des stimuli sans consigne de mémorisation ce qui ne
l’empêche pas malgré tout d’en mémoriser un certain nombre, avec une préci-
sion plus ou moins grande. La nature du matériel à encoder est une autre dimen-
sion à prendre en considération. Celui-ci peut être de nature verbale (mots,

97
couples de mots, phrases, etc.) ou non verbale (images d’objets, de formes géo-
métriques, de visages, de scènes complexes, localisation d’objets, odeurs, etc.).
Les études d’activations ont d’emblée souligné l’importance des régions
préfrontales dans le fonctionnement de la mémoire épisodique (Squire et al.,
1992 ; Grasby et al., 1993), ce qui a conduit Tulving et al. (1994a), à partir
d’une revue d’études, à proposer le modèle HERA (pour Hemispheric Encoding
Retrieval Asymmetry). Selon ce modèle, il existerait une implication préféren-
tielle du cortex préfrontal gauche dans l’encodage et du cortex préfrontal droit
dans la récupération en mémoire épisodique. Ce modèle présente une grande
valeur heuristique et a permis de fournir un axe théorique à de nombreux tra-
vaux effectués par la suite. Cependant, il faut préciser que les auteurs se sont
basés dans un premier temps sur les régions activées dans des tâches de récupé-
ration sémantique pour ensuite attribuer un rôle à ces régions dans l’encodage
incident en mémoire épisodique. En effet, ils justifient cette interprétation en
affirmant que le fait d’effectuer une tâche de récupération sémantique implique
en parallèle un encodage incident de l’événement associé à la réalisation de la
tâche. De plus, les études prises en compte pour caractériser l’encodage incident
ne portent que sur du matériel verbal.
La même année, Shallice et al. (1994) ont mis en évidence l’activation du
cortex préfrontal gauche lors d’une tâche d’encodage intentionnel en mémoire
épisodique de matériel verbal. Par la suite, Kapur et al. (1996) ont observé à leur
tour des activations au niveau du cortex préfrontal gauche associées à la réalisa-
tion d’une tâche d’encodage intentionnel de couples de mots. Ces activations
étaient situées plus précisément au niveau du gyrus frontal inférieur antérieur
gauche et du cortex frontal inférieur postérieur gauche (qui comprend l’aire de
Broca). Selon les auteurs, la première région serait impliquée dans le traitement
sémantique des informations à mémoriser alors que la seconde serait associée à
la répétition subvocale (le sujet se répète intérieurement les mots afin de les
mémoriser).
En IRMf, plusieurs études (Busatto et al., 1997 ; Heun et al., 1999) ont
également mis en évidence une activation préfrontale gauche, au niveau de
l’aire de Broca, lors de l’encodage intentionnel de mots, activation associée,
selon les auteurs de la première étude citée, à la répétition interne (ou subvo-
cale) mise en œuvre afin de faciliter la mémorisation des mots.
Concernant la latéralisation des activations préfrontales lors de l’enco-
dage de matériel non verbal, un nombre croissant d’études tend à relativiser ce
que prédit le modèle HERA. En effet, si certaines études ont montré une activa-
tion du cortex préfrontal gauche associée à l’encodage de visages inconnus
(Grady et al., 1995 ; Haxby et al., 1996) ou de localisations d’objets (Owen et

98
al., 1996a), d’autres travaux ont observé une activation du cortex préfrontal droit
lors de l’encodage de paires de stimuli non verbalisables, constituées d’images
et de sons (Klingberg et Roland, 1998), de textures colorées (Wagner et al.,
1998a) ou de visages non familiers (Kelley et al., 1998 ; McDermott et al.,
1999). Ces derniers résultats sont confortés par l’étude en IRMf de Brewer et al.
(1998). Cette technique, qui bénéficie déjà d’une très bonne résolution spatiale,
permet grâce à des paradigmes « événementiels » de pouvoir isoler l’activité
cérébrale spécifique à un seul stimulus. Quelques études sur la mémoire épiso-
dique ont tenté de voir si l’activité de certaines régions lors de l’encodage était
significativement différente entre des items reconnus par la suite dans une
épreuve de reconnaissance et des items non reconnus. Ainsi, Brewer et al.
(1998) ont déterminé les régions dont l’activité lors de l’encodage incident de
scènes imagées pouvait « prédire » les items qui seraient reconnus ultérieure-
ment et ceux qui ne le seraient pas, soulignant ainsi à nouveau l’implication du
cortex préfrontal droit.
Contrairement à ce qui était attendu à partir des observations de patients
cérébrolésés, les premières études en TEP (mis à part Squire et al., 1992 ;
Grasby et al., 1993) n’ont pas réussi à mettre en évidence d’activations du lobe
temporal interne lors de tâches de mémoire épisodique. Cela a été interprété en
termes de limites inhérentes à la technique utilisée (résolution spatiale de la
caméra insuffisamment précise) ou de difficultés à détecter des activations hip-
pocampiques de par leur nature faible ou diffuse (Fletcher et al., 1995b) ou bien
encore trop fugitive (Andreasen et al., 1995a). La méthode de soustraction a
aussi été incriminée (Haxby, 1996) puisque l’activation du lobe temporal interne
pourrait aussi survenir de façon automatique quelle que soit la tâche de réfé-
rence utilisée. Cependant, depuis quelques années, un nombre important
d’études en TEP et en IRMf ont montré des activations du lobe temporal interne
en utilisant des paradigmes différents.
Certains travaux ont ainsi souligné le rôle du lobe temporal interne dans
la détection d’informations nouvelles, processus précédant ou associé à l’enco-
dage de ces informations. Ainsi, Tulving et al. (1994b, 1996) ont demandé à des
sujets de détecter des images colorées nouvelles (images complexes de la revue
National Geographic pour la première étude citée et images de personnes, de
scènes et de paysages pour la deuxième) parmi d’autres qui leur avaient été pré-
sentées 24 heures au préalable. Les résultats obtenus montrent des activations au
niveau d’un réseau de régions appartenant au système limbique droit. En effet,
comme le souligne Martin (1999), l’augmentation de l’activité au niveau du
lobe temporal interne droit serait associée à une augmentation de l’éveil et de la
vigilance ce qui permettrait de favoriser la détection, et ainsi la mémorisation

99
d’informations nouvelles (ayant une valeur adaptative selon Tulving et al.,
1996). Même si certaines études basées sur la détection de la nouveauté ne mon-
trent pas d’activation du lobe temporal interne, les résultats qui viennent d’être
mentionnés ont été confortés par des études portant sur le traitement de matériel
non verbal (Stern et al., 1996) et verbal (Dolan et Fletcher, 1997 ; Martin et al.,
1997).
Certains auteurs ont préféré l’hypothèse selon laquelle le lobe temporal
interne jouerait des rôles différents selon l’axe antéro-postérieur de cette struc-
ture. Ainsi, Roland et Gulyas (1995) ont été les premiers à montrer une activa-
tion bilatérale de l’hippocampe antérieur lors de l’encodage de patterns géomé-
triques colorés et de l’hippocampe postérieur lors de la reconnaissance de ces
stimuli parmi des distracteurs. Par la suite, à partir d’une méta-analyse de 52
études en TEP, Lepage et al. (1998) ont proposé le modèle HIPER (pour Hippo-
campal Encoding Retrieval) selon lequel l’encodage en mémoire épisodique
impliquerait préférentiellement la partie antérieure du lobe temporal interne
alors que la récupération impliquerait préférentiellement sa partie postérieure.
Comme le soulignent les auteurs, ce modèle n’a qu’une valeur descriptive et
non pas explicative par rapport aux rôles attribués à ces deux régions.
Enfin, tout récemment, Schacter et Wagner (1999) ont relativisé le
modèle HIPER en effectuant une nouvelle méta-analyse en se basant sur les
résultats obtenus dans des études supplémentaires en TEP et en IRMf. Ainsi, il
est possible de constater que l’encodage, étudié en TEP, impliquerait à la fois
les parties antérieure et postérieure du lobe temporal interne alors que ce même
processus, étudié en IRMf, n’impliquerait que sa partie postérieure. Les auteurs
attribuent cette différence à la nature des paradigmes employés qui ne serait pas
strictement équivalente entre les deux techniques.
D’autres régions sont régulièrement activées dans les tâches d’encodage
en mémoire épisodique, notamment le cortex associatif postérieur, avec une asy-
métrie en faveur de l’hémisphère gauche ainsi que le cortex cingulaire antérieur
et postérieur.
Au total, les études en TEP et en IRMf ont clairement souligné l’impor-
tance des régions préfrontales gauches (même si l’hémisphère droit semble
impliqué pour les informations non verbales) et du lobe temporal interne (de
préférence gauche pour le matériel verbal et droit ou bilatéral pour le matériel
non verbal) dans l’encodage en mémoire épisodique.

♦ Récupération
Les processus de récupération, comme ceux d’encodage, peuvent s’appli-
quer à du matériel de nature verbale ou non verbale. Il existe par ailleurs diffé-

100
rentes formes de récupération estimées par des tâches de rappel libre, de rappel
indicé ou de reconnaissance nécessitant l’utilisation de stratégies différentes et
d’efforts de recherche plus ou moins importants pour accéder à la trace mné-
sique.
Les études d’activations concernant la récupération en mémoire épiso-
dique ont souligné l’importance du cortex préfrontal droit (cf modèle HERA,
voir supra) dans la réalisation de tâches de rappel libre, de rappel indicé et de
reconnaissance de stimuli de différente nature : mots, phrases, dessins d’objets,
visages, odeurs, patterns géométriques colorés (voir Tulving et al., 1994a ;
Nyberg et al., 1996a, pour revues).
Cependant, des activations bilatérales du cortex préfrontal ont aussi été
observées dans plusieurs études (Desgranges et al., 1998a, pour revue). Diffé-
rentes interprétations ont été proposées afin d’expliquer ce résultat. En effet,
selon Bäckman et al. (1997), un tel pattern serait davantage associé à la réalisa-
tion de tâches de rappel indicé que de reconnaissance, les premières étant plus
difficiles que les secondes. En réalité, c’est l’importance de la difficulté de la
tâche qui semble déterminer les patterns d’activations plus que la nature de la
tâche, comme l’ont montré Nolde et al., (1998) qui ont alors proposé l’hypo-
thèse CARA (pour Cortical Asymmetry of Reflective Activity). Selon cette hypo-
thèse, quelle que soit la nature des épreuves de récupération utilisées, les tâches
les plus simples entraîneraient des activations préfrontales unilatérales droites et
les tâches les plus complexes, des activations préfrontales bilatérales.
D’autres hypothèses ont été proposées afin d’expliquer la présence de ce
pattern bilatéral en récupération. En effet, selon certains auteurs, le cortex pré-
frontal gauche serait associé, même lors de la récupération, à un processus de
prolongation de l’encodage d’informations récemment acquises (Andreasen et
al., 1995b). D’autres auteurs ont suggéré que ces résultats seraient liés à un trai-
tement préférentiel du matériel verbal par l’hémisphère gauche, ce point de vue
étant conforté par des études portant sur du matériel verbal (Buckner et Peter-
sen, 1996), notamment lorsqu’un traitement lexico-sémantique est effectué,
comme dans les tâches de complètement de trigrammes (Nyberg et al., 1996).
Certaines études en IRMf portant sur la récupération de matériel verbal ont
même montré une activation unilatérale gauche du cortex préfrontal (Wagner et
al., 1998a ; McDermott et al., 1999).
Par ailleurs, il est aussi possible de prendre en considération l’implication
plus spécifique des régions préfrontales dans la mise en œuvre de stratégies de
recherche permettant la récupération d’informations préalablement encodées.
Ainsi, certains travaux se sont focalisés sur la distinction entre une forme de
récupération basée sur des mécanismes de recherche stratégique (qui seraient

101
sous-tendus par le cortex préfrontal) et une autre forme de récupération, davan-
tage automatique, appelée ecphorique, caractérisée par une adéquation entre les
indices de récupération proposés et la trace mnésique (Tulving, 1983). Dans ce
cadre, Schacter et al. (1996a) ont observé une activation bilatérale du cortex pré-
frontal lors du rappel indicé de mots encodés une seule fois et traités de façon
superficielle (rappel indicé difficile), ce résultat n’étant pas obtenu pour une
tâche de rappel indicé facile (mots encodés quatre fois et traités de façon pro-
fonde), la première nécessitant un effort de recherche en mémoire plus impor-
tant.
Au contraire, un certain nombre de travaux ont suggéré que le cortex pré-
frontal, plus particulièrement à droite, serait impliqué dans toute activité de
recherche en mémoire, que celle-ci soit exigeante ou non, efficace ou non
(Kapur et al., 1995 ; Cabeza et al., 1997a ; Wagner et al., 1998b). Par exemple,
dans l’étude de Nyberg et al. (1995), les sujets devaient écouter deux listes de
mots et les traiter selon un critère soit sémantique, soit perceptif. Quatre
mesures de DSC étaient ensuite effectuées, dont trois alors que les sujets étaient
engagés dans une activité de recherche en mémoire (tâche de reconnaissance
portant soit sur les mots traités sémantiquement, sur les mots traités de façon
perceptive ou sur des mots nouveaux) et la dernière, pendant la lecture silen-
cieuse de mots. Les comparaisons effectuées entre les trois tâches de recherche
en mémoire et la tâche contrôle ont montré des activations du cortex préfrontal
droit, indiquant que l’implication de cette région est davantage liée à la tentative
de récupération qu’au succès effectif (qui varie selon les tâches, le taux de
bonnes réponses étant supérieur pour les mots traités sémantiquement que pour
ceux traités de façon perceptive).
Tout récemment, dans le prolongement de cette conception selon laquelle
le cortex préfrontal serait plus spécifiquement impliqué dans l’activité de
recherche des informations en mémoire, Lepage et al. (2000) ont répertorié, à
partir d’une analyse de résultats obtenus dans plusieurs études en TEP, un
ensemble de régions associées au maintien d’un « mode de récupération épiso-
dique » (qualifiées de sites REMO pour « Retrieval Mode »). REMO est défini
comme un état neurocognitif pendant lequel un individu focalise son attention
sur une partie de son passé personnel, prend en compte les informations qui lui
parviennent comme des indices de récupération d’événements spécifiques pas-
sés, évite d’effectuer des traitements non liés à la tâche et s’approprie consciem-
ment le produit d’une ecphorie (accès effectif à la trace mnésique) se manifes-
tant sous la forme d’un événement dont il se souvient. Ainsi, six sites REMO
ont été mis en évidence. Un de ces sites se situe dans le gyrus cingulaire anté-
rieur (BA 32). Les cinq autres sont au niveau du cortex préfrontal et compren-

102
nent deux régions homologues bilatérales et symétriques, une au niveau du pôle
frontal (BA 10), et l’autre au niveau de l’opercule frontal (BA 47/45). La cin-
quième se situe au niveau du cortex préfrontal dorsolatéral droit (BA 8/9). Ces
résultats amènent les auteurs à proposer une reformulation du modèle HERA
tout du moins en ce qui concerne les aspects liés à la récupération, même si les
deux sites REMO de l’hémisphère gauche présentent une activité et une étendue
spatiale moindres que les sites homologues de l’hémisphère droit.
De nombreuses études ont souligné l’implication du lobe temporal interne
dans la récupération d’informations épisodiques, que ce soit avec du matériel
verbal (Squire et al.,1992 ; Schacter et al., 1996a ; Fujii et al., 1997 ; Rugg et al.,
1997), des dessins (Schacter et al., 1995 ; Petersson et al., 1997 ; Uecker et al.,
1997), des patterns géométriques (Roland et Gulyas, 1995) et des informations
topographiques (Owen et al., 1996b). Cependant, plusieurs études n’ont pas
montré d’activations de cette structure lors de la récupération d’informations épi-
sodiques (par exemple, Shallice et al., 1994 ; Cabeza et al., 1997a). Schacter et
al. (1996a) ont attribué ce résultat à la nature des tâches utilisées, qui implique-
raient préférentiellement le cortex préfrontal lorsqu’elles engagent le sujet dans
une stratégie de recherche exigeante. Ils appuient cette hypothèse sur une étude
dans laquelle une condition de rappel indicé facile (mots ayant été précédemment
présentés quatre fois et ayant fait l’objet d’un traitement sémantique) entraînait
une augmentation bilatérale du DSC dans le lobe temporal interne, tandis qu’une
condition de rappel indicé difficile (mots présentés une seule fois et traités super-
ficiellement) activait le cortex préfrontal, de façon bilatérale (voir supra). Ce
résultat suggère donc que le cortex préfrontal et l’hippocampe seraient préféren-
tiellement impliqués dans des aspects différents de la récupération en mémoire
épisodique, le premier dans la stratégie de récupération et le second dans la récu-
pération consciente non liée à l’effort (ecphorique). A l’aide d’une méthode cor-
rélative, Nyberg et al. (1996b) ont également mis l’accent sur l’implication du
lobe temporal interne gauche dans la reconnaissance de mots. En outre, cette
activation était plus importante après encodage profond qu’après encodage
superficiel, la première condition amenant à une meilleure récupération. D’autres
études (Owen et al., 1996b ; Rugg et al., 1997 ; Fujii et al., 1997) ont conforté
cette interprétation concernant le rôle du lobe temporal interne dans la récupéra-
tion n’exigeant pas d’effort important, le matériel verbal activant préférentielle-
ment l’hémisphère gauche, et le matériel non verbal, le droit.
Cependant, certaines études ayant proposé des tâches de « récupération
facile » n’ont pas montré d’activation du lobe temporal interne (Petrides et al.,
1995 ; Kapur et al., 1995 ; Rugg et al., 1996). De même, Grasby et al. (1994)
ont mis en évidence des corrélations significatives entre l’activation du lobe

103
temporal interne et des performances dans une tâche de rappel d’une liste de
mots qui exige des efforts de recher che. Enfin, Petersson et al. (1997) ont mon-
tré une activation bilatérale du lobe temporal interne lors du rappel libre d’une
série de dessins abstraits non verbalisables, cette activation étant plus impor-
tante lors du rappel sans entraînement qu’après entraînement, ce qui est
contraire à ce que suggèrent Schacter et al. (1996a).
Lorsqu’on considère à nouveau l’hypothèse d’une implication différen-
tielle du lobe temporal interne selon son axe antéro-postérieur (Roland et
Gulyas, 1995 ; Lepage et al., 1998 ; Schacter et Wagner, 1999), on constate que
les résultats concernant le processus de récupération semblent moins contradic-
toires que pour l’encodage. En effet, comme le suggère le modèle HIPER
(Lepage et al., 1998), la partie postérieure du lobe temporal interne semble être
effectivement fortement impliquée dans la récupération en mémoire épisodique
(Schacter et Wagner, 1999).
De nombreuses incertitudes subsistent encore actuellement quant à l’im-
plication des structures temporales internes dans les processus de mémorisation
et le problème est exacerbé d’une part, par la complexité de cette structure,
d’autre part, par la petite taille de ses composantes. La confrontation des résul-
tats obtenus selon différentes techniques se révèle être sur ce point très enrichis-
sante (Schacter et Wagner, 1999 ; Stern et Hasselmo, 1999).
Le processus de récupération en mémoire épisodique implique aussi des
activations du cortex postérieur associatif, notamment au niveau du cortex parié-
tal ainsi qu’au niveau du précuneus, une petite région située au niveau du cortex
pariétal postérieur médian. L’étude de Fletcher et al. (1995c), dans laquelle le
degré d’imageabilité des mots à mémoriser était manipulé, est en faveur du rôle
du précuneus dans l’imagerie visuelle liée au rappel. Cependant, Krause et al.
(1999) ont montré des activations du précuneus lors du rappel de mots tant abs-
traits qu’imageables et ceci, que les mots aient été présentés visuellement ou
auditivement. Kapur et al. (1995) suggèrent que le précuneus joue un rôle dans
les processus de récupération ecphorique. Ces auteurs ont comparé les activa-
tions observées lors de deux tâches de reconnaissance visuelle de mots, l’une
étant caractérisée par une forte, et l’autre par une faible proportion d’items-
cibles. L’ecphorie qui est provoquée par la forte proportion d’items-cibles
entraîne une activation dans la région du précuneus. A l’inverse, Buckner et al.
(1996) mettent en avant l’implication du précuneus dans l’effort de recherche en
mémoire, s’appuyant notamment sur les résultats de Schacter et al. (1996a).
Dans cette dernière étude, en effet, une activation du précuneus droit était obser-
vée lors de la condition de rappel indicé difficile, en comparaison avec la condi-
tion de rappel indicé facile.

104
Une activation du cortex cingulaire antérieur a été régulièrement détectée
dans les études consacrées à la mémoire épisodique (Cabeza et al., 1997a ; Heun
et al., 1999). Plusieurs fonctions ont en fait été attribuées à cette région, ce qui
selon Fletcher et al. (1995a) pourrait s’expliquer par l’importance de ses
connexions extensives avec les structures corticales (préfrontales, pariétales et
temporales) et sous-corticales (thalamus antérieur, notamment). Son implication a
ainsi été établie dans l’attention divisée (Bench et al., 1993), ainsi que dans l’ini-
tiation et la sélection des réponses (Cabeza et al., 1997a). A l’aide d’un paradigme
original, intégrant toutes les caractéristiques de l’information épisodique, Nyberg
et al., (1996c) ont montré l’implication du cortex cingulaire antérieur lors du rap-
pel de la caractéristique temporelle de l’information épisodique (« quand »), com-
parativement au rappel des autres caractéristiques (« quoi » et « où »).
Des activations du cervelet ont régulièrement été montrées lors de tâches
de mémoire épisodique. Le rôle du cervelet dans les activités cognitives est
maintenant largement reconnu même s’il n’est pas encore bien compris (Fiez,
1996, pour revue). Selon Schacter et al. (1996a), le cervelet serait, comme le
cortex préfrontal, impliqué dans les processus de recherche stratégique et d’in-
hibition des informations non pertinentes. Récemment, Andreasen et al. (1999)
ont observé une activation du cervelet droit associée à l’évocation mentale de
souvenirs relatifs à des expériences personnellement vécues. Ainsi, selon les
auteurs, cette structure serait impliquée dans la récupération consciente d’infor-
mations en mémoire.
Au total, les études d’activations en TEP et en IRMf concernant le pro-
cessus de récupération ont souligné l’implication des régions préfrontales (prin-
cipalement à droite), qui seraient fortement associées à la tentative de récupérer
les informations mémorisées, et du lobe temporal interne (plus spécifiquement
dans sa partie postérieure) qui semble davantage associé à une récupération de
type ecphorique. De plus, la latéralisation des activations du lobe temporal
interne serait sous la dépendance du type de matériel utilisé (gauche pour du
matériel verbal, droite pour du matériel non verbal).
A côté de ces travaux expérimentaux, quelques études ont cherché à
mieux connaître les régions cérébrales impliquées plus spécifiquement dans la
récupération en mémoire autobiographique. Ainsi, Fink et al. (1996) ont mesuré
le DSC chez des sujets sains lors d’une condition dite « impersonnelle » pen-
dant laquelle le sujet écoute des phrases contenant des informations qui concer-
nent le passé autobiographique d’une personne qu’il ne connaît pas et qui lui ont
été présentées une heure avant la passation sous caméra à positons et d’une
condition dite « personnelle » pendant laquelle le sujet écoute des phrases
contenant des informations sur son propre passé. La soustraction entre les

105
valeurs du DSC obtenues pour la condition personnelle et celles obtenues pour
la condition impersonnelle met en évidence des activations, principalement laté-
ralisées à droite, comprenant les lobes temporaux latéral et interne (hippocampe,
gyrus parahippocampique et amygdale), l’insula, le cortex cingulaire postérieur,
la jonction temporo-pariétale et le cortex préfrontal. Selon les auteurs, l’activa-
tion de l’amygdale et des régions hippocampiques, qui appartiennent au système
limbique, refléterait le rôle de ces structures dans le traitement des caractéris-
tiques émotionnelles de la mémoire. Par ailleurs, l’activation du cortex préfron-
tal droit est en accord avec les résultats des travaux expérimentaux portant sur la
récupération d’informations en mémoire épisodique.
Récemment, Maguire et Mummery (1999) ont tenté de déterminer les
régions impliquées dans la récupération d’informations du « monde réel » en
prenant en compte deux dimensions ; la pertinence personnelle et la spécificité
temporelle, permettant d’étudier quatre catégories de représentations mnési-
ques : les événements autobiographiques (spécificité personnelle et contexte
temporel), les événements publics (peu de spécificité personnelle mais contexte
temporel), les faits autobiographiques (importante spécificité personnelle mais
sans contexte temporel) et les connaissances générales (peu de spécificité per-
sonnelle et sans contexte temporel). Les résultats montrent que ces quatre caté-
gories de mémoire sont associées à l’activation d’un réseau commun, principa-
lement médian et latéralisé à gauche, comprenant le cortex préfrontal médian, le
gyrus temporal latéral antérieur moyen, le pôle temporal, l’hippocampe et le
gyrus parahippocampique, le cortex cingulaire postérieur et la jonction temporo-
pariétale (de façon bilatérale). A l’intérieur de ce réseau, des activations spéci-
fiques ont été observées pour chaque catégorie de représentations mnésiques.
Ainsi, la récupération d’événements autobiographiques active l’hippocampe
gauche, le cortex préfrontal médian et le pôle temporal gauche. Ainsi, l’hippo-
campe semble impliqué dans la récupération d’informations autobiographiques
dont le caractère épisodique est bien spécifié.

♦ Applications de ces techniques en neuropsychologie


Etudes d’activations dans le vieillissement normal et la maladie d’Alzheimer
Le vieillissement normal se caractérise notamment par un déclin de la
mémoire épisodique (Eustache et al., 1998, pour revue). Des études d’activa-
tions en TEP ont été effectuées en comparant des groupes de sujets jeunes et
âgés afin de voir si ce déclin s’accompagne de modifications au niveau des pat-
terns d’activations relatifs à des tâches d’encodage et de récupération en
mémoire épisodique.

106
Grady et al. (1995) ont ainsi montré que les patterns d’activations liés aux
processus d’encodage et de reconnaissance de visages se modifient avec l’âge.
Lors de l’encodage, les sujets jeunes activent de manière significativement plus
importante que les sujets âgés les cortex préfrontal gauche, cingulaire antérieur
et temporal gauche. Selon les auteurs, les diminutions de performance en
mémoire liées au vieillissement seraient dues en grande partie aux difficultés
qu’éprouvent les individus âgés à encoder de manière adéquate les stimuli pré-
sentés. En revanche, lors de la reconnaissance des visages, une activation simi-
laire du cortex préfrontal droit a été observée dans les deux groupes même si
des régions supplémentaires sont activées chez les sujets jeunes (cortex pariétal
droit et occipital).
Schacter et al. (1996b) ont demandé à des sujets jeunes et âgés d’effec-
tuer des tâches de rappel indicé facile et difficile de mots appris au préalable.
Les sujets jeunes ont rappelé significativement plus de mots que les sujets
âgés dans ces deux tâches. Lors du rappel indicé facile, les deux groupes ont
montré des activations similaires des régions hippocampiques. Cependant, lors
du rappel indicé difficile, les sujets jeunes ont montré une activation des
régions frontales antérieures, et les sujets âgés, une activation de la région de
Broca, ce qui peut refléter le recours à des mécanismes de répétition subvo-
cale, stratégie moins efficace que celle de catégorisation sémantique pour la
mémorisation de mots. La discordance de résultats entre l’étude de Grady et
al. (1995) et celle de Schacter et al. (1996b) concernant les activations du cor-
tex préfrontal peut provenir du mode de rappel choisi - respectivement recon-
naissance et rappel indicé -, le premier étant moins perturbé dans le vieillisse-
ment normal.
Cabeza et al. (1997b) ont utilisé un paradigme d’encodage et de récupéra-
tion (reconnaissance et rappel indicé) de matériel verbal (voir figure 1). Leurs
résultats renforcent l’hypothèse du recours à des stratégies différentes selon
l’âge : les sujets jeunes montrent des activations plus grandes que les sujets âgés
dans le cortex préfrontal gauche lors de l’encodage et dans le cortex préfrontal
droit lors du rappel. Par ailleurs, les sujets âgés ont des activations plus grandes
que les sujets jeunes dans plusieurs régions (à la fois lors de l’encodage et du
rappel) ce qui peut refléter l’utilisation de stratégies cognitives moins efficaces
ou la présence d’une réorganisation fonctionnelle (Cabeza et al., 1997c). Ces
études suggèrent globalement que l’asymétrie du modèle HERA tend à s’atté-
nuer avec l’âge et que des aires supplémentaires seraient recrutées chez les
sujets âgés afin de compenser les déficits mnésiques, même si Bäckman et al.
(1997) ont souligné l’absence de modification des activations préfrontales (bila-
térales dans ce cas) au cours du vieillissement.

107
Madden et al. (1999) ont comparé des sujets jeunes et âgés à l’aide de
tâches d’encodage et de reconnaissance de mots (voir figure 2). Contrairement à
ce qui était attendu, ces auteurs n’ont pas constaté d’activation significative chez
les sujets jeunes lors de l’encodage alors que les sujets âgés ont activé le cortex
préfrontal de façon bilatérale. En reconnaissance, une activation étendue du cor-
tex préfrontal chez les sujets jeunes et âgés a été observée avec un pattern
davantage bilatéral chez les sujets âgés. Ces résultats répliquent ceux de Cabeza
et al. (1997b,c) en soulignant à nouveau une atténuation de l’asymétrie du
modèle HERA avec l’âge mais avec cette fois-ci une différence liée à l’âge en
terme de performance cognitive (moins bonne reconnaissance des mots chez les
sujets âgés).
Enfin, Grady et al. (1999) ont fait effectuer à des sujets jeunes et âgés
sous TEP des tâches d’encodage d’images d’objets et de mots en utilisant trois
formes de stratégies différentes : un traitement profond (effectuer un jugement
sémantique en décidant si chaque item correspond à quelque chose de vivant ou
non), un traitement superficiel (décision par rapport à la dimension de chaque
item présenté) ou un encodage intentionnel (mémorisation consciente et volon-
taire des stimuli). Les résultats obtenus dans une épreuve de reconnaissance
effectuée après les mesures TEP montrent une meilleure mémorisation des
images d’objets par rapport aux mots dans les deux groupes de sujets, avec tou-
tefois un déclin spécifique de la reconnaissance de mots lié à l’âge. Quelle que
soit la nature des stratégies utilisées, l’encodage d’images d’objets est associé à
une augmentation de l’activité au niveau du cortex extrastrié et du lobe temporal
interne alors que l’encodage de mots est associé à l’activation des cortex pré-
frontal et temporal gauches. Quelle que soit la nature du matériel, les tâches
d’encodage intentionnel et d’encodage incident profond sont associées à des
patterns d’activations différents, notamment au niveau du cortex préfrontal. Les
sujets âgés obtiennent de tels patterns d’activations avec toutefois une amplitude
significativement moins importante que chez les sujets jeunes. Un troisième pat-
tern d’activations, comprenant les régions préfrontale gauche et temporales
internes bilatérales, est associé à l’encodage incident profond et à l’encodage
intentionnel d’images d’objets, sans qu’il y ait cette fois-ci de différence signifi-
cative liée à l’âge. Selon les auteurs, l’ensemble des résultats obtenus permet de
souligner le dysfonctionnement, lié à l’âge, de certains réseaux associés à l’en-
codage, même si l’encodage élaboré d’images d’objets semble épargné. Ainsi,
ces changements liés à l’âge affecteraient davantage la mémorisation d’informa-
tions de nature verbale.
Quelques études ont tenté d’appliquer le paradigme d’activations en TEP
à des groupes de patients atteints de maladie d’Alzheimer, mais l’interprétation

108
des résultats est restée difficile. Becker et al. (1996) ont étudié les modifications
du DSC chez sept patients lors de tâches de répétition de séries de trois et de
huit mots. La première tâche est relativement bien réussie par les patients et le
pattern d’activations est proche de celui des sujets témoins, la taille des aires
activées étant toutefois plus grande chez les patients. En revanche, le rappel
libre de séries de huit mots est déficitaire et les aires activées sont différentes
entre les deux groupes, en particulier au niveau du cortex préfrontal. Cela pour-
rait traduire une réorganisation du fonctionnement cognitif, les patients utilisant
une stratégie différente pour effectuer la tâche. Analysant les mêmes données
avec une nouvelle méthode, les mêmes auteurs (Herbster et al., 1996) ont
nuancé leur interprétation initiale en soulignant la similitude entre les activa-
tions des patients et celles des sujets âgés normaux. Ainsi, les réseaux fonction-
nels sous-tendant la mémoire seraient partiellement préservés dans la maladie
d’Alzheimer débutante, mais les patients n’utiliseraient pas nécessairement les
mêmes éléments de ce réseau que les sujets sains.
Récemment, Bäckman et al. (1999) ont demandé à des patients et à des
sujets âgés sains d’effectuer une tâche de rappel indicé de mots. Les perfor-
mances obtenues chez les patients sont déficitaires par rapport à celles des sujets
sains et ce résultat est associé à un pattern d’activations (cortex préfrontal bilaté-
ral, précuneus gauche, cervelet droit) et de désactivations (régions temporales
gauches) commun entre les deux groupes malgré certaines différences pouvant
refléter la présence de mécanismes compensatoires chez les patients. En effet,
les sujets sains activent le cortex pariétal et la formation hippocampique
gauches alors que les patients activent le cortex préfrontal inférieur et le cervelet
gauches ainsi que les gyri temporal moyen droit et cingulaire postérieur.

Méthode des corrélations cognitivo-métaboliques dans le vieillissement


normal et la maladie d’Alzheimer
Une deuxième méthode en TEP semble particulièrement adaptée pour
étudier les modifications du métabolisme au cours du vieillissement normal et
dans différentes pathologies neurodégénératives. Dans ce cas, les études sont
réalisées au repos (pendant que le sujet ne se livre à aucune activité particu-
lière), les mesures effectuées reflétant le métabolisme de base du cerveau, et
donc les altérations neuronales. Les valeurs métaboliques peuvent être mises en
correspondance avec des performances cognitives recueillies en dehors de la
mesure TEP. Cette méthode présente ainsi l’avantage de permettre l’utilisation
de tests neuropsychologiques sophistiqués, contrairement à la méthode d’activa-
tions qui comporte un certain nombre de contraintes. La variabilité des valeurs
cognitives et métaboliques, liée au vieillissement ou à l’affection étudiée, per-

109
met l’obtention de corrélations cognitivo-métaboliques reflétant la localisation
des structures cérébrales responsables des déficits observés. Le métabolisme
cérébral global est sensible au vieillissement normal, diminuant d’environ 6%
par décennie (Petit-Taboué et al., 1998). Quelques travaux ont étudié des
groupes de sujets sains d’âge différent au moyen de tests psychométriques et de
mesures du métabolisme cérébral au repos (Eustache et al., 1995a, 1995b pour
revue). Leur but était de mettre en évidence les régions cérébrales impliquées
dans les modifications cognitives survenant au cours du vieillissement.
Ainsi, l’étude de Riege et al. (1985) fait état de corrélations significatives
entre des scores de mémoire à long terme épisodique verbale et la consomma-
tion régionale de glucose (CMRGLc) de plusieurs régions corticales dont le cor-
tex frontal et sous-corticales telles que le thalamus et le noyau caudé dans une
population de 23 sujets sains âgés de 27 à 78 ans. Par ailleurs, Eustache et al.
(1995b) ont montré, dans une population de sujets sains âgés de 20 à 70 ans,
que les performances en mémoire épisodique verbale, estimées à l’aide d’une
épreuve de mémoire associative, étaient significativement corrélées avec les
valeurs de consommation régionale d’oxygène (CMRO2) dans le thalamus
gauche et les deux hippocampes. Enfin, Baron et al. (1997) ont observé, dans un
groupe de sujets sains âgés de 20 à 65 ans, des corrélations significatives entre
des performances obtenues à un test de rappel d’histoire et la CMRGLc, essen-
tiellement dans le cortex préfrontal bilatéral, résultat rejoignant les données des
études d’activations.
Selon les mêmes principes, une étude de corrélations cognitivo-métabo-
liques a été réalisée dans la maladie d’Alzheimer. Plusieurs systèmes mnésiques
ont été explorés et des corrélations significatives, différentes pour chaque sys-
tème, ont été mises en évidence (Desgranges et al., 1998b). Ces résultats rensei-
gnent sur les régions cérébrales sous-tendant les déficits mnésiques dans la
maladie d’Alzheimer, en particulier de la mémoire épisodique, de la mémoire de
travail et de la mémoire sémantique. Concernant la mémoire épisodique, les per-
formances obtenues à une épreuve de rappel d’histoire sont significativement
corrélées avec le métabolisme de l’hippocampe et du cortex cingulaire posté-
rieur gauches (voir figure 3). Ces résultats comparés à ceux de l’étude de Baron
et al. (1997) peuvent s’expliquer par la nature différente des troubles de la
mémoire épisodique dans les deux populations. Dans le vieillissement normal,
les troubles concerneraient essentiellement les stratégies d’encodage et de récu-
pération de l’information, vraisemblablement sous la dépendance du cortex pré-
frontal. Dans la maladie d’Alzheimer, le déficit concernerait avant tout les
mécanismes intrinsèques de l’encodage qui mettent en jeu les structures tempo-
rales internes et notamment l’hippocampe.

110
Etudes dans les syndromes amnésiques
Les techniques d’imagerie fonctionnelle cérébrale permettent d’obtenir
des renseignements précieux sur les régions cérébrales impliquées dans le fonc-
tionnement normal ou pathologique de la mémoire épisodique chez des groupes
de sujets (sains jeunes ou âgés, patients atteints de pathologies neurodégénéra-
tives). Elles offrent aussi la possibilité de mieux connaître les substrats neuro-
naux des déficits observés chez des patients uniques porteurs de lésions céré-
brales focales.
Ainsi, dans une étude originale, Levine et al. (1998) rapportent les résul-
tats obtenus chez un patient (M.L.) atteint d’une amnésie rétrograde consécutive
à un traumatisme crânien grave. M.L. est profondément amnésique pour les évé-
nements qui précèdent son accident mais ne présente pas d’amnésie antérograde
évaluée par une batterie de tests standard de rappel et de reconnaissance. Cepen-
dant, les résultats obtenus grâce à un paradigme « Remember/Know » (« se sou-
venir/savoir », paradigme qui permet d’évaluer le niveau de conscience associé
à la récupération) semblent indiquer que ce patient ne revit pas de façon aussi
épisodique que des sujets témoins les événements post-traumatiques, se basant
probablement sur d’autres processus (comme la familiarité) pour faire une dis-
tinction entre les événements personnellement vécus et ceux qui ne le sont pas.
L’IRM anatomique de M.L. révèle des lésions du cortex frontal ventral droit et
de la substance blanche (comprenant le faisceau unciné, qui relie les régions
frontale et temporale et qui serait impliqué dans la récupération d’événements
personnellement vécus, voir figure 4). Ce patient a par ailleurs participé à une
étude d’activations en TEP utilisant un paradigme inspiré de Kapur et al. (1996)
et de Cabeza et al. (1997a). Les résultats ont été comparés à ceux obtenus par un
groupe de sujets sains et par un groupe de patients ayant eu un traumatisme crâ-
nien. Ainsi, par rapport à ces deux groupes de sujets témoins, M.L. montre une
hypoactivation au niveau du pôle du cortex frontal droit, ainsi qu’une activation
plus importante au niveau du lobe temporal interne gauche lors de la réalisation
d’une tâche de rappel indicé. Selon les auteurs, l’absence d’amnésie antérograde
chez M.L. serait liée à une implication particulière (plus importante que chez les
sujets contrôles) du lobe temporal interne gauche expliquant l’augmentation de
l’activité au niveau de cette région.
Les résultats de cette étude suggèrent la présence chez le patient M.L.
d’un trouble de la conscience autonoétique (niveau de conscience associé à la
récupération d’informations en mémoire épisodique, permettant de se situer en
tant qu’entité continue à travers le temps) lié à l’atteinte du lobe frontal ventral
droit (incluant une dysconnexion entre les régions temporale et frontale droites).
Il existerait également une réorganisation des systèmes cérébraux sous-tendant

111
certains traitements cognitifs sans permettre pour autant au patient d’avoir accès
à des informations complémentaires concernant sa situation par rapport aux évé-
nements passés et futurs.
Les études au repos en TEP sont plus couramment utilisées dans l’étude
des syndromes amnésiques. Elles permettent de déterminer, chez un groupe de
patients ou chez un cas unique, par rapport à un groupe contrôle, une cartogra-
phie de régions hypométaboliques reflétant le dysfonctionnement des réseaux
neuronaux impliqués dans l’amnésie. Fazio et al. (1992) ont, selon cette
approche, mesuré la CMRGLc au repos chez un groupe de 11 patients présen-
tant un syndrome amnésique d’étiologies diverses caractérisé par une impor-
tante amnésie antérograde et une amnésie rétrograde plus ou moins étendue. Les
résultats obtenus montrent un hypométabolisme bilatéral au niveau d’un réseau
de régions appartenant au circuit de Papez (lobe temporal interne, gyrus cingu-
laire, thalamus) ainsi qu’au niveau des régions orbitofrontales. Cependant, cette
étude présente les limites de ne pas avoir effectué d’analyses individuelles et de
se baser uniquement sur la méthode des régions d’intérêt qui se limite à l’étude
de certaines régions cérébrales.
Récemment, Aupée et al. (soumis) ont étudié la CMRGLc chez un groupe
de 5 patients atteints d’un syndrome amnésique permanent (3 patients présen-
tent un syndrome de Wernicke-Korsakoff et 2 présentent un syndrome post-
anoxique) à l’aide du logiciel SPM (Statistical Parametrical Mapping) qui per-
met d’analyser les valeurs du métabolisme sur l’ensemble du volume cérébral.
L’analyse de groupe a révélé un hypométabolisme au niveau du thalamus, du
gyrus cingulaire postérieur, du cortex préfrontal médian (à proximité du gyrus
cingulaire antérieur) ainsi qu’au niveau des gyri temporal moyen et supramargi-
nal gauches. Les analyses individuelles ont montré un pattern similaire à celui
obtenu dans l’analyse de groupe et ont par ailleurs déterminé d’autres régions
hypométaboliques spécifiques à certains patients. En effet, trois d’entre eux pré-
sentent un hypométabolisme au niveau lobe temporal interne. Les résultats ainsi
obtenus indiquent que le syndrome amnésique serait sous-tendu par un dysfonc-
tionnement des structures appartenant au circuit de Papez, s’étendant à des
régions habituellement dévolues au langage, probablement par un mécanisme de
dysconnexion thalamo-cortical.
L’ictus amnésique est un syndrome qui offre l’opportunité unique d’étu-
dier le dysfonctionnement de la mémoire humaine en l’absence de réorganisa-
tions cognitive et neurologique présentes dans le syndrome amnésique perma-
nent. En outre, le patient peut être son propre contrôle, ce qui représente un
intérêt particulier dans le domaine de la mémoire qui se caractérise, y compris
chez le sujet sain, par une grande variabilité interindividuelle. Cependant,

112
l’étude de l’ictus amnésique présente certaines contraintes et difficultés, pour
des raisons logistiques évidentes : la courte durée de l’épisode et le contexte
d’urgence. Dans tous les cas, les investigations neuropsychologiques sont
incomplètes, contrairement aux études portant sur le syndrome amnésique per-
manent. Ainsi, les travaux portant sur l’étude du métabolisme cérébral au repos
dans l’ictus amnésique sont très rares. Deux études, présentées sous la forme de
résumés, ont souligné une altération du métabolisme au niveau des régions tem-
porales internes (Heiss et al., 1992) notamment dans l’hippocampe (Volpe et al.,
1983). Ces résultats n’ont pas été confirmés par les investigations réalisées dans
notre laboratoire. Dans le premier cas (Baron et al., 1994), une diminution de la
CMRO2 a été mise en évidence, lors du début de la phase de récupération, au
niveau du cortex préfrontal dorsolatéral droit, du thalamus droit et du noyau len-
ticulaire. La seconde étude (Eustache et al., 1997) a permis d’estimer la
CMRO2 ainsi que le fonctionnement de différents systèmes mnésiques pendant
la phase critique de l’ictus. L’étude TEP a mis en évidence une diminution de la
CMRO2 au niveau des cortex préfrontal, temporal et du noyau lenticulaire
gauches. L’examen neuropsychologique a révélé une dissociation nette entre
une mémoire épisodique déficitaire et une mémoire implicite préservée. Par
ailleurs, la fluence catégorielle était significativement déficitaire, ce résultat sug-
gérant un trouble de l’utilisation d’une stratégie de récupération en mémoire
sémantique. La prise en compte des résultats obtenus dans les études d’activa-
tions concernant l’implication du cortex préfrontal gauche dans l’encodage en
mémoire épisodique ainsi que dans la récupération en mémoire sémantique per-
met d’inférer un lien entre l’hypométabolisme observé au niveau de cette région
et les troubles de la mémoire épisodique et de la fluence verbale. On peut noter
que cet hypométabolisme concerne plus précisément le gyrus frontal inférieur
gauche, une région activée pendant l’encodage en mémoire épisodique chez des
sujets sains dans l’étude de Shallice et al. (1994). Ainsi, les résultats obtenus en
TEP chez le patient de cette étude iraient dans le sens d’un déficit de l’enco-
dage. Cependant, il n’a pas été possible d’évaluer spécifiquement les processus
d’encodage et de récupération chez ce patient. Dans l’étude de Baron et al.
(1994), un hypométabolisme préfrontal droit a été montré mais il n’y a pas eu
d’examen neuropsychologique. En se basant sur le modèle HERA, cet hypomé-
tabolisme préfrontal droit serait lié à un déficit de la récupération en mémoire
épisodique.

Actuellement, l’interprétation des résultats TEP obtenus dans l’ictus


amnésique reste difficile car très peu d’études ont évalué à la fois les troubles
métaboliques et cognitifs pendant la phase critique. Néanmoins, ces résultats
suggèrent la présence d’un dysfonctionnement d’un large réseau impliqué dans

113
la mémoire épisodique et comprenant l’hippocampe, le thalamus, et le cortex
préfrontal bilatéral.

♦ Conclusion
Les résultats obtenus grâce aux techniques de neuroimagerie fonction-
nelle permettent de mieux connaître le vaste réseau neuronal qui sous-tend le
fonctionnement de la mémoire épisodique chez le sujet sain. Certaines compo-
santes de ce réseau seraient mobilisées quelle que soit la tâche effectuée tandis
que d’autres seraient impliquées préférentiellement dans certains traitements
(encodage versus récupération, récupération ecphorique versus stratégique)
effectués sur des informations de nature différente (verbal versus non verbal).
Les structures cérébrales qui composent ce réseau sont aussi fortement inter-
connectées et il est possible de déterminer les relations fonctionnelles entre
ces régions (Nyberg et al., 1996d). Les études qui ont été effectuées souli-
gnent la place privilégiée qu’occuperaient le cortex préfrontal et le lobe tem-
poral interne au sein de ce réseau. Les résultats ainsi obtenus constituent une
source d’inférence riche et permettent d’orienter de façon plus précise les
études effectuées chez les patients. Les études expérimentales bénéficient
aussi de ces résultats qui fournissent des axes de recherche originaux. Ainsi,
Blanchet et al. (1999), en utilisant une technique de tachitoscopie en champ
visuel divisé, ont obtenu des résultats qui vont dans le sens d’un compromis
entre ce que prédit le modèle HERA et les hypothèses concernant l’asymétrie
hémisphérique du traitement d’informations selon leur nature (verbale versus
non verbale). En effet, ces auteurs ont observé une asymétrie en faveur de
l’hémisphère gauche plus prononcée lors de l’encodage que lors de la récupé-
ration de matériel verbal, et une asymétrie en faveur de l’hémisphère droit
plus importante lors de la récupération que lors de l’encodage de matériel non
verbal. Ainsi, la direction de l’asymétrie hémisphérique semble dépendre de la
nature du matériel traité alors que l’amplitude de cette asymétrie serait liée au
type de traitement effectué.
Les études de neuroimagerie fonctionnelle ont aussi permis de préciser et
d ’ e n ri chir le concept de mémoire épisodique en intégrant la notion de
conscience autonoétique (qui fait référence au niveau de conscience associé à la
récupération d’informations en mémoire épisodique et qui permettrait à l’indi-
vidu de voyager dans son passé pour y chercher un souvenir entouré de son inti-
mité et de projeter ce souvenir dans le futur, ce qui donne au sujet, conscient de
son identité, sa cohérence interne) et les connaissances liées aux régions pré-
frontales (Wheeler et al., 1997). Dans les années qui viennent, il y a fort à pen-
ser que des études de plus en plus nombreuses prendront en considération ce

114
niveau de conscience, notamment dans le cadre d’explorations de la mémoire
autobiographique.
Par ailleurs, ces études permettent d’obtenir des renseignements précieux
sur les substrats neuronaux des altérations de la mémoire épisodique survenant
dans le vieillissement normal, dans la maladie d’Alzheimer ou dans les syn-
dromes amnésiques. La méthode des corrélations cognitivo-métaboliques pré-
sente l’avantage d’exploiter la variabilité interindividuelle qui caractérise les
populations étudiées et de déterminer les régions dont l’altération est significati-
vement corrélée au déclin des performances. Récemment, Tulving et al. (1999)
ont conceptualisé une distinction entre les « WHAT sites », qui correspondent
aux régions mises en évidence dans les études d’activations et qui décrivent ce
que le système fait, et les « HOW sites », mis en évidence dans les études de
corrélations cognitivo-métaboliques (mais aussi dans les études qui mesurent
des corrélations entre les régions activées et des performances de mémoire) qui
décrivent la façon dont le système effectue les tâches. Les auteurs insistent sur
l’aspect complémentaire des deux approches qui permettent de déterminer de
telles régions et sur l’intérêt d’étudier les relations qu’elles entretiennent. Ainsi,
par inférence, les résultats obtenus selon ces différentes méthodes offrent l’op-
portunité de mieux comprendre la mémoire humaine (Eustache et al., 1999,
pour revue). Enfin, les techniques de neuroimagerie fonctionnelle utilisées chez
des patients uniques devraient permettre de mieux comprendre la nature de leurs
déficits, d’observer la présence d’éventuels mécanismes compensatoires et de
sélectionner les stratégies de rééducation les plus adaptées.

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122
Prise en charge des troubles de mémoire des
patients traumatisés crâniens
Mireille Beauchamps, Marie-Noëlle Besson

Résumé
Depuis une quinzaine d’années, la recherche en neuropsychologie a permis de faire évoluer
la prise en charge des troubles mnésiques des patients traumatisés crâniens. Les stratégies
rééducatives tentent maintenant d’apporter au sujet une aide beaucoup plus concrète dans
les diverses activités de sa vie quotidienne. Le programme rééducatif est mis en place après
une analyse fine des troubles mnésiques et une évaluation des processus préservés. Diffé-
rentes techniques de rééducation nécessitant chacune une phase d’apprentissage préalable
peuvent être employées : il s’agit notamment des techniques dites de facilitation, de réorga-
nisation ou d’utilisation des capacités résiduelles. La thérapie instaurée doit avant tout être
adaptée en fonction de l’évolution neuropsychologique et comportementale du patient.
Mots clés : traumatisés crâniens, troubles de la mémoire, stratégies de rééducation.

Remediation of memory deficits in patients with traumatic brain injury

Abstract
Over the last fifteen years, neuropsychological research has contributed to significant
advances in the treatment of memory deficits in patients with traumatic brain injury. Cur-
rently, remediation strategies attempt to provide the patient with much more concrete help
in his various daily life activities. The therapeutic program is developed on the basis of a
detailed analysis of the patient’s memory deficits and of his intact processes as well. Diffe-
rent therapeutic techniques, each requiring an introductory learning stage, can be used:
more specifically, techniques for the facilitation, reorganization or usage of residual capaci-
ties. The prescribed therapy must be adapted primarily according to the neuropsychological
and behavioral progress of the patient.
Key Words : traumatic brain injury, memory deficit, remedial strategies.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


123
Mireille BEAUCHAMPS
Marie-Noëlle BESSON
Orthophonistes
Unité de Neuropsychologie &
Rééducation du Langage
CHU de Poitiers
Cité hospitalière de la Milétrie
350, avenue Jacques Cœur

P
endant de nombreuses années, les troubles mnésiques consécutifs à
une lésion cérébrale n’ont pas fait l’objet d’une prise en charge réédu-
cative. Puis, l’étude des amnésies sévères et durables entraînant un
handicap fonctionnel très important a permis la mise en place de programmes
de réentraînement mnésique. Ainsi, les travaux de Pattern (1972), Jones
(1974) et Gianutsos (1979) se sont succédés (Mazaux et al., 1987). Ces
auteurs s’étaient inspirés des données de la psychologie expérimentale et
leurs méthodes recouraient aux moyens mnémotechniques employés par des
sujets normaux.
Depuis une dizaine d’années, les techniques dites de jogging mental, dont
l’objectif principal visait à améliorer les performances au niveau de tâches
ponctuelles, semblent révolues.
Grâce aux apports des travaux réalisés en neuropsychologie, de nombreux
thérapeutes s’attachent désormais à rendre au sujet amnésique une qualité de vie
aussi proche que possible de celle qu’il avait avant la survenue des troubles, et
ce, tant sur le plan social que professionnel.
Le plus ancien document vieux de 2500 à 3000 ans et faisant référence à
la prise en charge de patients traumatisés crâniens est d’origine égyptienne et a
été découvert par Smith et Luxor (Walsh, 1987).
Les troubles de mémoire constituent un handicap fréquent chez les
patients traumatisés crâniens et leur prise en charge au plan rééducatif est
impérative. Ils sont cependant souvent associés à d’autres déficits cognitifs
(aphasie, troubles de l’attention, difficultés de raisonnement et de jugement,
ralentissement idéo-moteur, fatigabilité...), ainsi qu’à des perturbations émo-
tionnelles (irritabilité, passivité...). Les différentes atteintes de la sphère
cognitive et comportementale ne sont pas sans influer sur les capacités d’ap-
prentissage et doivent par conséquent faire l’objet d’une approche rééducative
avant même que ne soient abordées les difficultés mnésiques sur le plan théra-
peutique.

124
Il existe en fait autant de tableaux d’amnésies que de patients traumatisés
crâniens. Les troubles vont être plus ou moins invalidants, plus ou moins persis-
tants, et leur intensité sera différente. Par conséquent, avant de mettre en place
un projet rééducatif, il est indispensable de déterminer le mieux possible la
nature des troubles mnésiques présentés par le patient. Le déficit est-il global ou
limité à certains types de stimuli ? Sommes-nous en présence d’un trouble de
l’encodage et/ou d’un stockage inefficace ? Les mécanismes de récupération de
l’information sont-ils inopérants ?
Si les scores obtenus aux tests psychométriques nous permettent de
mieux cerner l’intensité du déficit présenté par le patient comparativement aux
résultats obtenus par une population témoin du même âge et de même niveau
socioculturel, ils ne nous apportent par contre que peu ou pas d’indications sur
le retentissement des troubles mnésiques au niveau des activités journalières du
patient. Il est également important de savoir si le patient et/ou son entourage
surestiment ou sous-évaluent l’intensité des troubles et si des stratégies de
réadaptation ont été mises en place spontanément.
Par ailleurs, lorsque l’on considère les plaintes des patients amnésiques,
on s’aperçoit qu’elles sont extrêmement variées et correspondent à des difficul-
tés de nature très différente. Il peut s’agir :
- de difficultés pour localiser ses propres objets (où ai-je mis mes
clefs ?) ;
- de difficultés pour retenir ce que l’on vient de lire, pour suivre une
conversation ;
- de difficultés pour récupérer le nom d’une personne connue ;
- de difficultés pour se souvenir d’avoir quelque chose à réaliser dans le
futur (payer une facture avant la date d’échéance, ce qui fait appel à la
mémoire prospective).
Des informations utiles au thérapeute peuvent être obtenues à l’aide d’un
auto-questionnaire que remplit le patient et sa famille (Questionnaire d’Auto-
Evaluation de la Mémoire : QAM de Van Der Linden et al., 1988). Les réponses
permettent de mieux préciser le profil mnésique du patient et d’ajuster avec plus
d’exactitude la prise en charge rééducative.
La rééducation des troubles mnésiques s’appuie sur des techniques diver-
sifiées adaptées aux troubles rencontrés. Son but n’est pas uniquement de tenter
de réimprimer des traces dans un espace de mémoire qu’Aristote et Platon ont
comparé métaphoriquement à une tablette de cire, mais il est aussi d’essayer de
faire acquérir de nouvelles habiletés spécifiques et de pallier le déficit mnésique
par différentes stratégies.

125
♦ Principes généraux
1 - La spécificité de la prise en charge en fonction du patient
L’âge du patient et sa situation socio-professionnelle au moment de l’ac-
cident représentent deux facteurs importants en ce qui concerne l’orientation de
la rééducation et la perspective d’une réinsertion future. Lorsque le patient est
âgé, d’autres déficits viennent souvent s’associer aux troubles mnésiques.
La rééducation peut par ailleurs s’avérer difficile quand le patient est ano-
sognosique, c’est-à-dire non conscient de ses troubles. L’anosognosie n’est
cependant généralement que transitoire, le patient réalisant peu à peu son déficit
grâce à la mise en œuvre de la thérapie.
Enfin, il apparaît important de prendre en compte « les préférences et les
styles individuels » variant en fonction des sujets. Ainsi, certains patients peu-
vent préférer utiliser les procédés mnémotechniques plutôt qu’avoir recours à
l’imagerie visuelle : on peut penser que le rappel interne de l’image reste sou-
vent difficile pour beaucoup de patients (Bruyer et al., 1991). Selon Tulving et
al. (1991), les sujets présentant des troubles de mémoire peuvent apprendre de
nouvelles informations factuelles ou sémantiques à la condition qu’elles aient
du sens pour eux. Cela signifie alors que ces informations s’insèrent dans un
univers connu du patient. Tel fut le cas de AC qui possédait beaucoup de
connaissances concernant la sphère politique avant la survenue de son amnésie,
et qui a pu en acquérir de nouvelles dans le même domaine par la suite (Van Der
Linden et al., 1996).
2 - La spécificité de la prise en charge en fonction des troubles rencontrés
Les programmes de rééducation doivent tenir compte de trois éléments
importants qui diffèrent d’un patient à l’autre.
a - la nature du déficit
Certains patients amnésiques présentent un déficit au niveau de l’enco-
dage des informations, alors que pour d’autres, les troubles intéressent le stoc-
kage ou encore la récupération des données (Bouvard et al., 1994).
Lorsque le patient a des difficultés pour encoder correctement une infor-
mation, il est possible de :
❖ réduire la quantité de données à traiter simultanément.
❖ simplifier les données.
❖ demander au patient d’associer l’information à retenir à quelque chose
qu’il connaît déjà.
❖ réorganiser l’information à mémoriser (grouper les informations en
catégories permet de retenir plus aisément les items d’une liste de mots).

126
Plus une information est traitée en profondeur, plus elle aura de chances
d’être bien encodée. Il faut pour cela encourager le patient à réfléchir et à s’in-
terroger sur le matériel qu’il doit mémoriser.
Cependant, les patients amnésiques stockent d’emblée relativement peu
d’informations, et le taux d’oubli est important durant les premiers jours qui sui-
vent l’apprentissage. Pour aider les patients à conserver les items dans leur
registre mnésique, le rééducateur, aidé par l’entourage, doit inciter le patient à
maintenir et à utiliser activement l’information apprise. Un rappel régulier est
un moyen de consolider l’information : la technique de recouvrement espacé
peut être utilisée.
La récupération de l’information peut, elle aussi, poser des difficultés
pour le patient qui détient l’item-cible mais qui ne peut consciemment le récu-
pérer (l’exemple type est ici celui du phénomène dit « tip-of-tongue » ou
« mot sur le bout de la langue »). Il est alors possible d’aider le patient en lui
fournissant un indice qui va lui permettre d’accéder à l’information recher-
chée. Différents types d’indices peuvent être utilisés : la recherche du mot
« loup » pourra ainsi être facilitée par le recours à un indiçage sémantique
(« attaque les troupeaux »), à un indiçage catégoriel (« carnivore »), à un indi-
çage littéral (« L ») ou contextuel (« vit à l’état sauvage ou dans des
réserves »).
Lorsque les informations à mémoriser correspondent à des noms de per-
sonnes, il est nécessaire au cours des répétitions de faire varier les conditions
dans lesquelles se déroulent d’une part, la phase d’apprentissage et, d’autre part,
la phase de recouvrement de l’information ; dans le cas contraire, l’accès au
nom sera le plus souvent impossible. Ainsi, l’apprentissage du nom du théra-
peute est pour le patient bien souvent lié à un endroit spécifique (hôpital) et à
une situation particulière (séances de rééducation), et il est alors indispensable
que les conditions contextuelles de récupération soient identiques pour que le
sujet puisse récupérer le patronyme considéré. Dans un contexte inhabituel (pis-
cine), le malade aura beaucoup de difficultés pour retrouver le nom de son thé-
rapeute.
b - les types d’activités concernés par le déficit mnésique
Il est primordial de cerner avec précision les répercutions du déficit mné-
sique du patient au niveau des faits de la vie quotidienne. Le recours à un ques-
tionnaire concernant les activités journalières est donc très utile. Le thérapeute
pourra ainsi savoir si le patient est ou non capable de mémoriser le contenu d’un
livre, s’il a ou non des difficultés à suivre une conversation, s’il se rappelle ou
non de ses prochains rendez-vous... etc.

127
c - les processus préservés chez les patients amnésiques
Connaître les processus mnésiques préservés peut permettre de mieux
aider le patient à utiliser efficacement ses habiletés mnésiques résiduelles.

♦ Les différentes stratégies de rééducation de la mémoire


chez les patients traumatisés crâniens
1 - Les stratégies de restauration
Les essais de restauration, dans son mode de fonctionnement antérieur, du
système nerveux central endommagé, n’ont pas été tellement concluants. La
récupération n’apparaît en général effective que dans le cas de troubles résultant
d’atteinte cérébrale secondaire et non pas primaire.
Cependant, plusieurs études chez l’animal ont montré qu’une certaine
stimulation pouvait entraîner une production neuronale. Chez les patients
présentant des troubles de la mémoire, les essais de rétablissement de la
fonction mnésique ont porté sur l’utilisation d’exercices d’entraînement avec
des stimulations réitérées. Les jeux de KIM ou la mémorisation de poèmes
ont ainsi été utilisés dans cette optique. Les progrès observés ne se sont tou-
tefois pas étendus au fonctionnement mnésique en général et sont restés loca-
lisés au seul matériel ayant fait l’objet d’un travail particulier (Van Der Lin-
den, 1999).
Si ce type de stratégie demeure encore très utilisé dans les thérapies
cognitives, il ne semble cependant plus être considéré comme efficace, ainsi que
le suggèrent Bruyer et Van Der Linden (1991), reprenant notamment les propos
d’Harris et Sunderland. L’exemple de HM, opéré d’une double lobectomie tem-
porale incluant l’hippocampe, et souffrant d’un oubli à mesure, conforte cette
impression car, malgré un « jogging mental » intensif pendant plus de vingt ans,
HM a conservé les mêmes difficultés. L’étude de Godfrey et Knight en 1988
aboutit à un constat identique : aucune évolution notable n’a en effet pu être
constatée chez un patient traumatisé crânien ayant pourtant bénéficié d’un
entraînement quotidien pendant 8 semaines basé sur un programme comportant
des exercices d’apprentissage variés.
On ne peut donc plus actuellement considérer la mémoire comme un
muscle indifférencié qu’il suffit de réentraîner. La fonction mnésique recouvre
en effet une série de systèmes indépendants qui sont régis par des zones céré-
brales particulières et qui sont eux-mêmes divisés en sous-processus spécialisés
extrêmement complexes susceptibles d’être électivement atteints par la lésion
cérébrale.

128
Si une amélioration survient dans le cadre de la mise en place de straté-
gies de restauration, elle ne sera guère que la conséquence d’une récupération
spontanée : le jogging mental se révèle en effet le plus souvent inutile, mais en
l’absence de toute autre stimulation, il peut toutefois avoir le mérite de consti-
tuer pour un patient une certaine source de motivation.

2 - Les stratégies de réorganisation


Les stratégies de réorganisation s’appliquent notamment dans le cadre de
la rééducation de la mémoire épisodique (ou autobiographique ou mémoire pure
selon la terminologie bergsonienne).
Chez un sujet amnésique, mémoire antérograde et mémoire rétrograde
peuvent être conjointement atteintes. La mémoire épisodique, qui permet de
« maintenir, stocker et actualiser des souvenirs référencés dans le temps et dans
l’espace, reconnus par le sujet comme siens et comme passés » (Gil, 1996), est
très fréquemment déficitaire lors de la survenue d’une lésion cérébrale.
La mise en place d’une aide adaptée doit être précédée d’investigations
cliniques précises qui, au moyen de tests, vont permettre de savoir à quel niveau
du traitement mnésique d’un matériel donné se situe plus particulièrement l’at-
teinte. En effet, lors d’un test mettant en jeu la mémoire épisodique tel que l’ap-
prentissage d’une liste de mots avec rappel différé après 5 à 10 minutes, plu-
sieurs processus interviennent au cours de la mémorisation :
➯ l’information-cible (mot) est encodée simultanément avec l’informa-
tion-contexte (espace, temps, source). Cette dernière sera utilisée à la
phase de récupération du souvenir. Les régions hippocampiques seraient
chargées de réaliser une liaison entre l’information-cible et le contexte
pour créer un épisode.
➯ les différentes informations sont organisées (constitution de catégo-
ries), reliées les unes aux autres (encodage élaboré), afin de rendre leurs
traces plus durables en mémoire épisodique.
➯ les données sont stockées et consolidées afin de permettre leur récupé-
ration ultérieure.
Un déficit en mémoire épisodique peut donc se situer au niveau de la
phase d’encodage, d’organisation des informations, de stockage ou de récu-
pération des données.
La prise en charge aura donc ici pour but de faciliter le fonctionnement de
la mémoire épisodique en apprenant à des patients, dont le déficit mnésique
peut être qualifié de léger à modéré, une nouvelle façon d’encoder ou de récupé-
rer ou encore de stocker l’information. La stratégie qui sera utilisée sera appelée

129
stratégie de réorganisation ou de facilitation puisqu’on apprend au patient à
contourner les difficultés auxquelles il se heurte. S’il existe plusieurs stratégies
pour faciliter le fonctionnement de la mémoire afin de stocker des informations
ponctuelles, il est par contre difficile d’obtenir du patient une utilisation habi-
tuelle des procédés facilitateurs. Pour tenter d’y parvenir, le programme de
rééducation doit nécessairement comporter :
- une phase où l’on facilite le fonctionnement de la mémoire par le biais
d’exercices spécifiquement adaptés au sujet et à des situations de la vie
quotidienne.
- une phase où l’on apprend au patient à utiliser les procédés de facilitation.
2-1 - Les stratégies verbales
Les stratégies d’encodage employées concernent ici des informations
« signifiantes et reliées » qui peuvent par exemple correspondre aux données
contenues dans un texte (Coyette et al., 1994).
✥ La stratégie P.Q.R.S.T.
Elle a été décrite pour la première fois en 1970 par Robinson (Bruyer et
al., 1991), puis utilisée depuis par de nombreux auteurs chez des patients pré-
sentant des troubles de la mémoire à long terme consécutifs à un traumatisme
crânien.
Cette stratégie consiste à traiter l’information de manière explicite en
« l’organisant et en la reliant » aux connaissances déjà mises en mémoire. Ceci
s’effectue au travers des étapes suivantes :
➯ P (Preview) : prise de connaissance du contenu général du texte.
➯ Q (Question) : choisir des questions clés.
➯ R (Read) : lecture du texte dans le but de répondre à ces questions.
➯ S (State) : donner les réponses aux questions.
➯ T (Test) : auto-évaluation du sujet à intervalles réguliers.
La méthode P.Q.R.S.T. s’est révélée efficace dans beaucoup d’activités de
la vie de tous les jours : lecture de livres, de journaux, de reportages ou appren-
tissage scolaire (études de Wilson en 1987). Toutefois, elle demande certains
efforts de la part des patients. Crosson et Buening (1984) suggèrent d’adjoindre
à la méthode P.Q.R.S.T. une technique d’imagerie visuelle ou d’autres stratégies
pour améliorer l’encodage.
❖ La technique de la macrostructure
Fayol, en 1985, a montré qu’un texte narratif était toujours organisé à sa
base selon un schéma reposant sur une macrostructure qui, du cadre à la résolu-
tion de l’histoire, intègre différents épisodes.

130
La technique de la macrostructure a été présentée par Van Der Linden et
Van Der Kaa en 1989. Le programme de rééducation de la prise d’informations
consiste à rechercher les liens entre les données à mémoriser et à utiliser les
règles de réduction de l’information définies par Kintsch et al. en 1975. Ces
règles impliquent notamment l’omission de ce qui n’est pas nécessaire à la
cohérence sémantique, la concentration de l’information dans des mots-clés
(utilisation d’un superordonné afin d’éviter de construire une phrase), l’absence
de répétition d’une information, l’omission de tout ce qui peut être inféré.
Les patients lisent ainsi tout d’abord le texte dont ils bâtissent la macro-
structure, puis, dans un deuxième temps et après un délai variable, ils reconstituent
le texte uniquement à partir de cette même macrostructure. Cette méthode néces-
site une étroite collaboration thérapeute-patient, surtout si le texte est difficile.
2-2 - Les stratégies visuelles
Lorsque les informations à enregistrer ne sont pas signifiantes ou reliées,
il devient nécessaire d’employer des stratégies d’encodage ayant recours à des
indices qui se révèleront utiles pour une meilleure récupération des données.
Les procédés mnémotechniques d’imagerie visuelle interviennent alors afin de
permettre le codage de l’information par l’intermédiaire d’une image sans que
soit fait appel à une quelconque stratégie verbale.
Il existe différentes techniques d’imagerie visuelle :
❖ la technique d’imagerie absurde utilisée par Van Der Linden et Van
Der Kaa (1989) pour apprendre des paires de mots et également s’entraîner à la
construction d’images mentales.

Exemple d’image mentale crée à partir des mots « éléphant » et « sombrero »,


entre lesquels il n’existe aucun lien sémantique, phonologique ou visuel.

Adaptation du programme de Van Der Linden et Van Der Kaa (1989)

131
Dans un premier temps, le rééducateur guide le patient en lui fournissant
une association visuelle entre les deux mots choisis, puis le patient doit essayer
de créer lui-même ses propres associations.
❖ la technique du « face-name » permet d’apprendre de nouveaux noms
de personnages en associant une caractéristique du visage d’une personne à un
mot phonologiquement proche du nom patronymique à encoder (Mc Carthy,
1980). Cette méthode est directement issue de la technique d’imagerie absurde
dont elle est une application concrète. Elle comprend 3 étapes (Coyette et al.,
1999) :
1 - Trouver un nom concret et imageable pour remplacer le nom initial à
mémoriser. Le patronyme PAILLON peut ainsi devenir « PAPILLON ».
2 - Isoler un trait distinctif du visage, tel que l’existence de larges oreilles
décollées.
3 - Associer en une image interactive le remplaçant concret du nom et la
caractéristique du visage. Au niveau de l’exemple précédemment choisi, le
patient devra imaginer deux ailes de papillon de chaque côté du visage à la
place des oreilles.
Invité à nommer le personnage ici considéré, le patient, percevant d’em-
blée le trait distinctif au niveau du visage (oreilles décollées), accèdera par le
biais d’une image mentale (ailes de papillon) au mot concret « papillon », lequel
indicera à son tour le nom « PAILLON ».

Image mentale crée pour apprendre le nom de Mr Paillon


(adaptation d’un exemple de Van Der Linden et Van Der Kaa, 1980)

Une étude réalisée par Wilson en 1987 a permis de montrer que les patients
amnésiques se souvenaient plus des dessins qu’ils n’accédaient aux images men-
tales elles-mêmes : utiliser des images dessinées (et de préférence par le sujet lui-
même) semble donc constituer un moyen efficace de mémorisation.

132
La technique du « face-name » peut également être utilisée pour l’appren-
tissage de la profession, du lieu de résidence, du passe-temps d’un personnage
(à partir de photographies) : il est possible de créer de la même façon des liens
entre les diverses informations et le visage choisi (Coyette et al., 1999). Cette
méthode sera en conséquence proposée à un patient pour l’aider à mémoriser les
noms de ses proches (parents, voisins, collègues de travail...), ou ceux des diffé-
rents thérapeutes.
❖ la technique du mot-clef peut quant à elle être utilisée pour l’appren-
tissage d’un nouveau vocabulaire, de termes techniques ou pour l’apprentissage
d’une langue étrangère.
Le principe consiste à créer une image mentale permettant de retrouver
simultanément la prononciation et la signification d’un mot (Coyette et al.,
1999).
❖ la méthode des lieux ou méthode de Loci, utilisée par les orateurs
grecs, peut aussi faciliter un apprentissage.
Vers le milieu des années 20, Luria fit la connaissance d’un homme,
M. Cherechevski, reporter dans un journal et réputé dans son milieu professionnel
pour sa mémoire anormalement développée. Ce personnage transformait toutes
les informations qu’il entendait ou lisait en une séquence d’images et se représen-
tait mentalement ces images ancrées en des endroits successifs d’une rue.
Grâce à cette manière de procéder, il peut devenir possible d’aider un
patient à mémoriser une liste de mots ou d’objets en lui apprenant à les imaginer
situés en plusieurs endroits d’un espace connu de lui, comme par exemple les
pièces de sa maison. Le sujet pourra ensuite appliquer cette méthode à l’appren-
tissage d’une liste de courses ou pour se remémorer une série d’actes à effec-
tuer.
❖ on peut enfin avoir recours à la technique classique de la table de
rappel connue de tous.
L’ensemble de ces procédés mnémotechniques nécessite un long appren-
tissage et requiert de la part des patients suffisamment d’attention et une cer-
taine motivation. Il est également nécessaire que le sujet possède une compré-
hension satisfaisante. Les capacités de chaque patient doivent donc être évaluées
de façon détaillée. Enfin, ces stratégies semblent surtout efficaces pour des
patients dont les difficultés de mémorisation peuvent être qualifiées de légères à
modérées. Dans les cas de déficit mnésique grave, les patients n’utilisent pas
spontanément de telles techniques (Coyette et al., 1999). Or, ces stratégies doi-
vent, après la phase d’apprentissage, pouvoir être utilisées dans les situations de
vie quotidienne.

133
3 - Utilisation des capacités résiduelles
Chez les sujets amnésiques ayant des troubles de la mémoire épisodique
extrêmement importants (oubli à mesure), la thérapie doit surtout viser à utiliser
les capacités mnésiques préservées.

3-1 - Technique de la récupération espacée


Pour aider les patients amnésiques à stocker l’info rm ation le plus
durablement possible, il est nécessaire de les inciter à répéter les données
mais aussi à les utiliser activement (travaux de Schacter et al., 1985, cités
dans Van Der Linden et al., 1999). La technique de recouvrement espacé
peut ici s’avérer efficace. S’il s’agit, par exemple, de retenir un nom propre
ou un numéro de téléphone, il est préférable d’effectuer un apprentissage
distribué dans le temps plutôt qu’un apprentissage massé. Autrement dit, il
sera demandé au patient de restituer lors d’un rappel immédiat (empan
immédiat supposé normal) le nom propre ou le numéro de téléphone qui
vient de lui être présenté, puis la même demande sera réitérée après un délai
très court (2 à 3 secondes). L’intervalle de temps sera progressivement
allongé au fur et à mesure des essais successifs. Cette technique conduit à
un meilleur apprentissage comparativement à un apprentissage réalisé en
une seule fois ou à un apprentissage effectué sans augmentation du délai de
restitution.

3-2 - Technique de l’apprentissage sans erreurs utilisée dans le cadre


des amnésies sévères (d’après Baddeley et Wilson, 1994)
Cette technique peut par exemple être utilisée pour l’apprentissage des
noms propres. Elle implique que la bonne réponse soit donnée dès le départ au
patient. Le sujet regarde en conséquence une photographie d’un personnage
dont on lui indique d’emblée le nom. Le but est ici d’instituer un apprentissage
sans erreurs (l’apprentissage avec erreurs pouvant par ailleurs se révéler utile
chez des sujets présentant des troubles mnésiques légers) : en effet, si le sujet
normal va se souvenir de l’erreur qu’il aura effectuée pendant une tâche d’ap-
prentissage, il n’en sera pas de même du sujet amnésique qui oubliera son
erreur. Le patient sera en outre plus long à s’approprier de nouvelles procédures
et si la tentative d’acquisition d’une information sémantique entraîne une erreur,
cette dernière se renouvellera car l’interférence ne sera pas contrée par la
mémoire épisodique. Par ailleurs, dans le cadre des amnésies sévères et de l’ap-
prentissage des noms propres, il est plus efficace d’utiliser les noms réels des
personnages plutôt que de recourir à des noms inventés qui rendent l’apprentis-
sage encore plus laborieux.

134
De même, il apparaît particulièrement important de revoir régulièrement
les connaissances déjà enregistrées en mémoire et de « ne pas abandonner ce
qui a déjà été réacquis » (Van Der Linden, 1999).
Parkin et al. en 1998 ont utilisé la technique dite de l’apprentissage sans
erreurs pour réapprendre à un patient les noms de certains de ses amis qu’il fré-
quentait avant la survenue de la maladie. Une étude réalisée par Squires et al. en
1998 (cités par Van Der Linden et al., 1999) a montré que cette méthode s’était
avérée plus performante que la méthode avec erreurs au niveau de l’apprentis-
sage des noms et des visages pour 14 patients. En 1994, Baddeley et Wilson
avaient déjà suggéré qu’un apprentissage avec erreurs reposait surtout sur les
capacités de mémoire implicite (la mémoire épisodique étant déficitaire),
laquelle est sensible à l’interférence.
3-3 - Utilisation des capacités de mémoire procédurale
Les patients ayant des troubles de mémoire peuvent apprendre des habile-
tés extrêmement complexes comme le traitement de texte (Glisky et al.,1986 a
et b). Ces acquisitions peuvent augmenter les chances de réinsertion d’un sujet
et renforcer son autonomie dans la vie quotidienne. Il s’agit alors de « greffer
une à une les informations » par l’intermédiaire de la mémoire procédurale (Van
Der Linden, 1999).
Van Der Linden et Coyette (1995) ont ainsi proposé au patient AC, vic-
time d’un traumatisme crânien ayant entraîné un grave syndrome amnésique, un
programme d’entraînement portant sur l’apprentissage de la dactylographie, du
vocabulaire relatif à l’informatique (ordinateur, traitement de texte), puis sur
l’utilisation elle-même d’un ordinateur et d’un logiciel de traitement de texte.
L’apprentissage s’est effectué pendant une période allant de 1989 à 1993. AC a
pu ensuite trouver un travail bénévole de secrétaire et de bibliothécaire dans une
association d’aide aux patients cérébrolésés.
Les connaissances acquises par le biais de la mémoire procédurale
deviennent des « connaissances conceptuelles » qui ne sont pas forcément
dépendantes du contexte d’apprentissage. Elles apparaissent flexibles : le sujet
pourra ainsi aisément passer d’un traitement de texte à un autre lorsqu’il
n’existe que de légères différences entre les deux. Il y a donc élaboration de
modèles mentaux d’une tâche complexe (Van Der Linden, 1999).
3-4 - Technique de l’estompage
La technique d’estompage ou « vanishing cues » a été décrite par Glisky
et al. (1986 a). Il s’agit d’une méthode d’apprentissage avec estompage progres-
sif des indices fournis au patient et se rapportant à l’item-cible qui doit être rap-
pelé.

135
Ainsi, le sujet doit d’abord découvrir un mot de vocabulaire en réponse
à une définition (exemple : IMPRIMER ➝ « procéder au tirage de »). Pour
favoriser l’apprentissage de ce nouveau mot, il est préférable d’éviter que le
patient ne se fourvoie en lui indiquant dès le début le mot attendu. La tech-
nique consiste à demander à nouveau la restitution de l’item, après un certain
temps de latence, et en indiçant alors le sujet grâce à l’indication des quatre
premières lettres du mot (IMPR...). Cette aide sera progressivement diminuée
au fur et à mesure des essais (IMP..., puis IM... et enfin uniquement I). Ce sont
ici les capacités préservées de mémoire implicite qui sont au maximum
exploitées.
Dans le cas du patient AC suivi par Van Der Linden et al., la rétention
d’un nouveau vocabulaire informatique est restée stable après un délai de 24
mois.
L’estompage progressif mérite d’être utilisé contrairement à la tech-
nique inve rs e. En effet, n’indiquer à l’origine que la première lettre du mot
attendu a souvent pour conséquence l’émission d’un mot inapproprié. Or, le
patient amnésique qui commet une erreur a tendance à la réitérer (Van Der
Linden, 1999).
Glisky et al. (1986 a) ont pu constater que cette méthode permettait d’ap-
prendre avec efficacité aux patients amnésiques un nouveau vocabulaire lié à
l’informatique, sans que les sujets aient un souvenir conscient de cet apprentis-
sage. Les performances obtenues en utilisant cette technique se montraient
supérieures à celles réalisées en ayant choisi une procédure classique d’appren-
tissage par anticipation (« apprentissage par cœur »).
Cependant, cet avantage n’a pas été retrouvé par tous les auteurs, notam-
ment Hunkin et Parkin (1995). La façon d’estimer les réponses justes, variable
selon les auteurs, pourrait peut-être toutefois expliquer les différences consta-
tées : en effet, Hunkin et Parkin n’enregistraient que la première réponse four-
nie, alors que Glisky et al. acceptaient que des réponses inexactes précèdent
l’émission de l’item attendu et comptabilisaient néanmoins celui-ci comme
bonne réponse à la seule condition qu’il soit fourni dans le laps de temps
imparti.
Les différences entre études pourraient également s’expliquer par le fait
que la méthode d’estompage utilisant la mémoire implicite ne permet pas l’ap-
prentissage d’associations nouvelles (qui n’ont pas de représentations en
mémoire).
Van Der Linden et al. (1999) suggèrent en outre que l’emploi de cette
technique ne serait envisageable que pour certains patients amnésiques présen-
tant un trouble de mémoire épisodique très sévère. En effet, la mémoire épiso-

136
dique, puisque très déficitaire chez ces patients, ne gênerait pas l’utilisation des
capacités de mémoire implicite.
L’efficacité de cette technique dépend donc d’un certain nombre de fac-
teurs.

4 - Les stratégies palliatives


Elles pourraient être qualifiées de « stratégies de la dernière chance »
(Séron et al., 1994). En effet, elles sont souvent mises en place lorsque les stra-
tégies précédentes n’ont pas permis d’évolution favorable. Le recours aux stra-
tégies palliatives peut notamment favoriser la récupération d’une certaine
confiance en soi.
Ces stratégies concernent l’aménagement de l’environnement et la mise
au point d’aides-mémoire externes.
4-1 - L’aménagement de l’environnement
L’utilisation d’étiquettes sur les étagères, de signaux indicateurs, de
tracés sur le sol, de badges nominatifs, de codes-couleurs (flèches de cou-
leurs différentes symbolisant les trajets ; matérialisation par des couleurs des
portes et des clés du domicile), de même que le recours à une disposition
particulière des objets (vêtements...), constituent autant d’aides utilisées
dans le but de réduire la charge mnésique de certains patients (Bruyer et al.,
1991).
Chez certains patients traumatisés crâniens, le contrôle du niveau
sonore ambiant peut être important ainsi que l’aménagement du temps de tra-
vail (respecter des pauses entre les activités permet une amélioration des per-
formances).
4-2 - Les prothèses mentales (les aides-mémoire externes) :
Il existe deux types d’aides externes selon Harris (1984), parallèlement
aux aides-mémoire internes représentés par les procédés mnémotechniques pré-
cédemment décrits.
❖ La première catégorie comprend les alarmes de montre, les minuteries
programmables, les pense-bêtes familiers : faire un nœud à son mouchoir,
une croix dans sa main.
Toutes ces aides permettent d’accéder à des informations déjà stockées en
mémoire. Elles demeurent cependant peu efficaces chez les patients souf-
frant d’amnésie sévère « puisqu’ils oublient ce dont ils sont censés se
souvenir ».

137
❖ La deuxième catégorie regroupe les notes personnelles, les agendas,
calendriers, dictionnaires ou listes de courses. Les informations sont alors
enregistrées dans des systèmes externes au sujet. Solliciter l’aide d’une
personne extérieure chargée de rappeler au patient ce qu’il doit faire peut
aussi constituer un moyen de contourner le handicap.
Ces aides mnésiques externes représentent des moyens alternatifs utiles
pour se souvenir. L’objectif doit être de trouver les aides qui correspon-
dent le mieux au patient, celui-ci devant apprendre à s’en servir avec effi-
cacité.
Cependant, certains patients répugnent à utiliser ces aides externes et pré-
fèrent ne pas « tricher ». D’autres ne se souviennent pas qu’ils peuvent utiliser
ces moyens. Il faut enfin souligner que l’utilisation de ces prothèses peut inter-
venir dès le début de la prise en charge parallèlement à une rééducation mné-
sique spécifique.
Bruyer et al. (1991) soulignent qu’il peut être utile pour certains patients
d’envisager une thérapie comportementale visant à encourager à l’emploi
d’aide-mémoire externes.
Van Der Linden et Coyette (1995) ont appris au patient AC à se servir
d’un carnet de mémoire dans le but qu’AC accède à l’autonomie la plus large
possible. AC pouvait ainsi utiliser son carnet pour noter et consulter des infor-
mations, retrouver des noms de personnes, des trajets... etc. Les parents du
patient ont été impliqués au niveau du programme d’apprentissage : ils devaient
à plusieurs moments bien définis de la journée, et alors qu’AC devait exécuter
telle ou telle action mais ne s’en souvenait plus, donner à leur fils un indice
général (« que dois-tu faire maintenant ? »), ou un indice plus spécifique si
besoin était (« tu dois consulter ton carnet-mémoire »), afin qu’AC finisse par
penser spontanément à utiliser son carnet. La même méthode a été utilisée par le
thérapeute pendant les séances de rééducation. Vingt-six semaines furent néces-
saires pour qu’AC utilise enfin son carnet à chaque moment-clé sans que l’on
soit obligé de l’y inciter. AC se sert maintenant de cette aide externe tout au
long de ses journées.
Un tel programme d’apprentissage est mis en place dans le but « d’utili-
ser un carnet-mémoire comme une habileté mettant en jeu la mémoire procédu-
rale ». Il est cependant impératif d’évaluer initialement les capacités et les
besoins actuels et futurs du patient. Ce dernier doit prendre par la suite l’habi-
tude de consulter son aide-mémoire et d’écrire les informations. L’apprentissage
peut s’étendre sur plusieurs mois. Le carnet-mémoire, unique et personnel,
d evient ensuite une prothèse de mémoire épisodique qui supplée aux
défaillances de cette dernière (Van Der Linden, 1999). Certains patients ont

138
ainsi appris à consulter leur carnet de notes lorsque leur montre émettait une
sonnerie et à exécuter l’acte correspondant dans la demi-heure suivante (arroser
les plantes, prendre un médicament...).
On peut adjoindre à l’utilisation de ce carnet-mémoire celle d’une
« check-list » où sont notées puis barrées au fur et à mesure de leur exécution
toutes les activités de la journée (Andrews et Gielewski, 1999). Harris (1984)
suggère l’utilisation d’un dispositif miniaturisé correspondant à une alarme
auditive reliée à un système d’affichage électronique sur écran et permettant le
rappel d’informations. Une aide similaire consisterait à créer des agendas élec-
troniques simples utilisés aussi au niveau de la mémoire prospective (la sonnerie
indiquerait par exemple le moment de se rendre à tel rendez-vous). Les agendas
électroniques actuellement disponibles sur le marché sont trop complexes pour
pouvoir être utilisés en rééducation. On peut leur reprocher une lisibilité insuffi-
sante, une taille d’écran inadaptée, un clavier d’utilisation difficile, l’existence
de trop nombreuses fonctions générant des interférences inutiles (Séron et al.,
1994).
Dans la littérature, d’autres procédures visant à aider les patients amné-
siques sont notifiées. Davies et Binks en 1983 rapportent ainsi le cas d’un
patient korsakovien auquel on avait donné une petite carte mentionnant au recto
son identité et au verso des informations relatives à ses troubles de mémoire,
expliquant la nécessité de lui écrire des messages. Ce patient pouvait ainsi pré-
senter sa carte aux personnes qu’il côtoyait.
Wilson (1992) a suivi un groupe de patients pendant une période de
temps s’étendant de 5 à 10 ans après la survenue de l’accident. Il a ainsi pu
constater que les patients ayant bénéficié d’une rééducation au plan mnésique
conservaient l’habitude d’utiliser les aides externes.
Enfin, Harris en 1980 a montré que les aides externes étaient plus utili-
sées que les procédés mnémotechniques considérés par l’auteur comme moins
fiables.

5 - La rééducation de groupes
La rééducation de groupes constitue d’une part un soutien thérapeutique
et psychologique, et permet d’autre part d’envisager des situations plus proches
de celles habituellement rencontrées dans la vie quotidienne. Le groupe favorise
les échanges de conseils et d’astuces. Par ailleurs, confronté aux difficultés des
uns et des autres, chaque patient acquiert peu à peu un niveau de conscience
plus aigu de ses propres troubles et il se crée ainsi « un phénomène d’émulation
et de réassurance » (Bouvard et al., 1994).

139
♦ Conclusion
Les techniques de réentraînement mnésique doivent rester extrêmement
concrètes, réalistes et modestes dans leurs ambitions. Elles doivent être simples
à mettre en œuvre et ne peuvent être proposées qu’à des patients conscients de
leurs troubles et désireux d’entreprendre une rééducation.
La plupart des patients traumatisés crâniens vont devoir réapprendre à
vivre différemment. Les changements de personnalité fréquemment observés
chez les traumatisés crâniens peuvent être difficiles à accepter pour l’entourage
familial. Des réadaptations permanentes vont en conséquence s’effectuer.
La prise en charge de sujets traumatisés crâniens ne doit donc négliger
aucun des bouleversements de la sphère cognitive et psychologique rencontrés
chez ces patients et essayer d’améliorer au mieux la vie quotidienne de chacun
d’eux.

140
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142
La prise en charge de patients Alzheimer au
stade débutant : rôle d’un centre de jour
Stéphane Adam, Martial Van Der Linden

Résumé
Le Centre de Jour semble être une structure particulièrement bien adaptée pour la prise en
charge de patients Alzheimer à un stade débutant à modéré de la maladie. Il constitue un
lieu dans lequel les activités de la vie quotidienne peuvent être explorées et les stratégies
d’optimisation installées avant leur utilisation à domicile. Dans ce contexte, nous décrivons
l’organisation générale du Centre de Jour créé récemment à l’hôpital universitaire de Liège.
Nous présentons également le programme d’intervention que nous avons développé dans ce
Centre dans le but de réduire l’apathie généralisée observée chez une patiente Alzheimer
âgée de 70 ans (AM). Cette prise en charge a consisté à réinstaller une activité de loisir à
domicile (le tricot) en proposant plusieurs adaptations destinées à minimiser l’impact des
déficits cognitifs de AM sur cette activité de tricot. Tandis qu’une aggravation des déficits
mnésiques a été observée, l’intervention a significativement diminué l’apathie et l’humeur
dépressive présentées par la patiente ainsi que la charge ressentie par le conjoint.
Mots clés : Alzheimer, prise en charge, neuropsychologie, centre de jour.

Management of patients with Alzheimer’s disease in the initial stage


of the illness : Role of a day-care center
Abstract
Day-care centers appear to be particularly well-suited for the management of patients with
mild to moderate Alzheimer’s disease. This type of facility provides a place where daily life
activities can be explored, and optimization strategies can be established before they are
used at home. Withn this perspective, we describe the general organization of a recently
created day-care center at the University Hospital of Liège. We also present the therapeutic
program which was implemented in this day-care center in order to reduce behaviors of
generalized apathy observed in a 70-year-old patient with Alzheimer’s disease (AM). This
program involved restoring a leisure activity (knitting) at home by proposing several adapta-
tions designed to minimize the impact of AM’s cognitive deficits on her knitting activity.
While an aggravation of her memory deficits was observed, the therapeutic intervention
significantly decreased AM’s apathy and depressive mood, and also alleviated the burden
experienced by her husband.
Key Words : Alzheimer’s disease, rehabilitation, neuropsychology, day-care center.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


143
Stéphane ADAM (1,2)
Martial VAN DER LINDEN (1,2,3)
1 Service de Neuropsychologie, Université
de Liège
2 Unité de Neuropsychologie Cognitive,
Université de Louvain
3 Unité de Psychopathologie Cognitive,
Université de Genève

D
iverses études épidémiologiques montrent que la prévalence de la mala-
die d’Alzheimer est de l’ordre de 5% chez les personnes âgées de plus
de 65 ans et qu’elle augmente considérablement avec l’âge. La maladie
toucherait ainsi, pour l’an 2000, 81 000 cas dans la population belge de plus de
60 ans (Kurz & Dresse, 1996), et 765 000 cas en France (Katzman & Fox,
1999). L’ensemble de ces données indique clairement l’ampleur du problème
social et économique que constitue cette maladie et combien il est essentiel de
développer des stratégies de prise en charge et d’accompagnement efficaces.
Et pourtant, jusqu’il y a peu, la possibilité d’appliquer des interventions
cognitives chez des patients présentant une maladie d’Alzheimer au stade débu-
tant était envisagée avec beaucoup de scepticisme. En effet, la maladie d’Alzhei-
mer a longtemps été considérée comme une atteinte touchant de manière diffuse
et homogène l’ensemble des fonctions cognitives. Dans ce contexte théorique, les
interventions rééducatives dans le domaine de la démence ont été dominées par
trois approches : la Reality Orientation Therapy (ROT ; Powell-Proctor & Miller,
1982) qui vise à améliorer l’orientation spatio-temporelle et de rétablir des
repères d’identité, par la présentation continue d’informations d’orientation et
par l’utilisation d’aides externes diverses ; la Reminiscence Therapy (Thornton &
Brotchie, 1987) qui a pour but d’inciter les patients à récupérer des souvenirs
personnels anciens ; et la Thérapie Comportementale (Ylieff, 1989 ; Burgio &
Burgio, 1986) qui vise à renforcer, maintenir ou diminuer la fréquence d’appari-
tion de conduites en modifiant les relations existant entre ces conduites, les évé-
nements antécédents et les événements conséquents. D’une manière générale, les
limites de ces approches tiennent à l’absence de réflexion théorique sur la nature
des troubles que l’on souhaite rééduquer et l’absence d’individualisation des thé-
rapies. En fait, elles se fondent sur le postulat implicite que les patients Alzhei-
mer souffrent des mêmes déficits cognitifs et donc qu’ils répondraient de façon
équivalente aux mêmes programmes rééducatifs (voir Van der Linden & Seron,
1989, pour une discussion approfondie de ces questions).

144
♦ Apports de la neuropsychologie cognitive
Capacités préservées
Les recherches récentes en neuropsychologie cognitive ont considérable-
ment modifié la manière d’aborder les déficits manifestés par les patients Alz-
heimer (Venneri, Turnbull, & Della Sala, 1996 ; Van der Linden, 1994). Il est
ainsi actuellement largement admis que cette maladie ne s’exprime pas néces-
sairement par une détérioration globale affectant l’ensemble des fonctions
cognitives mais que, au contraire, certains aspects du fonctionnement cognitif
des patients Alzheimer peuvent être sélectivement préservés. Ainsi, par
exemple, en dépit de déficits importants en mémoire épisodique, les patients
Alzheimer sont capables d’apprendre normalement diverses habiletés percep-
tivo-motrices (Heindel, Salmon, Shults, Walicke, & Butters, 1989), ce qui
indique un maintien de la mémoire procédurale. De plus, dans les stades débu-
tants à modérés de la maladie, les patients Alzheimer peuvent manifester des
performances normales à certaines épreuves de mémoire implicite qui n’exi-
gent pas la récupération consciente de l’information apprise antérieurement
(voir Fleischman & Gabrieli, 1998), et notamment des épreuves d’amorçage
perceptif. Ces données suggèrent l’intégrité du système de représentation per-
ceptive. Dans une étude récente, Ikeda et al. (1998) ont observé que des
patients Alzheimer (même à un stade avancé de la maladie) restaient capables
de se souvenir de manière relativement précise d’un événement chargé émo-
tionnellement (le tremblement de terre de Kobe au Japon) alors qu’ils éprou-
vaient des difficultés mnésiques importantes concernant des événements plus
neutres et plus récents.
Par ailleurs, plusieurs études de cas ont illustré le maintien de certaines
aptitudes spécifiques dans des domaines où les patients avaient atteint un niveau
d’expertise important avant l’entrée en démence (Beatty et al., 1994).

Hétérogénéité des déficits cognitifs


De nombreuses recherches ont également montré que tant la nature des
processus déficitaires que l’évolution des troubles variaient considérablement
d’un patient Alzheimer à l’autre. Cette hétérogénéité des troubles peut se mani-
fester entre les grandes fonctions cognitives (comme par exemple entre les capa-
cités langagières et visuo-spatiales, Martin, Brouwers, Lalonde, Cox, Teleska, &
Fedio, 1986) mais également au sein même d’une fonction particulière. Ainsi,
dans le domaine de la mémoire de travail, Belleville, Peretz, et Malenfant
(1996) ont mis en évidence que la plupart des patients Alzheimer présentaient
des déficits affectant l’administrateur central de la mémoire de travail tandis que

145
seulement la moitié d’entre eux manifestaient des troubles au niveau de la
boucle phonologique (voir également Collette, Van der Linden, Bechet, & Sal-
mon, 1999).

Facteurs d’optimisation
Un apport important de la neuropsychologie cognitive dans le contexte de
la maladie d’Alzheimer a également consisté en la mise en évidence de diffé-
rents facteurs permettant une optimisation de la performance cognitive des
patients. Par exemple, il est possible de favoriser la performance en mémoire
épisodique d’un patient Alzheimer en lui fournissant un support à la fois à l’en-
codage et à la récupération (voir Herlitz, Adolfsson, Bäckman & Nilsson, 1991 ;
Bäckman & Small, 1998 ; Bird & Lucz, 1993 ; Lipinska, Bäckman, Mäntylä, &
Viitanen, 1994).

Diagnostic précoce
L’élaboration d’épreuves neuropsychologiques sensibles ont conduit à des
avancées importantes dans le domaine du diagnostic précoce de la maladie (voir
Van der Linden & Juillerat, 1999 ; Juillerat, Van der Linden, Seron, & Adam,
2000). Même si l’hétérogénéité des déficits semble être une des caractéristiques
majeures de la démence d’Alzheimer, différentes études ont montré la préva-
lence de certains troubles cognitifs à un stade très précoce de la maladie, et en
particulier les troubles de la mémoire épisodique et des fonctions exécutives. En
outre, il a été montré que l’évaluation de ces deux domaines du fonctionnement
cognitif, ajoutée à des mesures globales (telles que le MMSE ; Folstein, Fol-
stein, & McHugh, 1975) permettait d’améliorer de façon importante l’efficacité
du diagnostic précoce de la maladie. Ainsi, par exemple, plusieurs études indi-
quent que les épreuves de mémoire épisodique qui fournissent plus de support
cognitif lors de l’encodage et de la récupération constituent de bons prédicteurs
de la maladie d’Alzheimer. Par exemple, Buschke, Sliwinski, Kuslansky, & Lip-
ton (1997) ont montré que les mesures de rappel indicé, en particulier quand les
indices à la récupération sont identiques à ceux fournis à l’encodage (indices
sémantiques), constituent une mesure relativement efficace pour dissocier les
sujets normaux des patients avec maladie d’Alzheimer débutante. Une version
française de cette épreuve a été développée (Adam et al., 2000a). Celle-ci com-
porte 48 items (répartis en 12 catégories sémantiques de 4 items) et se compose
uniquement d’une phase d’encodage contrôlé et d’une phase de rappel indicé.
Le nombre important d’items à mémoriser permet de limiter l’effet-plafond
constaté fréquemment dans la tâche de rappel libre/rappel indicé à 16 items
(Coyette et al., 2000 ; inspirée de Grober & Buschke, 1987). De plus, les résul-

146
tats préliminaires (Ivanoiu et al., 1999) semblent tout à fait encourageants et
montrent une sensibilité de 93% et une spécificité de 96%, ce qui suggère que
cette tâche pourrait être d’un grand intérêt dans le diagnostic précoce de la
maladie d’Alzheimer.
Des études plus récentes (Fabrigoule et al., 1998 ; Salthouse & Becker,
1998) ont en outre suggéré que les déficits précoces manifestés par les patients
Alzheimer seraient sous-tendus par un facteur général, à savoir une atteinte des
processus contrôlés (exécutifs) de traitement de l’information, alors que les pro-
cessus automatiques seraient relativement préservés. Cependant, ces proposi-
tions d’une atteinte précoce des processus contrôlés ont été réalisées à partir
d’analyses a posteriori et sur base de performances à des tâches le plus souvent
multi-déterminées. Néanmoins, deux études récentes (Collette et al., 1999 ;
Adam, Van der Linden, & Juillerat, 1999) ont exploré cette hypothèse au moyen
de tâches spécifiquement construites pour intégrer cette distinction entre auto-
matique et contrôlé : la tâche d’alpha span (Belleville et al., 1998) qui permet
d’explorer la coordination de l’information, et une tâche de complètement de
mots (Adam et al. 1999a ; adaptée de Ste-Marie, Jennings, & Finlayson, 1996)
basée sur un paradigme proposés par Jacoby (1991). Les résultats obtenus sem-
blent confirmer l’intérêt de ces épreuves dans la perspective du diagnostic pré-
coce de la maladie d’Alzheimer.

♦ Implications pour la prise en charge des patients Alzheimer


Outre leur importance au plan théorique, ces données, et plus particulière-
ment la mise en évidence de capacités cognitives préservées et de facteurs d’op-
timisation ainsi que les possibilités accrues de diagnostic précoce, ouvrent des
perspectives nouvelles de prise en charge des difficultés cognitives quotidiennes
manifestées par les patients Alzheimer. En effet, il semble actuellement possible
d’envisager une intervention cognitive précoce qui tienne compte à la fois de
l’extrême complexité du fonctionnement cognitif et du caractère hétérogène des
déficits (Van der Linden, 1995). Compte tenu du caractère évolutif de la maladie
d’Alzheimer, cette approche cognitive visera essentiellement à optimiser les
performances du patient à chaque moment de son évolution, et ce en exploitant
ses capacités cognitives préservées ainsi que l’ensemble des facteurs suscep-
tibles d’améliorer sa performance.
Par exemple, la prise en charge clinique des déficits mnésiques peut
suivre trois directions globales (pour une revue de question, voir Van der Lin-
den, 1995 ; Camp & Foss, 1997 ; Juillerat et al., 2000). Une première consiste à
faciliter temporairement l’encodage et/ou la récupération d’une information en
tirant parti des facteurs d’optimisation relevés lors de l’évaluation cognitive

147
(Bird & Luszcz, 1993). Il s’agira entre autres d’utiliser l’apport que constitue
pour le patient dément un encodage moteur, émotionnel, ou multimodal de l’in-
formation, plutôt que de se contenter d’un simple encodage verbal.
Un deuxième axe potentiel de prise en charge des déficits mnésiques des
patients Alzheimer consiste à leur apprendre de nouvelles connaissances ou
habiletés spécifiques dans le but de les rendre plus autonomes dans la vie quoti-
dienne. Dans ce contexte, il s’agira donc d’une part de délimiter les connais-
sances et habiletés qu’il est important pour le patient d’acquérir, d’autre part de
développer les techniques d’apprentissage (telles que la technique de récupéra-
tion espacée, la technique d’estompage, ou la technique d’apprentissage sans
erreurs) qui exploitent les capacités mnésiques préservées des patients (voir
Bird, Alexopoulos, & Adamowicz, 1995 ; Abrahams & Camp, 1993 ; Vanhalle,
Van der Linden, Belleville, & Gilbert, 1998).
Enfin, un dernier objectif de la prise en charge chez les patients déments
pourra être de confier une partie des fonctions déficitaires du patient à un sup-
port physique ou à des aides externes telles que le carnet mémoire ou encore, à
aménager son environnement physique afin de réduire l’impact des déficits
cognitifs sur son fonctionnement quotidien (voir par exemple Camp, Foss,
O’Hanlon, & Stevens, 1996).

♦ L’évaluation préalable à la prise en charge


Evaluation neuropsychologique et écologique
Dans la perspective de prise en charge cognitive, l’objectif de l’évaluation
neuropsychologique sera, au moyen d’épreuves explicitement construites en
fonction d’un modèle du fonctionnement cognitif normal, d’essayer d’identifier
la ou les composantes déficitaires responsables du trouble et de mettre en évi-
dence d’éventuelles capacités préservées ainsi que de possibles facteurs d’opti-
misation.
Par ailleurs, l’objectif de la prise en charge n’est pas d’améliorer la per-
formance du patient dans les tests cognitifs mais bien d’augmenter son autono-
mie dans la vie quotidienne et ainsi, d’accroître sa qualité de vie et celle de sa
famille. Dans ce contexte, l’analyse cognitive ne pourra pas se limiter aux situa-
tions de tests de laboratoire. Le neuropsychologue devra également identifier les
conséquences des troubles sur les activités de la vie quotidienne. Une approche
particulièrement bien adaptée à ce type d’objectif consiste à évaluer le patient
dans des situations proches des activités de la vie quotidienne (simulations d’ac-
tivités) ou encore à l’observer directement dans la réalisation d’activités réelles
(voir par exemple Skurla, Rogers, & Sunderland, 1988 ; Rusted, Ratner, &

148
Sheppard, 1995). Ce type d’évaluation écologique et les analyses qui en décou-
lent ne peuvent être réalisées sans maintenir un cadre interprétatif cognitif (voir
par exemple Juillerat, Peigneux, Van Hoecke, Lekeu, & Van der Linden, 1999,
pour une analyse de la performance de patients Alzheimer dans des activités de
la vie quotidienne, basée sur une approche de Schwartz & Buxbaum, 1997 ; voir
aussi Feyereisen, Gendron, & Seron, 1999). En d’autres termes, une simple ana-
lyse phénoménologique du déficit est insuffisante pour comprendre de quel
désordre sous-jacent dépend le trouble. Dans cette perspective, le développe-
ment d’une « neuropsychologie cognitive de la vie quotidienne » s’avère indis-
pensable.

Evaluation comportementale

A côté de l’évaluation des déficits cognitifs dans la vie quotidienne, il est


également important d’explorer les troubles de l’humeur et du comportement
qui sont fréquemment observés chez les patients Alzheimer, même dans les
stades très débutants de la maladie (Patterson & Bolger, 1994). Ainsi par
exemple, plusieurs études ont constaté la présence d’une dépression chez 15 à
plus de 50% des patients Alzheimer (Lyketsos et al., 1997). Par ailleurs, Chen,
Ganguli, Mulsant, et DeKosky (1999) ont mis en évidence que les symptômes
dépressifs constituaient une manifestation précoce de la maladie d’Alzheimer.
Ces auteurs ont également observé une relation entre la dépression et l’évalua-
tion subjective du patient de ses propres difficultés mnésiques. Ces données sug-
gèrent que la dépression dans les stades précoces de la maladie d’Alzheimer
pourrait refléter une réaction psychologique des patients à la prise de conscience
de leurs déficits fonctionnels et de leur perte d’autonomie dans les activités quo-
tidiennes. Dans ce contexte, l’identification et la compréhension des change-
ments comportementaux et de l’humeur chez les patients Alzheimer mais égale-
ment la mise en place de thérapies adéquates (pharm a c o l ogi q u e s ,
psychosociales, comportementales) sont essentielles et ce pour plusieurs raisons
(Jacobs, Strauss, Patterson, & Mack, 1998). En particulier, les désordres de
l’humeur peuvent aggraver les difficultés cognitives ainsi que les habiletés fonc-
tionnelles d’un patient. De plus, la présence de symptômes comportementaux et
de l’humeur conduit à une augmentation du stress et de la charge des accompa-
gnants (Coen, Swanwick, O’Boyle, & Coakley, 1997). Enfin, si certaines modi-
fications de l’humeur (telles que la dépression et l’anxiété) sont la conséquence
(même partielle) de la prise de conscience par le patient de la présence de défi-
cits cognitifs, on peut émettre l’hypothèse que la mise en place d’une interven-
tion visant à réduire l’impact de ces déficits aura également un effet positif sur
l’état d’humeur du patient.

149
♦ Rôle du conjoint
La prise en charge des troubles cognitifs, fonctionnels, et de l’humeur
dans la maladie d’Alzheimer implique la participation active d’un conjoint (ou
d’une personne proche). La contribution des proches consistera notamment à
favoriser l’utilisation par le patient des facteurs d’optimisation et des capacités
préservées, à interagir avec lui dans des conditions favorables, à éviter le
recours aux capacités déficitaires, à aménager son environnement de vie en
fonction de ses troubles cognitifs ou encore à l’assister dans son utilisation des
aides externes (Camp, 1989 ; Camp & McKitrick, 1992).
Par ailleurs, l’accompagnement au quotidien d’un patient Alzheimer
constitue une situation particulièrement stressante et il paraît essentiel de fournir
un soutien psychologique au conjoint (Brodaty, McGilchrist, Harris, & Peters,
1993 ; Mittelman, Ferris, Shulman, Steinberg, & Levin, 1996).

PRÉSENTATION DU CENTRE DE JOUR DE LIÈGE


De plus en plus de travaux montrent sans équivoque que des interventions
cognitives, fonctionnelles, comportementales et psychosociales peuvent aider
les patients déments (et plus particulièrement les patients Alzheimer) à amélio-
rer leurs problèmes dans la vie quotidienne, et plus globalement à augmenter
leur qualité de vie ainsi que celle de leur famille (pour une revue, voir Camp &
Foss, 1997 ; Beck, 1998 ; Juillerat et al., 2000). Cependant, ce type d’interven-
tion nécessite des infrastructures adaptées à la fois pour l’évaluation et le déve-
loppement d’un programme de prise en charge. De ce point de vue, le Centre de
Jour est une structure qui semble particulièrement bien convenir et dans laquelle
un environnement proche des situations de la vie quotidienne peut être repro-
duit, et les stratégies d’optimisation peuvent être mises en place. C’est ainsi
qu’un Centre de Jour pluridisciplinaire, pour la prise en charge de patients Alz-
heimer au stade débutant à modéré de la maladie, a été créé au Centre Hospita-
lier Universitaire de Liège sur l’initiative conjointe des départements de Neuro-
psychologie et de Neurologie.

♦ Description générale du Centre


Le Centre est localisée dans la ville, à l’intérieur d’un building. Il occupe
un étage entier comprenant un secrétariat, trois bureaux de consultation, une
grande salle de séjour, deux salles d’ergothérapie, une cuisine équipée, et un
local destiné à des évaluations cognitives. L’équipe est composée d’un neuro-
psychiatre, de trois neuropsychologues, de deux ergothérapeutes, d’une secré-
taire et d’une assistante sociale. Des étudiants stagiaires en neuropsychologie et

150
ergothérapie prennent également part au programme de prise en charge. Le
Centre fonctionne actuellement à mi-temps et peut accueillir un maximum de
douze patients par demi journée (pour une description détaillée du Centre, voir
Quittre et al., 1998).

♦ Objectifs de l’intervention en Centre de Jour


Un premier objectif du Centre de Jour est d’optimiser la réalisation des
activités quotidiennes du patient et par conséquent, d’augmenter son autonomie,
de prolonger une insertion de qualité dans le milieu socio-familial et de retarder
l’institutionnalisation.
Un autre objectif du Centre de Jour est de créer un lieu de rencontre où, à
travers diverses activités de groupe et de loisirs, le patient puisse rompre son
isolement et prendre du plaisir à fréquenter le Centre et à y rencontrer d’autres
personnes. En effet, les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer réduisent
souvent, de façon considérable, leurs activités sociales soit parce que la prise de
conscience de difficultés croissantes les amène à éviter toutes les « situations à
risque », soit encore parce qu’ils (ou leur conjoint) redoutent de voir se produire
à nouveau certains incidents embarrassants. Ces activités de loisirs constituent
également des situations privilégiées permettant de mettre en évidence certaines
difficultés chez le patient, mais aussi des compétences jusque-là insoupçonnées.
De plus, elles permettent de réapprendre aux patients une série de connaissances
pouvant s’avérer utiles dans la vie quotidienne.
Enfin, le Centre de Jour a aussi pour objectif de fournir à la personne
proche un soutien psychologique ainsi que des informations et des conseils de
sorte qu’elle puisse mieux interagir avec le patient et mieux gérer les déficits
qu’il présente. Une assistante sociale est également disponible pour fournir un
soutien administratif et social au proche pour toutes les démarches destinées à
obtenir des aides financières, des services à domicile et des facilités de trans-
port. Par ailleurs, en accueillant le patient deux à trois demi-journées par
semaine, le Centre de Jour contribue de façon non négligeable à soulager le
conjoint de la tâche difficile que constitue l’accompagnement au quotidien d’un
patient Alzheimer. Ce soutien fourni au conjoint pourrait contribuer à différer
l’institutionnalisation du patient (Lawton, Brody, & Saperstein, 1991 ; Flint,
1995).

♦ Prise en charge pour quels patients ?


Tous les patients pris en charge au Centre de Jour ont préalablement été
examinés et ont reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer à la Clinique de la

151
Mémoire située au Centre Hospitalier Universitaire de Liège. Seuls les patients
se trouvant à un stade débutant de la maladie (c’est-à-dire ceux chez qui des
capacités préservées et des facteurs d’optimisation seront le plus aisément iden-
tifiables et exploitables) sont orientés vers le Centre de Jour. Par ailleurs, la per-
sonne doit toujours vivre à domicile et doit se montrer favorable à la perspective
de venir au Centre, soit parce qu’elle en perçoit elle-même l’utilité, soit parce
qu’elle est simplement attirée par l’idée d’y rencontrer d’autres personnes.
Enfin, une personne proche accompagnante (conjoint, enfant ou autre) doit être
disponible à certains moments de la prise en charge. Il est également essentiel
que le patient et son accompagnant acceptent le diagnostic de « maladie d’Alz-
heimer probable ou possible » afin qu’ils comprennent l’importance d’un pro-
gramme de prise en charge.

♦ Evaluation initiale et suivi au Centre de Jour


Le travail neuropsychologique et ergothérapeutique visant à améliorer le
fonctionnement au quotidien du patient commence par une évaluation extrême-
ment détaillée de ses capacités cognitives et fonctionnelles atteintes et de celles
qui sont préservées. Cette évaluation s’effectue à partir des résultats aux tests
neuropsychologiques, de l’observation directe du patient dans des activités quo-
tidiennes, mais aussi du témoignage recueilli auprès des personnes proches. Une
autre stratégie d’évaluation consiste à mettre en place des situations de simula-
tion où l’on demande au patient de produire des conduites proches des activités
quotidiennes. Ces situations seront filmées afin de permettre une analyse ulté-
rieure détaillée. Enfin, d’autres outils permettant l’exploration spécifique des
capacités préservées sont utilisés. C’est le cas notamment d’un questionnaire
qui évalue systématiquement les différentes activités (scolaires, de loisirs ou
professionnelles) dans lesquelles le patient est susceptible d’avoir développé un
certain niveau d’expertise.
Une fois que l’équipe a obtenu suffisamment d’informations sur les capa-
cités qui semblent préservées et sur celles qui sont atteintes, un objectif fonc-
tionnel de prise en charge est proposé sur la base d’un contrat de trois mois
(renouvelable) et une stratégie d’intervention est élaborée. Toute prise en charge
s’accompagne d’une évaluation de l’efficacité de l’intervention proposée et ce
au moyen de lignes de bases adaptées au caractère évolutif des déficits, ainsi
que de questionnaires ou échelles d’évaluation proposés à l’accompagnant. Cer-
taines échelles permettent également d’évaluer l’impact de l’intervention sur la
charge psychologique que représente l’accompagnement du patient pour l’en-
tourage.

152
ILLUSTRATION DE LA PRISE EN CHARGE EN CENTRE DE JOUR
La patiente AM était âgée de 70 ans lorsqu’elle a consulté la Clinique de
la Mémoire en février 1998, accompagnée de son mari âgé de 78 ans. Lors de
l’entretien clinique, la patiente et son mari mentionnent essentiellement des dif-
ficultés de mémoire (surtout pour les informations récentes), d’orientation tem-
porelle et spatiale (dans les endroits non-familiers), une importante perte d’ini-
tiative et une humeur dépressive (problèmes apparus un an plus tôt).
Un CT scan se révélait sans particularité et une tomographie à émission
de positons montrait une légère diminution du métabolisme dans les régions
frontales et temporales gauches. AM obtenait un score de 25/30 au Mini Mental
State Examination (MMSE ; Folstein et al., 1975) et de 125/144 à l’échelle de
démence de Mattis (DRS ; Mattis, 1973).
Une batterie de tests neuropsychologiques incluant des tâches sensibles
pour le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer a été administrée à la
patiente. La patiente présentait un langage fluent, et une absence de manque du
mot. La lecture et l’écriture étaient sans particularité. Il n’y avait pas de signes
d’agnosie ou d’apraxie. De plus sa mémoire à court terme était normale. AM
présentait également des performances normales à plusieurs tâches attention-
nelles (Trail Making Test ; Reitan & Wolfson, 1995, et le « Gottschald’s hidden
figures test » ; Gottschald, 1929) de même qu’aux tâches de fluence phoné-
mique et sémantique.
Par contre, un déficit sévère en mémoire épisodique a été constaté au test
de rappel libre/rappel indicé (Coyette et al., à paraître ; adaptation française de
la procédure de Grober & Buschke, 1987) où la patiente obtenait des scores très
inférieurs aux normes en rappel libre. En outre, la performance restait déficitaire
malgré l’indiçage sémantique. Des difficultés affectant l’administrateur central
de la mémoire de travail (et plus particulièrement la gestion de tâches doubles)
ont également été mises en évidence à l’épreuve d’Alpha Span (Belleville, Rou-
leau, & Caza, 1998). De plus, à la tâche de Stroop (Stroop, 1935), la patiente
produisait un nombre important d’erreurs dans la condition interférente suggé-
rant la présence d’un déficit d’inhibition. Enfin, quelques difficultés de planifi-
cation ont été constatées dans la copie de la figure complexe de Rey.
Compte tenu de l’histoire clinique de la patiente et de l’examen neuropsy-
chologique, un diagnostic de maladie d’Alzheimer probable a été posé. Des trai-
tements pharmacologiques (cholinergique et par antidépresseur) ont été instau-
rés sans succès et ces deux traitements ont été interrompus avant l’arrivée de la
patiente au Centre de Jour.
Suite à ce diagnostic, la possibilité d’une prise en charge dans le Centre
de Jour de Liège a été discutée avec la patiente et son mari. L’un et l’autre ont

153
accepté de prendre part au programme du Centre (voir Adam, Van der Linden,
Andrès, Quittre, Olivier, & Salmon, 1999 ; Adam, Van der Linden, Juillerat, &
Salmon, 2000, pour une présentation plus détaillée de cette prise en charge).

♦ Evaluation à l’entrée au Centre de Jour


A l’entrée au Centre de Jour, une relative concordance entre les plaintes
formulées par la patiente et son conjoint a été constatée. Ces plaintes concer-
naient essentiellement la mémoire épisodique, une perte généralisée d’initiative
ainsi qu’un état dépressif. Ces trois plaintes étaient également retrouvées dans
les réponses à une échelle faisant l’inventaire des problèmes de comportements
et de mémoire (traduite du « Revised Memory and Behavior Checklist » ; Teri,
Truax, Logdson, Uomoto, Zarit, & Vitaliano, 1992), et dans laquelle le conjoint
doit estimer la fréquence d’apparition de certains déficits ainsi que la charge
émotionnelle que constitue pour lui la présence de ces troubles.
Par ailleurs, les réponses au « Neuropsychiatric Inventory » (NPI : Cum-
mings, Mega, Gray, Rosenberg-Thompson, Carusi, & Gornbein, 1994 ; une
échelle évaluant la fréquence, la gravité et la charge émotionnelle ressentie par
le conjoint par rapport à dix troubles comportementaux fréquemment observés
chez les patients déments) montrent que quatre troubles ressortent significative-
ment, à savoir et en ordre décroissant d’importance : la dépression, l’apathie et
l’indifférence, les difficultés de sommeil, et la perte d’appétit. Une échelle de
dépression de Sheikh et Yesavage (1986 ; version abrégée) administrée à la
patiente et à son conjoint montre que la patiente présente une dépression légère
(scores de 6/15 pour les deux évaluations, supérieurs au score limite de 5/15).
Une échelle destinée spécifiquement à évaluer la charge que constitue pour le
conjoint l’accompagnement au quotidien de la personne atteinte de la maladie
d’Alzheimer (Zarit, Reever, & Bach Peterson, 1980) a également été adminis-
trée. Le score obtenu est de 25/88, ce qui correspond à la présence d’un fardeau
léger à modéré. De plus, deux échelles (Teunisse & Derix, 1991 ; Gélinas, Gau-
thier, McIntyre, & Gauthier, 1998) évaluant l’autonomie de la patiente dans des
activités de base de la vie quotidienne (hygiène, incontinence, alimentation,
etc.) ne mettent en évidence aucun déficit dans ce domaine.
Enfin, une exploration détaillée des loisirs et des activités pratiquées au
cours de son existence a mis en évidence deux activités pour lesquelles la
patiente a acquis un certain degré d’expertise et qu’elle a encore pratiquées
dans une période récente : la musique (elle jouait de l’accordéon et de l’orgue
d’église) et le tricot. Cependant, AM avait complètement arrêté ces deux types
d’activités depuis un an en justifiant un manque d’intérêt et une grande
fatigue.

154
♦ Contrat de prise en charge
L’évaluation des capacités cognitives et fonctionnelles a clairement mis
en évidence la présence de deux déficits majeurs chez la patiente : une apathie
avec humeur dépressive ainsi que des troubles mnésiques (avec notamment un
questionnement répétitif et des oublis de rendez-vous). Dans ce contexte, un
premier contrat de prise en charge de trois mois a été proposé à la patiente à rai-
son de deux demi-journées par semaine. Il visait : 1. à diminuer l’impact des
déficits mnésiques via l’installation d’un « carnet-mémoire » ; 2. à réduire
l’apathie en réinstallant une activité de loisir (le tricot) à domicile. Seule la prise
en charge concernant ce deuxième objectif sera détaillée ici.
Le programme de prise en charge des déficits mnésiques consistait à
encourager la patiente à utiliser un agenda simplifié dans lequel elle devait noter
ses rendez-vous et choses à faire. Cet entraînement a été réalisé au centre de
jour par le biais de jeux de rôle. De plus, le mari de AM a été entraîné à induire
la consultation de l’agenda par la patiente à domicile (voir Adam, et al., 1999b).

♦ Prise en charge de l’apathie


Dans un premier temps, une évaluation des connaissances sémantiques et
procédurales de la patiente concernant l’activité de tricot a été réalisée. Un ques-
tionnaire portant sur dix gestes techniques associés au tricot a mis en évidence
que la patiente était capable d’expliquer verbalement et en détail chacun des
gestes. Par ailleurs, la réalisation effective de ces gestes ne lui a posé aucun pro-
blème et elle n’a manifesté aucun déficit dans la manipulation des aiguilles à tri-
coter. Consécutivement à cette première évaluation, une tâche capable de susci-
ter un niveau élevé de motivation chez la patiente devait être trouvée : la
patiente a proposé de réaliser un gilet pour son arrière-petite-fille de 2 ans.
L’étape suivante dans cette prise en charge a consisté à identifier les diffi-
cultés éventuelles présentées par la patiente dans l’activité de tricot dans le but
de proposer des aménagements destinés à diminuer l’impact de ces déficits et à
rendre la patiente plus autonome. Etant donné l’état dépressif de la patiente et sa
sensibilité face aux situations d’échec, des aides lui ont été fournies dès l’appa-
rition d’une erreur et ont progressivement été estompées. Dans un premier
temps, l’activité de tricot a été réalisée exclusivement au Centre. La patiente a
été incitée à reprendre son tricot à domicile lorsqu’elle a atteint un critère de
réussite fixé par les thérapeutes (une demi-heure de tricot réalisé par la patiente
sans erreur, et sans aide). Cette mesure a été appliquée afin d’éviter que la
patiente ne se trouve en situation d’échec à domicile sans possibilité d’aide, ce
qui aurait pu la conduire à abandonner l’activité.

155
Une première observation (filmée) de l’activité de tricot dans des condi-
tions normales de réalisation a mis en évidence d’importantes difficultés rendant
tout à fait impossible l’avancement dans le travail. En fait, trop d’informations
interférentes étaient présentes sur le modèle et AM avait des difficultés à inhiber
cette information non pertinente. De plus, la patiente présentait des difficultés à
maintenir en mémoire de travail l’information pertinente lorsqu’elle devait por-
ter son regard du modèle au tricot (voir ses problèmes de mémoire de travail).
En conséquence, un premier aménagement du plan du tricot a été réalisé
pour minimiser l’impact de ces déficits : l’information non pertinente a été sup-
primée et le modèle de départ a été sensiblement agrandi.
A ce niveau, la patiente éprouvait alors des difficultés importantes à pla-
nifier mentalement la succession de « diagrammes » pour se guider dans son tri-
cot. Le diagramme représente le modèle contenant le motif en deux coloris (noir
et blanc) du gilet, et à l’aide duquel tout le tricot doit être réalisé.
Par exemple, une longueur du dos réside dans la succession de la
deuxième moitié du diagramme, suivi de deux diagrammes entiers. Cette opéra-
tion implique une planification mentale importante et de bonnes capacités de
résolution de problèmes, car il faut pouvoir calculer le nombre de mailles à tri-
coter en fonction de cette succession de diagrammes. Compte tenu des difficul-
tés de mémoire de travail et de planification, une deuxième adaptation a consisté
à planifier la succession de diagrammes à la place de la patiente. Plus concrète-
ment, le diagramme a été reproduit, découpé et collé en fonction des besoins de
chaque partie du tricot. La patiente ne devait donc plus planifier la tâche menta-
lement mais disposait de toutes les informations visuellement.
Suite à cette adaptation, les premières observations ont pu être réalisées par
rapport à la réalisation concrète du tricot. En effet, jusqu’alors, la patiente ne pou-
vait utiliser le plan et ne tricotait donc pratiquement pas. Les problèmes de planifi-
cation ont été résolus mais sont apparues alors des difficultés liées à la réalisation
du tricot en tant que tel. Ainsi, la patiente avait tendance à confondre les lignes du
diagramme, et à sauter d’une ligne à l’autre (elle se plaignait de problèmes
visuels, et un examen ophtalmologique avait effectivement mis en évidence un
début de cataracte). Une adaptation simple pour pallier ce déficit a consisté à
agrandir encore le diagramme, mais surtout à introduire un espace entre les lignes.
Par ailleurs, dans la réalisation de ce tricot, la patiente devait gérer trois
tâches simultanément ou en alternance. En effet, elle devait compter et mainte-
nir en mémoire le nombre de mailles à faire, et ensuite tricoter celles-ci tout en
mémorisant l’emplacement sur le diagramme pour pouvoir poursuivre sa tâche.
Or, comme nous avons vu dans l’examen neuropsychologique, la patiente pré-
sentait un déficit dans la mémoire de travail, et plus particulièrement dans la

156
gestion de tâches doubles. Ce déficit se manifestait effectivement dans la réali-
sation du tricot (oublis du nombre de mailles à tricoter entre la consultation du
diagramme et leur production, oublis de l’emplacement du travail en cours sur
le diagramme, erreurs de comptage des mailles). Une proposition d’aménage-
ment a donc consisté à alléger au maximum (voire à supprimer) chaque sous-
tâche pour diminuer leur impact sur les ressources de traitement de l’administra-
teur central de la mémoire de travail. Dans ce but, la patiente a été incitée à
barrer les mailles réalisées au fur et à mesure de son avancement dans le dia-
gramme. Cette aide supprimait ainsi la tâche de mémorisation de l’emplace-
ment. De plus, des chiffres ont été insérés dans le diagramme chaque fois que le
nombre de mailles d’une couleur dépassait deux. Ainsi, la patiente ne devait
plus compter mais simplement regarder le chiffre dans un bloc de mailles.
L’autonomie de la patiente a augmenté de façon significative suite à ces
derniers aménagements. Elle commettait moins d’erreurs et sollicitait moins de
soutien. A ce niveau, la patiente devait trouver et corriger elle-même ses erreurs.
Rapidement, elle a atteint le critère de réussite lui permettant de passer à la
phase de tricot à domicile (elle a en effet tricoté une demi-heure en ne faisant
qu’une erreur auto-corrigée). Par la suite, la prise en charge s’est limitée à
contrôler ponctuellement le travail de la patiente afin d’identifier la présence
d’éventuels nouveaux déficits, et de l’inciter à réaliser son tricot à domicile.
Deux évaluations post-thérapeutiques ont par ailleurs été réalisées. Cha-
cune consistait à observer la patiente dans l’activité de tricot, durant une demi-
heure et en relevant le nombre d’erreurs et de mailles produites (sans interven-
tion du rééducateur). Dans la première condition, la patiente bénéficiait de
l’aide maximum, c’est-à-dire de la troisième adaptation du diagramme. Par
contre, dans la deuxième évaluation, la patiente était replacée en condition
d’aide minimale : elle disposait de la seconde adaptation du diagramme dans
laquelle la charge sur les ressources de traitement de l’administrateur central de
la mémoire de travail n’était pas allégée.
Cette évaluation permettait de vérifier que l’amélioration de la perfor-
mance de AM était bien la conséquence des aménagements spécifiques qui
avaient été proposés pour compenser les déficits. Les résultats mettent en évi-
dence une diminution substantielle du rendement de la patiente en situation
d’aide minimale. En outre, le tricot réalisé dans la condition d’aide minimale
était inexploitable car le nombre d’erreurs produites par la patiente et non corri-
gées était trop important.
Enfin, nous avons également calculé le nombre d’heures consacrées par
AM au tricot à domicile. Une première tentative de réimplantation de l’activité

157
de tricot à domicile avait été faite la deuxième semaine. La patiente avait tricoté
45 minutes mais avait très vite abandonné l’activité car elle a pris conscience de
la présence d’erreurs qu’elle n’avait pas pu corriger. Par contre, une fois que la
dernière adaptation du diagramme a été apportée, la patiente s’est montrée rela-
tivement autonome et la phase de transfert à domicile a dès lors été entamée.
Lors de la cinquième semaine, elle a tricoté 18 heures (soit environ 2h30 par
jour). Entre les semaines 5 et 13, l’activité de tricot a plus ou moins occupé 90
heures, c’est-à-dire environ 1h20’ par jour (alors qu’avant la prise en charge,
cette activité avait totalement disparu depuis un an).

♦ Evaluation après trois mois de prise en charge


Un bilan général a été réalisé après trois mois de prise en charge, c’est-à-
dire à la fin du premier contrat. Sur le plan du fonctionnement cognitif global, le
score au Mini Mental State Examination est resté stable par rapport à l’entrée de
la patiente au Centre (25/30). Par contre, on constate une chute de huit points à
l’Echelle de Mattis (essentiellement dans la partie « mémoire » : la patiente
passe d’un score de 7/7 à 0/7 au subtest de rappel).
En ce qui concerne l’inventaire des problèmes de comportements et de
mémoire (Revised Memory and Behavior Checklist ; Teri et al., 1992), le
conjoint identifie moins de déficits que lors de l’évaluation initiale. De plus,
même si la charge ressentie par le conjoint est équivalente entre les deux évalua-
tions, elle est globalement plus faible puisqu’elle porte sur un nombre moins
important de comportements. L’amélioration constatée se manifeste essentielle-
ment au niveau des items concernant l’apathie et la dépression. Par contre, la
dimension mnésique des déficits ressort de façon équivalente entre les deux éva-
luations. En outre, au « Neuropsychiatric Inventory » (Cummings et al., 1994),
on constate une disparition totale des quatre troubles mis en évidence à l’entrée
(dépression, apathie, difficultés de sommeil, et perte d’appétit). Par contre, une
très légère anxiété est relevée alors qu’elle n’était pas présente en début de prise
en charge. Cette disparition générale de l’apathie et de la dépression est confir-
mée par l’échelle de dépression gériatrique de Sheikh et Yesavage (1986). A
l’échelle de Zarit et al. (1980), on observe également une disparition du fardeau
pour l’époux.
En résumé, alors qu’une aggravation des déficits mnésiques de la patiente
est mise en évidence depuis le début de la prise en charge (sans que cette aggra-
vation ne soit ressentie par le conjoint), on constate une réduction très significa-
tive des plaintes concernant l’apathie et la dépression ainsi que du fardeau que
constituait ces troubles pour le conjoint.

158
Le bénéfice de la prise en charge au niveau de l’apathie ne s’est pas uni-
quement limité à l’activité de tricot mais s’est généralisé à l’ensemble des acti-
vités de la vie quotidienne : la patiente a pris plus d’initiatives et est devenue
plus active notamment au niveau des activités ménagères. Ces progrès se sont
également manifestés au sein du Centre de Jour : la patiente a montré une plus
grande participation aux conversations et a spontanément collaboré à certaines
tâches quotidiennes effectuées dans le Centre. Au plan comportemental, la
patiente était également plus souriante, moins fatigable, et par ailleurs, elle ne
verbalisait plus de sentiments de solitude ou de lassitude.
Sur le plan des fonctions mnésiques, la patiente a commencé à utiliser de
façon régulière son agenda et selon le conjoint, s’est montrée plus organisée
dans ses activités à domicile. Elle a également adopté de façon relativement
spontanée des stratégies et des aides externes proposées (mais non entraînées)
au Centre afin de minimiser l’impact de ses difficultés de mémoire (comme
exemple placer un tableau sur le frigo afin d’y noter les produits à acheter).
Après les trois premiers mois de prise en charge, un nouveau contrat
d’une durée équivalente a été établi : il visait à renforcer l’intervention sur les
déficits mnésiques par le biais du carnet mémoire, et à continuer le travail sur
l’apathie mais en orientant celui-ci sur l’activité musicale dans laquelle la
patiente avait également développé un certain niveau d’expertise. Cependant, au
cours du premier mois de ce nouveau contrat, la patiente est décédée inopiné-
ment d’un infarctus du myocarde.
Globalement, l’intervention proposée au Centre de Jour a permis une
meilleure intégration de la patiente dans son milieu familial et social. Cela a
contribué à une meilleure qualité de vie (tant chez la patiente que chez le
conjoint). Par ailleurs, cette intervention aura permis à la famille de garder une
image positive et digne de la patiente.

♦ Conclusions
De plus en plus de données indiquent que des améliorations significatives
peuvent être induites dans les activités de la vie quotidienne, amenant par là une
qualité de vie supérieure et la possibilité d’un maintien à domicile prolongé.
(Camp & Foss, 1997 ; Beck, 1998 ; Juillerat et al., 2000) Compte tenu du carac-
tère évolutif de la maladie d’Alzheimer, il s’agit d’être efficace le plus rapide-
ment possible et c’est pourquoi l’évaluation doit être centrée autant que possible
sur les situations de la vie quotidienne dans le but de déterminer des objectifs
(limités) de prise en charge visant à une meilleure autonomie. Il ne s’agit évi-
demment pas de faire l’impasse sur une analyse cognitive des troubles mais plu-

159
tôt, dans une perspective de neuropsychologie cognitive de la vie quotidienne,
d’essayer de comprendre la nature des déficits impliqués dans les perturbations
affectant les activités de la vie réelle.
Le programme d’évaluation et de prise en charge que nous avons déve-
loppé dans le but de minimiser l’impact des déficits cognitifs de la patiente AM
constitue une illustration de ce type d’approche. Cette intervention centrée sur la
vie quotidienne implique la mise en place de structures adaptées. Le Centre de
Jour reproduisant différents lieux de vie (cuisine, atelier, potager, etc.) et installé
au sein des communautés locales nous semble constituer une voie intéressante.
Il peut servir de base à l’installation des stratégies d’optimisation et permet d’al-
léger la charge que représente pour les proches l’accompagnement d’un patient
Alzheimer au quotidien.

160
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164
L’aide administrative, sociale et financière du
patient ayant une maladie d’Alzheimer.
Comment soutenir sa famille ?
M.D. Lussier, I. Migeon-Duballet, J.Y. Poupet

Résumé
Les troubles de la mémoire, du raisonnement et du jugement associés aux troubles de l’hu-
meur et du comportement sont dans la maladie d’Alzheimer une source d’angoisse et de
désarroi pour les proches comme pour les soignants.
Nous nous proposons de lister les aides financières, juridiques et sociales qu’il est possible
de mettre en oeuvre à différentes étapes de la maladie. Elles doivent être aménagées en
fonction de l’histoire du patient et de son évolution. Elles ont aussi comme objectif de réflé-
chir aux situations à risque afin des les prévenir et/ou de les solutionner.
Mots clés : maladie d’Alzheimer, aide juridique - financière - sociale, équipe pluridiscipli-
naire.

Legal, social and financial aid to patients with Alzheimer’s disease :


providing support to the family
Abstract
Alzheimer’s disease is characterized by impairment in memory, reasoning and jugment
capacities which, associated with mood and behavioral disorders, create a great deal of
anxiety and distress in both family members and health care professionals.
We intend to review those various financial, legal and social aid resources which can be
drawn upon at different stages of the disease. Their implementation must take into account
the patient’s history and the progression of the disease. Using these available resources also
stimulates increased awareness of those risk situations to be solved and/or prevented.
Key Words : Alzheimer’s disease, legal aid, financial help, social support, multidisciplinary
team.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000


165
M.D. LUSSIER,
I. MIGEON-DUBALLET,
J.Y. POUPET
Service de Gériatrie
CHU de Poitiers
86021 Poitiers Cedex

L
a qualité de la vie d’un patient porteur d’une maladie d’Alzheimer
dépendra des possibilités de soutien qui se déploieront à son égard au fur
et à mesure des besoins. Ce soutien s’adresse au patient et à son entou-
rage. Seul l’accompagnement correct de l’entourage permettra de maintenir
dans son domicile habituel un patient dément.
Cet accompagnement associe la prise en charge psychologique et médi-
cale, des aides financières et administratives dont la personne peut bénéficier.
La difficulté de mise en oeuvre de ces aides se situe à 2 niveaux :
➯ méconnaissance des aides,
➯ choix de la période de mise en place de ces aides sans heurter l’auto-
nomie du patient.
Ces aides ne sont que des moyens et n’empêcheront donc pas l’évolution
de la maladie. Elles ne doivent donc pas non plus être considérées comme per-
mettant systématiquement le maintien à domicile jusqu’au bout.
Une équipe pluridisciplinaire doit toujours soutenir les familles qui doi-
vent parfois faire le constat que malgré toutes les ressources qu’elles ont pu
développer, le maintien à domicile devient quand même insupportable.
L’évaluation de la dépendance est souvent difficile car le maintien d’une
bonne présentation physique et une capacité locomotrice correcte induisent en
erreur ceux qui n’ont pas l’habitude de ces pathologies (les familles elles-
mêmes).
Il y a donc une sous-estimation des mesures à mettre en place. La diffi-
culté supplémentaire est de faire face à toutes les initiatives dangereuses prises
par le patient (laisser déborder l’eau, jeter le courrier ...). Il est donc nécessaire
dans l’évaluation de la dépendance de ne pas sous-estimer la prise de risque
imprévu.
Nous réfléchirons à 3 éléments importants : l’organisation à domicile, les
aides financières directes et les aides juridiques.

166
♦ Organisation à domicile
Elle comporte 3 volets :
♦ les actes de la vie courante,
♦ les soins techniques,
♦ l’état de l’environnement architectural et géographique (évaluation des
risques potentiels).
☞ Au début de la maladie, les soins techniques sont souvent faibles (sauf
s’il y a une pathologie associée comme un diabète insulino dépendant nécessi-
tant un suivi infirmier). Si l’entourage familial ne fait pas défaut, il suffit en
général à assurer la fonction de surveillance et de stimulation nécessaire au
patient pour les actes de la vie courante (toilette, habillage, repas). C’est à cette
période que les aménagements du domicile doivent être évalués et mis en place.
En effet, le patient est encore suffisamment bien pour s’adapter à des modifica-
tions de son lieu de vie habituelle (réaménagement de salle de bain, réaménage-
ment d’une chambre à coucher, modification d’un escalier, installation de barre
d’appui). Ces aménagements peuvent et doivent être discutés auprès d’une
équipe médicale ayant l’habitude de la maladie et qui comporte en son sein
kinésithérapeute et ergothérapeute. Ces derniers ont des compétences qui leur
permettent de faire des bilans à l’intérieur d’un domicile et de proposer des
réaménagements en fonction du patient qu’ils connaissent. C’est souvent dans le
cadre d’une prise en charge en hôpital de jour que l’avis d’un ergothérapeute
peut être demandé.
Des aides financières peuvent être obtenues si le réaménagement com-
porte des travaux importants et si les ressources sont modestes. Il existe des
centres d’amélioration de transformation de l’habitat qui peuvent faire cette
prise en charge (Cf. Annexe).
☞ Avec l’évolution de la maladie, des aides graduellement croissantes
doivent être mises en place. Dans les actes de la vie courante, ces aides vont de
la présence d’aide-ménagère pour les tâches domestiques, jusqu’aux auxiliaires
de vie ou aides-soignantes pour les aides à la personne. Les soins d’hygiène
lourds et les soins techniques étant assurés par des infirmiers.
L’obtention de ces aides se fait en fonction :
- du niveau de ressources,
- du niveau de dépendance mesurée par la grille AGGIR,
- de l’âge si le patient à - de 60 ans, du lieu de vie (urbain ou rural).
L’accès au service des aides-ménagères se fait auprès des services
sociaux des mairies.

167
L’accès aux prestations d’aides soignantes se fait en ville auprès des ser-
vices de soins à domicile, en milieu rural auprès des fédérations d’aide-ména-
gère dite ADMR.
L’accès aux soins infirmiers se fait soit directement auprès d’une infir-
mière libérale sur prescription médicale, soit auprès des services de soins à
domicile de la ville qui peuvent assurer la double prestation aide-soignante /
infirmière en fonction des besoins du patient.
Les soins infirmiers sont toujours pris en charge à 100% par la Sécurité
Sociale.
☞ En ce qui concerne les aides non directement liées aux soins à la per-
sonne, elles sont toutes à la charge financière des familles (portage des repas,
téléalarme, garde-malade à domicile, travaux de dépannage) - (Cf. annexe).

♦ Les aides financières


Pour les soins techniques
Tous les patients porteurs d’une maladie d’Alzheimer peuvent bénéficier
d’une prise en charge à 100% par la Sécurité Sociale dans le cadre de l’ALD
(maladie de longue durée). Une partie du matériel médical peut aussi être prise
en charge (Cf. Annexe).
Pour la dépendance
Si les patients ont plus de 60 ans, une demande de prestation spécifique
dépendance (PSD) doit être faite. Elle évaluera la dépendance de la personne en
utilisant la grille AGGIR, et en fonction des ressources, une somme d’argent
sera allouée pour payer une tierce personne (le niveau alloué varie avec chaque
département, entraîne un recours sur succession). Les dossiers sont à demander
en mairie. Elle continuera à être versée en institution.
Si la personne a moins de 60 ans, une demande d’allocation compensa-
trice tierce personne doit être faite auprès de la COTOREP (les assistantes
sociales des mairies ou des hôpitaux fournissent en général l’ensemble des
documents).
Les emplois de garde malade peuvent donner lieu à des réductions d’im-
pôts ; il est plus pratique alors d’utiliser la formule chèque emploi service pour
le règlement ou de passer un contrat avec une association de garde-malade.
Les autres situations
En fonction des ressources, une allocation logement peut être demandée.
Elle sera versée aussi ultérieurement si le patient entre en institution.

168
Lorsque le patient devra quitter son domicile, si ses ressources sont insuf-
fisantes, la famille peut aussi demander à bénéficier de l’aide sociale du départe-
ment. Une somme d’argent sera alors allouée pour participer au paiement du
prix de l’hébergement dans l’institution. Cette prestation aide sociale est établie
en fonction des ressources du patient et de celles de ses enfants. Elle entraînera
un recours sur succession si le patient en bénéficie. Les enfants sont alors obli-
gés alimentaires.

♦ Les aides juridiques


L’évolution de la maladie va rendre le patient de plus en plus vulnérable
avec des troubles du jugement et une inaptitude à gérer ses ressources person-
nelles.
Le coût de la maladie peut aussi mettre en difficulté financière une
famille, et des décisions graves comme la vente d’un bien immobilier peuvent
être nécessaires.
☞ Il est donc indispensable de penser suffisamment précocement à la
protection juridique dont peut bénéficier le patient. Cette mesure qui est à la fois
une aide et une contrainte, ne pourra être prise que lorsque la famille aura reçu
auprès d’une équipe médicale habituée à ces démarches et connaissant bien le
patient, les informations nécessaires à la compréhension du mécanisme juri-
dique.
Cette démarche va en effet priver le patient de son autonomie juridique,
elle doit être mise en place ni trop tôt quand le patient a encore les moyens intel-
lectuels de décision, ni trop tard pour éviter de se retrouver dans des situations
d’urgence notamment au moment de l’entrée en institution.
Les démarches nécessaires à la mise en place d’une protection juridique
nécessitent de 3 à 6 mois. Le patient peut bénéficier de 3 types de régimes de
protection.
1/ la sauvegarde de justice : mesure rapide, immédiate à la date du certifi-
cat médical. Mesure de prévention temporaire de 3 mois qui permet d’an-
nuler des actes de la vie civile qui nuiraient à la personne. Elle n’enlève
pas les droits civiques.
2/ la curatelle : mesure de protection, d’assistance lorsque le patient a
besoin d’être conseillé pour les actes d’administration (gestion de patri-
moine ou de vente) ; le patient est contrôlé dans les actes courants
(chèque, retrait d’argent). Les droits civiques sont conservés.
3/ la tutelle : mesure de représentation. La personne protégée a besoin
d’être représentée d’une manière continue dans tous les actes de la vie

169
courante, l’incapacité physique ou/et mentale est considérée comme per-
manente, et la personne ne bénéficiera plus de ses droits civiques.
Pour obtenir ces différentes mesures, la famille fait une demande au tribu-
nal d’Instance de la ville auprès du juge des tutelles qui fournira le dossier à
remplir. Un certificat médical est nécessaire. La liste des médecins experts est
fournie par le tribunal. Un médecin ou une équipe médicale peuvent eux-mêmes
solliciter cette mesure de protection s’ils estiment que l’état du patient dont ils
ont la charge justifie cette protection, même si la famille n’est pas directement
demandeur.
Quand le dossier est complet, le juge peut entendre le patient et sa
famille. Il prendra ensuite la décision de nommer le tuteur ou le curateur. Le
plus souvent, le juge respecte le fonctionnement familial et va nommer le
conjoint ou un proche, sauf s’il y a des conflits dans la famille, auquel cas il
nommera un tuteur extérieur.
☞ Les familles sont souvent démunies quant à l’attitude à tenir vis-à-vis
de la conduite automobile. Il est souhaitable d’interdire précocement la conduite
d’une voiture. A l’inverse des autres pays européens, il n’y a pas de contrôle
particulier en France pour la conduite automobile. S’agissant d’un patient qui
présente des troubles du jugement et des troubles de la compréhension, le méde-
cin traitant peut rédiger un document interdisant la conduite pour raison de
santé. Si le patient n’accepte pas cette décision, il peut être utile de recourir à la
« Commission médicale du permis de conduire » qui siège dans les villes. Sur
sollicitation, cette commission convoquera ce patient et après examen pourra
retirer le permis de conduire. Toutefois cela reste une épreuve très douloureuse
pour le patient.

♦ Conclusion
La prise en charge d’un patient porteur d’une maladie d’Alzheimer est un
long cheminement qui consiste en permanence à trouver un équilibre entre la
non stimulation qui isole et l’hyperactivité qui perturbe.
L’objectif du réseau qui entoure le patient est de le considérer comme un
interlocuteur à part entière.
Les aides que nous avons détaillées ici, vont pouvoir être mises en
place en fonction des besoins physiques du patient, mais aussi de son équi-
libre psychologique. C’est la coordination des efforts d’une équipe pluridisci-
plinaire et d’un entourage qui se sent soutenu, qui permettra au fil du temps
de trouver à chaque moment des solutions respectant le patient et son iden-
tité.

170
♦ ANNEXE 1 - REPARTITION DES AIDES

♦ ANNEXE 2 - LA PRESCRIPTION DE MATERIEL


AU DOMICILE

171
♦ ANNEXE 3 - REPARTITION DES AIDES

REFERENCES
BERTHEL M., Seul l’accompagnement correct de sa famille permet le maintien d’un dément à domicile.
La Revue du Praticien, médecine générale, tome 12, n° 438 (15 à 18), 1998.
LALLORET J., Considér ations pratiques sur l’assistance juridique et sociale aux malades atteints de la
maladie d’Alzheimer. La Revue du Praticien, 39, 6, 1989.

172
♦ QUELQUES OUVRAGES DE REFERENCE

1 - AZOUVI, P., PERRIER, D., VAN DER LINDEN, M. (1999). La rééduca-


tion en neuropsychologie : étude de cas. Paris : Solal, « Neuropsycho-
logie ».
2 - BADDELEY, A. (1993). La mémoire humaine, théorie et pratique. Gre-
noble : PUG.
3 - BOTEZ, M.I. (1996). Neuropsychologie clinique et neurologie du compor-
tement. 2e éd. Paris : Masson.
4 - BRUYER, R., VAN DER LINDEN, M. (1991). Neuropsychologie de la
mémoire humaine. Grenoble : Presses Universitaires.
5 - EUSTACHE F., AGNIEL A. (1995). Neuro p s y ch o l ogie clinique des
démences. Marseille : Solal.
6 - EUSTACHE, F., FAURE, S. (1996). Manuel de neuropsychologie. Paris :
Dunod.
7 - EUSTACHE F., LECHEVALIER B., VIADER F. (1996). La mémoire :
neuropsychologie clinique et modèles cognitifs. Bruxelles : De Boeck.
8 - GELY-NARGEOT M.C., MAHIEUX F., TOUCHON J. (1997). Métamé-
moire et plainte mnésique, in B.F Michel, C. Derouesné, M.C. Gély-Nar-
geot : De la plainte mnésique à la maladie d’Alzheimer. Marseille : Solal.
9 - GIL, R. (1996). Abrégé de neuropsychologie. Paris : Masson.
10 - JUILLERAT, A.C., VAN DER LINDEN, M., SERON, X., & ADAM, S.
(2000). La prise en charge des patients Alzheimer à un stade débutant. In
X. Seron & M. Van Der Linden (Eds.), Traité de Neuropsychologie Cli-
nique. Marseille : Solal, à paraître.
11 - KOHSRAVI, M. (1993). Aider et accompagner le malade d’Alzheimer.
Guide pratique à l’usage de l’entourage du malade. Marabout Pratiques.
12 - SERON, X., JEANNEROD, M. (1994). Neuro p s y ch o l ogie humaine.
Liège : Mardaga.

173
13 - VAN DER LINDEN, M. (1989). Les troubles de la mémoire. Bruxelles :
Mardaga.
14 - VAN DER LINDEN, M. (1994). Neuropsychologie des syndromes démen-
tiels. In X. Seron & M. Jeannerod (Eds.), Traité de neuropsychologie
humaine (pp. 558-573). Bruxelles : Mardaga.
15 - VAN DER LINDEN, M. (1995). Prise en charge des troubles de la
mémoire dans la maladie d’Alzheimer. In A. Agniel & F. Eustache (Eds.),
Neuropsychologie clinique des démences : Evaluations et prises en charge
(pp. 267-282). Marseille : Solal.
16 - WILSON, B.A. (1987). Rehabilitation of memory. New-York : Guilford
Press.

♦ ADRESSES UTILES

1 - ASSOCIATION DES FAMILLES DE TRAUMATISES CRANIENS :


236 bis, rue de Tolbiac, 75013 PARIS (( : 01-53-80-66-03).
2 - ASSOCIATION FRANCE ALZHEIMER :
21, boulevard Montmartre, 75002 PARIS (( : 01-42-97-52-41).

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Que soient remerciés Jodi Tommerdahl, linguiste (Université de Paris IV-
Sorbonne ; Université de Poitiers-Faculté de Lettres) et Solange Cook, psy-
chologue (Hôpital Robert Debré - Paris) pour leur aide précieuse à l’occa-
sion de la traduction des résumés de cet ouvrage.

175
Aucun article ou résumé publié dans cette revue ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie,
microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur.

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