Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
2
3
4 AFFAIRE N° ICTR-2001-73-T LE PROCUREUR
5 CHAMBRE III C.
6 PROTAIS ZIGIRANYIRAZO
7
8
9 PROCÈS
10 Mardi 28 février 2006
11 9 h 10
12
13 Devant les Juges :
14 Inés M. Weinberg de Roca, Présidente
15 Khalida Rachid Khan
16 Lee Gacugia Muthoga
17
18 Pour le Greffe :
19 Stephania Ntilatwa
20 Sheha Mussa
21
22 Pour le Bureau du Procureur :
23 Wallace Kapaya
24 Gina Butler
25 Iskander Ismail
26 Charity Kagwi-Ndungu
27 Jane Mukangira
28
29 Pour la défense de Protais Zigiranyirazo :
30 Me John Philpot
31 Me Peter Zaduk
32
33 Sténotypistes officiels :
34 Pius Onana
35 Françoise Quentin
36 Lydienne Priso
37
38
1 ZIGIRANYIRAZO MARDI 28 FÉVRIER 2006
6 VOIR-DIRE
7 Contre-interrogatoire de la Défense de Protais Zigiranyirazo, par Me Philpot. .3
8
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22 .
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Bonjour, Mesdames, bonjour, Messieurs.
5
24 Merci.
25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 La composition du Banc de la défense.
27 Me PHILPOT :
28 Je vous remercie, Madame le Président.
29
1 M. ZIGIRANYIRAZO :
2 Bonjour, Madame le Président.
3
28 Premièrement, à savoir si ce témoin sait quoi que ce soit qui peut nous
29 être utile ou si ce qu’elle sait peut nous permettre ou permettre à la
30 Chambre de comprendre ce qui s’est passé.
31
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Poursuivez, Maître Philpot.
11 VOIR-DIRE
12 CONTRE-INTERROGATOIRE
13 PAR Me PHILPOT :
14 Q. Docteur Des Forges, j’ai pris connaissance de votre curriculum vitae et
15 j’ai constaté que depuis 1999 — si je ne m’abuse —, il n’y a pas eu de
16 publication portant sur les affaires historiques ; est-ce exact ?
17 Mme DES FORGES :
18 R. Comme je l’ai si bien indiqué, c’est une bibliographie partielle. J’ai publié
19 un livre dans le journal African history, l’année dernière.
20 Q. Est-ce la seule publication que vous avez faite depuis 1999 ?
21 R. Non, je pense que j’ai fait une autre publication pour African history il y a
22 plusieurs années avant cela, mais je dois vérifier.
23 Q. Donc… Il y a donc ces deux livres que vous avez passés en revue depuis
24 que vous avez fait la publication de votre travail phare qui est « Aucun
25 témoin ne doit survivre » ; est-ce exact ?
26 R. Nous avons passé en revue hier un certain nombre de publications
27 depuis 1990 que je ne classerais pas comme faisant… du domaine de
28 l’histoire.
29 Q. Très bien. Hier, le Procureur a déclaré que vous êtes qualifiée en tant
30 qu’historienne et militante des droits de l’homme.
31 Mme KAGWI-NDUNGU :
32 J’ai utilisé le mot « expert ».
33 R. De par ma formation, je suis historienne. J’ai été formée dans des
34 institutions d’enseignement supérieur dispensant un enseignement de
35 haut niveau pour former les historiennes, et cela est mon cursus
36 académique.
1 Me PHILPOT :
2 Mon collègue me dit que j’ai cité un nom, alors que je voulais dire autre
3 chose. Bien. Merci.
4 Q. Est-ce que l’interprète en question aurait pu être Monsieur Baragahare ?
5 R. Je… Ce nom ne m’est pas familier. Le nom que j’allais citer, c’est
6 François Nyiginya et
7 Jean-Baptiste Murindabutsa (Phon) .
8 Q. N’y avait-il pas un interprète qui est devenu directeur d’un établissement
9 secondaire ?
10 R. Il y avait un homme qui est devenu directeur d’un établissement
11 secondaire, qui m’a aidée pendant une semaine ou deux dans le nord-
12 ouest. Il est décédé actuellement. Il aurait pu s’appeler
13 Baragahare, mais je ne m’en souviens pas très bien.
14 Q. Il vous a été présenté par Monsieur ADE ; n’est-ce pas ?
15 R. Pas à ma connaissance. Je ne me rappelle pas dans quelles circonstances
16 je l’ai rencontré. Ça me paraît logique, mais je ne sais pas où. Je ne peux
17 pas vous dire précisément dans quelles circonstances je l’ai rencontré.
18 Q. Ne l’avez-vous… N’avez-vous pas aidé à mobiliser ou à collecter de
19 l’argent pour cette école ?
20 R. À cette époque-là, mes propres enfants qui me suivaient dans mes
21 travaux de recherche étaient en âge de scolarité, quand je suis
22 retournée aux États-Unis, ils se sont rappelés de leur visite dans cette
23 école. Je me rappelle que c’était dans Rushaki (Phon.) dans l’extrême
24 nord-ouest, et ils voulaient faire inscrire leurs anciens camarades d’école
25 dans le cadre d’un programme d’échanges et ils ont fait appel à des
26 élèves de cette école de Rushaki. Ils ont fait la collecte de l’argent pour
27 envoyer à leurs camarades de… leurs anciens camarades de Rushaki.
28 Q. Toute cette discussion, est-ce que vous ne l’avez pas racontée au cours
29 d’une conférence tenue à Chicago en 1995 ? Il y avait Javier Gasana et
30 un autre qui étaient présents.
31 R. Je ne saurais le dire.
32 Q. En avez-vous pu mentionner — cela — au cours de cette occasion-là ?
33 R. Je ne me rappelle pas pourquoi je l’aurais fait, mais je pense que c’est
34 possible. Mais après tout, ça fait 11 ans d’écoulés.
35 Q. À cette époque-là, est-ce que vous n’avez pas dit à certaines personnes
36 participant à la conférence que « ADE » vous a présentée à cette
23 Ainsi donc, en 1980-81, vous êtes allée… vous êtes allée rendre visite à
24 Monsieur ADE ; comment donc en êtes-vous arrivée à prendre contact
25 avec lui ?
26 R. Au mieux de mes souvenirs, je menais des recherches dans le nord-est
27 sur le début du 18ème et le 19ème siècles sur les dirigeants politiques qui
28 ont été transformés dans l’esprit que l’on connaît sous Nyabingi (Phon.),
29 dans la panoplie religieuse rwandaise, et j’étais en compagnie de
30 mes deux enfants et de mon époux.
31
1 Et au mieux de mes souvenirs, je dois dire que nous avons… nous nous
2 sommes arrêtés car nous espérions que l’on nous offrirait le gîte pour
3 cette nuit-là, et je pense que c’est ce qui nous a motivés.
4 Q. Ainsi donc, vous avez pris contact avec « ADE » en espérant que votre
5 famille pourrait être hébergée par ce dernier ; est-ce exact ?
6 R. Au mieux de mes souvenirs, je menais des enquêtes dans la zone et,
7 comme cela se produisait souvent — lorsque je suis prise dans mon
8 travail, je ne fais pas attention au temps qui passe —, il se faisait tard,
9 les enfants étaient fatigués, nous étions loin de Kigali et donc, j’ai eu
10 l’idée suivante…
11
12 Nous n’étions pas très loin de Mulindi, nous sommes arrivés — je crois —
13 vers 17 heures, et le témoin ADE n’était pas là, il n’était pas sur les lieux.
14 Nous avons été reçus par son épouse, il est arrivé plus tard dans la
15 soirée, nous avons donc passé la lui nuit sur les lieux, nous sommes
16 repartis très tôt le matin suivant.
17 Q. Combien d’enfants avait-il à l’époque ?
18 R. Je ne m’en souviens pas, mais ils étaient plus de cinq — je crois. Je pense
19 que c’est un nombre suffisamment important pour m’impressionner.
20 Mme LE JUGE KHAN :
21 Q. Comment avez-vous pris contact avec son épouse ?
22 R. Honorable Juge, nous avons fait ce que nous avions à faire dans ces
23 conditions-là. Très rapidement, nous sommes arrivés, nous avons frappé
24 à la porte d’entrée et nous avons dit : « Voilà, nous sommes là ».
25 M. LE JUGE MUTHOGA :
26 C’est une façon très africaine de faire les choses.
27 R. Elle a été très polie, à l’instar des femmes rwandaises. Elle nous a
28 accueillis chez elle et elle n’a pas pris compte de tous les inconvénients
29 que cela pouvait produire chez elle, elle nous a, nonobstant, souhaité la
30 bienvenue.
31 Mme LE JUGE KHAN :
32 Q. Vous connaissiez l’endroit où se trouvait la maison de « ADE » ?
33 R. En fait, je ne connaissais pas l’adresse, nous avons dû nous renseigner
34 auprès des populations locales que nous avons rencontrées pour savoir
35 où il habitait exactement ; mais du fait qu’il occupait un poste important
36 dans la localité, des personnes ont pu nous indiquer très facilement son
1 domicile.
2 Mme LE JUGE KHAN :
3 Je vous remercie.
4 Me PHILPOT :
5 Q. Vous avez dit… Combien de personnes vous étiez chez vous ?
6 R. Nous étions en tout quatre personnes.
7 Q. Vous n’aviez vu « ADE » pour… depuis environ 11 ans ; est-ce exact ?
8 R. Oui, je pense que cela est exact.
9 Q. Comment avez-vous donc pu savoir qu’il était devenu directeur de cette
10 institution ? Je ne vais pas citer le nom de l’institution aux fins de
11 protection du témoin.
12 R. Je ne m’en souviens pas, je ne sais pas comment j’ai eu cette
13 information.
14 Mme LE PRÉSIDENT :
15 Je pense que c’est là la question de Maître Philpot : Si vous aviez un
16 contact quelconque par téléphone, par courrier avec « ADE » pendant
17 toutes ces années-là ou est-ce seulement à votre arrivée au Rwanda que
18 vous avez su que cet homme était devenu une personnalité dans ce
19 pays.
20 R. Je ne me souviens pas avoir maintenu un contact quelconque avec lui
21 pendant la période qui s’était écoulée. Je ne suis pas toujours une bonne
22 correspondante, il n’est donc pas impossible qu’il m’ait écrit une lettre à
23 laquelle je n’ai pas répondu. Je ne saurais vous le dire. Cela remonte à
24 près de 30 ans, voyez-vous… en fait 27… 27 ou 26 ans.
25
1 Q. Vous dites donc que vous auriez pu être en contact avec lui à cette
2 période-là, entre 1980 et 1990, environ ?
3 R. Non. J’ai déjà répondu à cette question et je maintiens ma réponse. Non,
4 exclues toutes les possibilités. J’essaye d’être plus prudente, d’être
5 exacte et je sais ce que j’ai dit.
6 Q. En 1991 donc, vers le mois de mars, il vous a appelée ; est-ce exact ?
7 R. Je ne me souviens pas de la date, vraiment. Je ne sais pas si c’était en
8 1991, 1990, je ne m’en souviens pas. Votre source a plus de foi dans ce
9 qu’elle dit ; moi, je n’en ai pas. Je pense que votre source sait
10 exactement ce que j’ai dit et fait.
11 Q. Monsieur ADE n’a-t-il pas voyagé pour se rendre à Paris ?
12 R. Je n’ai aucun moyen de savoir ce qu’il a fait et quel voyage il a effectué.
13 Q. Il vous a donc appelée ; savez-vous comment il s’est procuré votre
14 numéro de téléphone ?
15 R. J’ai gardé le même numéro de téléphone depuis 1970… non, 1972. C’est
16 un numéro de téléphone qui est très populaire parmi les Rwandais.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Q. Ce numéro est-il sur liste rouge ou apparaît-il sur l’annuaire ?
19 R. Bien évidemment, Madame le Président, mon numéro apparaît sur
20 l’annuaire et nous sommes la seule famille Des Forges.
21 Me PHILPOT :
22 Q. Ainsi donc, il vous a appelée à partir du Canada, à partir de Montréal ;
23 n’est-ce pas le cas ?
24 R. Je ne me rappelle pas s’il m’a appelée de Montréal, de Toronto, de la
25 frontière, je ne m’en souviens pas. Je ne sais même pas s’il m’a dit d’où il
26 m’appelait.
27 Q. Est-il venu chez vous ?
28 R. J’essaie de m’imaginer cette entrevue, de me souvenir, et la seule chose
29 dont je me souvienne, c’est un transit inopportun, par voiture avec lui et
30 un autre jeune homme. Nous avons essayé donc de nous entretenir très
31 rapidement. Je ne sais même pas où nous allions, d’où nous venions.
32
33 Était-il venu à Buffalo, allions-nous dîner quelque part ou, plutôt, est-ce
34 que je m’étais rendue à la frontière, si je l’avais rencontré quelque part ?
35 Je ne me souviens pas vraiment de cette réunion, je me souviens que
36 c’était une réunion inopportune, je ne me souviens pas de l’objet.
12 (Rire du témoin)
13
1 et de la couleur du véhicule.
2 Q. Je ne vous demande pas de nous donner ni la couleur ni le modèle du
3 véhicule, je demande s’il
4 y a une quatrième… s’il y avait une quatrième personne.
5 Mme KAGWI-NDUNGU :
6 Objection à cette ligne de questionnement.
7
1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 Question déjà posée et réponse a déjà été donnée.
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Objection retenue.
5 R. Je crois vous avoir dit que je ne me souviens pas de la discussion. Je l’ai
6 dit il y a à peine cinq minutes. Je vais me répéter : Je ne me souviens pas
7 du contenu de la discussion, si ce ne sont des mots ci et là que nous
8 avons échangés.
9 Me PHILPOT :
10 Q. Combien de temps… Combien de temps a-t-il passé… avait-il passé à ce
11 moment-là en Amérique du Nord ; vous en souvenez-vous ?
12 R. Je ne me souviens pas lui avoir posé la question, je ne me souviens pas
13 de ce qu’il a dit.
14 Q. Vous connaissez quelqu’un, vous ne lui poseriez pas la question
15 suivante : « Ah ! Vous êtes ici depuis combien de temps ? Comment
16 allez-vous ? Comment vont vos enfants ? » Lui avez-vous posé toutes ces
17 questions ?
18 R. C’est ce que j’appelle des mots ci et là.
19 Q. Et quelles réponses vous a-t-il apportées à ces questions ; vous ne vous
20 en souvenez pas ?
21 R. Je ne m’en souviens pas.
22 M. LE JUGE MUTHOGA :
23 Ce sont là les questions qu’elle aurait pu poser.
24 Me PHILPOT :
25 Q. Et vous ne vous souvenez pas de quelle activité professionnelle il menait
26 au Canada ?
27 R. Je pense que c’était un homme du domaine technique, je ne me souviens
28 pas lui avoir demandé exactement ce qu’il faisait. Et en fait, je ne
29 pouvais même pas comprendre ce qu’il faisait professionnellement et je
30 ne me souviens pas lui avoir posé ces questions.
31 Q. N’est-il pas vrai qu’il venait alors de New York pour vous rendre visite et
32 non pas du Canada ?
33 R. Je n’ai aucune idée. Je me souvenais de ce qu’il venait du Canada, je n’ai
34 aucune idée de cela.
35 Peut-être qu’il m’a menti, peut-être qu’il venait de Paris, mais je ne sais
36 pas cela. Je me souviens avoir reçu un appel téléphonique, je l’ai
32 Me l’a-t-il dit de son propre chef, qu’il a été promu à un moment donné ?
33 Vraiment, je ne sais pas
34 — je ne sais pas.
35 Q. Avait-il un souci quelconque relativement à la guerre ?
36 R. Je ne me souviens pas qu’il m’ait fait part d’une inquiétude quelconque
1 sur un sujet quelconque, que nous ayons parlé de la guerre, oui ou non,
2 je ne sais pas.
3 M. LE JUGE MUTHOGA :
4 Quelle est la suggestion ? Quelle est l’année que vous suggérez pour
5 cette entrevue ?
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Sommes-nous toujours en mars 1991 ?
8 Me PHILPOT :
9 Je ne vous entends pas.
10 M. LE JUGE MUTHOGA :
11 Quelle année suggérez-vous pour cet entretien ?
12 Me PHILPOT :
13 Dans notre requête, nous avons mentionné, en toute bonne foi, que cela
14 devrait être en mars 1991.
15 Q. À cette époque, n’étiez-vous pas critique vis-à-vis des autres Rwandais à
16 cause des Tutsis qui avaient été arrêtés suite à cette invasion ?
17 R. Si la date est effectivement celle de mars 91, je n’avais pas encore
18 accompli une mission au Rwanda en matière des droits de l’homme,
19 j’étais par contre déjà membre du Conseil de Africa Watch, comme tout
20 le monde le savait déjà. Mais je ne me souviens pas qu’Africa Watch ait
21 pris une position quelconque, à ce moment-là, sur cette question
22 d’arrestation de Rwandais suite à la fin de la guerre.
23
24 Je pense que la réponse devrait être « non ». Et je ne sais pas non plus
25 qu’Africa Watch ait adopté une position quelconque vis-à-vis de cette
26 question.
27 Q. Étiez-vous au courant de ces arrestations ?
28 R. Tout à fait.
29 Q. Saviez-vous qu’il y avait une grande campagne menée en vue du
30 relâchement de ces personnes qui avaient été arrêtées ?
31 R. Non.
32 Q. N’étiez-vous pas intéressée par cette situation au Rwanda compte tenu
33 de votre long séjour dans ce pays — et je vais ajouter — et de vos
34 relations avec les Rwandais ?
35 R. Si, j’étais intéressée par cette question, mais à ce moment-là, je n’avais
36 pas encore décidé de m’impliquer dans les questions de droits de
4 Est-ce que Africa Watch avait discuté de cette question bien précise ?
5 R. Il est possible que j’aie eu un entretien téléphonique avec le directeur de
6 Africa Watch sur cette question, mais le personnel n’y était pas encore
7 impliqué — autant que je m’en souvienne. Je crois qu’ils ont délivré ou
8 émis un communiqué de presse, mais je ne me souviens pas que le
9 Conseil de Africa Watch ait discuté de ce problème ou qu’il y ait eu
10 d’autres choses qui auraient pu m’impliquer.
11 Q. N’étiez-vous pas en contact avec la commission internationale des
12 juristes à cette époque ?
13 R. Non.
14 Q. Voulez-vous dire que vous n’aviez aucune opinion par rapport à la guerre
15 en mars 91 ?
16 R. Ce n’est pas ce que j’ai dit.
17 Q. Oui. Mais vous avez indiqué que vous n’aviez pas encore pris la décision
18 de vous impliquer dans ce problème ; vous n’aviez pas d’opinion donc à
19 formuler vis-à-vis de ce problème ?
20 R. Non, à ce moment-là, je n’avais pas encore suffisamment de
21 renseignements sur la question, j’étais préoccupée par mes fonctions
22 d’historienne, par mes fonctions de mère de famille et par mes fonctions
23 d’enseignante. Donc, je n’étais pas suffisamment renseignée pour savoir
24 si d’autres questions méritaient une certaine attention.
25 Q. Oui. Cependant, vous avez été envoyée au Rwanda pour travailler pour
26 le Gouvernement américain dans le cadre d’un certain projet ; n’est-ce
27 pas ?
28 R. Non, ce n’est pas exact.
29 Q. Oui, d’accord. Mais nous reviendrons sur cette question plus tard.
30
1 septembre.
2
3 (Le témoin Alison Des Forges vérifie la date dans son passeport)
4
5 Il est possible que cela ait eu lieu au mois de juillet parce que je me
6 trouvais ici en juillet ou, alors, la visite d’avant, c’est-à-dire au mois de
7 mai ou juin. Je ne me souviens pas de la visite dont il s’agit, mais je sais
8 que j’étais ici.
9 Q. Voulez-vous dire que la première fois où… la question de votre
10 déposition à l’encontre de Monsieur Zigiranyirazo n’a été soulevée qu’au
11 mois de mai ou juin ?
12 R. Non, ce n’est pas ce que j’ai déclaré.
13 Q. À quel moment avez-vous parlé de cette question avec Monsieur Rapp ?
14 R. J’ai discuté de cette question en premier avec Monsieur Kapaya.
15 Q. Et quand avez-vous discuté de cette question de déposition et la lecture
16 de votre rapport dans le cadre de votre déposition à l’encontre de
17 Monsieur Zigiranyirazo avec Monsieur Kapaya ?
18 R. Peut-être il y a un an et demi.
19 Q. Très bien. Si nous disons « un an et demi », cela veut dire que c’est au
20 mois d’août ou septembre ; n’est-ce pas ? Si nous revenons en arrière,
21 septembre, août 2004 ; n’est-ce pas ? Cela veut dire que vous avez
22 soulevé cette question au mois d’août ou mars 2004, un an et demi ?
23 R. Je sais que j’ai parlé de cette question avec les représentants du
24 Procureur qui m’ont demandé fréquemment de comparaître en qualité
25 de témoin expert. Je n’ai pas tenu un agenda de toutes ces rencontres
26 ou de toutes ces conversations que j’ai eues. Je ne me souviens pas
27 d’ailleurs de la date à laquelle j’ai eu cette conversation avec Monsieur
28 Kapaya et je ne me souviens pas non plus de la date à laquelle j’ai eu
29 cette conversation également avec Monsieur Rapp.
30
1 R. Oui, il y a à peu près une semaine (sic), je savais que je devrais donc
2 organiser mon calendrier pour pouvoir produire un travail de ce genre.
3 Q. Saviez-vous déjà que « ADE » allait comparaître en qualité de témoin ?
4 R. Je ne le crois pas. Je pense que lorsque j’ai commencé de préparer mon
5 travail, j’ignorais que le témoin ADE serait disponible ou allait
6 comparaître.
7 Q. Il y a un an et demi, ne vous a-t-on pas dit qu’on était sur le point de le
8 faire déposer ou de le faire citer ?
9 R. Non, je ne le crois pas.
10 Q. Était-ce possible ?
11 R. Tout est possible dans ce monde. Ce n’est pas un événement significatif
12 dans ma vie et, donc, je ne peux pas avoir des souvenirs bien précis de
13 ce genre d’incidents. Je peux vous parler des événements où j’ai joué un
14 rôle important. Mais je me souviens que j’étais un peu surprise
15 d’apprendre cette information, de savoir qu’il allait comparaître.
16 Q. Quand avez-vous reçu cette information alors ? Ce sont de longues
17 déclarations d’à peu près
18 400 pages ; n’est-ce pas ?
19 R. Oui, cela est exact, c’est une déclaration qui est très longue, j’en
20 conviens. J’ai reçu la version française de cette déclaration avant de
21 recevoir la version anglaise. Et la version que m’avait confiée Monsieur
22 Rapp était une version en langue anglaise ; et c’est quelqu’un d’autre qui
23 m’a confié la version française.
24
25 Et je suis sûre que vous allez me dire : Qui vous l’a communiquée ? Et,
26 moi, malheureusement, je serai obligée de vous dire : Je ne m’en
27 souviens pas. Et j’en suis désolée.
28 Q. Vous n’avez pas obtenu la version française de ces déclarations des
29 mains de Monsieur Kapaya il y a à peu près un an ?
30 R. Non, mais je ne peux pas en être sûre.
31 Q. Quand avez-vous commencé à travailler sur votre rapport d’expert ?
32 R. Peu après qu’on m’ait donné ces renseignements, qu’on m’ait dit que
33 j’allais comparaître en qualité d’expert.
34 Q. Nous allons revenir à votre question de réunion qui s’est tenue à
35 Buffalo ; avez-vous déclaré devant la Chambre que vous ne savez pas
36 que vous aviez examiné la question de la guerre avec « ADE » ?
1 R. C’est une question qui a déjà obtenu une réponse plus d’une fois, à mon
2 avis.
3 Q. Vous a-t-il communiqué un numéro de téléphone lorsqu’il est parti ?
4 R. Je ne m’en souviens pas non plus.
5 Q. Quel temps faisait-il lorsqu’il vous a rendu visite à Buffalo ?
6
7 (Rire du témoin)
8
1 Q. Est-il possible qu’il ait pris l’avion pour venir à Buffalo vous rencontrer ?
2 R. Non, sauf s’ils ont pris un véhicule à partir de l’aéroport ; mais je sais
3 qu’ils sont venus en voiture de location à partir de l’aéroport. Donc, il ne
4 me semble pas que cela soit vraiment le cas. Peut-être qu’ils ne
5 voulaient pas que je sache qu’ils avaient pris l’avion et, au lieu de
6 m’appeler pour me dire « Est-ce que vous pouvez me rencontrer à
7 l’aéroport ? », il a pris juste un véhicule et est venu se présenter au seuil
8 de ma porte ; c’est tout. Et donc, je ne peux pas vous dire s’il a pris
9 l’avion.
10
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
1 Me PHILPOT :
2 Très bien.
3
34 Mais je peux vous aider ici, vous pouvez lui demander : « Avez-vous reçu
35 ce coup de fil de Rome ? » Parce que Rome a déjà été mentionné, on
36 peut penser qu’il a donné ce coup de fil de là-bas. Mais si vous lui dites...
1 vous lui posez ce genre de questions, « il » dit : « Je n’ai pas les moyens
2 de le savoir ». Et vous posez des questions sur d’autres destinations… ou
3 d’autres origines, cela va être difficile d’obtenir la réponse que vous
4 voulez.
5 Me PHILPOT :
6 Q. Madame le Témoin, je vous suggère que le témoin est venu de New York
7 en empruntant le train.
8 R. Ce n’est pas ce qu’il m’a dit. Je n’ai pas demandé par quel moyen il est
9 arrivé. Et ce n’était pas une question qui m’intéressait.
10 Q. Oui. Mais dans votre rapport, vous avez indiqué que « le témoin voulait
11 venir me dire bonjour » ; donc, il a fait tout ce long voyage juste pour
12 venir vous dire bonjour ?
13 R. Comme je l’ai dit tantôt, ce dont je me souviens, c’est d’être en voiture
14 avec lui. Et j’étais d’abord surprise, moi-même — et cela je m’en
15 souviens très bien —, de ce qu’il était venu.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 Q. Était-il là pour un autre objet et que vous étiez là, comme ça, par
18 hasard ?
19 R. Oui. Honorable Juge, je sais qu’il n’avait... il n’était pas loin — peut-être il
20 était à Toronto — et je pense qu’il pensait qu’il serait poli ou courtois de
21 venir me dire bonjour.
22 Mme LE JUGE KHAN :
23 Q. Vous a-t-il dit qu’il est venu tout simplement vous rendre une visite de
24 courtoisie ?
25 R. C’est bien ce que j’ai compris. Si je m’en souviens bien, Honorable Juge,
26 il m’a dit qu’il est venu juste me rendre une visite de courtoisie.
27 Me PHILPOT :
28 Q. Oui. Mais vous dites que vous ne vous souvenez pas si vous vous êtes
29 rendue au Canada ou pas, à Toronto en tout cas.
30 R. Je ne m’en souviens pas.
31 Q. Avec le témoin ou sans le témoin ?
32 R. Avec le témoin ou sans le témoin ? Je n’en suis pas sûre.
33 M. LE JUGE MUTHOGA :
34 Q. Il serait difficile de s’en souvenir, alors.
35 R. Honorable Juge, nous vivions à environ dix minutes de la frontière et
36 nous traversions fréquemment cette frontière juste pour aller au
1 restaurant ou aller rendre visite à des amis. Donc, ce n’était pas quelque
2 chose de très inhabituel dans ma vie à traverser cette frontière. C’est un
3 événement peu significatif, voilà, de traverser la frontière.
4 Q. Parlez-vous de la frontière ou parlez-vous de Toronto… (inaudible)
5 Toronto ?
6 R. Je vous parle de la frontière qui existe entre les États-Unis et le Canada.
7 Q. Est-il possible qu’il ait traversé la frontière pour aller au Canada ou ils ont
8 (inaudible) deux heures pour se rendre au Canada ?
9 R. (Intervention non interprétée)
10 Me PHILPOT :
11 Q. Avez-vous traversé la frontière en compagnie de « ADE » et de son ami ?
12 R. Je ne m’en souviens pas. C’est un événement qui m’est sorti de la
13 mémoire et ce n’était pas très important.
14 Q. Est-ce que « ADE » avait une mission quelconque à effectuer à Buffalo ?
15 R. Ce n’est pas l’impression que j’ai eue.
16 Q. La traversée de la frontière est peut-être banale pour vous et moi, mais
17 ce n’est pas une question plus compliquée pour un Africain ? Les
18 Rwandais n’ont-ils pas besoin de visa pour se rendre aux États-Unis, à
19 cette époque ?
20 R. J’ignore la réglementation en matière de visa en 1991 en ce qui concerne
21 les États-Unis.
22 Mme LE JUGE KHAN :
23 Q. Si vous traversez la frontière en qualité d’Américain, les Américains
24 vont... enfin, l’immigration va vérifier votre passeport ou votre titre de
25 voyage ; n’est-ce pas ?
26 R. De manière générale, non, Honorable Juge.
27 Me PHILPOT :
28 Q. Et si vous étiez en compagnie de « ADE » et de son ami, n’auraient-ils
29 pas vérifié leurs papiers, leurs documents de voyage ?
30 R. Je pense que si, s’ils ont fait leur travail.
31 Q. Alors, vous ne souviendriez-vous pas de cet incident ?
32 R. Non. J’ai traversé cette frontière en compagnie de personnes de
33 plusieurs nationalités. Sauf s’il y a eu un incident néfaste où on n’aurait
34 pas permis à quelqu’un de traverser, une personne qui serait en ma
35 compagnie ; mais de manière générale, ce n’est pas un incident dont je
36 pourrais me souvenir.
2 Mais il est tout à fait possible que j’aie traversé cette frontière toute
3 seule et que je l’ai rencontré au Canada.
4
1 Q. Vous avez dit que vous ne vous souvenez pas ? Très bien.
2 R. Je suis heureuse que vous ayez retenu ce point ! À moins que vous ayez
3 quelque chose de concret à me dire….
4 Q. C’est moi qui pose les questions, pas vous. Répondez à mes questions…
5 Mme LE JUGE KHAN :
6 Q. Madame Des Forges, auriez-vous approuvé la question ou la réponse
7 qu’il a donnée à la « 38 », concernant « ADE » ?
8 R. Je ne me rappelle pas avoir lu cette portion du compte rendu d’audience,
9 je ne sais pas si on me l’a remis. C’est possible que je l’aie lu, mais que
10 je ne l’ai pas noté ; je n’étais pas intéressée par l’histoire racontée par le
11 témoin ADE et les négociations qui concernaient son avenir à lui. Je ne
12 sais pas si c’est exact.
13
1 très compétente.
2 Me PHILPOT :
3 Q. Vous souvenez-vous de la question, Madame ?
4 R. Voulez-vous la répéter.
5 Q. N'est-il pas vrai que vous avez dit : « Ah ! Ce monsieur est de retour à
6 Kigali. Je l'ai vu il y a quelques mois. Ce serait un bon contact avec qui on
7 peut parler de ces questions-là. »
8 R. Comme je l'ai déjà expliqué, nous avions mené un certain nombre
9 d'entretiens avec nombre d'officiels gouvernementaux. Que son nom soit
10 sur la liste, si c'est parce que je l'ai vu un peu avant, je n'en suis pas
11 sûre. J'étais désireuse de parler avec un certain nombre de responsables
12 et il se trouvait qu'il était parmi tous ces responsables.
13 Q. Savez-vous où cette personne travaillait ?
14 R. Je n'ai pas donné l'impression du travail (sic). Nous avons pris rendez-
15 vous pour la soirée — le
16 rendez-vous avec lui, c'était dans la soirée compte tenu que j'étais
17 disponible dans la soirée —, il ma invité à dîner et sa femme l’a
18 accompagné.
19 Q. Donc, c'était une réunion de travail ; n’est-ce pas ?
20 R. Oui. Un dîner de travail. Oui. Tous deux l'avons considéré ainsi.
21 Q. Pourquoi, dans votre déclaration écrite, vous n'avez pas dit qu’il
22 s’agissait d’une rencontre de travail ? Vous avez fait une déclaration
23 déposée comme pièce à conviction à charge ; pourquoi n'avez-vous pas
24 indiqué qu'il s'agissait d'une rencontre de travail ?
25 R. Il m'a été demandé d'expliquer les contacts que j'ai eus avec le témoin
26 ADE.
27 Q. Le Procureur vous a posé (inaudible) questions ?
28 R. Oui.
29 Q. Ainsi, quel était le thème de votre discussion cette nuit du dîner ?
30 R. Le thème de discussion dont je me rappelle était ce qu'a déclaré le
31 témoin ADE concernant les événements survenus le 4 octobre 1910…
32 1990. Nous avons eu à parler de cet événement et cela faisait partie…
33 c’était l'un des thèmes de discussion qui est resté dans ma mémoire
34 parce que cela était contraire à ce que j'avais à l'esprit concernant les
35 faits au cours de cet événement.
36 Q. En revenant sur cet événement et peut-être plus tard, est-ce que vous
1 nous dites qu'en juillet, vous aviez déjà formé une opinion sur ceci ; et
2 qu'en mars, vous n'aviez pas une opinion formée correctement ?
3 R. Dans l'intervalle, j'ai eu l'occasion de m'informer.
4 Q. Par conséquent, vous avez jugé nécessaire d'en savoir plus ; n'est-ce
5 pas ?
6 R. J'étais là pour savoir tout ce que je pouvais savoir.
7 Q. Parlez-vous du Rwanda d’où vous devez apprendre…
8 R. C'est ma position générale dans la vie, je veux toujours apprendre.
9 Q. Docteur Des Forges, nous sommes tous curieux, nous ne pouvons pas
10 tout apprendre ; pourquoi aviez-vous choisi ce thème-là à ce moment-
11 là ?
12 R. Je pense avoir été abondamment claire que mon objectif visait à
13 comprendre la situation politique, l’association (sic) des droits de
14 l'homme, la possibilité de l’avènement du multipartisme. C'est une
15 personne intelligente, bien informée, qui avait accès à l'opinion des
16 personnalités importantes et je l'ai considérée comme une source
17 potentielle d'informations à ce moment-là.
18 Q. Quel était le nom de cette organisation pour laquelle vous travailliez ?
19 R. « Associés en développement rural ».
20 Q. Cette agence relevait de qui ?
21 R. C'était une entreprise privée.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Q. Qui finançait le projet ? Le projet pour lequel vous avez visité le Rwanda
24 en 1991.
25 R. L’ARD était sous contrat de l’USAID (phon.) qui, à ce moment-là, avait
26 commencé à diversifier son assistance économique non seulement au
27 Rwanda mais dans d'autres pays africains. Avant cela, l'assistance
28 économique concernait l'infrastructure et la santé. À l'époque, ils
29 envisageaient de donner l'assistance dans d'autres domaines, par
30 exemple le soutien à la presse, aux organisations des femmes qu’ils
31 n’avaient pas soutenues par le passé. Ils ont demandé, par conséquent,
32 à l’ARD, en tant qu'organisme de recherches qui finançait ou signait des
33 contrats avec des consultants pour examiner cette question, concernant
34 l'étude de base concernant la situation politique, en vue de les aider
35 quant à savoir dans quel domaine ils doivent apporter leur contribution.
36 Mme LE PRÉSIDENT :
1 Allez-y.
2 Me PHILPOT :
3 Q. Est-ce à cette occasion que vous aviez envisagé de créer une station
4 radio ?
5 R. Comme j'ai indiqué, l'un des domaines qui intéressait le (inaudible),
6 c'était la presse. Et à ce moment précis, il n'y avait qu'une seule station
7 de radio fonctionnelle au Rwanda : C'était la Radio nationale. Plusieurs
8 idées avaient été émises à l'époque, par exemple, la création d'une
9 station radio indépendante, l'une appartenant à l'Église catholique, et
10 puis une coopérative appelée Iwatcyo (phon.).
11 Q. Et vous vouliez apporter votre financement à la station de radio qui
12 parlerait au nom du rwandais normal.
13 R. Nous avons formulé une recommandation d'apporter le soutien à une
14 radio indépendante qui serait un moyen d'aider la société civile.
15 Q. N’y travailliez-vous pas pour le compte du Gouvernement américain ?
16 R. J’ai travaillé pour l’ARD.
17 Q. Y a-t-il quelque chose de spécial pour lequel vous travailliez pour le
18 compte du Gouvernement américain ? Réfléchissez-y.
19 R. Je viens d'expliquer à la Présidente ce qu'étaient les arrangements ;
20 c’était un arrangement fréquent. Vous-même, vous êtes au courant « par
21 lequel » le Gouvernement sous-traite une organisation de recherches et
22 l’organisation finance un consultant pour mener ces études.
23 Q. Je vais vous poser la question…
24
25 Vous avez fait une déposition dans une autre circonstance, je vais vous
26 donner lecture de votre déposition…
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Lentement, s'il vous plaît.
29 Me PHILPOT :
30 Il s'agit du procès Akayesu, 12 avril… 12 février 1997. Je déposerai ce
31 document plus tard, je n'ai que cet exemplaire.
32
1 Vous rappelez-vous ?
2 R. Je n'ai pas vu le compte rendu d'audience. C'est possible ! J'ai dit que j'ai
3 appris « mes leçons » et je n'avais pas beaucoup d'expérience à cette
4 époque-là et je me suis dit qu'il fallait être prudente dans mes
5 déclarations.
6
5 Pour être équitable vis-à-vis du témoin, si l’on parle d'un compte rendu
6 d'audience, il faut indiquer la page et la date.
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 (Intervention non interprétée)
9 Me PHILPOT :
10 Je vais me conformer à ce qu'a dit ma collègue avec plaisir. Le compte
11 rendu dont je parle...
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Si vous montrez ce compte rendu aux Juges, vous devez également
14 remettre un exemplaire au Procureur après la pause.
15 Me PHILPOT :
16 Ça me prendra quinze minutes pour l’imprimer de mon ordinateur.
17 J'essaie de les aider, je n’essaie pas d’induire qui que ce soit en erreur.
18
19 « 12 février 1997… »
20 Mme LE JUGE KHAN :
21 Que dites-vous ? Vous n'avez pas le compte rendu sous les yeux ?
22 Me PHILPOT :
23 Je fais du « couper-coller » ! Je ne m'attendais pas à ce que le témoin
24 dise quelque chose qui soit contraire ; sinon, j'aurais l'intégralité de la
25 page. J'ai été pris par surprise ! Si j'avais tout, j'aurais toute une pile de
26 gauche à droite !
27 M. LE JUGE MUTHOGA :
28 N'est-il pas vrai que...
29
30 L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
31 Le Juge Muthoga n’a pas terminé sa phrase…
32
35 Me PHILPOT :
36 Monsieur le Président, je ne l'ai pas.
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Maître Philpot, vous avez la parole.
5 Me PHILPOT :
6 J’ai le procès-verbal en l’affaire Akayesu. J’ai eu un problème technique
7 avec mon imprimante. Je devrais donc revenir sur cette question demain.
8 Je proposerais donc que l’on fasse la même chose avec le procès-verbal
9 en l’affaire Bizimungu. Je n’ai qu’une copie, je dois donc vérifier et, bien
10 évidemment, le Procureur ne sera pas en contact avec le témoin entre
11 aujourd’hui et demain.
12
2 Monsieur Kapaya, vous avez dit que lundi, c’est-à-dire hier, vous auriez
3 pu nous informer pour nous dire si vous auriez un autre témoin et que
4 vous alliez citer à comparaître, après le docteur
5 Des Forges, c’est-à-dire la semaine prochaine.
6 M. KAPAYA :
7 Nous avons fait des consultations sur cet autre témoin et nous en
8 sommes arrivés à la conclusion que nous n’allons pas le citer à
9 comparaître, « SFH », et il nous reste trois autres témoins.
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Je vous remercie pour que nous puissions nous faire une programmation.
12 Nous avons toute la semaine et toute la semaine prochaine.
13 Me PHILPOT :
14 J’ai également reçu la même information de la part de mon confrère la
15 semaine dernière, vendredi précisément.
16 Q. Docteur Des Forges, vous avez dîné avec « ADE » au mois de juillet
17 1991, où exactement avez-vous dîné ?
18 Mme DES FORGES :
19 R. Nous avons dîné à l’hôtel Ribero. Je crois que c’est le nom de l’endroit.
20 Q. Vous avez une excellente mémoire sur ce point précis. Et vous avez dit
21 qu’ils vous ont présenté et interprété la situation courante, et vous avez
22 dit que ça n’était pas la bonne. Sur quel point
23 n’étiez-vous pas d’accord, Docteur Des Forges ?
24 R. Je n’étais pas d’accord sur le fait que le FPR avait lancé une attaque sur
25 la ville de Kigali le 9 octobre 1994, une attaque de grande envergure.
26 Q. Était-ce le seul point sur lequel vous n’étiez pas d’accord avec lui ?
27 R. C’est le point dont je me souviens en tout cas.
28 Q. C’était là une rencontre d’ordre professionnel, de quel autre point avez-
29 vous discuté ?
30 R. Je pense que nous avons parlé des perspectives en matière de
31 multipartisme et également de la situation critique qui prévalait.
32 Q. À ce moment-là, avez-vous parlé de l’Akazu ?
33 R. Non.
34 Q. Avez-vous parlé de la corruption dans le domaine politique ?
35 R. Nous avons parlé de la question très certainement de façon générale.
36 M. LE JUGE MUTHOGA :
1 donc pas pourquoi vous dites que vous continuez à nourrir l'espoir...
2 R. Je n'ai pas dit que je n'étais pas présente ni impliquée dans les affaires
3 rwandaises.
4 Q. Vous avez dit que vous n’étiez pas engagée, que vous n’étiez pas
5 impliquée.
6 R. Je n'ai pas dit cela.
7 Q. En mars 91, étiez-vous impliquée et active dans les affaires rwandaises ?
8 R. J'étais très impliquée dans la société civile. Je n'étais pas très informée
9 quant aux aspects relatifs à la guerre. En mars 1991, si vous vous
10 souvenez bien, il y a eu un cessez-le-feu qui a été signé et la guerre,
11 comme nous le savons, en rétrospective n'a pas eu lieu.
12
6 M. LE JUGE MUTHOGA :
7 Il est possible qu'il y ait eu une lettre et si le témoin le dit, s'il se
8 souvenait de la teneur de cette lettre, elle serait donc plus catégorique,
9 plus précise qu'il y a eu un courrier, un message.
10 Me PHILPOT :
11 Excusez-moi, Juge Muthoga. Permettez-moi d'insister.
12 Q. Madame le Témoin, avez-vous vu cette lettre lorsque vous avez…
13 lorsque le Procureur vous a contactée hier ?
14 R. Oui, j'ai vérifié dans mon dossier pour voir s’il y avait eu cette
15 correspondance, mais je n’en ai… mais je ne l'ai pas vue.
16 Q. Avez-vous eu une demande de notre part ou la demande du Procureur
17 selon laquelle vous pourriez communiquer tout document relatif à votre
18 conversation téléphonique avec « ADE » ?
19 R. Oui, c’est bien la raison pour laquelle j'ai cherché à retrouver cette
20 correspondance.
21 Q. Où se trouvait « ADE » lorsqu’il vous a téléphoné ?
22 R. Il se trouvait au Kenya. Je crois que c'était à Nairobi, je n’en suis pas très
23 sûre, mais je pense qu'il était bien au Kenya.
24 Q. Que faisait-il à cette époque ?
25 R. Je ne pense pas qu’il ait pensé d’un travail quelconque.
26 Q. Savez-vous ce qu'il faisait au Kenya ?
27 R. Non, non, je ne le sais pas. Je ne sais pas ce qu'il faisait à cette époque.
28 Q. Quel était, selon vous, l'objet de ses préoccupations ?
29 R. Je crois qu'il était préoccupé du fait qu'il ait été identifié comme étant
30 l’une des personnes ayant pris part au génocide et cela a limité ses
31 possibilités de déplacements ou de voyage.
32 Q. Pourquoi cela ? Y avait-il une liste des génocidaires — entre guillemets —
33 qui circulait ?
34 R. Oui, c'est bien ce que j'ai compris ou d'après ce que je pensais ou
35 d'après mes observations.
36 Q. Vous a-t-il parlé de cette liste ?
1 contacter ?
2 R. Je ne le pense pas.
3 Mme LE JUGE KHAN :
4 Q. Madame Des Forges, pourquoi lui avez-vous donné un tel conseil ?
5 Pensez-vous qu'il était innocent ?
6 R. Honorables Juges, j'ai tendance à faire preuve de prudence en ce qui
7 concerne la réputation de certaines personnes et des allégations portées
8 à leur encontre. Les informations dont je disposais à cette époque
9 étaient qu'il avait été une personnalité importante dans le milieu des
10 pouvoirs publics ou du Gouvernement et que… sa présence dans sa
11 localité d'origine où des tueries avaient commencé dans la matinée du
12 7 ; je savais donc qu’à ce moment-là, sur la base de mes travaux de
13 recherche qu'il n'avait pas été... que les tueries avaient commencé à
14 certains endroits qui étaient extérieurs à Kigali.
15
23 Mais moi, personnellement, je n'avais pas mené des enquêtes sur ces
24 points, sur ces aspects. Et je n'ai pas remis en question ces allégations.
25 Je n'ai… Je n'en ai pas parlé avec lui. En fait, je n'ai même pas voulu faire
26 de la spéculation avec lui sur ces aspects sans avoir, au préalable, mené
27 des enquêtes.
28
29 J’ai pensé qu’il était mieux pour lui-même de prendre cette décision s'il
30 pensait vraiment du fond de lui-même qu'il avait quelque chose à dire. Et
31 j'ai pensé sérieusement qu'il devait lui-même faire ce choix et se mettre
32 à la disposition de la justice et faire face aux chefs d'accusation
33 éventuels qui pourraient être retenus à son encontre.
34
1 état de chose et ses activités. Et comme je vous l'ai dit, dans notre
2 conversation téléphonique, je lui ai bien déclaré que « je ne peux pas
3 vous aider, si vous avez un problème quelconque, veuillez contacter les
4 fonctionnaires du Tribunal ».
5 Me PHILPOT :
6 Q. Dans votre (inaudible), vous avez parlé d’une enquête qui devrait être
7 menée à cet effet, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, tout à fait, parce qu’il me semblait qu'il existait suffisamment de
9 mobiles pour que ces questions puissent être posées. Il avait joué un rôle
10 important dans la communauté et lorsque… communauté où les actes de
11 violence « a » commencé peu après la chute de l’avion présidentiel.
12 Q. Vous avez pu indiquer au Bureau du Procureur que « ADE » pourrait les
13 aider dans leurs enquêtes, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, j'ai tenu plusieurs conversations téléphoniques avec des
15 fonctionnaires du Bureau du Procureur sur un certain nombre d’années.
16 Je leur ai communiqué certaines informations qui pourraient leur être
17 précieuses. Et certaines de ces informations étaient relatives à des
18 personnes auxquelles le Bureau du Procureur pouvait s'adresser et qui
19 pourraient également même être dans certains cas des accusés ou alors
20 des victimes des événements du Rwanda.
21
1 est-ce exact ?
2 R. Il est possible… Il est probable que j'ai parlé de ce « ADE » au Bureau du
3 Procureur, je n'en suis pas si sûre, mais comme je vous l’ai expliqué,
4 j’avais déjà suggéré quelques noms au Bureau du Procureur. En fait, je
5 serai même surprise de constater que je ne l'ai pas fait.
6 Q. Quels sont les autres noms que vous avez communiqués au Bureau du
7 Procureur, Madame le Témoin ?
8 R. Je serais heureuse de vous fournir cette liste devant cette Chambre. Je
9 ne peux pas vous donner…
10 Q. D’accord. Alors, pouvez-vous nous communiquer cette liste ?
11 R. Avez-vous un morceau de papier ?
1 R. Je vais faire une déclaration, une déclaration concernant les noms sur la
2 liste.
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Nous pouvons conserver cette liste sous scellés.
5 R. Je voudrais dire que je ne connais pas toutes ces personnes. Certaines de
6 ces personnes, je les ai citées parce que je pense qu'ils disposaient des
7 informations. Je voudrais dire clairement que certaines de ces personnes
8 ne sont pas au courant que j'ai cité leurs noms.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Il faut verser cette pièce aux débats… aux débats et à conserver sous
11 scellés.
12 Me PHILPOT :
13 Q. Je vous ai demandé il y a quelques minutes s’il peut avoir deux ou trois
14 fois plus de personnes que la liste que vous avez communiquée au
15 Procureur, est-ce exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Pouvez-vous nous rappeler la liste complète demain matin ?
18 R. Je ne peux pas.
19 Q. Soit nous pouvons le faire lentement et de manière efficace… Pour faire
20 avancer la cause de la Défense, s'il y a d'autres noms, pourriez-vous
21 vous évertuer de compléter la liste de façon à ce que nous n'ayons pas à
22 passer par une procédure compliquée, c'est-à-dire nous citer deux fois
23 plus de personnes ?
24 R. J'ai essayé d'être plus utile de mon mieux. Mais comme j'ai dit, j’ai
25 mentionné les sources possibles d’information sur une période d’années
26 et je ne peux pas reconstituer tous ces noms. Je suis heureuse de
27 reprendre une copie de cette liste que je viens de vous donner et vous
28 rajouter quelques noms, mais je ne peux pas vous donner une liste
29 exhaustive des sources possibles.
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Vous pouvez suggérer les noms et puis nous verrons la réponse qu’elle
32 peut donner.
33 Me PHILPOT :
34 Je ne suis pas enquêteur, je ne suis pas expert. Ce que je m’en vais
35 suggérer au Docteur
36 Des Forges, étant donné que vous avez fait beaucoup de recherches et
4 Nous pouvons vous faire une copie de la liste que vous venez de nous
5 donner.
6 M. LE JUGE MUTHOGA :
7 Si vous pouvez les aviser sous forme écrite.
8 R. Malheureusement, Monsieur le Juge, je dépends d'une culture orale. Je
9 fais des suggestions autant que cela me vient à l'esprit dans des
10 conversations et je ne le fais pas sous forme écrite.
11 Me PHILPOT :
12 Lorsque j'aurai des copies dans quelques minutes ou après la pause, je
13 vais donc tirer cette question au clair.
14 Mme LE PRÉSIDENT :
15 Vous voulez demander au témoin de compléter la liste ?
16 Me PHILPOT :
17 Très certainement oui.
18 M. LE JUGE MUTHOGA :
19 Elle a dit qu’elle ne peut pas la compléter, elle peut, pas forcément
20 maintenant, ajouter d'autres noms.
21 Me PHILPOT :
22 Donnez cette liste au témoin. Et peut-être demain… Je veux un
23 exemplaire de cette liste parce qu’il
24 y a des noms que je connais pas.
25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 Monsieur Mussa, pourriez-vous faire des copies à remettre au docteur
27 Des Forges et l’original au Conseil ?
28 Me PHILPOT :
29 Q. « ADE » vous a informée — je vais le paraphraser — se plaignant
30 « qu'est-ce que je m'en vais faire après que je vous ai appelé, Docteur ?
31 Je ne peux me rendre en Europe, ce Gouvernement rwandais m'a mis sur
32 une liste noire, quelque chose de ce genre’. A-t-il dit : « Je n'ai rien fait,
33 mes mains sont propres » ?
34 R. Je ne me rappelle pas qu'il ait dit cela.
35 M. LE JUGE MUTHOGA :
36 Q. Il vous suggère s'il a été mis sur cette liste par erreur ou bien s'il sait
1 qu'il devait être sur cette liste mais qu’il ne l’est pas.
2 R. Monsieur le Juge, autant que ma mémoire peut m’aider, dans notre
3 conversation, l’implication était qu’il avait été mis sur cette liste par
4 erreur.
5 Q. Pourquoi est-ce que vous ne lui avez pas suggéré d'aller voir le Procureur
6 pour que son nom soit retiré de la liste ?
7 Mme LE JUGE KHAN :
8 Vous avez déjà posé cette question, Maître. Nous allons écouter Madame
9 Des Forges, si elle veut apporter d'autres précisons.
10 Me PHILPOT :
11 J’insiste pour qu’elle réponde à cette question.
12 R. Je vous remercie, Madame le Juge. Ma réponse est la même, que j’avais
13 des indications qui me semblaient crédibles, qu'il avait des choses à se
14 reprocher et raison pour laquelle il figurait sur cette liste. Il m’a semblé
15 que, dans ces circonstances, la meilleure façon de procéder consistait
16 pour lui à s’entretenir avec le Procureur et de plaider les accusations,
17 plaider sa cause relative aux accusations portées contre lui.
18
19 Madame le Juge, ce n'était pas une conversation seul à seul, ce n'est pas
20 une discussion que j'aimerais prolonger. Je pensais qu'il avait des
21 raisons, de fortes présomptions sur sa culpabilité. Il s'agit d'une
22 conversation de longue distance, je voulais tout simplement lui indiquer
23 que je n'étais pas en mesure de l’aider et que s’il pensait que quelque
24 chose… qu'il avait quelque chose à dire, que cette question ne dépendait
25 pas de moi et qu'il devait s’adresser au Tribunal.
26 M. LE JUGE MUTHOGA :
27 Q. À partir d'autres sources, avez-vous jugé qu'il était innocent, qu'il
28 essayait de le faire croire ?
29 R. C'est exact.
30 Me PHILPOT :
31 Q. Donc, vous lui avez dit : « Allez voir le Procureur et expliquez votre
32 situation » ?
33 R. Je lui ai dit que mon meilleur conseil c'est de se mettre en rapport avec
34 le TPIR.
35 Q. Et à ce moment-là, saviez vous que des enquêtes étaient menées
36 concernant ce monsieur, enquêtes menées par le TPIR ?
1 R. Je ne le savais pas.
2 Q. Avez-vous suspecté que, après avoir demandé que des enquêtes soient
3 menées en mars 1999, que le TPIR menait des enquêtes contre lui, étant
4 donné qu'il était une personnalité originaire de la région de [Sur ordre du
5 Président, cette partie de la question a été extraite de la transcription et
6 produite sous scellés]
7 R. Nous devons être prudents.
8 Mme LE PRÉSIDENT :
9 La portion qui mentionne cette localité doit être retranchée du compte
10 rendu d’audience.
11
2 Est-ce que vous suggérez que vous ne saviez pas ce qu’il fallait faire
3 pour retrancher son nom de cette liste pendant que vous lui avez
4 suggéré de rencontrer le personnel du TPIR ?
5 R. Oui, j’ai rédigé ce document en toute hâte, peut-être que la formulation
6 n'est pas aussi empreinte de précaution que je l'aurais souhaité, mais je
7 lui ai tout simplement demandé de se rapprocher du personnel du
8 Tribunal parce que le Gouvernement… le Tribunal n'avait aucun moyen
9 de modifier la liste qui était mise en circulation par le Gouvernement du
10 Rwanda.
11 Q. Ce que vous lui avez dit c’est « Monsieur ADE, c'est d'aller raconter ce
12 que vous avez fait », c'est ce que vous lui avez dit ?
13 R. Une chose que j'ai apprise en travaillant pendant 14 ans au Rwanda,
14 c’est que les Rwandais sont très sophistiqués et ont des… ils s’entourent
15 de nuances en s’exprimant. Et je ne peux pas cerner toutes les nuances
16 et les ambiguïtés que les Rwandais utilisent en s’exprimant. Cependant,
17 j'ai essayé de m'exprimer de manière indirecte. Et je doute si les mots
18 que vous avez lus sont de moi.
19 Q. Alors, parlons de vos intentions. Vos intentions directes consistaient à ce
20 que j'ai dit ?
21 R. Pouvez-vous exprimer plus clairement, mes intentions étaient quoi ? La
22 question précédente.
23 Q. Ma question précédente : Avez-vous dit à Monsieur ADE (inaudible) vous
24 pencher auprès du personnel du TPIR pour vous sortir de l’affaire ?
25 C'était votre intention… Est-ce que c'était votre intention d'aller s’ouvrir
26 au personnel du TPIR ?
27 R. Mon intention était claire d'après ce que j'ai dit, c'est le meilleur conseil
28 que je pouvais lui donner, c'est d'aller dire ce qui s'est passé au
29 personnel du Tribunal.
30 Q. Qu’est-ce que, d’après vous, il devait faire ?
31 R. Bon, c'était à lui de faire ce qu'il a fait.
32 Q. Quelles étaient les options… D'après votre entendement des faits,
33 quelles étaient les options possibles pour lui ?
34 R. Si vous pouvez-vous imaginer la situation : Le téléphone sonne, je
35 réponds, une personne s’explique pour dire qu'il était dans une position
36 inextricable, il m'a demandé de l'aide. J'ai dit : « Je ne peux pas vous
1 aider, allez au TPIR, c'est la meilleure chose que vous puissiez faire ».
2
1 est possible qu'il m’ait appelée antérieurement. Je ne peux pas vous dire
2 que c'est dans l'impossibilité, je ne l’exclus pas. Parce qu’aucune
3 personne raisonnable ne peut pas se fier à sa mémoire à 100 %. Nous
4 avons tous des trous de mémoire, comme moi, et il est possible des fois
5 d’oublier des choses, c'est peut-être le cas en l’espèce.
6
9 Me PHILPOT :
10 Je suis désolé. Cette question de témoin protégé nous mène dans des
11 labyrinthes. Je vais procéder autrement, je ferai de mon mieux.
12 Q. Vous l'avez eu au… Vous l’avez vu au déjeuner en 1991, vous ne l'avez
13 plus revu, nous n’avez plus entendu parler de lui jusqu'à la publication
14 de votre livre. Et vous lui avez dit que votre meilleur conseil c’est d'aller
15 voir le personnel du TPIR ? Votre conversation avec le Bureau du
16 Procureur concernant cette personne était probablement avant de lui
17 suggérer…
18 R. Aurait pu avant… Aurait pu.
19 Q. Vous avez dit que ça s’est probablement passé ?
20 R. Ça s’est passé, mais aurait pu se passer avant.
21 Q. À présent, cet homme a une famille, son fils vous a téléphoné, était-ce
22 son fils aîné qui vous a téléphoné ?
23 R. Je ne sais pas. Il s'est identifié comme étant le fils de cette personne,
24 mais il ne m'a pas dit dans quel ordre. Je ne me rappelle pas le nom du
25 fils ou si je l'ai rencontré préalablement, ou quelle était sa position.
26 M. LE JUGE MUTHOGA :
27 Q. Il avait plus d'un enfant ?
28 R. Oui, Monsieur le Juge.
29 Mme LE PRÉSIDENT :
30 Q. Combien des cinq enfants étaient des garçons ?
31 R. Je crois que la moitié était des garçons, deux ou trois, ou quatre… trois
32 ou quatre des cinq enfants étaient des garçons.
33 Me PHILPOT :
34 Q. Combien de fois a-t-il téléphoné chez vous ?
35 R. Le fils, dites-vous ?
36 Q. Oui.
26 Je crois que probablement, j'étais sur le point de voyager. Dans tous les
27 cas, je n'avais pas jugé que ce jeune homme avait quelque chose d'utile
28 à me dire en relation avec mon travail et je ne pensais pas pouvoir
29 l’aider.
30 Q. Avez-vous refusé parce que vous étiez sur le point de voyager ou bien
31 parce qu’il était le fils d'un génocidaire ? Je ne cerne pas votre réponse.
32 R. J'essaye d'être le plus honnête que possible, c’était soit parce que j’étais
33 sur le point de voyager, je voyage beaucoup et il était difficile… et à
34 l'époque, il était étudiant, et il s'est fait que nos programmes n’ont pas
35 coïncidé. Au moment où il avait souhaité me voir, je n'étais pas
36 disponible ou peut-être qu’il y avait des éléments psychologiques plus
1 complexes dans ma tête pour me dire non, je ne veux pas voir celui-là.
2 Mme LE JUGE KHAN :
3 Q. C’est possible que vous ne soyez pas en mesure de le rencontrer ou bien
4 vous avez refusé de le rencontrer ?
5 R. Oui, c'est possible. Tout ce que je sais c’est que nous n’avons pas pu
6 nous rencontrer. Je ne sais pas si c’était impossible ou bien si c'était pour
7 moi de refuser.
8 Me PHILPOT :
9 Q. Et il a cessé de vous appeler… il a continué de vous appeler, je précise
10 [L’interprète se corrige]. Il a continué d’appeler.
11 R. Mais il appelé pendant que j'étais absente de chez moi.
12 Q. Avec qui il a parlé ?
13 R. Il a parlé avec mon mari une fois ; une autre fois, il a parlé avec un jeune
14 rwandais qui, à ce moment-là, qui vivait dans notre maison et que je
15 pouvais considérer comme un membre de notre famille.
16 Q. Quel est le message qu'il a laissé à votre mari ? De quoi voulait-il parler ?
17 R. Je ne sais pas s'il y a eu une conversation autre que de demander après
18 moi, et mon mari a dit que j'étais absente.
19 Q. Il a parlé également avec votre mari un peu, non ?
20 R. Il était un enfant au moment où nous avions fait sa connaissance. Il a
21 passé moins d’une heure de conversation avec mon mari. Mon mari
22 n'était pas avec moi en 91.
23 Q. A-t-il vu les enfants ? Avez-vous vu les enfants ? Donc, vous êtes allée
24 chez eux ?
25 R. Je ne sais pas s'ils sont venus avec leurs parents puis nous sommes
26 partis ailleurs, mais je me rappelle avoir dit ces observations concernant
27 les enfants qui grandissent.
28 Q. Vous êtes allés au restaurant ou quelque part ailleurs, non ?
29 R. Nous sommes allés à l'hôtel Rebero.
30 Q. Loin de votre maison ?
31 R. Je ne me rappelle pas. Je ne me rappelle pas où est-ce que nous nous
32 sommes rencontrés, si nous nous sommes rencontrés ailleurs et que
33 nous sommes allés ensuite là-bas.
34 Me PHILPOT :
35 Je pense qu’il est 13 heures et pas besoin de continuer le
36 contre-interrogatoire.
1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Demain, ça vous prendra combien de temps ?
3 Me PHILPOT :
4 Nous allons essayer d'avancer autant que possible. Je ne voudrais pas
5 parler devant le témoin. Je pense que nous pouvons présenter nos
6 arguments demain. Peut-être que je sortirai du cadre, même si le
7 Tribunal… la Chambre veut se réunir à 8 h 45, nous serons disponibles.
8 Mme LE PRÉSIDENT :
9 Cette Chambre sera utilisée les après-midi, mais je ne sais pas si c'est le
10 cas.
11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 J’espère que rien que vous avez fait ou dit ne vous empêche de terminer
13 dans les délais prévus, c’est-à-dire que nous puissions travailler en demi-
14 journée.
15 Me PHILPOT :
16 Le temps ou le calendrier est adéquat pour moi.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 L’audience est levée.
19
20 (Levée de l'audience : 13 h 5)
21
24
25
26
27
28
29
3
4 SERMENT D’OFFICE
5
6
7 Nous, sténotypistes officiels, en service au Tribunal pénal international
8 pour le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui
9 précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par
10 ordinateur, et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte
11 des notes recueillies au mieux de notre compréhension.
12
13
14
15 ET NOUS AVONS SIGNÉ :
16
17
18
19 ____________________ ____________________
20 François Quentin Pius Onana
21
22
23
24
25 ____________________
26 Lydienne Priso
27
28
29
30
31
32
33
34
35