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Pierre-André Taguieff
Mots clés
- communautarisme/multiculturalisme
- intolérance
- démocratie
- pluralisme
- laïcité
- citoyenneté
THESE DE L’OUVRAGE
LA METHODE
LE RESULTAT
Le pluralisme implique qu’il n’y ait pas de principe unique et unitaire, qu’il n’y ait pas
de valeurs suprêmes par rapport à d’autres. Il renvoie à une vision concrète des
choses. Il est centré sur la défense des libertés individuelles et s’oppose à une
conception holiste de l’ordre social.
Dans une vision anthropologique, le pluralisme postule qu’il existe plusieurs
manières d’être humain. Dans la mesure où l’homme est imparfait, il est normal qu’il
existe des opinions différentes.
Le pluralisme est surtout une manière de penser, un intérêt à découvrir l’autre : ce
n’est pas une doctrine arrêtée. Il se caractérise par son refus de la vérité unique.
Lorsque le pluralisme devient une idéologie autonome, il n’y a plus de règles
universelles permettant de poser des limites : il devient donc un nihilisme.
Le communautarisme et le relativisme culturel radical, par le refus de l’universalité,
sont donc les ennemis voilés du pluralisme.
B) Du pluralisme au multiculturalisme
A) Cosmopolitisme et communautarisme
Le cosmopolitisme actuel est un universalisme sans contrainte, qui n’a pour seule
valeur qu’une ouverture vide de sens. L’ouverture peut être interprétée de deux
manières : elle conduit au respect des différences ou au contraire incite au mélange,
ce dernier étant privilégié par l’idéologie médiatique.
Pour les stoïciens, le cosmopolitisme signifie une fraternité universelle entre les
hommes. C’est une aspiration d’ordre moral et non pas d’ordre politique. La volonté
d’aller vers un gouvernement mondial est à ce titre un contresens.
Faut-il accepter les valeurs de chaque communauté ou postuler qu’il existe des
valeurs supérieures tout aussi valables ?
L’exemple des juifs montre que le maintien d’une identité communautaire n’est pas
incompatible avec la communauté nationale. La citoyenneté doit primer sans
éradiquer les particularismes, elle fixe les limites. Le communautarisme tranche lui
en faveur du particulier.
C) Communautés et communautarisme
Pour autant, il ne faut pas diaboliser les communautés dès lors qu’elles restent dans
les limites de la sphère privée et de la société civile. Il y a menace lorsque se profile
le risque de guerre civile ou de dictature.
Les citoyens doivent vouloir vivre dans une communauté morale et de destin, ils
doivent en faire le choix. L’intolérance communautariste et nationaliste fonctionne par
une dépersonnalisation des individus, réduits ici à une appartenance collective
obligatoire.
La question qui se pose ici est celle du rapport entre l’imaginaire de la nation et celle
de la communauté. Le Front National propose un nationalisme ethnique, par une
dénonciation permanente de l’étranger. La France est vue comme une entité
vivante : le sang, la terre et les traditions sont transmis.
La défense de l’identité nationale est le premier impératif du FN, avec pour corollaire
la préférence nationale. L’immigration est une menace pour l’identité. En son sein, il
y a ceux qui sont assimilables (les européens) et ceux qui ne le sont pas (tous les
autres).
L’ennemi désigné est le mondialisme : il faut défendre nos racines et lutter contre les
effets de la globalisation économique, qui génère du chômage.
B) L’antiracisme
La pensée raciste postule que tout individu possèderait une nature en raison de sa
naissance. Selon qu’il soit direct ou indirect, le racisme est plus ou moins
sanctionnable.
Pourquoi l’Etat doit-il interdire le racisme ? Il doit défendre les intérêts civils des tiers,
empêcher l’atteinte au respect de soi de certains individus.
L’antiracisme s’est longtemps réduit à l’antilepénisme, dont la dénonciation se faisait
dans une théâtralisation médiatique. En réalité, ce combat a été instrumentalisé par
la gauche contre la droite, afin d’éviter tout rapprochement entre la droite et le Front
National. L’antiracisme actuel reste donc tributaire de l’antifascisme : il faut prouver
qu’il y a toujours un risque sans prendre le temps de constater les évolutions réelles.
Les antiracistes ont donc deux solutions : ils peuvent revenir au vieil
internationalisme révolutionnaire, qui prend aujourd’hui les traits de
l’altermondialisme, ou tenir un discours sur la mondialisation heureuse.
La figure du raciste a changé : de l’ignorant, il est devenu le méchant qu’il faut isoler.
Les antiracistes sont du côté du droit et du pouvoir officiel : ils représentent donc un
certain conformisme.
Comment fixer la frontière entre le tolérable et l’intolérable ? Car si on interdit par
exemple un parti qui reçoit des suffrages, on nie le pluralisme. Lorsqu’on applique
une sanction judiciaire nécessaire, il faut l’inscrire dans le cadre plus large de la lutte
politique contre ceux qu’on incrimine. Les antiracistes traitent leurs adversaires
comme des démons, ce qui n’est pas une bonne méthode et relève surtout du
fantasme si l’on regarde la diversité des électeurs. Au final, ils ne font que se
discréditer eux-mêmes.
C) L’anticommunautarisme
L’anticommunautarisme peut n’être qu’une façade pour avoir accès aux médias. Si
l’on prend l’exemple des discours de Tariq Ramadan, il reconnaît dans un premier
temps le problème communautariste mais retourne ensuite l’argument
anticommunautariste contre la société d’accueil, brouillant ainsi le message. De tels
comportements relativisent du même coup le côté négatif de l’étiquette
communautariste que l’on donne à certains.
Ce qu’il faut refuser, c’est le communautarisme en tant que nouvelle féodalité. Il faut
faire prévaloir la protection de la liberté individuelle mais aussi encourager la
participation du citoyen à l’intérêt commun. Concrètement, l’articulation de
l’individualisme libéral et de l’universalisme humaniste constituerait la meilleure
machine anticommunautariste.
Il existe une conception libérale du droit des minorités, fondée sur la volonté
d’appartenir à une communauté culturelle au lieu de se centrer sur la notion
d’ascendance généalogique. Il en découle une asymétrie qu’il faut à tout prix
sauvegarder : tout individu a droit à une identité collective, mais aucun groupe n’a de
droit sur tel ou tel individu. Cela n’écarte pas pour autant la vision essentialiste du
communautarisme.
Conclusion
4
Michael Walzer, « Le nouveau tribalisme »
L’assimilation recherchée par notre modèle républicain signifie une solidarité
culturelle suffisante entre divers héritages pour qu’il y ait une existence nationale. Le
paradoxe réside dans le fait que cette marche vers l’unité accroît la conflictualité.