L’implication des collaborateurs :
facteur clé de succès des approches
Lean Six Sigma
L’idée de processus fait son chemin
dans les entreprises de services,
au travers de chantiers Lean Six
Sigma ou BPM. Une appropriation
progressive qui invite les organisations
à changer leur culture, leur manière de
piloter l’activité et de réagir aux enjeux
et dysfonctionnements.
Compte-rendu de l’intervention de Murielle Cagnat-
Fisseux Présidente de l’IBAQ et du Club Lean Six
Sigma Banque Assurance, département Processus
et Qualité Société Générale, à l’occasion d’un petit
déjeuner conférence organisé par Nomia.
C
es dernières années, l’idée de processus a fait
doucement mais sûrement son chemin dans les
entreprises de services. Que ce soit au travers de
chantiers ciblés Lean Six Sigma ou dans une approche
plus globale de type BPM. De nombreux projets ont été
initiés dans les grands groupes, désignés ici ou là sous
les appellations «amélioration de l’efficacité opérationnel-
le», «transformation et performance» ou encore «’excel-
lence opérationnelle». Tous partagent un dénominateur
commun : ils traduisent une prise de conscience des ver-
tus de l’approche processus, de l’intérêt pour l’entreprise
d’adopter plus de transversalité dans l’appréhension de
l’organisation et dans le pilotage de la performance. On
déploie de nouveaux outils, de nouvelles approches, on
les systématise. En clair, on introduit de la rigueur dans
un secteur qui, sur ce plan, avait pris un grand retard par
rapport à ses homologues industriels. Ce mouvement ré-
jouit les organisateurs et les qualiticiens qui appelaient de
leurs voeux cette prise de conscience.
Et il n’est que temps. Les marges opérationnelles sont
appelées à se réduire dans les années à venir - la crise
financière actuelle se charge de le rappeler – et il devient
impératif pour les entreprises de services de mettre en
œuvre cette orientation processus, à tous les niveaux de
l’organisation.
Lean Six Sigma et le BPM :
vecteurs privilégiés d’amélioration
de l’excellence opérationnelle.
Lean et Six Sigma sont deux approches nées pour la pre-
mière dans les années 50 au Japon et pour la seconde
dans les années 80 aux Etats-Unis. Réunies ces deux
méthodes permettent d’analyser les processus pour en
chasser la non valeur ajoutée. Lean Six Sigma vise à
fluidifier les processus pour les rendre plus véloces et
gagner en délai d’accomplissement de la prestation de
service. Elle aide à identifier durablement les défaillan-
ces au sein des processus et à faire en sorte de ne
plus rencontrer de non qualité, en entrée ou en sortie
du processus. Cette qualité devant être améliorée à la
fois en valeur absolue (un prêt immobilier consenti en 5
jours contre 15 par exemple) et en variabilité (passer d’un
écart de ± 5 jours à un écart de ± 1 jour par rapport à la
cible). Ce gain qualitatif est d’autant plus important qu’il
concourt à améliorer la satisfaction d’un client de moins
en moins disposé à attendre la livraison d’un service.
Une fois les processus optimisés, et si l’entreprise veut
obtenir un changement durable, il lui faudra bien sûr les
mettre sous contrôle.
Le Lean Six Sigma a une autre vertu et non des moin-
dres. Le fait de mieux identifier et maîtriser les processus
permet aussi de mieux positionner, voire de limiter
les opérations de controle. Dans le cas de métiers très
réglementés, à l’instar du secteur bancaire, c’est un bé-
néfice conséquent. Ce type d’approche va par exemple
aider à améliorer ce qui a été mis en œuvre autour de
Bâle 2 dans la banque en intégrant progressivement les
approches processus et contrôle.
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De nouveaux paradigmes
L’appropriation progressive de cette approche et de
nouveaux outils invite les organisations à changer leurs
paradigmes, autrement dit à changer leur culture, leur
manière de piloter l’activité et de réagir aux enjeux et aux
dysfonctionnements :
Là où l’entreprise avait l’habitude de piloter les acti-
vités par la moyenne - avec des tableaux de bord de
managers peuplés d’indicateurs financiers, d’indicateurs
de volume, de moyennes – elle est invitée à raisonner
en performance opérationnelle objective et en écart
type.
L’ancienne logique de flux poussés laisse la place à une
logique de flux tirés (un héritage du lean). Auparavant,
l’entreprise produisait et poussait un volume de presta-
tions à l’intérieur de processus sans se préoccuper de la
capacité des entités suivantes à les absorber. Cela créait
inévitablement des goulots d’étranglement. Dans une lo-
gique de flux tirés, à l’inverse, il faut se demander à quel
rythme et selon quels volumes il est nécessaire de tirer
la chaîne de production. Cette vision nouvelle change
beaucoup de choses dans la manière d’appréhender la
production au sein des entités. L’approche est d’autant
plus importante dans le secteur des services que les flux
y sont par nature moins physiques que dans l’industrie, et
qu’il est donc plus difficile d’identifier les goulots d’étran-
glement. En rendant les processus plus visibles – au
moyen notamment d’outils de management visuel - Lean
Six Sigma facilite l’application de ces méthodes.
La zone des 10 m2. Le Lean Six Sigma introduit égale-
ment une petite révolution culturelle en désignant de nou-
veaux experts du processus. Jusqu’à présent, dans une
vision pyramidale de l’organisation, l’expert était plutôt le
manager ; ceux qui savaient comment fonctionne l’orga-
nisation et de quelle manière appréhender la production
étaient les qualiticiens, les organisateurs, les inspecteurs.
Au sens Lean Six Sigma, le véritable expert du proces-
sus est celui qui l’accomplit chaque jour, autrement dit
l’opérationnel qui se trouve dans les 10 m2 où surgit le
problème. Il faut donc donner la responsabilité à celui qui
accomplit le processus de réfléchir à la manière dont on
peut le résoudre en l’associant étroitement aux projets
d’optimisation.
D’une entreprise très cloisonnée où les services (mar-
keting, ressources humaines, contrôle de gestion, qualité,
inspection….) communiquaient assez peu entre eux, on
passe à une approche de plus en plus intégrée, où
l’on cherche à analyser en cohérence les attentes des
clients, les coûts des processus, les coûts de non qualité
associés, l’optimisation des points de contrôle, etc. Grâce
à l’approche processus et à l’implémentation projet Lean
Six Sigma, ces différents responsables sont conduits à
travailler ensemble sur une meilleure appréhension des
attentes client et sur la meilleure manière de les satis-
faire.
Ce pilotage transversal doit être la cible pour toute en-
treprise qui veut mettre en place des plans d’amélioration
de l’efficacité opérationnelle.
Des changements culturels profonds
L’intégration de ces nouveaux paradigmes est progres-
sive, encore embryonnaire dans nombre d’organisations,
mais le mouvement est bien réel. Il suppose des change-
Une culture de la mesure
Un principe de responsabilité revalorisé
Des organisations plus participatives
Des modes de travail collaboratifs
L’émergence de communautés de pratique
ments culturels profonds et ramène à des principes très
européens, culturellement et sociologiquement parlant :
Cela nécessite en premier lieu d’introduire une culture de
la mesure. Si les entreprises savent parfaitement mesu-
rer des volumes ou des données financières, elles savent
moins mesurer la performance opérationnelle. Lean Six
Sigma permet d’objectiver cette performance. A contrario,
cela implique aussi d’objectiver la non performance, un
indicateur qui, d’un point de vue culturel, est évidemment
plus difficile à introduire dans les organisations. Cela né-
cessite une transition en douceur et un accompagnement
du changement qui permette à chacun d’accepter ce saut
culturel et d’en appréhender les vertus. Ce qui suppose
de revaloriser fortement le principe de responsabilité.
La mise en place des grands principes du Lean aboutit
aussi à des organisations plus participatives où les opé-
rationnels contribuent à l’analyse des défaillances. Cette
implication des opérationnels amène le management
à passer d’une culture directive et informative, à une
culture de management participatif (les collaborateurs
sont invités à donner leur avis) voire à un management
délégatif (le manager confie à une équipe la respon-
sabilité de résoudre un problème ou de prendre une
décision consensuelle, par exemple sur l’établissement
d’un standard). A ce stade ultime du mode délégatif, et en
vertu du principe de subsidiarité, le problème est résolu
au plus petit échelon possible. Selon le niveau de matu-
rité des entreprises, l’écart culturel entre les modes de
management peut être important. Il est donc nécessaire
d’accompagner tant le top et le middle management que
les opérationnels.
Le décloisonnement des services évoqué plus haut de-
mande également de mettre plus de cohésion entre les
logiques des uns et des autres. Il s’agit de mettre en place
des modes collaboratifs.
L’entreprise ne peut plus avoir un projet Bâle 2, un projet
de réorganisation, un projet ABC/ABM et un projet Lean
Six Sigma au sein d’une entité, sans concertation aucu-
ne. Mettre ces projets en cohérence va permettre d’éviter
la déperdition d’énergie et favoriser une bonne dyna-
mique dans l’entreprise. Ainsi, avec le Lean Six Sigma
apparaissent de nouveaux modes de collaboration, avec
notamment l’émergence de communautés de pratiques
ou encore la mise en place de groupes de travail, de type
Kaizen.
Facteurs clés de succès
L’approche Lean Six Sigma ne peut aboutir sans une
réelle acceptation du changement. Celle-ci se travaille
à tous les niveaux de l’organisation (executive manage-
ment, management opérationnel, directions fonctionnel-
les - et en particulier marketing, finance, RH, communi-
cation, contrôle, audit -et bien entendu, les collaborateurs
des lignes métiers. Elle doit être menée durant toute la vie
du projet, avant, pendant et après.
En amont du projet, les actions d’accompagnement du
changement vont permettre d’introduire les changements
culturels et de préparer l’entreprise. Il est en particulier
fondamental dès ce stade de sensibiliser les managers.
Souvent les entreprises font l’erreur de commencer les
cycles de formation directement avec les Green Belt et
Black Belt. Sensibiliser les managers très tôt leur permet-
tra de mieux appréhender le sujet et de mieux commu-
niquer autour d’eux. Il faut aussi sensibiliser les collabo-
rateurs. Il s’agit d’expliquer pourquoi le projet est mis en
place et pourquoi l’équipe projet aura besoin d’aller à leur
rencontre dans l’organisation. D’une manière générale, la
communication doit être le maître mot du projet. Il faut
communiquer auprès des équipes, tout le temps.
Les sessions de formations sont bien sûr indispensables
et doivent être efficaces. Elles doivent en particulier per-
mettre à chacun de monter en compétence progressive-
ment et à son rythme. Il est également opportun d’utiliser
 le e-learning pour optimiser ces temps de formation, per-
mettre de rappeler les éléments vus en formation présen-
tielle et éviter la déperdition des connaissances.
Les ateliers Kaizen sont aussi un facteur clé de succès
des projets. Véritables outils de team building, ils amè-
nent des personnes qui ne sont pas forcément d’accord
au début, voire en position conflictuelle à cause d’un pro-
blème opérationnel client, à trouver de manière consen-
suelle des solutions concrètes. On mesure d’ailleurs sou-
vent la différence entre des projets menés avec ou sans
Kaizen. C’est en soi un excellent outil de conduite du
changement. Une solution imaginée par les vrais experts
du processus - ceux des 10 m2 - passe plus facilement
qu’une solution dessinée par un inspecteur, un organisa-
teur ou un consultant, qui ne sont jamais impliqués de
façon opérationnelle dans la chaîne de production.
Installer durablement le changement
Si l’entreprise relâche son effort à la fin d’un projet Lean
Six Sigma, elle court le risque de voir les anciennes pra-
tiques resurgir. Elle doit donc impérativement s’appliquer
à pérenniser et installer durablement le changement.
C’est tout l’enjeu du management par les processus
(BPM). Cela suppose en particulier une forte évolution
de la fonction managériale opérationnelle et la création
de fonctions pilotes de processus. Ce sont eux qui auront
l’autorité et les ressources pour veiller à la performance
de leur processus, dans une vision transverse de l’orga-
nisation. Et pour que le BPM puisse s’installer dans le
temps, il faudra aussi veiller à informer et communiquer
les résultats obtenus auprès des collaborateurs.

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