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Revue française de science politique

À la recherche du Hezbollah 1
La dissemblance radicale entre ces deux ouvrages consacrés par des universitaires à un
même objet, le Hezbollah (littéralement, « parti de Dieu ») – à la fois parti politique, mouvement
religieux et organisation militaire au Liban – illustre à l’envi la spécialisation croissante des
disciplines de sciences sociales et, singulièrement, des sous-disciplines de la science politique.
Venant après une douzaine d’autres et des quantités d’articles en anglais ou français, Le
Hezbollah. Un acteur incontournable de la scène internationale ? et Le Hezbollah, état des
lieux apportent de riches données et des réflexions originales sur le Hezbollah. Toutefois,
chacun d’eux s’inscrit dans un champ de recherche circonscrit par ses propres questionne-
ments, ses paradigmes et sa méthode : alors que le livre de Hervé Pierre se réfère à un cadre
théorique internationaliste et traite de la fonctionnalité du Hezbollah dans le champ diploma-
tique, la collection d’articles réunis par Sabrina Mervin relève principalement de l’anthropo-
logie et de la socio-histoire, et s’attache à restituer des observations de terrain recueillies au
plus près des acteurs. Le lecteur en vient donc à se demander comment s’articulent les analyses
de l’un et des autres, voire même s’ils étudient le même objet. Examinés en regard, leur apport
et leurs manques suscitent en tout cas de stimulantes questions de sociologie politique.
Le livre d’Hervé Pierre est l’édition d’un mémoire de master en relations internationales
soutenu à l’IEP de Paris. Il propose une analyse de l’action du Hezbollah sur la scène diploma-
tique à partir de la guerre « des 33 Jours » menée par Israël au Liban dans l’été 2006. « Moins
qu’un État » et « plus qu’un Parti » 2, le Hezbollah avait été marginalisé depuis 2000 car le retrait
israélien du Sud avait délégitimé sa résistance armée. Désormais, rétabli au centre de la politique
régionale grâce à sa non-défaite – sa « victoire divine » – il va s’employer à consacrer celle-ci en
repoussant les limites du défi qu’il lance à « l’ordre international » édicté par les États-Unis.
Dans une analyse à la fois fine et rigoureusement menée, H. Pierre suit deux années de
la trajectoire discursive du Hezbollah et de ses interlocuteurs internationaux, sur la ligne de
crête qui sépare action diplomatique et contestation, intégration et exclusion du système inter-
national. Une bonne illustration des enjeux et des modalités de cette diplomatie qui ne dit pas
son nom est donnée par les négociations et les compromis dont fait l’objet la résolution 1701
du CS-ONU (14 août 2006) : le Conseil de sécurité, bien que pressé par les États-Unis, renonce
à imposer le désarmement du Parti de Dieu qui ne fustige pas moins le caractère contraignant
de la résolution et ses dispositions complaisantes à l’égard d’Israël 3.
H. Pierre focalise sa recherche sur les relations entre le Hezbollah et les États-Unis 4 qu’il
appelle « la Puissance », et sur la stratégie mise en œuvre par le Parti de Dieu pour conserver le
caractère « incontournable » sur la scène internationale que lui a conféré sa résistance dans l’été
2006. H. Pierre s’appuie sur des citations judicieuses des oulémas qui dirigent le Parti et utilise
les nombreuses publications occidentales qui concourent à mettre en relief son caractère
« rebelle », « contestataire », « terroriste », sa « capacité de nuisance » et son appartenance au
« front du refus » et à « l’axe du mal ». Il en dégage des réflexions nuancées et une conceptua-
lisation heuristique comme celle de « marginalisation bénéfique » 5 au sein d’un État faible, ou
comme la distinction entre populisme et mobilisation populaire par le sacré, inspirée par Guy
Hermet 6 (p. 110). Il n’était donc pas indispensable, même s’agissant d’un travail universitaire,
de rapporter systématiquement ces réflexions à des propositions théoriques générales, souvent
« molles », ni de parsemer le texte d’expressions en anglais ou de néologismes en italiques.

1. Hervé Pierre, Le Hezbollah. Un acteur incontournable de la scène internationale ?, préface


de Bertrand Badie, Paris, L’Harmattan, 2008 ; Sabrina Mervin (dir.), Le Hezbollah, état des lieux,
Paris, Sindbad-Actes Sud, 2008.
2. Brian Early, « Larger than a Party yet Smaller than a State : Locating Hezbollah’s Place
within Lebanon’s State and Society », World Affairs, 168 (3), hiver 2006, p. 115-128, cité par
H. Pierre, ibid., p. 132.
3. Chapitre II, « Tirer profit de la résolution 1701 », p. 35-52.
4. On peut s’interroger en revanche sur la discrétion dont le texte fait preuve à l’égard d’Israël,
qui est pour le Hezbollah l’ennemi immédiat et principal et l’occupant de la Palestine.
5. P. 67, 90, 110, 131 et 137.
6. Guy Hermet, Les populismes dans le monde, Paris, Fayard, 2001.

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Lectures critiques
Dans son adhésion à une théorie de l’action internationale, H. Pierre se réfère légitime-
ment à l’atténuation de la distinction entre l’interne et l’externe (p. 118) et à l’interdépendance
des équilibres domestiques et internationaux 1. Est-ce qu’il n’aurait pas été nécessaire
d’explorer plus avant cette caractéristique, bien antérieure aux mutations récentes du système
international s’agissant d’un État fondé dès l’origine sur le pluralisme identitaire et l’extra-
version de ses acteurs politiques ? La scène domestique libanaise est peu présente dans ce
travail, et notamment la coopération à contrecœur entre les gouvernements successifs dominés
par la famille Hariri et le Hezbollah depuis 1996, qui n’a été interrompue en 2006-2008 que
pour reprendre de plus belle après les élections législatives de 2009. Pourtant, le régime
politique d’équilibre entre segments communautaires qui la caractérise est structurant de
formes d’action diplomatiques qui s’imposent historiquement à tous les partis et toutes les
confessions, et pas au Hezbollah seulement. C’est pourquoi les théories générales des relations
internationales induisant une observation en surplomb y font un peu l’effet des chars Leclerc
de la Finul au Liban sud : ils impressionnent mais, surdimensionnés, ils ne sont guère opéra-
toires pour patrouiller dans un espace accidenté et contrôler une société complexe.
C’est justement à la complexité de cette société chiite libanaise dominée par le Hezbollah
et à son approche par la socio-histoire que se sont attachés les contributeurs de l’ouvrage
dirigé par Sabrina Mervin, chercheure au CNRS et spécialiste mondialement reconnue des
mondes chiites 2. Ce livre ne se donne pas facilement à saisir en dépit du style narratif de la
plupart des textes, car il mêle des synthèses produites à partir d’une riche bibliographie, y
compris en arabe, à de courtes présentations d’observations de terrain au caractère délibéré-
ment inachevé. Son organisation suscite des perplexités puisque, à l’instar du Hezbollah lui-
même, il ne pose pas de distinction claire entre les champs social, politique, religieux ou
culturel 3 ; et sa richesse même – il compte 23 chapitres et trente pages d’annexes (chronologie,
glossaire, bibliographie, index.. particulièrement bienvenus) – attire l’attention sur certains
manques sur lesquels nous reviendrons. Enfin, à de rares exceptions, il fait l’économie d’outils
théoriques culturels ou sociologiques et se tient en deçà de l’analyse pour donner à voir en
situation le Hezbollah et surtout la société dans laquelle il baigne et qu’il contrôle.
De cette variété et cette complexité ressort pourtant l’image concordante d’un mouve-
ment né à la conjonction de deux matrices (c’est dans ce sens qu’on peut parler de l’hybridité
du Hezbollah) : la révolution iranienne de 1979 qui constitue sa matrice externe à partir de
laquelle s’est développée sa dimension religieuse et transnationale (« le lien iranien »,
p. 75-88) ; et l’occupation israélienne de 1982, matrice locale du mouvement de résistance
armée « islamique ». L’hybridation est intense si bien que le développement d’une « sphère
(chiite) islamique » (hâla islâmiyya) qui se prétend épargnée par les divisions et le clientélisme
des autres communautés confessionnelles du Liban va de pair avec et inspire les mobilisations
de la « société de la résistance » (mujtama’ al-muqâwama). Ainsi, il n’y a pas de solution de
continuité entre la multiplication de lieux de loisir « pieux » décrite par Mona Harb et Lara
Deeb 4 et l’engagement des militantes qu’a interviewées Kinda Chaib (p. 287-310) ou même
la participation au combat et la mort en martyr 5.

1. Il cite le texte phare de Ali Fayad, directeur du Centre d’études et de documentation du


parti, « Hezbollah and the Lebanese State. Reconciling a National Strategy with a Regional Role »,
publié dans Arab Reform Initiative en août 2006. Cf. <http://arab-reform.net/spip.php?article274>.
A. Fayad a été élu député en mai 2008.
2. Sabrina Mervin (dir.), Les mondes chiites et l’Iran, Paris, Karthala, 2007.
3. Ainsi, à la sous-partie « la religion du Hezbollah » dans laquelle sont évoquées les pratiques
politiques, sociales et culturelles du Parti de Dieu (p. 181-226) succèdent « les autres pratiques de
la résistance » (p. 227-250), puis les portraits de trois clercs/leaders politiques chiites (p. 251-286).
4. P. 227-246. Lara Deeb est par ailleurs auteure d’une excellente étude anthropologique, An
Enchanted Modern. Gender and Public Piety in Shi’i Lebanon, Princeton, Princeton University
Press, 2006.
5. Qui sont traités ailleurs par Kinda Chaib, « Le martyre au Liban », dans Franck Mermier,
Élizabeth Picard (dir.), Liban. Une guerre de 33 jours, Paris, La Découverte, 2006, p. 126-132 ; et
« Le Hezbollah libanais à travers ses images : la représentation du martyr », dans S. Mervin (dir.),
Les mondes chiites et l’Iran, op. cit., p. 113-131.

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Revue française de science politique


Une autre forme de continuité opère dans la diachronie, et même dans l’intemporalité des
mythes et l’intervention du merveilleux 1. Les épisodes de la naissance du chiisme, de la défaite
de son héros à Karbala en 680 et de « l’occultation » du douzième Imam en 941 n’appartiennent
pas seulement à l’histoire ou à la tradition inventée de la communauté. Ils sont littéralement
présents et trament l’univers de sens dans lequel évolue la société chiite d’aujourd’hui. Comme
le montrent plusieurs des chapitres, « la religion du Hezbollah » est au principe de croyances, de
pratiques et de mobilisations qui concernent aussi bien l’éducation et le scoutisme 2, la vie cultu-
relle, la gestion et la planification urbaines, les services sociaux et, bien sûr, la résistance armée.
L’unification, voire le caractère holiste, de la société est obtenue par la tension que le Hezbollah
entretient entre la mémoire pieuse et l’engagement militant des chiites. Une stratégie de commu-
nication particulièrement agressive et sophistiquée constitue d’ailleurs « la marque distinctive de
l’agir politique du parti » (p. 21), et l’instrument clef de la structuration d’une communauté poli-
tique et de l’émergence en son sein de nouveaux dirigeants islamistes eux-mêmes excellents
communicateurs, à commencer par Hassan Nasrallah 3.
Bien évidemment, les chercheurs conviennent qu’ils sont loin de comprendre le Hezbollah
– une institution « secrète », un objet « qui se dérobe » (p. 14) même quand un de ses dirigeants
majeurs entreprend de le présenter 4. Par exemple, la soumission libre et individuelle des chiites à
la guidance d’un marja 5 et le versement à son institution des impôts religieux donnent lieu à une
segmentation de la communauté chiite libanaise entre fidèles du grand clerc local Muhammad
Husayn Fadlallah, du Guide iranien Ali Khamenei et, éventuellement, d’autres marja’. L’adhésion
au Hezbollah n’implique pas automatiquement l’adhésion à la guidance de Khamenei ni non plus
l’acceptation de la doctrine khomeyniste de la wilâyat al-faqîh (l’autorité du théologien-juriste)
pourtant officiellement adoptée par le Parti. Comment est distribuée parmi les chiites libanais et
parmi les Hezbollahis la légitimité des uns et des autres, et sur quels critères ? C’est (entre autres)
une information qui manque, si bien que la façade unanimiste que s’emploie à dresser le Parti
pourrait receler bien des failles : doctrinales, stratégiques, voire régionales et sociologiques.
Voilà pourquoi un des chapitres les plus stimulants du livre est celui de Myriam Catusse et
Joseph el-Agha, « les services sociaux du Hezbollah. Effort de guerre, ethos religieux et ressources
politiques » (p. 117-141). Moins par la présentation synthétique de l’écheveau des institutions
sociales du Parti et de son discours sur l’injustice sociale 6 que par leur examen en regard de
l’inefficacité notoire de l’État libanais en la matière et par l’inscription du cas particulier du Hezb
dans une économie politique généralisée « de la prise en charge privée, communautaire et patronale
des risques sociaux » (p. 128). L’histoire chiite rend-elle le Hezb mieux à même d’assumer la
protestation sociale ? Qui sont les bénéficiaires de cette prise en charge dans une communauté au
sein de laquelle la différenciation sociale va s’élargissant ? « L’insécurité sociale » qui caractérise
le Liban contribue-t-elle à consolider le clientélisme, y compris celui du Hezbollah, qui s’en défend
énergiquement ? Comment une redistribution sociale territorialisée s’articule-t-elle avec des choix

1. Voir le chapitre de Houda Kassatly, p. 287-311. La guerre civile libanaise a ouvert les
vannes à ce phénomène (cf. Fadia Nassif Tar Kovacs, Les rumeurs dans la guerre du Liban. Les
mots de la violence, Paris, CNRS, 1998) observable dans des contextes de crise et d’indistinction
du politique et du religieux (cf. Élisabeth Claverie, Les guerres de la Vierge. Une anthropologie
des apparitions, Paris, Gallimard, 2003).
2. Sur ces deux thèmes, voir les chapitres très documentés de Catherine Le Thomas, « For-
mation et socialisation : un projet de (contre)-société », p. 147-172 ; et « Les scouts al-Mahdî : une
“génération résistante” », p. 173-180. Elle est l’auteure d’une riche thèse, « Mobiliser la commu-
nauté. L’émergence d’un secteur éducatif chiite depuis les années 1960 au Liban », thèse de science
politique, sous la direction de Gilles Kepel, Paris, Institut d’études politiques, 2009.
3. Voir l’éclairant chapitre de Olfa Lamloum, « Le Hezbollah au miroir de ses médias »,
p. 21-46. Sayyed Hassan Nasrallah est secrétaire général du Hezbollah depuis 1992.
4. En anglais : Na’im Qassem, Hizbullah : The Story from Within, Londres, Saqi Books, 2005.
5. Le marja’ al-taqlîd (« source d’imitation ») est un clerc dont on suit les préceptes religieux.
6. Sur ces thèmes, la référence reste la thèse de Mona Harb, « Action publique et système
politique pluricommunautaire : les mouvements politiques chiites dans le Liban de l’après-guerre »,
thèse de science politique, sous la direction de J.-P. Gaudin, Aix-en-Provence, Institut d’études
politiques, 2005.

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Lectures critiques
électoraux dès lors que les Libanais sont tenus de voter dans le village de leurs ancêtres et non sur
leur lieu de résidence ? Certes, les chantiers de recherche sont vastes mais le repérage des questions
en suspens et leur banalisation contribuent à rendre l’objet « Hezbollah » moins énigmatique.
Le rapprochement de ces deux livres met finalement en lumière un point aveugle de la
recherche sur le Hezbollah : l’exploration d’un site qui permettrait peut-être de jeter un pont entre
la perspective stratégique internationaliste de l’un, avec ses cadres analytiques préconstruits, et
l’approche sociétale compréhensive de l’autre, avec sa restitution fidèle des observations de terrain.
Si elle devenait possible, une étude des carrières militantes et de la trajectoire de l’engagement des
cadres moyens du Parti articulerait nécessairement contexte culturel et rationalité des acteurs. Elle
permettrait de lever le stigmate d’ambivalence, voire de double langage, qui colle au Hezbollah, et
de revoir la notion de « libanisation » employée abusivement en référence au passage du Parti de
la sphère militaire à la sphère politique. À la suite de ces deux livres stimulants, elle ferait avancer
notre connaissance sociologique du Hezbollah, prototype, peut-être, mais nullement exception.

Elizabeth PICARD
IREMAM

Les archives de Sieyès 1


En 1978, François Furet publiait Penser la Révolution, qui, à la belle époque de l’Union
de la gauche, souhaitait que la Révolution française soit analysée comme un phénomène
historique parmi d’autres, un objet « froid » comparable à d’autres événements tels que guerres,
épidémies ou crises, car en France, écrivait-il, « La Révolution est finie » depuis un siècle.
Dix ans plus tard, conséquent avec lui-même, Furet refusait de participer aux fastes officiels
d’un bicentenaire organisé de manière à honorer un moment fondateur, alors que l’échec de
la Révolution en matière des droits de l’homme a tant pesé qu’il a retardé de cent ans « l’avè-
nement du siècle républicain ». Et, pour justifier cette démarche, Furet publiait avec Mona
Ozouf un Dictionnaire critique de la Révolution française qui interrogeait la culture de ces
hommes qui, ayant fait basculer la France de 1789 de la monarchie aux droits de l’homme,
s’étaient ensuite accommodés de Robespierre, des thermidoriens comme de Bonaparte, dont
la tyrannie n’avait rien à voir avec le despotisme du faible Louis XVI. Mais faute d’archives
nouvelles, les auteurs en restaient là, même s’ils ajoutaient – et le point était décisif – que la
Cinquième République, avec la double nouveauté de l’élection directe du président et du
contrôle de constitutionnalité, avait achevé l’œuvre de normalisation entreprise un siècle plus
tôt par la Troisième République.
C’est dire l’impatience avec laquelle était attendue la publication des archives d’Emma-
nuel Sieyès dont le succès des pamphlets de 1788 et 1789 – Essai sur les privilèges et Qu’est
ce que le Tiers-État ? – avait si bien anticipé le sentiment des contemporains que la réputation
de l’auteur a survécu à tous ses échecs ultérieurs, qu’il s’agisse de l’orateur à l’Assemblée
constituante ou à la Convention, ou du Consul provisoire de l’An VIII. Car, sa vie durant,
l’abbé, avant même d’être nommé à l’Institut, s’est présenté comme un savant, penché sur sa
table, occupé à conceptualiser l’« art social » dont la France avait besoin, à rédiger des consti-
tutions – en 1789, en l’An III ou l’An VIII – si bien que son ombre aura intimidé des géné-
rations– d’Albert Eismein à Paul Bastid en passant par Michel Debré – qui se sont évertuées
à honorer le « régime représentatif » dont Sieyès aurait été le père.
Si aujourd’hui, on peut sourire sans sacrilège de ces illusions de clerc, on le doit notam-
ment à l’immense travail scientifique de Christine Fauré et son équipe qui ont consacré dix
années de recherche à la publication raisonnée des manuscrits de Sieyès. Manuscrits connus
depuis longtemps, évoqués par Sainte-Beuve, avant d’être perdus puis retrouvés en 1967, ce

1. Christine Fauré (dir.), Des Manuscrits de Sieyès, tome 1, 1773-1799, Paris, Honoré Cham-
pion, 1999 (avec la collaboration de Jacques Guilhaumou et Jacques Valier), et tome 2, 1770-1815,
Paris, Honoré Champion, 2007 (avec la collaboration de Françoise Weil, Jacques Guilhaumou et
Violaine Challéat).

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