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Directeur de la publication : Edwy Plenel Directeur éditorial : François Bonnet

Licencier des fonctionnaires ? La nouvelle offensive du gou-


vernement
Par Martine Orange
Article publié le jeudi 04 février 2010

On ne l’a pas compris ! Mercredi matin, le premier ministre Fran- n’était possible qu’en cas de faute grave.
çois Fillon essayait de désamorcer la charge explosive contenue «Ce qui est nouveau , a relevé Anne Baltazar (FO), c’est qu’on
dans le projet de décret sur la mobilité des fonctionnaires. Il n’a va mettre à la porte des fonctionnaires parce que le poste qui leur
jamais été question, a-t-il assuré sur Europe 1, de licencier les est proposé ne correspond pas à leur possibilité professionnelle
fonctionnaires comme cela. Il n’a jamais été dans l’intention du et familiale.» Pour tous les syndicats, le gouvernement s’attaque
gouvernement d’installer la précarité dans la fonction publique et à la dernière protection accordée à la fonction publique, celle qui
de casser les services de l’Etat. «Les fonctionnaires auront plus de justifiait des affectations pas toujours choisies, des salaires plus
garanties qu’ils n’en avaient précédemment», a-t-il insisté, en re- faibles que dans le privé et progressant de manière très faible tout
prochant de faire «un mauvais procès à l’Etat, j’espère par igno- au long de la carrière : la sécurité de l’emploi. C’est le dernier pan
rance et pas par malveillance». du statut de la fonction publique qui est mis en charpie.
Les explications de texte du premier ministre risquent de ne pas Cette remise en cause se fait sur la même logique que celle impo-
suffire à calmer l’inquiétude et le mécontentement des syndicats sée désormais aux chômeurs. Ces derniers sont radiés au bout de
et des fonctionnaires. Depuis qu’ils ont découvert le projet de dé- deux ?offres raisonnables d’emploi ? refusées. Pour les fonction-
cret, il y a quelques jours, révélé mardi par Libération , les syndi- naires ce sera trois. Mais cette règle, idéologiquement présentée
cats sont vent debout : tous parlent de provocation. Aucune négo- comme un alignement sur les conditions du privé, se fait même
ciation, aucun amendement, selon eux, n’est possible. A l’unani- au-delà de tout cadre du droit du travail.
mité, ils exigent le retrait pur et simple du projet de décret.
Car c’est d’abord une révision unilatérale du contrat de travail
Ils doivent se réunir le 8 février pour envisager les moyens de initial. Mais surtout, le licenciement est prévu sans indemnités,
bloquer le texte. Une menace que le gouvernement attend serei- au contraire du droit du travail privé. «Le gouvernement donne
nement au vu des dernières manifestations des enseignants ou de des leçons à Total, en affirmant que le groupe a la responsabilité
la fonction publique, qui n’ont mobilisé que très peu de monde. de recréer des emplois qu’il supprime. Par contre, il dit : dans la
Le projet de décret, qui prolonge la loi sur la mobilité des fonc- fonction publique, on peut virer des gens même sans indemnités.
tionnaires, envisagée dès 2008 et votée en août 2009, prévoit que Ça veut dire : faites ce que je dis, pas ce que je fais», s’est indigné
«tout fonctionnaire dont l’emploi a vocation à être supprimé dans le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, ce mercredi
le cadre d’une réorganisation ou évolution de service (...) peut sur France Inter.
être placé en réorientation professionnelle en l’absence de possi-
bilité de réaffectation sur un emploi correspondant à son grade». Une remise en cause profonde de toute la fonction publique
Celui-ci relèvera alors d’un responsable des ressources humaines, Tout cela s’inscrit dans le cadre d’une réforme en profondeur de
placé sous l’autorité du préfet, pour envisager la suite de sa car- la fonction publique entreprise depuis le début du mandat prési-
rière. Mis à la disposition de l’administration, il pourra être af- dentiel de Nicolas Sarkozy. Il y a d’abord eu la révision générale
fecté n’importe où, dans n’importe quelle administration, en de- des politiques publiques (RGPP), imposant partout des restric-
hors de son corps d’origine. tions budgétaires et le non-remplacement d’un fonctionnaire sur
Point ultime : «Le fonctionnaire qui refuse successivement trois deux partant à la retraite.
postes qui lui sont proposés en vue de sa réintégration peut être Depuis 2007, 100.000 postes ont été supprimés dans la fonction
licencié après avis de la commission administrative paritaire ou, publique. 34.000 supplémentaires devraient encore disparaître en
s’il a droit à pension, admis à la retraite.» 2010.
Précarité, vacation, emplois précaires sont déjà le lot quotidien Electoralement, la mesure peut payer. Depuis des décennies, la
d’une multitude de salariés travaillant pour les administrations pu- droite a fait de la dénonciation des fonctionnaires ? «des privilé-
bliques, et souvent dans des conditions niant le Code du travail. giés, des nantis, des paresseux» ? un de ses fonds de commerce.
Mais là, le gouvernement envisage d’aller plus loin, en agitant la Financièrement, cela est déjà beaucoup plus discutable. Le non-
menace du licenciement. Le gouvernement rappelle que la possi- remplacement des fonctionnaires a permis d’économiser 500 mil-
bilité de licencier a été inscrite dans le statut du fonctionnaire en lions d’euros en 2009, de l’aveu même de Gilles Carrez, rappor-
1984 dans le cadre de la loi proposée par Anicet Le Pors, ministre teur (UMP) de la commission des finances à l’Assemblée natio-
communiste dans le gouvernement de Pierre Mauroy. Mais cela nale. C’est-à-dire une goutte d’eau par rapport aux 140 milliards

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d’euros de déficit public en 2009. la décision de ne remplacer qu’un agent de l’Etat partant à la
Surtout, tout cela a été mené sans réflexion préalable, sans plan retraite sur deux, qui devrait conduire, selon le budget triennal
d’ensemble. Alors que, depuis des années, différents comités et 2009-2011, à une diminution de 30.000 agents par an» , relève-t-
experts dénoncent l’empilement des compétences de l’Etat et des elle.
collectivités locales qui a conduit à une inflation administrative, La prochaine mesure contre la fonction publique est déjà an-
le gouvernement conduit les réductions sans volonté de clarifi- noncée : ce sera la réforme des retraites. Sans attendre, sans la
cation des rôles de chacun. Les décisions sont prises de manière moindre concertation avec les syndicats, le gouvernement a déjà
arbitraire, sans tenir compte des besoins de chacun, au nom de la annoncé ses intentions : un alignement total sur le régime géné-
seule rigueur budgétaire. ral. Le mode de calcul de pension de retraite ne devrait plus être
Résultat ? Une désorganisation totale de l’appareil administratif sur la base des six derniers mois mais sur les vingt-cinq dernières
de l’Etat et des collectivités locales ; un stress croissant chez tous années, comme dans le privé. «Une mesure de justice sociale»
les agents de l’Etat tentant de suppléer au mieux les manques ; avance la majorité, mais qui va avoir un lourd effet sur les retraites
une impossibilité de se réorganiser, de redéfinir les missions et futures des fonctionnaires, ceux-ci connaissant des évolutions de
d’envisager l’avenir puisque, demain, un autre impératif budgé- carrière beaucoup plus linéaires que dans le privé.
taire viendra sans doute se surajouter aux précédents. Après avoir bouclé ce programme, le gouvernement aura sans
Au point que la Cour des comptes, dans son dernier rapport pu- doute le sentiment du devoir accompli. Il aura donné les gages
blié fin décembre sur la gestion des effectifs de l’Etat entre 1980 de rigueur budgétaire demandés par Bruxelles, tout en satisfai-
et 2008, tout en ne ménageant pas ses critiques sur les dérives des sant une partie de sa base électorale, toujours prompte à critiquer
effectifs dans la fonction publique, le recours excessif à l’exter- les fonctionnaires. Le succès sera de court terme. Car très vite
nalisation, met d’abord en cause les méthodes utilisées par l’Etat. l’arbitraire, l’impréparation, l’absence de vision à long terme de
«La politique du personnel de l’Etat s’est surtout concrétisée au ces réformes risquent d’apparaître. On s’apercevra alors que la
cours des deux dernières décennies par l’application d’une norme fonction publique a joué un rôle essentiel de stabilisation dans
de progression ou de diminution des effectifs, alors que celle-ci l’emploi et l’économie.
avait surtout pour vocation, au moment de sa mise en place au On réalisera peut-être que les pertes de compétences, voire la pa-
début des années 1980, de constituer un outil destiné à permettre ralysie dans l’appareil d’Etat et tout ce qui peut en découler, sont
une meilleure adéquation des emplois aux besoins. D’un outil, la préjudiciables à l’ensemble de la société. Mais ce sera aux suc-
norme est devenue progressivement un objectif. Il en est ainsi de cesseurs politiques de gérer les problèmes.

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